Étude originale

Évolution des systèmes de production de l'igname dans la zone soudano-guinéenne du Bénin

Anne B. Floquet1 2 Résumé Raphiou Maliki ˆ ` ´ 3 La culture de l’igname est le plus souvent conduite en tete de rotation apresdefriche de Rigobert C. Tossou jache`res arbore´es. La mise en culture de ces jache`res remet donc en cause la place de 2 Celestin Tokpa l’igname dans les assolements des producteurs. Depuis 20 ans, les chercheurs 1 Centre beninois pour l'environnement de´veloppent des solutions alternatives a` ces jache`res naturelles longues mais l’adoption et le developpement economique et social de celles-ci est lente. Pourtant les superficies cultive´es en igname ne cessent de croıˆtre. Afin (CEBEDES ONG) de comprendre les dynamiques paysannes d’adaptation des syste`mes de production de 02 BP 331 l’igname, une enqueˆte diagnostique a e´te´ conduite dans 10 villages au centre du Be´nin Cotonou  choisis pour repre´senter trois niveaux de disponibilite´ foncie`re, puis elle a e´te´ approfondie ` dans quatre d’entre eux. L’igname occupe une place encore importante dans les zones a disponibilite´ forestie`re e´leve´e, chez les autochtones poursuivant leur avance´e sur les 2 Inrab jache`res forestie`res comme chez les allochtones qui s’y sont installe´s. Dans les zones ou` ne 01 BP 01 884 subsistent plus ou tre`s peu de jache`res forestie`res, la production d’igname s’est fortement Cotonou Benin re´duite mais ne disparaıˆt pas, une partie de ces cultures e´tant installe´e dans des rotations derrie`re ce´re´ales servant de tuteur, apre`s culture ame´liorante ou apre`s parcage de bœufs. Dans les zones interme´diaires ou` l’igname constituait la principale source de revenus, il y a 3 Universite d'Abomey-Calavi deux a` trois de´cennies mais ou` les jache`res ont depuis peu disparu, on note la mise en Faculte des sciences agronomiques (FSA/ culture des bas-fonds, dont une partie est consacre´ea` l’igname. Finalement, suite a` ces UAC) adaptations, les varie´te´s pre´coces et a` deux re´coltes, adapte´es a` la transformation en 01 BP 526 igname pile´e, demeurent tre`s cultive´es malgre´ leurs exigences e´daphiques. La mise en Cotonou culture de bas-fonds et la culture des parcs a` be´tail constituent pour les producteurs des  Benin formes d’intensification endoge`nes. En revanche, les syste`mes faisant appel a` des plantes de couverture et les syste`mes agroforestiers pre´conise´s par la recherche agronomique ne sont pas adopte´sa` grande e´chelle. Les priorite´s des recherches devraient donc inte´grer l’analyse des pratiques paysannes actuelles d’intensification. Mots cle´s:agriculture durable ; agriculture itine´rante sur bruˆlis ; igname ; intensification e´conomique ; syste`me d’exploitation agricole. The`mes : productions ve´ge´tales ; syste`mes agraires. Abstract Dynamics of yam-based cropping systems in the Guineo-Sudanian savannahs in Benin Most yams are being cultivated after slash and burn of woody savannahs. As these zones are being turned into cultivated areas, the future of the yam is questioned. For the last 20 years, agronomists have been developing alternatives to long-term natural fallows but their adoption is still low. At the same time, areas cultivated in yam have been increasing. In order to understand actual dynamics in yam-based production systems, an exploratory study has been conducted in 10 villages of the central part of Benin, representing three levels of forest availability. Yam makes a high contribution to income in areas with high forest availability: new fields are opened by autochthonous producers as well as by new settlers. In areas with low or no forest availability, yam production has decreased but still exists, part of the fields being cultivated in a crop rotation or after livestock penning. In intermediate areas where yam was a major crop two or three decades ago, farmers cope

Pour citer cet article : Floquet AB, Maliki R, Tossou RC, Tokpa C, 2012. Évolution des systèmes de production de l'igname dans la zone soudano-guinéenne du Bénin. Cah Agric 21 : 427-37. doi : 10.1684/agr.2012.0597 doi: 10.1684/agr.2012.0597 Tirés à part : A.B. Floquet

Cah Agric, vol. 21, n8 6, novembre-de´ cembre 2012 427 with now low forest availability by bringing lowlands into use. These adjustments make it possible for producers to keep track of early varieties for yam fufu in spite of their high soil fertility requirements. Lowland cultivation and crop-livestock integration constitute alternative forms of intensification for producers. A sedentary system based on cover crops and agroforestry developed by researchers are not yet widely adopted. The focus of further research may have to be shifted to take farmers’ adjustments into account. Key words: farming systems; intensification; slash and burn agriculture; sustainable agriculture; yam. Subjects: farming systems; vegetal productions.

lus de 90 % de la production que celle des varie´te´s destine´es a` eˆtre boise´es occupent 5,2 % des superficies mondiale d’igname (Dioscorea pile´es. Cette e´volution de´ja` observe´e des communes de Dassa et Glazoue´,et P spp.) provient d’Afrique de dans les grands bassins de production 27,4 % de la commune de Bante´ au l’Ouest, plus particulie`rement des d’igname du Nord du Be´nin (Dumont, nord-ouest, tandis que les superficies zones de savanes guine´ennes et 1997 ; Vernier et Dossou, 2003) cultive´es (mosaı¨ques de cultures-jache`- soudaniennes. Quand les varie´te´s conduit a` des syste`mes de cultures res et plantations) occupent 57 % a` cultive´es sont adapte´es a` la consom- appauvris en termes qualitatifs et Dassa contre 14 % a` Bante` et Ouesse´. mation sous forme d’igname pile´e, la mone´taires. Selon les donne´es statistiques du culture de l’igname est tre`sre´mune´ra- Notre hypothe`se de travail est que ministe`re de l’Agriculture, de l’E´levage trice, comparable a` celle des cultures les paysans producteurs d’ignames et de la Peˆche, 9 % des superficies maraıˆche`res (Floquet et Mongbo, ont pu identifier et adopter des cultive´es dans ce de´partement seraient 2009). Ces ignames appartenant a` modes d’intensification de la culture affecte´es a` l’igname dont le rendement l’espe`ce Dioscorea rotundata sont de l’igname leur permettant de cultiver moyen oscille autour de dix tonnes a` traditionnellement cultive´es sur de´fri- des varie´te´sre´mune´ratrices en chan- l’hectare, sans grand changement che forestie`re et en teˆte de rotation du geant d’itine´raires techniques. Ceux-ci durant les dix dernie`res anne´es mais fait de leurs exigences e´daphiques. Au peuvent soit inte´grer les syste`mes avec un de´placement des zones de Be´nin, la production s’est accrue lors techniques propose´s par la recherche grande production des communes les des 30 dernie`res anne´es au meˆme incluant le´gumineuses herbace´es et plus anciennement peuple´es au sud rythme que les superficies qui sont arbustives qui obtiendraient des re´sul- (Dassa, Glazoue´) vers celles situe´es passe´es de 50 000 hectares en 1975 a` tats probants (Sodjadan et al., 2005 ; plus au nord-ouest (Ouesse et Bante`). 200 000 hectares en 2010 (FAOSTAT, Maliki et al., 2012), soit se baser sur A` l’inte´rieur d’une meˆme commune, les 2011). La production s’est de´place´e d’autres types d’innovations. Cette disponibilite´s foncie`res varient d’un des zones de´ja` de´foreste´es du Sud et hypothe`se sous-tend cette e´tude diag- arrondissement a` un autre du fait de du Nord-Ouest du pays vers les nostique dont l’objectif est d’appre´- leur enclavement. Notons enfin la re´serves forestie`res du Centre (Igue hender les dynamiques paysannes en pre´sence de trois foreˆts classe´es dont et al., 2000) mais celles-ci sont e´gale- cours dans les syste`mes de production les degre´s de protection varient face ment en cours de de´forestation rapide. d’igname et d’identifier de telles aux empie`tements des producteurs en Une the`se couramment avance´e adaptations. queˆte de terres forestie`res. est que, avec le de´frichement des L’e´tude a e´te´ conduite dans la re´gion Une transition s’ope`re entre agricul- dernie`res jache`res forestie`res, les soudano-guine´enne du Centre du ture itine´rante et agriculture perma- superficies cultive´es en igname vont Be´nin (de´partement des Collines) nente selon un gradient Nord-Ouest re´gresser du fait d’une demande comprise entre la latitude 78450 et Sud-Est. Le diagnostic s’est centre´ sur croissante en travail et d’une baisse 88400 Nord et la longitude 28200 et la place de l’igname dans ces situa- de rendement des ignames en syste`- 28350 Est (figure 1). Cette zone consti- tions contraste´es et sur les adaptations mes de culture se´dentarise´s (Diehl, tuait dans les anne´es 1980 un « grenier de ses techniques culturales en 1982 ; Asiedu et Sartie, 2010). Une a` igname » mais les disponibilite´s re´ponse a` la rare´faction des terres the`se alternative est que les produc- foncie`res y ont diminue´ rapidement de de´friche. teurs s’adaptent aux changements de du fait de l’accroissement naturel de la leur environnement en de´veloppant population et des mouvements d’immi- de nouveaux syste`mes de culture gration de producteurs venant de base´s sur des varie´te´s tardives de zones dense´ment peuple´es et appau- Approche D. rotondata ou sur des varie´te´sde vries. Cette zone a e´te´ retenue parce D. alata moins exigeantes en fertilite´. qu’elle abrite aujourd’hui des situations méthodologique La production de ces varie´te´s desti- agricoles aux disponibilite´s foncie`res ne´es a` la production de cossettes est contraste´es. Selon l’inventaire forestier L’e´tude a e´te´ conduite en deux temps, cependant bien moins re´mune´ratrice national de 2007, les foreˆts et savanes combinant un diagnostic rapide et une

428 Cah Agric, vol. 21, n8 6, novembre-de´ cembre 2012 enqueˆte aupre`s d’e´chantillons de pro- ducteurs et de parcelles cultive´es. 350000.000000 375000.000000 400000.000000 425000.000000 450000.000000 475000.000000 Le diagnostic rapide a e´te´ conduit de juillet a` aouˆt 2008 par une e´quipe interdisciplinaire de dix chercheurs. N

Sur la base des e´tudes ante´rieures .000000 .000000 et des connaissances de l’e´quipe de recherche sur la zone, 10 villages ont 975000 975000 e´te´ choisis en fonction de l’importance de leurs re´serves forestie`res pre´sentes et de leur diversite´ socioculturelle, plus particulie`rement de leurs ethnies .000000 .000000 et de l’anciennete´ des installations 950000 950000 (tableau 1). Dans chaque village, deux entretiens Djagbalo OUESSE de groupe avec des producteurs BANTE d’igname ont permis d’e´laborer des .000000 .000000

cartes du terroir a` dire d’acteurs, 925000 925000 indiquant les zones de production d’igname et de jache`res arbore´es Aklampa encore susceptibles d’eˆtre de´friche´es, de de´crire les principaux itine´raires .000000 .000000 techniques de la production d’igname, 900000 900000 d’en e´tablir le compte d’exploitation Mangoumi SAVE Boubou standard et de recenser les varie´te´s d’igname cultive´es aujourd’hui et 20 a` GLAZOUE Dani Katakou 25 ans plus toˆt. C’est ainsi que la .000000 .000000 gamme d’itine´raires techniques obser- 875000 875000 vables a e´te´ e´largie : en plus des itine´raires classiques « igname sur nou- DASSA velle de´friche forestie`re » et « igname

inte´gre´e dans une rotation sur champ .000000 .000000 cultive´ », les itine´raires innovants « igname cultive´e en bas-fonds » et 850000 850000 « igname sur ancien parc a` be´tail » ont Adjanoudoho e´te´ repe´re´s. ` Une typologie a dire d’acteurs des .000000 .000000 producteurs d’igname a e´te´ re´alise´e, selon la me´thode de Grandin (1988). 825000 825000 Cette me´thode socio-anthropologique PROJET CORUS FSA/UAC 840 8 se base sur la description par des SOURCE: CENATEL-BENIN/RGPH3 Km informateurs cle´s des situations d’indi- 350000.000000 375000.000000 400000.000000 425000.000000 450000.000000 475000.000000 vidus par rapport a` un the`me – ici la production d’igname – et sur leur Figure 1. Carte de localisation géographique des villages du département des Collines (Bénin) retenus pour comparaison les uns par rapport aux le diagnostic selon la disponibilité en terres par habitant agricole. autres. Cette description permet d’identifier les crite`res de classification Figure 1. Villages in the Collines province (Benin) selected for the diagnostic and their farmland availability. localement pertinents tout en affectant chaque producteur a` une cate´gorie. Les facteurs de diffe´renciation entre cate´gories de « gros » producteurs d’anacardiers-cultures annuelles, essai- 8 hectares par habitant) tandis que les d’igname spe´cialise´s et « petits » pro- mage de la population pour la cre´ation terroirs de dans Glazoue´ ducteurs ont pu eˆtre mis en e´vidence de nouveaux campements et villages, et Adjanoudoho dans Dassa sont (acce`sa` la main-d’œuvre et aux vagues de nouveaux arrivants, etc.). presque totalement de´foreste´savec ressources financie`res ayant comme Les hypothe`ses ont e´te´ alors reformu- des disponibilite´s foncie`res infe´rieu- effet la production pour le marche´ des le´es et 4 villages ont e´te´ retenus parmi res a` 4 hectares par habitant. Les varie´te´sa` deux re´coltes les plus les 10 pour repre´senter des situations quelques dizaines de producteurs exigeantes) ainsi que les changements contraste´es : Djagballo dans Bante` et d’igname de chaque village ont dans le temps entre la pe´riode ou` les Toui-Gare dans Ouesse` disposent de e´te´ recense´setune´chantillon de agriculteurs interroge´s (des adultes de jache`res forestie`res et de terres dis- 10 producteurs d’igname par village 40 a` 60 ans) e´taient jeunes et aujour- ponibles (respectivement supe´rieures ae´te´ tire´ ausortparstratedetaille d’hui (compe´tition entre plantations a` 8 hectares et comprises entre 4 et apre`s classement selon l’importance

Cah Agric, vol. 21, n8 6, novembre-de´ cembre 2012 429 Tableau 1. Matrice de sélection selon trois facteurs des villages retenus pour le diagnostic. Table 1. Matrix for the village selection in the exploratory survey, based on three criteria.

Facteur 1 : abondance des terres forestières susceptibles d'être mises en valeur

Abondantes, espaces Raréfaction des terres Espaces totalement disponibles pour de pour de nouvelles appropriés et forêts nouvelles installations installations presqu'inexistantes

Djagballo dans Bantè Aklampa dans Glazoue Magoumi dans Glazoue (Nagot)* (Mahi) (Idatcha) Installes depuis plusieurs gen erations Gbanlin dans Ouessè Odo Agbon /Tchetti Dani dans Savè (Mahi) dans Savalou (Ife) (Idatcha) Facteur 2 : anciennete de l'installation Katakou Toui-Gare dans Ouessè Adjanoudoho dans Dassa dans (Yom, Nagot) (Fon, Adja) Migrants Savè (Fon) recents Boubou dans Savè (Yom)

*En italique et entre parenthèses, le facteur 3 correspondant aux ethnies concernées.

de l’igname. Des enqueˆtes quantita- tives et les variantes ont e´te´ fusion- Itinéraires techniques tives ont e´te´ conduites de 2009 a` ne´es pour les analyses pre´sente´es 2010 aupre`s de ces producteurs ici. à igname dominants afin de re´pertorier leurs champs d’igname, leurs techniques culturales Dans la zone a` forte disponibilite´ et les varie´te´scultive´es. En paralle`le, foncie`re, l’itine´raire « igname sur de´fri- des mesures de rendement au champ Résultats che » consiste a` installer l’igname en ont e´te´ re´alise´es dans des champs teˆte de rotation sur de´friche forestie`re cultive´s selon les types d’itine´raires Les producteurs d’igname emblavent suivie le plus souvent du maı¨s, du techniques aprioriperformants : en moyenne 9,3 hectares (13,3 hecta- manioc et de l’arachide ou du nie´be´. l’itine´raire sur de´friche-bruˆlis de res dans Bante` et 6,5 hectares dans La dure´e moyenne du cycle de culture jache`re, l’itine´raire sur ancien parc Glazoue´). Les assolements sont diver- est de 3,6 ans a` Djagballo et 4,4 ans a` a` be´tail et des itine´raires base´ssur sifie´s(tableau 2) avec du maı¨s, du Toui-Gare contre 5,7 ans dans les les pratiques de cultures ame´lioran- manioc, d’autres ce´re´ales et le´gumi- villages a` plus faible disponibilite´ en tes de´veloppe´es par la recherche neuses ; l’anacardier occupe en terres. Les producteurs installent fre´- agronomique (jache`re annuelle a` moyenne 5 hectares chez les agricul- quemment des anacardiers sur la Mucuna utilis ou Aeschynomenene teurs des zones a` disponibilite´ parcelle, certains apre`s quatre a` cinq histrix et syste`me agroforestier a` foncie`re e´leve´e et 1 hectare a` Dassa ans, d’autres de`s la deuxie`me anne´eet Gliricidia sepium).Cesderniersne et Glazoue´. Les superficies moyennes cultivent des plantes annuelles jusqu’a` pouvant eˆtre observe´s en parcelles cultive´es en igname sont de l’ordre de fermeture du couvert de la plantation paysannesdanslesquatre villages 1 hectare par producteur (1,09 hec- d’anacardiers. retenus, des parcelles ont e´te´ rete- tare) mais varient selon les villages Dans l’itine´raire sur « vieux champ », nues dans des villages ou` ils ont et les cate´gories de producteurs. une alternance assez stricte entre e´te´ de´veloppe´setteste´s(Miniffi Quelle que soit la zone, la superficie le´gumineuse et ce´re´ale ou tubercule dans Dassa et Gome` dans Save`). en igname, qui de´pend elle-meˆme semble eˆtre maintenue. L’igname peut Au total, 63 champs ont pu eˆtre des capacite´s de financement et de eˆtre cultive´e tous les trois ans apre`s suivis et re´colte´s sur le cycle complet mobilisation de la main-d’œuvre, est le soja, arachide, nie´be´ ou voandzou de ve´ge´tation : 33 parcelles d’igname premier facteur diffe´renciant les cate´- ou tous les quatre ans sur une jache`re sur de´friche-bruˆlis, 12 derrie`re parc a` gories de producteurs d’igname. Les d’un an a` gramine´es suivie de be´tail et 18 derrie`re jache`re plante´e producteurs classe´s « gros » cultivateurs maı¨savecousanssorghopuisd’ara- (7 sur jache`re annuelle de A. histrix d’igname parviennent a` emblaver chideoudemanioc.Parfoisdu et 2 de M. utilis, 9 dans des syste`mes 1,97 hectare et a` produire 14 tonnes maı¨s est associe´ a` l’igname pour servir agroforestiers a` G. sepium de´ja` dont 6 pour la vente, les « moyens » de tuteur. e´tablis). Les diffe´rences entre rende- 1,18 hectare et les « petits » producteurs Dans les bas-fonds, on rencontre ments de ces diffe´rentes variantes de 0,61 hectare (production de 4 tonnes l’alternance riz-igname et leur associa- jache`re plante´e ne sont pas significa- dont 1,5 pour la vente). tion pendant quatre ans suivie d’une

430 Cah Agric, vol. 21, n8 6, novembre-de´ cembre 2012 Tableau 2. Assolement de l'exploitation moyenne des producteurs d'igname interrogés selon les villages. Table 2. Land use in an average yam-producing farm in the four villages investigated.

Exploitation moyenne Adjanoudoho Hlagba Toui-Gare Djagballo Total général

Igname 1,15 0,84 1,05 1,34 1,09

Manioc 0,75 0,07 0,41 2,39 0,90

Maïs 2,21 2,16 1,75 2,73 2,21

Riz 0,01 0,57 0,14 0,00 0,18

Sorgho et mil 0,32 0,20 0,23 0,16 0,23

Arachide 0,44 0,35 0,32 0,02 0,28

Soja 0,72 1,07 0,26 0,20 0,56

Nieb e 0,32 0,00 0,12 0,28 0,18

Goussi, tomate, piment et gombo 0,00 0,08 0,01 0,07 0,03

Anacardier 1,18 1,00 5,66 5,04 3,22

Autres cultures perennes 0,14 0,15 0,10 1,08 0,37

Total 7,24 6,49 10,03 13,31 9,26

Source : enquête conduite par C. Tokpa. jache`re. Sur les bas de pente moins vent sur des de´friches forestie`res et l’igname est devenue l’affaire de hydromorphes, les rotations et asso- 50 % des Mahi dans des bas-fonds, quelques spe´cialistes. Ce sont les ciations sont analogues a` celles des 55 % des Idaasha ont inte´gre´ l’igname agroe´leveurs peuhls qui sont devenus sols exonde´s, le tout souvent cultive´ sur de « vieux champs » ; les nouveaux de grands producteurs d’igname en sur de grosses buttes. immigrants venant des terres de´gra- installant leurs parcelles apre`s parcage Le « parcage de bœufs » est effectue´ de´es du Nord-Ouest (Lokpa, Yom, des bœufs (50 % des superficies en pendant deux a` trois anne´es afin de Foodo, Se´me´re´, Bariba, Ditamari) igname de l’e´chantillon interroge´). re´ge´ne´rer les champs e´puise´s, qui cultivent dans les bas-fonds et les Dans les villages a` disponibilite´ e´leve´e sont ensuite souvent laisse´s au repos « vieux champs » et 60 % des agroe´le- en terres fertiles (Djagballo dans Bante` pendant un an. Souvent, ces champs veurs peuhls sur des parcs a` be´tail. et Toui-Gare dans Oue´sse´), 60 a` 70 % sont difficiles a` remettre en culture car Le lien est statistiquement valide´ par des superficies cultive´es en igname le sol est tasse´ par le pie´tinement des test du x2 a` 5%. rele`vent de l’itine´raire sur de´friche- animaux mais il est enrichi par les Le poids relatif des itine´raires techni- bruˆlis et 20 % se situent dans des bas- fe`ces et riche en e´le´ments nutritifs ; ils ques varie selon la localite´ (figure 2). fonds. Moins de 20 % des superficies abriteront plusieurs cycles de culture Dans la zone a` forte densite´ de cultive´es en igname sont de « vieux successifs ou` l’igname sera en teˆte de population ou` les possibilite´sde champs ». Le classement selon le rotation. de´friche forestie`re sont faibles (Adja- niveau de prospe´rite´ are´ve´le´ que la Vingt pour-cent des producteurs sujets noudoho dans Dassa), l’igname de plupart des cultivateurs produisent de l’enqueˆte suivent exclusivement de´friche reste cultive´e sur de petites de l’igname pour l’autoconsommation l’itine´raire technique « igname sur jache`res de´grade´es (26 % des super- et la vente, les petits producteurs de´friche », 30 % combinent ces par- ficies d’igname). L’igname est aussi emblavant 0,5 a` 1 hectare. celles d’igname en teˆte de rotation inte´gre´e dans des rotations, mais Dans les zones interme´diaires, comme avec un itine´raire secondaire (champs seulement sur moins de 15 % des dans Magoumi (Glazoue´), les agricul- de bas-fond ou « vieux champs »), superficies, la taille de ces parcelles teurs aˆge´s d’aujourd’hui ont baˆti leur 22,5 % cultivent surtout l’igname dans e´tant en ge´ne´ral re´duite. Le classement prospe´rite´ sur l’igname lors de leur les bas-fonds, 20 % surtout sur les par niveau de prospe´rite´ de la phase installation dans les anne´es 1960 a` « vieux champs » et 7,5 % presqu’uni- exploratoire a mis en e´vidence que 1970 mais ont remplace´ partiellement quement sur des anciens parcs a` la plupart des anciens producteurs l’igname par l’anacardier et des acti- be´tail. Il y a un lien entre itine´raire d’igname se sont de´sengage´soune vite´s de diversification. Aujourd’hui, technique, ethnie et densite´ de popu- cultivent que 0,1 a` 0,2 hectare pour une majorite´ de petits producteurs lation. Plus de 60 % des Nagot culti- la consommation familiale, et que emblavent en moyenne 0,15 hectare,

Cah Agric, vol. 21, n8 6, novembre-de´ cembre 2012 431 forestie`re, la culture derrie`re parc a` 100 be´tail permet de doubler le rendement (25,9 t/ha contre 12,8 t/ha pour la 90 culture sur de´friche et 13,5 t/ha der- rie`re une jache`re plante´e ; diffe´rences 80 tre`s significatives statistiquement). 70 L’expansion de ce syste`me tre`s pro- ductif est cependant limite´e par la 60 disponibilite´ en de´jections des ani- maux d’autant que ces agroe´leveurs 50 sont de moins en moins enclins a` entrer dans des contrats de parcage 40 avec des agriculteurs. 30

20 Itinéraires techniques

Superficies cultivés en igname (%) et diversité variétale 10 En moyenne, 15 varie´te´s ont e´te´ 0 Djagballo Toui-Gare Magoumi Adjanoudoho Total général recense´es par village durant le diag- (Banté) (Ouesse) (Glazoué) (Dassa) nostic avec un maintien de varie´te´sa` deux re´coltes dans toutes les zones Gradients de disponibilités foncières (tableau 3). Les agriculteurs e´tudie´s Igname derrière parc à bétail Igname intégré dans une rotation de´tiennent en moyenne 4,8 varie´te´s, sur « vieux champ » soit 3,35 varie´te´sa` deux re´coltes, Dans les bas-fonds Sur défriche-brûlis 1,43 a` une re´colte et 0,63 D. alata. Cette diversite´ est significativement plus faible chez les agriculteurs culti- Figure 2. Superficies cultivées en igname selon l'itinéraire technique et la localité. vant l’igname sur « vieux champs » et dans des bas-fonds (4,00 et 4,33 varie´- Figure 2. Yam-based cropping system and location. te´s par producteur) et particulie`re- enquête de C. Tokpa. ment e´leve´e chez les e´leveurs cultivant l’igname derrie`re les zones de parcage des bœufs (6,67 contre 5,00 chez les pour la consommation familiale sur- au village ou transforme´ leur campe- producteurs sur de´friche-bruˆlis). Les tout. Certains de leurs fils exploitent ment en lieu d’habitation permanent. gros producteurs cultivent plus de les fronts pionniers re´siduels aux Alors qu’ils vieillissent et que leurs varie´te´sa` deux re´coltes et les petits confins du terroir, mettent en valeur fronts de de´friche s’e´loignent, producteurs se rabattent plus fre´- les bas-fonds (pour l’igname et le riz) l’igname est progressivement intro- quemment sur les varie´te´sa` une ou essaiment vers les zones de forte duite dans des rotations et sa part dans re´colte et sur D. alata, moins exi- disponibilite´ foncie`re sur des fronts de l’assolement diminue. C’est ainsi que geantes en terres fertiles et en travail de´friche a` plus de 10 km du village. dans l’e´chantillon, les agriculteurs culti- (figure 3). C’est pourquoi, dans l’e´chantillon, vant de « vieux champs » d’igname ont Une plus grande diversite´ est conser- 55 % des superficies d’igname enre- un aˆge moyen de 55 ans contre 43 ans ve´e pour les varie´te´spre´coces et a` gistre´es sont sur de´friche-bruˆlis et pour ceux cultivant en de´friche-bruˆlis deux re´coltes de l’espe`ce D. rotun- 30 % dans des bas-fonds. et emblavent en moyenne 0,74 contre data, particulie`rement appre´cie´es Dans toutes ces situations foncie`res, 1,17 hectare d’igname. pour la qualite´ de l’igname pile´eet l’igname « se´dentaire » cultive´e sur de Une nouvelle forme de se´dentarisa- leur prix plus e´leve´. Le pool varie´tal « vieux champs » et inte´gre´e dans une tion est observable chez les agroe´le- s’est modifie´ avec des abandons et des rotation reste marginale (15 % des veurs peuhls avec l’itine´raire « igname introductions (tableau 4). La mise en superficies cultive´es). Son e´mergence derrie`re parc a` be´tail » qui concerne culture des bas-fonds conside´re´s ante´- est lie´e au vieillissement des produc- 15 % des superficies cultive´es de rieurement comme des sites margi- teurs autant qu’a` l’indisponibilite´ en l’e´chantillon. Ces grands producteurs naux mais naturellement fertiles est jache`res sur le terroir. En effet, les e´mergents emblavent en moyenne facilite´e par la tole´rance a` l’humidite´ producteurs ayant des droits fonciers 1,93 hectare d’igname (contre de la varie´te´ « lamboko » qui est durables sur les terres qu’ils de´frichent 1,17 hectare chez les producteurs sur devenue la varie´te´ la plus cultive´e (83 % des cultivateurs interroge´s) s’y de´friche-bruˆlis). Les mesures de ren- de l’e´chantillon (14,5 % des superfi- sont installe´s souvent de´finitivement. dement sur l’e´chantillon de parcelles cies) malgre´ le couˆte´leve´ de ses Tout en progressant en pe´riphe´rie de ont e´tabli que si les plantes de semenceaux ; elle occupe 40 % des leur espace de culture, ils ont plante´ couverture permettent d’obtenir un superficies cultive´es dans le village de des anacardiers dans les champs rendement e´quivalent a` celui de la Glazoue´ ou` l’igname est le plus de´friche´s. Ils ont construit une maison culture sur de´friche-bruˆlis de jache`re souvent emblave´e dans des bas-fonds

432 Cah Agric, vol. 21, n8 6, novembre-de´ cembre 2012 Tableau 3. Diversité relative des variétés tardives et précoces d'igname Dioscorea rotundata dans les villages prospectés. Table 3. Relative diversity of the Dioscorea rotundata early and late varieties in the prospected villages.

Dioscorea rotundata (nombre de citations)

Zone Village Ethnie dominante Variétés précoces Variétés tardives % %

Djagbalo (Bantè) Nago 60 40

Zone forestière à front pionnier Boubou (Savè) Lokpa, Pila Pila 65 35 Gbanlin (Ouèssè) Mahi, Lokpa 80 20

Tchetti (Savalou) Ifè 94 6

Aklampa (Glazoue) Mahi 73 27 Zone à front pionnier en cours de saturation Toui-Gare (Ouessè) Nago 88 13

Katakou (Savè) Fon 67 33

Dani-centre (Savè) Idaatcha 80 20

Zone sans reserve forestière Magoumi (Glazoue) Idaatcha 94 6 Adjanoudoho (Dassa) Fon, Adja, Peuhl 80 20

(tableau 5). Certaines varie´te´s pre´co- inaptitude au stockage. Des varie´te´s varie´te´ Florido de l’espe`ce D. alata ces autrefois populaires (comme tardives, rustiques et a` bonnes aptitu- sont cultive´es partout et permettent « gangni ») sont de´laisse´es du fait de des de conservation regroupe´es sous d’e´taler les travaux et les pe´riodes de leurs exigences en sols fertiles et leur le nom de « kokoro »demeˆme que la disponibilite´ en igname. Elles occu- pent respectivement 13 et 12 % des superficies cultive´es. Les varie´te´s dis- parues sont remplace´es par des intro- 7,00 ductions d’autres re´gions. Pour ce qui est des quantite´s produites, les varie´te´s 6,00 tardives dominent mais en termes de contribution au revenu, les varie´te´s 5,00 pre´coces se maintiennent. Les varie´te´s a` deux re´coltes contribuent a` 75 % de 4,00 la valeur de la production totale de l’e´chantillon, dont 27 % pour la seule 3,00 varie´te´ « lamboko », alors que la pro- duction des « kokoro »et«alata » 2,00 atteint 11,7 et 10,9 % de la valeur totale.

Nombre de variétés d'igname 1,00

0,00 Dynamiques d'installation Gros Moyen Petit de l'igname dans l'espace Catégories de producteurs d'igname et dans le temps D. alata 1 récolte 2 récoltes On peut caracte´riser les processus d’installation de champs d’igname Figure 3. Nombres et types de variétés d'igname selon les catégories de producteurs. comme e´tant une combinaison d’une progression en aure´oles autour des Figure 3. Yam varieties and their types according to the producers' categories. lieux d’installation initiaux, d’essai- Source : enquête de C. Tokpa. mage de producteurs preˆts a` s’e´loigner

Cah Agric, vol. 21, n8 6, novembre-de´ cembre 2012 433 Tableau 4. Pool variétal et son évolution dans les villages prospectés. Table 4. Yam varieties and changes within the pool of investigated villages.

Nombre de variétés

Zones Villages Variétés détenues Variétés Variétés introduites actuellement abandonnées sur la décennie

Djagbalo 20 2 2

Zone forestière Boubou 17 1 4 Gbanlin 10 6 2

Tchetti 16 0 3

Aklampa 15 6 10 Zone partiellement saturee Toui Gare 15 3 2

Katakou 16 - 1

Dani 13 - 1

Zone saturee, sans forêt Magoumi 14 6 5 Adjanoudoho 10 - 4

- : non connu des villages et hameaux pour acce´der a` valeur dans ces mouvements de leurs fils cre´ent de nouveaux campe- des terres fertiles et abondantes mais conqueˆte de nouvelles terres. ments, e´loigne´s du lieu d’origine et enclave´es par ailleurs, et enfin d’une Sur l’espace d’un village, la coexis- proches des jache`res forestie`res, ou` se´dentarisation de la culture sur les tence d’itine´raires techniques varie´s le cycle recommence, tandis que la lieux d’installation de´finitive a` proxi- est lie´e au cycle de vie des producteurs plupart restent sur les sites existants mite´ des habitations par les agriculteurs (figure 5). Les producteurs aˆge´s, et diversifient leurs syste`mes d’exploi- vieillissants et les agroe´leveurs anciens grands producteurs d’igname tation en cultivant du riz et en (figure 4). Actuellement, des terres des anne´es 1980 a` 1990, tendent a` de´veloppant des activite´s d’e´levage, autrefois juge´es difficiles a` travailler pre´fe´rer l’igname se´dentaire a` proxi- d’artisanat et de commerce. Jusqu’au comme les bas-fonds sont mises en mite´ des habitations et certains de de´but des anne´es 1990, les nouveaux

Tableau 5. Principales variétés cultivées par les producteurs interrogés. Table 5. Main varieties cultivated by farmers surveyed.

Superficies cultivées %

Variétés Types d'igname En % parcelles Tous les villages Adjanoudoho Magoumi Toui-Gare Djagballo

Lamboko 2 recoltes 9,95 14,54 18,81 40,52 0,37 2,00 Allougan D. alata 13,09 13,24 2,09 15,61 24,12 11,19 Kokoro 1 recolte 12,57 11,74 6,50 8,00 19,30 12,57 Parakou 2 recoltes 5,24 5,90 0,00 5,42 0,00 17,75 Efuru 2 recoltes 4,19 5,57 21,74 0,00 0,37 0,00 Moroko 2 recoltes 3,66 5,08 19,51 0,00 0,66 0,00 Kodjèwe2r ecoltes 6,28 4,40 4,46 13,94 0,46 0,00 Fassare2r ecoltes 2,09 3,98 0,00 0,00 15,40 0,00 Agatou 2 recoltes 3,66 3,71 0,93 1,81 0,00 11,65 26 autres variet es 39,27 31,84 25,96 14,71 39,31 44,85

Source : enquête quantitative.

434 Cah Agric, vol. 21, n8 6, novembre-de´ cembre 2012 Zone forestière, essaimage et création de nouveaux campements, certains Zones à densité se transformant en hameaux faible et villages puis progression de population en auréole

Campement en zone de défriche Zones à densité intermédiaire

Zone en cours de saturation, essaimage et création de campements dans les dernières zones forestières Zones à forte densité de population Igname sur jachère résiduelle, igname É

changes commerciaux de bas-fond et igname Zone saturée, Village sédentarisée plus de jachère forestière dans les assolements sédentarisation à anacarde de l'igname

Agglomération consommant de l'igname

Figure 4. Modèle théorique simplifié de la dynamique spatiale des systèmes à base d'igname dans la zone de transition soudano-guinéenne du Bénin.

Figure 4. Simplified theoretical model of the spatial dynamic of yam-based cropping systems in the guinea transition zone of Benin. Source : A. Floquet. venus qui s’installaient dans un village les immigrants les plus re´cents, seuls ce qui re´duit la part de terres suscepti- pour la culture de l’igname (les 24 % cultivent sur de´friche-bruˆlis tandis bles d’eˆtre laisse´es au repos et d’abriter « allochtones ») se faisaient attribuer que la plupart des allochtones font une de l’igname selon l’itine´raire tech- des espaces de culture dans des zones culture se´dentarise´e d’igname qu’ils nique initial. arbore´es e´loigne´es des centres des pratiquent de´ja` dans leur localite´ Une hypothe`se initiale e´tait que la villages et y cre´aient des campements : d’origine : 38 % de ces producteurs disparition ou l’e´loignement des jache`- 37 % des superficies cultive´es en cultivent en bas-fonds et 38 % sur res allaient provoquer une re´gression igname le sont sur des champs attribue´s « vieux champs ». des superficies en igname. De fait, les aux « allochtones » de fac¸on durable et producteurs disposant de peu de main- transmissible. De nos jours, les cultures d’œuvre ou de moyens financiers pe´rennes leur sont en ge´ne´ral interdites Discussion maintiennent au plus une production pour empeˆcher toute velle´ite´ d’instal- d’autoconsommation de petite taille lation de´finitive et leurs droits d’usage Les superficies cultive´es en igname (0,1 a` 0,2 hectare) et pour beaucoup ils ne sont plus transmissibles d’une demeurent pour moitie´ lie´es a` des ont abandonne´.Ils’ave`re ne´anmoins ge´ne´ration a` l’autre : 17 % des champs de´frichements de foreˆts ou a` des que cette re´gression est ralentie par le d’igname ont des statuts fonciers tem- jache`res forestie`res mais il s’agit d’un maintien des cate´gories de produc- poraires. L’essaimage vers de nouvelles processus qui va s’e´teindre, d’autant teurs d’igname ayant des moyens terres semble toucher a` sa fin. Dans que la moitie´ des superficies cultive´es plus importants et par l’expansion notre e´chantillon, parmi les produc- est transforme´e en anacarderaie a` des zones de culture de l’igname teurs d’ethnies du Nord qui constituent Bante` et pre`s des deux tiers a` Ouesse`, vers les bas-fonds. A` Glazoue´ aussi,

Cah Agric, vol. 21, n8 6, novembre-de´ cembre 2012 435 Expansion des champs d'igname Installation de grands champs sur nouvelles terres avec appui des fils et saisonniers

Installation d'un fils : Raréfaction des zones travail dans les champs d'igname de défriche et départ à la des parents et des grands recherche de nouvelles producteurs et défriche terres en périphérie des propres parcelles ou hors terroir Installation d'un fils Éloignement des zones sur de vieilles terres : de défriche : réduction diversification des cultures des surfaces des champs annuelles et expansion des activités d'igname, expansion Défriche de terres génératrices de revenu des anacardiers Installation d'un jeune et part croissante non agricole sur les terres épuisées homme : travail dans les de l'igname dans Diversification des cultures champs d'igname des l'exploitation annuelles et part croissante parents et de grands des plantations d'anacarde producteurs et défriche désengagement des propres parcelles vis-à-vis de l'igname

Génération 1 Temps Génération 2

Figure 5. Évolution de la production d'igname des cultivateurs sur deux générations.

Figure 5. Yam production and the farmers' life cycle over two generations. Source : A. Floquet l’igname est aujourd’hui emblave´ea` ment de varie´te´sa` deux re´coltes des bas-fonds qui e´tait une pratique de 95 % par des producteurs grands et comme « lamboko ». En superficies et certains migrants a e´te´ adapte´e/adop- moyens pouvant acce´der a` des friches quantite´s commercialise´es, les igna- te´e par d’autres producteurs. Il reste a` forestie`res re´siduelles ou des bas- mes tardives destine´es aux cossettes observer si les pratiques d’inte´gration fonds. A` Adjanoudoho, les superficies ont pris de l’importance, mais en agriculture-e´levage des agroe´leveurs sont emblave´es a` 65 % par de grands termes de pre´fe´rences et de revenus, seront elles aussi adapte´es par producteurs comme les agroe´leveurs les varie´te´s pre´coces comme le « lam- d’autres producteurs. Les producteurs qui deviennent ainsi des spe´cialistes et boko » gardent la premie`re place, ce d’igname profitent de la diversite´ de´veloppent un itine´raire technique qui confirme les observations de´ja` varie´tale et de la plasticite´ de la culture particulie`rement performant graˆce a` faites par Zannou (2006). pour s’adapter a` de nouveaux envi- la fertilisation des parcs a` be´tail. Pour ronnements. Il semble que leurs les producteurs n’ayant pas acce`s adaptations me´riteraient une atten- aux bas-fonds ou trop vieux pour se tion de la recherche agronomique afin de´placer vers des terres fertiles e´loi- Conclusion de valoriser au mieux ces ressources gne´es, l’igname sur « vieux champs » limite´es que constituent les bas-fonds concerne de petites parcelles et contri- Les adaptations des producteurs, qui et les de´jections animales et de bue peu a` la production totale. sont aussi des formes d’intensification proposer de nouveaux syste`mes de Une autre hypothe`se initiale e´tait que de l’utilisation de l’espace, semblent culturedel’ignamealternatifsa` la l’appauvrissement progressif des sols pour l’instant eˆtre plus fre´quentes que de´friche forestie`re pour les bas-fonds incite les paysans a` abandonner les les syste`mes se´dentarise´sa` base de tout en jouant sur les perspectives varie´te´s pre´coces a` double re´colte, plantes ame´liorantes, malgre´ les per- d’inte´gration agriculture-e´levage. & plus exigeantes, au profit des varie´te´s formances de ceux-ci (Maliki et al., rustiques tardives de D. rotundata et 2012). La production d’igname se de D. alata destine´es surtout a` la concentre sur un nombre re´duit de production de cossettes. De ce diag- producteurs spe´cialistes ; de nouveaux Remerciements nostic, il ressort qu’un tel processus est grands producteurs apparaissent avec Nous remercions la Coope´ration franc¸aise observable mais qu’il est freine´ du fait les agroe´leveurs qui de´veloppent des pour son appui a` ces travaux par l’inter- des mises en valeur de bas-fonds, ce itine´raires techniques tre`s performants me´diaire du programme CORUS. qui permet le maintien dans l’assole- derrie`re parc a` be´tail. La mise en culture

436 Cah Agric, vol. 21, n8 6, novembre-de´ cembre 2012 Références Floquet A, Mongbo RL, 2009. Étude de référence Agroecosystems 92 : 9-19. doi: 10.1007/s10705- sur les ménages agricoles des communes de 011-9468-7. l'Atacora et de la Donga au Bénin. Cotonou : Le Asiedu R, Sartie A, 2010. Crops that feed the World Flamboyant. Sodjadan PK, Toukourou AM, Carsky RJ, Vernier P, 1. Yams. Yams for income and food security. Food 2005. Effets des précédentes plantes de couver- Security 2 : 305-15. Grandin BF, 1988. Wealth ranking in smallholder ture sur la production de l'igname en zone de communities. A field manual. London : ITDG. savane au Bénin et au Togo. African Journal of Root Diehl L, 1982. Smallholders farming systems with and Tuber Crops 6 : 34-40. yam in the Southern Guinea Savannah of Nigeria. Igue AM, Floquet A, Stahr K, 2000. Land use and Eschborn (Germany) : German agency for technical farming systems in Benin. In : Graef F, Lawrence P, Vernier P, Dossou RA, 2003. An example of cooperation (GTZ). Oppen M von, eds. Adapted farming inWest Africa : sedentarization of yam cultivation. The case of issues , potentials and perspectives. Stuttgart Kokoro varieties in the Republic of Benin. Agro- Dumont R, 1997. La production d'igname dans un (Germany) : Verlag Ulrich E. Grauer. nomy African 15 : 187-96. village bariba du Bénin septentrional. Cahiers de la Recherche-Développement 442 : 35-51. Maliki R, Toukourou M, Sinsin B, Vernier P, 2012. Zannou A, 2006. Socio-economic, agronomic and Productivity of yam-based systems with herba- molecular analysis of yam and cowpea diversity in FAOSTAT, 2011. Crop data (On-line: 2011-05-15) ceous legumes and short fallows in the Guinea- the Guinea-Sudan transition zone of Benin. PhD http://faostat.fao.org/site/567/default.aspx#ancor Sudan transition zone of Benin. Nutrient Cycling in Thesis, Wageningen University.

Cah Agric, vol. 21, n8 6, novembre-de´ cembre 2012 437