HISTOIRE DE CORNEILHAN DU MÊME AUTEUR

Les noms des rues dans la Commune de Corneilhan, 30 pages, hors-commerce, Béziers, 1976.

L'origine et les biens de la famille de Baderon de Maussac en Rouergue et en Bas-Languedoc, in « Hommage à J. Fabre de Morlhon, mélanges réunis et publiés par M. Jean-Denis Bergasse », Albi, 1978.

Histoire de l'Abbaye de Fontcaude et de ses bienfaiteurs, Préface de M. le Chanoine Giry. 200 pages, Albi, 1979.

Bientôt sous presse Monseigneur de Las Cases, évêque de Constantine (Algérie), sa vie et son œuvre (1818-1880), environ 200 pages.

En préparation

Histoire de Corneilhan, tome II.

Il a été tiré de cet ouvrage cent exemplaires numérotés de 1 à 50, formant l'édition de l'auteur, et de 51 à 100 formant l'édition de la municipalité de Corneilhan.

On peut se procurer le présent ouvrage à la Mairie de Corneilhan - Hérault. Henri BAR THÉS

HISTOIRE DE CORNEILHAN (Hérault)

TOME PREMIER L ',4ntiquité«, Sainte Céronne La Féodalité.

GROUPE ARCHÉOLOGIQUE LOCAL Résultats de la fouille d'un four de potier gallo-romain 1973 er 1974, inventaires divers par M. et Mme André AZAïS

Ce premier tome a été publié par la Commune de Corneilhan ARMES DE LA COMMUNAUTE DES HABITANTS DE CORNEILHAN

« d'or à trois corneilles de sable, becquées et membrées de gueules »

(D'Hozier, Armorial Général) NOTE DE MONSIEUR LE MAIRE DE CORNEILHAN

Mesdames, Messieurs, Chers Administrés et Compatriotes,

Le premier tome de l'« Histoire de Corneilhan » est entre vos mains. Personne, pensons-nous, ne blâmera la publication de cet ouvrage. D'autres communes ont peut-être une histoire plus illustre ou plus riche, il en est peu qui puissent se féliciter d'avoir à leur service un historien compétent, désintéressé et persévérant. Ainsi que l'auteur le dira dans les pages que nous allons lire, le passé d'une commune, est, lui aussi, une partie du patrimoine commun à tous les habitants. On ne néglige pas un bien communal, au contraire on le main- tient en état, on le fait fructifier afin qu'il puisse jouer tout à fait son rôle. C'est ce qu'a entendu faire la Municipalité de Corneilhan en avan- çant les frais de l'impression de ce présent livre. Chez nous, à Corneilhan, il sera le trait-d'union indispensable entre toutes les générations qui, depuis les temps les plus anciens et jusqu'à nous, ont vécu sur notre sol ; il sera le mémorial de leurs efforts. Au loin, et par ses qualités techniques, la précision des références, l'ampleur de son érudition, il sera notre digne ambassadeur. Il exprimera la modeste, mais non négligeable, contribution de Corneilhan, de ses habi- tants, de ses seigneurs, à l'Histoire de la . C'est assez pour souhaiter à I' « Histoire de Corneilhan » et à son auteur une belle carrière, dans l'attente impatiente de la publication du second tome, qui formera avec le présent un ensemble remarquable. Vive Corneilhan, Vive la France.

Le Maire, Robert BENOIT.

AI mitan de la piano e joust la vouto claro, I a, sus uno nautour, Courneilha qu'es quilhat. Es bel, mès del soulel lou trionflant esclat Lou fa pus bel encaro.

Per aqueli rimo, un pau pateto e maladrecho, acoumencè lou poueto courneilhanen Andrièu Chaussouy soun obro felibrenco, derroumpado per la malastrado Guerro de 1914. Nautre tambèn, voulen passa lou lindau d'aquesto istourietto de Cour- neilha dins la lengo dôu Mie jour. Lou bèu an de Diéu 1980 sera lou 150e anniversari de la neissenço de Frederi Mistral, « Lou bèu jour de Nostro Damo de Setembre ». Ei lou moumen de nous remembra que noste Courneilha fuguè lou brès de mai d'un felibre : Andrièu Chaussouy, lou DÓutour Leoupold Vabre, Majouràu dôu Felibige e Mege-Capoulié de l'Espitau de Besies ; Peire Bene- zech «eLou Gipié » e soun fiéu Emilo « Lou Manobro », cantaire populari di festo e di carnavàu. Per celebra dignamen aquèu anniversari mistralen, aven pensa pourgi i legèire de noste libre quauqui pouesio dis escoulan dou maianen. E de bèu premié, per « enlusi li noum que nous illustron », baiaren la letro de Frederi Mistral au Dôutour Vabre ; lausenjo d'un enfant de Cour- neilha, e de la lengo nostro, dins soun parla besieiren.

Maiano, lou 7 de Mai de 1909. « Galant Dôutour, Dôutour en Gaio Sciènci, aco's un titre que me plai de vous douna, en venent de legi « Lous Cants d'une Cigalo ». Fau veramen noste soulèu, lou soulèu qu'amaduro l'oulivo e lou rasin, per faire flameja dins lou cor d'un poueto l'amour e l'estrambord qu'apas- siounoun voste libre. E qu'es poulido nosto lengo dins aquèu parla de Besies, lou mai aparenta de noste dous parla dôu Rose ! Voudriéu proun vous remercia de tout l'ounour que m'aves fa dins lis oumage que rendès au vièi felibre de Maiano, mai semblarié, moun gra- maci, l'oubligado espressioun d'uno simple gratitudo. E ço que vous escrive, en foro de moun amistanço, es per lou plesi qu'ai de saluda en vous un di meiour Cantaire de nosto Reneissenço, un di pur Patrioto de la terro miejournalo, un di plus fièr e mai valent Chivalié de la Coumtesso. Galant Dôutour, iéu vous embrasse e benastrugue en Santo Estello. Fredri Mistral. »

Questo letro, estampado au lindàu de l'istori de Courneilha, sera lou simbèu de fidelta is ensegnamen dou Mestre de Maiano, e a la Causo sacrado de nosto vertadièro côuturo miejournalo. Courneilha lou bèu jour de Toussant de 1979. Henri BARTHES.

AVANT-PROPOS

Cette médiocre évocation de l'Histoire de Corneilhan est livrée au lecteur avec beaucoup de scrupules. La tradition littéraire de cette localité n'est pas sans grandeur, et l'auteur de ces pages se sait bien au-dessous du rôle d'historien, qu'il s'attribue sans droit ni titre (1). Cette modeste publication veut répondre à deux buts : D'abord restituer à Corneilhan ses archives dispersées et son passé méconnu. Personne ne contestera que ces richesses intellectuelles, voire spirituelles, font partie du patrimoine de la Communauté, au même titre et davantage que les chemins, les bâtiments publics, les édifices divers. C'est cette portion du patrimoine commun que nous avons voulu mettre à la portée de tous, afin que chacun pût y trouver les raisons de son attache- ment au sol natal, ou au village dans lequel il a choisi de vivre (2). Cet héritage est gravement menacé. Il est combattu par l'excessive uniformisation, la concentration abusive de la vie publique dans la Capitale ou les Capitales provinciales, les lacunes désolantes de l'enseignement officiel, l'abus des moyens de communication qui diffusent et imposent partout la même « culture - préconçue, médiocre, planifiée et programmée. A tout cela, dans notre Languedoc, il faut ajouter un véritable fléau : l' « Occitanisme ». Issu d'abord d'une querelle littéraire suscitée par des dissidents du Félibrige, le mouvement « occitan » est devenu un système, ayant sa mys- tique, son dogmatisme, son idéologie d'esprit primaire (3). Servie par des moyens publicitaires envahissants, inlassables, exclusifs des autres opinions, une faction prétend au monopole de la défense et illustration de la province. Au point de vue historique, on notera l'esprit de système, qui s'attache à démontrer par tous les moyens et tous les arti- fices, comment l' « » (4) depuis les Romains, et même avant, a toujours été conquise, opprimée, exploitée, livrée au génocide... (5) Evi- demment, ces peuples « occitans », si supérieurs à toute la planète (6), vont enfin appeler leurs libérateurs. Qui en douterait après une orchestra- tion aussi tapageuse et grossière, mais dont le grand public ignore les véritables ressorts (7) ? La publication de cette modeste monographie locale ne rendra point taisants les trublions du régionalisme, dont l'activité serait pourtant bien- faisante si elle était mieux dirigée et mieux employée (8). Mais il nous semble que l'on ne pourra combattre l'utopique, mythique et invivable « occitanie » que l'on propose si bruyamment, que par les armes de la réalité des faits de notre histoire, appuyées sur des références et des cri- tiques solides. C'est à quoi nous avons voulu nous employer, dans la me- sure de nos très faibles moyens.

Dans la rédaction de cet ouvrage, nous nous en sommes tenus à la conception la plus traditionnelle de l'Histoire Locale. On ne trouvera ici ni statistiques, ni chiffres, ni schémas, ni aucun accessoire de l'histoire quan- titative qui encombrent certaines monographies, masquant parfois l'insuf- fisance de la documentation. Nous nous sommes attachés à l'étude des familles, seigneuriales, féodales, roturières, et aux institutions qui les régi- rent : Seigneurie, Communauté ou Université des Habitants, et Paroisse. L'abondance des matières nous contraint à publier l'Histoire de Cor- neilhan en deux volumes. Le premier qui paraîtra en 1980, consacré à l'étude de l'Antiquité (Chapitre 1), de Ste Céronne (Chapitre 11), des Wisi- goths (Chapitre 111), de la famille féodale (Chapitre IV), des autres fiefs (Chapitre V), et des derniers seigneurs de Corneilhan (Chapitre VI). Le second tome paraîtra - si Dieu le veut - vers 1982. Il traitera des principales familles non-féodales (Chapitre VII), de l'Université des Habi- tants (Chapitre VIII), de la Commune de 1789 à 1914 (Chapitre IX), et de la Paroisse jusqu'en 1914 (Chapitre X). En illustration du chapitre premier, M. et Mme André Azais ont rédigé la publication des résultats de la fouille d'un four à tuiles gallo-romain du 1er siècle après J.-C. et l'inventaire de modestes collections conservées sur place. Ces témoins muets des anciens temps méritent, eux aussi, le plus grand intérêt.

PRINCIPALES SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE

Les archives de la Communauté d'Habitants et de la paroisse étaient conservées dans une armoire en fer placée dans I église (9). Ces archives étaient toujours en possession de la paroisse au siècle passé, lorsque M. Guéry les étudia longuement et prit des copies, authen- tifiées par le curé du moment (10). M. le Chanoine Tarbouriech les utilisa, ainsi que les notes de M. Guéry, pour écrire sa plaquette sur la paroisse de Corneilhan (11). Nous perdons trace des archives paroissiales après le départ de M. Tarbouriech, sauf quelques registres retrouvés, ici et là, sans grande valeur... Il fut donc nécessaire d'entreprendre des recherches pour combler le vide presque absolu. Nous commençâmes par le dépouillement des cartu- laires et des collections imprimées, puis par les dépôts d'archives les plus voisins (principalement les Archives Départementales de l'Hérault), puis enfin nous allâmes à Paris (Archives Nationales et Bibliothèque Nationale). Les archives privées nous furent d'un immense secours, sans elles, rien n'eût pu être entrepris, notamment pour l'étude des familles féodales. Les remerciements de l'auteur de cette compilation vont en premier lieu à Monsieur le Duc de Levis Mirepoix, de l'Académie Française, qui lui a permis de consulter les richissimes archives de la Maison de Thézan (12), conservées dans son château de Léran. Monsieur J. de Bouteville, châtelain de Fransart, a mis un comble à son amabilité, en nous adressant un très gros dossier tiré des archives du château de Fransart (Somme) (13), magnifiquement classées et inventoriées. Monsieur Chassin du Guerny, Archiviste à la Direction des Archives du Gard, nous a accordé de bienveillantes facilités pour la consultation du fonds Gleizes de Lablanque (14). Maître M. Viste, notaire de Murviel, nous a accordé la permission de consulter commodément les minutes d'André Pagés, notaire de Corneilhan de 1605 à 1625, d'abord déposées à Thézan, puis transférées à l'étude de Murviel. Nous l'en remercions très sincèrement. Nous présentons nos plus respectueux remerciements à Messieurs les Archivistes Départementaux et leurs adjoints, de l'Hérault, de l'Aude, de la Haute-Garonne, du Gard, pour leur extrême amabilité. Nous ne voulons point oublier Monsieur le Président de la Société Archéologique de Béziers, si attentif à nos demandes ; Monsieur Bergasse, de Cessenon, pour ses communications précieuses et ses conseils éclairés ; les familles Fraisse, Bonnet, Jonquet, Bouissy de Corneilhan qui ont accepté de nous prêter leurs archives de famille, et tous ceux qui nous ont aidé de leurs conseils ou gratifié de précieux renseignements. Toute notre reconnaissance à Monsieur le Directeur de l'Imprimerie de l'Orphelinat Saint-Jean, d'Albi, et à ses distingués collaborateurs, si patients à notre égard, et si habiles dans leur art. Enfin, exprimons notre plus vive reconnaissance aux municipalités suc- cessives de Corneilhan, présidées par M. Maximin Roques et M. Robert Benoit qui, tout au long des dix années que dura la recherche des docu- ments, ont manifesté un intérêt soutenu et bienveillant pour ce travail difficile. On devra au Conseil Municipal en fonctions en 1979 la publication du premier tome de cette « Histoire de Corneilhan », sans cette décision, l'ouvrage n'eût jamais été publié. Puisse cet exemple être suivi par de nombreuses Communes, afin d'unir par une œuvre durable les efforts de toutes les générations, passées et présentes, qui ont vécu et peiné sur notre sol. NOTES

(1) Corneilhan fut illustré par le Conseiller de Maussac, né en 1561, et son fils, né en 1598, à Corneilhan. Magistrats éminents à Toulouse et à Paris, Messieurs de Maussac acquirent une réputation littéraire méritée. Philippe- Jacques de Maussac, le fils, laissa une dizaine de très savants ouvrages sur les auteurs grecs, un traité de grammaire, et d'autres travaux. Helléniste réputé, il était correspondant des principaux Hommes de Lettres de son siècle. A la même famille appartint Félix de Baderon de Maussac, marquis de Thézan et Saint-Geniez, co-fondateur de la Société Archéologique de Béziers, propriétaire du Domaine de La Chartreuse à Corneilhan, lauréat de l'Aca- démie Française, pour sa traduction en vers français des élégies de Tibulle. Le Félibrige fut représenté à Corneilhan par trois disciples de Frédéric Mistral : Pierre Bénézech, dit « Lou Gipié », maître-maçon de son état ; le Docteur Léopold Vabre, correspondant assidu du Maître de Maillanne, et André Chaussouy, dont le talent si riche de promesses trouva une fin tra- gique au Front, en 1915. Corneilhan eut deux historiens : M. Elie Guéry (1830-1900) qui faillit écrire une Histoire de Corneilhan grâce à des documents à présent disparus, et avec un talent littéraire que nous sommes loin de posséder ; M. le Cha- noine Tarbouriech, ancien curé, mort quasi-centenaire, qui publia, avec de faibles moyens, trois notices sur Corneilhan et ses saints protecteurs, sainte Céronne et saint Léonce de Bordeaux. (2) Maurras disait : « ...L'amour de la patrie s'applique, plutôt qu'à la terre des Pères, aux Pères eux-mêmes, à leur sang, à leurs œuvres, à leur héritage moral et spirituel, plus encore que matériel... Ces trésors peuvent être menacés sans qu'une armée étrangère ait passé la frontière, sans que le territoire soit physiquement envahi ». . (3) Voir l'excellent ouvrage de M. Louis Bayle, Le procès de l 'Occita- nisme, Editions de l'Astrado Prouvençalo, Toulon, 1973. (4) Par ce mot, les « occitans » entendent tout le Midi de la France (Limousin, Gascogne, Languedoc, voire Catalogne, Provence, Rouergue). Ils fondent ces provinces historiques en un ensemble sans unité et sans points communs, ils imposent partout une langue artificielle élaborée à partir des archaïsmes des diverses langues d'Oc, sorte de « Langue de transition, pré- figurant les idiomes artificiels que certains ont entrepris de composer (Vo- lapuk, Espéranto »). (Henri Espieux, Histoire de l'Occitanie, Agen, 1970, p. 15). (5) Les historiens « occitans » relèvent un très obscur « déterminisme », grâce auquel on compare et on met en rapport la fin tragique de Vercingé- torix (sic), d'Alaric à Vouillé, Trencavel à Carcassonne, Pierre d °n à Muret, Montmorency à Toulouse, etc. (Henri Espieux, op. cit., p. 184). (6) Mme Renée Mussot-Goulard (Les Occitans, Albin Michel, 1978), ensei- gne (p. 35) que l'Homme de Cro-Magnon « occitan » était bien supérieur aux autres ; M. Espieux (op. cit., p. 24), invoque même... le groupe sanguin des braves gens du XXe siècle ! (7) M. René Nelli juge ainsi la position politique de certains groupus- cules occitans : « On dirait que le particularisme régional se montre d 'au- tant plus agressif sur le plan politique qu'il a moins à défendre sur le plan culturel ». (Histoire secrète du Languedoc, Privât, 1978, avant-propos). (8) On doit remarquer que les divers mouvements « occitans » déployent une activité dont certaines sociétés félibréennes, glorieuses et illustres, de- vraient s'inspirer... (9) E. Guéry, Notes pour servir à l'Histoire de Corneilhan. Philippe VI de Valois permit aux Consuls de disposer d'une armoire pour conserver leurs archives. En 1783, les consuls furent en mesure de faire opposer aux prétentions de Gleizes de Lablanque, seigneur de Corneilhan, une lettre- patente royale de 1341. (A.Nles, série E). (10) M. Elie Guéry, grand érudit, musicien, poète, félibre et vigneron, écrivit plusieurs mémoires demeurés manuscrits : — De la Seigneurie et Communauté de Corneilhan, 1860. Le plus impor- tant, avec copies. — Notes pour servir à l'Histoire de Corneilhan, vers 1870, sans intérêt majeur. — Notes sur Corneilhan et Louis Hébert, dossier produit pour Mgr de Cabrières. — La famille Baderon de Maussac et la Communauté d'Habitants. Les deux premiers manuscrits se trouvent aux Archives de la Société Archéologique de Béziers, le troisième à l'évêché de , le qua- trième aux Archives du Château de l'Hermitage. (11) Abbé Tarbouriech, Notice sur Corneilhan, 90 pages, Montpellier, 1938. M. l'Abbé (puis Chanoine Tarbouriech), cite des documents ignorés par M. Guéry. (12) Depuis la mort de M. le Marquis de Thézan-Saint Geniez, en 1943, le fonds des Archives de la branche de Thézan-Saint Geniez, conservé du vi- vant de M. le Marquis au château de l'Hermitage, a été réuni au fonds de Thézan déjà déposé au château de Léran, et contenant les archives des au- tres branches de cette illustre Maison. (13) Fonds des familles de Lathenay, Hébert, du Plessier, du Bois. La dé- couverte de ce fonds d'archives a été faite par nous, d'une manière quasi miraculeuse. Son propriétaire nous a comblé de bienfaits... qu'il en soit amplement remercié. (14) Papiers des familles Amiel, de Barrès, Gleizes de Lablanque, ver- sés aux Archives du Gard (Série 9-J) à la suite du décès du dernier Gleizes de Lablanque, Conseiller à la Cour de Nîmes.

PRINCIPALES SOURCES ET ABREVIATIONS UTILISEES

a) IMPRIMES

Otto Hirschelfd, Corpus Inscriptionum Latinarum, tome XII. (Abréviation : C.I.L.). Dom Devic, Dom Vaissette, Histoire générale de Languedoc, Edition Privât, Toulouse, 1872. Les références au tome VII visent la 2e partie dudit tome consacrée aux Enquêtes de 1247-1265). (Abréviation : H.G.L.). Abbé Julien Rouquette, Le Livre Noir ou Cartulaire du Chapitre Saint- Nazaire de Béziers. Imprimé en partie par l'auteur lui-même, 1913. (Abréviation : L.N.). Mme Odile Terrin, Cartulaire du Chapitre Saint-Etienne d', Nîmes, 1969. Publication de la Société de l'Histoire du Droit. (Abréviation : C.A.). Bulletins de la Société Archéologique de Béziers. (Abréviation : B.S.A.B.). b) MANUSCRITS Archives Nationales. (Abréviation : A.Nles). Principaux fonds examinés : Série J, JJ (Trésor des Chartes), X (Parlement de Paris), E (Conseil d'Etat), etc. Archives Départementales. (Abréviation : A.DIes). - Hérault : toutes séries, passim. - Gard : Série 9-J, fonds Gleizes de Lablanque. - Aude : Série G, Clergé séculier ; H, clergé régulier. - Haute-Garonne : Série B (Parlement de Toulouse et Eaux et Forêts), Série C (Etats de Languedoc et Table des Offices), Série H (Clergé régulier et Ordre de Malte). - Bouches-du-Rhône : Série H (Ordre de Malte). Archives Municipales. (Abréviation : A.Mles). - Corneilhan : épaves provenant d'archives paroissiales dispersées, fragments sans suite. Registres paroissiaux, 1652 à 1879. Archives mo- dernes, 1830. - Béziers : visites pastorales des évêques de Béziers, 1605 à 1789. Registres paroissiaux Saint-Nazaire, Sainte-Madeleine, Saint-Félix, Compoix. Bibliothèque Nationale. (Abréviation : B.Nle). Fonds Doat et collection des Bénédictins, divers manuscrits latins et français. — Cabinet des Titres (Abréviation : Cab. titres). Bibliothèques Municipales. (Abréviation : B.Mle). - Carcassonne : inventaire de la Sénéchaussée de Carcassonne : Ms n° 117. - Narbonne : inventaire des Titres du Chapitre Saint-Just ; inventaire des Actes des Archevêques ; inventaire de la mense abbatiale de N.D. de Fontfroide. c) ARCHIVES PRIVEES Château de Leran. Fonds Thézan-Saint Geniez, Fonds Thézan-, Fonds Baderon de Maussac. Pas d'abréviation. Château de Fransart (Somme). Fonds Lathenay, Hébert, du Plessier. Pas d'abréviation. Archives Bergasse, Cessenon. Communications privées. Archives des familles Fraisse, Bonnet, Bouissy (Jonquet), de Corneilhan. Minutes d'André Pagès, Notaire de Corneilhan (1605 à 1629). Maître Viste, Notaire de Murviel.. Archives de la paroisse de Corneilhan. Un seul registre de la Fabrique, de 1862 à 1925.. .. Archives de l'évêché de Montpellier. Dossier constitué pour 1 autorisation du culte de sainte Céronne, 1896. Visites pastorales, xix, siècle. Cette énumération est très partielle, les sources seront indiquées scru- puleusement en leurs lieu et place. CHAPITRE PREMIER

L'ANTIQUITE ROMAINE

Le territoire qui relève aujourd'hui de la Commune de Corneilhan s'étend à égale distance des fleuves côtiers l'Orb et le Libron, et à mi- chemin entre les premiers contreforts des Cévennes et la Mer Méditer- ranée. L'actuelle agglomération de Corneilhan se trouve à six kilomètres au nord de Béziers. La superficie de la Commune est de 1 500 hectares. Le terroir est composé d'une partie plane, ancienne étendue du lit de l'Orb, et de collines aux pentes parfois abruptes qui séparent le bassin de l'Orb de celui du Libron. Le village actuel est édifié sur un mamelon en forme de pain de sucre qui surplombe la plaine de l'Orb. L'altitude maxi- mum est de 120 mètres, le minimum de 62 mètres. Si l'assiette de la ville de Béziers a été - à juste titre - jugée admirable, on devra observer aussi combien celle de Corneilhan est agréable. Qui reste insensible au panorama que l'on découvre, en arrivant de Béziers en haut de la côte du « Mouilhou " ? La fierté de l'allure de Corneilhan se déta- chant du bleu des Cévennes n'est-elle pas émouvante ? Rien n'échappe à t'œit. depuis la terrasse de l'église : Réals, le cours de l'Orb assagi, les lieux voisins de Murviel, Causses, Cazouls, , Thézan, Lignan, même Ensérune et la tour de . Le site revêtit au cours des siècles une importance stratégique considérable, si bien qu'il était proverbe à Béziers que la ville ne craignait rien tant que Corneilhan tenait bon (1). Le terroir semble avoir été habité depuis les temps les plus reculés. On a pu retrouver, en divers points du territoire des vestiges, fort mo- destes, des temps préhistoriques. Quelques silex éclatés, servant de grat- toirs, plusieurs pierres polies pouvant remplir l'office de haches rudimen- taires, trois pierres travaillées en forme de haches, dont l'usage pouvait être religieux, magique ou incantatoire, témoignent de l'activité de ces très lointains habitants (2). Le premier âge du fer (ou époque de Hallstatt), vit déferler dans nos régions les « Hommes des Champs d'Urnes », peut-être des Celtes, dont les savants archéologues disent qu'ils arrivèrent en quatre vagues succes- sives depuis le début du premier millénaire avant Jésus-Christ, jusque vers le milieu de ce même millénaire. On ne saurait attribuer avec sûreté à ces hommes les quelques rares tessons de poterie assez grossière trouvés ici et là à Corneilhan, aucune nécropole, aucune trace indiscutable de leur passage n'est visible (3). Seul, un moule de hache en bronze, découvert près du domaine de Pradines (4), pourrait être rapproché des dépôts et cachettes de fondeurs de bronze, dont les plus proches se trouvent à Cazouls et à Mus (5). Il s'agit d'un moule de hache à douille cylindrique, portant des gravures géométriques et nervures en relief (6). Le deuxième âge du fer n'a laissé ici aucune trace. Il fut caractérisé par l'épanouissement des villes, les relations qui s'établirent avec la civi- lisation grecque, et les nouvelles migrations des Volsques qui établirent leur domination sur la contrée (7). En l'an 219 - ou 218 - avant Jésus-Christ, Hannibal à la tête de ses troupes traversa notre région pour tenter de prendre les Romains à revers. Il composa avec les Volsques, certaines tribus acceptant de le laisser passer à prix d'or, d'autres, au contraire, plus sensibles aux arguments du Sénat Romain, tentant de lui résister. Les témoignages laissés par les civilisations pré-romaines à Cor- neilhan sont donc presque négligeables. Les armées et les colons romains apporteront ici une civilisation jusque là inexistante. « Tu regere populos imperio, Romane Memento » *. La puissance de Rome ayant eu raison des cités rivales de l'Italie puis des Empires de l'Orient, faillit s'incliner devant la rivalité et la résistance de Carthage. Le passage d'Hannibal en Gaule fut une occasion pour le Sénat Romain d'apprécier l'importance stratégique des peuples qui contrôlaient le pas- sage de l'Espagne au Rhône. Hannibal vaincu, des rapports commerciaux furent établis, surtout avec Marseille, et scellés par une alliance qui per- mit en 154 une intervention romaine dans le but de délivrer Nice et Antibes des Ligures (8). En 125, Marseille, à nouveau menacée par les Celtes et les Ligures, fait encore appel aux Romains. Ceux-ci n'ont aucun but philanthropique ou généreux. C. Grachus, tribun en 124, a besoin de terres pour donner corps aux réformes qu'il entend imposer afin de mettre fin à la crise qui ravage la République romaine finissante. M. Fulvius Flaccus à la tête d'une armée passe les Alpes, guerroie en Provence, délivre Marseille de ses voisins et fonde Aix (Aquae Sextiae) en 122. Domitius Aenobarbus lui succède à la tête des légions, défait les Arvernes près de Bollène, porte la guerre à l'ouest du Rhône jusqu'à Nar- bonne où il fonde une première colonie romaine, en 118 ou 117 avant J.-C. Repoussant les Rutènes au-delà des Cévennes, il poursuit sur leur propre terrain les Volsques Tectosages et installe une garnison à Toulouse (9). L'organisation de la province de Narbonnaise sera tributaire des résis- tances des indigènes vaincus et de la politique romaine. En 106, les Volsques Tectosages surprennent la garnison de Toulouse

* Virgile, Enéide. qui, faite prisonnière, est délivrée par le Consul Servilius Caepio. L'année suivante, le même consul est battu à Orange par les Cimbres qui déferlent sur le Languedoc. Rome envoit Marius en Narbonnaise, qui reprend en mains la situation, et instaure un calme relatif à partir de 102 ou 101 avant J.-C. Mais, vers les années 80, les indigènes s'insurgent à nouveau et me- nacent Narbonne. Pompée, partant guerroyer en Espagne, doit se frayer un passage, les armes à la main. Il remporte la victoire sur les Allobroges en 77 et laisse le propréteur Fontélus achever de soumettre des révoltés. Fontéius bat les Volsques et accueille en 74 à Narbonne, Pompée de retour d'Espagne. Si l'on en croit Cicéron (10), Fontéius se montra tout aussi compétent dans l'art de favoriser le commerce au profit de Rome que dans l'art des armes. Il ne lésinait point quant aux moyens à employer, l'arbitraire, la concussion, le trafic, ce qui lui valut d'être cité devant le Sénat. Lassés des batailles, les indigènes adoptent enfin l'ordre romain, et pour assurer leur défense ont recours au droit de leurs vainqueurs. Il revint à César d'être le véritable organisateur de la conquête, sur- tout par la promotion des indigènes qui, nécessairement, devaient plier leur énergie devant l'ordre et la civilisation romains, infiniment supérieurs. Pour ce faire, il fallait instaurer un cadre juridique et administratif qui, tout en attribuant des terres aux colons romains, assurerait l'encadrement des indigènes et leur assimilation. C'est par la fondation de « colonies » que cette difficulté fut résolue. On attribue avec certitude à César la fondation de la deuxième colonie de Narbonne (Colonia Julia Paterna Claudia Narbo Martius), et d'Arles (Arelatensium Sextanorum). Ces colonies étaient déli- mitées grossièrement par l'étendue des anciennes « cités - Volsques, et érigées autour d'une de leurs villes. Les diverses indications épigraphiques et les écrits des historiens ro- mains (11), attestent que les vétérans de la VII, légion furent les bénéfi- ciaires de la fondation de la colonie romaine de Béziers. Le nom préromain « Baeterrae » fut conservé : Sept(imani) Baeterr(enses), ou dans Pline « Colonia Baeterrae Septimanorum ». La VII* légion fut reconstituée par Octave-Auguste avec les vétérans de l'ancienne VII, légion de César. Elle participa à la guerre de Modène. En 36, Octave dota de terres ses anciens compagnons d'armes en Sicile, et en 35, Il envoya en Gaule les plus vieux soldats de cette légion (12). C'est l'époque probable de la fondation de la colonie romaine de Béziers, dont les habitants, selon la coutume, furent inscrits dans l'une des an- ciennes tribus romaines, la Pupinia (13). Les vétérans de la Vit' légion reçurent chacun une certaine étendue de terre, qu'ils devaient mettre en valeur, et faire cultiver. On sait que les terres ainsi assignées, constituant un « fundus », pri- rent en général le nom du premier titulaire et le conservèrent par la suite (14). L'examen des noms de lieux-dits du territoire de Corneilhan laisse penser que cinq colons ont pu s'y établir : CORNEILHAN. (Cornelianum, 975), tiré du gentilice Cornelius. COLIGNAN (15). (Colinhanum, 1480 ; Colignanum, 1204), tiré du cognomen Colinius. PEILHAN. (Peilho, 1600 ; Pellano, 1270 ; Piliano, 900), tiré du cognomen Pelius ou Pelicius. MEJAN (16). (Podium Mejanum, 1204), tiré du cognomen Maius. SAUMIROU, déformation de SAMILHAC (17). (Samiliaco, 1480), tiré du cognomen Salmius. Mme Monique Clavel,, dans l'ouvrage maintes fois cité sur l'Antiquité à Béziers, n'a cité que Corneilhan et Peilhan ; elle avance ensuite le nom de La Malliague comme dérivant du cognomen Mallius. Il ne nous semble pas possible de souscrire à cette hypothèse. Le nom de ce lieu-dit n'appa- raît qu'au cadastre de 1829, on ne connaît aucune forme ancienne, contrai- rement aux autres patronymes ; et M. Guéry (18) explique ce nom par l'une des variétés de cerises cultivées à Corneilhan, dite « Molliague », d'après des souvenirs personnels datant des années 1850. Outre les noms de lieux tirés des « gentilice » et « cognomen » des colons, les différents terroirs ont reçu, dès cette époque, les noms qu'ils portent encore, et qui tirent leur origine de motifs fort variés.

D'après la nature du sol ALÊNE (au cadastre de 1829; ruisseau de l'Alène, As Arenas, 1480; Las Arenas, 1292). Racine : Arena (sable, terrain sablonneux) (19). ARGELIERS (compoix de 1723 ; Alz Argelies, 1480 ; Argilium, 1323). Racine : Argilla - Argilosus (argile, terrain argileux) (20). PRELONG (Pratlounc, 1600 ; Pratlong, 1480 ; Pratum Longum, 1204). Disposition particulière des terrains. LAVAL (21) (Laval, 1600; Laval, 1480; La Val, 1204). Racine : Vallus (le vallon). MONTELS (22) (Montels, 1600; Monteils, 1270; Montillis, 1186; Montl- lius, 972). Racine : Mons, et diminutif Montillus (petite colline). MOUILHOU (Le), connu seulement en 1829 au cadastre. Racine : Moles (amas, monceau), diminutif Mollunus (23). CABARNEL (24) (Carbarnyal, XVi° siècle). Racine : Cavare (creuser) (25).

D'après les cours ou les points d'eau LES TANES (l'Estanyol, 1600 ; Stagniolo, XVI* siècle). Racine : Stagnum (étang, eau stagnante). PECH DE LA FONT (Pueg de la Foun, 1600). Racines : Podium (colline) et Fons (source). RIU (26) (Riù, 1723 ; AI Rieù, 1480 ; Ad Rium, 1323 ; Rivum^ 1204). Racine : Rivus (petit ruisseau, ruisseau, rivage, point d'eau). SAGNES (27) (Saignes, 1600; Sanies, XVI' siècle; Sannis, 1191). Racine : Sanies (liquide boueux ou épais). D'après les activités agricoles, la végétation AUBARÈDES (Albarède, 1600 ; Albareda, 1323). Racine possible (sous réserves) : bas-latin Albareta, corruption de Arboretum (bosquet, petit bois). BORDE (La) (Laborde, 1600; Bordaria, 1157). Racine : Boaria (étable à bœufs). CABRIÈRES (Cabreria, 1480; Cabriera, 1323; Capraria, 1204). Racine : Capra (les chèvres). CANTARRANES (Cantarranes, 1600). Racine possible (sous toutes réserves) : rana (la grenouille, lieu peu- plé de grenouilles croassantes ?). CANTAUSSELS (28) (Cantausselas, 1480). Racine possible (mêmes réserves que ci-dessus) : Aucellus (oiselet). CARRIERASSE (cadastre de 1829 ; aucune forme ancienne connue). Racine possible (très incertaine) : Carrus (char), Carra (route parcou- rue par les chars). CASTELLE (La) (cadastre de 1829). Racine possible : Castellum (forteresse ?). COMBE MAGRE (29), alias COMBE GRASSE (Combegrasse, 1600; Comba- grasse, 1480; Comba Grassa, 1323; Comba Grassa, 1162). Constatation de la fertilité du lieu. FENASSE (La) (La fenasse, 1600; La Fenassa, 1323; Fenaclam, 1204). Racine : Fenum (foin), Fenicisia (fenaison). FONTOULEN FONDOULETTE (alias COMBEDOULETTE) (Valdoulette, 1292). Racine : Fons (fontaine), Oléa (huile). Lieu probablement apte à produire des olives, complanté d'oliviers. GINESTIÈRE (La Ginestière, 1600). Racine : Genista (genêts). Lieu complanté de genêts. LES HORTS (Ortz vieilhs de San Serny, 1480). Racine : Hortus (jardin, terrains clos). LA JASSE (nom moderne). Racine (sous toutes réserves) : Jacere (faire étendre le bétail, étable, bergerie). PECH AURY (prononciation Pechore) (Pech Horré, 1723 ; Pech Orre, 1480 ; Pueg Hore, 1323). Racines : Podium (colline) et Horreum (grenier). ROUET (Rouet, 1600; Roet, 1480; Rovetum, 1204; Rovet, 1186). Racine : Robur (chêne rouvre). Lieu complanté de chênes. LA TEULARIÉ (La Teùlarié, 1600) (30). Racine : Tegula (tuile), Tegularius (artisan fabriquant des tuiles). LIVIERE (nom moderne ?). Racine possible : Liviae Ara (autel consacré à Livie, femme d'Auguste). JOURES (alias JOURRES) (Joares, 1600; Joras, 1480). Racine : Jovis Ara (autel de Jupiter). Lieu de culte païen consacré à Jupiter (31). BANJOULIÈRE (corruption de VALJOURIÈRE) (Valjurieyras, 1480). Racine : comme ci-dessus, Jovis Ara, précédée de Vallus. M. Guéry explique ce vocable par : c Vallée de l'Autel de Jupiter » (32). CAMP REDON (Camp Redon, 1600). En l'absence de toute forme ancienne connue, l'on peut imaginer plusieurs hypothèses (33) : 1° Campus rotondus (champ rond) : à exclure si l'on considère la topographie de Camp Redon, au milieu de la plaine, et non délimité circulairement par un ruisseau ou une colline. 2° Campus Retondeus (de Retondeo, qui peut être fauché deux fois) : 3° Campus redemptus (champ concédé à ferme puis repris, racheté). La seconde explication nous paraît la plus correcte. CRUVEILHE (cadastre 1829 ; aucune forme ancienne). Peut être rapproché d'un vocable expliqué à Boussagues, par M. Duch : Cruvesine = Cura vicinae, soit une recommandation, « prenez garde à vos voisins ». Ici, nous imaginons peut-être : Cura Vigilae, « attention aux veilleurs, aux surveillants ».

La toponymie n'est pas, tant s'en faut, le seul vestige de l'occupation et de la mise en valeur des terres par les colons romains. Mme Clavel (34) étudie longuement les vestiges de la cadastration ou division des terres et des parcelles, que la topographie peut encore révéler, notamment par la photographie aérienne et l'examen des cadastres. Les terres, sur une aire vaste, à la mesure de la Cité de Béziers, apparaissent divisées selon les lignes parallèles et perpendiculaires, nord-sud et est-ouest. Il est diffi- cile, sur le terroir de Corneilhan, de reconnaître cette centuriation. Très partiellement, et seulement pour la plaine qui s'étend entre les collines de Mazassy, de Corneilhan, de Cabarnel et d'Astiès, on peut discerner ces grandes limites est-ouest, marquées grossièrement par des chemins dits « de la Plaine ». Aucune trace de ce genre ne peut être distinguée pour les terrains plus accidentés de Jourres, du Pech de la Fon et autres tènements sis plus à l'est ou au nord. Les communications de Corneilhan vers Béziers et vers le nord étaient principalement assurées par la voie de Béziers à Lacaune. Cette voie, d'après M. Miquel (35), passait par Corneilhan, Lugné, Ceps, La Trivalle, Mons et, par les gorges d'Héric, traversait le massif du Car- roux (36). J. Sahuc (37) la fait passer par Corneilhan et le Poujol, mais tra- verser le Carroux par les mêmes gorges d'Héric. Les traces laissées par cette voie sur le territoire de Corneilhan ne sont pas nettement discernables. Deux hypothèses peuvent être retenues. Si, selon l'opinion de Miquel, la voie passait de Corneilhan vers Lugné et Ceps, elle devait emprunter le défilé de Réals et donc passait dans la plaine entre Corneilhan et l'Orb. On peut l'identifier avec l'ancien chemin de Murviel qui passe près de Montaury (commune de Lignan, non loin de l'actuel Mazassy), dessert le domaine d' (ancienne villa gallo-ro- maine) et se prolonge vers Réals sur les communes de Murviel et de Thézan. Le tracé grossièrement rectiligne de ce chemin, aujourd'hui peu fréquenté, convient à une ancienne voie romaine. Au contraire, si l'opinion de Sahuc prévaut, le passage par Corneilhan vers Le Poujol sera à l'est de l'actuelle agglomération. Dans ce cas, on peut identifier à la voie romaine l'ancienne route de Bédarieux à Béziers qui, au-delà de Corneilhan, passe par , Affaniès sur la commune de , et poursuit vers le nord. A noter que deux chemins de Corneilhan, dès le XII, siècle sont dénommés respectivement « chemin de Faugères », et « chemin de Villemagne » ; ils aboutissent tous deux à cette route, dont le tracé, à peu près rectiligne, convient lui aussi. Outre les voies desservant Béziers, l'aqueduc alimentant la ville en eau potable traversait le terroir de Corneilhan. Il n'a laissé que quelques vestiges : le plus important est une bouche ou regard de visite, non loin du domaine de Pradines. Il suivait un tracé assez semblable à celui de la voie de Béziers vers Lacaune, et collectait les sources de Laurens, , et , dont il acheminait l'eau par Magalas, Puimlsson et Corneilhan (38).

Les données de la toponymie et de l'archéologie permettent-elles de dresser un tableau complet de notre terroir sous l'Empire Romain ? En partie seulement, car les vestiges archéologiques découverts à la faveur de travaux jusqu'à ces dernières années ont été le plus souvent négligés et à nouveau enfouis. D'autres, hélas ! sont allés grossir des collections privées, éloignées et inaccessibles, au plus grand dommage de l'intérêt des habitants du lieu. Toutefois, l'emplacement des principales « villae » peut être déterminé. CORNEILHAN Le site revêt une importance stratégique indubitable, et peut avoir été tenu militairement par des peuplades antérieures à la conquête. Il n'est pas impossible qu'une garde militaire y ait été installée par les premiers occupants romains. Toutefois, à l'époque de la « Pax Romana », l'activité étant orientée vers la mise en valeur de la terre, la villa était devenue de fort grande importance, comportant le logis du colon, les dépendances, bâtiments annexes... La disposition des lieux nous conduit à penser que la principale villa, celle du « fundus » qui prit le nom de Cornelius, pouvait se trouver à l'actuel lieu-dit « Saint-Sernin ». Le vocable chrétien s'étant imposé posté- rieurement. En ce lieu, en effet, fort proche de la colline de Corneilhan, furent trouvés, vers 1960, de très importants vestiges d'habitation, tessons de poteries ,dolia, fibules. Quelques-uns de ces vestiges ont été conservés à Corneilhan (39), mais les plus intéressants ont été emportés on ne sait où, et s'ils font cruellement défaut ici, ils n'ont point été perdus pour tout le monde... Lorsque les premières invasions, les désordres du Bas-Empire, eurent imposé à nouveau au maître de la villa d'assurer militairement la défense de ses gens, on peut imaginer qu'un « castrum » fut établi au sommet de la colline toute proche, première ébauche du Corneilhan actuel (40). COLIGNAN Rien ne subsiste de cette villa gallo-romaine, sinon des tessons de poteries, amphores ou tuiles, de part et d'autre de l'actuelle route de Béziers, au lieu-dit « le Mouilhou ». En l'absence de textes faisant état de la persistance de l'habitat jusqu'au Moyen Age, on peut déduire des noms de lieux voisins l'évolution de cette villa. « Font-Castelle », tènement très voisin semble indiquer l'existence de fortifications, le « Mouilhou (« Mol- lonus »), évoque peut-être l'amas de ruines qui, subsistant longtemps, mar- qua l'emplacement de Colignan (41). PEILHAN L'emplacement présumé de la villa gallo-romaine de Peilhan est actuel- lement marqué par la chapelle de Notre-Dame-des-Neiges entourée de deux cyprès, qui s'élève au nord de Corneilhan, non loin de la route de Pailhès. Le vocable de Notre-Dame-des-Neiges est récent et n'apparaît qu'à la fin du XVIIIe siècle (42). Peilhan fut habité jusqu'au XIV* siècle, l'église primi- tive de Peilhan, sous le vocable de Saint-Geniès d'Arles, contenait un autel daté par M. Noguier, du Ville ou IX" siècle (43) ; elle était totalement ruinée à la fin du XVI, siècle. Des sondages effectués auprès de l'actuelle cha- pelle ont révélé une assise de mur orienté nord-sud, et des tessons de poterie, tegulae et amphores. Il faut noter que la chapelle actuelle, édifiée en 1801 (44) sur les ruines de l'ancienne église Saint-Genies de Peilhan, est voisine d'une source, intermittente de nos jours, mais jadis plus abon- dante, connue dans les compoix sous le nom de « Foun de Peilho ". Ce lieu de culte a pu succéder à l'autel d'une divinité antique. SAMILHAC (alias Saumirou) Aucune trace archéologique ne peut être discernée au lieu-dit « Sau- mirou », qui s'étend au sud-ouest de l'agglomération, près du chemin de Carrelet. MEJEAN (Pech Méjan jusqu'au XVI* siècle, aujourd'hui Pech d'Auque) Aucun vestige n'est imputable à une villa gallo-romaine (45). Ces domaines, constitués au moment de la colonisation, ont eu un sort assez divers : certains semblent avoir disparu très tôt et ne livrent que des vestiges toponymiques ; d'autres ont été longtemps habités, et n'ont été ruinés qu'aux XIVe ou XV* siècles. Les objets trouvés à l'occasion de travaux de terrassement, et qui ont été conservés à Corneilhan, sont en nombre assez réduit. De la villa de Saint-Sernin, nous conservons des fragments de dolium avec brisures réparées au plomb, tegulae avec marques de tacherons, deux fibules, une broche et un anneau en bronze. La plupart des découvertes faites lors du percement de la route de Corneilhan à Thézan ont été em- portées dans une collection privée. Plus important est le mobilier retiré du four à tuiles découvert en 1970 et qui est conservé sur piace (46). Il s'agit généralement de poterie gros- sière, utilitaire et sans ornementation. Trois tessons d'amphores donnent l'estampille de l'artisan qui travaillait ici (47). D'autres objets furent reti- rés dans le passé de diverses terres voisines de Rouet, ils ont été perdus... Non loin de l'assise du four, et en de nombreux lieux-dits, principale- ment auprès des villae de Colignan et Peilhan ont été trouvés de nombreux fragments de poterie importée de La Grauffesenque, tessons informes mais dont le décor révèle un art consommé. Une certaine quantité de tessons de poteries plus grossières et d'une ornementation moins raffinée est à remarquer. E. Bonnet (48) suppose que cette abondance de débris à Cor- neilhan, révèle un centre de fabrication. On doit déplorer que les appa- reils modernes de cultures viticoles brisent irrémédiablement et réduisent en poudre les moindres tessons que les labours profonds amènent à la surface du sol. Diverses estampilles d'artisans ont été découvertes. Sur des tessons de poterie de La Grauffesenque : « CENICIO » et « VOTORNI (us) » (49). Sur diverses pièces, la compilation du « Corpus Inscriptionum Latina- rum », a noté les estampilles suivantes (50, découvertes à Corneilhan : « OPI.FIRM - (51) « . ATEI » (52) « AVDACI » (53) « /E..MIL » (54) « CNA - (55) « V/tRI » (56) Nous ne connaissons que quelques rares pièces de monnaie. La plus ancienne est d'Antonnin le Pieux (IIe siècle après J.-C.) ; sont représentés Magnence, Constantin, Claude le Gothique (57)... Les noms de lieux, les vestiges extraits du sol, nous révèlent quelle tut l'activité de ces lointains ancêtres ; agriculteurs, éleveurs, colons ro- mains et anciens soldats voisinaient probablement avec des descendants des peuplades soumises, largement assimilées et devenus enfants de Rome par l'adoption. Ces existences anonymes et sans histoires tout au long des siècles où régna la Pax Romana, sont dominées de très haut par les opulentes familles de la Cité de Béziers. La « Civitas » ne se bornait pas seulement à la ville chef-lieu elle- même, mais était une véritable circonscription administrative. L'administra- ton en était confiée à deux institutions politiques imitées de celles de Rome. Le Sénat Municipal ou Curie, dont les membres constituaient une no- blesse locale, et qui assurait principalement la répartition et le recouvre- ment des impôts, et deux magistrats élus pour une année à l'imitation des Consuls, les « duumvirs », chargés de la menue justice et de l'adminis- tration quotidienne. Au IV. siècle, ils furent assistés du « defensor civi- tatis » chargé de dénoncer les abus de l'administration, et placés sous la tutelle d'un fonctionnaire impérial « curator reipublicae » (58). A côté de ce corps de magistrats et de « curiales » existaient les divers corps religieux, non moins importants, chargés d'organiser les cultes de la cité et le culte impérial. L'oligarchie locale, d'après la liste des « gentilices » serait surtout formée de familles installées sur le territoire depuis la fondation de Béziers et dotées de terres aux environs. Les liens de ces magistrats et de ces prêtres avec leurs domaines paraissent étroits (59). Tel ou tel d'entre eux y réside une partie de l'année, voire parfois y élit sépulture. Il ne fait aucun doute que la plupart des familles de colons romains s'est perpétuée sur place, la correspondance entre les noms des lieux de la Cité de Béziers et les « gentilice » ou les « cognomen » révélés par les découvertes épigraphiques biterroises semble exclure le pur hasard (60). C est ainsi que nous pouvons rapprocher du terroir de Corneilhan, la famille, la « gens », des Cornelii, assez bien connue par les inscriptions romaines de Béziers (61). Cornelius est l'un des gentilices les plus célèbres de Rome, néanmoins, gardons-nous de voir à Béziers les parents des illustres personnages qui le portèrent... sinon par l'adoption. On constate seulement que, la VII. légion chargée de la fondation de la colonie de Béziers, servit sous Jules César. Or, celui-ci a plusieurs fois cité les noms de ses officiers supérieurs ; il convient d'observer que quelques noms se retrouvent à Béziers : Q. Atius Varus, C. Caninius Rebilius, M. Junius Silanus... et L. CORNELIUS BALBUS (62). On peut penser que des anciens soldats, devenus colons, prirent le gentilice soit de César lui-même, soit des légats ou officiers sous les ordres desquels ils avaient combattu, entendant ainsi en perpétuer le sou- venir (63). Les Inscriptions latines de Béziers nous renseignent sur divers per- sonnages de la « gens » : quatre femmes et cinq hommes. CORNELIA TERTULLA CORNELIAE TERTULLAE FLAMINICAE VI Inscription découverte sur le mur d'une maison près de l'ancien évê- ché de Béziers (64). Datée du 1er siècle après J.-C., cette inscription concerne Cornelia Tertulla, Flaminique de la colonie. A partir du règne de Tibère, le culte de l'Empereur est complété par celui de l'Impératrice, desservi par des femmes, les flaminiques. On connaît six prêtresses du culte des Impé- ratrices à Béziers. Le recrutement se faisait parmi les citoyennes de la bourgeoisie municipale, elles devaient être élues par les décurions. CORNELIA T (ertulla ?) a b A RBITR CORN EILAE.T Deux fragments d'un autel du l'r siècle, conservés dans le musée de Béziers (65). Cette inscription fragmentaire concerne peut-être la même Cornelia Tertulla.

CORNELIA INSTANTA SIBI ET CORNELlAE.1I TAE VXORI E T OFILIO F.L. SUCCESSO FILIO . EX. TESTAMENTO FIER i iVUSSEN Fragments d'une table en marbre noir du 11, siècle, découverte aux « anciennes prisons » de Béziers (66). Cette inscription est ainsi interprétée par M. Noguier (67) : « SIBI ET CORNELIAE INSTANTAE UXORI ET LUCIO OFFILIO LUCII FILIO SUCCESSO FILIO EX TESTAMENTO FiERI JUSSIT ». Le cognomen Instanta et le prénom Successus se rencontrent fréquem- ment. Le sens des lettres E, N (dans le dernier mot de l'inscription iVSSEN) est inconnu.

CORNELIA SECUNDA a b CORNE IIa secum DA.SIBI.ET P.VMIDIO O.vIRO.ET P.VMIDIO NO. FILIO Deux fragments d'une même inscription du I" siècle, découverte aux anciens remparts de Béziers (68). Sabatier publie successivement ces deux inscriptions sans faire le rapport entre elles (69), qui a été établi par L. Noguier (70) : « Inscriptions moitié sur une pierre, moitié sur une autre, mais qui faisaient corps et appartenaient au même monument ». CORNELIUS GENIALIS M. COR.GE. NIALIS . M.S.V. Autel détérioré trouvé à Béziers aux anciennes prisons, Ier siècle (71). L. Noguier interprête ainsi cette inscription : « MARCO. CORNELIO. GENIALIS. MERITO. SOLVIT. VOTUM. » (72) Marcus Cornelius Genialis, en élevant l'autel à telle divinité, a accom- pli son vœu. On sait que la pratique du vœu, promesse d'élever un autel, un temple à un dieu en échange de tel ou tel bienfait était fort courante dans l'Antiquité.

CORNELIUS BLASTUS (alias BLASIUS) CORNELIUS NIGER CORNELIUS SYBULLANUS L. CORNELIO BLAStO llllll. VIRO AVGVST. c. V.I.B. ET m CORNELIO NIGRO C. CORNELIO SYBVLLANO (73)

Sabatier donne de cette inscription une lecture légèrement différente : L. CORNELIO BLASIO lllill. VIRO AVGVST. F.V.I.B. ET MARCO CORNEUO NIGRO C. CORNELIO SYBVLLANO. qu'il interprète ainsi : . LUCIO CORNELIO BLASIO, SEXTUMVIRO AUGUSTA LI FELICIS URBIS JULICE B/tTERRCEE, ET MARCO CORNELIO NIGRO, CAIO CORNELIO SYBULLANO. » (74).

Cornelius Blasius apparaît ici comme l'un des « Sevires », collège de six prêtres attachés au culte de l'Empereur, spécialement d'Auguste. Ce culte impérial était célébré avec grande magnificence à Béziers, les magnifiques têtes d'Empereurs retrouvées dans le sous-sol et la statue, célèbre et énigmatique, de « Pépézuc » (75) l'attestent. Le collège des « sévires », c'est-à-dire littéralement des six hommes, était élu par les décurions dans la meilleure aristocratie locale. Cette semi-magistrature était une charge enviée. CORNELIUS FUSCUS V. F. C. COR. FV CVS. ET. V. SEVE ra (76) La lecture de Sabatier est légèrement différente (77) : C. COR. FV VS. ET. - VST - VE Cette inscription, sur une pierre brisée sur tous ses côtés, trouvée aux anciens remparts, révèle le nom de Cornelius Fuscus, et d'après le Corpus Inscriptionum latinarum, de Sévéra, peut-être son épouse ? Cette épitaphe est celle d'un homme apparemment sans importance, pourtant ce nom même de Cornelius Fuscus, l'époque de cette inscription, 1er siècle après J.-C., la position géographique de la colonie de Béziers, permettent de formuler une hypothèse, bien fragile il est vrai, sur la car- rière de ce Cornelius Fuscus. Le règne de Néron, dernier empereur de la famille Julio-Claudienne, se transformait de jour en jour en une suite de monstruosités. Un réflexe de protestation contre les fantaisies de ce « mauvais empereur et piètre joueur de lyre », fut à l'origine d'un soulè- vement de plusieurs provinces, et notamment, de la Gaule. Julius Vindex, légat de Gaule en résidence à Lyon, proteste et se révolte. Sa rebellion vise Néron lui-même et non l'Empire, c'est même le salut de l'Empire qu'il vise, prenant pour but le salut de la romanité qu'il faut libérer du joug d'un tel tyran. Mais Vindex n'avait point de troupes à sa disposition, n'étant point chef de guerre. La sanction des légions pour déposer l'Em- pereur étant indispensable, Vindex eut recours à son collègue de Tarra- connaise, Sulpicius Galba. Vieillard déclinant, il a plus de soixante-douze ans, il accepte de tenter l'aventure en prenant à Carthagène, le 2 avril 68, le titre de « Legatus Senatus populique romani » et refusant l'obéissance à Néron. Autour de Vindex et de Galba se rassemblent, si l'on en croit l'his- torien juif Josèphe, « l'élite de la population - (78), et quelques chefs, le légat Salvius Otho, de Lusitanie à qui Néron avait enlevé sa femme, et le questeur de Bétique, Alenus Caecina (79). C'est à propos de ce ralliement à Galba, que Tacite (80) cite Cornelius Fuscus. D'abord il avait, par amour du repos, dépouillé la dignité sénato- riale, mais s'était prononcé pour Galba avec sa colonie et, en échange, il fut nommé procurateur : « Tempus Flavianus Pannoniam, Pompeius Silvanus Delmatiam tenebant, divites senes ; sed procurator aderat Cornelius Fuscus, vigens setate, claris natalibus. Prima juventa quaestus cupidine senatorium ordinem exuerat ; idem pro Galba dux colonise suae eaque opera procurationem adeptus, sus- ceptis Vespasiani partibus, acerrimam bello facem preatulit : non tam prae mils perlculorum quam ipsis periculis lœtus, procertis et olim partis nova, ambigua, ancipitia malebat ». On a cherché à établir quelle était la colonie que Cornelius Fuscus avait fait pencher en faveur de Galba contre Néron. La question demeure pour l'heure insoluble (81). L'historien anglais R. Syme, qui avait d'abord songé à citer la colonie de Pompéi, est revenu sur la question et, avec une grande prudence, a proposé d'abord Vienne, Cordoue ou Aquilée, puis a conclu qu'il convenait que la colonie de Cornelius Fuscus fût une ville de la Narbonnaise, située sur la route de l'Espagne. Il suggère alors Béziers, Narbonne, Arles ou Fréjus, mais remarque qu'un Cornelius Fuscus est connu par une inscription de Béziers. Certes, ce fut un homme sans qua- lité - du moins connue par l'inscription - mais la coïncidence est bien troublante... Si cette hypothèse - qui n'est ni plus ni moins fondée que les autres - devait être retenue, sous toutes les réserves, elle serait la seule mention d'un sénateur romain biterrois, et la seule trace de la politique de la co- lonie au moment de la grande crise des années 68 après J.-C. (82). A ces témoignages épigraphiques, grâce auxquels nous connaissons les « Cornelii » de la Cité romaine de Béziers, il convient d'ajouter deux ins- criptions funéraires figurant sur une même pierre, découverte au domaine de Mazassy, près de Corneilhan. Ces inscriptions sont d'une Importance certaine pour l'histoire régionale, mais comme l'on est certain que le mo- nument a été déplacé, et que l'une des deux inscriptions est totalement étrangère à Corneilhan et à la Cité de Béziers, il faudra émettre quelques réserves sur l'origine de la seconde de ces inscriptions.

Première Inscription L. TERENTIO POTITO. FIL. AGEN ti annos XXVII. DECVRIONI. C olonia CLAVD. LUTEVA. Q. II VIR. D. L. TERENTIO. PO tito. (83) Emile Bonnet donne cette lecture : « L. TERENTIUS POTITO FILIO AGENTE ANNOS XXVII DECURIONI COLONIA (ou Civitate) CLAUDIA LUTEVA. QUESTORII DUUMVIRO DESIGNATO », qu'il traduit ainsi : « Lucius Terentius Potitus, dans sa 27' année, décurion dans la colonie Claudia Luteva (Lodève), questeur Duumvir désigné, à Lucius, Terentius Poti- tus - (84). Les lettres de cette inscription sur marbre blanc ont environ 6 centimètres de haut, elles ont été incrustées de plomb. L'inscription est d'une importance considérable pour l'histoire de la ville de Lodève (85), elle cite deux magistrats de la Cité, au 10' siècle après J.-C. Deuxième inscription, à l'avers de la précédente D. VIVENTI. M. TITVLVM OVI VIXIT ANNOS XLV MESIS V. DIES XXVIII. LIBER RElIOVIT PILIATUM COIVS PIENTISSIMA FECIT MEMORIA QVATVOR. FILIORVM MATER. (86) M. Louis Noguier (87), à qui M. Lagarrigue, propriétaire de Mazassy, confia cette pierre, a lu ainsi : « DIIS VIVENTI MANIBUS. TITULUM QUI VIXIT ANNOS XLV MENSIS V. DIES XXVIII. LIBERTUM RELIQUIT PILIATUM. COIUS PIENTISSIMA FECIT MEMORIA QUATUORUM FILIORUM MATER ». Et il donne cette traduction : « Aux Dieux Mânes tombeau de Viventus qui vécut 45 ans, 5 mois et 28 jours. Il a laissé un affranchi. Sa tendre épouse mère de quatre enfants (lui a élevé ce tombeau) ». Au-dessus de l'inscription proprement dite se trouve une « ascia », dessin rudimentaire au trait représentant une pelle. Les imperfections de la calligraphie ne permettent pas de l'attribuer à une époque plus ancienne que le IV. siècle. Antérieurement, on n'aurait pas ainsi utilisé pour un mort vulgaire la pierre tombale d'un magistrat éminent. Cette même raison nous conduit à penser que cette pierre tombale a été apportée à Cor- neilhan avant de servir à nouveau. En effet, eût-on permis à Lodève d'uti- liser la pierre d'un magistrat, même au Bas-Empire ? Toutefois, si ce Vi- ventus et sa famille vivaient à Corneilhan au IV. siècle, Il n'en a rien été précisé sur son épitaphe. Sommes-nous en présence d'une inscription paléo-chrétienne ? Contre cette interprétation, on relèvera la mention « Diis Manibus », chère au paganisme, mais qui était d'une utilisation si fréquente et si dévaluée qu'on n'y attribuait qu'une valeur très relative. M. de Rossi a cité de nombreuses inscriptions chrétiennes où figuraient les lettres rituelles Il D. M. ». L'ascia est un indice du caractère chrétien de l'inscription. Seuls à cette époque, en général, les chrétiens ensevelissaient leurs morts, la représentation de pelles de fossoyeurs se trouve sur plusieurs tombeaux romains, signe connu des seuls initiés des communautés chrétiennes, et précautions contre les suspicions des païens. M. Noguier conclut que cette inscription de l'énigmatique Viventus retrouvée à Mazassy peut être chrétienne, et appartiendrait à une époque où se mêlaient les différents symboles, et où les inscriptions chrétiennes, encore vagues, ne se trahissaient souvent que par des représentations symboliques gravées à la pointe ou peintes sur les tombeaux (88).

NOTES

(1) Rapporté par M. le Chanoine Tarbouriech, Notice sur Corneilhan. (2) Trouvailles de M. René Scbe, de Corneilhan. (3) Découvertes de M. René Sèbe, de Corneilhan. (4) Trouvaille de M. Joseph Aranda, de Corneilhan. (5) Monique Clavel, Béziers et son territoire dans l'Antiquité, Paris, 1970, p. 75. (6) Moule de hache en bronze. Raymond Ros, Bulletin de la Société Archéologique de Béziers, série IV, vol. 30, avec planches. (7) M. Clavel, op. cit., pp. 93-135. (8) Ibid., p. 145. (9) On a parfois vu dans les mystérieuses « tours », près de Causses et Veyran, les vestiges du trophée de Domitius, élevé après sa victoire sur les Volsques. (M. Clavel, op. cit., p. 150). (10) Cicéron, Pro Fonteio, passim. (11) Corpus Inscriptionum Latinarum, Hirschefd, XII, n° 4227. Pompo- nius Mêla. de Chronographia, II, 5 ; Pline l'Ancien, III, 36. (12) Dion Cassius, XLIX, 14. M. Clavel, op. cit., p. 167. (13) Ibid., p. 167. Achevé d'imprimer le 30 janvier 1980 sur les presses A.P.O.S.J. 10 rue Flottes, Albi Dépôt légal : 1er trimestre 1980

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