SUR LES TRACES DU PASSE RECENT

par Albert DATTLER LA BELLE HISTOIRE D’ARVEYRES

Si dans les années 1970-1980 Le lecteur voudra bien excuser Deyber qui m’a appelé ce samedi notre région a vu se dérouler de mon introduction qui m’a semblée matin pour m’informer qu’un foyer nombreuses fêtes de Jumelage en- nécessaire, car combien de fois la rural du Sud-ouest, je n’avais pas tre des bourgs des Landes et des question m’a été posée : saisi le nom de la localité, voulait communes sundgauviennes, ces « Comment Arveyres et Feldbach nous visiter dans l’après-midi. cérémonies de souvenirs s’inscri- se sont-ils trouvés ? ». Or ce samedi 23 août Mlle vent dans l’Histoire. Eh bien ; notre histoire est tou- Gault, institutrice à Feldbach se En effet, quand en septembre te différente ; Feldbach heureuse- mariait, réservant la salle du Foyer 1939 la déclare la guerre à ment n’a pas connu les affres de Rural qui de ce fait n’était pas dis- l’Allemagne, le gouvernement l’évacuation en 1939. Aucune ponible. Alors en toute hâte nous français, pour des raisons de sécu- contrainte n’ayant sévi, c’est en avons programmé une réception rité, décide l’évacuation des habi- toute liberté qu’elle a vu le jour ; le pour le soir au Restaurant du Che- tants des villages situés dans la zo- fait d’avoir nommé lors de sa fon- val Blanc. Et voici que entre-temps ne longeant le Rhin sur une dizaine dation notre association en 1966 dans l’après midi un autocar imma- de kilomètres de profondeur, zone Foyer Rural et non Foyer Club ou triculé 33 s’arrête au centre de no- fortifiée par la ligne Maginot. Pas Maison des Jeunes, titres en vogue tre village : les Arveyrais débar- moins de 120 communes du dépar- à l’époque en est la cause. quent ; un match de basket signe tement du Haut-Rhin concernant En effet, Arveyres a aussi son l’entrée en matières… les cantons de Huningue, Sierentz, Foyer Rural et c’est au retour d’un Le soir, grand rassemblement Habsheim, Ferrette totalisant voyage en Autriche que ses mem- au restaurant. Etaient représentés : 49.000 personnes furent ainsi éva- bres ont eu l’idée d’entrer en le conseil municipal, les pompiers, cuées. contact avec un foyer frère du la chorale Sainte-Cécile sous la Ce fût une dure épreuve que Haut-Rhin en Alsace. Or le Haut- direction de Paul Erhard directeur d’être arraché de son « chez soi » Rhin ne connaissait alors que 3 d’école, secrétaire de mairie, des pour être déplacé dans les Landes foyers ruraux ; à Diefmatten, à Mit- jeunes accordéonistes élèves de M. au sud de la France, région toute telwihr et Feldbach. A l’évidence Colombo, professeur de musique. différente de notre Alsace, us et auprès de nos deux confrères ça n’a Et ces sympathiques Arveyrais coutumes différents, confort en pas pris, alors qu’en ce samedi 23 tout sourire, éloquents au langage retard par rapport à notre Sundgau, août 1975 ça s’est enclenché chez mélodieux ont conquis en un tour situation d’autant plus difficile par nous. Une fois de plus, le premier de main les Feldbachois présents. la barrière de la langue. La grande contact est passé par M. le Curé majorité de cette population alsa- cienne en question ne parlait pas le français, car depuis 1870 jusqu’à 1918, l’école en Alsace était alle- mande et notre dialecte confondu. Il aura fallu un certain temps pour gommer les préjugés erronés, pour faire place à une meilleure compré- hension de l’histoire mouvementée de l’Alsace. Dès lors et durant cette année de séjour forcé, tout naturel- lement de profondes amitiés se sont créées. Et c’est cette période de l’His- toire récente qui est à l’origine de ces méritoires jumelages. On peut tout de suite regretter que ces re- trouvailles soient réalisées quelque peu tardivement car les principaux acteurs de l’époque, n’étaient plus de ce monde.

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En tant que maire, après la Un séjour d’une semaine leur Rural à laquelle est accolée la salle bienvenue, j’ai présenté en quel- était réservé à Arveyres. Ils sont de fête communale, pourvue d’un ques mots notre commune, la cho- revenus enthousiasmés, ravis par parking avenant. Par ailleurs, nous rale fit entendre les plus belles un accueil extraordinaire, chaleu- avons découvert une région totale- partitions de son répertoire, les reux, une générosité bienveillante ment différente de notre Sundgau ; accordéonistes emboîtant le pas accordée à ces hôtes alsaciens qui paysage riche d’un vignoble dense. avec brio en faisant résonner tou- n’en revenaient pas. Pour une pre- Bien des comparaisons nous amè- tes ces mélodies entrainantes. En mière, elle était pleinement réus- nent à constater une autre façon de un rien de temps une ambiance sie et prometteuse. Michel et Paul vivre, les us et coutumes, son his- chaleureuse était née ; on discutait venaient d’écrire les premières toire, tout est différent. Autant ferme, les jeunes se groupaient, pages d’une belle histoire qui en- qu’ils connaissent mal l’Alsace on échangeait, on parlait des vi- trait de plain pied dans le cadre force est de constater que pour gnerons girondins, on nous offrit d’une mission culturelle de nos nous Sundgauviens la aus- du vin de supérieur en deux foyers ruraux. si est terre inconnue. magnum. Le temps passait vite, L’année 1977 lors de nos va- Par conséquent il s’ouvre à nos hôtes auraient dû être à Mul- cances, nous accueillons pour la nous une mission essentielle : ap- house à 20 h 30 à l’Auberge de première fois un groupe d’Ar- profondir nos connaissances sur les Jeunesse réservée, mais à cette veyrais, membres du Foyer Rural magnifiques atouts dont sont do- heure ils étaient toujours à Feld- pour un séjour d’une huitaine de tées nos deux provinces : bach et quand le car est reparti jours, hébergés en famille. On la Gironde et l’Alsace. accusant un retard considérable, s’aperçoit très vite qu’ils ne Mais quel accueil ! quelques jeunes Feldbachois em- connaissent que très mal l’Alsace Un programme fascinant com- ballés suivaient dans leurs voitu- en dehors de notre dialecte qu’ils portant sorties et soirées, réception res un bout de chemin ; clin d’œil confondent facilement avec l’alle- en mairie. Nous avons eu le privilè- à de jeunes jolies Arveyraises. mand, les cigognes, la choucroute, ge de faire la connaissance d’un L’évènement des plus sympa- les géraniums, etc. Cela va consti- noyau formidable de membres du thiques au demeurant aurait pu en tuer la grande mission de part et foyer rural d’Arveyres dont la gé- rester là, il devait être au contraire d’autre que de faire découvrir ! nérosité, leur savoir faire, leur gen- le début d’une belle histoire, car L’été 1978 c’était pour le tillesse nous ont confondu et qui entre deux hommes un déclic s’é- maire de Feldbach la découverte ont pour noms : Corbière, Dugas, tait opéré : je veux nommer d’Arveyres. Incité vivement par Arroué, Videau, Durant, Hocque- Michel Corbières, professeur Paul Erhard et sensible à l’initiati- let, Bayet, Angéreau, et j’en oublie. de CEG d’une part et Paul Erhard, ve, ma famille a participé au La commune nullement en reste, le notre cher maître d’école d’autre voyage à Arveyres fin Juillet. maire Mme Jost sensible à ces part. L’écho de cette première ne Le déplacement se fit en voi- échanges, nous invite au verre de devait pas se perdre sans lende- tures particulières : l’itinéraire l’amitié et offrait au nom de la main. Une correspondance s’éta- nous mena par Besançon– Beaune commune une soirée avec banquet. blit qui a conduit à un premier – Autun – Moulins–Montluçon– D’ailleurs les soirées s’ali- voyage dans le Sud-ouest de la Guéret – Limoges – Périgueux – gnaient durant cette semai- France, une reconnaissance des – Arveyres. Nous avons ne :soirée arveyraise, soirée du lieux en quelque sorte, de Feldba- découvert un important bourg de Lou-Bourna (personnes âgées), chois sensibilisés et curieux. la taille de Hirsingue (environ soirée alsacienne. Dès l’été 1976 lors des vacan- 2000 habitants) à 3 km de la ville Nous revenons à Feldbach, ces en Août, un groupe de jeunes de Libourne, traversé par une rou- fatigués mais heureux, la tête plei- accompagnait la famille Erhard, te nationale de grande circulation ne de beaux souvenirs, et recon- grâce à la camionnette « tube » (Libourne–Bordeaux), une mairie naissants envers nos amis arveyrais que Jean-Marc a aménagée. Ce imposante, une église dont le clo- qui nous ont surpris agréablement groupe était composé de : cher ne semble jamais avoir été par leur façon d’accueillir. Par la Antoine Biechy achevé, de grosses bâtisses en suite la correspondance est active Clément Boeglin grès jaune, des vignes environ- entre les familles, les échanges sco- Brigitte Dattler. nantes… laires se développent, l’amitié se Jean-Marc Dattler, Nous découvrons une forge et grandit. ancienne maison, siège du Foyer André Winterhalter

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L’été suivant, donc en 1979, Ainsi est née l’idée, il a fallu et militaires, dont le maire de c’est à Feldbach d’accueillir nos alors convaincre les deux conseils Libourne M. Teurlay, le député amis du Foyer d’Arveyres. Les municipaux et c’est avec plaisir Gilbert Mitterrand fils du Président réunions préparatoires consacrées que les approbations réciproques de la République, les maires des au sujet sont nombreuses, Paul et ont été enregistrées, l’idée initiative communes avoisinantes, un groupe Fernand sont au four et au moulin avait fait son chemin. folklorique, musique, etc. pour finaliser un programme D’un commun accord, les dates La signature du Serment de attrayant et pour assurer furent fixées, c’est ainsi que le 30 Jumelage par Mme Jost, maire l’hébergement dans les familles mai 1982, fête de la Pentecôte, le d’Arveyres et Albert Dattler, maire feldbachoises. Ainsi on faisait plus Serment de Jumelage entre nos de Feldbach, donnait lieu en ample connaissance, la sympathie deux communes a été signé à parallèle à l’inauguration de la première évolue tout naturellement Feldbach, dans le cadre d’une très place Coquillot (grand résistant) en vers une franche amitié. Les bases belle manifestation en présence du face de la mairie et du dévoilement d’une belle aventure d’avenir sont député Weisenhorn, du conseiller de la plaque « Rue de Feldbach ». posées. général Klemm, de l’archidiacre R. L’après midi la grande foule L’été 1980 voyait les Meyer, des chefs d’entreprise. était réunie autour d’un verre pour Feldbachois acquis à la cause Une grande messe célébrée par les discours, échanges de cadeaux, débarquer à Arveyres, accueillis le Père Marie Nicolas rehaussée etc. comme de vieux amis, entourés de par la Chorale (4 voix), cérémonie Le cadeau des Feldbachois a fait toutes les attentions pour un séjour devant le monument aux morts sensation : une imposante table de riche et passionnant, dans une avec le concours de la musique de séance tout en chêne (4,50 x 1,30), atmosphère de détente toute Hirtzbach. pieds tournés, dessus en girondine : un programme détaillé L’inauguration de la nouvelle marqueterie, les retombées plein de surprises. mairie de Feldbach, faisant date où sculptées « Arveyres – Feldbach C’est lors d’une soirée la signature du serment de 1982 ». d’échanges initiée par la commune jumelage par la maire d’Arveyres, L’idée avait été suggérée par autour d’un verre dans la salle de Mme Claire Jost et par Albert Alice Wieder qui a entendu l’école maternelle qu’est née l’idée Dattler, maire de Feldbach, soupirer Mme Jost lors du d’un jumelage. constituait un des premiers actes Jumelage aller à Feldbach, en Une soirée mémorable où le officiels. Tout un symbole. voyant la table de séance de ‘’Tout’’ Arveyres était représenté. Le baptême de la rue nouvelle Feldbach (cadeau du maire, Avec une belle opportunité Paul qui devient rue d’Arveyres, le ébéniste) : « Ah ! Une telle table avait pris l’initiative de présenter dévoilement de plaques à l’entrée j’en rêve ». Et cette imposante individuellement avec brio tous les du village : Feldbach jumelé avec table avait été transportée sur le Feldbachois de la partie. Un vent Arveyres, vin d’honneur… vieux camion Citroën des Dattler de fraternité s’était levé, les regards Journée clôturée par une grande qui avait suivi l’autocar Siess. brillaient, on se sentait si proche les soirée banquet au Foyer Rural Ainsi furent scellées de façon uns des autres, à tel point d’avoir le réunissant une centaine de officielle les relations amicales sentiment de se connaître depuis personnes, dont une grande partie entre nos deux communes. longtemps. J’apprends à cette d’Arveyrais qui s’étaient déplacés Mais c’est au niveau de nos occasion que Mme Jost, maire en nombre, le conseil municipal en deux Foyers frères que se sont d’Arveyres, voisine de table est de tête. toujours entretenus et développés la même classe 1924 que moi, ce Et voici le dimanche 24 octobre les échanges. A travers des séjours qui nous rapproche forcément. En 1982, jumelage retour à alternés tous les deux ans dans un rentrant à pied ce soir, Michel me Arveyres . Un autocar Siess premier temps, pour être fixés à dit : « Vous Feldbachois vous avez transportait les Feldbachois qui présent à intervalle de 3 ans, la réussi quelque chose qu’on n’a devraient j’en suis sûr, garder le longue liste des rencontres fait jamais réussi jusque là à Arveyres. souvenir d’une journée ressortir à l’heure actuelle 9 Toutes les sociétés locales, le exceptionnelle. Ce dimanche en accueils à Feldbach, 9 accueils à conseil municipal, l’école étaient effet donnait lieu a une Arveyres et 2 rencontres à mi- présents ce soir, c’est le moment de manifestation haute en couleur, un distance à savoir : lancer l’idée d’un jumelage entre programme magnifique en • 1985 à Cônes d’Allier nos deux communes ». présence de hautes autorités civiles • 1990 à Paris pour le 14 juillet.

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Voici la liste et les années des • les grands sites touristiques : séjours : le Périgord et ses châteaux, Lascaux, Pouresac, Eyzies, Arveyres Feldbach Dronne, Soulac et l’Entre-deux 1er contact 1975 mers, 1976 1977 • la plage de , les dunes du 1978 1979 Pilla, La Plagne, les Landes, le Pays Basque,la Rochelle 1980 1982 le Bassin d’, 1982 1984 et j’en passe… 1983 1987 1989 1993 1995 1997 Voici l’année 2012 . 2000 2003 37 années nous séparent des 2006 2009 premiers contacts. Nombre de pionniers de la Autrement plus enrichissants première heure ne sont plus de ce qu’en tant que simple touriste ces monde ; nous ne les oublierons séjours, entourés d’une chaude Les Girondins quant à eux ont jamais. amitié grandissante, ont découvert notre Alsace : Les hommes passent, les idées énormément ouvert des horizons : • en premier les charmes du restent… Que de comparaisons édifiantes Sundgau Loin d’être un feu de paille, la sur les us et coutumes régionaux, • les villes de Mulhouse, Colmar, cause est désormais bien ancrée et Que de préjugés douteux Strasbourg, ce qui est particulièrement éliminés quant à l’histoire et le • les châteaux: encourageant c’est que la jeune dialecte alsacien, Haut-Koenigsbourg, génération a repris le flambeau et Que de belles lettres échangées Hohllandsbourg, ne ménage pas les efforts pour pleines de chaleur et d’émotion, assurer la pérennité d’une histoire, • la crête des Vosges avec ses Que de belles photos réalisées, forte d’un brin d’aventure parmi les ruines de châteaux, Que de beaux discours bien plus belles de nos deux foyers • les merveilleux sites du vignoble sentis célébrant les retrouvailles ruraux. alsacien: vécues avec bonheur à chaque Et que vivent la Gironde et Riquewihr, Kaysersberg, rencontre. l’Alsace, Ribeauvillé, Eguisheim, Il serait fastidieux d’énumérer • Neuf Brisach et ses remparts de Et que vive l’amitié Arveyres – le détail de chaque programme de Feldbach, ces rencontres depuis 1975 mais Vauban, • l’Ile de Meinau, Et que les retrouvailles 2012 à citons l’essentiel, les participants Arveyres soient placées sous une • Bâle et le Rhin, etc. sundgauviens auront découvert : bonne étoile . • le vignoble bordelais avec Bref une panoplie de trésors St Emilion, Fronsac, touristiques de part et d’autre ! , Vayres, etc..

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