1793 : la Grande Fuite

Au d´ebutde l’ann´ee1793, hh l’ann´eeterrible ii, la r´evolutionnaire, en guerre depuis avril 1792, occupait le Palatinat bavarois jusqu’`aMayence o`uelle entretenait une garnison. La d´ecapitationdu Roi, le 21 janvier, provoqua la formation d’une vaste coalition autour de la Prusse et de l’Autriche. La France fut alors assi´eg´eede toutes parts et le nord de l’Alsace fut envahi, puis occup´e,par les coalis´es.

Mesures de salut public La Convention r´eagiten f´evrieraux menaces d’invasion par la lev´eede 300 000 volontaires et l’instauration de mesures de salut public. Des repr´esentants en mission furent envoy´esdans les d´epartements pour hˆaterle recrutement des volontaires.

L’Alsace n’´echappa pas `aces mesures. Dans les villages les r´equisitionsse multipli`erent pour subvenir aux besoins des arm´eesdu Rhin et de la Moselle. Des tribunaux r´evolutionnaires d’exception entr`erent bientˆoten activit´epour combattre les complots r´eelsou imaginaires des ennemis de la R´epublique,et le 30 mars la guillotine fit ses trois premi`eresvictimes sur la place d’armes de .

L’invasion Le 23 juillet, les coalis´esenlev`erent Mayence et prirent position le long de la Lauter. La situa- tion aux fronti`eresdevenant critique, la Convention d´ecr´etale 23 aoˆutla lev´eeen masse avec service militaire obligatoire. Les hommes ´etaient r´epartisen 5 classes. La premi`ereclasse, celle des hommes c´elibatairesou veufs sans enfant, ˆag´esde 18 `a25 ans, seule requise dans un premier temps, concernait une trentaine de jeunes gens `aWeiterswiller. Ils devaient rejoindre l’arm´ee`a Froeschwiller.

Apr`esla prise de par les coalis´esle 13 octobre, l’arm´eedu Rhin, contrainte d’abandonner les lignes de la Lauter, se replia en d´esordrevers Strasbourg alors que les Autri- chiens du g´en´eralWurmser et les ´emigr´esde l’arm´eede Cond´ese dirigeaient vers , prise le 17 octobre. Le lendemain, le g´en´eralWurmser ´etablitson quartier g´en´eral`aBrumath.

La Terreur L’invasion austro-prussienne exacerba l’activisme et la v´eh´emencedes administrateurs jacobins du Bas-Rhin. Leurs arrˆet´esmena¸cants et leur langage outrancier install`erent un climat de terreur dans le d´epartement, terreur qu’incarn`erent aux yeux de la population effray´eeles re- pr´esentants en mission Baudot, Lacoste, Saint-Just et Le Bas, mais surtout l’accusateur public Euloge Schneider qui pendant plusieurs semaines se d´epla¸cade village en village, accompagn´e de la guillotine1, ´erigeant l’exc`eset l’arbitraire en r`eglede conduite ordinaire.

A en croire les l´egendeslocales, la guillotine serait entr´ee`aWeiterswiller `al’occasion de cette tourn´eesanguinaire, et Jacques Schunck, le procureur de la commune, lui aurait fait un brin de

1hh Peu avant l’invasion de notre d´epartement par les troupes ennemies, l’oppression y ´etantport´ee `ason comble par le trop fameux prˆetre autrichien, dont les tourn´ees affreuses, de commune en commune, avec la guillotine, jet`erent la terreur et le d´esespoir dans toutes les ˆames,chacun croyant toucher `ason dernier moment ; ce fut dans l’instant mˆemeque ce tyran f´eroce ´elevaitson trˆonesanglant dans la commune de Bouxwiller, que le p´etitionnaire fut arrˆet´e... ii. R. Reuss - La grande fuite, p. 66, 67.

1 2 conduite (hh ... schaute auch der alte Schunk, der mit der Guillotine ins Dorf kam ... ii) . Quoi- qu’il en soit, cette tourn´eed’Euloge Schneider marqua profond´ement les esprits, `aWeiterswiller comme dans toute la r´egion.

Coup d’arrˆetdevant Saverne3 Les troupes fran¸caisesprot´egeaient la route de `aStrasbourg et d´efendaient les voies d’acc`es`ala Lorraine (hh gorges ii de La Petite Pierre, Lichtenberg, Baerenthal).

A partir du 20 octobre, les troupes autrichiennes du g´en´eralHotze lanc`erent une offensive dans le but de contrˆolerSaverne et d’isoler ainsi l’Arm´eedu Rhin de celle de la Moselle. Boux- willer, Neuwiller, Dossenheim et furent prises sans grande difficult´e.

Pendant ce temps, les troupes de Cond´eoccupaient Hochfelden et Mommenheim tandis que les Prussiens du duc de Brunswick, face aux passages vers La Petite Pierre et Lichtenberg, se bornaient `ades op´erationsde reconnaissance et d’intimidation.

La redoute situ´eesur une hauteur vers Obersoultzbach4 ne pouvait pas prot´egerWeiters- willer de l’incursion des coalis´es.Ce sont sans doute les prussiens de Brunswick qui sont entr´es dans le village le 20 ou le 21 octobre et l’ont ensuite occup´e.

Le 22 octobre, `apartir de Dossenheim et Steinbourg, Hotze lan¸caune attaque vers hh la gorge de Saint Jean des Choux ii, repouss´eevictorieusement par les troupes du commandant Oudinot. Le lendemain, les Autrichiens franchirent la Zorn et se pr´esent`erent devant Saverne. De violents affrontements `ala ba¨ıonnette se d´eroul`erent dans le parc du chˆateau,`al’issue desquels les Fran¸cais,renforc´espar six bataillons de l’arm´eede Moselle descendus du col de Saverne sous le commandement du g´en´eralBurcy, regagn`erent une partie du terrain perdu.

Contre-offensive fran¸caise Pendant les combats la pluie s’installa, ralentissant les op´erationsmilitaires. Les Fran¸caisne prirent pas le risque d’une bataille d´ecisive et les Autrichiens, retir´essur le Bastberg h´esitaient `ase replier sur la Moder. R´eorganis´eespendant ce r´epit,les arm´eesdu Rhin et de la Moselle d´esormaisplac´eessous le commandement unique de Hoche lanc`erent une contre-offensive `ala mi-novembre.

La Grande fuite Accompagnant la contre-offensive des Fran¸caiset le reflux des coalis´es,la rumeur de repr´esailles contre ceux qui avaient h´eberg´edes Autrichiens ou des Prussiens se r´epanditdans la r´egionet la peur s’empara de ceux qui pouvaient ˆetresuspect´esd’hostilit´e`ala R´epubliqueou de simple ti´edeurr´epublicaine.Beaucoup ne virent de salut que dans la fuite.

5 Selon un t´emoin hh au moment o`ules troupes fran¸caises s’´etaientrapproch´ees de Bouxwiller [...] d`esle 19 novembre, plus de cinq cents personnes ´evacu`erent pr´ecipitamment l’ancienne capitale des comtes de Hanau Lichtenberg ii. Il ajoute : hh l’arm´ee imp´erialesemblait ne plus ˆetre l`aque pour servir d’escorte `atout un peuple

2Cahier SHASE 47-48, p. 43 (4) 3H. HEITZ, Les ann´ees r´evolutionnaires `aSaverne, Pays d’Alsace no 186, p. 23-24. 4Cahier SHASE 47-48, p.23. 5cit´epar R. Reuss, La Grande Fuite, p.5

2 en migration ... Mˆemeles affˆutsdes canons ´etaientoccup´espar des femmes, et l’on voyait des enfants et des dames dans les fourgons `abagages des officiers ii.

Ceux de Weiterswiller Goetz ABRAHAM, Jean ARON, Georges AST, Fran¸coisAUER, Andr´eBLOCH, Th´eobald BRIXIUS, Catherine et Oswald DENTZ, Fran¸coiset Michel DIU, Philippe Georges FLACH, Georges GIMBEL, Joseph GOETZ, Jean HENNE et sa femme Catherine VONBON, Seligmann et Jacob ISAAC, Mo¨ıseKAHN, Fran¸coisKISTER, Henri KOEHL, Fran¸coisLABONTE et sa femme Eve LAUBER, Joseph SAMUEL, Fran¸cois,Michel et S´ebastienSCHLUTH, Madeleine et Martin SINGER, Chr´etien,Fran¸coiset Michel STEYER, Pierre UNTEREINER, Georges VETTER et enfin Pierre VONMEGEN, ´etaient parmi eux. Presque tous avaient quitt´eWei- terswiller le 18 novembre 1793.

La composition de ce groupe est remarquable : 28 catholiques, 5 juifs et 1 protestant, pour un village de 800 ˆameso`usix habitants sur dix ´etaient protestants. Cette r´epartitionpersuade du d´epartvolontaire de la plupart des catholiques, mˆemesi quelques uns soutiendront plus tard avoir ´et´eentraˆın´esde force par les ennemis.

L’hostilit´ecroissante des catholiques du village `al’´egardde la R´evolution avait sa source dans les mesures prises `al’encontre des catholiques : constitution civile du clerg´eet natio- nalisation de ses biens, avec comme cons´equenceslocales la mise aux ench`eresen avril 1793 hh des biens dont jouissait le cur´ecatholique du lieu ii, Jean Nicolas Martz, cur´ede Weiterswiller depuis 27 ans, son emprisonnement en octobre `aBesan¸concomme prˆetrer´efractaireou la m´e- tamorphose de l’´egliseen temple de la Raison. Certains, qui avaient vu d’un bon œil l’arriv´ee des coalis´eset craignaient la r´eactiondes patriotes locaux apr`esleur repli, jug`erent prudent de quitter provisoirement le village.

Il y avait une dizaine de r´equisitionnairesparmi eux dont la r´eticence`arejoindre l’arm´ee constituait un motif suppl´ementaire de fuite, qui fut sans doute d´ecisifpour les ind´ecis.

R´eactionsdes autorit´es De Bouxwiller, le 24 novembre, le repr´esentant Lacoste ´ecrivitsans d´etoursau Comit´ede Salut Public : hh La seule mesure `aprendre est de guillotiner le quart des habitants de cette contr´ee et de ne conserver que ceux qui ont pris une part active `ala R´evolution,chasser le surplus et 6 s´equestrer leurs biens ii.

Plus mesur´es,les administrateurs du Bas-Rhin adress`erent aux districts le 27 novembre une circulaire r´edig´eeen ces termes : hh Nous sommes instruits que dans les communes voisines des positions de l’ennemi, et notamment dans les communes ´evacu´ees, plusieurs individus ont quitt´e leurs foyers pour se ranger du cˆot´ede l’ennemi. Ces traˆıtres sont d´eclar´estraˆıtres par la loi ; il est urgent d’envoyer sur le champ des commissaires patriotes et intelligents dans ces communes pour apposer les scell´eset confisquer au profit de la R´epubliqueles effets de ces sc´el´erats ii.

Ce fut Pierre Hoffmann, le juge de paix de La Petite Pierre, qu’on d´esignale 29 novembre pour accomplir ce travail `aWeiterswiller. Quelques lignes de son journal7 nous renseignent sur son ´etatd’esprit et celui des fugitifs : hh ... Travail d´esagr´eable, mais que je n’osais pas refuser.

6Aulard, Actes du Comit´ede Salut Public, VIII, p. 683, cit´epar Reuss, p. 6. 7cit´epar L. Ch. Will, dans Notizen zur Geschichte der katholischen Kirche zu Weiterswiller

3 Lorsque les Allemands se repli`erent, de nombreux bourgeois de la commune les suivirent, la plu- part catholiques ; ils croyaient que le repli des alli´esne durerait pas, car personne n’imaginait que les fran¸cais pourraient tenir tˆeteaux troupes prussiennes et imp´eriales.Ces gens, pour leur malheur, s’aper¸curent du contraire ii.

En d´ecembre, les Fran¸cais,vainqueurs `aWoerth et Froeschwiller puis au Geisberg, repous- saient les Autrichiens et les Prussiens au del`ade la fronti`ere.Ce furent alors plusieurs dizaines de milliers8 de civils de toutes conditions qui suivirent dans un indescriptible d´esordre,sous la pluie et dans la boue, les troupes coalis´eesqui battaient en retraite !

En passant la fronti`ere, ces milliers de fugitifs devenaient autant d’´emigr´esqui allaient bientˆot´eprouver les rigueurs des lois de la R´epublique.

Saisie des biens des ´emigr´es La p´eriode de six mois qui suivit cette fuite massive vit en effet l’application, sous le r´egimede la Terreur, de plusieurs lois, d´ecretset arrˆet´essur les ´emigr´es. La s´ev´erit´e,parfois revancharde, ´etaitde mise. hh Les repr´esentantsen mission donnaient 9 l’exemple de l’intransigeance et leurs ordres n’´etaientque trop bien suivis iipar certains pa- triotes. Jacques Schunck, le procureur de la commune devenu agent national apr`esla loi du 14 frimaire an II (4 d´ecembre 1793), et Louis Haehnel, futur agent municipal, furent de ceux-l`a.

Par un arrˆet´edu 5 pluviˆosean II (24 janvier 1794) les administrateurs du d´epartement ´etablirent un v´eritablecode de proc´edureauquel les commissaires pour le s´equestredes biens des ´emigr´esdevaient se conformer.

La mission d’Hoffmann Selon les articles de cet arrˆet´e,Pierre Hoffmann, le commissaire pour Weiterswiller, devait se pr´esenter devant la municipalit´epour se faire remettre les noms des citoyens absents ou sus- pects. Une telle liste, comportant 21 noms, parmi lesquels ceux des nobles ´emigr´esbien avant la grande fuite (Gayling, Rohan ...), existe en effet, mais elle est incompl`etecar elle ne comporte que les noms de ceux des ´emigr´esqui ´etaient propri´etaires10.

Il devait ensuite se rendre aux domiciles de ces citoyens, accompagn´ede deux officiers municipaux. Si les maisons ´etaient vides, il devait y apposer les scell´eset y faire placer un factionnaire. Sinon, leurs habitants ´etaient rendus responsables du mobilier. Dans tous les cas, il devait dresser un inventaire d´etaill´e.Les objets inventori´esdes maisons vides devaient ˆetrerassembl´es hh dans le lieu le plus vaste d’un ´emigr´e ii, les grains et fourrages devaient ˆetreentrepos´es,les bœufs gras et les chevaux de charrois conduits `aStrasbourg.

Hoffmann ´ecritdans son journal : hh A Weiterswiller, 19 maisons ´etaientvides. Ma mission 11 dura quelques semaines, jusqu’au 29 pluviˆose ii. D’apr`esles dates qu’il donne, cette mission dura 75 jours.

8De 30 000 `a60 000 selon les sources. 9Reuss, p. 9 10Archives communales de Weiterswiller. En annexe la liste recopi´eepar J.P. Bloch 1117 f´evrier1794

4 Mises sous s´equestre 12 Un document du 6 ventˆosean II (24 f´evrier1794) dresse l’´etat hh des linges et chemises trouv´es chez les ´emigr´es ii. 36 chemises, 14 draps de lit, 25 nappes de toutes sortes, 31 serviettes et autres pi`eces,32 toiles et demi, sont estim´es`a259 livres et 7 sols. Un autre ´etat,`ala mˆemedate, donne le poids des m´etauxsaisis : 63 livres de cuivre, 44 livres d’´etainet 802 livres de fer. Ces deux ´etatsne concernent que quelques uns des fugitifs (Georges Ast, Oswald Dentz, Georges Gimbel, Joseph Goetz, Fran¸coisLabont´e,Michel Schluth et Georges Vetter). Ils sont sign´esdu commissaire, Hoffmann, et de deux officiers municipaux de Weiterswiller, Bader et Wild.

A l’exception d’Andr´eBloch, Th´eobaldBrixius et Henri Koehl, sans doute rentr´esassez tˆot pour que leur fuite restˆatsans cons´equence13, les fugitifs furent d´eclar´es´emigr´eset leurs biens mis sous s´equestreau profit de la nation.

Les objets saisis s’accumulant, le directoire du d´epartement dut proc´eder`ades ventes. Ainsi, le 21 prairial an II (9 juin 1794), il organisa `aNeuwiller une vente au cours de laquelle hh plusieurs vieux linges provenant de la commune de Weiterswiller ii furent mis aux ench`eres.Wittelsbach, le commissaire nomm´epar le d´epartement y vendit les objets suivants : hh une teille de traversin de toile de chanvre blanc, douze tr`esvieilles serviettes, six dito, trois dito, une vieille chemise de femme et une vieille teille de traversin ii. L’ensemble rapporta 25 livres et 11 sols.

La fin de la Terreur De confiscations en ventes, de saisies en r´equisitions,le d´ebutde l’ann´ee1794 s’´ecoulasous la r´egimede la Terreur sans que les familles des ´emigr´es,musel´eespar la crainte de l’arrestation ou mˆemede l’´echafaud, n’osent se manifester.

Cependant les succ`esde l’arm´eependant cette p´eriode lui avaient permis de repousser l’ennemi hors des fronti`ereset d’occuper le Palatinat. Par ailleurs le 19 messidor an II (7 juillet 1794), un d´ecretde la Convention d´ecidala lib´erationdes laboureurs et artisans des communes de moins de douze cents habitants d´etenus comme suspect. Enfin, le 9 thermidor (27 juillet) la chute puis la mort de Robespierre marqu`erent la fin de la r´epubliquejacobine et de la Terreur.

Les ´emigr´esde la Grande Fuite, estimant la conjoncture favorable `aleur retour, commen- c`erent `arentrer. Le ph´enom`enes’amplifia et ils furent bientˆotnombreux `apr´esenter des p´eti- tions pour ˆetreray´esde la liste des ´emigr´es,pr´etextant le plus souvent avoir ´et´eentraˆın´esde force au del`ade la fronti`erepar les ennemis, qualifi´esau fil des p´etitionsde hh hordes barbares ii, hh satellites des despotes coalis´es ii, hh vils esclaves ii et autres expressions grandiloquentes `ad´efaut d’ˆetresinc`eres.

Le d´ecretdu 22 nivˆose Six mois plus tard, le 13 janvier 1795, le Moniteur publia la r´edactionprovisoire du d´ecret connu sous le nom de d´ecretdu 22 nivˆosean III. 12Ces ´etatssont donc post´erieurs`ala date donn´eepar Hoffmann comme marquant la fin de son travail `a Weiterswiller. 13Aucun dossier les concernant (r´eint´egration,mise sous s´equestre,lev´eede s´equestreou contentieux) n’est en effet conserv´eaux archives d´epartementales, et on les retrouve `aWeiterswiller d`es1794.

5 La premi`ereversion de l’article IV ´etaitainsi r´edig´ee: hh Ne seront pas r´eput´es´emigr´esles ouvriers travaillant de leurs mains aux fabriques, aux manufactures et `ala terre, leurs femmes et leurs enfants au dessous de dix-huit ans, pourvu qu’ils ne soient sortis qu’apr`esle 1er mai 1793, qu’ils rentrent avant le 1er germinal 14 prochain, en justifiant par un certificat de leurs communes de la profession qu’ils exer¸caient avant de sortir de France et `al’´epoque de leur sortie ii. Plusieurs membres de la Convention propos`erent des amendements. Le texte modifi´eadopt´e par les repr´esentants pr´ecisaque les hh ouvriers iiet hh laboureurs seraient non ex-nobles et prˆetres ii, et qu’ils hh vivraient de leur travail journalier ii. Ils devaient produire devant le Directoire de leur district une hh attestation de huit t´emoinscertifi´ee par le conseil g´en´eral de leur commune et par le comit´er´evolutionnaire ... ii

Les p´etitionnairesqui remplissaient ces conditions pouvaient ˆetreray´esde la liste des ´emi- gr´es.L’enjeu ´etaitde taille car l’article VII sp´ecifiaitque hh les propri´et´esdes individus iicompris dans l’article pr´ec´edent hh leurs seront rendues si elles n’ont point ´et´evendues ii.

Jacob Isaac Le premier ´emigr´ede Weiterswiller dont la p´etitionfut examin´eepar le Directoire ex´ecutifdu district de Wissembourg fut, au printemps 1795, Jacob Isaac, savonnier et fabricant de potasse. Par arrˆet´e15 du 27 flor´ealan III (16 mai 1795) il fut r´eint´egr´edans ses propri´et´es.

Georges Gimbel

Un peu plus tard, en thermidor an III (juillet 1795), ce fut Georges Gimbel, l’ancien hh Receveur 16 17 des revenus des deniers ci-devant royaux pour 1789 ii et hh L¨owenwirt ii, qui pr´esenta une p´etitiontendant `ala lev´eedes s´equestresmis sur ses biens. Membre du premier conseil municipal de Weiterswiller, il avait pourtant ´emigr´eapr`esl’occu- pation du village. Rentr´edans les d´elaisfix´espar la loi du 22 nivˆose,il produisit hh l’attestation de huit t´emoinsque le p´etitionnaire a exerc´esa profession de laboureur, aubergiste et huilier jusqu’au 18 novembre 1793 ´epoque de sa sortie ii.

Aussi le Directoire du district consid´eraque la loi du 22 nivˆoselui ´etaitapplicable et arrˆeta18 le 4 thermidor que hh les s´equestres de ses propri´et´esnon vendues demeureront lev´es,`acharge pour lui d’en payer les frais ii.

Martin Singer et Jean Aron En thermidor an IV (juillet 1796), le Directoire ex´ecutifexamina les p´etitionspr´esent´eespar Martin Singer et Jean Aron19. Martin Singer qui ´etaithardier (gardien de porcs) hh avait bien de la peine `anourrir sa m`ere et ses sœurs ii. De la premi`erer´equisition,il devait rejoindre l’arm´ee`aFroeschwiller. Il produisit plusieurs certificats attestant d’une infirmit´equi l’en empˆecha. Il s’´etaitarrˆet´e`aKirrwiller avec

14C’est-`a-direle 21 mars 1795. Le d´elaifut prolong´epar le d´ecretdu 4`emejour compl´ementaire an III (20 septembre 1795) 15ABR Q 2825 - Registre g´en´eral23166 ; proc`es-verbal 47722. 16ABR 1L 1109. 17Georges Gimbel ´etaitpropri´etairede l’auberge hh au Lion d’Or ii. 18ABR Q 2825 - Registre g´en´eral25510 ; proc`es-verbal 49834. 19ABR 1 L 782 - no 5948 et 7564 sur le registre des ´emigr´es.

6 Etienne Lang, un de ses concitoyens. Mais il avait plus tard suivi l’arm´eeautrichienne et quitt´e le territoire national. Il ´etaitrentr´e`ala premi`ereamnistie. Jean Aron avait ´egalement l’ˆagede la premi`erer´equisitionet avait hh servi de boulanger mu- nitionnaire ii. Depuis le 2 novembre 1795 il avait ´et´evu `ade nombreuses reprises `aWeiterswiller o`uil avait hh aid´eses parents `afaire leur ouvrage de campagne ii. La date exacte de leur retour n’est pas connue. Tous deux remplissaient sans doute les conditions pour ˆetreray´esde la liste des ´emigr´esmais leur p´etitionfut refus´eepour le motif que hh le temps pr´evupour la r´eclamation des ´emigr´esest ´ecoul´e ii. Martin Singer est d´ec´ed´eau domicile de sa m`erele 30 novembre 1796, `al’ˆagede 25 ans.

Les r´equisitionnaires Il y avait une autre raison au rejet des p´etitionsde Martin Singer et Jean Aron : les administra- teurs se refusaient `arayer de la liste des ´emigr´esles jeunes gens qui ´etaient en ´etatde r´equisition au moment de leur fuite20. C’est sans doute pourquoi les fr`eresDiu, Steyer et Schluth, ainsi que Fran¸coisAuer et Pierre Vonmegen, tous r´equisitionnaires,ne pr´esent`erent pas de p´etition et rest`erent `al’´etrangeren attendant des jours meilleurs.

Les biens des fr`eresDiu furent confisqu´esau profit de la nation et vendus comme biens nationaux. Jacques M¨ulleret Louis Haehnel (alors agent municipal de Weiterswiller) soumis- sionn`erent pour les acqu´erir. Le 21 vend´emiairean V (12 octobre 1796) le premier acheta le neuvi`emed’une petite maison, appartenant `aJean Michel Diu, pour 54 livres ; le 19 frimaire (9 d´ecembre 1796), le second acquit des terres et vignes, propri´et´esdes deux fr`eres,pour 72 livres, 4 sols et 8 deniers. Bien plus tard, le 15 f´evrier1828, Anne Marie Madeleine Diu, fille et h´eriti`erede Michel Diu domicili´ee`aColmar, fut indemnis´eepour 83 francs et 52 centimes en application de la loi du 27 avril 1825 (plus connue sous l’appellation de hh loi sur le milliard des ´emigr´es ii). L’arrˆet´edu pr´efetpr´ecise: hh [...] qu’`ala v´erit´eson acte de naissance en pays ´etranger n’est point l´egalis´epar la l´egislation fran¸caise, mais qu’il y est suffisamment suppl´e´epar l’acte de notori´et´e(attendu surtout la modicit´ede l’indemnit´e) ii.

Chr´etienSteyer et Georges Vetter C’est ´egalement au mois de juillet 1796 que furent examin´eesles p´etitionspr´esent´eespar Chr´e- tien Steyer et Georges Vetter21. Sortis tous deux du territoire national le 18 novembre 1793, rentr´esen mars 1795, l’un charpentier (Chr´etienSteyer) l’autre ma¸conet tailleur de pierres (Georges Vetter) ils avaient fourni les pi`ecesadministratives demand´eesen temps utile et rem- plissaient exactement les conditions de la loi du 22 nivˆose.

C’est donc fort logiquement que le bureau signifia que hh les noms de Georges Vetter et Chr´etienSteyer de la commune de Weiterswiller seront provisoirement ray´esde la liste des ´emigr´es. Le s´equestre ´etablisur leurs biens sera lev´es’ils n’ont ni femme ni enfant ou de copropri´etaire en ´emigration, `acharge cependant pour eux de fournir caution solvable pour la valeur de leur mobilier sans pouvoir ali´enerleurs immeubles ii.

Georges Ast Georges Ast ´etaitjournalier et laboureur lorsqu’en 1786 il ´epousa Anne Marie Koehl. Les nou- veaux mari´esavaient alors achet´e hh une petite maison et jardin et trois petits terreins iidans

20Reuss, p.113. 21ABR 1 L 782 - no 8346 et 8366 sur le registre des ´emigr´es.

7 la commune de Weiterswiller. Lorsque Georges Ast quitta le territoire de la R´epubliquele 18 novembre 1793, ces biens, estim´es`a662 francs 18 sols et 10 deniers, furent confisqu´esau profit de la R´epublique. S´ebastienLauer, huissier `aIngwiller, soumissionna, et les biens lui furent vendus comme domaine national de deuxi`emeorigine le 7 janvier 1797 (18 nivˆosean V).

Cependant, d`esle 19 juin 1795 (1 messidor an IV), Anne Marie Koehl se r´ef´erant au contrat d’achat du 22 avril 1786, selon lequel hh ladite maison a ´et´eachet´ee par les deux fianc´es iiavait fait valoir que la moiti´ede ces biens lui appartenant on ne pouvait ni les lui confisquer ni les vendre comme biens nationaux puisqu’elle n’avait pas ´emigr´e.

Le 10 avril 1797 (21 germinal an V), Georges Ast, rentr´e`aWeiterswiller, adressait aux administrateurs du d´epartement du Bas-Rhin une requˆeteformant opposition `acette vente, expliquant qu’il avait hh ´et´eentrain´ede force par les ennemis lors de leur retraite sur la fin de l’ann´ee 1793 ii, et qu’il avait hh laiss´esa femme et son enfant dans la commune qui ont conti- nuellement poss´ed´eet gard´esa propri´et´ede sorte qu’on n’y avait pas pu d´erogue la moindre chose a sa dite propri´et´e,de fa¸con que lors de son rentr´edans sa patrie il ´etaitd`esle moment `aregard´ecomme n’ayant jamais ´et´e´emigr´e ii.

Mais `acette date les biens ´etaient d´ej`avendus `aS´ebastienLauer et une longue suite de proc´edurescommen¸ca,essentiellement pour d´eterminersi la part d’Anne Marie Koehl devait ˆetresoustraite des biens achet´espar S´ebastienLauer. Georges Ast, qui mourut le 2 octobre 1797, n’en vit pas la fin. L’affaire trouva son ´epiloguevers 1800.

Fran¸coisKister Selon les registres d’´etat-civilde Weiterswiller, Fran¸coisKister, charpentier, est ´emigr´ele 22 mars 1794 (8 germinal an II) `ala naissance de sa fille et le 23 juin de la mˆemeann´eepour un d´ec`es.Il est rentr´ele 24 aoˆut1796, puisqu’il est t´emoinpour un mariage ce jour-l`a.

Mais aux Archives d´epartementales du Bas-Rhin il n’y a pas de trace de la p´etitionqu’il a probablement pr´esent´eedevant le bureau des ´emigr´esd’.

Oscillations politiques Les travaux des champs exigent des bras et du mat´eriel. D`es1795, l’´etatlamentable des campagnes mettait en lumi`ereles cons´equencesfunestes de la fuite de tant de cultivateurs et d’artisans. Aussi les administrations devinrent-elles progressivement plus indulgentes pour les p´etitionnaires,ce qui eut pour effet d’acc´el´ererle retour d’´emigr´esparfois tr`eshostiles `ala R´evolution.

Le 25 flor´ealan V (14 mai 1797), Keintz, commissaire pr`esl’administration du canton d’Ingwiller, ´ecrivait au commissaire du Directoire ex´ecutifdu D´epartement de Bas-Rhin : hh citoyen commissaire, les ´emigr´esde notre d´epartement rentrent en foule. Ce fl´eau terrible inqui`eteles bons citoyens ; les prˆetres d´eport´esviennent aussi ; ils ne l`eventplus leurs tˆetesaudacieuses, cependant ils cherchent avec leurs adh´erans [`a] exercer leur lutte dans les ´eglises, pour saper dans le silence et sous le manteau de la religion les fondements de la R´epublique. Je ne sais `aquoi me tenir ; car apr`esavoir arrˆet´eet fait transporter au tribunal criminel ces gens-l`a,ils reviennent dans deux ou trois jours dans les communes qu’ils ont habit´ees avant la r´evolution[...] J’attends votre instruction `acet ´egard.

8 22 Salut et fraternit´e ii.

Les ´electionsde mars-avril 1797, remport´eespar la droite au d´etriment des r´epublicains, inqui´et`erent les acqu´ereursde biens nationaux et surtout l’arm´ee,porte-drapeau de la R´evo- lution. La crainte d’une possible restauration amena un coup d’´etatjacobin, accompli le 18 fructidor an V (4 septembre 1797) avec l’aide de l’arm´ee. D`esle lendemain, 19 fructidor, le Directoire ´edictaitune s´eriede mesures de salut public, parmi lesquelles une loi qui obligeait hh les pr´evenusd’´emigration `aquitter la R´epubliquedans 23 la quinzaine et `aattendre leur radiation d´efinitiveen pays ´etranger ii.

Pierre Untereiner L’´etat-civilde Weiterswiller mentionne que Pierre Untereiner est ´emigr´ele 28 mars 1794 et hh depuis environ six mois iile 17 mars 1798. Rentr´e`aWeiterswiller, mais toujours sur la liste des ´emigr´es,il dut en effet repartir en appli- cation de la loi du 19 fructidor. Le 15 nivˆosean VI, sa femme Anne Marie Schaller, enceinte de ses œuvres, ´ecritau administrateurs du d´epartement la lettre suivante : hh Anne Marie Schaller, femme de Pierre Untereiner ´emigr´e,ci-devant habitant de Weiters- weiller, canton de La Petite Pierre, vous expose que conform´ement`ala loi du 19 fructidor dernier, son dit mari ayant ´et´eoblig´ede repartir outre-Rhin, on a mis les scell´essur tous les effets qui se trouvaient dans sa maison, mˆemesur le linge et les habillements appartenant `a l’exposante. Comme cela est contre les loix, mˆemecontre l’humanit´e,d’autant de plus qu’elle est prˆete`a accoucher, elle vous prie de bien vouloir enjoindre `al’administration municipale du canton de la Petite Pierre de faire lever incessamment lesdits scell´es,d’extrader `al’exposante tout linge et habillement de son corps ainsi que ceux n´ecessaires pour sa couche, ensuite de faire dresser l’inventaire, pour qu’il soit constat´ece qui appartient en propri´et´e`aelle, ainsi que ce qui lui 24 revient de la communaut´e ii.

L’administration centrale du Bas-Rhin hh consid´erant que le mari de la p´etitionnaire est maintenu d´efinitivementsur la liste des ´emigr´espar arrˆet´edu Directoire Ex´ecutif du 18 nivˆose an 5 [...] arrˆeteque l’administration municipale nommera sans aucun d´elaiun commissaire et un expert au nom de la R´epubliquepour proc´eder conjointement avec celui que l’exposante nommera de son cˆot´e`al’inventaire, partage et division en lots des biens indivis entre l’´emigr´e Pierre Untereiner et son ´epouse Anne-Marie Schaller, ainsi qu’`ala liquidation des droits de cette derni`ere [...] Provisoirement, l’administration municipale proc´edera `ala lev´ee des scell´esexistans sur le mo- bilier indivis et laissera `ala p´etitionnaire l’usage du linge, meubles et effet de premi`ere n´ecessit´e apr`esen avoir toutefois dress´el’inventaire et exig´ele cautionnement de sa part et `acharge de 25 les repr´esenteren mˆeme´etatet nature lors du partage ordonn´eci-dessus . ii

La maison d’Anne-Marie Schaller semble avoir ´et´eutilis´eepar la commune comme maternit´e avant la lettre : plusieurs enfants naturels, dont les naissances furent d´eclar´espar la sage-femme `al’officier d’´etat-civil,sont hh n´esdans la maison d’Anne-Marie Schaller, femme de Pierre Untereiner ii. Sous le Consulat, Pierre Untereiner rentra `aWeiterswiller, o`uil mourut en 1846.

22ABR 1L 777 23Selon une lettre du D´epartement au Directoire et au pr´esident du corps l´egislatif,cit´eepar Reuss, p. 147-148 24ABR Q 4428. 25ABR Q 4428.

9 Isaac Seligman et Joseph Samuel En mai 1799 (prairial an VII), le Directoire du district de Wissembourg examina la p´etition commune d’Isaac Seligmann et Joseph Samuel26. Sortis le 18 novembre 1793 et rentr´esen mars 1794, ils avaient fourni les pi`ecesdemand´ees. Cependant consid´erant que hh la loi all´egu´ee n’a ´et´erendue qu’en faveur des laboureurs et artisans travaillant habituellement de leurs mains aux ateliers, manufactures ou `ala terre ; que cons´equemment ni l’un ni l’autre des p´etitionnaires ne peuvent pr´etendre en leur qua- lit´ede marchands au b´en´efice d’exception qu’elle prononce, d’autant qu’`al’´egard de Seligmann Isaac quoiqu’il soit d´esign´ecomme savonnier dans le certificat sus all´egu´e,il est prouv´epar le t´emoignagede patriotes reconnus de la commune de Weiterswiller qu’il ne s’est nourri que d’un commerce cach´esans tenir boutique ouverte et qu’au surplus ce mˆemecertificat ne m´erite aucune attention, les faits y all´egu´esn’´etantattest´esque par des ´emigr´eseux-mˆemesou des parents d’´emigr´es ii, le bureau arrˆeteque hh Joseph Samuel et Seligmann Isaac de Weiterswiller sont d´eclar´es´emigr´es. Le s´equestre sera sur le champ ´etablisur leurs biens tant meubles qu’immeubles pour ˆetre 27 administr´espar la R´egie des Domaines ii.

Abandon des biens par la Nation Le dernier acte se rapportant aux ´emigr´esde Weiterswiller concerne les familles de Jean Aron, des fr`eresSchluth, de Pierre Vonmegen et des fr`eresSteyer28. A la date du 9 vend´emiairean VIII (1 octobre 1799), en s´eancepublique, l’administration municipale du canton d’Ingwiller rend l’arrˆet´esuivant :

hh Vu la d´eclaration des biens faits en conformit´ede la loi du 9 flor´eal 3 par les citoyens Martin Aron et Ursule Ruef ´epoux de la commune de Weiterswiller `acause de l’´emigration de leur fils Jean Aron ; le certificat de r´esidence de Marie Anne et Ursule Aron filles des d´eclarants ; ensemble la loi du 9 flor´eal 3 relativement aux ascendants d’´emigr´es; la direction municipale, consid´erant que d’apr`esl’estimation des biens d´eclar´esfaite par des experts duement asserment´esil appert que les dits biens ne montent qu’`ala somme de trois mille quarante deux francs non d´eduit le passif, que la d´eclaration est faite en temps utile et que les ´epoux d´eclarants n’ont jamais quitt´ela R´epublique; oui le commissaire du directoire ex´ecutif, estime qu’en vertu de l’article XI de la loi du 9 flor´eal 3, il y a lieu de renoncer aux biens d´eclar´eset d’en faire l’abandon d´efinitif`aces derniers ii.

La mˆemed´ecisionest prise au vu de d´eclarationssimilaires de S´ebastienSchluth et Anne Marie Kister (parents de Michel et Fran¸cois,´emigr´es)dont les biens ne se montent qu’`a1153 francs et de Elisabeth Gimbel (m`erede Pierre Vonmegen, ´emigr´e)dont les biens sont estim´es `a2800 francs. En revanche, au sujet de la d´eclarationde Chr´etienSteyer et Catherine Singer (parents de Michel et Fran¸cois,´emigr´es)l’administration hh juge qu’il n’y a pas lieu `ad´elib´erer sauf pour Catherine Singer qui n’a jamais quitt´ele territoire ii car Chr´etienSteyer, lui mˆeme´emigr´e, n’´etaitpas encore ray´ede la liste. Les biens sont estim´es`a1714 francs.

26no 8356 et 8365. Dans ses premi`eres s´eances de prairial, le D´epartement fait porter sur la liste des ´emi- gr´estoute une dizaine d’isra´elitesdu canton de Wissembourg, [....], Joseph Samuel, Seligmann Isaac, et fait s´equestrer leur avoir, bien que partis le 19 novembre 1793, ils soient rentr´esd`esgerminal et ventˆosede l’an III. P.V. du 1 prairial an VII - Reuss, p. 239 27ABR 1 L 782 28ABR Q 2851

10 R´eglement de la question des ´emigr´es Apr`esle coup d’´etatdu 18 brumaire, le Consulat mit en place la structure administrative centralis´eeavec pr´efetset sous-pr´efetsque nous connaissons. C’est le premier pr´efetdu Bas- Rhin, Laumond, hh qui eut la satisfaction de mener `abon terme la question des ´emigr´esde 29 1793 ii, sept ans apr`esla Grande Fuite. En 1800, sous son administration, les ultimes obstacles au retour de ceux qui ´etaient encore en territoire ´etranger´etant lev´es,les derniers ´emigr´es rentr`erent, comme Fran¸coiset Michel Schluth, Fran¸coiset Michel Steyer, Pierre Untereiner, de retour `aWeiterswiller. Mais plusieurs ´emigr´esne revinrent pas au village : on retrouve Fran¸coisLabont´eet sa femme `aSaverne ; Madeleine Singer, Oswald et Catherine Dentz, `aNeuwiller. Michel Diu, qui s’´etaitmari´e`al’´etrangeret avait eu une fille avant de revenir en France est officier de sant´e`a M¨uhlbach en 1812. Quant `aFran¸coisDiu, S´ebastienSchluth, Philippe Georges Flach, Jean Henne et sa femme, aucun document n’indique ce qu’ils sont devenus, mais tout porte `acroire qu’eux aussi ont regagn´ela France sous le Consulat.

Epilogue Les blessures n´eesde la Grande Fuite furent longues `acicatriser. Tant que les protagonistes de cette ´epoque troubl´eev´ecurent, les vieilles haines couv`erent. Ainsi, en 1810, une plainte sign´ee de citoyens de Weiterswiller, dont Louis Haehnel et Jacques Schunck, les principaux z´elateurs de la R´evolution, fut d´epos´eedevant le pr´efetcontre le maire catholique Louis Singer.

30 Dans la r´eponse adress´eeau pr´efetpour sa d´efense,Louis Singer ´ecrit`aleur sujet : hh Louis Haehnel et Jacques Schunck [...] dont l’administration n’a ´et´equ’un tissu de vexations et d’injustices dont les habitants ne perdront jamais la m´emoire ii. Et encore : hh [...] dont les deux principaux meneurs me font sans doute l’honneur de me comparer `aeux, lors qu’´etanten fonctions et arm´esde verge r´evolutionnaire, ils disposaient `aleur gr´ede la fortune de leurs administr´estremblans, opprimaient les catholiques et s’arro- geaient un pouvoir despotique ii.

On ne peut mieux d´ecrirel’importance du foss´eque l’´episode r´evolutionnaire creusa `aWei- terswiller entre les protestants, en majorit´er´epublicains,et les catholiques, le plus souvent hostiles `ala R´epubliquejacobine.

Sources manuscrites Archives d´epartementales du Bas-Rhin : S´erieL : 1 L 777 - 1 L 782 - 1 L 1109 S´erieM : 1 M 86 S´erieQ : Q 1271 - Q 1294 - Q 1483 - Q 1528 - Q 1982 - Q 2243 - Q 2303 - Q 2595 - Q 2744 - Q 2825 - Q 2851 - Q 2898 - Q 3044 - Q 3102 - Q 3178 - Q 3643 - Q4428 Archives communales : Etat-civil, matrice cadastrale pour l’impˆotfoncier des propri´etaires (1794)

Sources imprim´ees Archives d´epartementales du Bas-Rhin : liste d’´emigr´es´etabliepar M. Martin. SHASE ; Un village du canton de La Petite Pierre : Weiterswiller ; Cahier 47-48 ; 1964

29Reuss, p. 312 30ABR 1 M 86

11 SHASE ; La Petite Pierre : Site * Pass´e* Monuments ; cahier 66-67 ; 1969. SHASE ; Pays d’Alsace : Ingwiller, pages d’Histoire ; cahiers 159-160 ; 1992. SHASE ; Pays d’Alsace no 186 (p.19 `a26) FURET Fran¸cois; La R´evolution,De Turgot `aJules Ferry 1770-1880 ; Histoire de France Ha- chette ; Paris, 1988. BETZINGER Claude ; Vie et mort d’Euloge Schneider ci-devant franciscain : Des Lumi`eres `a la Terreur 1756-1794 ; La Nu´eeBleue ; Strasbourg, 1997. MARX Roland ; La R´evolutionet les classes sociales en Basse-Alsace : structures agraires et ventes des biens nationaux ; Biblioth`equeNationale ; Paris, 1974. BACH Albert ; Voellerdingen, M´emoires de mon village du XVIIIe au XXe si`ecle ; Oberlin ; Strasbourg, 1997. REUSS Rodolphe ; La Grande Fuite de d´ecembre 1793 et la situation politique et religieuse du Bas-Rhin de 1794 `a1799 ; Istra ; Strasbourg, 1924. SPECKLIN Paul F. ; Villages du Sundgau, Sausheim et ses environs sous la R´evolution ; Sau- sheim, 1989.

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