Dossier

Explication de textes Le cahier des charges était clair pour Michaël Youn : disséquer tous les aspects du rap. Commercial, crunk, marseillais, hardcore, clash… Rap Addict vous propose un passage en revue des références disséminées dans ce premier album, plus intelligent qu’il n’y paraît. Intronisé co-auteur sur quelques titres, Gérard Baste des Svinkels nous donne son avis.

au délire latino), la chanson s’envole vers des cimes lyricales qui « T’as vu » feat. Cut Skieur feraient pâlir plus d’un MC « sérieux ». La raison en est simple : Michaël Youn choisira pour ouvrir l’album de reprendre le sketch Gérard Baste a écrit tous les couplets du morceau. Résultat, une ava- original du « Morning Live », qui vit apparaître pour la première fois lanche de doubles sens et de trouvailles lexicales de haute volée, dans le groupe de hardcore savoyard Fatal Bazooka. Benjamin Morgaine la plus pure tradition Svinkels. y reprend son rôle d’animateur de l’émission « Rap à gogo », tandis que Michaël s’en donne à cœur joie en singeant tous les tics de lan- « t’as vu » qui donnent son « Saturday Night Kebab » gage du rappeur lambda, multipliant les Gérard Baste : « Sur ce morceau, Michaël voulait dynamiter un peu le nom à l’album, samplés et scratchés d’une main de maître par Cut côté “bling bling” du rap. Au début, on voulait faire un truc encore plus Killer, rebaptisé « Cut Skieur » pour l’occasion. pathétique, genre “Hotel Formule 1”, mais ça faisait trop de pub alors on a ni sur une chanson où le mec  ambe en emmenant une meuf « » au kebab dans sa Kangoo. Mais on s’est fait niquer par le truc pourri Peut-on encore ajouter quelque chose sur le tube par qui tout est qui tourne sur le Net, “Mange du kebab”, qui est sorti en même temps arrivé (il y a un an déjà) ? Visiblement pensée comme un one shot, (rires) ! » « Fous ta cagoule » est la seule chanson de l’album qui ne se focalise pas sur une seul aspect du hip-hop, plagiant entre autres le rap mar- « Ouais ma gueule » seillais avec le passage de Profanation Fonky et le slam avec un faux Autre thème, autre délire : le rap du bureau. Youn crée le mash-up . La prod hyper e cace et la gouaille de Michaël improbable entre rap et vie d’entreprise. Un grand écart réussi, puis- Youn donneront le carton que l’on sait. qu’on imagine bien le mec en costard en train de se prendre pour 50 Cent. Un morceau qui rappelle forcément des séries comme « Viens bégère » « Messages à caractère informatif », « Caméra café » Àou noter encore le clin«  e On entre dans le vif du sujet avec ce « Viens bégère », qui annonce O ce », transposée chez nous avec « Le Bureau ». clairement la couleur de l’album : on prend un style précis – ici une d’œil furtif au « Dangereux » d’IAM. instru qui sonne fortement Dirty South – et on en retourne violem- ment les codes. Du coup, alors qu’on attend un gros egotrip façon « Ego Trip » pimp, Youn et ses compères balancent des lyrics qui n’auraient pas Va en cours, range ta cham- La cible de cet « Egotrip » est toute désignée. Les punchlines de fait tache dans la bouche de vos parents : « Booba, qui mirent le rap game à genoux, en prennent ici sérieuse- bre, fais les courses, fais tes devoirs… » ment pour leur grade. Flow, voix sous-pitchée, métaphores abusées, le gangsta rappeur à la française se fait joliment égratigner, d’autant « J’aime trop ton boule » que même en poussant l’exagération des lyrics au maximum, on se Le morceau qui aura fait hurler tous les puristes du hip-hop : un titre rend compte qu’on n’est jamais forcément bien loin deÉ goïstel’original. ». Pub Quant pro-gay ! Michael Youn prend un malin plaisir à détourner les codes à l’instru, elle reprend une pub célèbre de Chanel, « macho du milieu pour en tartiner quelques couches bien grasses, d’ailleurs parodiée en son temps dans le « Morning Live ». histoire d’appuyer son propos auprès des homophobes les plus pri- maires. Secouez le tout et vous obtenez un tube ragga tellement chaudÀ « » qu’il ferait passer Lord Kossity pour un représentant en frigos. Le seul morceau de l’album où l’on sort de l’imitation ou de l’évoca- signaler, la présence de son vieux complice Magloire dans l’inoublia- tion pour entrer dans la parodie pure. Musique, paroles, titre, clip, ble clip. on repique point par point le morceau de Diam’s et on en prend le contre-pied absolu, en se plaçant du côté du mec in dèle. Notons un « Viva bazooka » Pascal Obispo qui s’en donne à cœur joie, en alter ego de . On s’éloigne du pastiche pur pour  irter dangereusement avec le morceau « normal ». Une fois le thème posé (egotrip savoyard mixé

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« Sale connasse » na- Gérard Baste : « C’est un morceau très premier degré. J’adore. Il y a fi lement peu de place pour le second degré dans le rap. Prends les mor- ceaux de Snoop, c’est totalement premier degré et ils sont super marrants. Même dans le Svink, au début on faisait pas mal de sous-entendus qu’on a un peu délaissés au profi t de morceaux plus frontaux. Ca me fait pen- ser au dernier morceau d’OrelSan, “Sale p*te”, que je trouve bien kif- fant aussi. » « Chienne de vie » feat. Tristesse au Soleil liation est évidente. « Chienne de vie » s’attaque au rap Là encore, la fi c une ins- marseillais sur tous les fronts : tout d’abord sur la forme, ave tru à base de musique classique, gimmick typique des productions marseillaises. Ensuite sur le fond, avec un morceau pseudo-dépressif, qui rappelle les rimes les plus sombres de la scène marseillaise, notam- Mains pleines de ciment 2. ment réunies par Soprano sur la mixtape Youn y livre au passage une de ses meilleures prestations. « Auto-clash » Autre aspect majeur du rap à passer par la moulinette du déconneur en chef : le clash. Contre toute attente, Michaël Youn s’y fait très intime, revenant sur certains épisodes de sa vie privée sans s’épargner quel- « J’ai convaincu Michaël de ques punchlines assassines. Gérard Baste : se livrer un peu plus, à la manière d’un Eminem, par exemple. Ça lui a permis de désamorcer quelques trucs, avant que quelqu’un d’autre lui mette dans la gueule. » « Parle à ma main » feat. Yelle Découverte sur le Net grâce au morceau « Je veux te voir », où elle asticote Cuizinier de TTC (par ailleurs ami avec Youn), Yelle se voit per à l’aventureFatal expressément invitée par ce dernier à partici du phénomène « pétasse ado- Bazooka. Ça donnera cette parodie soft vers de la chanteuse. lescente », musicalement assez proche de l’uni Vitaa se remange une claque au passage. Trankillement Gérard Baste : « Certainement le morceau dans lequel Michaël se rap- proche le plus du rap français tel qu’il est aujourd’hui. Quand on s’est vus la première fois pour l’album, il voulait de toute façon partir sur un truc à la “Gettin’ Jiggy With It” de Will Smith. Les radios avaient eu(rires) du mal ! à accrocher sur “J’aime trop ton boule” qui était trop… subversif eaux Je pense que si le morceau est sorti, c’est en partie à cause des rés user. Les tubes “rap” généralistes, qui voulaient un truc plus facile à diff iveau. » de l’été, ça a été “Trankillement“ et Black Mamba, tu vois le n

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