LLLLEEEESSSS C CCCOOOONNNNSSSSEEEEIIIIILILLLLLLLEEEERRRRSSSS Les cabinets, noirs de monde

Le nombre maximum de conseillers a été revu à la hausse dans le gouvernement Castex, renforçant le pouvoir des entourages ministériels.

21 juillet 2020 Épisode n° 18 Texte Aurore Gorius Photo Christophe Saidi/Sipa

PDF généré le 21 juillet 2020 pour [email protected]

omme il est difficile pour le pour les ministres, treize pour les pouvoir de se passer de ministres délégués et huit pour les C conseillers ! Et même, secrétaires d’État – ces derniers n’ont simplement, de limiter leur toujours pas été nommés. C’est une présence au sein de augmentation conséquente, qui ffffaaaaiiiitttt l’exécutif. Pendant sa campagne rrrreeeemmmmoooonnnntttteeeerrrr l llleeeessss e eeeffffffffeeeeccccttttiiiiffffssss m mmmaaaaxxxxiiiimmmmuuuummmm d dddeeee m mmmoioioioittttiiiiéééé présidentielle, avait pour les cabinets des ministres. Le promis une révolution des méthodes de macronisme ne déroge pas à une loi bien gouvernement. Fraîchement élu, il connue des nouveaux pouvoirs : en imposait des cabinets ministériels réduits avançant dans le mandat, le nombre de dans le gouvernement d’Édouard Philippe. conseillers tend à augmenter, parfois Désormais, les ministres devraient fortement. « s’appuyer davantage sur leur administration », avait-il proclamé. Cette décision n’a pas survécu à l’exercice du pouvoir. La taille des cabinets ministériels a été revue à la hausse dans le gouvernement du nouveau Premier ministre, Jean Castex. Quelques jours après que la liste des ministres a été dévoilée (lire llll’’’’é’é’ééppppiiiissssooooddddeeee 1 1117777, « Un gouvernement en combinaison de Castex »), un ddddééééccccrrrreeeetttt, paru le dimanche 12 juillet au Journal officiel, a fixé les nouveaux plafonds : le nombre maximum de conseillers s’élève désormais à quinze er Tous ceux qui défendent la 324 membres au 1 août 2019, sssseeeelllloooonnnn llll’’’’a’a’aannnnnnnneeeexxxxeeee a aaauuuu p ppprrrroooojjjjeeeetttt d dddeeee l lllooooiiii d dddeeee fi fififinnnnaaaannnncccceeeessss d dddeeee compression, voire la 2222000022220000. Fidèle parmi les fidèles de l’ancien suppression des cabinets maire de Bordeaux, Édouard Philippe a ministériels, sont bien tenté, vingt ans plus tard, de reprendre le flambeau. Mais trois mois généralement très vite après son arrivée à Matignon, la machine démentis. Ce sont des gouvernementale semblait déjà à bout de rouages structurants de notre souffle, ccccoooommmmmmmmeeee l llleeee r rrraaaappppppppoooorrrrttttaaaaiiiitttt a aaalllloooorrrrssss LLLLeeee M MMMoooonnnnddddeeee. Au ministère de l’Économie, régime politique, même s’ils une conseillère de jetait ne sont mentionnés dans l’éponge au bout de trois semaines. La aucun article de la difficulté à réduire les effectifs s’est vue rapidement dans le navire amiral qu’est Constitution. » Bercy, où tous les secteurs économiques Jean-Michel Eymeri-Douzans, professeur de doivent être couverts par le cabinet. Le sciences politiques prédécesseur de Bruno Le Maire, Michel Sapin, était épaulé par un cabinet trois à quatre fois plus conséquent. La litanie des chiffres est assez parlante. À l’arrivée de François Hollande à l’Élysée, la consigne passée par son Premier ministre, Jean-Marc Ayrault – déjà, à l’époque, quinze conseillers maximum par ministre –, n’a jamais été tenue. Au bout d’un an, 15 ministères sur 39 dépassaient le seuil qui avait été fixé non par décret, mais via une simple circulaire. Trois ans plus tard, sous , plus de 40 % des ministères avaient franchi cette limite. Sous Nicolas Le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti et Sarkozy, le nombre de conseillers son chef de cabinet, Jean Gaborit, lors des ministériels avait augmenté de 21 % entre cérémonies du 14 juillet 2020, à Paris — Photo 2007, année de son élection, et 2009. Les Ludovic Marin/Pool/Via MaxPPP. cabinets du gouvernement Fillon comptaient 517 conseillers en 2008 contre Les tentatives de contournement de la 626 en 2009. Réduire la taille des cabinets règle présidentielle s’étaient alors est une vieille antienne, qui fut répétée multipliées. Toujours à Bercy, la direction notamment par , au cours du Trésor avait, par exemple, procédé à de de sa campagne présidentielle de 1995, des nominations qui ressemblaient à s’y centrée sur la fracture sociale, qui méprendre à des postes de conseillers en s’accompagnait d’un fort discours anti- cabinet (rédacteur de discours, conseiller élite et antitechnocratique. Au lendemain « communication externe » ou conseiller de sa victoire, le gouvernement Juppé « politique économique »…). Les s’était limité à quelque 400 conseillers délégations interministérielles à l’aide ministériels – les cabinets sous l’ère aux victimes, aux Jeux olympiques, à la Édouard Philippe comptaient transformation publique, à la prévention et à la lutte contre la pauvreté, aux restructurations d’entreprises… s’étaient qu’outre-Atlantique. « La tradition de aussi multipliées : à la rentrée 2017, l’administration française est très quatre mois après l’élection d’Emmanuel ancrée : les ministres passent, pendant Macron, quatre délégués interministériels qu’elle reste en place », explique Jean- avaient déjà été nommés. Autant d’astuces Michel Eymeri-Douzans. Résultat : il plus ou moins visibles pour regonfler les revient aux cabinets ministériels, effectifs qui tendent à montrer que, loin émanations du pouvoir politique, de des bonnes intentions affichées, souvent mettre les réformes en musique en justifiées par des raisons budgétaires, les actionnant les leviers administratifs. cabinets ministériels joue un rôle-clé dans « Avec des cabinets plus restreints, le le gouvernement à la française. « Tous risque d’immobilisme est plus fort », note ceux qui défendent la compression, voire encore Jean-Michel Eymeri-Douzans. D’où la suppression des cabinets ministériels, la multiplication des conseillers sont généralement très vite démentis. Ce thématiques et techniques, afin de couvrir sont des rouages structurants de notre toutes les compétences des ministres. régime politique, même s’ils ne sont mentionnés dans aucun article de la Constitution », note Jean-Michel Eymeri- Douzans, professeur de sciences politiques et spécialiste de la haute administration. Les cabinets sont aussi des outils de contrôle : des conseillers Jean Castex, à droite, avec son chef de cabinet, proches de Macron ont Mathias Ott, à gauche, lors des cérémonies du 14 juillet 2020, à Paris — Photo Jacques ainsi rejoint des Witt/Sipa. ministres du nouveau Les cabinets ministériels sont aussi des gouvernement Castex outils de contrôle de l’Élysée sur Matignon et sur le gouvernement – la Rouages essentiels, les cabinets limitation du nombre de conseillers n’a ministériels le sont car ils représentent un d’ailleurs jamais concerné l’Élysée qui puissant outil de contrôle politique de compte, depuis trois ans, une soixantaine l’administration. À son arrivée au pouvoir, de conseillers. Dans le nouveau Emmanuel Macron avait annoncé gouvernement Castex, des conseillers l’instauration d’un « spoil system » à proches d’Emmanuel Macron sont allés l’américaine. À chaque nouvel arrivant à la rejoindre des ministres nouvellement Maison-Blanche, les hauts responsables nommés. Jean Gaborit, l’ancien chef de de l’administration valsent selon leur cabinet adjoint d’Emmanuel Macron, est prédisposition à appliquer le programme devenu le chef de cabinet du ministre de du nouveau président. Une façon de la Justice, Éric Dupond-Moretti, aussi s’assurer de leur loyauté. Mais en , novice dans son rôle de ministre que l’administration est moins politisée controversé. D’autres recrues de La République en marche (LREM) Les soupentes des devraient rejoindre le cabinet du garde des Sceaux, comme Jonas Bayard, ancien ministères sont de conseiller presse de Brune Poirson au puissants accélérateurs ministère de la Transition écologique. À l’Intérieur, auprès du nouveau ministre, le de carrières où s’y apprend très ambitieux Gérald Darmanin, l’ancien l’exercice du pouvoir chef de cabinet du Président de la république, François-Xavier Lauch, a été Ce sont aussi dans les soupentes des nommé directeur de cabinet adjoint. Le ministères que s’apprend l’exercice du Premier ministre lui-même compte dans pouvoir. Et où celui-ci puise de nouvelles son cabinet des anciens conseillers ou recrues. Les cabinets ministériels sont de proches d’Emmanuel Macron : son chef de puissants accélérateurs de carrière où cabinet, Mathias Ott, ou Nicolas Revel, son nombre de politiques ont fait leur classe. directeur de cabinet (lire llll’’’’é’é’ééppppiiiissssooooddddeeee 1 1117777). Le nouveau Premier ministre, Jean Castex, Dans un chassé-croisé bien orchestré, ce fut secrétaire général adjoint de l’Élysée dernier, en provenance de la Caisse sous Nicolas Sarkozy, après avoir été nationale d’assurance maladie (Cnam), a directeur de cabinet de été remplacé par Thomas Fatome, qui fut aux ministères de la Santé, puis du pendant trois ans le directeur de cabinet Travail. Comme un ou adjoint d’Édouard Philippe, chargé des un avant lui, Jean questions sociales et de santé. La dyarchie Castex arrive à Matignon sans avoir au sommet de l’exécutif, propre à la jamais occupé de fonction ministérielle, Ve République, crée une concurrence mais avec une bonne connaissance des permanente entre président de la rouages de l’exécutif grâce à son parcours République et Premier ministre. Toujours en cabinet. Comme il le fit avec Claude dans une logique de contrôle par l’Élysée Guéant, ancien secrétaire général de – officiellement dans une logique l’Élysée nommé ensuite ministre de d’« harmonisation » –, des conseillers l’Intérieur, Nicolas Sarkozy avait conseillé communs avec Matignon avaient été mis à Emmanuel Macron de confier à Alexis en place. Parmi eux, Marguerite Kohler, actuel secrétaire général de Cazeneuve, jusqu’ici simple conseillère l’Élysée, les rênes de Matignon, pour s’y technique chargée de la protection assurer un relais de premier choix sur la sociale, est récompensée et promue fin de son mandat. Une logique qui conseillère santé (chef de pôle) du fleurait bon l’hyper-présidence, comme nouveau Premier ministre. aimait la pratiquer l’ex-chef de l’État. Emmanuel Macron n’a pas tout à fait suivi son conseil, mais presque. PDF généré le 21 juillet 2020 pour [email protected]

Texte Aurore Gorius Photo Christophe Saidi/Sipa Édité par Lucile Sourdès-Cadiou

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