La Revue de la BNU

19 | 2019 Varia 19

Riga, métropole

Jānis Krastiņš Traducteur : Hancock Hutton

Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/rbnu/2117 DOI : 10.4000/rbnu.2117 ISSN : 2679-6104

Éditeur Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg

Édition imprimée Date de publication : 1 mai 2019 Pagination : 18-27 ISBN : 9782859230791 ISSN : 2109-2761

Référence électronique Jānis Krastiņš, « , métropole art nouveau », La Revue de la BNU [En ligne], 19 | 2019, mis en ligne le 01 mai 2019, consulté le 27 janvier 2021. URL : http://journals.openedition.org/rbnu/2117 ; DOI : https://doi.org/10.4000/rbnu.2117

La Revue de la BNU est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Partage dans les Mêmes Conditions 4.0 International. Bâtiments Art nouveau dans le centre de Riga

18 DOSSIER Strasbourg-Riga : l’Art nouveau aux confins d’empires

urbanisme et architecture

RIGA, MÉTROPOLE ART NOUVEAU

PAR JĀNIS KRASTIŅŠ (TRADUCTION FRANÇAISE HANCOCK HUTTON)

Riga, capitale de la Lettonie, la sur l’industrie et l’artisanat, représentative du style période Art nouveau a coïncidé avec Art nouveau de par la conception de ses pavillons et un regain d’activité dans l’industrie, de ses stands 1. De nombreuses affiches, programmes, le commerce et la culture. Le nombre cartes postales, diplômes et autres supports imprimés d’habitants est passé de 282 230 en consacrés à l’exposition étaient des paradigmes de l’art À 1897 à plus d’un demi-million peu graphique typique de l’Art nouveau. après la Première Guerre mondiale. Au début du 20e siècle, une nouvelle géné- Les usines de Riga produisaient tout, depuis les simples ration d’architectes s’est mise au travail avec enthou- aiguilles jusqu’aux voitures, en passant par les wagons siasme dans la ville. La plupart d’entre eux avaient de chemin de fer. Au début du 20e siècle, le secteur de obtenu leurs diplômes auprès de l’Institut polytech- la construction a connu un essor sans précédent. Les nique de Riga (IPR), la faculté d’architecture qui avait petites maisons en bois des anciennes banlieues ont été ouvert ses portes en 1869. Riga s’est avérée être un remplacées par des édifices de maçonnerie de plusieurs terrain très fertile pour les nouvelles idées naissant sur étages qui caractérisent aujourd’hui encore l’apparence la scène internationale. Cinquante architectes environ du centre historique de la ville. Après 1904, aucun y étaient en activité durant la période de l’Art nouveau. nouveau bâtiment de style éclectique n’a été construit La plupart étaient d’ascendance germano-balte et origi- à Riga, quand les immeubles Art nouveau représentent naires de la région. Environ dix architectes seulement près du tiers de la surface bâtie totale du centre-ville étaient lettons, mais ils sontà l’origine de plus du tiers (voir ill. ci-contre). des bâtiments construits à cette époque. Dans une certaine mesure, la célébration du À Riga, l’Art nouveau s’exprime sous des formes 700e anniversaire de Riga en 1901 a favorisé le déve- très diverses ; pourtant, depuis le début, celles-ci­ sont loppement de l’Art nouveau dans la ville. La pièce maî- marquées par un aspect très rationnel, voire modeste tresse de cette célébration fut une grande exposition et sobre. C’est le cas de l’un des premiers bâtiments

19 Art nouveau de la ville, un immeuble d’habitation avec motifs ornementaux à la mode, qui s’étaient déjà bien des boutiques situé au 7 Audēju iela 2 (1899, architectes développés dans d’autres arts visuels de l’époque : Alfred Aschenkampff et Max Scherwinsky, voir ill. ci- les lignes sinueuses, les plantes stylisées, les formes contre, à gauche) 3. Sa façade affiche un langage déco- curvilinéaires ou en forme de trou de serrure, toute ratif typique de l’Art nouveau avec des compositions de une gamme de masques rieurs, hurlant ou rêveurs, lignes, de cercles et de plantes stylisées en relief, tandis les bandes verticales, apposées par groupes de trois que la corniche repose sur des corbeaux de métal au ou de cinq et dont celle du milieu est plus longue, les design artistique. L’élégant dessin de l’élévation de la motifs géométriques, etc. On trouve des exemples de façade de l’immeuble montre clairement que les deux cet Art nouveau éclectique et décoratif à Riga dans les étages inférieurs abritent des boutiques et des bureaux, premières réalisations des architectes H. Scheel et F. tandis que les étages supérieurs sont occupés par des Scheffel, par exemple au 86 Tērbatas iela (1900), au 8 appartements. La complexité du fenêtrage reflète la Smilšu iela (1902), aux 10 et 12 Ģertrūdes iela (1902) et fonctionnalité de la disposition et l’emplacement des au 9 Teātra iela (1903). D’autres maîtres de l’architec- pièces. ture bien connus à Riga ont conçu des bâtiments dans Parmi les plus anciens bâtiments de la période cet esprit, notamment K. Pēkšēns, Rudolph Heinrich Art nouveau à Riga se trouve aussi l’immeuble d’habita- Zirkwitz, A. Schmaeling, J. Alksnis, Karl Johan Felsko, tion, avec des commerces au rez-de-chaussée, situé au August Witte et d’autres encore. 55 Brīvības iela (1900, architecte , Environ une douzaine d’immeubles dans ce voir ill. ci-contre, en haut à droite). Il est explicitement style Art nouveau éclectique et décoratif, dont les rationnel dans son expression architecturale qui diffère façades éblouissent littéralement par l’abondance et des façades éclectiques habituelles, à la décoration l’enchevêtrement d’éléments décoratifs inhabituels, uniforme. Pourtant son image générale exprime une ont été créés par l’ingénieur civil . continuité historique : les façades sont couronnées Cinq d’entre eux bordent l’Alberta iela. La façade de de plusieurs pignons évoquant l’architecture de la l’immeuble du 10b Elizabetes iela (voir ill. p. 22) a été Renaissance néerlandaise ou allemande. Cette tendance conçue en copiant et en complétant un croquis en éléva- artistique romantique reflète l’influence de la culture tion de l’architecte Georg Wünschmann et du graphiste allemande dans l’architecture Art nouveau de Riga. La Hans Kozel de Leipzig. Ce croquis a été publié dans une façade comprend au moins vingt masques différents et collection d’échantillons de dessins représentant des d’autres reliefs décoratifs que l’on ne peut distinguer élévations « du nouveau style » 4. La façade et l’escalier qu’après un examen plus minutieux. Parmi les premiers ornementé ont été restaurés en 2000. exemples de cette tendance stylistique de l’Art nouveau, Vers 1907, les façades des maisons nouvelle- on peut également citer les immeubles d’habitation et de ment construites ont commencé à afficher une verti- commerces du 68 Brīvības iela (1903, architecte Alexan- calité prononcée et de minces éléments verticaux sont der Schmaeling), du 23 Krišjāņa Valdemāra iela (1901, apparus dans la composition architecturale. Il s’agissait architectes et Friedrich Scheffel), du le plus souvent de baies vitrées fortement articulées et 110 Brīvības iela (1902, architecte Jānis Alksnis), du 8 de lésènes légèrement saillantes, ou encore de bandes Antonijas iela et du 12 Alberta iela (ces deux derniers verticales d’un motif différent, s’élevant sur plusieurs datant de 1903, architecte Konstantīns Pēkšēns, voir étages. Ces caractéristiques formelles sont typiques de ill. ci-contre, en bas à droite). La maison du 12 Alberta l’Art nouveau perpendiculaire. Dans l’architecture de iela appartenait à son architecte et a été conçue en colla- Riga, c’est l’une des tendances les plus répandues du boration avec Eižens Laube, alors étudiant en architecture. style Art nouveau. L’architecte Jānis Alksnis a fait de Elle abrite aujourd’hui le musée de l’Art nouveau de Riga. cet Art nouveau perpendiculaire sa marque de fabrique. Lorsqu’il apparut, l’Art nouveau fut souvent Plus de cent bâtiments conçus dans ce style ont été perçu comme un simple changement dans la décoration réalisés selon ses plans. Ainsi l’immeuble situé au 19 des immeubles. Les éléments éclectiques imitant des Stabu iela (voir ill. p. 25), dont il était lui-même pro- styles plus anciens étaient remplacés par de nouveaux priétaire, a été construit en 1908. Sa façade se distingue

20 Immeuble d’habitation avec boutiques, situé au 55 Brīvības iela (1900, Wilhelm Neumann)

Immeuble d’habitation situé au 12 Alberta iela (1903, Konstantīns Pēkšēns et Eižens Laube). Vue extérieure et croquis en perspective d’Eižens Laube (collection particulière pour ce dernier)

Immeuble d’habitation au 7 Audēju iela (1899, Alfred Aschenkampff et Max Scherwinsky). Vue extérieure et dessin du projet

21 Immeuble situé au 10b Elizabetes iela (1903, Mikhail Eisenstein)

22 par sa composition précise, ses proportions élégantes construit en 1912-1913 par l’architecte P. Mandelstam et et le graphisme de ses reliefs ornementaux. En 1987, le le second entre 1913 et 1917 par les architectes Herbert bâtiment a été détruit par un incendie. Il a été restauré Tiemer et Max Deubner (voir ill. p. 25, à droite). Sur les entre 1997 et 1999, en préservant la configuration d’ori- deux bâtiments, la structure porteuse est une armature gine avec une aile centrale abaissée d’un demi-niveau métallique, ce qui permettait de construire une façade par rapport à celles donnant sur la rue et la cour. Cette largement vitrée avec des tympans très étroits. Outre solution permet une utilisation plus rationnelle des des bureaux et des boutiques, l’immeuble du 24 Kaļķu cages d’escalier. Dans les cours et sous l’aile centrale, iela abritait également des appartements et un cinéma. un parking à deux étages a été ingénieusement construit Plusieurs espaces publics sont accessibles depuis une pendant cette restauration. Presque tous les éléments pittoresque cour intérieure, agrémentée d’une fontaine. historiques de la finition de la façade ont été restaurés L’immeuble a été reconstruit plusieurs fois, mais il a avec exactitude. conservé son image architecturale d’origine. Un casino Le bâtiment de la Société de crédit mutuel des a été installé à la place du cinéma. En 2003, la cour a marchands de Riga, situé au 14 Tērbatas iela, est l’une des été recouverte d’une verrière. pièces maîtresses de l’Art nouveau perpendiculaire de la Parmi les différentes tendances formelles ville (voir ill. p. 25, à gauche). Il a été construit en 1909 et de l’Art nouveau, le romantisme national est l’une conçu conjointement par Konstantīns Pēkšēns et Arthur de ses variantes stylistiques les plus particulières Moedlinger. Les façades du bâtiment sont revêtues de et les plus attrayantes. Il reflétait les tentatives des granit noir importé de Finlande et de Suède. À l’origine, différentes nations de perpétuer les qualités et les certains des reliefs décoratifs étaient dorés. Les vitraux attributs caractérisant leur architecture nationale. Dans des cages d’escalier sont l’œuvre du peintre et artiste l’Europe du Nord, les bâtiments conçus dans le style verrier Kārlis Brencēns. Ils symbolisent l’éducation, romantique national incarnent la vigueur primitive et les transports, le commerce, la navigation et d’autres la fonctionnalité. Ils sont plutôt lourds, d’une noblesse thèmes encore. Le vitrail entre le rez-de-chaussée monumentale, et ont généralement un toit en pente. et le premier étage montre un portrait de Krišjānis En Lettonie, en effet, les toits à pignons en croupe Valdemārs, économiste, journaliste et chef spirituel du pentue sont très typiques de l’architecture locale. La mouvement de l’Éveil national letton, avec la devise finition extérieure donne la préférence à l'utilisation de « Voguez vers la mer, Lettons, et prospérez grâce à l’or matériaux de construction authentiques et naturels. À qu’elle vous procure ». Parmi les autres architectes les Riga, le romantisme national n’a eu cours que pendant plus prolifiques dans ce style, on peut citer Eižens Laube, une période relativement courte, allant de 1905 à 1911. Il Oskars Bārs, Rudolf Donberg, Edgar Friesendorff, est toutefois resté comme l’épisode le plus remarquable Bernhard Bielenstein, Paul Mandelstam, Nikolai Nord de l’histoire de l’architecture locale, en tant que reflet ou Ernests Polis. Dans le centre de Riga, il existe de l’identité de la nation. Les architectes lettons se plusieurs endroits où des groupes de bâtiments conçus sont efforcés de créer leur propre style national, en dans le style Art nouveau perpendiculaire déterminent s’inspirant des traditions vernaculaires de construction l’apparence du paysage urbain. On les trouve, par et des motifs ethnographiques traditionnels. exemple, sur le tronçon de Brīvības iela situé entre les La période Art nouveau fut de fait une époque rues Ģertrūdes et Stabu, où les immeubles de ce style où le caractère de Riga est devenu de plus en plus net- s’élèvent majestueusement des deux côtés de la rue. On tement letton. Au milieu du 19e siècle, 23,6 % seulement trouve également des groupes d’immeubles d’habitation des presque 100 000 habitants de Riga étaient des sur Ģertrūdes iela aux numéros 30 (1909, J. Alksnis), 32 Lettons, puis, dans les années 900,1 alors que le nombre (1910, E. Laube) et 34 (1911, J. Alksnis), et sur Antonijas d’habitants avait été multiplié par cinq, la proportion des iela au 18 (1910, E. Polis), au 20 (1911, N. Nord), au Lettons atteignit environ 45 %. Vers 1910, à Riga, 31,5 % 22 (1913, E. Polis), au 24 et au 26 (1913, J. Alksnis), des propriétaires immobiliers étaient allemands, 10,4 % ainsi que des immeubles de bureaux aux numéros 22 étaient russes et 44,7 % étaient lettons. Parmi les pro- et 24 de Kaļķu iela. Le premier de ces bâtiments a été priétaires d’immeubles Art nouveau de plusieurs étages

23 construits à Riga au début du 20e siècle, le pourcentage et promoteur de cette tendance stylistique. La façade de Lettons était encore plus élevé, puisqu’il dépassait de l’immeuble de M. Klaviņš au 26 Aleksandra Čaka 60 % ! Le financement, sous forme de prêts hypothé- iela porte, quant à elle, l’inscription « Mans nams – caires, provenait de banques appartenant principalement mana pils », qui signifie « Ma maison est mon palais », aux Allemands. À cette époque, environ 300 journaux ainsi que de modestes décorations rappelant des motifs différents et 160 magazines étaient publiés en langue ethnographiques. La composition artistique repose sur lettone. Certains architectes lettons ont été particulière- une disposition asymétrique de la façade, avec deux ment actifs et productifs, puisqu’environ 250 immeubles textures différentes de plâtre appliquées sur les murs. de plusieurs étages ont été construits à Riga selon les Les ouvertures décalées d'un demi-niveau dans la partie plans de Konstantīns Pēkšēns, environ 130 selon ceux médiane de l'avant-corps légèrement en saillie montrent de Jānis Alksnis, tandis que près de 90 étaient conçus la structure spatiale du bâtiment et l'emplacement des par Oskars Bārs, 83 par Eižens Laube, 71 par Aleksandrs­ paliers en demi-espace dans les escaliers. Vanags et plus de 40 par Ernests Polis. Augusts Malvess et L’école située au 15-17 Tērbatas iela (voir ill. Mārtiņš Nukša ont conçu chacun environ 20 immeubles, p. 26, à gauche) est l’un des joyaux de l’architecture 15 environ l’ayant été par Jānis Gailis. du début du 20e siècle à Riga. Elle a été bâtie par le En 1908, l’architecte Eižens Laube publia un poète, avocat et éducateur Atis Ķeniņš. La silhouette manifeste consacré au style national : « Chaque nation du bâtiment est impressionnante et sa finition archi- a ses traditions qui reflètent son caractère et sa percep- tecturale fait appel à divers matériaux de construction tion de la beauté, ainsi qu’une certaine collection de naturels, utilisés dans des combinaisons différentes. formes favorites qui s’est transmise progressivement de Outre la brique rouge, le plâtre de textures différentes génération en génération. C’est aussi l’un des facteurs et les incrustations de carreaux de céramique verts, la qui explique la particularité du style » 5. Les Lettons finition de la façade utilise aussi le travertin qui pro- devaient avoir un style letton et Laube proposait un venait des environs de la falaise de Staburags, un lieu modèle permettant de l’obtenir :« Grâce aux choses situé sur la rive gauche de la Daugava et associé à la du passé que nous avons conservées, nous, Lettons, légende d’une vierge en pleurs (depuis la construction avons une opportunité de nous immerger dans l’esprit d’une centrale hydro­électrique en 1970, la falaise est de nos ancêtres, et plus nous continuerons à le faire, désormais immergée). Plusieurs détails structurels sont plus l’ancien esprit revivra en nous et revigorera chacun visibles sur la façade, par exemple les linteaux en acier de nous, nos vies et notre travail, comme jamais aupa- de construction laminé à chaud, au-dessus des fenêtres ravant, d’une manière nouvelle et puissante. Alors nos du deuxième étage, dans la partie de la façade revêtue bâtiments afficheront également un caractère qui sera de brique rouge, ainsi que des corbeaux expressifs, au individuel et letton » 6. Dès 1904, J. Asars écrivait, lui, sommet, qui sont les extrémités des fermes couvrant la que l’art devait évoluer en harmonie avec l’esprit de salle de classe. Ces structures étaient également visibles son temps et ses conditions de vie : « aussi quand notre et agencées artistiquement à l’intérieur du bâtiment. art pourra librement se développer en respectant les Mais le plus productif des architectes roman- besoins du style de vie letton et en les satisfaisant, il tiques nationaux a été Aleksandrs Vanags. Il a conçu sera alors un art authentique et dans la mesure où il un grand nombre de bâtiments en collaboration avec sera un art authentique, il sera letton dans son caractère, Pauls Kampe. L’architecte Augusts Malvess, pour sa à travers sa nécessité naturelle » 7. part, a utilisé des formes différentes et inhabituelles, et Les premiers bâtiments conçus dans le style joué sur les contrastes de textures et de couleurs. Plu- romantique national sont apparus à Riga en 1905, et sieurs architectes allemands de la Baltique exerçant à se trouvent au 4 Lāčplēša iela, au 26 Aleksandra Čaka Riga, tels que , Wilhelm Roessler et iela et au 15-17 Tērbatas iela. Les projets de tous ces d’autres encore, ont également apporté leur contribu- bâtiments ont été signés par K. Pēkšēns. Ses partenaires tion au romantisme national letton en produisant des de l’époque pour la conception étaient A. Malvess et œuvres qui utilisent cette approche stylistique. L’église E. Laube. Ce dernier est devenu le principal idéologue de la Croix (ou église Sainte-Croix), qui se trouve au 120

24 Immeuble de banque situé au 14 Tērbatas iela (haut) Immeuble d’habitation au 19 Stabu iela (1908, Jānis Alksnis) (1909, Konstantīns Pēkšēns, Arthur Moedlinger). Vue extérieure et vitrail de Kārlis Brencēns dans l’escalier (bas) Immeuble de bureaux situé aux 22 et 24 Kaļķu iela (1912-1917, Herbert Tiemer, Max Deubner et Paul Mandelstam)

25 École au 15-17 Tērbatas iela Immeubles d’habitation avec commerces (1905, Konstantīns Pēkšēns et Eižens Laube) aux numéros 67, 69, 71 et 73 Krišjāņa Valdemāra iela (1909-1910, Eižens Laube, Aleksandrs Vanags, Pauls Kampe)

26 Ropažu iela à Riga, est ainsi un emblème du romantisme Entre autres exemples remarquables du style national. Sa conception est l’œuvre de W. Bockslaff et Art nouveau, on peut citer pour finir plusieurs bâtiments Edgar Friesendorff. En 1907, les deux architectes avaient industriels conçus par des architectes de renommée dessiné pour cetteéglise des croquis dans un style néo- internationale. Le bâtiment de production de l’usine baroque 8, mais l’œuvre finalement réalisée montre que électrotechnique AEG au 214 Brīvības gatve a été ainsi l’esprit novateur de l’époque a fini par triompher. Pour construit selon les plans de Peter Behrens (1912), tandis des raisons de commodité, les allées sont très étroites, que l’immeuble de la société franco-russe de caout- tandis que la nef est asymétrique. La tour jouxte l’aile la chouc, gutta-percha et télégraphe «Provodnik », au 31 plus longue du transept. Cette église est l’un des joyaux Ganību dambis, suit les plans de Robert Maillard (1913). produits par la fusion des cultures lettone et allemande. Quant à l’immeuble d’habitation et de bou- On trouve un groupe imposant de bâtiments du tiques du 5 Miera iela, construit en 1912 selon les style romantique national sur Brīvības iela, entre les rues plans d’Alexander Schmaeling, d’Edgar Hartmann et Ģertrūdes et Lāčplēša. Les immeubles d’habitation des de Viktor Unverhau, c’est un joyau architectural unique numéros 67, 69, 71 et 73 de Krišjāņa Valdemāra iela (voir de l’époque Art nouveau. La volumétrie du bâtiment ill. ci-contre, à droite) forment l’ensemble le plus grand avec son fenêtrage en forme de ruban ressemble de très et l’un des plus impressionnants de cette tendanceà Riga. près à des exemples typiques du Mouvement moderne, L’immeuble du 67 Krišjāņa Valdemāra iela (1909, E. Laube) qui n’est apparu que dans les années 1920-1930. C’est possède une imposante tour d’angle et des reliefs décoratifs une preuve évidente du fait que toute l’architecture reprenant d’élégants motifs ethnographiques stylisés. Les moderne découle en réalité de l’Art nouveau. motifs, pareillement ethnographiques, figurant sur les façades des autres bâtiments (1909–1910, A. Vanags et P. Kampe) ne sont plus stylisés mais reproduits selon leur NOTES modèle d’origine. Le pilier en granit du portail d’entrée du 69 Krišjāņa Valdemāra iela rappelle les poteaux de bois 1— Max Scherwinsky (éd.), Die Rigaer Jubiläums-Ausstellung 1901 in utilisés dans l’architecture vernaculaire. Bild und Wort: ein Erinnerungsbuch, Riga, Jonck & Poliewsky, 1902 Par ailleurs, Reinhold Schmaeling, alors archi- 2— Iela : rue en letton e tecte de la ville de Riga, a conçu au tournant du 20 3— Pour cet exemple et les suivants, les détails de l'historique de siècle un certain nombre de bâtiments qui représentent construction des bâtiments sont indiqués en fonction des données disponibles dans les archives du Conseil de la construction de une autre variante formelle distinctive de l’Art nouveau. la ville de Riga (Archives historiques de la Lettonie, fonds 2761, Sur les façades de ses bâtiments, les surfaces de briques description 3). rouges alternent avec des zones de plâtre claires. Plus 4— G. Brodersen, Arhitekturnye fasady v novom stile, Sankpeterburg, d’une douzaine d’écoles, un complexe abritant le second 1902, p. 14 hôpital de la ville de Riga, un marché couvert, une caserne 5— E. Laube, « Par būvniecības stilu », in Zalktis, 1908, no 4 de pompiers et d’autres bâtiments ont été construits à la 6— Ibid. manière des projets réalisés par R. Schmaeling. 7— J. Asars, « Mākslas amatniecība », in Kopoti raksti, 1, vol. 1, 3, Puis, vers 1910, on a eu tendance à favoriser Riga, 1910 l’expression classique en architecture. C’est ainsi que le 8— Jahrbuch für bildende Kunst in den Ostseeprovinzen, néo­classicisme a émergé pour contrebalancer l’utilisation Architektenverein zu Riga, 1907, vol. 56 excessive d’éléments décoratifs dans l’Art nouveau. Paradoxalement, l’immeuble abritant la Société lettone de Riga au 13 Merķeļa iela est l’exemple le plus ancien du néoclassicisme à Riga (1909, architectes E. Laube et E. Polis). Mais après 1910, la plupart des immeubles de banque construits dans la ville ont reflété la nouvelle tendance architecturale, employant un vocabulaire classique.

27