___ SOMMAIRE

Académie nationale de 33

Société d'histoire et d'archéologie de la Lorraine

Mélanges :

P. de la Condamine,

La famille de la Condamine én Lorraine . . . . 35

A. Lauer.

Un sobriquet du pays de . . . • . • . . . • • • 41

· E. Morhain

A propos des monuments romans de 43

Bibliographie 45

Prière d'adresser toute correspondance (infonnations et a,rticles) à M. Jean COLNAT, Directeur des Services d'Archives de la Moselle, Pré·. · fecture, Metz (Tél. 68.17.10, poste 68).

Cotisation annuelle à la Société d'Histoire. et d'Archéologie (donnant droit à l'Annuaire et aux Cahiers lorrains) ; 7,50 NF- C.C.P. Strasbourg· 47-11). . .

Les opinions et ]ug.ements é!-Dis par les auteurs des articles, notices, · ... Cahiers lorrains · comptes-rendtg;, etc., publiés dans les. n'entraînent aucu­ nement la garantie des SoCiétés;. les auteurs restent seuls responsables .· de ce q�'ils avancent dans leurs écrits .

. . .

.. . .- :.. · :.1 ·•_ ...;;: 12e JUILLET 1960 Nouvelle Série - Année No 3 -

LEf tiiJIIERf LOilRIIINf

Organe des sociétés savantes de la Moselle

ACAD�MIE NATIONALE DE METZ

Séance du 5 mai 1960

M. Maurice LANTERNIER donne lecture d'un rapport intitulé : Souve­ nirs d'un voyage en 1910. Il s'agit d'un voyage d'études préalables à la construction d'une ligne de chemin de fer :dans la région 'du Chaco, au nord de la, République Argentine. M. Lanternier 'avait pour mission de prospecter la. forêt située de part et d'autre de l'axe provisoire de la future voie ferrée. Une importante Société française d'extraits tannants envisa­ geait l'acquisition de forêts au voisinage de la future ligne, pour son a·pprovisionnement ·en bois de quebracho. Cette iforêt primaire était r·iche en essences variées, notamment en quebracho, dont le bois imputrescible est tout indiqué comme pilotis. M. Lanternier donne de 1nombreux et pit­ toresques détails sur la composition de la miss1i on, son genre de vie, son régime alimentaire sa méthode de travail et la faune de 'la forêt. ILe voyage dura trois mois. S'il n'existait aucun confort, on n'avait cependant pas à présenter ni passeport, ni aucune pièce d'identité, et aucune restric­ tion monétaire n'était imposée. A l'unanimité, l'Académie· accueille parmi ses membres associés­ libres Mme Jean de , née de Broglie. La dernière partie de la séance est consacrée à la préparation des fêtes du 'bi-centenaire.

Séance du 2 juin 1960

La première partie de la séance est consacrée au renouvellement du bureau pour l'année 1960-1961. Il aura la composition suivante : Président : M. Gabriel HOCQUARD, Vice-président : M. le docteur BOULANGIER, Président honoraire : M. Hubert SAUR, Secrétaire : M. Jean COLNAT, Bi'bliothécaire : non désigné, Trésorier : M. Etienne SCHWEITZER, Secrétaire-adjoint : M. l'abbé EICH, Cons.eil d'administration : MM. le général BERTHELEMY et Maurice LANTERNIER. Sur le rapport de M. le doyen SCHNEIDER, l'Académie élit comme membres associés. libres M. René TAVENEAUX, chargé d'enseignement à la Faculté des Lettr·es de Nancy, et M. René CUENOT, conservlateur de la Bibliothèque municipale de Nancy. - 34 -

SOCIÉTÉ D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE DE LA LORRAINE

Excursions

Ce trimestre a été marqué par plusieurs excursions et visites dont M. Hatt, directeur de la circonscription ;des a•ntiquités htistoriques, a assumé la direction. Le 22 avril, une centaine de personnes venues de Metz, de et de toute la région, ont visité près d', une officine de potiers mise au jour au cours des travaux de canalisatlion de la Moselle. Fondé vers la fin du II" siècle de notre ère, à l'emplacement d'un site habité dès l'époque gauloise, cet atelier a laissé les restes d'un hangar et de trois fours, et de très nombreux débris de poteries ; malheu­ reusement les travaux en cours n'ont pas permis de conserver les ruines, et il n'en subsiste maintenant que les tessons et débris recueillis par le musée de Cfhionville. ·

Le 11 mai, M. Hatt ill guidé une visite des chantiers de fouilles à , Daspich et Ebange, ·et le 25 mai, il a commenté pour un groupe de Messins les fouilles de Saint-Pierre-aux-Nonnains, qui ont révélé la présence à côté de la basilique d'un grand édifice encore non identilfié. Mais la principale manifestation a été l'excursion au Mont Hérapel le 22 mai. Malgré la pluie et le terrain difficile des centaines de visiteurs appar­ tenant à toutes les sections de notre société et renforcés par des habitants des villes voisines ont gravi les pentes de la co!Iine et écouté ia.vec le plus grand intérêt les explications de M. Hatt et -du grand spécialiste du Hérapel, M. Bergthol, de Rémilly : à déiaut de vestiges visibles 5ur le terrain, les commentair�s des deux archéologues ont !mis en lumière · l'importance du site. Signalons dès maintenant qu'une excursion dans les environs de Metz, qui pourrait nous conlluire à Moulins, Vaux, Scy-Chazelles, aura lieu en septembre où octobre.

Relèvement de la cotisation En raison de l'augmentation des tarifs des imprimeurs, le Comité de la !Société avait relevé la cotisation annuelle de 500 à 750 francs lanciens, à partir du 1"' janvier 1959. Depuis lors, les prix de l'imprimerie ont subi une augment·ation nouvelle d'environ 30%, à laquelle il 'nous faut tfaire face. Nous ne pouvons espacer davantage l'a parution des Cahiers lor­ lains, ni réduire le nombre de pages de l'Annuaire ; d'autre part, notre faible tirage ne nous permet pas 'de compter sur les ressources venant d'insertions publicitaires. Force nous est donc de •demander à nos adhé­ rents un léger effort supplémentaire ; la cotisation sera . de 10 NF à compter du 1 " ' janvier 1961. Nous sommes sûrs que , tous accepteront volontiers ce très léger sacrifice, qui donnera à la Société les moyens de poursuivre son activité scientifique.

Nécrologie M. Joseph METZINGER, ancien journaliste à et employé de chemins de fer. est mort le !7 avril 1960 à Petit-Ebersviller, à l'âge de 63 ans. Originaire d'Oeting. il s'intéressait au folklore lorrain et glo11ifiait sa petite patrie et sa foi catholique dans de nombreux récits et poésies, publiés dans les journaux mosellans, les calendriers de la Lothringer Volkszeitung d'avant 1939, dans la revue Les voix 'de Lorraine de 1933 à 1934 (Forbach) et surtout dans la revue Elsass-Land Lothringer Heimat de 1925 à 1839 (1925, pp. 178 et 283, 1930, •p . 124, 1933 p. 70, 1936, pp. 120, 122 et 230, '1938, p. 30). Henri HIEGEL - 35 -

Lll FIIMILLE DE Lll tONOIIMINE EN LORRIIINE

D'azur, à la gerbe de trois épis d'argent, tigés et feuillés de même

Quelle passiolll nous conduit sur les chemins du passé, à la rencontre des visages qui sont nôtres ? Serait-ce céder à une tentation analogue à celle du romancier penché sur sa propre aventure, du poète à l'écoute de sa vibration ? Lorsqu'il assume la tâche délicate de parler des siens, le généa­ logiste nous livrerait-il une part de soi-même ? A ceux qui l'ont précédé, il rendrait alors un peu de la vie qu'il leur doit. Il serait un mémorialiste dont le domaine ir,time aurait les siècles pour dimensions, et qui, en se racontant, les raconterait. Car une suite de destins solidaires font un être qui se perpétue, se renouvelle, et dont nous écouterions la confidence. Ainsi le romancier nous révèle son drame, et le poète son chant. Telles seraient nos préoccupations. Mais ici notre essai sera plus modeste, plus limité : ne tenter que la rapide esquisse d'une histoire familiale en ses seuls épisodes que la terre de Lorraine a imprégnés.

1. - JEAN DE LA CONDAMINE (1703-1782). Pourquoi ce vétéran des armées du roi Louis XV, l'instant venu de poser l'épée, décida-t-il de s'installer au pays de Metz ? Lui qui, par sa naissance, ses ascendances, ses proches parentés, appartenait au Lan· guedoc ! Il faudrait songer tout d'abord à ce que fut dans le Midi - et singulièrement à Nîmes où Jean était né - la véhémence du conflit reli­ gieux. De part et d'autre, que de fanatisme ! Et, quand la guerre civile a déferlé, y a-t-il jamais guérison après ses meurtrissures ?

Huguenots obstinés, le père et la mère de Jean préfèrent finalement s'expatrier. Ils disent adieu au sol ancestral. parcourent avec leurs nom­ breux enfants - de nuit, en fugitifs - une longue et pénible route ; attei­ gnent Saint-Malo, s'embarquent, Guernesey les accueiHe (vers 1719). D'où une postérité anglaise qui se perpétuera. Or l'un des enfants n'a pas participé à cet exode : Jean, déjà soldat, et qui brûle d'imiter ses deux oncles paternels, Jean de La Condamine, officier au régiment de Piémont, et Etienne, officier au régiment des dra­ gons du Roi. Tous deux sont convertis au catholicisme. Et l'adolescent a suivi celui dont il est le filleul et qui - même prénom, même uniforme - lui a ouvert son régiment. De cet oncle, capitaine au Piémont, une lettre conservée aux Archives de la Guerre montre qu'il ne s'embarrassait pas de détours pour écrire au ministre (en 1709) : << Je vous demande en grâce, Monsieur, si l'on donne des croix de Saint-Louis, de ne me pas oublier. Je serai ravi de vous la devoir. Nos généraux sont très contents du régiment. J'ai toujours servi avec approbation de mes supérieurs. >> Il ajoutait que, depuis vingt-quatre années qu'il guerroyait, il avait eu le temps de recevoir plus de blessures dans les combats que de faveurs de la cour. Eh ! bien, cette grâce qu'il - 36 - sollicite sans circonlocutions lui sera accordée ; et il aura la fierté de pouvoir arborer la croix au ruban rouge feu ! Tel fut le ment-or qui, en prenant sous sa tutelle le fils des exilés, l'aura élevé dar,s la tradition catholique et militaire. Et puis l'oncle Jean, après ses campagnes, se fixe en Lorraine : préfère-t-il éviter son milieu méridional où le guettent d'inévitables heurts de convictions religieuses ? Quoi qu'il en soit, il termine son existence en 1734 à Bouquenom, qualifié « proenobilis dominus » dans son acte de décès rédigé en latin. Jean (le neveu) a donc débuté très jeune : sous-lieutenant à 10 ans, lieutenant à 16 ans, toujours il servira sous le drapeau noir à la croix blanche, emblème de Piémont. Sa brillante conduite à la bataille d'Ettlin­ gen (guerre de Succession de Pologne) lui méritera d'être promu capitaine (1734). Au cours de la guerre de Succession d'Autriche, il sera blessé à la fameuse défense de Prague (1742), décoré de la croix de Saint-Louis (1743) et fait capitaine de grenadiers (1746). Il se retirera quand la paix d'Aix­ la-Chapelle (1748) aura marqué pour lui la limite d'âge dans son grade. Aussitôt, c'est la Lorraine qui le retient. Déjà, en 1738, Piémont, à Metz, avait travaillé aux fortifications. Il y était réapparu, squelettique, au commencement de l'année 1743, après la campagne de Bohème, réduit à 350 survivants du froid atroce et des com­ bats d'arrière-garde contre les Croates. A Metz, Piémont reconstitua rapi­ dement ses effectifs et revint pour les quartiers d'hiver 1743-1744. Séjours galamment mis à profit par l'intrépide capitaine : ne lui permirent-ils pas de rencontrer, dans les intervalles des batailles, celle qui deviendra sa femme ? Fille de Jean-Charles Gillot, écuyer, conseiller au Présidial de Metz, et de Thérèse Clasquin, sa seconde femme, Thérèse Gillot ( 1) était, depuis 1736, veuve d'un capitaine du régiment de Piémont, le chevalier Christophe de Colignon. Et c'est à Pouilly que, le 11 février 1749, étant âgée de 35 ans, elie convole avec Jean de La Condamine. Qu'apporte-t-elle ? La moitié de la seigneurerie de Pouilly, fief de haute, moyenne et basse justice, mou­ vant du roi de , et un hôtel particulier situé à Metz, rue de la Chèvre (no 23).

Adieu, champs de bataille de l'Europe ! Le soldat prend pied sur le versant des années paisibles et sédentaires, partagées entre le village où il règne et la cité dont, en visitant ses terres, il aperçoit au loin la haute cathédrale. Gentilhomme du pays de Metz, Jean de La Condamine a plei­ nement adopté sa nouvelle patrie. Il s'y intègre si bien que l'an 1761, tandis qu'un autre La Condamine est reçu à l'Académie française par Buffon, Jean figure parmi les membres titulaires de la naissante Académie de Metz. Sans doute le maréchal de Belle-Isle, gouverneur des Trois-Evêchés et fondateur de cette assemblée de beaux esprits, est-il heureux d'y voir siéger un de ses officiers de naguère ! De sa main qui aima le glaive, Jean saisit la plume et communique à l'Académie, entre autres mémoir·es, un fort intéressant recueil des faits les plus curieux de l'histoire de Metz. Son cousin germain et ancien compagnon d'armes, Pierre de La Condamir.e de Serves - qui réside à Alès et à Brouzet, dans les Cévennes - est membre correspondant de la savante compagnie. Mais il arrive que les plaisirs champêtres soient parfois préférés aux plus doctes conciliabules. C'est ainsi qu'en feuilletant les archives de

(1) Gillot : d'azur au chef d'or; l'azur chargé d'une tour d'argent maçonnée de sable, de laquelle sort un lion naissant de gueules, brochant sur le ·chef. (Cf. Poirier : Documents généalogiques et Michel : Biographie du Parlement de Metz). -37- - 38 - l'Académie, on lit, pour excuser une absence de Jean, qu'il « soigne ses vers à soie à Pouilly » ! Evocateur de privilèges, le •titre de seigneur co171porte des devoirs. En tant que seigneur de Pouilly (2), Jean de La Condamine nomme le maire et les fonctionnaires municipaux. Chaque année, à la Saint-Martin, il tient ses plaid&. A la mort de Louis XV, il prescrit le deuil et rend une ordon­ nance interdisant les danses «à peine de vingt sols d'amende contre tous ceux et celles qui seraient trouvés dansant soit en public ou ailleurs dans quelque grange ou chambre ». Le «joyeux avènement » de Louis XVI l'oblige de faire hommage de son fief au nouveau roi en sa Chambre des Comptes de Metz ; et il obtient des lettres de relief en date du 19 décembre 1776. Le 26 juin 1781, il apposera sa signature et le sceau de ses armoiries à l'aveu et dénombrement de ses domaines et droits seigneuriaux. Enfin, le 11 juillet 1782, il meurt à Pouilly et le lendemain est inhumé dans le cimetière paroissial du village, sous ce ciel de Lorraine où les hasards de la guerre et de l'amour l'avaient fort honorablement favorisé. Sa veuve trépassera à Pouilly, lui ayant donné deux enfants, Thérèse-Julie et Nicolas­ Joseph. Née à Metz le 28 septembre 1751, Thérèse-Julie fera elle aussi un mariage «Piémont >> . Et sa mère qui avait, on l'a vu, épousé tour à tour deux officiers de ce régiment, se ciJlaira d'en agréer un troisième pour gen­ dre ! Oui, il y a bien une « famille Piémont >> qui aux hommes fournit des carrières et aux femmes, des époux. En outre, la qualité des témoins cités dans les actes d'état-civil contribue à rendre perceptibles les réseaux de parentés, existant parfois au sein d'un même régiment, et sur lesquels la société militaire de l'Amcien Régime fondait son assise. Thérèse-Julie prend donc alliance à Pouilly, le 9 janvier 1787, avec Pierre du Rieu de Maynadié, chevalier, capitaine au régiment de Piémont en garnison à Metz, chevalier de Saint-Louis (campagnes d'Allemagne 1758- 1762, d'Amérique 1780-1 782) . fils de feu Louis-Ignace du Rieu, chevalier, seigneur de Maynadié, lieutenant au régiment de la Reine cavalerie, et de Marie Brunet de !'Aubarède. De cette union, autorisée par la cour de France sous la signature du marquis de Ségur, naîtra à Pouilly, le 13 décembre 1789, Nicolas-Joseph du Rieu de Maynadié, futur officier des guerres de l'Empire (blessé à Essling ; campagne d'Espagne) et qui ensuite résidera à Pouilly, sera juge de paix du canton de Verny et aura postérité de son mariage célébré en 1814 avec Marie-Stéphanie Cataire de , dont le père avait été ambassadeur près la République Helvétique (3).

II. -NICOLAS-JOSEPH DE LA CONDAMINE (1753-1819)

Deuxième enfant et seul fils de Jean de La Condamine et de Thérèse Gillot, Nicolas-Joseph naquit le 27 mars 1753 à Metz où il fut baptisé le lendemain, paroisse Saint-Simplice. Empêché de servir « par une incom­ modité au bras >> (Saint-Allais, tome XVI, p. 458) , il était âgé de 37 ans, et sa mère venait de mourir, lorsque la petite église de Pouilly à nouveau s'égaya : Nicolas-Joseph y faisait bénir son union avec Catherine de Mar­ guerie de Montfort. Une fois de plus, le village fut en liesse. Qu'y avait-il

(3) Du Rieu d'argent trois fasces ondées d'azur, au chef du méme, chargé de tives seigneuriales: parà alter nance annuelle avec Jacques Baltus, écuyer, con­ trôleur des gu�rres. Fils d'un échevin de Metz, Jacques Baltus sera le père du général baron Baltus. (Cf. Révérend : Titres, anoblissements et pairies de la Restauration). (3) Du Rieu : d'argent à trois fasces ondées d'azur, au chef du méme, chargé de trois fleurs de lys d'or. (Cf. Lainé : Archives généalogiques et historiques de la noblesse de France, tome III, art. Du Rieul. - 39 de changé ? Quelques mots seulement au registre paroissial où, en ce 23 novembre 1790, Nicolas-Joseph est déclaré fils du « ci-devant » seigneur de Pouilly. Ce nom de Marguerie, qui appartient à la meilleure noblesse de Nor­ mandie, a été porté par plusieurs branches et souvent avec distinction. Le bisaïeul de Catherine, René-Guy de Marguerie, s'était établi en Lor­ raine sous Louis XIV. Quant au père de la jeune femme, Claude-Mathurin de Marguerie de Montfort, aide-major au régiment de Lorraine puis con­ seiller intime, gouverneur et grand veneur de la principauté de Salm, il avait épousé Gabrielle de Malcuit, fille d'urn conseiller à la cour souve­ raine de Lorraine (4). Mais les pompeux énoncés de dignités provinciales ne sont plus de saison : la Révolution est là. Le 14 mai 1791. Nicolas-Joseph de La Con­ damine signe, avec plusieurs habitants de Pouilly, une adresse en faveur du curé en fonctions et sigrâfiant au curé constitutionnel « qu'il se dispense de venir s'installer dans une paroisse d'où la pluralité des habitants !"exclut >> . A part son adhésion à ce manifeste collectif, Nicolas-Joseph n'appa­ raît guère mêlé à !"effervescence des doctrines et au tumulte des passions. On ne voit pas davantage qu'il ait jamais été persécuté. Bien au contraire, « le citoyen La Condamine » (ainsi est-il désigné à !"état-civil) poursuit, à !"abri de la tempête, une existence où domine un discret bonheur familial. C"est ce dont témoigne la lettre d'un cousin, M. de Bicqui!ley, qui écrit le 22 février 1794, après une visite à Nicolas-Joseph et à sa femme : «Ce sont toujours deux tourtereaux. L'orage n'a pas dérangé leur nid. » En revanche, Nicolas-Joseph fut sérieusement lésé ùans sa fortune, encore que, sur ce point, les événements révolutionnaires n'expliquent pas tout. «Il administrait ses biens en grand seigneur, notera son petit-fils, ne comp­ tant jamais et payant de).lx fois ses dettes à la moindre réclamation. » Il voulut installer une filature aux environ de Pouilly et essuya un échec dispendieux. Bref, l'amoindrissement de sa situation matérielle affecta le soir de sa vie ; et il s'éteignit à Pournoy-la-Grasse le 27 octobre 1819, quelques années après sa femme, morte à Metz, 12, rue des Récollets, le 26 octobre 1816. Nicolas-Joseph de La Condamine et Catherine de Marguerie de Mont­ fort eurent sept enfants dont deux fil s. L'aîné des fils, Charles-Joseph, né à Metz le 9 août 1796, mort à le 1"'août 1850, ne semble pas avoir eu postérité, quoique marié deux fois. Le second, Charles-Nicolas-Joseph, continuera (5). (4) La maison de Marguerye (alias Marguerie). étudiée par les principaux généalo­ gistes. porte : d'azur trois marguerites de pré d'argent au natureL tigées et à On indiquerait ici que Mme de La Condamine feuillées(née Catherine de même, de Marguposéeserie) 2 et était 1. la sœur de la baronne de Lambertz de Cor­ tenbach, dont la fille Antoinette, mariée au colonel de la Fizelière, fut mère d'Albert de la Fizelière, écrivain lorrain (181 9-1878). Rappelons d'autre part qu'il a existé en Lorraine un rameau fondé au XIX• siècle Saint-E9vre par le général marquis de Marguerye (1783-1841\, marié en 1820 à Françoise-Apolline du Buat, petite-nièce du maréchal Fabert, d'où une postéritéà laquelle · appar­ tenait le marquis de Marguerye, dinlomate puis sénateur de laà Moselle, élu en 1918 et 19 0, qui semble avoir été le dernier représentant màle de la branche de Marguerye2 de Colleville. (5) Parmi les filles de Nicolas-Joseph de La Condamine, on mentionnerait Hélène (1793-1836) qui installera son foyer dans sa propriété de Marly où sa postérité suivra. Mariée Jean-Nicolas Chandellier (1777-1861), originaire de Scy près Metz, elle en eutà 1) Nicolas-Eugène Chandellier, chef d'escadrons de cavalerie, décédé Marly en 1906 ; 2) Hélène Chand ellier, femme d'Edouard-Michel Bou­ langé, avocatà de haute réputation et qui fit preuve de rares vertus civiques pendant le blocus de Metz en 1870; membre de l'Académie de Nancy. (Sur la famille Chandellier pendant la Révolution, on consulterait : A. Gain. Liste des émigrés ... pour cause révolutionnaire du département de la Concer­ nant Edouard-Michel Boulangé ( 6-1 9), Moselle. 181 88 voir Nérée-Quépat : Dictionnaire �io­ graphique). -40-

III. - CHARLES-NICOLAS-JOSEPH DE LA CONDAMINE (1801-1874).

Né à Pouilly le 21 ventôse an IX (12 mars 1801). il grandit dans un monde bouleversé. Orphelin de bonne heure et sans héritage, se résignera­ t-il à un destin médiocre ? Au fait, est-il réellement sans héritage ? Il représente une tradition ; elle sera son appui ; il y trouvera Je sens et Je niveau de son accomplissement personnel. Très tôt, son orientation est prise. A 15 ans, il s'est engagé dans le génie, à Metz. Puis il change d'arme et, à 17 ans, apprend à pointer les canons du 2c régiment d'artillerie à pied, toujours à Metz. Soldat-étudiant, il conquiert les grades subalternes. En 1827, il fête son galon de sous-lieutenant. Auparavant, il avait fait partie du corps expéditionnaire envoyé en Espagne. Sa carrière prendra un tournant décisif lorsque, par ordonnance royale du 15 novembre 1845, le capitaine de La Condamine sera promu capitaine adjudant-major ingénieur au bataillon des Sapeurs-Pompiers de la Ville de Paris. Dissous à la suite des désordres provoqués par · la révolution de 1848, ce corps •d'élite sera réorganisé sous son autorité. Après l'avoir com­ mandé en chef pendant dix ar,s (de 1851 à 1861) comme officier supérieur d'artillerie, il y laissera un souvenir des plus marquants. «Il a fait de ce corps une institution mqdèle >> , écrira le préfet de police au ministre de la guerre. Le 28 octobre 1859, Ie colonel de La Condamine avait sauvé de. l'incendie Je palais du Luxembourg, éminent service consacré par l'attribu­ tion d'une médaille d'or, et attesté par une lettre du grand référendaire, général marquis d'Hautpoul : « Nous vous devons la conservation du palais du Luxembourg. >> La dignité de commandeur de la Légion d'Honneur, en 1861, précédera de quelques mois la retraite. Ce•t homme exemplaire, exigeant pour soi-même, se faisait la plus haute idée de son rôle familial et social. Ce qu'il estimait chez les autres n'était point l'apport des honneurs et des richesses, mais le travail, le talent et le caractère, qui donnent à chacun sa valeur authentique. Ayant épousé Mlle Gabrielle Eléonore Zoé Perriollat (Valence, 6 juin 1844) , le colonel de La Condamine en avait eu un fils, Gabriel-Charles, puis deux autres enfants morts en bas âge. . Né et mort à Paris, Gabriel-Charles de La Condamine (1846-1925) . officier d'artillerie comme son père, était passé par l'Ecole Polytechnique et l'Ecole d'application d'artillerie de Metz. Et c'est dar,s le secteur de Metz qu'il combattit et fut fait prisonnier en 1870. Il deviendra chef d'escadron et officier de la Légion d'Honneur. Marié à Mlle Augustine d'Affry de la Monnaye, il était père de plusieurs enfants ; mais, de ses deux fils, seul l'aîné, Oscar-Charles (1875-1926) eut lui même postérité de son union avec Mlle Hélène de la Perrière (6).

Pierre de La Condamine

(6) Le nom de La Perrière fut, au siècle, celui d'un membre correspondant de l'Académie de Metz, écrivain XVIIIscienti• fique, de la· même famille. -41-

UN SOBRIQUET DU PA YS DE BITCHE

Schorbach est un pittoresque vi'ilage du Pays de Bitche, logé dans un vallon bien caché, modeste par le nombre de ses habitants. Il possède un étonnant ossuaire du 12• siècle et .un vieux clocher de même âge, tous deux juchés sur un éperon rocheux. Aujourd'hui son importance est dépassée par celle de Bitche, mais durant tout le moyen-âge et jusqu'à la guerre de Trente-Ans, il fut le centre vital de 'toute cette région fores­ tière de !plus de 25.000 ha (1) si peu explorée à l'époque. Aussi loin que le nom de est connu, ses habitants portent le sobriquet « Wurschtfresser >> . Conséquemment la fête du village est désignée sous le nom de :« Wurschtfescht >> . Traduisons provisoirement ces deux termes par les expressions : « ceux qui se gavent de saucisses >> et : « la fête de la saucisse >> . Cette dernière se célèbre à une date déter­ minée par le jour de la Saint-Rémi, soit par le 1"" octobre. Cette particularité es't importante. Tandis que dans la région décou­ verte du Pays de Bitche les fêtes de village ont lieu après le 11 p.ovembre, le jour de Saint-Martin, (Martini bringt de Kerb em Land) -, les localités forestières ne connaissent pas de date commune pour cet/te célébration. Il semble donc que la « Wurschtfescht >> de Schorbach doive son nom au iait qu'elle ait été fondée non pas, comme pour les villages du Gau, sur lïnfluence de St-Martin -- (l'apôtre des «pagus >> , des Gauen) - mais plutôt d'après les directives des envoyés de St-Rémi. En voici d'ailleurs une preuve. D'une chanson très populaire au XIV" siècle, on relève la strophe suivante : In cujus (Martini) festo propere Zu Weine werdent most Et qui hoc nollet credere Der lass die Wursen chosten (2)

Nous traduisons : «Pendant sa fË'te, instantanément, Les moûts tournent en vin. Et qui ne veut pas le croire Se satisfasse de ... saucissons (3) La chanson, célébrant les mérites de saint Martin, ironise quant à nos mangeurs de saucisses et quant à la fête des saucisses. Cela nous mène à .rechercher l'origine de notre sobriquet dans l'ordonnancement des << pagus >> sous l'influence de saint Martin s'opposant aux libertés de la région forestière, autrement dit dans l'opposition existant dans l'enseigne­ ment ·de l'église de Tours et celui de l'église de Reims. Dès lors, . on trouvera un renseignement uti'le dans t es «Récits des temps mérovingiens " de Thierrv. ?..u moins pourra-t-on juger d'après ce récit quelle importance princes et évêques attachaient à la composition du menu. Lors du synode de Pnris réuni pour porter un jugement sur l'évêque Pnetextatus, Hilpéric, roi franc, pour s'attirer les bonnes grâces de Grégoire, évË'que de Tours, lui présent� un vase rempli de bouil'lon qui se trouvait là parmi les 'pains, les plats de viande et les coupes à boire

(1) Grosdidier de Matons : Le Pays de Bitche. (2) Hoffmann : Geschichte des deutschen KirchenZiedes, p. 167. (3) Traduite par Nisard. tome I, p. 448. -42- et dit : « Voici un potage que j'ai fait 'Préparer à ton intention, l'on n'y a mis autre chose que de la volaille et quelque peu de pois chiches ... >> Alors Grégoire prit du pain et but un peu de vin, espèce de communion de l'hospitalité . .. >> . Grégoire de Tours s'abstient donc volontairement de la consomma'tion de «grosses viandes », mets préféré de son hôte. On pourrait supposer qu'il le fit dans l'intention de marquer devant des digni­ taires laïcs sa qualité d'homme d'église (4). Il n'en ·est rien. Près de deux siècles pius tôt, saint Martin, alors hôte des évêques de Trèves, eut le même geste· devant leur invitation. Voici comment l'incident est rapporté dans la «Vie de saint Martin >> et ail­ leurs (5). Après avoir longtemps hésité pour manger à la tab'le de l'empe­ reur Maxime, saint Martin y consenti.t, en vue d'obtenir la grâce pe Narsès et de Leucadius. Mais l'évêque Ithacius, de' Trèves, ne se montra pas satisfait de cette concession du saint. Il alla trouver Maxime et le conjura d'user d'autorité pour forcer Martin à communier avec eux. Après de longues réticences celui-ci se laissa convaincre. «Seigneur, s'écria-t-il à l'adresse de Maxime, pour arracher à la mort tant de ma'lheureux, je consentirais à tout : je communierai avec les ithaciens >> . Ce qu'il fit le lendemain, fidèle à sa promesse. Mais cette communion pesait ·doulou­ reusement sur sa conscience. Quelle •est donc la raison de ce scrupule douloureux ? Ithacius, dit un contemporain, était << homme de -bonne chère >> . Dès que lui et ses adeptes voyaient quelqu'un de vertu austère ils s'écriaient « C'est un hérétique, un priscillianiste >> , le jugeant hérétique sur la maigreur de son (:Orps, la pâleur de son visage et la pauvreté de son habit. Or, saint Mar­ tin était venu - d'ailleurs inutilement - défendre ces priscillianistes contre l'empereur et l'évêque Ithacius. D'un côté donc l'évêque de Tours et les «hérétiques >> végétariens ; de l'autre l'empereur et les ithaciens, amateurs de bonne chère, man­ geurs de grosse viande et de saucisse, sans doute. C'est dans ce dernier groupe, que nous classerons désormais les « mangeurs de saucisse >> de Schorbach. Encore fallait-il des adversaires pour les qualifier ainsi ! Or, si I.a forêt était le domaine de saint Rémi, Je patron des Francs et de Trèves, la région découverte est celui de saint Martin, avec la capitale . Mais il semble même qu'il reste des traces de ces végét ariens hérétiques pourchassés par Ithacius, mais protégés par saint Martin. Les habitants de Epping et de ;sont appelés : « Bohnetade >> , les fils de haricots et la fête de ces villages est «la fête des haricots >> . C'est sans doute à saint Marc qu'ils se référaient pour ,prétendre devoir rester végétariens. Saint Marc est patron de la paroisse de Siersthal et il est de coutume au .Pays de Bitche de planter les haricots le jour de sa fête, soit Ie 25 avril. A nous trouvons les « Gelleriweschwiinz ,; les queues de carot­ tes, et la fête des carott es- Voilà donc représentées par les sobriquets deux tendances, peut-être deux dogmes opposés, dont les adeptes, dès le haut Moyen-Age s'en vou­ laient à mort. Saint Martin semble avoir joué un rôle de médiateur entre eux, rôle inutile d'ailleurs. A. LAUER, Petit-Réderching.

(4) Récits des temps mérovingiens. A. Thierry. 4• récit. (5J Sulpice Sévère. Dialogue III, chap. XIII. -43-

A propos des monuments romans de Moselle

L'art roman est à l'ordre du jour. Il existe de réelles affinités entre les tendances et les expressions artistiques des xr· et xn· siècles et celles du XX". Aussi les publications abondent de nos jours sur l'architecture et la peinture romanes, en France, en Allemagne et ailleurs. Autour de nous, Durand a étudié depuis longtemps les églises romanes des Vosges (1) ; Irsch a découvert le groupe tréviro-lorrain (2) ; Kautzsch (3). Rumpler (4) et Will (5) ont fait connaître l'architecture et la sculpture romanes d'Alsace. En Moselle, seule la région messine a fait jusqu'ici l'objet d'une étude d'en­ semble due à Joseph Ernst-Weis, jeune savant trop tôt disparu (6). Depuis lors, personne ne s'est plus attaqué à ce sujet. La Moselle qui n'a que peu de monuments imposants de cette époque, paraît écrasée entre les grandes écoles rhénane et mosane, entre la Haute Moselle d'Epinal et de Saint-Dié et la Basse Moselle de Trèves et d'Echternach. Pourtant nous ne sommes pas aussi dépourvus de monuments romans qu'il pourrait paraître à première vue. Entre Usselskirch et au nord, Arry et Hesse au sud, il nous reste, malgré toutes les destructions des guerres, un nombre important de monuments romans, conservés parfois dans leur intégrité, mais plus souvent seulement à l'état fragmentaire (tour, nef, crypte, narthex ou simple colonne et chapiteau). Le roman tardif, passant au style de transition, est bien plus fréquent que le primitif, tandis que le préroman ou style ottonien, comme l'appellent les travaux récents (7). ne compte que de rares représentants. A part quelques exceptions (p.e. l'hôtel Saint-Livier à Metz). on n'y rencontre que des monuments religieux (8). C'est Metz et sa région qui occupent la première place. Si nous ne connaissons guère que les plans, livrés par les fouilles, de la cathédrale romane (9) et de l'ancien Saint-Arnould (10), par contre nous pouvons tou­ jours admirer la tour de Saint-Eucaire, le chœur et la tour de Saint-Maxi­ min, le narthex de Saint-Martin, la salle de Saint-Nicolas et surtout la chapelle des Templiers, dont l'unique sœur se trouve à Laon dans l'Aisne (11). En sortant de Metz vers l'est, on rencontre à Vallières une majestueuse tour romane, un peu remaniée, avec l'ancien chreur entièrement couvert en pierre et cor,verti en chapelle latérale, depuis que la nef romane a été remplacée par une autre orientée sud-nord. Un peu plus loin, c'est la chapelle Saint-Barthélemy de avec ses remarquables impostes, mais sans l'abside abattue après la Révoc lution. Plus haut, c'est l'intéressante église de Méy, bien conservée avec ses fonts baptismaux et son curieux bas-relief qu'on dit carolingien.

(1) Durand G., Eglises romanes des Vosges Paris 1913. (2) Irsch N . . Die Trierer Abteikirche St. Matthias und die trierisch-lothringische Bautengruppe, Augsburg 1927. (3) Kautzsch R., Der romanische Kirchenbau im Elsass, Freiburg i.B. 1944. (4) Rumpler M., L'architecture religieuse en Alsace l'époque romane, Strasbourg 1958. à (5) Will R., Répertoire de la sculpture romane de l'Alsace, Strasbourg 1955. (6) Ernst-Weis Früh- und hochromanische Baukunst in Metz und Umgebung, Berlin 1937. J., (7) Grodecki L., Au seuil de l'art roman. L'architecture ottonienne , Paris 1958. (8) Pour l'ensemble des monuments, le répertoire le moins incomplet - qui ce­ pendant epuis longtemps appelle une refonte et une mise jour - reste Kraus F. qX . Strassburg à . . Kunst und Altertum in Lothringen, 1889

(9) Prost A . . La cathédrale de Metz, Metz 1885 et Schmitz W. dans Metzer Dom­ baublatt Nr. 19, Metz 1918. (10) Bour R.-S., Die Benediktiner-Abtei S. Arnulf vor den Metzer Stadtmauern dans Ann. de la Soc. d'hist. et d'arch. t. XIX, Metz 1907. (11) Pour les monuments messins voir Boinet A., Le vieux Metz, Paris 1923 et Grosdidier de Matons Metz, dans la collection Les villes d'art célèbres, Paris, 2• édition. M. , -44 - Poussons encore vers l'est, et nous trouverons à Retonféy et à Silly­ sur-Nied une situation semblable à celle de Vallières : la tour romane et son chœur en cul-de-Jour, accolés à la droite de la nef du xvnre siècle. Dans la même région il faut voir l'ancien prieuré de Faux-en-Forêt avec son curieux tympan, la chapelle trop peu connue de Morlange-les-Bionville et le narthex roman de la chapelle de Rabas. Baror.ville n'a plus que le souvenir de son église romane abattue il y a un siècle, Sorbey conserv·2 encore une tour ancienne, mais Aube a tout gardé : son élégante tour, son chœur et sa nef, qui réservent aux archéologues d'agréables surprises, mais aussi d'ardus problèmes dont il convient sans doute d'aller chercher la solution chez les anciens propriétaires, les Bénédictins de Molesmes. Il faudrait peut-êtr·e appliquer le même procédé à l'étude du chœur monu­ mental de , dont le prieuré dépendait de la célèbre abbaye de Cluny. Les Cisterciens nous ont donné les abbayes de Villers-Bettnach et de Sturzelbronn où l'on est heureux de retrouver, sur deux portails, le style de l'ordre, importé de Bourgogne et qui sera transporté jusqu'à Wœrsch­ weiler et Eusserthal dans le Palatinat (12) . Revenons à Metz pour franchir la Moselle. Dans le voisinage immé­ diat de la ville, à l'ouest, nous avons les deux importantes églises autre­ fois fortifiées de Scy et de , tandis que celles de Chazelles et de Rozé­ rieulles, plus récentes, ne conservent que quelques réminiscer.ces de l'époque romane. Descendons vers , où l'imp'Jsante église paroissiale, construite par la célèbre abbaye, constitue le dernier chaînon du style roman et déjà un peu le premier de l'art gothique. Le puissant monastère a laissé son empreinte sur les églises du voisinage, où se reconnaît un air de famille : Vionville, Rezonville et l'ancienne église de . Gorze a rayonné jusque dans la région de Thionville dans son ancienne propriété de Mor­ lange-lès-, où une délicieuse chapelle offre à nos regards étonnés la plus sculpture romane du pays. Au sud de Metz, il y a la puissante tour de Marieulles, la curieuse église fortifiée de Lorry-Mardigny avec ses deux nefs primitives, l'église «retournée >> de Mardigny avec son clocher, son narthex et sa nef, enfin Arry avec son clocher massif et ses restes de fortifications. Une étude approfondie et comparative de tous ces monuments serait des plus utiles, afin d'en déterminer l'âge et l'école (mosane ? vosgienne ? bourguignonne ? ou même une école de Gorze ?). Dans le sud-est du département, l'école d'Alsace a manifestement franchi les Vosges : Hesse est une sœur de Marmoutier ; Silrrebourg subit une influer.ce semblable ; et, bien plus à l'ouest, Marsal avec sa façade et sa nef appartient encore à l'école d'Alsace .Que dire de la porte et des fenêtres romanes dégagées par la guerre dans l'église de ? Il y aurait encore à énumérer les nombreuses tours romanes répandues dans tout le pays. Etant plus solides, elles ont mieux résisté que les nefs et les chœurs. Il y a les tours carrés, dont la mode s'est prolongée au -delà de l'époque gothique : Ganderen, , , Marange-Zondrange, , , pour n'en citer que quelques-unes. Il y a aussi quelques tours polygonales, comme Usselskirch et . Il y a enfin les curieuses tours rondes qui sont toutes romanes, quelques-unes même de date très ancienne. Une étude récente du docteur Gerlinqer de Mols­ heim en a montré l'intérêt et la curieuse répartition en Moselle, dans l'Alsace dite bossue et dans le Palatinat (13) . Pourquoi ne pas ajouter nos vieilles cryptes romanes de la cathédrale, de Sainte-Ségolène, Norroy, Malancourt etc. ? Accol'dons, pour finir, une mention particulière à la curieuse cuve baptismale du Schacheneck et au

(12) Kaiser J.B., Die Abtei Stürzelbronn, Strassburg 1937, p. 33. (13) Gerlinger H., Les tours rondes d'églises de notre région, dans Cahiers alsa­ ciens d'archéologie, d'art et d'histoire, Strasbourg 1957. Sont étudiées les tours - 45 - riche ossuaire de Schorbach qui ont très huereusement échappé aux des­ tructions de la guerre. Nous terminons notre trop rapide randonnée en constatant que la Moselle. renferme encore un nombre assez important de monuments ro­ mans qui méritent d'être étudiés de plus près, pour voir la place qu'ils occupent dans le mouvement général de l'art roman. E. Morhain

BIBLIOGRAPHIE Les livres

BRECHENMACHER (J.K.), Etymologisches Worterbuch der Deutschen Fa­

miliennamen. - Glücksburg ta.d. Ostsee, C.A. Starke 1957, 224 p. (1-3 fasc.). De nombreux noms de famille qui se retrouvent en Alsace et en Lor� raine. La ville de Bitche est située en Lorraine et illon en Alsace (H.H.) CABOURDIN (G.) et LESOURD (J.A.}, La Lorraine. Histoire, géographie.

- Nancy. Publication de la Société lorraine des études locales, 1960. In-4", ·152 p. Manuel d'histoire et de géographie provinciales destiné aux élèves de l'enseignement du premier ld egré. Excellente synthèse laissant une grande part à l'illustration. (J.C.) DENAIX (Abbé J.) . Chartes des Cisterciens de Saint-Benoît-en-Woëvre des

origines à 1300. - Verdun, Typo-Lorraine (Frémont), 1959. In-8", Q68 p. Après avoir écrit l'histoire d'Hattonchâtel, sa paroisse, M. l'abbé Denaix s'est intéressé à l'abbaye voisine de Saint-Benoît-en-Woëvre, premier établissement cistercien de l'évêché de Metz, et nous ·en présente aujourd'hui les plus anciennes chartes. Le fonds :de l'abbaye, conservé aux Archives départementales de la Meuse, a fourni l'essentiel de 1a documentation, que l'auteur a accrue p·ar ides recherches aux Archives de la · Meuse et de la Meurthe-et-Moselle, et à la Bibliothèque nationale ; cent quinze chartes, dont cent trois publiées intégralement reconstituent, des origines de l'abbaye à 1300, un cartulaire aussi complet que tle per­ mettent les pertes subies par les archives de Saint-Benoît-en-Woëvre de 1790 jusqu'au milieu du XTX• siècle. Cette excellente édition, accompa­ gnée de notes critiques, comporte une importante introduction, un réper­ toire des ·lieux-dits dépendant de l'abbaye et un répertoir·e biographique formé de plusieurs centaines de notices ,détaillées. Les historiens mosellans trouveront dans ce volume plusieurs actes émanant Ides évêques de Metz Etienne de Bar, Guillaume de Trainel et Bouchard d'Avesnes, ou concernant les abbayes messines ; de nombreux perso·nruages ayant occupé de hautes fonctions dans le diocèse sont cités au répertoire biographique. Mais les chartes de Saint-Benoît sont utiles à l'histoire de toute l·a Lorraine, et surtout de la région d'entre Meuse et Moselle ; remercions M. l'abbé Den aix d'avoir, au rprix·de longues et minu· tieuses recherches, enrichi nos bibliothèques d'un ouvrage qui prendra place aux côtés des travaux similaires de D'Herbomez, :M,larichal et Lesort (J.C.) ERCKMANN (E.) et CHATRIAN (A.). Ma,dame Thérèse (précédé de Erck­ mann-Chlatrian, par André WURMSER) . ..,-- Paris, Club des Amis du livre progressiste, 1959, 235 p. de , , , (n'existe plus), , Ro­ dalbe, , , , Farébersviller, Heckenransbach et Zet­ ting, de plus trois églises du Palatinat et onze d'Alsace. convient d'ajouter pour la Moselle les tours d', d'Arry (sur le côté) Ilet de (tour d'angle) et celles qui ont .disparu , Morville-lès-Vic, , Den­ .ting et Saint-Arnould de Metz. à -46- Les auteurs auraient été la victime d'une cabale de la pensée bour­ geoise. Rame qu'ils étaient généreux et «progressistes»,

Sur les mots romans de la Moselle : Chassine ou enclos où l'on par· que les oies (p. 66) et Khès ou brèche, entadlle (p. 72) d'après le Dictionnaire de Zéliqzon et la signification des localités en Delme (localités près de la 12• borne milliaire) en Moselle, au Quercy et en Rouerge. (H.H.) PICARD (M.), Dictionnaire administratif et judiciaire des communes du département de la Moselle. Avril 1960. - Scy-Chazelles, Impr. Dary, '1960. In-4". Donne les noms allemands des communes avant le 2. 9. 1915 ; en 1918 ; en 1940.

ROPS (D.), L'Eglise des Révolutions, - Paris, Fayard, 1960, 1054 p. Sur l'abbé historien René Rohrbacher, de (p. 308, 368, 476, 882), le R.P. Jean Lœvenbruck, de , le créateur de la première société ouvrière en France (p. 647). le catholique social Nicolas Weis, OIIi­ ginaire de et évêque de Spire, qui déclara que le sort des salariés des riches fabriques était plus oppressif que l'ancien servage (p. 667), - 47- Pauline Jaricot, la protectrice des canuts de Lyon sous l'inspiration de l'abbé Jean Wurtz, de , le vénérable Jean-Marie Moyë, de Cutting, des missions étrangères (p. 752), le R.P. Jacob Libermann, de Saverne, ami de Lœvenbruck (p. 756), le soi-disant miracle de Vrignes-aux-B.ois (dans l'Ardenne en 1859 en guise de protestation contre la suppression du tem­ porel du pape par les francs-maçons (H.H.) SOBOUL (A.), Les soldats de J'An II, Paris, Club français du Livre, 1 959. Réhabilitation du Messin J.B. Bouchatte. (1754-1 840)- , ministre sans- culotte de la Guerre. (H.H.) R. NISTRI et C. PRECHEUR, La Région du Nord et du No1rd�Est. - Paris, Presses universitaires de France, 1959. In-8°, 160 p. (Collection Framee de demain. 2.) Un chapitre consacré à l' «essor industriel de la Lorraine », une moitié de chapitre à son «destin agricole >> , de fortes pages à la description géo­ graphique ainsi qu'aux essais successifs d'organisation régionale, y com­ pris l'adaptation à la C.E.C.A. et au Marché commun. P.H. SIMON, Les hommes ne veulent pas mourir, - Paris, Ed. du Seuil, 1953, 231 p. Roman sur l'exode de, 1.200 Banatais de Sainte-Anne, Charleville, Saint­ Hubert et Seultour (Yougoslavie), dont les ancêtres étaient partis dans la deuxième moitié du XVIII" siècle de la Lorraine (régions de Metz, Château-· Salins et ) et sur la création d'un nouveau village banatais dit Neudorf aux environs de Stuttgart de 1945 à 1950 (H.H.).

Les périodiques

Actualités industrielles lorraines, mars-avril 1960. - A propos de l'industrie du fer, anthroponymie, p. 21-26. - M. DEPOUX, Les très riches heures de la cathédrale de Metz, p. 39-44. Annales de J'Est, 1960. - J. L. KIEFFER, Velldun de 1630 à 1640, p. 11-53. (Relations avec Metz). - H. HIEGEL, Chronique de la Mose�le en 1959, p. 103-106. Ancien (L'), mars-avril 1960. - G. RUSTIN, Le cinquantenaire de l'école normale de Montigny (1911), p. 7-13. Bulletin de J'Association des Amis du vieux Longwy. - Cdt de LADONCHAMPS, Histoire de Tierceiet, 1959, p. 155-165 et 1960, p. 22-30. - Mme BECKERICH, De Longwy à Saint-Domingue. Tragique aventure d'un lorrain au XVIII' siècle, 1959, p. 166-173. Bulletin de la Société lorraine des études locales dans J'enseignement public, janvier-mars 1960. - J. A. LESOURD, Les paysrans lorrains depuis le début du XIX' siècle, p. 1-8. Chez s'Di, 1960 - L'Abbaye de Sturzelbronn (1-7). La Voix lorraine, 1960. - J. ROHR, Les chapelles de (24-4). Saint-Avold, N.-D. de. Bon-Secours (24-4). ,.... Saint-Vincent ,de Paul (30-4). Les Vosges (Bulletin officiel du Club Vosgien) : L. Ch. WILL, Weste­ rich, Westhoffen, Wust, p. 25-28 : étude toponymique fantaisiste sur Wes­ terich, qui signif ierait «9ays des fonderies» et sur près de Sarreguemines, où il y aurait eu une fonderie (H.H.) Annales sedanaises d'histoire et d'archéologie, juin 1960. - A. BER­ TRAND, Le tombeau de Fabert, p. 0-17. - 48 - Etudes ardennaises, juillet 1960. (1870 dans les Ardennes). F. DOGNY, Les ball'ows-poste, p. 37-41 (&allons du siège de Metz). L'Information historique, 1960. - H. HIEGEL, Le .sort des Allemands en Hongrie, en Roumanie et en Tchécoslovaquie depuis 1944, p. 16-20 : émigration des Lorrains dans le Banat et la Batschka (Hongrie et Rouma­ nie). leur sort 'de 1940-45, méfaits des transplantés de la BesSiélrabie, de la Bukovine et de la Volynie da;ns les rég,ions de et tle Metz, implantation de 10.000 Banatais dans la. région de Mulhouse et à la Ro­ que-sur-Penres (Vaucluse), regret qu'ils n'aient pas pu être étk1blis dans le \pays d'origine (Bitche, Saint-Hubert et Charleville).

Piiilzer Heimat, 1959, 4. -- I-1. REGULA. Heimat und Auszug der Anne weilerer Hugenotten, insbesonrlere der Familie Rigalet (Regula), p. 131-133 (du Pays messin, de etc.)

La presse quotidienne (Articles parus du 1"' avril au 30 juin 1960. Abréviations : CM

Le Courrier de Metz. - DN = Les Dernières nouvelles d'Alsace. - L Le Lorrain). Gén!éralités : A us der Geschichte des lothringischen Lehrersseminars,

ÇM 9-4. - Sa�nt-Vincent de Paul (en Lorraine) , L 3-5 et 12-5. - Mit ;cter F.V. 3-153 RIF vor 20 J·ahren ... aus der Maginotlinie ... , DN 17-6. Folklore etc., Abergl aubische I-leilmittel und I-Ieilkuren, CM 8-6. N. KREMER, Alte Osterbra.uche noch lebendig, CM 17, DN 17 et 18-4. Idem, Pfingstbrauche, DN 5 et 6-6. - Der Himmelfahrtstag, DN 25-5. Wohnung und ;Lebensart in Lothringen ... Ein Bauernhaus, DN 21-4. Fouilles et monuments : La Ville de Metz a acquis pour le Musée des éléments du jubé de pierre de l'église des Grands Carmes (fin XIV" s.) L 11-5. . Histoire de Metz : Die Adelsfamilie de Heu, CM 5 et 6-6. - Hundert­ jahre Metzer Esplanade, CM 24 et 25-4. - N. KREMER, Katzenverbrennung im alten Metz an dem Johannesfest, DN 23-6 .... In der Metzer Markus-Pro­ zession DN et 25-4. - Die Metzer Fronleichnamsprozession, DN 18-6. - Die Sankt-Georg-Prozession... DN 23-4. -Das rômische Amphithéâter, CM 26 et 27-5. Histoire des localités : Bitche, Die Schwestern von Ste Chrétienne, CM 20-4. - Buhl, die Petruskapelle, CM 8-6. - Danne-et-Quatre-Vents. Bonne­ Fontaine, DN 11-6. - , CM 18-6. - , Die Verenalegen­ de, DN 17 et 18-4. - , CM 18-6. - GuntzvWer, DN 19, 20 et 25-6. - Holbilng, CM 8-6. - Lemberg, N. KREMER, Das Dorfbüblein auf dem Pfingstmarkt, DN 5 et 6-6. - , CM 7-4. - Nousseviller­ lès-Puttelange, CM 8-6. - ReyersviiUer, Die Schwedeneiche, CM 10 et 11-4. - Sarre/bourg, Aus dem ehemaligen Friedhof, DN 8. et 9-5. - Die ',Ge­ schichte der \V asserbesorgung, DN 15 et 16-5. - Sarreguemines, VITUS, Aus Sarregueminer Erinnerungsblattern... Entschwundene Pferderomantik, CM 22 .et, 23-5 ..- Strassenbesprengung von einstens, CM 4-6. - D;Irzu­ mal... vor den Tor·en der Stadt wo heute neue Stadtviertel stehen, CM 8-6. - Alte Strassen,namen. CM 25-6. - Wie der Schangel ... des gruseln lernte Selbsterlebte Begebnisse, CM 15 et 19-4. - Was die Sarregueminer vor 80 Jahren interessierte (Presse de 1883) . CM 12 et 13-6. - Schwerdorii, Das Binzen-Kreuz, CM 18-6. - Kottendorf, CM 8-6. - Théding, CM 3 et 4-4. - Wa{dwisse, Pfarr- und Schulhaus, CM 27-4. - Welferding, CM 8-6. - Wittrf;ng, CM 7-4. C:oopéra;tive d'Edition et d'Impression - 30, rue Mazelle, Me.tz. Le Gérant : Février 1902 << Dépôt légal >> 1960/3 Série 15 P. ALBERT