Centre de recherches pour le développement international

Initiative de programme Pauvreté urbaine et environnement

Rapport de recherche

Gestion locale de l’eau dans les quartiers urbains pauvres. Cas de .

Par : Kamathe Katsongo

Novembre 2005

Table des matières

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Table des matières………………………………………………………………….…….i

Remerciements………………………………………………………………… ……….iii

Résumé…………………………………………………………………………………...iv

Liste figures et tableaux…………………………………………………………………..v

Mise en contexte…………………………………………………………………………1

Chapitre 1. Cadre institutionnel de la gestion de l’eau……………………………….5

1.1. Bref aperçu de la ville de Kinshasa………………………………………………….5 1.2. Cadre institutionnel de la gestion de l’eau en R. D. Congo…………………………6

Chapitre 2. Méthodologie de la recherche…………………………………………….10

2.1. Enquête……………………………………………………………………………...10 2.1.1. Échantillon………………………………………………………………………...10 2.1.2. Déroulement de l’enquête…………………………………………………………11 2.2. Focus group………………………………………………………………………….12 2.2.1. Recrutement des participants……………………………………………………...12 2.2.2. Discussion et animation du groupe………………………………………………..13 2.3. Entrevues…………………………………………………………………………….13 2.2.3. Analyse des résultats………………………………………………………………13

Chapitre 3. Résultats de l’enquête…………………………………………………….15

3.1. Profil des ménages…………………………………………………………………..15 3.2. Accessibilité à l’eau potable………………………………………………………...16 3.2.1. Revenu des ménages………………………………………………………………16 3.2.1.1. Description du revenu…………………………………………………………...16 3.2.1.2. Agriculture urbaine : source potentielle d’accroissement de revenu……………18 3.2.1.3. Autre source de revenu : la propriété foncière…………………………………..19 3.2.2. Droit d’accès à la ressource « eau »……………………………………………….20 3.2.3. Différentes sources d’accès à l’eau potable……………………………………….21 3.2.4. Principaux fournisseurs de l’eau potable………………………………………….23 3.2.5. Niveau de consommation d’eau…………………………………………………..24 3.3. Coûts de l’eau……………………………………………………………………….26 3.3.1. Coût monétaire……………………………………………………………………26 3.3.2. Temps perdu à la recherche de l’eau potable……………………………………..28 3.3.3. Distance à parcourir pour accéder à l’eau potable………………………………...29 3.4. Impact du manque d’eau sur la qualité de la vie……………………………………30 3.4.1. Prévalence des maladies hydriques……………………………………………….30 3.4.2. Dégradation de l’environnement urbain…………………………………………..31 3.5. Gestion locale des services de l’eau………………………………………………...33 3.5.1. Perception des intervenants dans le secteur de l’eau……………………………...33 3.5.2. Organismes locaux actifs dans la gestion de l’eau………………………………..34 3.5.2.1. Église Saint-Étienne…………………………………………………………….34 3.5.2.2. Zone de Santé de Kisenso………………………………………………………36 3.5.2.2. Zone de Santé de Kisenso………………………………………………………37 3.5.2.3. Centre Misericordia (ONG)…………………………………………………….37 3.5.2.4. Union des jeunes admirés de Kisenso…………………………………………..37 3.5.3. Participation à la gestion de l’eau…………………………………………………37

Chapitre 4. Pistes pour l’amélioration durable de la desserte en eau………………40

4.1. Contraintes institutionnelles, techniques et financières…………………………….40 4.1.1. Contraintes institutionnelles………………………………………………………40 4.1.2. Contraintes techniques…………………………………………………………....41 4.1.3. Contraintes financières……………………………………………………………41 4.2. Freins à la desserte en eau potable………………………………………………….42 4.2.1. Déficience de la desserte en eau potable………………………………………….42 iii 5.2.2. Dégradation de l’environnement urbain…………………………………………..44 4.2.3. Manque d’appui au secteur informel……………………………………………...45 4.3. Pistes de solutions…………………………………………………………………...45 4.3.1. Partenariat local…………………………………………………………………...45 4.3.2. Financement des infrastructures de l’eau…………………………………………46 4.3.3. Participation locale………………………………………………………………..47 4.3.4. Assainissement du milieu…………………………………………………………47 4.3.5. Élaboration du code de l’eau………………………………………………………48 4.3.6. Innovation et formation……………………………………………………………48 4.3.7. Appui au secteur informel…………………………………………………………48

Conclusion générale…………………………………………………………………….50

Bibliographie……………………………………………………………………………52

iv Remerciements

Cette étude a été réalisée avec le concours et l’appui de plusieurs personnes physiques et morales à qui nous tenons à témoigner notre gratitude. Nous remercions très sincèrement Monsieur Naser Faruqui, qui a bien voulu nous diriger tout au long de ce travail. Son dévouement, son entière disponibilité et sa fraîcheur intellectuelle nous ont été d’une grande utilité. Le grand intérêt qu’il a porté pour ce thème témoigne de son attachement à la lutte contre la pauvreté et la gestion rationnelle des ressources naturelles dans les villes de l’Afrique subsaharienne. Les mêmes sentiments, nous les exprimons à l’endroit de Daniel Buckles, avec qui nous avons commencé cette étude.

Toute notre gratitude va également au CRDI pour avoir bien voulu financer cette recherche. Que Rita Bwory, Jean-Claude Dumais, Pierre Cyr et Christine Lalande trouvent ici l’expression de notre reconnaissance pour leur assistance. Les mêmes remerciements nous les adressons à Luc Mougeot, Jean-Michel Labatut, Brenda Lee Wilson, Guy Bessette, René Parenteau, Michel Maldague, qui ont bien voulu lire la première ébauche de notre rapport de recherche. Leurs conseils nous ont permis d’améliorer ce travail.

De même, notre gratitude va à toute l’équipe de l’initiative de programme « Pauvreté urbaine et environnement » et tous mes collègues stagiaires pour leurs encouragements et leur sympathie. Qu’ils trouvent ici l’expression de notre sincère reconnaissance.

Enfin, nous remercions très sincèrement le Prof. Muzyumba, Ministre de l’énergie, le Dr Luc Lukwangomo, Médecin chef de la zone de santé de Kisenso et son équipe, le Père Itallo Iotti de l’église Saint-Étienne, Basile Bazongo de l’ONG Centre Misericordia, la Présidente de l’ONG Union des jeunes sages de Kisenso (USADEK), les responsables de la REGIDESO et du Comité national de l’eau et de l’assainissement, la Bourgmestre adjointe de la commune de Kisenso ainsi que nos enquêteurs, pour leur étroite collaboration durant notre séjour sur le terrain.

A toutes et tous, nous disons, Grand Merci. v Résumé

Cette étude se rapporte à la problématique de l’accès à l’eau potable et aux services d’assainissement dans les quartiers pauvres des villes des pays en développement. Elle établit un diagnostic de l’accès à l’eau potable et aux services d’assainissement dans la ville de Kinshasa (République Démocratique du Congo) en considérant le cas de la commune de Kisenso (250.000 habitants). Elle décrit le système, les pratiques courantes et les capacités des associations locales impliquées dans la gestion de l’eau. Elle s’efforce également de dégager les contraintes et les pistes de solutions pour faciliter l’accès des populations à faible revenu à l’eau potable.

Le premier chapitre traite du cadre institutionnel de la gestion de l’eau et de l’assainissement avec un bref aperçu sur la ville de Kinshasa. Le deuxième se rapporte à la méthodologie de la recherche. Les techniques et les méthodes utilisées pour la collecte des données (observation, administration du questionnaire, organisation des Focus group et des entrevues) sont décrites. Le troisième chapitre présente les résultats significatifs de la recherche.

A titre indicatif, l’enquête renseigne que le revenu moyen de près de la moitié de ménages est de 50 $US par mois avec une moyenne de sept personnes par ménage; ce qui donne 7 $US par personne et par mois. Le taux de la desserte en eau potable est de 10 % des ménages. Les principaux fournisseurs de l’eau sont l’église Saint-Étienne (34 %), la REGIDESO (32 %), les particuliers (15 %) et les ONG (10 %). Le manque d’eau entraîne un coût en argent, temps et énergie et favorise l’émergence des maladies hydriques (fièvre typhoïde, diarrhée, amibiase, etc.). L’enquête révèle qu’un ménage dépense près de 0,27 $US par jour pour accéder à l’eau (8,1$US par mois). Le temps moyen pour la recherche de l’eau est de 2 heures dépendamment de la situation géographique et en moyenne, la source d’eau potable se trouve à 960 mètres des maisons d’habitations.

Par rapport à la consommation d’eau, en nous référant à la norme de l’OMS qui retient un minimum de 50 litres d’eau par personne et par jour, l’enquête renseigne que près de 92 % des ménages vivent en dessous de la norme exigée.

Enfin, le dernier chapitre présente les obstacles et les pistes des solutions formulées par les ménages. Les obstacles sont liés aux contraintes (institutionnelles, techniques, financières) et à la dégradation de l’environnement (érosion des sols) tandis que les solutions proposées réfèrent à la constitution d’un fonds spécial pour le financement des infrastructures de l’eau, l’appui au secteur informel et à l’agriculture urbaine, sources de revenu pour des nombreux ménages, la formation, la décentralisation de la gestion et l’élaboration du Code de l’eau et la création d’un ministère chargé spécifiquement de la gestion des ressources en eau.

vii Liste des figures et tableaux

Page 1. Figures

Figure 1. Cadre institutionnel de la gestion de l’eau et de l’assainissement……………..7 Figure 2. Sources d’eau potable…………………………………………………………21 Figure 3. Niveau journalier de consommation d’eau par les ménages…………………..25 Figure 4. Vue de l’érosion des sols à Kisenso…………………………………………...32 Figure 5. Point de vente de l’eau installé à l’église Saint-Étienne/Kisenso……………...35

2. Tableaux

Tableau 1. Revenu mensuel des ménages………………………………………………..16 Tableau 2 : Principaux fournisseurs de l’eau…………………………………………… 24 Tableau 3. Coût liés à l’eau………………………………………………………………27 Tableau 3. Profil épidémiologique de la Zone de Santé de Kisenso…………………….31

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Mise en contexte

La présente recherche a pour but d’établir un diagnostic de la gestion de l’eau dans un des quartiers pauvres de la ville de Kinshasa (R.D. Congo). Cette étude se rapporte à un des thèmes de la nouvelle initiative de programme « Pauvreté urbaine et environnement (PURE) » du Centre de recherches pour le développement (CRDI), à savoir, « l’eau et l’assainissement » et elle nous permet d’accroître nos connaissances dans la compréhension de la problématique de l’accès à l’eau potable et aux services d’assainissement dans les villes des pays en développement.

Gestion de l’eau au Congo

En République Démocratique du Congo, la gestion de l’eau potable en milieu urbain a été confiée à la Régie de distribution d’eau (REGIDESO), une entreprise publique placée sous la tutelle technique et financière, respectivement du Ministère de l’énergie et de celui du Portefeuille. Sa mission est de produire, distribuer et commercialiser de l’eau potable dans toutes les villes et centres urbains.

Cependant, les contraintes institutionnelles, techniques et financières constituent des obstacles à l’amélioration de la desserte en eau surtout dans les quartiers urbains périphériques. Il en est de même de l’autorité excessive reconnue au pouvoir central qui limite les possibilités des collectivités locales et de citoyens de s’impliquer dans la gestion de l’eau.

En effet, les contraintes budgétaires constituent un frein permanent pour le secteur de l’eau potable et de l’assainissement. L’agence de l’eau et les services d’assainissement sont placés souvent dans une certaine situation de dépendance vis-à-vis de l’État et des partenaires bilatéraux et multilatéraux. Faute de moyens importants, les gouvernements sont incapables de réhabiliter ou de renouveler les infrastructures et équipements.

De plus, l’autorité excessive reconnue au pouvoir central limite les possibilités des collectivités locales de s’impliquer dans la gestion de l’eau. Celles-ci ne sont pas 2

associées à la gestion du secteur de l’eau. Tout est centralisé au niveau du gouvernement central. Et avec un faible budget en leur possession et un mécanisme de rétrocession non clair, imprécis et souvent non appliqué, les administrations locales se retrouvent incapables d’intervenir dans le secteur.

En outre, la population n’est pas associée ni de près ni de loin à l’élaboration des politiques, programmes ou projets liés à l’eau potable. Le manque d’eau pousse les femmes à dépenser l’argent, le temps et l’énergie pour la recherche de l’eau. Les enfants sont particulièrement affectés par la rareté de l’eau et l’insalubrité qui ont un impact sur la recrudescence de certaines maladies (paludisme, choléra, fièvre typhoïde, diarrhée, amibiase, etc.), cause principale de la hausse de la mortalité en Afrique (OMS, 2001).

Problème

Comme pour les autres villes de la R.D. Congo, la situation de la ville de Kinshasa en eau potable et insalubrité n’est guère rayonnante. Fondée comme port, la ville s’est développée le long du fleuve Congo. Estimé à 400.000 habitants en 1960, la population de la ville a considérablement augmenté. En 2005, elle était estimée à plus de 7 millions d’habitants (Gouvernorat de la Ville de Kinshasa, 2005).

Globalement, les besoins en eau potable de la ville sont en déça des besoins réels de la population. Ils sont estimés à 600.000 m³/jour et la REGIDESO fournit actuellement 360.000 m³/jour. Le taux de desserte en eau pour la ville est de 53 % et en moyenne un habitant de Kinshasa consomme 17 litres d’eau par jour (Regideso, 2004). Dans la plupart des quartiers d’extension, les habitants ne sont pas raccordés au réseau public de distribution eau potable. De ce fait, les modes d’approvisionnement en eau varient : puisage d’eau souterraine, recueil des eaux pluviales, recours aux voisins branchés au réseau officiel, alimentation aux bornes fontaines et achat de l’eau en détail.

Par ailleurs, l’évacuation des eaux de pluie pose d’énormes problèmes d’érosion des sols dans certains quartiers périphériques. Dans les vallées, les eaux stagnantes prédominent après la pluie et constituent un site de prédilection pour le développement des moustiques dont l’anophèle est un vecteur de la malaria. Selon le Comité nationale de l’eau et de 3

l’assainissement (CNAEA, 2003), la couverture en infrastructures d’assainissement est de 11 % pour l’ensemble du territoire national. En milieu urbain, cette proportion atteint 8 % contre 12 % en milieu rural.

Au regard de la faiblesse du taux de couverture en eau potable et en services d’assainissement, certaines ONG, associations et privés se sont impliqués dans le secteur. Cependant, à ce jour, très peu d’informations sont disponibles sur les intervenants formels et informels qui opèrent actuellement dans le secteur de l’approvisionnement en eau potable et de l’assainissement surtout dans les quartiers pauvres. Les données existantes, issues d'enquêtes socio-économiques ou démographiques, sont soit partielles, soit peu sûres.

D’où, l’intérêt pour nous d’analyser la situation de la commune de Kisenso, la plus pauvre de la ville de Kinshasa, afin d’évaluer les capacités des intervenants locaux dans la gestion des services de l’eau. Une attention particulière sera accordée à l’analyse de la rationalité des organisations et des regroupements locaux, formels ou informels.

Objectifs de l’étude

L’objectif principal de l’étude est donc d’établir un diagnostic de la gestion des eaux (eau potable, excréta, eaux usées et pluviales) dans la ville de Kinshasa en considérant le cas de la commune de Kisenso. Ses objectifs spécifiques sont : • Décrire le système et les pratiques courantes utilisées dans la gestion de l’eau potable, des excréta, des eaux usées et pluviales; • Identifier les contraintes institutionnelles et techniques relatives à l’alimentation en eau potable et à l’assainissement des milieux urbains d’extension; • Décrire les capacités des associations locales dans l’optique d’une prise en charge de la gestion des services de l’eau par les communautés; et • Identifier les solutions pertinentes possibles pour faciliter l’accès de la population à faible revenu à l’eau potable et aux services d’assainissement.

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Plan du travail

Outre l’introduction et la conclusion, cette étude comporte quatre chapitres. Le premier chapitre décrit le cadre institutionnel de la gestion de l’eau potable et de l’assainissement en République Démocratique du Congo. Ici, une attention est accordée à une brève présentation de la ville de Kinshasa. Le deuxième est consacré à la méthodologie de la recherche et il se focalise sur la description détaillée de chaque étape de l’enquête. Le troisième chapitre traite des résultats de l’enquête et enfin, les contraintes institutionnelles, techniques et financières, les freins à l’accessibilité à l’eau et quelques pistes de solutions font l’objet du dernier chapitre.

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Chapitre 1. Cadre institutionnel de la gestion de l’eau

Avant de présenter le cadre institutionnel de la gestion de l’eau en République démocratique du Congo, pour mieux appréhender l’objet de notre recherche, il est essentiel pour nous de donner un bref aperçu sur la ville de Kinshasa avec une présentation sommaire de la commune de Kisenso, notre champ d’investigation.

1.1. Bref aperçu de la ville de Kinshasa

La ville de Kinshasa, capitale de la République Démocratique du Congo, est caractérisée par un climat tropical chaud et humide. Le régime pluviométrique comporte une saison de pluie de sept mois, allant de mi-septembre à mi-mai ; une saison sèche, s'étendant de mi-mai à mi-septembre et une inflexion de la pluviosité entre décembre et février. La température moyenne est de 26 °C. Les sols sont décrits comme étant des sols à texture sablonneuse et assortie de quelques éléments grossiers. La végétation de Kinshasa est essentiellement faite de savane, parsemée d'arbustes.

Quant à l’hydrographie, la ville de Kinshasa est baignée par plusieurs cours d'eau dont la Ndjili avec un bassin de 2.000 km², la N'sele (bassin de 6.000 km²), la Maindombe et le fleuve Congo qui borde la ville elle-même.

Fondée comme port, la ville de Kinshasa s’est développée le long du fleuve. Vers 1919, Kinshasa comptait déjà 14.000 habitants, occupant une superficie de 650 hectares. A l'indépendance, en 1960, la ville, alors capitale depuis 1923, hébergeait une population estimée à 400.000 habitants sur un site urbanisé de 5.500 hectares (PNUD et UNOPS, 1998). Aujourd’hui, la population de la ville de Kinshasa est évaluée plus de 7 millions d’habitants avec un taux de croissance estimé à 4,7 % par an (Gouvernorat de la Ville Kinshasa, 2005). Malgré une récession économique sensible, l’accroissement de la ville est supérieur à 6 % par an et les zones périphériques augmentent de près de 12 % par an (Stren et White, 1993).

La ville de Kinshasa, qui a aujourd'hui une superficie de plus ou moins 9.968 km², comporte 24 communes qui peuvent être catégorisées de la manière suivante : les 6

communes excentriques, semi-rurales et rurales ( , Masina, N'sele, Maluku, et (en partie)); les communes d'extension sud (, , , , Kisenso et (en partie)) et les anciennes, les nouvelles et les cités planifiées (, Kinshasa, , Kasa-Vubu, , , , Lemba, , Ndjili (en partie), et Ngiri-Ngiri) (PNUD/UNOPS, 1998).

Commune de Kisenso

Létude à pour cadre la commune de Kisenso (250.000 habitants répartis dans 17 quartiers avec une densité moyenne de 15.241 habitants / km²). Elle appartient à la catégorie des communes d'extension de la ville de Kinshasa. Elle est difficilement accessible suite aux érosions des sols et le taux de desserte en eau potable est équivalent à 10 % de ménages.

1.2. Cadre institutionnel de la gestion de l’eau en R. D. Congo

En République Démocratique du Congo, le secteur de l’approvisionnement en eau potable et de l’assainissement (AEPA) est subdivisé en quatre sous-secteurs : le sous- secteur de l’approvisionnement en eau potable en milieu urbain (AEPU), le sous-secteur de l’approvisionnement en eau potable en milieu rural (AEPR), le sous-secteur de l’assainissement urbain (ASSU) et le sous-secteur de l’assainissement rural (ASSR). Le critère retenu pour distinguer les milieux urbain et rural est la démographie. Ainsi, toute agglomération de 5.000 habitants et plus, est considérée comme centre urbain tandis que celle de moins de 5.000 habitants fait partie du milieu rural. L’unité de planification du sous-secteur eau en milieu rural est la zone de santé (Comité national de l’eau et de l’assainissement CNAEA, 2004).

Intervenants

Le secteur de l’AEPA comprend plusieurs intervenants qui sont les institutions publiques, les ONGs et les privés. La coordination des activités des intervenants dans le secteur est assurée par le Comité National d’Action de l’Eau et de l’Assainissement (CNAEA). Celui-ci est placé sous la tutelle du Ministère du Plan, qui en assure la présidence. La 7

vice-présidence revient au Ministère de l’environnement et le Secrétariat exécutif, à la Regideso. Ce comité a pour mission de coordonner toutes les activités liées à l’eau potable et à l’assainissement.

En effet, la mission de coordination du CNAEA implique la définition de grandes options, des priorités et de la stratégie du développement du secteur AEPA, la mobilisation des ressources financières nécessaires à la réalisation des différents projets, l’élaboration et le suivi de l’exécution des programmes de réhabilitation, de développement et de formation au regard des objectifs que le pays se fixe dans le secteur.

Figure 1. Cadre institutionnel de la gestion de l’eau et de l’assainissement

Comité national eau et assainissement CNAEA

Ministère énergie Ministère portefeuille Ministère Ministère (technique) (administratif) développement rural travaux publics

Ministère REGIDESO - SNHR - OVD environnement (milieu urbain) - Zones de santé - PNA (ressources en eau) - ONG - Zones de santé - Privés - ONG Ministère santé - Privés (Santé publique)

Ministère économie (tarif eau)

Eau potable en milieu urbain et semi-urbain

En milieu urbain et semi-urbain, l’approvisionnement en eau potable des populations est dévolu à la Régie de distribution d’eau de la République Démocratique du Congo (REGIDESO). Elle s’occupe de la production, de la distribution et de la commercialisation de l’eau potable dans les centres urbains. La Regideso est une 8

entreprise publique jouissant d’une autonomie de gestion et relevant du Ministère de l’énergie sur le plan technique et du Ministère du portefeuille pour les aspects administratifs. Malgré le statut de l’entreprise, qui lui donne le monopole de desserte en milieu urbain et semi-urbain, certaines ONGs réalisent des forages équipés de pompes motrices humaines dans les quartiers péri-urbains, souvent d’accessibilité difficile, qui ne sont pas couverts par la Regideso.

Assainissement en milieu urbain

Dans ce sous-secteur se trouvent également les institutions publiques (Office des voiries et drainage (OVD), le Programme National d’assainissement (PNA), les Ministères de la Santé et de l’environnement), les privés ainsi que les ONGs. Ils se chargent de l’évacuation hygiénique des excréta, des eaux pluviales et des eaux usées domestiques, la collecte des déchets solides, la lutte contre les vecteurs des maladies, le contrôle de la qualité de l’eau et l’éducation à l’hygiène. L’OVD, entreprise publique à caractère technique et jouissant d’une autonomie administrative et financière dépend du Ministère des travaux publics et de l’aménagement du territoire et s’occupe de l’entretien et l’aménagement des infrastructures de voiries et drainage.

Quant au PNA, il est sous tutelle du Ministère de l’environnement et a pour mission la planification des activités d’assainissement, le contrôle des vecteurs, le contrôle et l’évacuation des déchets solides, le traitement et l’évacuation des excréta et des déchets liquides, la prévention et la lutte contre la pollution, l’hygiène de l’habitat et l’hygiène industrielle, le contrôle des conditions de potabilité de l’eau ainsi que l’éducation et la vulgarisation.

Par ailleurs, le Ministère de la Santé et celui de l’environnement interviennent dans les domaines de la surveillance de la salubrité du milieu, de la surveillance des maladies liées à l’insalubrité du milieu et de la sensibilisation de la population en matière d’hygiène. Les privés et les ONG s’occupent généralement du traitement et de l’évacuation des excréta, du contrôle et de l’évacuation des déchets solides et la lutte anti-vectorielle.

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Conclusion

Dans ce chapitre, notre attention a porté sur la description du cadre institutionnel de la gestion de l’eau potable et de l’assainissement en République Démocratique du Congo. L’attention a porté également sur une présentation sommaire de la ville de Kinshasa. Avant de présenter les résultats de notre recherche, il est utile de présenter l’approche méthodologique que nous avons privilégiée tout au long de cette enquête. Elle fera l’objet du chapitre qui suit.

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Chapitre 2. Méthodologie de la recherche

Comme démarche méthodologique, outre l’observation des sources et sites de captage et de distribution d’eau, nous avons opté pour la réalisation d’une enquête sur le terrain, le recours à la méthode de groupe cible (Focus group) et l’organisation des entrevues avec les responsables impliqués dans la gestion de l’eau potable et de l’assainissement. Une attention a portée sur la participation de la femme.

2.1. Enquête

L’enquête s’est réalisée du 16 avril au 9 mai 2005 par une équipe d’enquêteurs composée d’un chercheur responsable et d’une dizaine de membres du personnel de la Zone de Santé de Kisenso. Le questionnaire d’enquête a été administré à 104 ménages répartis dans 10 quartiers de la commune de Kisenso (Regideso, Kumbu, Mbuku, Amba, Mission, Mujinga, Libération, 17 mai, Nsola et Bikanga). Notons qu’un pré-test du questionnaire a été organisé afin de clarifier certaines questions. Le choix de cette commune se justifie parce qu’elle est la plus pauvre de la ville de Kinshasa et plusieurs intervenants y sont opérationnels.

2.1.1. Échantillon

Dans des contextes où il est impossible de prélever un échantillon probabiliste, du fait qu’il n’existe pas de liste complète et exhaustive de tous les sujets concernés, nous avons recouru à un échantillon non probabiliste et à la méthode par quota. Ainsi, il s’est agi d’établir une matrice décomposant la population des différents quartiers stratifiés selon les critères ci-après : position du quartier (pente de terrain forte ou faible), présence ou absence de tuyauterie et poids démographique de chaque quartier.

En effet, au regard de la situation géographique de la commune de Kisenso, prédominée par les collines et les plaines, les problèmes d’accès à l’eau potable et aux services d’assainissement seront différemment appréhendés selon que le ménage est branché au réseau officiel ou pas ou selon la position du quartier. Les habitants des quartiers, situés sur une pente forte par exemple, peuvent éprouver des difficultés d’accéder à l’eau 11

potable suite à l’érosion des sols alors que les problèmes de la stagnation des eaux usées et pluviales peuvent être plus ressentis dans des quartiers à pente faible.

Par ailleurs, les habitants branchés au réseau de la Régie de production et distribution de l’eau en R.D. Congo (Regideso) ont une tuyauterie en place. Quel que soit son état, les difficultés d’accéder à l’eau peuvent-être différemment ressenties selon que l’on habite dans un quartier sans branchement officiel (tuyauterie) ou que la population peut recourir au puits ou aux bornes fontaines pour s’alimenter en eau potable.

Ainsi, les ménages à interroger ont été tirés au hasard par tirage géographique systématique suivant le poids démographique de chaque quartier. Sur chaque rue ou avenue, le premier ménage a été considéré ainsi que le 10ième qui suivait. Lorsque le responsable, ou la femme du dixième ménage était absente, on interrogeait la femme du ménage précédent (9ième) ou du ménage suivant (11ième). Dans le cas où, les trois personnes étaient absentes, l’enquêteur était obligé d’y retourner un autre jour.

Par ailleurs, dans le cas où il n’y aurait pas d’avenue ni de rue précise, l’enquêteur devait préalablement élaborer un plan sommaire du quartier et prendre soin de subdiviser la zone de recherche en différentes sections. Partant de la trajectoire tracée, le questionnaire a été administré aux ménages qui se trouvaient de part et d’autre de celle-ci. Dans ce cas, la sélection de ménages dépendait du jugement de l’enquêteur selon que les ménages étaient dispersés ou concentrés en lieu donné.

2.1.2. Déroulement de l’enquête

L’unité d’observation a donc été le ménage. Et dans un ménage tiré, c’est la femme qui a été enquêtée, éventuellement en présence de son mari. Dans les ménages où il n’y avait pas de femmes - femme absente, ménage de célibataire, de divorcé ou de veuf - c’est l’homme qui a été interrogé. Les enquêteurs étaient divisés en équipe de deux. Pendant que l’un administrait le questionnaire, l’autre se chargeait de prendre note. Ce rôle était interchangé après deux entrevues. Chaque équipe séjournait pendant au moins une semaine dans chaque quartier pour administrer le questionnaire et faire des observations. Il est essentiel de noter que pendant l’enquête, le chercheur principal parcourait des 12

kilomètres à pied dans différents quartiers pour veiller au bon déroulement de l’enquête, motiver les enquêteurs et résoudre certains problèmes, notamment les relations entre les enquêteurs et les responsables du quartier, etc. A la fin de chaque jour, toute l’équipe se réunissait au bureau de la Zone de santé de Kisenso où une salle nous avait été réservée. Une séance de formation des enquêteurs a eu lieu avant leur descente sur le terrain, et chaque enquêteur a reçu une farde avec le questionnaire et une prime de motivation.

2.2. Focus group

Nous avons opté pour la méthode des Focus groups car elle s’apparente aux palabres africaines est, en cela, susceptible de bien correspondre aux mentalités de notre région d’enquête (Simard, 1988). Les séances des Focus group ont eu lieu du 10 mai au 4 juin 2005.

2.2.1. Recrutement des participants

Pour faciliter le recrutement des participants, nous avons pris soin d’aviser les autorités politico-administratives (bourgmestre, chefs des quartiers) de l’objet de notre recherche et de la démarche préconisée, notamment la participation de certaines personnes à des groupes de discussion sur les thèmes de la gestion de l’eau potable et des services d’assainissement. Les chefs des quartiers, par le canal des chefs de groupement, se sont investis dans le choix des hommes et femmes pouvant participer au Focus group. Le choix de chaque participant était conditionné par son engagement et son implication directe dans les activités de développement de son quartier et les critères ci-après ont été considérés : âge, sexe, statut matrimonial, revenu, profession, localisation, etc. Le recrutement s’effectuait une semaine avant la tenue de la réunion pour que les participants n’oublient pas la date de la réunion et ainsi accroître le taux de présence. Chaque groupe était composé en moyenne de neuf personnes et huit groupes ont été mis sur pied, soit cinq groupes de femmes (mamans Kimpa Vita, mamans des quartiers Regideso, Amba, 17 mai et Kumbu) et trois groupes d’hommes (quartiers Amba, Kumbu et 17 mai).

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En effet, les femmes assument la majeure partie du travail domestique et sont les principales responsables de la recherche d’eau. Le manque d’eau les oblige à passer beaucoup plus de temps et à dépenser argent et plus d’énergie pour trouver l’eau.

2.2.2. Discussion et animation du groupe

La tenue de chaque focus group durait au maximum deux heures. Le jour de la discussion dépendait de la disponibilité des personnes. Les discussions se sont tenues à l’école (Armée du salut, Kimpa vita), à l’église (Saint-Etienne) et sous le manguier. Un rafraîchissement était offert aux participants au cours de la réunion. Les discussions étaient animées par nous-même seconder par deux collaborateurs pour la prise de notes et la transcription des messages contenus dans les cassettes. Et toutes les réunions se sont tenues en Lingala (langue locale).

2.2.3. Analyse des résultats

L’analyse des résultats s’est réalisée de la manière suivante : regroupement des thèmes de la discussion, répartition approximative du temps alloué à chaque sous-thème et articulation de l’analyse du contenu en fonction des objectifs de la recherche. Pour la synthèse des résultats, nous avons procédé comme suit : l’extraction des préoccupations et des priorités en fonction du sujet de la recherche, l’identification des solutions, la manière suivant laquelle la population compte les réaliser et la comparaison intergroupes de façon à saisir les différences et les options de convergence entre les catégories de personnes.

2.3. Entrevues

Les entrevues ont été organisées du 5 mai au 10 juillet 2005 auprès de responsables impliqués dans la gestion de l’eau. Un guide d’entrevue a été élaboré et focalisé sur les éléments ci-après : cadre réglementaire; participation des citoyens à la gestion de l’eau potable; gestion des services de l’eau potable et promotion de la santé publique.

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A titre indicatif, nous avons rencontré les personnes suivantes : le Ministre de l’énergie, la Bourgmestre adjointe de la commune de Kisenso, le Secrétaire général permanent du Comité national de l’eau et l’assainissement (CNAEA), le Médecin-Chef de zone de santé de Kisenso, le Président du conseil paroissial (Paroisse Saint Etienne), le Coordonnateur national de l’ONG Centre Misericordia et la Présidente de l’ONG, Union des sages admirés de Kisenso (USADEK).

Conclusion

Dans ce chapitre, notre attention a porté sur la description des techniques et méthodes que nous avons utilisées pour collecter les données sur le terrain. Ainsi, nous avons évoqué les techniques utilisées pour administrer le questionnaire, l’organisation des rencontres avec de groupes cibles (Focus groups) et les entrevues avec les gestionnaires de l’eau au niveau local. Les données recueillies ont été analysées suivant une approche globale et interdisciplinaire et les résultats sont présentés dans le chapitre suivant.

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Chapitre 3. Résultats de l’enquête

Dans ce chapitre, nous présentons les résultats significatifs de notre enquête. Ainsi, notre attention portera sur les éléments ci-après : le profil de ménages, l’accessibilité à l’eau potable, les coûts de l’eau, la dégradation de l’environnement et la gestion des services de l’eau au niveau local.

3.1. Profil des ménages

Notre échantillon était constitué de 104 ménages. Le questionnaire a été administré à 72 femmes et 32 hommes. Par rapport au groupe d’âge, le groupe d’âge de 35 à 49 ans domine avec 47 %, suivi de celui de 20 à 34 ans qui représente 25 % des enquêtés. Le groupe d’âge de 50 à 64 ans et de 65 ans et plus représentent respectivement 23 % et 5 %.

Quant à la profession, les ménagères arrivent en tête avec 43 % suivies des commerçants qui atteignent 24 % alors que les fonctionnaires représentent 9 %. Le taux élevé des commerçants pourrait s’expliquer par l’émergence des activités du secteur informel dans la commune. Ce sont surtout les femmes qui y sont opérationnelles. Les enseignants et les maraîchères récoltent chacun 4 % juste devant les tailleurs et les chauffeurs qui gagnent distinctement 3 %. Enfin, les électriciens, les menuisiers et les chômeurs atteignent chacun 2 % alors que les maçons, les sentinelles, les médecins et les infirmiers atteignent séparément le taux de 1 %.

De plus, l’enquête révèle que 61 % des enquêtés ont déjà fini leurs études secondaires et 21 % les études primaires. Le taux d’analphabète est de 9 % équivalent à celui des universitaires. La faiblesse de revenu pourrait expliquer la hausse du nombre d’analphabètes. Par rapport aux universitaires, la proximité des institutions d’enseignement supérieur et universitaire (Université de Kinshasa, Institut supérieur des techniques médicales, etc.) et le bas taux de loyer dans la région semblent influencer l’établissement de certains universitaires dans la commune.

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La taille moyenne d’un ménage est de 7,3 individus. Pour chaque ménage, les enfants à charge et dont l’âge varie entre 0 et 5 ans représentent 23 %, ceux de 6 à 10 ans atteignent 22 % alors que ceux dont l’âge se situe entre 11 et 18 ans atteignent 26 %. Le taux de personnes ayant 18 ans et plus représente 29 %. Ce taux élevé pour cette dernière catégorie pourrait s’expliquer par le chômage qui frappe ces jeunes, car une fois diplômés (fin études secondaires) par manque de moyens, ils sont obligés d’arrêter leurs études pour se lancer dans des activités informelles, notamment la tenue de petite boutique et de kiosque d’appels téléphoniques, le commerce ambulant, etc.

3.2. Accessibilité à l’eau potable

3.2.1. Revenu des ménages

3.2.1.1. Description du revenu

L’enquête révèle que 49 % de ménages ont un revenu mensuel qui se situe entre 10 et 50 $US, 38 % entre 51 et 100 $ et 13 % de ménages ont un revenu supérieur à 100 $ par mois. Par rapport aux différents quartiers, le tableau ci-dessous est révélateur.

Tableau 1. Revenu mensuel des ménages dans quelques quartiers de Kisenso en 2005 Quartiers\Revenu 10-50 $ US 51-100 $ 101-200 $ 201 $ et plus Total N % N % N % N % N Amba 5 10 4 10 1 8 1 100 11 Mission 9 18 1 2,5 0 0 0 0 10 17 mai 7 14 4 10 0 0 0 0 11 Mbuku 8 16 2 5 0 0 0 0 10 Nsola 2 4 4 10 5 42 0 0 11 Regideso 6 12 4 10 0 0 0 0 10 Kumbu 1 2 6 15 4 3 0 0 11 Bikanga 3 6 6 15 1 8 0 0 10 Mujinga 1 2 8 20 1 8 0 0 10 Libération 9 18 1 2,5 0 0 0 0 Total 51 100 40 100 12 100 1 100 104 % 49 38 12 1 100 Source : Enquête réalisée dans la Commune de Kisenso, avril-juillet 2005

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Le tableau 1 démontre que la pauvreté qui sévit dans la commune de Kisenso est considérable. Considérant la tranche de revenu de 10 à 50 $ par mois, les quartiers Mission (18 %), Libération (18 %), Mbuku (16 %), 17 mai (14 %), Regideso (12 %) et Amba (10 %) arrivent en tête avec plus de 10 % de ménages qui ont moins de 50 $ par mois. Dans la deuxième tranche de revenu (51 à 100 $US par mois), le quartier Mujinga se distingue avec 20 % suivi des quartiers Kumbu et Bikanga qui atteignent chacun 15 %. De même, les quartiers 17 mai, Nsola et Regideso atteignent séparément 10 %.

Quant à la tranche de revenu de 101 à 200 $US, le quartier Nsola arrive en premier lieu avec 42 %, suivi des quartiers Amba, Bikanga et Mujinga qui ont chacun 8 %. A ce niveau, nous serions tentés de croire à l’existence d’une relation entre la profession et le niveau de revenu. Toutefois, à ce stade de notre analyse, nous ne saurions affirmer ou infirmer cette hypothèse sans au préalable établir un lien statistiquement significatif entre ces deux variables.

Par ailleurs, le niveau de revenu élevé au quartier Nsola pourrait s’expliquer en partie par le développement des activités informelles, favorisées par la présence du chemin de fer qui relie régulièrement la ville de Kinshasa à la cité de Kasangulu dans le Bas-Congo. C’est le cas également des quartiers Amba, Bikanga et Mujinga où s’observent un taux élevé de ménagères. Outre leurs tâches ménagères, les femmes ménagères s’adonnent plus souvent à la vente des biens de première nécessité (sucre, farine de maïs, poissons chinchards, sel, pétrole, etc.). Ainsi, le revenu gagné par la femme et celui du mari contribuent au bien-être du ménage. Enfin, dans la dernière tranche dont le revenu mensuel est supérieur à 200 $, seul un ménage du quartier Amba fait partie de cette catégorie.

En effet, l’un des deux seuils de la Banque mondiale en matière de minimum de revenu pour une personne et par an est de 370 $, ce qui donne par mois 30,83 $. L’enquête ayant révélé que le revenu moyen de près de la moitié de ménages (49 %) de la commune de Kisenso est de 50 $ par mois avec en moyenne 7,3 personnes, c’est-à-dire, 7 personnes par ménage; ce qui donne 7 $ par personne et par mois. Le revenu réel moins le revenu théorique du seuil donne un nombre négatif de 23,83$ pour atteindre le minimum exigé. 18

Ce revenu de 50 $ ne peut à peine faire vivre deux personnes selon le seuil donné.

De plus, 38 % de ménages ont un revenu pouvant atteindre 100 $. Dans ce cas, un individu par ménage peut gagner 14 $ par jour. Il existe également un déficit de 16 $. Seuls les ménages qui ont près de 200$ par mois se rapprochent du seuil donné, soit 12 % de ménages enquêtés. Une personne de cette catégorie a près de 29 $ par mois. Une hausse de revenus peut se réaliser par la promotion des cultures maraîchères notamment en facilitant l’accès des femmes à la terre, par la mise en place d’un système d’épargne et de crédit pour promouvoir le développement des activités informelles et en adoptant une politique de planification familiale pour réduire la taille du ménage.

Parallèlement, s’il faut considérer les dépenses du ménage en matière d’accès à l’eau potable, on comprend aisément pourquoi la population recoure souvent à l’eau des sources non aménagées. Toutefois, l’agriculture urbaine peut-être exploitée comme une source de revenu supplémentaire pour les ménages.

3.2.1.2. Agriculture urbaine : source potentielle d’accroissement de revenu

Les cultures maraîchères constituent la principale source de revenus pour certains ménages de la commune de Kisenso. Celle-ci est reconnue pour les légumes qu’elle déverse sur les principaux marchés de la capitale (Matete, Ngaba, Marché central, Maman Apenge, Simba zikita, etc.). Les légumes les plus commercialisés sont : les feuilles de manioc, les feuilles de patate douce, les amarantes, les épinards, les choux de chine, le maïs, etc.

Certaines cultures se pratiquent aussi bien en saison des pluies qu’en saison sèche. C’est le cas des feuilles de manioc que l’on rencontre presque dans toutes les parcelles visitées (95 %). Jadis, un projet dénommé Jardins et élevage des parcelles (JEEP) a permis le développement de ce secteur et la lutte contre l’insuffisance alimentaire. Aujourd’hui, ce projet semble rencontrer des difficultés pour la relance de ses activités.

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Par rapport à la pratique de l’agriculture urbaine dans cette municipalité, outre les jardins parcellaires, le bas-fond constitue des lieux de prédilection pour la culture maraîchère. Et ce sont surtout les femmes qui s’adonnent à ce type d’agriculture. Cependant, la difficulté d’accéder à la propriété handicape le développement de ce secteur qui en ce moment de conjoncture économique difficile constituerait une alternative pour lutter contre l’autosuffisance alimentaire et la malnutrition. Selon certains agriculteurs rencontrés, les rendements jadis observés, diminuent. Cette situation serait due à une exploitation excessive du sol. Dans ce cas, l’utilisation des eaux usées ou la valorisation des excréta, via le compost, permettrait d’enregistrer de hauts rendements. Outre ces difficultés, les agriculteurs se trouvent aussi confrontés aux problèmes de manque de semences et de matériel agricole. Au regard du taux de croissance démographique dans la ville de Kinshasa et de la demande toujours forte des produits alimentaires, un regroupement de ces derniers en coopérative favoriserait la mise en commun des ressources (financières, humaines et matérielles) pour ainsi accroître leur production agricole. Cette structure ne serait effective qu’après une étude approfondie des obstacles qui empêchent le développement de l’agriculture urbaine.

3.2.1.3. Autre source de revenu : la propriété foncière

La possession d’une propriété pourrait-être exploitée comme source de revenu pour les ménages. L’enquête révèle que 75 % des ménages disposent d’une propriété foncière contre 25 % de locataires. Parmi les propriétaires, sur 26 enquêtés, 62 % disposent d’une deuxième propriété. Ils se recrutent plus dans les quartiers Amba, 17 mai, Kumbu, Mission et Mbuku. Par ailleurs, les locataires sont plus perceptibles dans les quartiers Mission, 17 mai, Amba, Mujinga et Bikanga. Le faible coût du loyer pourrait expliquer cette situation. Pour une maison avec une ou deux chambres, le coût moyen mensuel du loyer varie entre 10 et 30 $US.

Par rapport au mode d’acquisition de la propriété, 83 % de ménages déclarent l’avoir achetée contre 10 % qui l’ont obtenu par héritage et 5 % par métayage. Seulement 2 % de ménages affirment l’avoir reçu à titre de don. La profession antérieure ou actuelle du chef de ménage pourrait avoir influencé la décision d’acquérir la propriété. 20

En effet, la situation salariale du début des années 1970 a permis à certains fonctionnaires d’acquérir une propriété. Notons que par rapport à d’autres communes, il semble que le coût d’acquisition d’une propriété à Kisenso soit relativement faible compte tenu du relief de la commune.

En effet, jadis, pour certains fonctionnaires et cadres des entreprises publiques, investir dans la propriété était plus bénéfique à la suite de l’inflation galopante mais aussi à cause de l’inadéquation de la politique de sécurité sociale. Ainsi, une fois la propriété acquise, le métayer est désigné pour en assurer la protection contre toute tentative d’usurpation. Le plus souvent, il est membre de la famille ou un ami intime.

3.2.2. Droit d’accès à la ressource « eau »

Le fait d’avoir une propriété garantit à certains la possibilité d’accéder aux ressources en eau. En effet, les responsables des puits individuels érigés dans leurs parcelles exigent parfois un paiement avant d’accéder à l’eau. En avril 2005, l’UNICEF avec le concours de la Zone de Santé de Kisenso a installé une borne fontaine dans une parcelle du quartier 17 mai. De plus, les opérateurs du secteur de l’eau (ONG, église Saint Etienne, etc. ) ne disposent pas d’un accès quasiment acquis à une source d’eau. Certes qu’il existe des sources d’eau non aménagées et qui pourraient être exploitées pour faciliter l’accès de la majorité des habitants de Kisenso à l’eau potable. Cependant, il y a lieu de craindre que les propriétaires desdits sites revendiquent leur droit ancestral sur ces terres et cela risquerait d’exclure certains habitants de l’accessibilité à l’eau ou pourrait entraîner sa hausse et exclure les plus pauvres, du fait de l’augmentation du coût d’exploitation de ces ressources.

En effet, la loi foncière congolaise demeure ambiguë quant à la place de l’autorité coutumière sur les droits acquis et d’usage sur certaines terres. Concomitamment avec l’État, le chef coutumier intervient dans la distribution des terres. Étant donné l’absence d’un code de l’eau et au regard de la place qu’occupe le tiers secteur (ONG, associations religieuses ou autres, individus, etc.) dans la production, la distribution et la commercialisation de l’eau potable dans les quartiers pauvres de la ville de Kinshasa, vu 21

la hausse de la population urbaine et le degré de pauvreté qui y sévit, à la longue, les pauvres ne seraient-ils pas exclus définitivement de l’accès à l’eau potable ? Face à la raréfication des ressources publiques, la faiblesse de la gestion des infrastructures et des services par les entités publiques (autorités centrales et locales), la rareté des capitaux du secteur privé pour le financement des infrastructures de l’eau dans les quartiers pauvres des grandes villes africaines (rentabilité), le tiers secteur constitue-t-il un atout ou un frein à l’accès des pauvres aux services urbains ? Cet espace entre le secteur public et le secteur privé n’est-il pas promoteur sur le plan environnemental ? Voilà autant d’interrogations pour lesquelles des investigations ultérieures pourraient apporter des éléments de réponse.

3.2.3. Différentes sources d’accès à l’eau potable

Les ménages recourent à plusieurs sources pour accéder à l’eau potable. La figure ci- dessous nous en donne une idée exacte.

Figure 2. Sources d'approvisionnement en eau potable pour quelques ménages de Kisenso en 2005

18%

Regideso 5% 46% Puits ou sources aménagées

Bornes fontaines

Sources non aménagées 31%

Source : Enquête réalisée dans la Commune de Kisenso, avril-juillet 2005

La figure 2 renseigne que 46 % de la population recourent à l’eau de la Regideso pour s’approvisionner en eau de boisson, 31 % utilisent l’eau des puits ou sources aménagées produite généralement par l’église Saint-Étienne, la Zone de Santé de Kisenso et certaines ONGs alors que 5 % de ménages accèdent l’eau à partir des bornes fontaines.

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Il est utile d’indiquer qu’en saison des pluies, l’eau de pluie est généralement exploitée pour réaliser les travaux ménagers. Certains ménages qui utilisent l’eau de la Regideso, l’eau des sources aménagées et des bornes fontaines comme eau de boisson, recourent parfois à l’eau des sources non aménagées pour la vaisselle, la lessive et la toilette.

De même, par rapport aux différents quartiers, l’enquête renseigne que les habitants du quartier Regideso utilisent l’eau de la Regideso comme eau de boisson, suivi de ceux du quartier Mbuku, Mujinga et 17 mai. Cette situation s’explique par l’existence d’une tuyauterie de la Regideso. Même si l’eau coule tardivement et irrégulièrement, les habitants de ces quartiers préfèrent consommer l’eau de la Regideso comme eau de boisson. Pour certains ménages, cette eau provient le plus souvent des communes environnantes. En l’occurrence, les femmes et les enfants du quartier Regideso se rendent dans la commune de Matete, ceux du quartier 17 mai dans la commune de Lemba (Salongo) alors que ceux du quartier Mbuku montent au campus de l’Université de Kinshasa (commune de Lemba) à la recherche de l’eau potable.

Par ailleurs, les habitants des quartiers Mission, Amba, Libération, Kumbu, etc. recourent plus à l’eau de puits ou de sources aménagées comme eau de boisson. C’est le cas de l’eau potable fourni par l’église Saint-Étienne. Certains quartiers utilisent l’eau provenant des bornes fontaines. C’est le cas du quartier 17 mai. Dans ce quartier, au mois de mai 2005, en collaboration avec la Zone de santé de Kisenso, l’UNICEF y a réalisé deux bornes fontaines qui aident grandement la population à s’approvisionner en eau potable, moyennant paiement d’un prix de l’eau.

Par contre, les ménages qui ne disposent pas de ressources suffisantes pour acheter l’eau utilisent généralement l’eau des sources non aménagées comme eau de boisson. C’est le cas des ménages des quartiers Kumbu, Amba, Nsola, Mbuku, etc. Leur faible revenu ne leur permet pas de supporter quotidiennement le coût lié à l’accessibilité à l’eau potable.

Quelle que soit la source de l’eau, l’eau de boisson ne subit aucun traitement avant sa consommation et ce dans 90 % de cas. Seulement 10 % des enquêtés déclarent avoir 23

traité leur eau avant de la consommer et les méthodes de traitement privilégiées sont l’ébullition (90 %) et la filtration (10 %).

Les raisons avancées pour expliquer le manque de traitement de l’eau de boisson avant sa consommation sont diverses. Pour 55 % des enquêtés, le manque ou l’irrégularité de l’électricité constitue la raison principale tandis que 24 % de ménages déclarent avoir confiance dans le traitement de l’eau par la Regideso. Il est essentiel de noter que suite aux coupures intempestives d’électricité, la population de cette municipalité recoure généralement au bois et au charbon de bois comme sources d’énergie.

Enfin, 2 % des ménages affirment qu’il n’est pas nécessaire de traiter l’eau de boisson avant sa consommation. Cette affirmation peut être due au manque d’information quant aux maladies qui résultent de la consommation d’une eau non traitée et surtout si on se réfère aux différentes sources d’approvisionnement en eau potable ainsi qu’aux modes de transport et aux méthodes de conservation.

3.2.4. Principaux fournisseurs de l’eau potable

Outre la Regideso, il existe d’autres intervenants impliqués dans la production, la distribution et la commercialisation de l’eau potable. Les principaux fournisseurs de l’eau établis dans la commune de Kisenso se répartissent de la manière suivante : 34 % église Saint-Étienne, 32 % Regideso, 15 % privés propriétaires des puits individuels, 10 % ONG locales et 9 % revendeurs de l’eau de la Regideso. En somme, par rapport à cette dernière catégorie de fournisseurs, il se dégage que l’eau produite par la Regideso est vendue à hauteur de 39 %.

Qu’en est-il de la situation dans les différents quartiers? Le tableau suivant nous donne quelques éléments de réponse.

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Tableau 2 : Principaux fournisseurs de l’eau établis dans la commune de Kisenso en 2005 Quartiers/Source Regideso ONG Privé Revendeurs Église Total d’eau locales (propriétaires (eau Saint- puits) Regideso) Etienne N % N % N % N % N % N Amba 1 3 0 0 0 0 0 0 9 26 10 Mission 2 6 0 0 0 0 0 0 8 24 10 17 mai 7 22 0 0 3 20 1 11 0 0 11 Mbuku 1 3 1 10 2 13 5 56 0 0 9 Nsola 2 6 5 50 3 20 0 0 0 0 10 Regideso 9 28 0 0 0 0 1 11 0 0 10 Kumbu 0 0 0 0 0 0 0 0 10 29 10 Bikanga 6 19 0 0 0 0 2 22 10 6 10 Mujinga 3 9 0 0 2 13 0 0 2 15 10 Libération 1 3 4 40 5 33 0 0 0 0 10 Total 32 100 10 100 15 100 9 100 34 100 101 % 32 - 10 - 15 - 9 - 34 - - Source : Enquête réalisée dans la commune de Kisenso, avril-juillet 2005

Le tableau 2 démontre que les ménages du quartier Regideso recourent plus à l’eau de la Regideso (28 %) suivis des quartiers 17 mai (22 %) et Bikanga (19 %). Les quartiers Nsola (50 %) et Libération (40 %) bénéficient de l’appui des ONG locales pour accéder à l’eau potable. Par contre, les quartiers Kumbu (29 %), Amba (26 %), Mission (24 %) et Mujinga (15 %) ont comme principal fournisseur en eau potable l’église Saint-Étienne.

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3.2.5. Niveau de consommation d’eau

Par rapport à la consommation d’eau, la figure ci-dessous nous permet d’avoir une idée.

Figure 3. Niveau journalier de consommation d'eau par les ménages de la commune de Kisenso en 2005

7% 11%

21% Moins de 50 litres

51-100

101-150

151 litres et plus

61%

Source : Enquête réalisée dans la commune de Kisenso, avril-juillet 2005

Si nous considérons qu’un ménage de la catégorie de 51 à 100 litres par jour consomme 100 litres par jour et que sa taille moyenne est équivalente à 7 individus, un constat se dégage : la consommation moyenne journalière par individu pour cette tranche est de 14,3 litres par jour. Par rapport à la catégorie de 101 à 150 litres par jour, la consommation journalière par personne atteint 21,4 litres alors qu’elle arrive à peine à 7 litres d’eau par jour et par personne pour la catégorie qui se situe entre 10 et 50 litres.

En nous référant à la norme de l’OMS qui retient un minimum de 50 litres d’eau par personne et par jour, 92 % des ménages vivent en dessous de la norme exigée. Un déficit considérable est à combler, soit 43 litres pour la catégorie de moins de 50 litres; 35,7 litres pour celle de 51 à 100 litres et 28,6 litres pour les ménages dont la consommation d’eau varie entre 101 et 150 litres par jour.

S’agissant de la quantité d’eau consommée par les ménages selon les différents quartiers de notre échantillon, l’enquête révèle que les ménages des quartiers Amba, 17 mai et 26

Regideso atteignent difficilement 50 litres d’eau par jour avec un taux équivalent à 18 % chacun. Dans les quartiers Kumbu et Bikanga, ce taux est même nul. Cette situation pourrait s’expliquer par le recours fréquent à l’eau des sources non aménagées (quartier Kumbu) et à l’existence d’une tuyauterie (quartier Bikanga). Dans ce dernier, bien que l’eau coule souvent la nuit, les ménages prennent leurs dispositions pour puiser de l’eau.

Dans la deuxième catégorie (51 à 100 litres), ce sont les quartiers 17 mai (14 %) et Mission (13 %), Amba (11 %), Nsola (11 %), Libération (10 %) et Mujinga (10 %) qui dominent. En effet, la présence des sources d’eau non aménagées (quartier 17 mai et Amba), la proximité des points de vente d’eau de l’église Saint-Étienne et l’existence des sources aménagées et des bornes fontaines mises en place par la Zone de Santé de Kisenso et l’ONG Union des jeunes sages de Kisenso (USADEK) en collaboration avec le Centre Misericordia (CEMI) expliqueraient cette situation. Par rapport à la catégorie de 101 à 150 litres, les quartiers Kumbu(23 %), Nsola (14 %) et Mbuku (14 %) arrivent en tête. De même, le recours à l’eau des sources non aménagées pourrait justifier cette tendance.

3.3. Coût de l’eau

3.3.1. Coût monétaire

L’accès à l’eau pour les ménages est lié à un coût (monétaire, temps, énergie). L’enquête renseigne que 38 % des ménages dépensent 5 $ à 10 $ par mois pour accéder à l’eau potable, 28 % entre 2 et 5 $ alors que ce taux est inférieur à 2 $ pour 29 % de ménages. Seuls 5 % de ménages payent plus de 10 $ pour accéder à l’eau. Afin d’avoir une idée exacte du coût réel de l’eau, notre attention a porté également sur la dépense journalière par ménage pour accéder à l’eau et le temps qui est exigé selon les différents quartiers.

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Tableau 3. Coût monétaire, temps et distance moyenne nécessaire à parcourir quotidiennement par un ménage pour accéder à une source d’eau à Kisenso

Quartiers Coût de l’eau par ménage et Temps en Distance à parcourir par jour (en Francs Congolais) 1 heures (en mètres) Amba 165 3,27 435 Mission 138 1,3 241 17 mai 175 1,9 2.000 Mbuku 124 1 2.500 Nsola 100 1 914 Regideso 200 2,4 407 Kumbu 143 2,2 502 Bikanga 100 0,5 713 Mujinga 82 2,6 1.170 Libération 107 1,5 715 Moyenne 133 1,8 960 Source : Enquête réalisée dans la commune de Kisenso, avril-juillet 2005

Le tableau 3 renseigne que le coût monétaire moyen pour accéder quotidiennement à l’eau potable dans la commune de Kisenso est de 133 FC, soit 0,27 $US. Les dépenses journalières d’un ménage pour accéder à une eau potable sont plus élevées dans certains quartiers. C’est le cas des quartiers Regideso et 17 mai où elles atteignent respectivement 200 FC (0,4 $) et 175 FC (0,35 $). Cette situation pourrait s’expliquer par le fait que les ménages de ces quartiers sont obligés de se déplacer dans les communes voisines (Matete, Lemba) pour accéder à l’eau potable. Dans ce cas, le prix de l’eau est fixé de manière aléatoire par le propriétaire de la pompe qui est généralement un revendeur de l’eau de la Regideso. Notons qu’à l’église Saint-Étienne, un bidon de 20 litres coûte 20 FC, soit 0,04 $US.

Dans d’autres quartiers, en l’occurrence Amba (165 FC, soit, 0,33 $), Kumbu (143 FC, soit 0,29 $), etc., le coût élevé de l’eau semble être influencé par la distance qui sépare les maisons d’habitations des points de vente de l’eau mais aussi des habitudes de consommation d’eau et de la taille du ménage. Plus un ménage est grand, plus elle a besoin d’une quantité importante d’eau.

1 Taux de change : 1 $US = 500 Francs Congolais (FC) (Source : Le Château, Kinshasa, juin 2005)

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Par contre, le coût faible journalier pour accéder à l’eau potable dans certains quartiers comme Mujinga 82FC (0,164$) s’expliquerait par le recours fréquent à l’eau des sources non aménagées, souvent gratuite, et utilisée pour la vaisselle, la toilette et la lessive. L’achat de l’eau potable n’intervient uniquement que comme eau de boisson.

Si nous considérons que chaque ménage dépense 133 FC, soit 0,27 $ par jour pour accéder à l’eau, un constat se dégage : un ménage doit débourser 8,1 $ par mois pour accéder à l’eau potable.

Par rapport au revenu, l’enquête ayant révélé que le revenu moyen de près de la moitié de ménages (49 %) de la commune de Kisenso est égal ou inférieur à 50 $ par mois, un constat se dégage : près de la moitié de ménages de Kisenso consacrent 16 % de leur revenu aux dépenses liées à l’eau. Cette proportion atteint 24 % du revenu pour les ménages qui dépensent 200 Francs Congolais par jour pour accéder à l’eau.

3.3.2. Temps perdu à la recherche de l’eau potable

L’accès à l’eau potable dans la commune de Kisenso est un casse-tête pour les habitants surtout pour les femmes. Ces dernières sont obligées de veiller la nuit voir même de passer de longues heures à la pompe à la recherche du liquide précieux. Le temps moyen pour la recherche de l’eau est de près de 2 heures (1h50) suivant la situation géographique du quartier. Dans certains quartiers, on atteint même plus de deux heures, voire plus de trois heures pour ramener l’eau à la maison. C’est le cas des quartiers Amba (3h16), Mujinga (2h36), Regideso (2h24), Kumbu (2h12), etc.

En effet, dans le quartier Amba, plusieurs ménages ne sont pas branchés au réseau de la Regideso, dans le quartier Mujinga, la tuyauterie existe mais l’eau coule rarement tandis que dans le quartier Regideso, le réseau est présent mais la fourniture d’eau est irrégulière.

Par ailleurs, la faible durée observée dans la recherche de l’eau potable dans les quartiers Bikanga et Mbuku qui atteignent, respectivement 30 minutes et 51 minutes pourrait s’expliquer, pour le premier, par la présence des robinets dans chaque parcelle malgré la 29

fourniture tardive de l’eau (généralement la nuit), et, pour le deuxième, par sa proximité à des points d’eau, en l’occurrence le campus de l’Université de Kinshasa.

A ce stade de la recherche, nous ne saurions pas déterminer avec exactitude le manque à gagner associé au temps que perdent les femmes et les enfants à la recherche de l’eau potable, mais nous sommes persuadé que ce temps serait mis en profit pour la production d’autres biens ou services.

3.3.3. Distance à parcourir pour accéder à l’eau potable

De même, le tableau 5 révèle qu’il faut parcourir près d’un kilomètre pour accéder à une source d’eau potable. En moyenne, la source d’eau potable se trouve à 960 mètres des maisons d’habitations. Si nous nous référons à la norme de l’OMS qui exige une distance équivalente à moins de 300 mètres, seul le quartier Mujinga se trouve dans cette catégorie. Dans cette perspective, nous sommes tentés de déduire que la population de Kisenso n’a pas accès à l’eau potable. Les quartiers Mbuku et 17 mai semblent être les plus éloignés des sources d’eau potable avec une distance respective de 2.500 mètres et 2.000 mètres. Notons que les femmes et les enfants de ces deux entités sont obligés de se déplacer dans les communes voisines à la recherche de l’eau. Nous pouvons nous imaginer la souffrance qu’endurent surtout les enfants qui doivent parcourir une longue distance avec une lourde charge sur la tête ou dos et parfois, il faut gravir une pente, compte du relief du milieu où se trouve leur habitation. Parfois, il y a des bagarres qui s’observent aux différents points d’eau. Une bagarre autour d’un puits d’eau a occasionné la mort d’une jeune fille dans la ville de Kinshasa. Bien que cela ne se soit pas produit à Kisenso, le fait nous interpelle.

En effet, une fillette de 12 ans, dénommée Ninga, est morte dans une bagarre autour d’un puits d’eau à Kindele (près de l’Université de Kinshasa). Le drame s’est produit, le samedi 24 septembre 2005, au quartier Nga . La victime était accompagnée de ses sœurs lorsqu’elle a reçu un coup mortel à la tête d’un autre enfant autour du puits d’eau. Le service à ce puits d’eau se fait à tour de rôle et selon l’ordre d’arrivée. Mais compte tenu du nombre élevé des ménages, l’impatience gagne souvent les files d’attentes et les bagarres sont fréquentes, surtout entre les enfants (Radio Okapi, 28 septembre 2005). 30

3.4. Impact du manque d’eau sur la qualité de la vie

3.4.1. Prévalence des maladies hydriques

Le manque d’eau favorise l’émergence de certaines maladies dans la région. L’enquête révèle que la malaria (45 %) domine suivie de la fièvre typhoïde (22 %), de la diarrhée (14 %), de l’amibiase (13 %) et des autres maladies qui représentent 5 %.

En effet, la faiblesse des mesures d’assainissement et des conditions d’hygiène individuelle et collective semble avoir favorisé la prolifération des moustiques dont l’anophèle, vecteur de la malaria.

En effet, en saison des pluies, les trous creusés pour recevoir les eaux de pluie constituent des gîtes privilégiés pour le développement des vecteurs de maladies, notamment les moustiques. La situation est différemment ressentie selon que l’on se retrouve sur une zone en pente forte ou faible. Les zones à pente faible sont souvent marécageuses et les eaux stagnent, tout au long de l’année, indépendamment de la saison des pluies ou de la saison sèche. Dans ces zones, le risque de contamination des puits individuels est très élevé. C’est le cas du quartier 17 mai, où la nappe souterraine est atteinte à près d’un mètre. Et avec la présence des latrines non améliorées, il y a lieu de craindre que les eaux grises ne se mélangent dangereusement à l’eau des puits.

Par ailleurs, la carence en eau potable pourrait expliquer également le taux élevé de fièvre typhoïde (22 %). Celle-ci, avec la diarrhée (14 %) et l’amibiase (13 %), appartiennent à la catégorie des maladies dites des mains sales. Malgré les efforts de la Zone de Santé de Kisenso et de certaines ONG dans l’approvisionnement en eau potable et la sensibilisation de la population au respect des mesures d’hygiène, une action intégrée de tous les acteurs engagés est indispensable pour avoir plus d’efficacité et d’efficience dans la promotion de la santé publique.

Concernant les divers quartiers, nous assistons à un taux élevé de malaria dans le quartier Bikanga (62 %), suivi des quartiers Mbuku (57 %) et Mission (50 %). S’agissant de la fièvre typhoïde, les quartiers 17 mai (35 %), Kumbu (33 %), Regideso (33 %) et Amba (26 %) dominent. Pour la diarrhée, ce sont les quartiers Libération (27 %) et Mujinga (20 31

%) qui arrivent en tête. Enfin, concernant l’amibiase, les quartiers Mbuku (36 %) et Libération (20 %) dominent également. Les quartiers qui ont un taux élevé de diarrhée semblent avoir aussi un taux élevé d’amibiase. C’est le cas du quartier Libération. La carence de l’eau, les mauvaises conditions de transport et de conservation de l’eau pourraient avoir une incidence sur le développement de ces maladies.

Ces résultats s’apparentent aux données fournies par la Zone de Santé de Kisenso en 2004. Selon l’Agent de la Zone de santé de Kisenso chargé de la surveillance épidémiologique, il y a une recrudescence des maladies hydriques notamment le choléra, le paludisme, la fièvre typhoïde, la diarrhée, l’amibiase dans la zone de santé. Le cas le plus préoccupant est celui du quartier 17 mai où domine le taux de mortalité élevé. Le tableau 4 nous en donne une idée exacte.

Tableau 4. Profil épidémiologique de la Zone de Santé de Kisenso en décembre 2004 Maladies 0-59 mois Plus de 5 ans Total Cas Décédés Cas Décédés Cas Décédés Paludisme 11.700 59 10.500 10 22.200 69 Fièvre typhoïde 300 1 1.000 3 1.300 4 Diarrhée simple 1.900 11 600 1 2.500 12 Diarrhée sanglante 10 0 10 0 20 0 Amibiase 500 0 1.100 0 1.600 0 Schistosomiase 0 0 10 0 10 0 Total 14.410 71 13.220 14 27.630 - % 52 84 48 16 100 - Source : Rapport annuel de la Zone de Santé de Kisenso, 2004.

Le tableau 4 indique que plusieurs cas de décès sont dus principalement au paludisme, la diarrhée et à la fièvre typhoïde. Les cas de maladies des enfants de 0 à 59 mois représentent 52 % et leur taux de décès atteint 84 %. La Zone de santé de Kisenso s’efforce de réduire ce taux par la sensibilisation de la population et par l’aménagement de quelques points d’eau. Tel est le cas du forage du quartier 17 mai.

3.4.2. Dégradation de l’environnement urbain

Le manque d’eau a un impact considérable sur la santé mais aussi sur la qualité de la vie des habitants. Les principaux problèmes d’assainissement rencontrés dans la commune de 32

Kisenso concernent essentiellement le manque des latrines améliorées (24 %), l’érosion des sols (20 %), la présence des sources non aménagées (13 %) et la dégradation des infrastructures routières (13 %). De plus, le manque des poubelles publiques (9 %), la présence des eaux stagnantes (7 %), le manque des matériels de lutte contre le ruissellement (5 %), le manque de suivi des services d’hygiène de la municipalité (6 %) et la faiblesse de la cohésion sociale (2 %) influencent grandement la détérioration du milieu de vie.

Par ailleurs, l’érosion menace dangereusement la commune de Kisenso. Cette situation serait attribuable à une occupation anarchique du sol. Les conséquences sont néfastes. Des quartiers entiers ont été emportés et d’autres sont menacés de disparaître. Au regard de la gravité de la situation, avec le concours des ONG, la population s’est investie dans la lutte anti-érosive. Plusieurs actions ont été réalisées. Il s’agit notamment du creusage des trous ou bassins de rétention dans chaque parcelle pour retenir les eaux pluviales (42 %), de la construction de haies de rétention d’eau (40 %), de la plantation de bambous (13 %) ainsi que de la sensibilisation de la population au danger que présente l’érosion des sols (5 %).

Figure 4. Vue de l’érosion des sols à Kisenso

Source : Enquête réalisée à Kisenso. Photo, juin 2005.

33

3.5. Gestion locale des services de l’eau

3.5.1. Perception des intervenants dans le secteur de l’eau

Près de 88 % de personnes interrogées soutiennent que la Regideso est incapable d’assurer régulièrement l’approvisionnement en eau potable dans les quartiers pauvres de la ville de Kinshasa. Dans ce groupe, 7 % de ménages estiment que la facture de l’eau est élevée. Il en est de même de l’Office des voiries et drainage (OVD) et du Programme national d’assainissement (PNA), deux organismes qui ont mission de se pencher sur l’assainissement (96 %). Leur présence n’est pas perceptible sur le terrain.

Outre la Regideso, il existe d’autres intervenants qui bénéficient de la confiance de la population locale. Il s’agit notamment de la Paroisse Saint-Étienne, l’ONG Union des jeunes admirés de Kisenso (USADEK), la Zone de Santé de Kisenso, le Centre Misericordia (CEMI). L’action de ces organismes sur le terrain est très appréciée. Afin de savoir qui devrait gérer le secteur de l’eau, nous avons voulu savoir à qui la population aimerait que la gestion de l’eau soit confiée.

En effet, les ménages estiment que le secteur privé (non-public) devrait jouer un rôle primordial (40 %). Ici, la population fait allusion en même temps au privé proprement dit, c’est-à-dire un investisseur désigné mais aussi des ONG, confessions religieuses, etc.

Par contre, 25 % des ménages soulignent que cette responsabilité devrait revenir en premier lieu à l’État. Cette proportion est la même que celle qui confie la gestion du secteur à la population. Seuls 10 % des ménages évoquent le partenariat public-privé- population.

Plusieurs raisons sont avancées pour manifester son appui à tel ou tel autre secteur. En effet, près de 34 % des ménages considèrent que l’État doit assumer impérativement ses responsabilités (fourniture quotidienne de l’eau). Pour ces enquêtés, il appartient à ce dernier de s’assurer d’une bonne « gestion » de la Regideso (entreprise publique) pour ainsi améliorer le bien-être de la population. Dans cette perspective, 28 % des enquêtés estiment que la municipalité de Kisenso devrait-être impliquée étroitement dans la 34

gestion de l’eau. Par le biais des chefs des quartiers, elle est mieux placée pour sensibiliser la population. Notons qu’un bon nombre de ces chefs sont directement ou indirectement liés aux lignages des premiers occupants de ce territoire. Enfin, 5 % des ménages évoquent le manque de revenu pour justifier la gestion par l’État du secteur de l’eau.

Par ailleurs, 18 % des ménages soutiennent que le privé est mieux placé pour gérer le secteur de l’eau dans les zones urbaines d’extension. Selon ces enquêtés, le privé a le sens de l’organisation, chercher à bien gérer son investissement et assurer surtout le suivi des projets de développement.

S’agissant des projets initiés par la commune, près de 34 % des enquêtés ne sont pas informés des projets en cours dans la commune, 27 % considèrent qu’ils ne sont pas concernés, 18 % justifient leur indifférence du fait que les responsables ne s’occupent pas de l’intérêt général, 14 % parlent du manque de transparence dans la gestion municipale et 7 % soulignent le manque d’information au sujet des projets lancés et réalisés par la commune.

De même, la faiblesse du budget municipal, l’absence d’un schéma d’aménagement, le manque d’un plan d’urbanisme, le manque de politique de communication entre la population et les autorités locales, le clientélisme dans la désignation des dirigeants, etc., pourraient expliquer ce faible intérêt de la population à la participer à la vie communale. Pour la Bourgmestre adjointe de la commune de Kisenso, le manque d’implication de son administration dans les projets de développements est lié essentiellement à l’insuffisance des ressources financières au niveau communal.

3.5.2. Organismes locaux actifs dans la gestion de l’eau

3.5.2.1. Église Saint-Étienne

Depuis 1968, l’eau est captée à partir d’une source située à 2 km de la Paroisse Saint- Étienne, située dans le quartier Mission. Les ouvrages appartiennent à l’archidiocèse de Kinshasa mais la gestion et la responsabilité reviennent à la paroisse Saint-Étienne représentée par le Curé, Président du Conseil paroissial. 35

L’eau souterraine est extraite du sol par un forage profond, dans lequel une pompe immergée refoule l’eau vers un réservoir situé dans la paroisse Saint Etienne (480 mètres du niveau de la mer). La capacité des citernes installées est de 115 m³. Par jour, l’église vend 75 m³ à une population estimée à plus de 20.000 habitants. L’eau extraite des forages est normalement de bonne qualité et ne subit aucun traitement. A partir de ce réservoir, des conduites de distribution en PVC 63 sont enterrées et distribuent l’eau via des bornes fontaines publiques à cinq robinets.

En règle générale, le choix des emplacements des bornes fontaines et le nombre de robinets devrait correspondre à 250 habitants pour un robinet et les bénéficiaires ne devraient pas parcourir plus de 500 mètres pour aller puiser de l’eau. Ce qui n’est pas le cas pour Kisenso, où un robinet alimente plus de 1.000 personnes, et les femmes et enfants sont obligés de parcourir de longues distances pour s’approvisionner en eau potable. La pompe immergée est alimentée par de l’électricité, fournie par le réseau électrique national. Comme il existe des coupures intempestives d’énergie électrique, la paroisse recourt à un groupe électrogène, alimenté au mazout, ce qui engendre un coût supplémentaire pour la paroisse.

Figure 4 : Point de vente de l’eau installé à l’église Saint-Étienne/Kisenso)

Source : Enquête réalisée à Kisenso. Photo, juin 2005.

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Au 30 juin 2005, cinq points de vente étaient installés et desservaient les quartiers Kumbu, Amba et Mission, la maternité, la paroisse Saint-Étienne et l’Hôpital d’État de Kisenso. Les gérants de ces points d’eau sont considérés comme des employés et reçoivent un salaire mensuel. Par rapport au prix, un bidon de 20 litres coûte 20 Francs Congolais, comparé à un sachet d’eau de boisson qui coûte 50 FC pour un litre.

Par ailleurs, l’église est confrontée au problème du renouvellement des pièces de rechange, de l’inflation monétaire et des coupures intempestives de l’énergie électrique. L’installation actuelle nécessite l’achat de vannes et le remplacement d’un kilomètre de tuyaux, soient 170 tuyaux (PV23) dont le coût unitaire est de 22,5 $.

En outre, il y a le problème d’exploitation au niveau des sites de captage de l’eau potable. Les différentes sources d’eau sont envahies, en amont, par des maisons d’habitations, et il devient difficile d’assurer le raccordement à certains endroits ou d’entretenir le réseau.

3.5.2.2. Zone de Santé de Kisenso

Quelques ouvrages ont été aménagés dans la partie Est de la zone de santé. Il s’agit de cinq points d’eau et cinq sources, aménagées à Kisenso-Gare, de 15 points d’eau et trois sources, aménagées dans le quartier Kabila. Tous ces ouvrages se trouvent dans l’est de la zone de santé, non loin de la vallée de la rivière Ndjili. Grâce à l’appui du Fonds social urbain, cinq bornes fontaines ont été installées dans le quartier Ngomba et deux puits d’eau dans le quartier Libération.

Globalement, le taux de la desserte en eau potable est équivalent à 10 %. Seul le quartier de La Paix semble être bien dépourvu en eau potable fourni par la Regideso avec un taux de couverture atteignant 100 %. Les quartiers Révolution, 17 mai, Regideso, Kitomesa, Dingi-Dingi et Kisenso-Gare ont un taux égal ou inférieur à 10 % tandis que les autres quartiers enregistrent un taux nul.

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3.5.2.3. Centre Misericordia (ONG)

Le Centre Misericordia (CEMI) a été créé en 1999 et fournit l’expertise au niveau local et national dans l’installation des pompes aspirantes. Avec l’aide de l’OXFAM Grande Bretagne, ils ont réalisé 15 pompes aspirantes et aménagé cinq sources d’eau potable. En 2002, avec le soutien belge, ils ont aménagé deux puits et trois sources d’eau potable. Pour la gestion, un comité de l’eau a été mis en place et est constitué de sept membres. Ils sont payés à raison de 20 % des versements, le CEMI gagne 10 % et 70 % de recettes réalisées sont retenues pour l’achat des pièces de rechange ou pour un investissement ultérieur. Le propriétaire de la parcelle doit donner son accord avant de replacer la pompe dans sa concession et fait partie du comité de l’eau. Il obtient 20 à 30 % du montant gagné. Sur le plan technique, les puits sont installés à plus de 20 m des latrines et à plus de 5m de profondeur. A ce jour, sept puits sont opérationnels, produisent 25.000 litres.

Cependant, la gestion des ces pompes pose problèmes. La première difficulté est liée au manque de paiement de la consommation d’eau par la population locale. Au début du projet, 900 ménages ont été recensés et la cotisation mensuelle était évaluée à une bouteille de coca (30 centilitres) équivalent à 100 Francs Congolais. Les pompes étaient ouvertes, le matin et le soir. Après quelque temps, ils ont réalisé que la population ne payait plus. Un système de jeton avec cachet a été mis en place pour pallier cette difficulté. Malgré les efforts consentis, le niveau de revenu de la population de certains ménages ne leur permet pas d’honorer la facture de consommation d’eau.

3.5.2.4. Union des jeunes admirés de Kisenso (USADEK)

L’objectif poursuivi est l’encadrement des jeunes désœuvrés, la lutte contre la pauvreté, l’assainissement et la protection de l’environnement. Parmi ses réalisations, il faut souligner le forage de deux puits et l’aménagement d’une source d’eau dans le quartier Libération.

3.5.3. Participation à la gestion de l’eau

Seulement 7 % de ménages déclarent avoir participé activement à un projet d’adduction d’eau dans leur quartier. Cette participation a pris plusieurs formes : achat des tuyaux (29 38

%), cotisation (57 %) et membre du comité d’eau (14 %). Selon les différents quartiers, cette participation semble effective dans les quartiers Amba, Regideso et Libération. Dans les deux premiers, les enquêtés affirment avoir cotisé pour résoudre le problème de l’accessibilité à l’eau mais l’argent a pris une destination inconnue. Par contre, dans le quartier Libération, la participation de la population était liée à l’aménagement des sources d’eau avec le concours des ONG USADEK et AFSAI.

Par ailleurs, plusieurs raisons ont été avancées pour expliquer le manque de participation à des projets d’adduction d’eau : 44 % des ménages soulignent le manque d’information, 25 % disent n’avoir jamais été sollicité lors du démarrage ou de l’implantation de tels projets alors que 14 % dénotent le manque de leaders. Seulement 8 % des ménages signalent le manque d’argent comme facteur limitant contre 6 % des ménages qui préfèrent se retrouver à l’écart afin de ne pas entrer en conflits avec les autres membres, participants au projet.

En ce qui a trait au mouvement associatif, 82 % de ménages ne sont affiliés à aucune association au niveau local. Sur base de leurs expériences antérieures, les mobiles qui les découragent à s’engager dans une association qui milite pour le développement local sont : les raisons personnelles (30 %), le manque d’argent (29 %), le manque de temps (19 %), les conflits entre les membres (10%), le refus du mari (6 %), la malhonnêteté des membres (3 %) et la difficulté de faire agréer une association à la municipalité (3 %).

Toutefois, sur la base de leur confession religieuse, origine ethnique ou appartenance professionnelle, il existe de petits regroupements surtout chez les femmes dont on devra tenir compte dans la définition de toute stratégie de développement local.

Quant au financement des infrastructures de l’eau, 71 % des enquêtés se disent prêts à participer, notamment par des cotisations périodiques. Le taux mensuel de cotisation par habitant a été estimé à 1.025 Francs Congolais, soit 2,05 $/mois. Toutefois, la population indique que les aspects ci-après cités devraient retenir l’attention pour qu’elle s’implique davantage dans des projets de développement : la compatibilité de la cotisation avec le 39

revenu des ménages, la gestion transparente des cotisations, l’implication directe des chefs des quartiers pour une cotisation spéciale sur l’eau.

Conclusion

Dans ce chapitre, nous avons présentés les grandes lignes des résultats de l’enquête en insistant sur le profil de ménages, le niveau d’accès à l’eau potable, les coûts de l’eau, l’impact du manque d’eau sur la qualité de la vie et la gestion locale des services de l’eau potable. Un constat se dégage : bon nombre de ménages de Kisenso n’ont pas accès à l’eau potable et leur environnement se dégrade inexorablement. Quelles sont les contraintes qui freinent le développement du secteur de l’eau potable dans les quartiers pauvres de la ville de Kinshasa ? Comment la population peut-elle participer à l’amélioration de la desserte en eau potable ? Voilà autant de questions aux quelles le chapitre qui suit tentera d’apporter des éléments de réponses.

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Chapitre 4. Pistes pour l’amélioration durable de la desserte en eau

La desserte en eau potable dans les quartiers pauvres de la ville de Kinshasa est buté à certaines contraintes (institutionnelles, techniques, financières, etc.). Ce chapitre en retrace les grandes lignes et il propose quelques pistes de solutions pour l’amélioration de la desserte en eau et l’assainissement des quartiers pauvres de la ville de Kinshasa.

4.1. Contraintes institutionnelles, techniques et financières

4.1.1. Contraintes institutionnelles

En R.D Congo, la gestion du secteur de l’eau potable dans le milieu urbain a été confiée à la Regideso. L’État garde toujours un œil sur cette entreprise publique qui gère un domaine jugé stratégique, compte tenu de son impact direct sur la vie des populations. C’est l’État, par le truchement du Ministère de l’Économie qui fixe les tarifs de l’eau. Comme les régimes politiques qui se succèdent ne sont pas toujours élus, il s’ensuit que l’État gèle souvent la hausse des tarifs de l’eau pour éviter des mécontentements populaires. Pourtant, la Regideso, en tant qu’entreprise, doit respecter les normes de gestion qui tiennent compte de l’environnement socio-économique. Le manque d’ajustement permanent des tarifs, se traduit par des subventions dont le décaissement pose souvent problème. Cette situation a un impact considérable sur le niveau de trésorerie de l’entreprise et explique la faiblesse du budget d’investissement et le manque de devises pour l’achat des produits chimiques et des pièces de rechange dont l’entreprise a grandement besoin pour assurer la production et la distribution de l’eau potable.

De plus, il y a chevauchement entre les divers secteurs d’administration. Le Ministère de l’énergie s’occupe de la gestion des ressources énergétiques et du secteur de l’eau, le Ministère de l’environnement se charge de la promotion et de la coordination de toutes les activités relatives à l’environnement et à la conservation de la nature, l’exploitation des ressources forestières et aquatiques, et de l’élaboration des normes relatives à la salubrité du milieu humain ainsi que de la création et de la gestion des écosystèmes, des eaux et forêts, tandis que le Ministère de la santé s’intéresse à l’hygiène et à la santé publiques, à l’élaboration des normes relatives à la salubrité du milieu humain et à 41

l’analyse et au contrôle des aliments et médicaments. La R.D. Congo n’a pas encore de cadre juridique et réglementaire clair et bien précis relatif à la gestion du secteur de l’eau et de l’assainissement. La plupart des textes datent de l’époque coloniale et ne s’adaptent plus au contexte actuel.

4.1.2. Contraintes techniques (production)

Selon le Comité national de l’eau et de l’assainissement (2005), les eaux de surface comptent pour 72 % de la production totale de la Regideso. Ce qui exige d’importants produits chimiques, compte tenu des fortes concentrations des matières en suspension dans les eaux de surface et une connaissance insuffisante des eaux souterraines. A cette contrainte, s’ajoutent les contraintes ci-après : le problème de la stabilité et la perméabilité des sols ; le vieillissement du charroi automobile ; le développement rapide des quartiers précaires autour des grandes villes ; la vétuste des ouvrages.

4.1.3. Contraintes financières

Sur le plan financier, la trésorerie de la Regideso enregistre un déficit considérable qui a un impact sur la capacité d’investissement de l’entreprise. Cette situation résulte de l’ajustement tardif des tarifs de l’eau potable compte tenu du niveau de l’inflation, du recouvrement tardif, parfois difficile, des créances dues à la Regideso par l’État (l’État consomme près de 40 % des eaux produites par cette entreprise, et le niveau de pauvreté de la majorité de la population vivant en milieu urbain.

Selon la Regideso (2005), les tarifs de cette entreprise sont trop bas et ses revenus ne réussissent qu’à peine à couvrir les charges d’exploitation. Il existe au niveau national, un comité chargé de suivi des tarifs. Celui-ci propose la grille des tarifs pour l’eau et l’électricité. Actuellement le tarif est en dessous du prix de revient. En moyenne, le prix est 0,65 $/m³ contre 0,72 $/m³, ce qui ne permet pas de couvrir les charges d’exploitation (1 m³ = 78 FC).

Par ailleurs, les grandes entreprises, qui jadis sollicitaient l’autorisation de la Regideso (qui détient le monopole) pour accéder aux eaux des sources naturelles (forage), recourent aujourd’hui au Ministère de l’énergie. Ainsi, certains exploitants privés se 42

lancent dans la distribution de l’eau de la Regideso. Au niveau légal, aucun mécanisme n’est prévu pour les en empêcher. Cette situation prive la Regideso de ressources financières considérables.

4.2. Freins à la desserte en eau potable

Afin de mieux appréhender les problèmes majeurs qui empêchent d’approvisionner régulièrement la commune de Kisenso en eau potable, notre attention portera sur les résultats des focus groups. Cela nous permettra de dégager les problèmes prioritaires avant d’évoquer les solutions proposées par les ménages pour faciliter les pauvres vivant en milieux urbains précaires d’accès à l’eau potable.

En effet, l’approvisionnement en eau potable se pose avec acuité dans la commune de Kisenso. Les femmes et les enfants souffrent pour accéder à l’eau. Dans les rencontrées organisées avec différents groupes, les habitants ont souligné les problèmes majeurs qui les empêchent d’accéder à l’eau potable et la manière dont ils peuvent être résolus. Nous en faisons échos en parlant tour à tour des problèmes liés à l’eau potable, à l’assainissement et au secteur informel, source de revenu pour bon nombre de ménages.

4.2.1. Déficience de la desserte en eau potable

L’eau de la Regideso ne coule pas régulièrement dans la commune de Kisenso. Des ménages peuvent passer des jours voir des mois sans eau. Et quand, elle coule, c’est à des heures tardives, généralement entre 1h00 et 4 heures du matin. Cette recherche nocturne de l’eau entraîne l’insécurité et le cas de vol dans les ménages et des rencontres fréquentes avec de bandits. Malgré cela, la Regideso continue à envoyer des factures dont le coût est énorme, variant entre 5 et 10 $US par mois.

De plus, pour accéder à l’eau potable, les ménages sont obligés de se déplacer dans les communes voisines, à savoir Lemba et Matete ou ils s’approvisionnent aux points de vente installés par l’église Saint-Étienne ou quelques bornes fontaines installées par les ONG. Dans les communes voisines, les revendeurs de l’eau de la Regideso fixent le prix à leur guise. Le coût journalier de l’eau par ménage est de 200 FC, soit 0,25 $US. 43

Au niveau local, bien que l’église desserve de l’eau, le nombre des points de vente est insuffisant au regard du nombre d’habitants. Avec une faible capacité de production (75 à 115 m³ par jour), la recherche de l’eau devient pénible surtout en saison sèche. Les femmes perdent plus de 5 heures pour ramener de l’eau à la maison.

Par ailleurs, les ménages qui n’ont pas assez de ressources, s’approvisionnent en eau potable à partir des sources non aménagées. La qualité de cette eau de même que celle de puits individuels est douteuse, car, en amont, il y a le cimetière du campus et de nombreuses latrines non améliorées. En saison de pluie, les eaux chargées envahissent le quartier, et on peut soupçonner qu’elles s’infiltrent dans le sol et contaminent l’eau de puits ou des sources non aménagées. Il s’ensuit de nombreux cas de maladies liées à l’eau (fièvre typhoïde, amibiase, paludisme, etc.) et un accroissement du taux de mortalité infantile. En 2000 par exemple, une épidémie de choléra s’est déclarée au quartier 17 mai. Notons que l’eau de boisson ne subit aucun traitement avant sa consommation et que certains puits sont généralement situés à côté de latrines non améliorées. L’irrégularité et/ou le manque d’électricité influent grandement sur l’option de traitement de l’eau.

En outre, il est essentiel de mentionner qu’en saison des pluies, la présence des eaux stagnantes (bassins de rétention des eaux pluviales, installés dans chaque parcelle pour capter les eaux pluviales) favorise la multiplication des moustiques, dont l’anophèle, vecteur du paludisme. Les autorités communales n’apportent aucune assistance à la population. Parfois, elles sont lentes à examiner les doléances de celle-ci. C’est le cas du projet du Comité consultatif local du quartier Kumbu qui a sollicité l’aval de la municipalité pour procéder à la collecte de fonds afin de résoudre le problème de l’eau. Jusqu’à ce jour, la commune n’a jamais réagi à la demande de la population. Celle-ci n’a pas confiance dans les autorités communales. Plus d’une fois, les ménages ont cotisé de l’argent pour l’eau, mais rien n’a été fait. Aucune information n’a été fournie quant à la destination des fonds collectés pour l’achat des tuyaux, par exemple.

Par ailleurs, le transport quotidien de l’eau sur des longues distances influe sur la santé des femmes et la croissance des enfants surtout des jeunes filles. Des femmes indiquent 44

qu’elles ont vieilli à cause du transport quotidien de l’eau sur le dos et la tête, depuis une décennie.

En ce qui concerne les différents intervenants locaux dans le secteur de l’eau potable, les ménages soulignent qu’il n’y a pas de collaboration. Chaque ONG ou association travaille seule sans consulter les autres alors qu’ils oeuvrent pour le même but. De plus, les propriétaires des puits individuels commencent à faire payer l’eau à l’instar de l’église Saint-Étienne et certaines ONG de la place.

4.2.2. Dégradation de l’environnement urbain

Les problèmes prioritaires évoqués par les ménages relatifs à la dégradation de l’environnement concernent l’érosion des sols et le manque de latrines améliorées. En effet, le manque de canalisation pour la collecte des eaux pluviales, provenant des toitures des maisons d’habitations, favorise l’érosion des sols. Certes, avec l’appui de certaines ONG et du Fonds social urbain, on a pu sensibiliser la population à la mise en place dans chaque parcelle, d’un bassin de rétention des eaux de pluie. Cependant, la population est réticente devant cette initiative, car ces lieux constituent des gîtes pour le développement des moustiques. Les conséquences d’érosion sont néfastes : des maisons entières ont été emportées; un cimetière a été détruit; les routes sont devenues impraticables et des quartiers entiers sont menacés de disparaître.

Par ailleurs, le problème des toilettes se pose avec acuité. Beaucoup de latrines sont construites en matériaux non durables (sacs, vielles tôles ou feuilles de palmier). La durée de vie d’une toilette est d’environ deux mois. En période de pluie, la situation devient dramatique. Les eaux grises envahissent les parcelles voisines et cela engendre de conflits entre les familles. Les services d’hygiène, qui jadis contrôlaient la viabilité des latrines, ne sont plus opérationnels. Enfin, la population manifeste une crainte devant le risque de contamination des eaux de puits qui se trouvent en aval, surtout en saison des pluies car les eaux de pluie se mélangent aux eaux grises et envahissent le milieu. Dans les vallées, la population soupçonne la contamination de certains puits en raison du niveau moins élevé de la nappe phréatique (environ un à deux mètres). Il en résulte de nombreux cas de maladies (amibiase, ascaridiose, fièvre typhoïde, paludisme, etc.) et même des décès. 45

4.2.3. Manque d’appui au secteur informel

Le secteur informel constitue une source de revenus appréciable pour de nombreuses femmes de la commune de Kisenso. Outre la culture maraîchère (feuilles de manioc, amarante, épinard, tomate, lentille, etc.), certaines ménagères s’adonnent à la vente de biens de première nécessité (savon, sucre, farine de manioc, farine de maïs, sel, etc.). Cependant, leur commerce n’est pas florissant en raison de la hausse continue du prix des produits chez les grossistes et du manque de terres pour le développement des cultures maraîchères en grande échelle. Avec l’inflation, leur petit commerce ne permet pas de réaliser de gros bénéfices; elles travaillent juste pour la survie. Pour certaines, leurs maris sont au chômage et pour d’autres, ils sont fonctionnaires et accusent quatre mois d’arriérés de salaires. Ainsi, le faible pouvoir d’achat de la population locale entraîne un écoulement moins rapide des produits.

Par ailleurs, l’inaccessibilité à la terre est un casse-tête pour les femmes. Malgré leur volonté de développer les cultures maraîchères et la pisciculture, elles sont incapables de produire des légumes, hormis ceux produits dans la parcelle familiale. Certains chefs coutumiers seraient impliqués dans l’attribution illégale des terres. Il en est de même du manque de matériel aratoire (houes, bêches, pèles, râteaux, arrosoirs, etc.) indispensables pour l’agriculture urbaine.

4.3. Pistes de solutions

4.3.1. Partenariat local

L’étude révèle qu’il existe, au niveau local, plusieurs intervenants du secteur de l’eau potable et de l’assainissement. Mais, ils travaillent séparément et éparpillent ainsi les efforts nécessaires à une action efficace et efficiente. Afin de réaliser un maximum de synergie, à l’instar du comité local consultatif, nous préconisons la mise sur pied, dans chaque commune pauvre de la ville, d’un Comité communal consultatif de l’eau regroupant les représentants de la commune, de la zone de santé, des ONG ou associations locales et de la population locale (sages, personnes engagées dans des projets de développement au niveau local). Les femmes devraient-être valablement représentées. 46

Ce comité aurait pour tâche de définir les priorités au niveau communal, en fonction des besoins exprimés par les comités consultatifs locaux, émanant de chaque quartier.

4.3.2. Financement des infrastructures de l’eau

Au regard du taux élevé de l’inaccessibilité à l’eau potable, un consensus s’est dégagé pour une collecte spéciale de fonds afin d’accroître le nombre de points d’eau dans la commune. La cotisation ne devrait pas être confiée à la commune. Les chefs des quartiers, surtout les chefs de groupement interviendraient uniquement pour sensibiliser la population. Un comité de sages serait constitué pour gérer ce fonds dont la première mission consisterait à soutenir les efforts de l’église Saint-Étienne, l’aménagement des sources d’eau déjà identifiés localement et l’achat régulier des produits chimiques disponibles sur le marché local afin de désinfecter les puits individuels. La contribution par ménage varierait entre 100 et 500 Francs Congolais par mois (soit 0,25 $ et 1 $US). Avec une moyenne de plus de 50.000 ménages établis dans la commune, il y a lieu d’exploiter cette voie pour mobiliser les ressources financières locales. Et afin d’éviter l’appropriation individuelle d’un puits collectif, une rencontre de tous les membres de la communauté est indispensable avant la réalisation de l’ouvrage.

De plus, les ménages suggèrent que la Regideso cède la gestion de l’eau dans les quartiers pauvres de la ville de Kinshasa à des organismes confessionnels et des ONG ou à des associations sur la base de certains critères, notamment l’expérience sur le terrain, le nombre de membres, l’honnêteté des dirigeants, etc. Dans cette perspective, ils insistent sur la redynamisation du Comité consultatif local (CCL). Ce comité, constitué de sages dans chaque quartier, avait pour but d’approuver la désignation des membres du comité de l’eau sur la base de leur éthique et de leur engagement dans des projets de développement local. La population souhaite vivement que l’autorité communale reconnaisse cette initiative qui va dans le sens de l’intérêt général.

En définitive, en raison de l’inaccessibilité de la majorité des ménages à l’eau potable, un fonds spécial devrait être créé pour appuyer les efforts de l’église Saint-Étienne, des ONG, des associations locales et des individus engagés dans la production, la distribution et la commercialisation de l’eau. La gestion de ce fonds serait confiée à un comité de 47

sages, dans chaque quartier. La commune devrait adopter des mesures réglementaires pour s’assurer, sans s’en mêler, de la bonne utilisation de l’argent récolté. Dans la réalisation des ouvrages, ce comité devrait recourir à l’expertise locale, telle que l’ONG Centre Misericordia (CEMI) spécialisée dans le forage. Certains critères spécifiques doivent être clairement définis avant l’attribution de fonds à telle ou telle autre organisation (expérience, qualité de membres, intégrité de dirigeants).

4.3.3. Participation locale

Afin de favoriser une meilleure participation de la population aux actions de développement, une réforme de la loi sur la décentralisation s’impose. Une autonomie juridique, financière et de gestion devrait être accordée aux municipalités pour leur permettre d’agir efficacement au niveau local. Chaque commune devrait adopter une politique de sensibilisation de la population au développement du milieu, en s’appuyant sur les médias locaux et en exploitant les canaux formels et informels (église, groupes de prière, écoles, etc.).

4.3.4. Assainissement du milieu

Pour pallier à la dégradation de l’environnement, les ménages suggèrent qu’ils soient davantage impliqués dans la préparation et la réalisation des projets de lutte contre l’érosion des sols. Pour ce faire, l’accès au matériel aratoire (houes, bêches, pèles, râteaux, …) pourrait influer sur les résultats notamment par le contrôle des eaux pluviales dans chaque parcelle. Ce matériel devrait être aussi utilisé pour la réalisation des jardins communautaires. A cet effet, la municipalité devrait totalement s’investir pour attribuer des terres aux femmes ménagères, regroupées dans des associations locales ou non, selon le critère d’expérience. Une campagne de sensibilisation est nécessaire pour permettre à la population d’intérioriser des mesures envisagées pour la protection de l’environnement et la gestion des sols. Des zones présentant des risques d’érosion ou d’inondations devraient être interdites à la construction des maisons d’habitations.

Par ailleurs, l’installation de toilettes publiques, dans chaque quartier, rue par rue, pourrait contribuer à la réduction de certaines maladies et favoriser la promotion de la 48 construction de latrines améliorées. Tous les intervenants devraient travailler ensemble pour éviter d’éparpiller les efforts. Les excréta devraient être évacués selon les méthodes qui respecte les normes de la santé publique, et si possible, valorisés. Une meilleure sensibilisation à l’hygiène individuelle et collective, pour être efficace, devrait s’appuyer sur les chefs de groupement, les médias locaux (radio, télévision) et une audience plus large et exploiter les canaux formels et informels (églises, associations de femmes, jeunes) pour la transmission des messages.

4.3.5. Élaboration du code de l’eau

L’élaboration du code de l’eau est indispensable pour actualiser le cadre légal et réglementaire en l’adaptant aux réalités du moment. Une attention devrait être accordée à la cession de la gestion de l’eau potable à des tiers dans des quartiers pauvres, à certaines conditions. Aussi, devrait-on définir clairement les mécanismes de la protection des ressources en eau et les modalités de la production, de la distribution et de la commercialisation de l’eau potable en milieu urbain. Aussi, nous préconisons la création d’un ministère qui s’occuperait spécifiquement de la gestion des ressources en eau.

4.3.6. Innovation et formation

Les changements fréquents de l’environnement font en sorte qu’innover devient une nécessité pour une organisation qui désire assurer sa croissance. Les organismes engagés dans la production, la distribution et la commercialisation de l’eau au niveau local devraient s’inspirer des expériences étrangères pour la mise en place et l’acquisition des technologies à moindre coût. La formation du personnel devient un impératif pour la gestion quotidienne de l’ouvrage et l’entretien du réseau.

4.3.7. Appui au secteur informel

L’appui au secteur informel permettrait d’accroître les revenus de certains ménages. La commune devrait s’investir dans l’octroi, même en location, des terres à des organisations féminines dont les membres sont engagés dans l’agriculture urbaine. Il faudrait également étudier les modalités de création d’une coopérative d’épargne et de crédit afin de faciliter l’accès des femmes au crédit, nécessaire au développement de leur commerce. On 49

pourrait s’inspirer des expériences locales des associations d’entraide (likelemba, tontine), où les femmes sont activement engagées, afin d’étudier les mécanismes de remboursement de l’argent emprunté. L’accès au crédit serait tributaire des expériences antérieures de chaque participante. De même, une campagne de vulgarisation des techniques pour la gestion des jardins parcellaires favoriserait la promotion de l’agriculture urbaine.

Conclusion

Dans ce chapitre, un accent a été mis sur les freins qui empêchent le développement du secteur de l’eau potable et de l’assainissement dans les quartiers urbains pauvres de la ville de Kinshasa en considérant le cas de la commune de Kisenso. Ainsi, notre attention a porté sur les contraintes (institutionnelles, techniques, financières), la dégradation de l’environnement, la déficience de la desserte en eau et le manque d’appui au secteur informel. Quelques pistes des solutions ont été proposées par les ménages pour favoriser un accès durable à l’eau potable. Il s’agit notamment la mise en place d’un fonds spécial pour le financement des infrastructures de l’eau, la promotion de l’innovation et de la formation, l’appui au secteur informel et la création d’un ministère chargé spécifiquement de la gestion des ressources en eau.

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Conclusion générale

Dans cette étude, il s’agissait pour nous d’établir un diagnostic de la gestion des services de l’eau potable dans la ville de Kinshasa, en considérant le cas de la commune de Kisenso. A la lumière de l’analyse, il se dégage qu’il existe au niveau local des organismes engagés dans la production, la distribution et la commercialisation de l’eau potable. Cette situation s’expliquerait par l’incapacité de la Regideso à desservir ce milieu. Malgré les interventions ponctuelles des ONG et associations locales, il se trouve qu’une franche importante de la population n’a toujours pas accès à l’eau potable et aux services d’assainissement. Il s’ensuit une recrudescence des maladies hydriques et la dégradation inexorable de l’environnement.

En effet, les organismes confessionnels à l’instar de l’église Saint-Étienne ou des ONG se trouvent confronter au problème du manque de financement pour accroître la capacité de leur production. La faiblesse ou le manque d’aide extérieure, le conflit entre la Regideso et ces derniers, l’irrégularité de l’énergie électrique, etc., font que le coût de production de l’eau devient exorbitant. Parfois, elles tentent de les faire supporter par les ménages, mais le faible pouvoir d’achat de la population fait que certains ménages recourent à l’eau de sources non aménagées et les femmes sont obligées d’effectuer chaque jour de longues distances à la recherche de l’eau.

Considérant la gravité de la situation, quelques pistes des solutions méritent de retenir l’attention. Il s’agit de la constitution d’un fonds spécial alimenté par les ménages pour soutenir les actions des organismes existants, de l’aménagement d’autres sources d’eau potable, de l’appui à l’agriculture urbaine, principale source de revenu pour les femmes maraîchères et de la création d’un comité consultatif sur l’eau dans chaque quartier ainsi que d’un ministère chargé spécifiquement de la gestion des ressources en eau.

Par ailleurs, en s’appuyant sur le secteur communautaire, il est fort probable que les interventions deviendraient perceptibles chez les pauvres des grandes villes africaines. Cependant, des études doivent-être menées pour évaluer les mécanismes de durabilité des 51

actions menées par les ONG et les associations impliquées dans la gestion de l’eau en milieu urbain pauvre.

En effet, le recours à des alternatives, plus proches de certaines pratiques existantes et de la capacité de payer, permettrait une prise en mains de l’aménagement des quartiers par leurs occupants. C’est à eux que reviendraient le choix des équipements appropriés, le contrôle de leur fonctionnement et de leur entretien. Ces occupants pourraient également, dans un avenir immédiat et à moyen terme, apporter une amélioration sensible à un environnement actuellement inacceptable (Blary et al., 1997).

En définitive, à travers cette étude, nous avons constaté le succès de quelques initiatives en matière d’approvisionnement en eau et d’assainissement dans un quartier périphérique de la ville de Kinshasa. Elles sont le fait d’initiatives privées, d’organismes confessionnels, d’ONG, etc. Cependant, les politiques et les méthodes des administrations locales et du gouvernement tendent à décourager plutôt qu’à conforter les efforts et les investissements des associations locales. Au regard du taux de la population qui n’a pas accès à l’eau potable, comme c’est le cas dans de nombreuses villes africaines, et de ses conséquences sur la santé des populations locales, quels types de modalités institutionnelles de remplacement, y compris les partenariats public-privé, seraient-ils susceptibles d’améliorer de manière durable la prestation des services d’eau potable aux pauvres en milieu urbain ? Sur quelles méthodes pourrait-on s’appuyer pour l’adéquation d’échelle et le transfert des solutions concluantes de gestion communautaire de l’eau potable ? Comment peut-on rendre les autorités locales plus attentives à l’importance de la planification participative ? Il s’agirait d’explorer les voies et moyens susceptibles de faciliter l’accès des pauvres des milieux urbains à l’eau potable de façon équitable et durable et d’améliorer l’utilisation des ressources naturelles en vue d’une meilleure sécurité hydrique et d’une plus grande sécurité de revenu.

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Bibliographie

1. BLARY, R. et al., 1997. Services urbains dans les pays en développement. Modèles de gestion, Paris, Édition Economica, 280p. 2. CNAEA, 2004. Rapport annuel sur l’eau et l’assainissement en R.D. Congo 3. OMS, 2001. Rapport annuel 4. PNUD et UNOPS, 1998. Monographie de la ville de Kinshasa 5. REGIDESO, 2004. Rapport annuel 6. SIMARD, G. (1988). La recherche sociale dans des sociétés de paroles ou le défi de la recherche sociale en Afrique : Le cas du Cameroun in Sociologie et Sociétés, Vol XX, (nº1) p. 83-96. 7. STREN, R. R. & WHITE, R., 1993. Villes africaines en crise. Gérer la croissance urbaine au Sud du Sahara. Côte d’ivoire-Kenya-Nigéria-Soudan- Sénégal-Tanzanie-Zaïre, Paris, Édition L’Harmattan, 341p. 8. VILLE DE KINSHASA, 2005. Rapport annuel