: Le « vaisseau amiral » de la Socpresse

Inaugural-Dissertation zur Erlangung der Doktorwürde der Philosophischen Fakultäten der Albert-Ludwigs-Universität zu Freiburg im Breisgau

vorgelegt von Alexander Tschirwa aus Saporoshje (Ukraine)

Freiburg SS 2000 Inhaltsverzeichnis

Préface ...... 4 1. La presse quotidienne et ses particularités...... 6 2. L’histoire du Figaro ...... 16 2.1. Les origines (1826 – 1854) ...... 16 2.2. L’époque de Villemessant (1854-1879) ...... 17 2.3. Premier quotidien parisien (1879-1922) ...... 18 2.4. Dans l’empire de parfumeur Coty (1922-1933) ...... 19 2.5. La « grande époque » de Pierre Brisson (1934-1965) ...... 20 2.6. Les années turbulentes (1965-1975) ...... 20 2.7. Première étoile de la « galaxie Hersant » (1975 - 1996)...... 21 2.8. « Outil médiatique puissant, mais fragile » (1996 – 1999) ...... 24 3. Les stratégies et les innovations rédactionnelles ...... 26 3.1. L’organigramme du Figaro...... 26 3.2. Le lectorat...... 28 3.3. Les magazines ...... 32 3.4. Les suppléments ...... 32 3.5. Les innovations dans la fabrication du journal ...... 34 3.6. L’organisation de la diffusion ...... 35 3.6.1. La vente ...... 35 3.6.2. L’abonnement ...... 37 3.6.3. Le portage à domicile ...... 37 3.7. Le rôle de la publicité ...... 38 4. La structure générale de l’édition et les genres du Figaro ...... 41 4.1. Les blocs thématiques...... 41 4.2. La structure et les genres de la une ...... 45 4.2.1. La structuration de la surface de la une ...... 46 4.2.2. L’éditorial ...... 47 4.2.3. L’article de présentation ...... 52 4.2.4. La photo / les photos de la une ...... 54 4.2.5. La caricature ...... 55 4.2.7. Le multitexte ...... 58 4.2.8. La conclusion de la page ...... 58 4.3. Le bloc socio-politique ...... 59 4.3.1. La page Opinions ...... 59 4.3.2. internationale ...... 73 4.3.3. La Vie politique ...... 95 4.4. Le bloc de la vie quotidienne ...... 105 4.4.1. Notre Vie ...... 105 4.4.2. La vie de l’éducation ...... 113 4.4.3. Les sciences...... 117 4.4.4. La vie sportive ...... 120 4.5. Le bloc des pages pratiques ...... 125 4.5.1. La vie de l’automobile ...... 127 4.5.2. La vie du marché de l’art ...... 129 4.5.3. La vie au féminin / au masculin...... 132 4.5.4. La vie des voyages ...... 137 4.5.5. Les pages consacrées à la culture et à la télévision. La Vie des spectacles ...... 138 4.5.6. La météo ...... 143 4.6. La page L’Actualité et ses genres ...... 143 4.6.1. L’essai...... 144 4.6.2. L’interview...... 146 4.6.3. Les « rumeurs » ...... 147 4.6.4. Les bandes dessinées...... 147 4.6.5. La conclusion de la page ...... 148 4.7. Les publications commerciales ...... 148 4.7.1. Le Carnet du Jour ...... 148 4.7.2. Les petites annonces ...... 149 4.7.3. Les annonces publicitaires ...... 149 4.7.4. La publicité politique ...... 152 4.7.5. Les avis et les publications judiciaires ...... 153 5. La conclusion...... 154 Les notes ...... 157 La bibliographie...... 163 Préface

Cette étude1 se donne pour but l’analyse interdisciplinaire de l’ensemble des facteurs qui déterminent la forme et le contenu du journal quotidien, les conditions socio-économiques de sa production et les conditions psychosociales de sa réception. Puisque l’analyse exacte des multiples facteurs, liés entre eux et inter-dépendants, ne permet pas l’élaboration de la procédure générale acceptable à toute la branche de médias, l’étude est faite sur l’exemple d’un seul quotidien — Le Figaro. Deux facteurs ont joué un rôle prépondérant dans le choix de l’objet d’étude : premièrement son importance au sein du paysage médiatique français et, deuxièmement, l’absence quasi totale des analyses scientifiques de ses activités. Un autre facteur : les particularités de l’époque actuelle – l’époque de la « réalité virtuelle » – exigent l’actualisation des études de la période précédente sur les médias, compte tenu de développement de la science et de changement de la situation de l’objet étudié.

Les objectifs du travail : – l’élaboration du cadre théorique de l’approche interdisciplinaire dans l’analyse de la presse quotidienne ; – la description du fonctionnement d’un média concret, en l’occurrence l’entreprise de presse quotidienne — Le Figaro — dans le contexte des relations sociales, politiques et économiques ; – l’analyse de la structure de ce quotidien du point de vue de ses fonctions ; – le développement de la théorie des genres journalistiques compte tenu des résultats de l’analyse interdisciplinaire.

Ces objectifs déterminent en quelque sorte la structure du travail. Le premier chapitre sera consacré au dégagement du cadre propre et le choix des facteurs nécessaires pour la description dans cette perspective d’un journal quotidien sur la base de l’examen des diverses orientations existantes dans les recherches sur la presse quotidienne. Le deuxième chapitre commence l’analyse de ces facteurs, notamment des facteurs historiques. Les facteurs socio-politiques et économiques qui présentent une sorte de cadre pour le fonctionnement de l’entreprise de presse sont analysés dans le troisième chapitre. L’objet du quatrième chapitre c’est l’analyse des textes du journal, compte tenu des aspects différents de la production du journal depuis sa conception jusqu’à sa distribution. Puisque le journal quotidien est un produit qui se change constamment et que chaque numéro apporte quelque chose de nouveau, sans parler des refontes capitales qui ont lieu de temps en temps dans l’existence de n’importe quel média, la limitation du cadre temporel se relève nécessaire. Dans le choix de ce cadre temporel il fallait trouver l’équilibre entre l’actualité de l’étude et son exhaustivité. La première exigence présuppose le choix des textes les plus récents, la deuxième peut être remplie si les textes analysés appartiennent à la période achevée, qui peut être considérée comme une unité en soi. De ce point de vue, la période qui remplit ces deux exigences se situe dans les années 90, à partir de l’arrivée de Franz-Olivier Giesbert, qui marque

4 un certain recentrage du quotidien jusqu’au lancement de la nouvelle formule fin novembre 1999. L’analyse de la nouvelle formule du Figaro lancée le 29 novembre 1999 ne permet pas de faire des conclusions définitives, car des changements capitaux sont encore possibles selon les réactions du lectorat et des annonceurs publicitaires. Elle doit faire l’objet de la publication en cours de préparation chez Peter Lang Verlag. Les données sur le Figaro (les changements dans la rédaction, la distribution, etc.) sont régulièrement actualisées sur notre site internet: www.frankreich-experte.de.

5 … l’amour des Lettres est incompatible avec l’esprit des affaires. Beaumarchais 1. La presse quotidienne et ses particularités

L’analyse des recherches sur la presse montre la complexité extrême du problème. Tout s’intéresse aux médias, tout le monde parle des médias. Mais on parle souvent de choses différentes.

Patrick Charaudeau dans Le Discours d’information médiatique2 livre la liste (qui est loin d’être exhaustive, mais représentative) des intéressés aux médias : •le monde politique qui en a besoin pour sa propre « visibilité sociale » et utilise volontiers les médias (non sans quelque perversité) pour gérer l’espace public, tout en s’en méfiant car ils sont un puissant producteur d’images déformantes ; •le monde financier qui voit dans les médias une source de profit en raison de leurs liens avec la technologie et le marketing à échelle mondiale ; •le monde des sciences et des techniques qui voit là l’occasion de perfectionner les moyens de transmission des signes et de développer ses propres activités de recherche ; •le monde des sciences humaines et sociales, comme, par exemple, la sociologie qui s’intéresse à leur impact sur l’opinion publique, la sémiologie qui étudie les jeux de mise en scène de l’information, la philosophie et l’anthropologie sociale qui s’interrogent sur la constitution du lien social dans les communautés modernes sous l’influence des médias ; •le monde éducatif qui s’interroge sur la place que doivent occuper les médias dans les institutions scolaires et de formation professionnelle, pour former un citoyen conscient et critique vis-à-vis des messages qui l’entourent ; •le monde médiatique lui-même qui, pris dans un jeu de double miroir (il reflète l’espace social et se trouve reflété par celui-ci) est amené à s’observer, s’étudier et s’autojustifier.

Malgré la multitude de recherches et de travaux publiés, peu de spécialistes sont satisfaits de résultats atteints. Plusieurs études sur les médias aboutissent à la conclusion que ces discours, « qu’ils soient politiques, économiques ou culturels, ils traduisent plus souvent interrogations ou inquiétudes, que satisfactions ou approbations3 » Ces questions ouvertes sont probablement responsables du fait que le nombre des recherches se multiplie de plus en plus. D’autre part, ces insatisfactions s’expliquent par le fait qu’« à notre époque les sciences humaines et sociales se caractérisent par une forte spécialisation (elles deviennent de plus en plus « dures »)4 » et qu’elles n’étudient souvent que les aspects particuliers, intéressants pour chacune de ces branches. Dans cette situation on voit bien le danger de surestimer un des éléments particuliers et de perdre de vue toute la complexité et la nature même de l’objet d’étude. Le problème réside dans ce cas à ne pas retomber dans la description mécanistique des éléments de l’objet et à ne pas perdre de vue les relations entre les éléments à l’intérieur de l’objet, d’un côté, et entre l’objet et la réalité, de l’autre. Réunir dans un travail des points de vue séparés de plusieurs disciplines sur le même objet (comme c’est souvent le cas dans les sciences humaines (étude historique, économique, linguistique…) ne détermine pas l’approche interdisciplinaire, de la même façon que la somme des significations des mots ne donne pas le sens de l’énoncé. Les éléments spécifiques d’un phénomène doivent être non seulement liés dans l’espace et dans le temps, mais pénétrés d’un sens intérieur commun5. Dans le déroulement de

6 l’analyse cela signifie les pas suivants qui doivent la précéder6 : 1. Fixer la nature et les limites de l’objet étudié et de ses éléments. 2. Préciser les rapports que cet objet et ses éléments entretiennent avec les autres objets de la réalité. 3. Déterminer les facteurs extérieurs qui influencent l’objet analysé et les méthodes appropriées pour l’étude de ses facteurs.

La première question se réduit donc à la définition de la nature des médias et de ses éléments. P. Charaudeau dans l’ouvrage cité définit les médias comme un support organisationnel qui s’empare des notions « information » et « communication » pour les intégrer dans leurs diverses logiques économique (faire vivre une entreprise), technologique (étendre la qualité et la quantité de leur diffusion) et symbolique (servir la démocratie citoyenne)7. La réalisation de ces logiques va être différente selon les différents médias et les formes différentes de la communication. F. Balle distingue trois grandes familles de médias selon la modalité de communication (autrement dit – structure de la communication, mise à la disposition du public)8 : • médias autonomes, • médias de diffusion, • médias de communication.

Le premier groupe est caractérisé par l’indépendance du média d’un réseau quelconque. Une fois produit, les médias de ce groupe (disques audio, livres, vidéos…) deviennent indépendants de leur émetteur. Le récepteur du message a toute la liberté de disposer de sa propriété à un moment voulu et de façon voulue. Il n’a pas cette liberté dans le cas des médias de diffusion (télévision, radio…) où le moment de la diffusion est fixé par l’émetteur du message et il n’a qu’une liberté relative dans le cas des médias de communication (téléphone, télétexte, etc.).

F. Balle propose encore une autre classification — celle des formes de la communication9. Cette classification tient compte de deux caractéristiques : l’audience visée et l’émetteur. Le premier point décrit le niveau d’identification de l’audience visée par un média (déterminée, identifiable, anonyme), le deuxième — le statut de l’émetteur, du « médiateur » identifié jusqu’au prestataire anonyme. La combinaison de ces deux critères donne 6 groupes des médias : •l’échange confraternel •la propagation d’une identité •la publication de proximité •l’échange associatif •la propagation d’une cause •la publication de masse.

L’analyse de la forme de la modalité et de la forme de la communication peut en dire beaucoup sur la nature d’un média. Ainsi, la presse quotidienne d’information générale appartient au groupe des médias auto- nomes selon la modalité de la communication et des médias de la communication de masse selon la forme de la communication. Le fait d’appartenir au groupe des médias autonomes signifie qu’un journal quotidien, une fois acheté par le lecteur, devient sa propriété. La rédaction après sa production n’a plus de moyens d’influencer le destin de son produit. La famille des imprimés occupe une place à part dans ce groupe. La fabrication de ce genre de produit (livre, journal, magazine…) est un processus relativement compliqué, mais sa

7 consommation (la lecture) à la différence des autres médias, appartenant au même groupe (disques audio, vidéo ou informatique), n’exige en principe aucun équipement spécial. Pourtant un imprimé n’est pas égal à un autre. La prise en compte simultanée du deuxième axe de l’analyse réduit considérablement le nombre de médias appartenant à ce groupe. Il y a peu de produits imprimés qui appartiennent au groupe des publications de masse. F. Balle caractérise ce groupe de la façon suivante : Toutes sortes de message ou de prestations sont offerts à tous, parfois sans considération de frontières, par des gens qui se disent et se veulent professionnels, se réclamant toujours simultanément de leur respect des gens auxquels ils s’adressent et leur subordination aux valeurs du Bien, du Beau ou du Vrai. Leur professionnalisme s’applique, simultanément ou pas, à l’information de leurs concitoyens sur l’actualité, à la vulgarisation des savoirs et à la popularisation des œuvres ou des actes de la culture.10

Les médias, optant pour cette forme de la communication et faisant partie des médias auto- nomes, paraissent à intervalle différent et à des périodes différentes, ce qui influence profondément leur nature. L’organisation de la production et de la diffusion de la presse quotidienne est différente de celle des mensuels, des hebdomadaires, etc. Le temps de parution y joue également le rôle important. Les lecteurs du journal du matin le reçoivent en règle générale avant de commencer leur journée de travail. Dans ce cas, les personnes dont l’activité est liée au contenu du journal ont la possibilité d’activer les informations du jour passé. L’information publiée dans le journal (le contenu, sa forme, l’angle de présentation, etc.) peut profondément influencer les décisions prises par des lecteurs. Le temps passé après la lecture des journaux du soir réduit l’influence directe et immédiate du matériel sur les décisions prises lors de la journée suivante. Ils informent plutôt sur les événements principaux de la journée avant les journaux télévisés, d’où leur rôle prépondérant dans la formation du cadre perceptif de l’information. Mais l’apparition des journaux du soir et la diffusion des journaux télévisés réduisent la vie du quotidien du matin à quelques heures. L’influence du quotidien du matin est pratiquement terminée au début de l’après-midi. C’est une des contractions la plus importante : l’entreprise de presse quotidienne « fabrique sans doute le produit le plus périssable qui soit. A peine quelques heures après sa sortie des rotatives, un quotidien n’est plus bon qu’à emballer des paquets.11 » Les journaux du matin encourent encore un autre danger : l’information arrivée tard dans la soirée ne peut pas être publiée le matin et il y a le danger que la radio, la télévision ou les journaux du soir la diffusent d’abord et s’emparent de cette façon de l’attention publique.12 D’autre part, comme le remarque B. Wouts, « l’audiovisuel a rendu service à la presse écrite : il s’est attribué le registre « voyeur » qui faisait l’ordinaire de la presse populaire. Inversement, la presse écrite a dû insister sur le registre explicatif. Cet aspect paraît devoir se renforcer à mesure que la télévision devient plus forte. La presse écrite y trouvera sans doute son salut, à condition de jouer le jeu de sa spécificité plutôt que de tenter une surenchère perdue d’avance.113 » Une autre spécificité du journal quotidien est sa logique « spatiale14 » qui permet d’embrasser d’un seul regard « simultanément huit ou dix titres ou articles qui sont déjà hiérarchisés par celui qui a conçu la maquette.15 » C’est-à-dire dans la page du journal « la coexistence des unités suffit pour les relier, ce qui entraîne une autre forme de production du sens.16 » En outre, « la forme papier offre un accès multidimensionnel…17 » Le lecteur peut commencer la lecture à la une, à la dernière page ou à sa rubrique préférée. Cela dépend beaucoup des habitudes de lectures qui sont souvent un phénomène culturel et la composition du journal doit tenir compte de cette « façon personnelle d’y adhérer.18 » Cette façon, selon l’opinion de B. Wouts fait fonctionner l’intelligence du lecteur de façon différente que la lecture des autres médias : « Il me semble que l’écrit présenté sous la forme spécifique du journal offre à

8 l’intelligence la possibilité de mettre en œuvre une plus large gamme de ressources : l’induction par exemple, ou encore l’association d’idées. Le tout étant supérieur à la somme des parties, la relation entre deux articles situés en regard signifie plus que la simple addition (ou succession) de deux textes, tout comme tel encadré prend son sens par rapport au texte qui l’entoure.19 » Le surgissement plus ou moins inattendu de beaucoup d’événements est responsable de la particularité suivante du travail de l’entreprise de presse ce que signifie que « la prévision à moyen ou long terme lui est quasiment impossible.20 » Il s’agit ici de la mise en œuvre d’une structure complexe de la gérance de l’information qui soit capable d’intégrer l’information survenue de façon inattendue dans le cadre des événements prévisibles de longue date. Même le temps qu’il fait influence la courbe des ventes des journaux quotidiens. « C’est ainsi qu’à , les jours de pluie, la vente est plus forte dans le réseau souterrain du métro, au détriment des kiosques de surface…21 », ce qui ajoute des complications supplémentaires dans l’organisation de la diffusion de la presse. A la limite, si le journal ne peut pas être vendu dans le temps le plus court, tout le travail de la production a été vain. Ces contraintes dans le fonctionnement de l’entreprise de presse sont si importantes et si claires que l’État a accordé surtout dans les années après la Libération (ou accorde jusqu’à aujourd’hui) certaines aides — « directes, sous forme de subventions, indirectes, sous forme de tarifs postaux préférentiels et d’avantages fiscaux.22 » Même si ces aides se sont réduites ces derniers temps, elles sont un signe symbolique de la reconnaissance « de la mission d’information et d’échange des idées que remplit la presse.23 » Ces aides influencent à leur tour le fonctionnement de l’entreprise de presse. D’un côté, il y a une certaine dépendance vis-à-vis des donateurs. « Certains vont même jusqu’à dire que le pouvoir dispose, par ce biais, d’un moyen de pression sur la presse lorsque celle-ci est jugée trop peu « compréhensive » à son égard.24 » L’effet secondaire de ces aides est la contribution « au phénomène de concentration de presse.25 » Une autre particularité, mais également difficulté, pour les entreprises de presse « est que leur produit remplit un rôle social — on peut même dire, éducatif — incompressible et incontournables26 » ce qui renforce la responsabilité et le pouvoir des journalistes. « Par le traitement en mots et en images des informations qu’ils reçoivent, ils exercent un pouvoir de représentation et de symbolisation unique dans notre société.27 » P. Bourdieu signale une propriété suivante de la presse. Il écrit : « Le fait de lire un journal national, et surtout un des grands journaux légitimes, comme le Figaro ou le Monde, est une façon parmi d’autres […] de manifester que l’on se sent membre du pays légal, c’est-à-dire en droit et en devoir de participer à la politique, d’exercer vraiment ses droits de citoyen.28 »

Encore un trait spécifique de la presse quotidienne qui la différencie de façon capitale des médias de nombreuses formes de la communication, c’est la « logique économique » de sa production et de sa diffusion. Le journal quotidien, quelques traits particuliers mis à part, est « une entreprise comme une autre, dans le sens où elle ne peut échapper aux règles économiques29 ». Et « l’une d’elles est qu’un quotidien est un produit commercial qui doit obligatoirement procurer du profit et faire vivre l’entreprise qui le fabrique30 ». Pour cela il faut organiser sa production et sa diffusion, couvrir ses charges et trouver les fonds d’investissement. La logique économique de la presse écrite quotidienne d’information générale se définit par son fonctionnement simultané sur deux marchés : la vente du journal aux lecteurs et la vente de l’espace du journal aux annonceurs publicitaires. D’un côté, on ne peut pas avoir un journal que personne ne lit (la production du journal n’a de sens que s’il y a un groupe important de personnes qui le lit), mais d’un autre côté, il est également nécessaire d’avoir assez de revenues pour garantir la production à un prix convenable ce qui peut être atteint à l’aide des recettes provenant de la publicité31 .

9 De cette façon l’entrepreneur de presse est « obligé en conséquence de définir les caractéristiques de son journal en fonction des attentes présumées de ces deux clientèles, sous peine de s’exposer à des difficultés économiques.32 » Ceci pose certaines difficultés dans le fonctionnement du journal. Guéry33 parle de la « tendance naturelle des dirigeants et des cadres commerciaux de l’entreprise » de prêter plus d’attention au marché publicitaire sans consentir forcément des efforts équivalents à ces autres clients que sont les lecteurs, lorsque « la part des ressources qui vient de la publicité est nettement supérieure à celle des ventes ». Cayrol remarque que « le journal est bien un produit vendu deux fois, mais le meilleur client n’est pas le lecteur, mais l’annonceur.34 » Cela ne signifie quand même pas que le journal quotidien peut se permettre de négliger ses lecteurs. Guéry remarque : « Les publicitaires sérieux sont les premiers à les mettre en garde : si le support, c’est-à-dire le journal estiment-ils, tombe dans la médiocrité, si son attrait faiblit, il est du même coup moins intéressant pour l’annonceur, et il perd son efficacité.35 »

Pour la direction du quotidien, il se relève nécessaire de résoudre cette contradiction et de trouver l’équilibre entre la satisfaction des intérêts des lecteurs, d’un côté, et ceux des annonceurs publicitaires, de l’autre. Les deux options doivent, en plus, s’accorder avec la ligne rédactionnelle du journal. Wouts qualifie cette situation d’« un ménage à trois » : … la presse est l’enfant bâtard d’un ménage à trois : c’est le fruit de la rencontre d’un éditeur (le mari), d’un public (l’épouse légitime et volage) et de la publicité (l’amant). Cocktail explosif. Au sein de l’entreprise de presse, ce vaudeville se vit à coups de scènes de ménage entre les journalistes, les commerciaux et les publicitaires, chacun revendiquant son juste droit de cuissage.36

La deuxième difficulté est de trouver l‘équilibre entre le désir du quotidien de répondre aux attentes des lecteurs et de se présenter comme le serviteur de « la démocratie citoyenne », c’est- à-dire de publier toutes sortes d’information, « même si celle-ci est désagréable. En effet, une information d’actualité qui se veut sérieuse et complète, ne procure pas forcément au public satisfaction et plaisir, ce qui est éminemment anticommercial. »37 En outre il faut faire la correction sur les éventualités de la lecture. Guéry écrit : En effet, le jugement que porte le lecteur sur l’information que lui transmet son journal est loin d’être objectif. Ce lecteur est ce qu’il est. Il n’est, en tout cas, ni neutre, ni transparent ; il est porteur d’un passé, d’une formation, il subit l’influence de son milieu, de son environnement familial et professionnel, il a ses opinions politiques, ses convictions philosophiques et religieuses… Et c’est à travers tous ces filtres qu’il reçoit et juge l’information.38

De cette façon, des relations très compliquées et parfois contradictoires s’installent entre le journal et ses lecteurs. Wouts écrit que le journal « est condamné à raisonner en fonction de son marché. Dans ce cas, pour un patron ou un manager de presse, le critère politique n’a plus beaucoup d’importance : pour maximaliser les profits, il faut toucher le plus de lecteurs possibles, ce qui le poussera tout naturellement non plus à influencer des électeurs, mais à les respecter dans leur diversité.39 » Bien sûr, l’élargissement trop grand du nombre des lecteurs conduit au nivellement de leur profil, à la perte du visage collectif ce qui va compliquer les relations intimes et personnelles entre ces lecteurs et la rédaction. En outre, l’absence du profil chez les lecteurs va d’un autre côté, abaisser la qualité du plan-média de la publication et réduire les recettes publicitaires. Guéry40 porte son attention sur le cas suivant : si les recettes de la publicité comportent plus de la moitié des recettes de l’entreprise, on rencontre une situation paradoxale — chaque nouveau lecteur coûte au journal, car l’impression des exemplaires supplémentaires conduit à l’élévation des dépenses de production. Compte tenu qu’«il faut le même nombre de journalistes et les mêmes investissements pour faire un numéro donné, que celui-ci soit tiré à 100 000 ou à 10 500 000 exemplaires.41 » Ces dépenses fixes dans la production du quotidien représentent à peu près 80 %42. Ici s’ajoutent les dépenses variables (le papier, l’encre, etc.). Leur part est rarement supérieure à 20 %43. D’où résulte un calcul facile : Une « hausse de 10 % du tirage entraîne 2 % de charges supplémentaires. Inversement, une baisse du même ordre ne fait que 2 % d’économie. Une hausse de 10 % des ventes à partir du point mort entraîne un résultat de plus 8 % sur le chiffre d’affaires net, une baisse du même ordre une perte de 8 % également !44 » C’est-à-dire, le tirage est une décision stratégique et non pas le résultat de calcul de rentabilité de la diffusion et des coûts de production. Deux ordres de considérations ont ici une importance fondamentale : « d’un côté, la prise en compte, de façon plus ou moins rigoureuse, avec études préalables ou sans études, des caractéristiques socio-démographiques des audiences effectives ou virtuelles des différents médias ; de l’autre, l’appréciation plus ou moins subjective, diversement fondée, des mérites ou des pouvoirs respectifs des différents médias, quant à leur capacité à faire croire ou faire faire quelque chose. Double prise en compte, par conséquent, qui aboutit à l’établissement de ce que les régisseurs et les annonceurs appellent les plans-médias.45 » Des audiences des différents quotidiens ont fait l’objet de plusieurs études. P. Bourdieu dans la Distinction46 lie la lecture des quotidiens principaux aux styles de vie et aux positions sociales. D’après cette étude l’audience du Figaro occupe l’espace des positions sociales entre cadres privés, professions libérales, industriels et patrons de commerce ; celle du Monde — l’espace entre professeurs supérieurs, producteurs artistiques, professeurs secondaires et cadres publics, etc. Pierre Bourdieu va encore plus loin en postulant la correspondance entre ces positions sociales et les styles de vie bien déterminés. Pour le groupe qui lisait le Figaro il était caractéristique dans le moment de l’écriture de l’étude de M. Bourdieu : le temps de travail à peu près 50 h par semaine, les voyages en avion, propriétés urbaines, visites des foires, repas d’affaires, 2 enfants, etc. De cette façon, le journal entre comme une partie composante dans l’espace de vie de l’individu d’un certain type, ce qui garantit une certaine stabilité du groupe de lecteurs du journal. Une autre raison de cette stabilité relative dans l’audience est le fait « que la relation qui l’unit à son lecteur est peu plus compliquée qu’entre ce même individu et sa brosse à dents.47 » B. Wouts livre des considérations suivantes : De même des journaux peuvent avoir une image valorisante et conférer à ceux qui l’achètent un certain statut social. Combien de ceux qui achètent Le Monde le font parce que cela fait « bien » de l’avoir sous le bras ? Toute forme de presse remplit auprès du public des fonctions cachées : le rêve, le voyeurisme ou la socialisation. On achète aussi le journal pour pouvoir parler des nouvelles avec ses voisins. Comment expliquer la place que tient la météo dans les journaux ou à la télévision de nos pays tempérés si ce n’est par le fait que c’est le seul sujet dont on puisse parler avec n’importe qui ?48

Si on accepte les points de vue de Pierre Bourdieu et de Bernard Wouts, la concurrence entre les journaux du même groupe devient relative. Il est peu probable que le Figaro soit intéressé d’obtenir les lecteurs de l’Humanité ou vice-versa, car l’acquisition des lecteurs des autres secteurs signifierait les changements notables dans le plan-média (voir toute la stratégie vis-à-vis des annonceurs publicitaires) et dans la ligne rédactionnelle (voire : structure, contenu, style, etc.) du quotidien. Donc, l’homogénéité du lectorat est une des exigences économiques et surtout dans le domaine de la publicité. Mais il y a l’influence plus profonde de la publicité sur le contenu du journal. Guéry écrit : « … ce serait stupide de nier de telles pressions. On peut même dire qu’elles sont inévitables49 », même si « théoriquement, la publicité n’influe pas sur le contenu rédactionnel de la presse : les domaines sont censés être rigoureusement séparés.50 » La première exigence pour le bon fonctionnement du marché publicitaire est la quantité des 11 lecteurs. Pour l’augmenter, le journal « est ainsi conduit à gommer de son contenu tout ce qui pourrait déplaire à un trop grand nombre de lecteurs et serait susceptible de les détourner d’une lecture régulière ; il est amené, selon le mot d’Alfred Grosser, à rechercher le « plus petit commun multiple » entre les lecteurs potentiels, quitte à ne pas dire tout ce qu’il croit être la vérité.51 » La deuxième exigence concerne la qualité des lecteurs. « L’éditeur est donc obligé de rechercher le lecteur qui intéresse l’annonceur, plutôt que celui qui serait intéressé par son journal, et il n’est pas évident que ce soit toujours le même…52 » C’est ici que la presse spécialisée, technique et professionnelle fait la concurrence à la presse quotidienne : « elle offre aux annonceurs des cibles de lecteurs particulièrement intéressés à certaines catégories de produits et de services, puisque chacune de ces publications est spécialisée par secteur d’activité.53 » Une des conséquences du choix des éditeurs d’employer leur publication comme un support publicitaire, est l’orientation vers la concentration. Cayrol écrit : « Par ailleurs, la publicité est à l’origine du fort mouvement de concentration des entreprises de presse. Tenant à toucher de gros tirages, souhaitant atteindre le maximum de consommateurs éventuels, la publicité va en priorité aux « grands » journaux, et ce faisant tend à renforcer la position des « grands » par rapport aux « petits ».54 » Truck argumente cette idée de façon suivante : Plus la publicité devient un support principal de la presse et plus celle-ci tend à se concentrer. Bien entendu, la publicité n’est pas le seul moteur des concentrations (l’information s’industrialise, son développement devient planétaire, son coût augmente, etc.). Mais parce que la publicité offre en quelque sorte une prime aux gros tirages, parce qu’elle préfère « focaliser » son action sur les lecteurs d’un grand journal que sur une somme équivalente des lecteurs de petits journaux…55 » Mais les recettes publicitaires signifient pour la rédaction une source considérable des moyens financiers : « plus un journal se verra offrir de publicité, plus la rédaction elle-même pourra bénéficier d’un nombre de pages supplémentaires56 ». D’autre côté les recettes publicitaires permettent de « maintenir à un niveau peu élevé le prix de vente des journaux, ce qui permet la diffusion de masse de la presse écrite57 ».

De cette façon, la voie royale pour la presse, si l’on emprunte l’expression de B. Wouts58, c’est le mariage de raison : faire un journal intéressant une catégorie de lecteurs bien ciblés pour la publicité. Le journal est intéressant s’il communique quelque chose, si le lecteur trouve l’information sur les événements importants. Mais il ne faut pas mélanger les deux. Un « partage sémantique assez clair permettrait d’opposer l’événement et l’information comme l’antécédent chronologique, l’occurrence reçue, le contenu matériel d’un côté et, de l’autre, le produit, la diffusion, la mise en forme.59 » En d’autres termes, l’information n’est pas une simple mise en discours de l’événement, « elle est une construction originale issue de l’aménagement de renseignements disparates, souvent recueillis dans un relatif désordre60 » et venue de sources différentes. Ici, il faut tenir également compte du fait que le journal ne parle pas toujours des événements. Dans les différents articles il peut s’agir de personnes, d’idées, de produits quelconques… On peut observer une certaine correspondance entre ces « antécédents chronologiques » des articles et les fonctions du discours.

Mouillaud et Tétu résument les fonctions principales de la presse en deux positions61 : « faire-savoir » et « faire-croire ». La première produit l’effet du réel, la deuxième « est au service de la vérité plutôt que de la réalité62 ». Il est probablement insuffisant de réduire toute la communication entre le journal et ses

12 lecteurs à ces deux fonctions. E.-U. Große63 élargit le nombre des fonctions dominantes d’un texte de la presse d’une façon notable : l’information, l’opinion, le conseil, la fiction, le divertissement et la publicité. Ce modèle présuppose en outre l’absence de genres textuels « à l’état pur », car les différentes fonctions textuelles se manifestent « sous forme de mélanges et de transitions selon les intentions des journalistes et les diverses réalisations concrètes64 ». Le choix de ces fonctions dépend dans un premier temps de la volonté du journaliste, mais il est prédéfini en quelque sorte par la place du sujet de l’article dans la société donnée, le moment actuel65 et la ligne rédactionnelle du journal. Sur ce point M. Bakhtine écrit : Un énoncé isolé et concret est toujours donné dans un contexte culturel, sémantique et axiologique ; contexte scientifique, artistique, politique et autre, ou contexte d’une situation isolée de la vie privée. C’est uniquement dans de tels contextes que tel énoncé est vivant et intelligible : il est vrai ou faux, beau ou laid, sincère ou hypocrite, franc, cynique, autoritaire, et ainsi de suite. Il n’existe point, il ne peut exister d’énoncé neutre.66

De cette façon, chaque énoncé est une résultante « de deux composantes dont l’une peut être appelée linguistique, du fait qu’elle met en œuvre un matériau verbal (la langue) lui-même structuré de manière signifiante selon des principes de pertinence qui lui sont propres, et l’autre, situationnelle, du fait qu’elle met en œuvre un matériau psycho-social, témoin des comportements humains, qui contribue à définir les êtres à la fois comme acteurs sociaux et comme sujets communiquants. Il s’agit donc bien d’une résultante, c’est-à-dire d’une force dont les composantes sont à la fois autonomes, dans leur origine, et interdépendantes dans leur effet, ce qui veut dire que l’on ne peut conclure à la construction de telle signification discursive en n’étudiant que l’une ou l’autre de ces composantes67 ». La quantité de la matière rédactionnelle ne permet pas la présentation homogène de l’information sur les pages du journal et pratiquement chaque quotidien recherche son propre système d’organisation de la matière rédactionnelle. Grosso modo, il y a deux modes d’organisation de l’information. Primo : l’organisation verticale d’après le principe thématique en pages spécialisées et rubriques. Secundo : l’organisation horizontale en genres de discours journalistique. La présentation des différents articles sur la même page ou à l’intérieur d’une seule rubrique présuppose leur juxtaposition. Cette rencontre de quelques articles sur la même surface crée des effets d’interaction complexes. Greimas68 y voit trois type de relations : • succession, • similitude, • hiérarchie. Les relations de succession et de similitude entre les différents articles d’une même page sont assez rares dans un numéro du journal quotidien. Ces types de relations, sans avoir le sens supplémentaire de la hiérarchie sont quasiment impossibles compte tenu de la structuration strictement hiérarchique de la surface de page des principaux quotidiens français d’aujourd’hui. Le fait de placer tel ou tel article en haut ou en bas de la page, dans sa partie gauche ou droite signifie déjà la hiérarchisation de l’information. Celle-ci se renforce encore plus aujourd’hui quand la rédaction n’est plus forcée d’organiser la mise en page en colonnes ce qui était le cas avant l’introduction de la PAO69. Ayant toute la liberté de l’organisation de la page, les rédacteurs de journaux quotidiens emploient largement les nouveaux instruments pour (entre autres) faciliter la lecture du journal en guidant le lecteur d’un secteur à l’autre.

A cette variété de relations due à la structuration de la surface de la page, s’ajoute la variété des genres différents du traitement de l’information. Ces genres de discours, ainsi que l’emploi des procédés de la mise en page sont

13 « étroitement liés à l’expérience et à la pratique de la lecture ( ou même, de l’audition ou de spectacle ).70 » E.-U. Große définit les genres de façon suivante : Le genre du texte nous dit COMMENT la matière est abordée, quel traitement journalistique y a été appliqué. Pour cela, il est nécessaire d’élaborer un modèle de catégories textuelles, soit un modèle définissant la fonction dominante d’un texte…71

M. Bakhtine envisage les genres du discours comme les types relativement stables d’énoncé72, élaborés par une sphère déterminée d’utilisation de la langue et marqués par sa spécificité. Cette approche peut se présenter fructueuse pour l’analyse d’un journal pris dans son unité et pour l’analyse des parties composantes de ce type de discours — genres journalistiques. La richesse et la variété de ces derniers assurent la possibilité d’infinies combinaisons dans « l’univers du discours des publicistes73 » et constituent un « répertoire » pour un journaliste.

Univers du discours médiatique

Presse écrite

Presse quotidienne d'information générale Presse Le Figaro

Schéma 1. Le Figaro dans l‘univers du discours médiatique.

D’après la logique de Bakhtine, ces genres journalistiques sont les genres premiers (sim- ples). Ils sont absorbés par les genres seconds (complexes), dans notre cas — celui des médias. En devenant composantes des genres seconds, ils s’y transforment, se dotent des caractéristiques supplémentaires et entretiennent des relations très complexes avec le genre du discours médiatique et entre eux-mêmes. De cette façon, le même genre de discours dans les médias différents va avoir ses propres traits spécifiques comme par exemple le reportage dans la presse écrite, à la radio et à la télévision. Mais le même genre de discours dans les publications différentes appartenant au même groupe de médias a également ses particularités74. D’autre part, le processus historique de formation des genres journalistiques doit servir d’un autre point de repère pour éclairer la nature de l’énoncé.75 Un des problèmes fondamentaux dans l’étude des genres discursifs est la question du choix des critères pour leur classement. E.-U. Große souligne l’importance de l’analyse de « la structuration de l’article, de ses présignes ( comme par exemple : surtitre, titre, typographie, images et/ou couleurs employées )76 » pour la définition du genre de l’article. Pour Combe tous ces présignes du texte

14 (indices « paratextuels » selon les autres terminologies77) ont leurs propres significations secondaires78 et jouent de même le rôle important lors de la définition de genre de discours. Selon M. Bakhtine, trois éléments — contenu thématique, style et construction compositionnelle — vont déterminer le genre du discours79 d’un article donné. Mais ils ne se présentent pas dans un genre du discours comme des unités isolées. Ces éléments sont indissociablement liés et interdépendants dans le tout du type stable de l’énoncé80. Le contenu thématique est le rapport du discours à la réalité. Ces rapports se manifestent sur des niveaux différents. Il s’agit d’abord du contenu général : un événement, une personne, une idée… Ensuite, de la réalisation plus concrète de ce contenu général. Cette concrétisation présente les aspects différents du contenu général. Un événement, par exemple, peut être exposé dans son déroulement, visualisé ou commenté. Le style de l’article c’est la sélection qu’opère l’auteur parmi les éléments impersonnels et généraux du langage (moyens lexicaux, phraséologiques et grammaticaux). Le style entre au titre d’élément dans l’unité de genre d’un énoncé. Il est clair que la part du style individuel va varier selon les différents genres du discours. Dans le cas des genres journalistiques, cette part va aller d’une brève, ayant un style standardisé, passant par la hard news réunissant les éléments du style individuel et les éléments standards, jusqu’à la critique littéraire, écrite souvent par les écrivains de talent et qui reflète le style individuel de son auteur. La composition, enfin, est un lieu de rencontre et d’interaction entre matériau, forme et contenu. La matière rédactionnelle peut être structurée différemment (structure argumentative, chronologique, expositoire ou autre) compte tenu des intentions du journaliste et du contenu de l’article.

15 2. L’histoire du Figaro

On est toujours l’enfant de quelqu’un Beaumarchais

La presse française est probablement la plus jeune en Europe. La date de naissance de la plupart de journaux est 1945. Presque la totalité des publications ont cessé leur parution à la fin de la deuxième guerre mondiale, accusées de collaboration avec les nazis. Quelques-uns ont réapparu sous des noms un peu changés ( a donné Le Parisien Libéré, par exemple), les autres ont complètement changé le nom, mais ont laissé les apparences de la maquette (les nouveaux fondateurs du Monde ont préféré garder les apparences du Temps en choisissant le nouveau titre) et seulement un petit nombre d’entre eux ont continué leur parution sans changements. Il s’agit ici d’abord des journaux de la résistance, et ensuite de ceux qui ont interrompu leur parution pendant l’occupation de territoire national par les nazis. Le Figaro est un représentant de ce groupe. Et même plus, il est un des plus anciens quotidiens de France81 et le plus ancien des journaux nationaux qui paraissent aujourd’hui. Fondé dans le deuxième quart du XIXe siècle, ce journal a été le témoin et le rapporteur des événements décisifs dans l’histoire de la : Commune de Paris, Affaire Dreyfus, Occupation nazie et la Libération… Ces moments ont influencé d’une certaine façon l’existence de la rédaction et les principes d’organisation du journal. Le but du chapitre n’est pas uniquement la présentation de l’histoire du Figaro comme une institution, mais surtout la recherche des facteurs qui ont influencé la formation du lectorat, les principes de l’organisation actuelle de la rédaction, la forme et le contenu du journal.

2.1. Les origines (1826 – 1854) Les origines du Figaro, tout comme celles du personnage de la comédie portant le même nom, ne sont pas tout à fait claires. Le quotidien a changé plusieurs fois d’orientation, de présentation, de locaux, de propriétaires, de directeurs, de rédacteurs et de lecteurs. Il devient difficile de cette façon de trouver un point de départ pour l’histoire du journal. Le premier numéro du journal portant le titre Le Figaro paraît le 15 janvier 1826. C’est un hebdomadaire de quatre pages de petit format qui traite des informations sur le « théâtre, la critique, les sciences, les arts, les mœurs, le scandale, l’économie domestique, la biographie, la bibliographie, la mode, etc. » L’abonnement est de 60 francs par an. L’équipe rédactionnelle, annoncée dans le journal, est composée d’une douzaine de personnes, mais quelques noms seulement sont réels, le reste est emprunté à la comédie de Beaumarchais. De fait, il n’y a que deux personnes réelles : le chansonnier Maurice Alhoy et le vaudevilliste Étienne Arago82 — les vrais fondateurs du Figaro. A eux deux, ils effectuent seuls les travaux de la rédaction et de la distribution du journal.

Les débuts du Figaro sont peu brillants. Représentant typique de la « petite presse », en un an il change deux fois de propriétaires : fin 1826, le journal est cédé à Lepoitevin-Saint-Alme pour le somme symbolique de 300 F83. Six mois plus tard, le Figaro est revendu à Victor Bohain. Les tirages tombent et la rédaction cherche, pratiquement sans succès, le refuge dans la politique. S’emparant du style pointu et libéral du personnage de la comédie de Beaumarchais, le journal s’engage ouvertement contre les décisions politiques du gouvernement. Il s’oppose violemment au renforcement de la censure. Le numéro du 10 août 1929 paraît dans un cadre noir, symbolisant le deuil de la constitution avec le commentaire suivant : « On parle de rétablissement de la censure par ordonnance. Nous déclarons, n’ayant point à craindre des

16 tribunaux, que nous braverons cette mesure, qui forcément doit être prise. Si nos presses sont enlevées d’assaut par les gendarmes, nous ferons composer et imprimer notre feuille dans les caves. Nos abonnés peuvent être tranquilles; ils recevront le journal, dussions-nous le faire imprimer hors de Paris, voir même en Belgique ». Cela coûtera 1 000 F à la rédaction et 6 mois de prison au rédacteur en chef. S’alliant à la veille de la Révolution de 1830 à l’opposition, en s’associant (parmi 11 autres journaux) à la campagne de Thiers contre le rapport du gouvernement sur la presse, le Figaro profite un peu de la Monarchie de Juillet. Son propriétaire, nommé préfet de la Charente, reste cependant propriétaire du journal. La rédaction est confiée à Henri de Latouche et Nestor Roqueplan. La direction littéraire est renforcée dans la ligne rédactionnelle par l’invitation d’éminents écrivains tels que George Sand, Balzac, Gérard de Nerval, Théophile Gautier. Mais leur collaboration n’apportera qu’un succès relatif et les tirages resteront instables. Dans cette première période le Figaro ne s’est rattaché à aucun parti ou tendance, mais n’a pas su non plus retrouver son propre visage, ni un lectorat stable. De même, les propriétaires se succèdent sans cesse : Boulé, Fanny Elssler, Dutacq, Alberic Second et Emile Pagès, Marc Fournier, Léon Bernis. Pour des raison économiques, le Figaro ne tire alors qu’à 150 exemplaires.

2.2. L’époque de Villemessant (1854-1879) En avril 1854 Hippolyte de Villemessant devient le directeur du journal et, rachetant les droits d’édition, fonde en fait un nouveau journal avec l’ancien titre. A la fin de 1855 il dépose une demande sur la création d’une société actionnaire. Cette demande est accordée et la « Société anonyme dite Société du Figaro » est définitivement constituée sous forme de société en commandite par actions, avec la raison et la signature sociale « Villemessant & Cie ». Elle siège à Paris, boulevard Montmartre, n° 21, possède un capital de 360 000 F, pour une durée de dix années à compter du 1er janvier 1856. »84 Le nouveau propriétaire du journal a déjà une longue expérience dans la création et la direction des entreprises de presse. Ses tentatives de lancer quelques journaux (La Sylphile, le Lampion, La Touche de Fer et le Pipelet Lustucru) avaient eu peu de succès, mais lui ont apporté l’expérience nécessaire. Ne voulant pas payer le cautionnement nécessaire85 pour l’autorisation d’une publication politique, il déclare le Figaro comme journal « littéraire et non politique ». En réalité, Villemessant emploiera souvent cette étiquette pour défendre des positions monarchistes et catholiques sans être classé parmi les journaux politiques. Villemessant utilise rarement son journal comme une tribune pour ses opinions politiques personnelles, mais s’efforce de répondre aux attentes de ses lecteurs. Il mélange les scandales politiques et les mises en cause personnelles pour alimenter les bruits autour de son journal. Bellanger écrit sur le Figaro de cette époque-là : « Tout était bon au Figaro pour parler des autres et pour faire parler de lui.86 » Ceci provoque la critique de tous les camps87, mais augmente les tirages. Le Figaro se profile lentement parmi les autres représentants de la petite presse. Un des journalistes belges de l’époque caractérise le journal de Villemessant : « Dans toute cette littérature facile, je n’estime que le Figaro, qui est réellement un journal de bonne société et qui est même bienveillant pour les catholiques88…» Il paraît que cette opinion est partagée par une partie importante de la population parisienne. Le Figaro est lu par les hommes de l’art, de la littérature, de la politique… Fondé en tant qu’hebdomadaire, il devient bihebdomadaire en 1856, puis quotidien en novembre 1866 et politique en mai 1867 avec un tirage de 56.000 exemplaires et 15.000 abonnés. Ayant de cette façon le soutien de ses lecteurs, le Figaro se permet d’entrer de plus en plus sûrement dans la grande politique sans perdre toutefois son style frivole. Il soutient ouvertement

17 l’Empire, ensuite exige le retour à la monarchie, ouvre ses colonnes aux jeunes républicains avec Zola et Claretie en tête. Il passe sous silence certains événements ( capitulation de Sedan ) et s’explose en passion contre les autres. Durant la Commune le Figaro cesse de paraître. Mais peu après, il devient le journal de la contre-terreur en appelant aux mesures extrêmes contre « la vermine démocratique et internationale ». Le journal doit à Hippolyte de Villemessant un nombre considérable des nouveautés dans sa formule rédactionnelle : il introduit les petites annonces le 17 janvier 1866, une rubrique gastronomique en 1867, les correspondances privées en 1875. Il crée la salle des dépêches, multiplie les correspondances de l’étranger. Dans le domaine de la diffusion du journal il crée les « abonnés du lendemain » qui reçoivent le bouillon89, etc. La palette suffisamment large des opinions politiques et la stratégie éditoriale équilibrée apporte ses fruits : à la fin des années 70, le Figaro est un quotidien qui a son propre visage, son audience, ses clients. Ses tirages sont stables, les revenus sont constants. En avril 1874 il s’installe dans son nouveau et luxueux hôtel, 26, rue Drouot pour être dorénavant présent au cœur des événements. Le journal entre dans sa nouvelle phase.

2.3. Premier quotidien parisien (1879-1922) A la mort de Villemessant le 11 avril 1879, la rédaction du journal est d’abord plongée dans une sorte d’incertitude et de doute : l’image du Figaro est si fortement liée au nom de son directeur, qu’il est difficile de trouver une personne capable de le remplacer rapidement. Après quelques débats, la solution est trouvée : toute une équipe rédactionnelle remplacera le directeur défunt. Le journal est confié à Francis Magnard ( rédacteur en chef ), Fernand de Rodays ( directeur administratif ) et Antonin Périvier ( directeur littéraire ). Les changements réalisés par ce « triumvirat » sont considérables. Le Figaro devient plus sérieux, mais non pas moins polémique ou contradictoire. En invitant Zola pour une rubrique hebdomadaire, la rédaction ne renonce pas en même temps au Manifeste des Cinq contre le « zolisme » dans la littérature. Suivant l’évolution politique du pays, le Figaro quitte dès 1880 le monarchisme et se rallie à la République sans toutefois prendre des positions extrémistes. Le journal proteste ouvertement contre les déchéances des princes de la famille d’Orléans dans l’armée tout en adressant des signes amicaux aux sympathisants de l’Empire90. Parallèlement, la direction fait des efforts considérables dans ses activités économiques. Le Figaro s’investit énergiquement dans l’affaire de Panama, ayant reçu de la société plus d’un demi-million de francs. La collaboration avec différentes banques s’élargit. Cette période marque également l’introduction des suppléments, en commençant en 1882 par le supplément littéraire. En même temps, le Figaro organise des soirées littéraires. Cette initiative durera plus d’un quart de siècle et réunit les premiers jeudis de chaque mois, un cercle étroit des privilégiés qui prennent connaissance des nouveautés de la littérature. Le succès du Figaro s’est confirmé et ses tirages dépassent 80.000 exemplaires entre 1879 et 1895. Au début du XXe siècle le tirage du Figaro tombe à 20.000 exemplaires à la suite de l’engagement du journal dans l’affaire Dreyfus. De Rodays, étant devenu le patron de la rédaction après la mort de Magnard en 1894, met le journal au service de la cause de Dreyfus91 : •Le 14 novembre 1897 paraît la publication du dossier de Scheurer-Kestner qui présente le capitaine comme une victime d’une erreur judiciaire. •Le 16 novembre une lettre de Mathieu Dreyfus désigne Esterhazy comme le vrai coupable. •Le 22 et le 29 novembre le Figaro publie des fac-similés de l’écriture du bordereau et celui d’Esterhazy.

18 •Du 24 novembre au 4 décembre suit la série d’articles La vérité en marche de Zola. Cette campagne, précédée d’une série d’article de Zola dont le premier Pour les juifs datait de 1895, renforcée par les procès-verbaux de Léon Daudet qui rend compte du procès Dreyfus et se termine par la série d’article de Zola. La fin de cette campagne démontre clairement que la rédaction surestimait le niveau de son influence sur les lecteurs. Les propos tenus les ont effrayés et la rédaction est obligée de renvoyer Périvier et de Rodays à la suite des vives protestations des lecteurs qui se manifestent par des désabonnements massifs. Après avoir quitté les rangs des dreyfusards, mais sans rejoindre quand même le camp opposé, la rédaction fait des efforts considérables pour améliorer la situation du journal et regagner la confiance de sa clientèle. La collaboration d’écrivains éminents comme Anatole France ou Marcel Proust dans les rubriques traitant de la vie parisienne est appréciable. Mais il faudra attendre l’arrivée de Gaston Calmette pour changer la situation. A partir de 1902, Calmette est nommé directeur-gérant et le restera jusqu’à son assassinat à la veille de la guerre en 1914. Calmette réorganise très vite le Figaro : il rachète le contrat d’impression et les machines de l’imprimerie, modernise l’immeuble, amortit les dettes et réussit à faire remonter les tirages92 par le retour à l’ancien programme du journal « non politique » visant surtout des milieux aristocratiques, « de la bourgeoisie la plus riche, du grand commerce, de la haute industrie, de l’armée, de la société étrangère la plus élégante.93 » Pour plaire à cette clientèle, Calmette va jusqu’à publier indiscrétions sur la vie privée des personnages politiques et le payera cher. En ouvrant la campagne de presse contre Caillaux, il menace de publier des lettres privées de cet homme politique. La femme de Caillaux assassine le directeur du journal dans son bureau le 16 mars 1914 pour éviter ce scandale. Cette période coïncide avec la démobilisation générale, restriction du papier et la réintroduction de la censure. La direction suivante d’Alfred Capus et de Robert de Flers n’apportera pratiquement pas de changements et en 1920, à la suite d’un conflit interne, ils quittent le Figaro. Louis Latzarus pour la courte période en prend la rédaction en chef.

2.4. Dans l’empire de parfumeur Coty (1922-1933) En 1922 François Coty94, parfumeur milliardaire, achète un paquet de 4.000 actions et devient le nouveau propriétaire du Figaro. Il se réserve la direction et l’orientation politique95 du journal jusqu’en 1933. François Coty investit activement dans le Figaro. En onze ans le journal lui coûtera 85 millions de francs : il installe en 1925 la rédaction au Rond-Point des Champs-Elysées, augmente le capital de la société de moins de 2 millions de francs à 8 en 193296, les tirages du quotidien ont augmenté également jusqu’à plus de 50.000 exemplaires en 1928. Mais il ne saura pas les stabiliser. François Coty, admirateur du fascisme italien, fait mener par son journal des campagnes contre les impôts, contre les « complots occultes » de la haute finance et du communisme inter- national, défend la cause des divers mouvements d’anciens combattants ou de contribuables, des ligues politiques97 qu’il subventionne98. Le nouveau visage du Figaro de Coty contraste beaucoup avec le journal de ses prédécesseurs. La politique est devenue le sujet primordial, mais les articles assez longs, ennuyeux et démagogiques, ainsi que leur ton « populiste99 » et antiparlementaire sont mal reçus par la clientèle habituelle. Les tirages tombent100. Toutes les mesures entreprises (diversification de contenu du journal, changement partiel du titre du journal, des rédacteurs en chef101) n’améliorent pas la situation. Coty est chassé du Figaro en 1933102. Il meurt neuf mois plus tard, le 25 juillet 1934.

19 2.5. La « grande époque » de Pierre Brisson (1934-1965) Après la mort de François Coty, sa veuve, Mme Léon Cotnareanu fait valoir ses droits sur les anciennes actions de son mari et devient la principale actionnaire du Figaro. Lucien Romier est nommé directeur. Pierre Brisson103 prend la direction littéraire et en 1936 devient codirecteur. Le comité de direction compte, avec eux, André Maurois, Paul Morand et Wladimir d’Ormesson ; Pierre Lafite est appelé comme conseiller technique. Gérard Bauer (Guemantes), Henri Vonoven, James de Coquet (au Figaro depuis 1920), Jacques de Lacretelle, François Mauriac, Louis Gabriel-Robinet (entré en 1937), Louis Chauvet, André Billy, Giraudoux collaborent régulièrement au journal104. Les textes rédactionnels sont souvent accompagnés de pages entières d’illustrations et à partir de 1934, de photos. Grâce aux efforts de la nouvelle équipe les tirages remontent : ils atteignent 50.000 exemplaires en janvier 1936 et 80.000 en 1939105. Politiquement, le Figaro retrouve un ton modéré, les polémiques sont à nouveau rares et le journal se replie sur les positions de la droite classique en conservant ses distances à l’égard de l’extrême-droite fascisante : Munichois sans enthousiasme, il prêchait un rapprochement avec l’Angleterre, l’Italie et même Espagne franquiste… Vis-à-vis d’Hitler, le Figaro fut clairvoyant et dénonça régulièrement les dangers du nazisme.106

A la veille de la guerre la censure est rétablie, la restriction du papier réduit le journal à deux pages qui sont presqu’entièrement consacrées à la politique. Sous la plume de Maurice Noël apparaît pour la première fois l’expression de la « drôle de guerre »107 ce qui caractérise assez bien l’angle de présentation de la situation. En 1940, le Figaro se réfugie d’abord à Bordeaux, Clermont-Ferrand puis Lyon où, sous la direction de Pierre Brisson108, il paraîtra jusqu’en 1942. Ayant perdu sa clientèle habituelle à Paris, le Figaro, même avec l’aide des écrivains comme André Siegfried, André François- Poncet, Gide ou Roger Martin du Gard, n’arrivera pas à conquérir les lecteurs de Lyon, et n’existe que grâce aux subventions du gouvernement de Vichy et aux crédits de quelques industriels. Après le conflit avec le ministère de l’information et à la suite de l’occupation de la zone sud du pays, Pierre Brisson arrête la parution du journal pour ne reprendre sa publication qu’après la Libération, le 23 août 1944. Un des rares journaux de droite autorisé à reparaître, le Figaro profite du vide créé par l’ordonnance du 17 février 1945 qui interdit l’usage des titres ayant paru entre 1942 et l’août 1945. Très vite il retrouve ses anciens lecteurs, mais en gagne aussi beaucoup d’autres parmi la moyenne et grande bourgeoisie en atteignant le tirage de 500.000 exemplaires. Pierre Brisson, assisté par une équipe brillante de collaborateurs parmi lesquels Louis Gabriel-Robinet, Maurice Noël, Jacques Patin, Raymond Aron, Georges Ravon, et d’écrivains comme Georges Duhamel ou François Mauriac, continue après la Libération la même ligne de la droite classique, politiquement moins marquée, en préférant une assise plus large et ayant pour but de « renseigner le public ».

En 1950, Mme Léon Cotnareanu, n’ayant pas pu dicter sa volonté à la rédaction, cède 50 % de ses actions à un groupe formé par Jean Prouvost et Ferdinand Beghin. Cette nouvelle société confie la gérance du journal à une société fermière. Pierre Brisson est élu Président Directeur Général de la société propriétaire et de la société de gérance.

2.6. Les années turbulentes (1965-1975) Après la mort de Pierre Brisson109, Mme Cotnareanu vend le reste de ses actions au groupe

20 Prouvost. En 1969 ayant décidé de ne pas renouveler le contrat avec la société fermière, J. Prouvost engage un conflit avec la rédaction110. Ce conflit prend fin en 1971, avec la mise sur pied d’une société de gestion sous la forme d’une société anonyme à direction et d’un conseil de surveillance. Le président de cette société, qui est directeur de la rédaction, a tout pouvoir pour garantir l’indépendance de la rédaction, la physionomie du journal, sa ligne de conduite et la personnalité que lui ont attachée ses lecteurs, ainsi que toute décision qui serait de nature à déterminer éventuellement le jeu de la clause de conscience. Le choix des rédacteurs et chroniqueurs est de sa seule compétence dans le cadre des crédits arrêtés par la direction. Il décide de leur licenciement éventuel, sous réserve de l’approbation du conseil qui possède désormais 97,30 % du capital111. Le capital est divisé en 10.000 actions dont 9.500 actions (A) attribuées à la société propriétaires, 200 actions (B) à l’équipe Pierre Brisson, 200 actions (C) aux membres de la rédaction et 100 actions (D) aux cadres112.

0 2000 4000 6000 8000 10000

A B C D

Schéma 2. La distribution des actions du Figaro.

J. Prouvost, en rachetant les parts de Ferdinand Béghin, devient le propriétaire quasi unique de l’entreprise, le président de la société propriétaires et par conséquent le directeur de la publication avec deux vice-présidents — Jacques de Lacratelle et André-Louis Dubois. Son autorité reste quand même limitée, toujours disputée par la rédaction. Les controverses sur la direction du journal ne cesseront qu’en 1975, quand, âgé de 90 ans, Prouvost cède ses parts à Robert Hersant.

2.7. Première étoile de la « galaxie Hersant » (1975 - 1996) Robert Hersant devient le nouveau propriétaire du Figaro en achetant le quotidien pour la somme de 7,3 millions de francs qu’il paye en plusieurs fractions, dont la dernière ne sera réglée que fin 1976113. Les débuts de la carrière de Robert Hersant sont plutôt malchanceux. Dans les années de la deuxième guerre mondiale il se retrouve pour une courte période dans les rangs des collaborateurs. Cet épisode de sa vie lui sera plusieurs fois reproché au cours de la réalisation de ses projets politiques ou d’entrepreneur. Il sera même condamné à 10 ans d’« indignité nationa- le » ce que lui interdira d’occuper des postes de haute responsabilité. Après l’amnistie, Robert Hersant sort de l’ombre en 1952 en créant l’Auto-journal. C’est une réussite complète qui permettra la constitution du premier groupe de presse français. Ce groupe, dans son apogée

21 occupera plus de 8.000 personnes et contrôlera une quarantaine de titres avec un tirage global de plus de 2,5 millions d’exemplaires, soit 30 % de la presse quotidienne française.

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1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996

Schéma 3. Chiffre d’affaires (en milliards de F) du groupe Hersant 1989 - 1996. Source: QUID 1999, p. 1512.

Le groupe investit surtout dans la presse quotidienne régionale (Les Dernières Nouvelles d’Alsace, Le Progrès de Lyon, Le Dauphiné Libéré, Presse Océan), branche qui résiste le mieux à la crise générale de la presse. Robert Hersant tente également sa chance dans le domaine de la radio, la télévision et la presse étrangère (Belgique, Russie, Pologne, Tchécoslovaquie, etc.). Il est même devenu l’associé du magnat italien Silvio Berlusconi. L’agence de presse (AGPI), l’agence de publicité (Publiprint) et plusieurs régies publicitaires ainsi que le Centre d’imprimerie offset complètent le champ de ses activités. Les liaisons d’affaires avec sa famille114 permettent à Robert Hersant la constitution du groupe de presse français le plus important — la « galaxie Hersant » — qui contrôle en 1992 33,23 % de la diffusion totale des quotidiens d’information générale et politique, selon les chiffres de Diffusion Contrôle (OJD) ou 32,95 % de la diffusion des quotidiens français selon le SNJ. D’un autre côté, le partage entre des sociétés différentes ne permet pas sa poursuite juridique selon la loi sur la concentration de la presse (1986) qui interdit le contrôle de plus de 30 % de la presse nationale, car le Service juridique et technique de l’information du gouvernement (SJTI) est obligé de distinguer Socpresse du groupe France-Antilles. Parallèlement, Robert Hersant suit une carrière politique, s’appuyant bien sûr sur les succès d’un grand patron de la presse. Il devient dans les années 50 un élu du parti socialiste. En 1965 il finance même la campagne présidentielle de François Mitterrand. Assez vite, il change d’étiquette politique, et en 1986 il est élu à l’Assemblée Nationale sur la liste UDF. Durant les dernières années de sa vie, il siège au Parlement Européen. Ses liaisons personnelles dans le monde politique lui sont profitables également dans ses affaires, comme dans l’acquisition du Figaro ou dans l’organisation du financement de son groupe de presse. Mais l’organisation exemplaire de ses entreprises de presse lui permettra toujours de trouver de nouveaux crédits, et il s’ingéniera continuellement à la perfectionner.

Robert Hersant porte toujours une attention particulière au « vaisseau amiral » du groupe – le Figaro. Peu de temps après l’achat, Robert Hersant occupe la place de directeur politique du journal et impose pour les positions-clefs ses proches et amis : son fils Jacques Hersant devient le codirecteur de la publication, son autre fils Michel Hersant est membre du conseil de

22 surveillance, dont le président est André Audinot, proche collaborateur de Robert Hersant, etc. N’étant pas « un homme à transiger sur l’exercice du pouvoir115 », Robert Hersant se sépare d’un groupe des journalistes. Parmi eux, le vice-président du Directoire Jean Griot, président de la Société des Rédacteurs, Denis Perier Daville, membre du Conseil de Surveillance Maurice Tillier, plusieurs rédacteurs en chef, chefs des services, chefs de rubrique, rédacteurs, etc. Jean d’Ormesson quitte son poste du directeur général, mais accepte une chronique régulière au Figaro-Magazine116. Renforçant de cette façon ses positions et avec le soutien du milieu politique et financier, Robert Hersant entreprend des pas décisifs pour faire sortir le quotidien de la crise. Il augmente le capital, simplifie les structures de gestion, modernise l’équipement technique117. En outre, il met en place les structures d’organisation profitables pour plusieurs publications du groupe. Pour le Figaro, par exemple, la participation dans ce groupe engendrera : a) une réduction des coûts de production - certain nombre de services communs (l’agence d’informations118, l’imprimerie, etc.), grand réseau de correspondants, éditions communes (TV Magazine pour les titres du groupe), etc. ; b) des positions plus concurrentielles sur le marché ; c) des possibilités publicitaires plus souples et mieux coordonnées, car la plupart des annonceurs publicitaires souhaitent atteindre le maximum de consommateurs éventuels et s’adressent ainsi en priorité aux groupes de presse ayant leurs propres régies publicitaires et permettant la meilleure coordination dans une campagne publicitaire…

D’un autre côté, il y a également des conséquences négatives liées à la participation du Figaro dans le groupe de presse. Les bénéfices tirés de l’activité du journal sont souvent employés pour améliorer la situation financière des autres publications du groupe ou pour l’élargissement de ce dernier.

La ligne politique du Figaro subit de changements profonds pendant les années de Robert Hersant, surtout après 1977, quand, ancien directeur de Planète, , est nommé directeur des services culturels du Figaro. Il ouvre les colonnes de sa rubrique et un peu plus tard de son hebdomadaire Le Figaro-Magazine aux thèses de la « »119. Un nombre de collaborateurs du GRECE120 avec sont entrés à la rédaction du Figaro-Magazine pour assurer à la nouvelle droite une ouverture médiatique. Cet hebdomadaire, dans l’ombre du quotidien modéré va être, jusqu’à la rupture avec cette mouvance en 1980/1981, « l’organe véritable du néo-conservatisme français, dans toutes ses tendances121 ». Mais, sous la pression des attaques médiatiques contre le GRECE, Louis Pauwels ramène son hebdomadaire vers des positions plus modérées. A l’approche des élections de 1986 le Figaro appelle à l’élection de Jacques Chirac, puis pendant la cohabitation et les deux campagnes présidentielles suivantes, le Figaro, tirant la conclusion de l’échec de la droite (et des critiques de la partie la plus modérée et la plus jeune de son public), souhaite se rapprocher d’une formule plus proche de celle d’un « Washington Post à la française » ce qui implique une ouverture politique plus large. Tout en restant dans les marges d’un quotidien conservateur, le Figaro ne peut pas se permettre de réduire le nombre de ses lecteurs aux partisans des idées extrêmes, choisissant pour sa prise de positions les problèmes touchant la plupart de ses lecteurs : la droite et le pouvoir, l’école libre, l’anticommunisme, etc. C’est dans cet esprit que le Figaro non seulement s’accommode dans ses colonnes de l’expression d’une pluralité assez large d’opinions. Il cherche même cette pluralité. Il l’encourage. Mais avec modération, bien sûr. La place allouée aux vues hétérodoxes et contestataires sera toujours très inférieure à celle réservée aux idées convenues. Il y a des changements dans la société. Il y a des réformes que l’on ne doit pas éviter si l’on veut maintenir les assises de l’organisation de la société telle qu’elle est. Voilà pourquoi on a

23 quelquefois l’impression d’une certaine ouverture politique du journal. L’un des résultats de cette politique d’ouverture est que fréquemment, les journaux de l’establishment semblent parler de plusieurs voix. Sur une même évolution, le correspondant dira une chose, l’éditorial une deuxième et un commentateur une troisième. Ce sera toujours l’éditorial qui révélera la pensée profonde du journal, sa ligne réelle ; le commentaire du commentateur et la dépêche du correspondant n’engagent, à la limite, que leurs auteurs respectifs, qui peuvent être désavoués et licenciés… A cette « polyphonie » à l’intérieur des rubriques s’ajoute encore la séparation des faits et des opinions. Si l’équipe de Max Clos continue toujours la ligne politique d’un quotidien libéral et conservateur, soutenue par Robert Hersant, Franz-Olivier Giesbert « fait la chasse aux idées à l’emporte-pièces122 » dans la rédaction en renonçant au journalisme militant. Son but est de créer un journal « avec des bonnes idées de tous les jours123 », bourré d’informations et où les faits seront séparés des opinions. Giesbert veut contourner de cette façon l’impasse qui sépare aujourd’hui le journaliste de l’information. Ce journaliste doit se mobiliser. C’est, à la limite, le chevalier sans peur et sans reproche qui va lui-même à l’aventure. Celui qui se rend sur les lieux pour y faire lui-même les enquêtes nécessaires. Voilà l’héritage du new journalism américain. Pour Giesbert « le journalisme consiste à sortir des informations… Et non pas à attendre que la dépêche de l’agence tombe, pour préparer son petit commentaire124 ».

2.8. « Outil médiatique puissant, mais fragile » (1996 – 1999) Robert Hersant est mort le 21 avril 1996 à l’âge de 76 ans. Il laisse en héritage un groupe de presse puissant, mais fragile. Le chiffre d’affaires du groupe Hersant est de 6 milliards, mais les dettes de 4 milliards de francs pèsent lourdement sur Yves de Chaisemartin qui reprend les responsabilités à l’intérieur de la société Socpresse. Au début de cette période le Figaro se trouvait dans une phase assez compliquée : la diminution des aides d’Etat, la réduction du marché publicitaire, l’augmentation du prix de papier, ne sont que quelques facteurs extérieurs qui marquaient la situation de la presse écrite française, mais ils pèsent extraordinairement lourd sur le Figaro, compte tenu de ses difficultés actuelles. Dans les dernières années de la vie de Robert Hersant ces difficultés marquent le développement du journal. La concurrence entre les prétendants principaux au poste de directeur politique du journal et les jeux de pouvoir entaillent considérablement la renommée du Figaro. Ceci se traduit assez vite en baisse de la diffusion payée : en 1997 la diffusion totale payée est encore 366 504 exemplaires, en 1998, elle passe à 360 441 et dans la première moitié de 1999 à 356 641125. En 1996 le Monde conquiert la première place pour la diffusion totale payée tout en restant en deuxième position pour la diffusion en France. Ce fait a une portée plus étendue qu’une simple rivalité entre des médias. Il est clair que la renommée du « premier quotidien » signifie également une position forte sur le marché publicitaire. C’est peut être la raison pour laquelle l’ancien directeur délégué du Figaro, Jean Miot, lorsqu’il occupe le poste du directeur de l’ODE126, résiste au désir du Parisien d’être classé parmi les quotidiens nationaux127. Seulement sa nomination à la présidence de l’Agence France-Presse ouvre le chemin au quotidien de la région parisienne vers l’intégration à la famille des quotidiens nationaux. Le couplage du Parisien avec son édition nationale Aujourd’hui lui permet de figurer sur toutes les listes avec une diffusion totale payée de plus de 458 mille exemplaires en 1996 et plus de 467 mille exemplaires en 1997.

24 500000

400000

300000

200000

100000 Le Parisien Le Figaro Le Monde Libération France-Soir L'Humanité 0

Schéma 4. La diffusion totale des quotidiens d’information générale en 1997. Les chiffres du Parisien incluent toutes les éditions. Source : OJD,1996.

Ces facteurs peu favorables pour le Figaro n’allègent pas les tâches d’Yves de Chaisemartin et Franz-Olivier Giesbert, mais les côtés forts du quotidien donnent la possibilité à la direction du journal d’élaborer la ligne rédactionnelle qui répond avec succès aux attentes de ses deux clientèles principales : ses lecteurs et ses annonceurs publicitaires. Dans cette situation, les banquiers principaux (L’UIC, le Crédit Lyonnais et Paribas) imposent au nouveau PDG du groupe la nomination de Bernard Esambert (un banquier du groupe Matra-Hachette) comme chargé de mission. Pour trouver une issue possible à cette situation devenue dangereuse pour le Figaro, la nouvelle direction propose tout d’abord de séparer économiquement le journal du reste du groupe. Les pertes considérables de France-Soir durant les dernières années précédant sa vente, par exemple, pèsent lourdement non seulement sur les finances du Figaro, mais également sur son image et effrayent les annonceurs et les investisseurs. Si le Figaro et ses magazines pouvaient afficher leurs propres chiffres d’affaires (plus de 3 milliards de francs) sans courir le danger que leurs bénéfices soient employés à couvrir les dettes du groupe, mais plutôt à son propre développement, la situation (au moins du Figaro) pourrait être définie comme sûre et solide. En outre, Yves de Chaisemartin propose l’ouverture du capital pour effacer les dettes considérables de la Socpresse. Pour éviter le danger que quelqu’un puisse prendre le contrôle sur le quotidien, le capital étranger ne doit pas être supérieur à 40 % en général et pas plus que 5 % pour chaque investisseur. Une des solutions possibles est la transformation des dettes du groupe auprès des banques en capital de participation. Dans le cadre de cette restructuration financière, une des filiales du fonds d’investissement américain acquiert 4,9 % de la Figaro Holding – la nouvelle structure de contrôle de la société Figaro. Cette opération financière peut garantir le succès seulement dans le cas où la situation financière du groupe reste assez solide. C’est pourquoi Yves de Chaisemartin entreprend tout de suite des actes importants pour assainir l’entreprise. Il réduit la participation du groupe dans plusieurs journaux ou même les vend à la concurrence, comme par exemple le quotidien Centre- Presse est cédé à son concurrent direct La Nouvelle République du Centre-Ouest quelques jours après les décès de Robert Hersant. Fin 1998, il propose la coopération avec l’ancien rival du

25 groupe Hersant – Ouest-France. Trois titres de la presse régionale sont en question : Presse- Océan à Nantes, Le Courrier de l’Ouest à Angers et La Maine libre au Mans. De cette façon, la nouvelle direction de Socpresse sacrifie une des directions qui profilaient le groupe Hersant parmi les autres et constituait un des pivots de son succès. D’autre part, la séparation de quelques projets permet la libération de moyens pour les dossiers plus importants et une amélioration de la situation financière, ce qui peut être décisif pour l’amélioration du plan-média des publications du groupe. La baisse du coût du papier en 1997, en outre, permet de réaliser une économie de 135 millions de francs128. En somme, le groupe réduit son endettement en deux ans d’environ 1 milliard, mais qui reste tout même considérable et s’établit en 1997 à 2,264 milliard de francs129. Dans cette situation la nouvelle équipe lance le Figaro Multimédia, Maison Madame Figaro et, à la fin de 1999, la nouvelle maquette du Figaro quotidien. La nouvelle formule a été préparée dans le plus grand secret durant les 11 mois par une équipe composée de spécialistes en presse, en sémiologie et en graphisme130. En plus, la nouvelle équipe effectue des démarches importantes pour pérenniser l’entreprise. Par exemple, le Figaro et ses suppléments sont présents depuis 1997 sur le Web. Son site Internet sous l’adresse http://www.lefigaro.fr est plus ou moins régulièrement actualisé pour donner la possibilité aux « internautes » d’accéder aux nouvelles informations, de se renseigner sur l’histoire du journal ou sur ses publications et même de lire la une du Figaro quotidien ou de son supplément économique… Ces démarches dans le renouvellement du journal se relèvent nécessaires pour préserver le vieillissement du lectorat et l’érosion des ventes avant que les annonceurs publicitaires ne changent leurs stratégies de placement.

3. Les stratégies et les innovations rédactionnelles … la difficulté de réussir ne fait qu’ajouter à la nécessité d’entreprendre. Beaumarchais

La réalisation proprement dite de la publication inclut en gros trois étapes : la rédaction, la fabrication et la diffusion. Le Figaro confie ces opérations à des services différents, pourtant interdépendants entre eux et liés de liaisons parfois très subtiles mais efficaces.

3.1. L’organigramme du Figaro Les services rédactionnels occupent la place centrale à l’intérieur du journal. Ils sont responsables de : — la mise en rubrique et la sélection des nouvelles, — l’écriture, — la rédaction proprement dite du journal.

Les services rédactionnels assurent la création de la publication. Ils sont composés de journalistes ayant un statut différent — du piégiste jusqu’au grand reporteur. Les journalistes sont regroupés dans les services qui correspondent à peu près aux rubriques du quotidien. Cela nécessite, à son tour, la création de structures quasi administratives à l’intérieur du journal, correspondant aux rubriques ou pages spécialisées, avec un responsable à la tête et des

26 journalistes attachés. Cela permet/exige la spécialisation des journalistes, ce qui présuppose non seulement la connaissance à fond d’un des domaines de la vie sociale (politique, économie, littérature, etc.) mais également les règles de la présentation du matériel, spécifiques pour chacun de ces domaines. En tête de ces services se trouvent les chefs de services131, appelés à coordonner et à diriger le travail des journalistes. Ces chefs de services ont, à leur tour, leurs propres chefs — les rédacteurs en chef132 ayant une spécialisation plus large et qui sont soumis, à leur tour, au directeur de la rédaction.

Directeur Politique du Figaro

Directeur de la rédaction Directeur-adjoint de la rédaction

Rédacteur en chef Rédacteur en chef Chef d‘édition de la rédaction économique

Rédacteur en chef Rédacteur en chef de la rédaction littéraire de la rédaction culturelle

Chefs de services Responsables de rubriques Journalistes

Schéma 5. La rédaction du journal quotidien.

Ce schéma aurait été relativement simple, si les facteurs humains ne jouaient ce rôle subtil mais déterminant dans le fonctionnement du quotidien. Le dialogue entre les rédacteurs et la recherche d’un compromis entre les représentants de niveaux différents de la gestion du journal sont des règles principales dans le jeu de compétences à l’intérieur de la rédaction. Il est rare que quelqu’un soit obligé d’insister sur son pouvoir officiel. Tous les participants sont conscients du rôle de leurs confrères ou de leurs supérieurs, ce qui crée les apparences d’un consensus sur le

27 partage des compétences. Ce consensus va prédéterminer toutes les étapes de la création quotidienne du journal. La première étape de ce travail consiste en sélection des nouvelles. Cette sélection est opérée aux niveaux différents allant du directeur du journal jusqu’à l’initiative d’un journaliste. Deux conférences par jour étudient les propositions venant du Comité éditorial, du service publicitaire et des chefs des services rédactionnels, mais aussi en présences des services des abonnements, de la vente, de l’imprimerie, etc. Le comité éditorial élabore la politique rédactionnelle générale. Il est présidé par Alain Peyrefitte133 et réunit les personnes les plus influantes du journal : Franz-Olivier Giesbert et Paul Guilbert (Vice-présidents), Max Clos, Jacques Faizant, Charles Lambroschini, Antoine-Pierre Mariano, Gérard Nirascou, Charles Rebois, Jean-Marie Rouart, Michel Schifres, Alain-Gérard Slama, Georges Suffert. La première conférence envisage en gros le partage de l’espace entre les rubriques et les événements principaux du numéro. Elle doit décider non seulement quels événements vont être présents dans le numéro du lendemain, mais également quel service va les traiter, leur importance et quel côté d’un événement va être mis en relief. Plusieurs moyens sont mis à la disposition de la rédaction : le nom de l’auteur de l’article, la taille et la forme de la surface, présence/absence des illustrations, jeu de caractères, organisation de la page, etc. ajoutent des sens supplémentaires et peuvent changer profondément la perception du matériel. La maquette d’une publication est présentée à la conférence déjà remplie d’une publicité et des rubriques fixes comme l’éditorial, le carnet du jour, la météo, etc. Ensuite, chaque chef du service énumère les informations qu’il propose pour ce numéro. Après une courte discussion, le secrétariat de la rédaction tranche en dernière instance le partage des colonnes entre les services rédactionnels. Revenant dans ses services, les responsables des rubriques organisent le travail pour assurer la publication. Les informations sont encore une fois vérifiées, corrigées s’il est nécessaire, développées ou parfois subitement annulées compte tenu des nouveaux événements de la journée. La deuxième conférence discute encore une fois le numéro. C’est le dernier moment pendant lequel une information peut être remplacée par une autre sans perturber profondément le travail de la rédaction. Mais c’est la présentation de l’information qui prend ici plus d’importance. Une pré-maquette est présentée par le secrétariat de la rédaction et analysée, corrigée s’il le faut. L’initiative passe à ce moment aux services de la fabrication.

Le travail des conférences est allégé par le fait que la création de la publication se fait sur la base d’une maquette-modèle qui est conçue et adaptée pour chaque journée de la semaine. La maquette prévoit la distribution de l’espace du quotidien entre les pages spécialisées et les rubriques, la succession du matériel, les particularités principales de la mise en page… Cette structure, ainsi que la présentation du matériel, est le résultat d’une longue évolution du journal, des recherches intenses des services rédactionnels actuels et des attentes présumées de ses lecteurs.

3.2. Le lectorat Le lectorat du Figaro est souvent qualifié comme l’objet d’envie de plusieurs médias en ce qui concerne son attractivité pour le marché publicitaire. Parmi les journaux nationaux de l’information générale Le Figaro occupe des positions stables en ce qui concerne sa diffusion (tableau 4) et son audience (tableau 6). Même si le Monde et le Parisien contestent le droit sur la désignation « le premier quotidien national », le Figaro

28 reste de toute façon parmi les quotidiens du premier rang.

2000000

1500000

1000000

500000

0 Le Parisien Le Monde Le Figaro Libération France-Soir

Schéma 6. L’audience des quotidiens nationaux de l’information générale. Source : OJD, 1997.

Mais ce n’est pas seulement la quantité des lecteurs qui donne au Figaro ce poids sur le marché publicitaire, mais leurs qualités. Etant donné que le marché très spécialisé des produits pour les femmes est caractérisé par des investissements forts dans la publicité, la présence massive des femmes parmi les lecteurs (tableau 7) améliore le plan-média du Figaro vis-à-vis des annonceurs. En outre, les comportements communicatifs plutôt stables des lectrices facilitent l’élaboration de la ligne rédactionnelle pour la direction du quotidien.

Femmes 45 %

Hommes 55 %

Schéma 7. Lecture numéro moyen: sexe des lecteurs (en pour-cent). Source : OJD, 1993.

Les autres caractéristiques des lecteurs du journal déterminent également l’élaboration de la ligne rédactionnelle de la publication. Ainsi, le fait que presque deux tiers des lecteurs habitent la région parisienne (voir, schéma 8) explique la présence élevée des événements « parisiens » dans

29 les pages du Figaro. Les taux insignifiants des lecteurs à l’étranger influence également le style de communication et pousse la rédaction à parler plutôt de la part de la population française et non pas de la part de la communauté internationale comme c’est le cas du Monde.

Etranger 5,5

Autres régions de la France 31 %

Région parisienne 64 %

Schéma 8. Lecture numéro moyen: zones géographiques. Source : OJD, 1993.

Les structures du lectorat d’après la profession (schéma 10) ou l’âge (schéma 9) apportent également des informations importantes dans la préparation de la conception du journal. Ainsi le vieillissement du lectorat du Figaro a poussé la direction à changer profondément toute la maquette du journal en allant jusqu’à l’élaboration de la nouvelle stratégie persuasive qui se traduit dans la nouvelle structure du quotidien.

Le vieillissement du lectorat ne représente pas de danger en soi pour la diffusion du journal dans les temps à venir. Les risques plus immédiats se cachent plutôt d’un autre côté : avec la part insignifiante de lecteurs jeunes, les annonceurs publicitaires peuvent réduire la quantité des annonces pour cette publication, ce qui signifierait la réduction des recettes pour la direction avec, comme résultat, l’impossibilité d’ suffisamment dans la préparation de la publication avec toutes les conséquences imaginables.

De ce point de vue, on peut comprendre le désir du nouveau patron du groupe que les lecteurs traditionnels « amènent leurs enfants à lire de plus en plus un journal de presse quotidienne nationale134 » en pensant bien sûr au Figaro.

30 15-24 ans

25-34 ans

35-49 ans

50-64 ans

65 ans et plus

0 50000 100000 150000 200000 250000 300000

Schéma 9. Lecture numéro moyen : âge des lecteurs du Figaro. Source : OJD, 1993.

Tenant compte de l’appartenance du lectorat visé à la classe de la bourgeoisie aisée, le journal doit d’abord lui permettre de se tenir au courant de nouveaux changements dans la vie sociale, d’accéder au maximum d’informations avec le moins de déformations possibles, mais également donner le sentiment (ce qui beaucoup plus difficile) que c’est son journal.

350000 300000 250000 200000 150000 100000 50000 0 Agriculteurs Petits patrons Cadres supérieurs Cadres moyens Employés Contremaîtres O.S. Inactifs

Schéma 10. Lecture numéro moyen : professions des lecteurs. Source : OJD, 1993.

31 3.3. Les magazines Une des directions de l’amélioration de la situation du Figaro était l’inauguration en France de la politique des magazines vendus en suppléments à un prix modique avec le numéro du quotidien de samedi135.

Le Figaro Magazine est lancé le 7 octobre 1978 (faisant suite à un Figaro-Dimanche, dont le lancement avait échoué l’année précédente). Ce magazine devait augmenter la diffusion du Figaro quotidien en fin de semaine et attirer de nouvelles publicités. Robert Hersant confie la direction du nouveau supplément au directeur du service culturel du Figaro Louis Pauwels136. Dès le début il pratique la politique des « grandes signatures » en invitant Jean d’Ormesson, Bernard Gavoty, Jean Ferré… à écrire dans le magazine. Lors de la constitution de la rédaction Louis Pauwels invite des journalistes venant de la presse de droite (, Aspects de la France, Éléments)137 en regroupant autour du magazine la nouvelle droite. Alors même que le quotidien avait repris des positions plutôt centristes, le Figaro Magazine continue à publier les articles politiquement « très à droite ». Actuellement le magazine rencontre les mêmes difficultés que les autres publications du groupe. La perte de près de 200 000 exemplaires en dix ans, les problèmes financiers, les changements incessants dans l’équipe rédactionnelle… ne sont que quelques indices de la situation compliquée du magazine. Pour le sortir de la crise, la direction de la Socpresse demande à Franz-Olivier Giesbert « de délaisser le quotidien pour se consacrer uniquement au magazine138 ». Son engagement apporte assez vite ses premiers fruits et le magazine peut afficher une hausse de diffusion de 1,5 % ce qui représente en 1997 495 569 exemplaires139.

Madame Figaro commence sa parution le 26 avril 1980. Placé également sous la direction de Louis Pauwels, ce magazine est une réponse au fait que presque de la moitié du Figaro sont les femmes. Consacré aux thèmes intéressant particulièrement les femmes, Madame Figaro est un support parfait pour la publicité : sur 110 pages de la publication il y a 44 pages de la publicité et 40 pages d’articles de complaisance.

Le Figaro TV. Après une tentative infructueuse de mars 1980 à avril 1981, Robert Hersant transforme en février 1987 France-Soir Magazine en TV Magazine — un hebdomadaire donnant les programmes des émissions de télévision de la semaine. Sous un nom un peu changé (TV Magazine) le Figaro TV accompagne les quotidiens de l’empire Hersant, mais également les publications des autres groupes de presse : La Montagne, La Dépêche du Midi, Nice-Matin, Midi libre, Le Courrier picard, etc., en tout 25 quotidiens avec un tirage de plus de quatre millions d’exemplaires140.

3.4. Les suppléments L’amélioration des anciens et la création de nouveaux suppléments thématiques (Fig-Eco, Figaroscope, Figaro littéraire, etc.) ont permis au Figaro d’élever considérablement le niveau de l’édition. Le Figaro-Economie est créé en septembre 1985. Il paraît du mardi au samedi avec le Figaro quotidien. Ce supplément a pour but de présenter à ses lecteurs l’actualité économique et boursière sous forme d’articles courts et rapides à lire. Les schémas et les diagrammes accompagnent souvent le discours. La couleur particulière des pages permet de les retrouver rapidement. Ce supplément est devenu avec le temps une partie très importante du journal quotidien — la lecture obligatoire pour tous les professionnels de l’économie. Sur l’initiative de Robert Hersant sa pagination est augmentée de 4 à 8 pages et aujourd’hui le Fig-Eco est une sorte de 32 journal dans un journal avec la structure complexe et la multitude de thèmes du domaine économique. La première page du supplément présente les événements principaux. C’est une sorte de une. La deuxième page est souvent consacrée à un événement important. Les pages 3 à 5 contiennent les informations économiques. Les genres préférés sont ici hard news et le filet. Les filets sont rassemblés dans la partie supérieure de la page sous la rubriques Repères. La présentation de l’information suit les règles de la proximité géographique. On traite d’abord les nouvelles de l’étranger, puis de la France et ensuite des entreprises particulières. Les pages 6 et 7 ont le même nom, La vie des marchés et elles contiennent les informations boursières, la page 6 s’occupe de l’étranger et la page 7, de la bourse de Paris. La dernière page du supplément est consacrée à la vie des médias et de la publicité. Les spécialistes du domaine trouveront ici les informations principales sur cette branche : nominations, nouvelles campagnes, rumeurs… L’édition de lundi avec un tirage de 460 000 exemplaires en format tabloïd, est destiné aux cadres en publiant des informations économiques. Les offres d’emploi représentent 4/5 de la publication. La journée de publication (lundi) doit permettre aux lecteurs de faire leurs plans pour la semaine en tenant compte de ces informations.

Le Figaroscope est un hebdomadaire ( il paraît le mercredi ) en format tabloïd et un tirage de 253 000 exemplaires. C’est une sorte de city-magazine lancé au mois de mars 1987 qui a pour vocation de proposer à ses lecteurs de Paris ou de la région parisienne les informations liées à la vie culturelle de la région : cinémas, théâtres, expositions, restaurants, shopping, etc. Cet hebdomadaire comporte les rubriques suivantes : Restaurants, Sucré-Salé, Dossiers Tendances, Île-de-France et Régions, Paris-Parcours, La Vitrine des Antiquaires, Cinémas, Théâtres, Musiques.

Le Figaro littéraire est le supplément le plus ancien du Figaro. Son premier numéro paraît déjà en 1946 à l’initiative de Pierre Brisson. A cette époque c’était un hebdomadaire autonome, offert en dehors du quotidien. Dans cette vielle tradition du Figaro, ce supplément hebdomadaire de huit pages sous la direction de Jean-Marie Rouart publie les informations sur les livres, les écrivains, la littérature… Il paraît le jeudi pour donner la possibilité aux lecteurs de commander les ouvrages et de les recevoir (sauf les lecteurs de province) pour le week-end. Le matériel rédactionnel est accompagné largement de la publicité des maisons d’éditions.

En plus, le Figaro édite Le Figaro La Défense. Cet hebdomadaire en format tabloïd avec une diffusion de 30 000 exemplaires est destiné aux dirigeants et cadres supérieurs qui « travaillent, vivent et consomment à la Défense ». C’est un journal de proximité. Son but est d’apporter une information complémentaire concernant la vie de la cité : actualité, sujets économiques et culturels, informations pratiques…

Ce modèle ne reste pas figé. De temps en temps la rédaction du journal fait des essais d’introduction de nouveaux thèmes ou d’élargissement des anciens. Pour ne citer que quelques exemples de cette tactique, on nomme ici : •passage du Fig-Eco de quatre à huit pages ; •apparition de la page spécialisée la Vie des médias ; •création de nouveaux suppléments Figaro Patrimoine, Figaro Multimédia, etc.

Ces expériences sont suivies d’études minutieuses sur le comportement des lecteurs et les réactions du marché publicitaire. Si ceux-là sont positifs, le supplément (la rubrique) garde sa place à l’intérieur du journal, dans le cas contraire, la rédaction reprend la formule habituelle. Cette tactique garantit le développement continu sans gros risques de perdre des positions

33 acquises, mais exige la connaissance parfaite de ses lecteurs.

3.5. Les innovations dans la fabrication du journal L’analyse de la production du quotidien est aussi importante dans la description de l’activité économique que dans sa conception, sa stratégie publicitaire ou l’organigramme de son groupe. Ces dernières années, la direction du journal a pris un nombre considérable de dispositions visant à la réduction des dépenses liées à la production et à l’augmentation de la qualité d’exécution du journal : •la fusion de certains services au sein du groupe (service de documentation, de l’imprimerie, infirmière…), •le transfert de l’imprimerie à Roissy en raison de l’application de fac-similé (les dépenses inférieures, l’emplacement proche de l’aérodrome, etc.), •l’élaboration de la maquette d’édition PAO pour chaque journée, •l’amélioration de la qualité du papier ce qui a permis l’impression de la publicité de haute qualité, quadrichromie…

La fabrication d’un quotidien commence dans l’atelier de la mise en page qui se trouve dans le même bâtiment que la rédaction du Figaro. Avec l’introduction de la saisie rédactionnelle et de la mise en page électronique, la fabrication est devenue considérablement efficace : la place de travail de chaque journaliste est équipée d’un ordinateur, lié aux agences d’information ainsi qu’aux services du quotidien. De cette façon, le journaliste reçoit sur son écran les dépêches des principales agences d’information. Ayant composé son article, il peut l’envoyer sur l’écran du chef de service, mais souvent la présentation d’un article s’effectue encore sur papier. Après les corrections ce dernier peut le passer sur l’écran du rédacteur en chef et ensuite, au secrétariat de la rédaction. Le secrétariat de la rédaction envoie ce texte, accompagné des instructions sur la mise en forme, à l’atelier de la mise en page. Lorsque le travail de la mise en page est terminé, on actionne la photocomposeuse qui sort alors le bromure de la page entière. Ces bromures sont envoyés à l’imprimerie où ils sont photographiés, puis, à partir du négatif obtenu, il ne reste qu’à les copier sur la plaque offset. Cette plaque d’impression est ensuite fixée sur la rotative qui tire un certain nombre d’exemplaires141. De cette façon, tout le travail, depuis la création du texte par un journaliste jusqu’au démarrage de la rotative est effectué d’écran à écran à l’aide des ordinateurs. Même l’impression est déjà semi-robotisée – l’approvisionnement en papier, le contrôle d’impression, etc. Cela n’a pas encore contribué à une économie de moyens financiers, mais a amélioré la qualité de la fabrication, a permis de réduire (malgré l’opposition du syndicat du Livre) les moyens humains et a donné plus de liberté aux services du journal dans l’élaboration de la conception de la publication.

L’élaboration de la conception générale du journal doit tenir compte de : •de l’image que le journal veut se donner de lui-même ; •des particularités du lectorat ciblé ; •de la situation communicative actuelle.

Ainsi, les succès dans les prévisions météorologiques ont rendu superflu l’adjectif « proba- ble » dans le nom de la rubrique correspondante, et le substantif « temps » a été remplacé par le terme plus moderne de « météo ». Le progrès dans le traitement d’images a aidé à perfectionner la présentation de la carte météorologique et le niveau de connaissances accru des lecteurs a permis d’introduire des notions scientifiques dans le discours de la rubrique.

34 3.6. L’organisation de la diffusion

Dans le domaine de la distribution et surtout dans la promotion, la rédaction montre le même caractère novateur que dans les autres activités.

Les moyens principaux de la distribution du Figaro sont : • la vente au numéro, • l’abonnement, • le portage à domicile.

Comme une sorte d’expérience la rédaction a pris part à l’initiative d’une filiale commerciale de la RATP, les Relais H, la Seprotec et les éditeurs de quelques journaux pour tester la vente à l’aide de distributeurs automatiques installés dans les stations de métro où les Relais H sont absents. Le premier bilan montre que les lecteurs du Figaro restent réticents vis-à- vis de ce nouveau mode de distribution, à la différence des lecteurs du Monde et de Libération.

600000

500000

400000

300000

1979 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999

Schéma 11. Tirage, diffusion totale payée et diffusion totale du Figaro (1979-1999). Source : Diffusion Contrôle (OJD), 1999.

3.6.1. La vente Le principal moyen de diffusion142 du Figaro est la vente au numéro. Cette forme de diffusion est la plus fréquemment utilisée en France, vu les nombreuses difficultés liées aux deux autres formes de diffusion — l’abonnement postal et le portage.

35 4000000 3500000 3000000 2500000 2000000 1500000 1000000 500000 0 Poste Portage Vente Divers Gratuits

Schéma 12. Diffusion moyenne du Figaro en 1992. Source : OJD, 1993.

Le journal dans ce cas suit le chemin de n’importe quelle autre marchandise. Après l’étude minutieuse du marché le journal est livré dans les points de ventes (kiosques, maisons de presses, etc.) situés sur tout le territoire national143 par intermédiaire des N.M.P.P.144 Le chemin de l’imprimerie jusqu’à ces points de vente est parfois assez long et, en tout cas, assez cher. Pour avoir la garantie que le quotidien soit livré dans les coins les plus lointains et parfois difficilement accessibles, le journal doit payer les commissions prélevées tout au long de la chaîne de distribution — N.M.P.P., gros distributeurs, marchands, etc., ce qui représente plus de 30 % du prix de revient. En outre, de cette façon le Figaro ne peut pas réaliser la promotion directe auprès des marchands de journaux, ce qui l’amène à renforcer la publicité par les autres moyens. Ceci exige bien sûr des dépenses considérables, surtout dans le cas du Figaro, car si l’on veut atteindre le lectorat visé, il faut du temps (participation régulière dans les émissions radiophoniques ou télévisées des membres de la rédaction, etc.) et de l’argent (Cross, Roland Garross, distributions gratuites145 et taux préférentiels pour les étudiants, hôtels, etc.). Dans cette situation, pour compenser au moins partiellement ces dépenses considérables, le Figaro a opté pour une politique de prix assez élevés — 7 F. Le prix élevé du quotidien influe certainement sur ses ventes, en réduisant le nombre des lecteurs issus surtout des couches moyennes et inférieures, ce qui permet à la direction de garder le haut niveau des investissements publicitaires. Ensuite, compte tenu du fait que les revenus du Figaro proviennent à 80 % de la publicité et non pas de la vente, chaque nouveau lecteur accroît les dépenses pour la fabrication de numéros supplémentaires et pour la diffusion, ce que signifie que l’accroissement du lectorat aurait exigé des nouveaux investissements de la part de la société éditrice, sans impliquer la hausse de revenus publicitaires.

Cette vente au numéro signifie, en outre, une sorte de liaison permanente avec des lecteurs — chaque changement dans la ligne éditoriale du journal, la prise de position par rapport à un événement, etc. est tout de suite reflétée dans la courbe de vente, dont les données sont présentées par les N.M.P.P. et contrôlées par plusieurs organismes d’études sur la presse. Le fait de connaître rapidement les résultats de vente — autrement dit, la réaction des lecteurs — permet d’ajuster presqu’aussitôt la politique éditoriale aux besoins de la rédaction et retrouver les pertes

36 des lecteurs, tandis que dans le cas de l’abonnement ou du portage, le désabonnement de la clientèle est difficile à corriger.

3.6.2. L’abonnement Le deuxième moyen de diffusion est l’abonnement postal. Dans ce cas, le journal est livré chaque jour, en même temps que le courrier, à domicile. L’abonnement postal aurait permis, dans le cas de l’élargissement de cette forme de diffusion, d’ajuster le tirage sur la diffusion réelle, assurer le financement à l’avance de la production et de la diffusion – un facteur non négligeable vu les difficultés financières du groupe Hersant. Mais compte tenu des difficultés et des inconvénients de cette forme de diffusion (avec le facteur le journal arrive trop tard — à 10 - 12 heures, quand les gens sont déjà partis au travail et parfois même encore plus tard quand les journaux du soir sont en vente ; absence de feed- back ; le fonctionnement parfois „imparfait“ de la poste, le prix élevé146, etc.), l’abonnement ne représente que 10,2 % de la diffusion générale.

Il est clair que les journaux d’opinions (La Croix et L’Humanité) rencontrent moins de difficultés pour persuader leurs lecteurs d’opter pour cette forme de diffusion, mais même les efforts de la direction du Monde apportent plus de résultats. Les taux d’abonnement de ce journal (presque 30 % de la diffusion totale payée) sont trois fois plus élevés que ceux du Figaro.

100

80

60

40

20 Le Parisien Le Figaro Le Monde Libération France-Soir La Croix L'Humanité 0

Schéma 13. Les taux d’abonnements des quotidiens d’information générale en 1997 (en % par rapport à la diffusion totale payée hors le portage). Données : Diffusion Contrôle.

3.6.3. Le portage à domicile Le portage à domicile n’est utilisé qu’à Paris et en région parisienne. Dans ce cas, le journal est livré avant 7 heures du matin par porteur spécial. En 1996, 43 000 foyers à Paris ont eu recours à cette forme de diffusion. Le prix de cette forme d’abonnement est assez élevé - 220 F par mois, ce service ne visant que les « foyers à hauts revenus »147. Le portage à domicile rencontre beaucoup de succès chez les annonceurs qui profitent de

37 cette occasion pour distribuer des mailings, échantillons ou catalogues. Par contre, les N.M.P.P. et les marchands de journaux expriment plutôt une sorte de résistance. L’élargissement cette forme de diffusion des journaux à fort tirage signifierait des pertes de profit considérables ou même la restructuration totale du vieux système qui occupe actuellement plus de 80 000 personnes.

3.7. Le rôle de la publicité La publicité a pour le Figaro une importance exceptionnelle, compte tenu qu’elle représente la source principale des revenus du quotidien et varie selon différentes périodes de 75 % à 80 % du chiffre d’affaires, tandis que la vente du journal ne couvre même pas ses coûts de production. Mais, d’un autre côté, la publicité change radicalement le fonctionnement du journal quotidien, le met dans un autre système de relations socio-économiques. Pour répondre aux attentes de ses lecteurs (habitués de longue date aux publications publicitaires et conscients que la publicité est devenue vitale pour la survie financière du journal148), la rédaction doit ne pas surcharger les pages par des publications, en fait, profondément étrangères au contenu du quotidien, garantir la notoriété des annonces insérées et, surtout, intéresser le lecteur, soit par l’information contenue dans l’annonce, soit par l’exécution de la publicité. C’est-à-dire que la publicité doit ne pas empêcher la lecture du journal, mais au contraire, donner des précisions et être une sorte d’aide ou de conseil. Dans ce cas seulement l’annonce publicitaire va être lue — condition nécessaire pour l’annonceur.

2000

1500

1000

500

0 Le Figaro Le Monde Le Parisien Libération L'Humanité La Croix

Schéma 14. Les quotidiens français d’information générale. En blanc : chiffres d’affaires. En noir : recettes publicitaires ( 1988, en milliers de francs ; source : Écho de la Presse, n° 1, janv. 1989 )

Pour ne pas tromper les attentes des annonceurs le Figaro prévoit entre autre : — l’amélioration de la qualité du contexte publicitaire : il s’agit ici du niveau général des marques que les tarifs élevés publicitaires ainsi que les caractéristiques des lecteurs du Figa- ro tiennent assez élevé. Si cela ne suffit pas « Le Figaro se réserve le droit de refuser purement et simplement une annonce (même en cours d’exécution d’ordre) et plus particulièrement quand

38 par sa nature, son texte ou sa présentation, elle paraîtrait contraire à l’esprit du journal ou susceptible de provoquer des protestations de ses lecteurs ou de tiers149 »; — l’accord du matériel rédactionnel avec les stratégies commerciales des annonceurs : avant tout, cela a comme résultat la suppression du matériel compromettant l’entreprise d’un annonceur réel ou éventuel. Ainsi, J.-F. Brisson150 cite comme une conséquence d’un éditorial de François Mauriac sur un sujet antialcoolique, l’annulation d’une publicité pour la somme de seize millions (d’anciens francs). Mais les conséquences de cette politique commerciale sont beaucoup plus larges et présupposent l’ajustement de la ligne générale du quotidien avec les intérêts de la grande bourgeoisie — annonceurs possibles du quotidien en question. Cela se traduit en contournement de tous les sujets pouvant provoquer la lecture ambiguë d’une annonce ; — l’amélioration de niveau de la persuasion qui est atteint par : •l’adhésion aux organismes des enquêtes et de contrôle sur la presse et la publicité (l’OJD151, BVP) ce qui augmente la notoriété des annonces publicitaires du journal ; •accompagnement des annonces par des articles rédactionnels traitant le même sujet — l’article de complaisance152 ; — la mise en forme du journal compte tenu de la publicité à insérer dans le numéro ; — l’amélioration d’exécution technique de la publicité ; précisément à cause de cela, la direction du Figaro a été amenée à améliorer la qualité du papier et à adopter le recours à la couleur153 ; — l’emplacement de la publicité en fonction de ses cibles et ses objectifs ; cela n’est pas compliqué dans le cas du Figaro, car la structuration du contenu du quotidien en rubriques et le planning exact le permettent facilement ; — analyses et enquêtes sur les motivations et les réactions des consommateurs… La résolution de ces tâches a exigé la création d’un organisme spécial ne s’occupant que d’activité publicitaire. Cet organisme — la régie publicitaire Le Figaro Publiprint — a été créé et implanté dans le même bâtiment que la direction du journal sous la présidence de Cyrille Duval. Le but du Figaro Publiprint est de concevoir, d’exécuter, de contrôler la publicité et de la placer dans les supports adéquats (pages spéciales, suppléments, etc.). C’est dire qu’il doit tout à la fois étudier les problèmes commerciaux et techniques posés par un projet de campagne publicitaire, se livrer à des analyses et des enquêtes sur les motivations, les comportements et les réactions des consommateurs154, choisir les supports les plus adéquats étant donné les objectifs recherchés par la campagne. Le prix de l’insertion varie selon l’espace occupé par l’annonce. En avril 1993 le millimètre de la page intérieure du quotidien coûtait 121 F et toute la page 365 000 F. Mais, en réalité le prix est calculé pour chaque emplacement. Ainsi, pour les manchettes de la une il faut compter 30 000 F, tandis que pour les manchettes de la dernière page — 16 000 F. Pour un millimètre de la rubrique la Vie au Féminin on paye 140 F, et pour le même espace au Figaro Littéraire — 59 F. La majoration de 10 % est exigée le samedi. Pour les frais techniques couleur, il faut ajouter : •bichro : 27 000 F ; •trichro : 54 000 F ; •quadri : 81 000 F. Le prix de l’espace du quotidien est fonction des coûts de production, mais aussi et surtout de lecteurs qui lisent telle ou telle page, telle ou telle rubrique. L’activité rédactionnelle tire également le prix de l’annonce vers le haut. Plus le matériel rédactionnel est consacré aux sujets proches de la publicité, plus le prix d’insertion est élevé. La publicité rédactionnelle devient dans ce cas superflue. Parmi les annonceurs individuels achetant l’espace le plus souvent au Figaro, on peut citer :

39 • produits de beauté : Chamet, Baccarat, Claude Gilbert, Chanel, Lancel, RW ; • automobile : BMW, Jaguar, Renault, • banques et assurances : Crédit Lyonnais, GAN, Société Générale, • médias : Europe 1, FUN, Sport-autojournal, • voyages : Aeromaxico, Fram, Havas, Tourmonde Ainsi, compte tenu de la faible durée de vie du quotidien et de l’audience inférieure à celle des magazines ou de la télévision, le Figaro, dans sa stratégie publicitaire, essaie de jouir de ses avantages : pénétration nationale, poids considérable de la bourgeoisie aisée parmi ses lecteurs, sélectivité (rubriques et suppléments), matérialité du message, précision et autorité d’information, riches relations personnelles… En outre, le succès de la stratégie publicitaire du Figaro peut être expliqué par la « spécialisation » dans les secteurs d’activité bien déterminés ( produits de beauté, immobilier, etc. ), où ce quotidien a une situation de quasi monopole. Le recul des recettes publicitaires de la presse quotidienne des derniers quatre ans touche encore plus le Figaro compte tenu de la disparité entre les stratégies publicitaires et le profil du lectorat, surtout en ce qui concerne son âge. C’est pourquoi, la direction recherche de nouvelles voies pour changer la situation : • les offres publicitaires communes de plusieurs journaux (le Figaro, Libération et en 1996 par exemple) ; • les campagnes d’affichage pour améliorer la marque du quotidien ; • la nouvelle maquette en 1999 pour attirer un lectorat plus jeune, etc.

40 4. La structure générale de l’édition et les genres du Figaro 4.1. Les blocs thématiques L’édition nationale du Figaro quotidien comporte en moyenne 30 pages sans tenir compte des suppléments, mais elle peut en avoir moins (faute d’événements politiques importants ou problèmes financiers du journal) ou davantage (en raison de publications commerciales à insérer ou d’un événement extraordinaire). Toutes ces pages sont créées par des gens différents et organisées de façon différente. Il y a quand même quelque chose qui est propre à toutes ces pages et qui nous permet de reconnaître assez facilement le Figaro parmi les autres publications, même d’après un article découpé. Il y a le style du Figaro. On peut observer ce style à travers les positions socio-politiques des journalistes prises dans leurs articles, à travers les caractéristiques purement linguistiques du matériel rédactionnel, à travers la structure et la mise en page du quotidien.

La structuration de la matière rédactionnelle se révèle indispensable, vu la quantité du matériel et la multitude des sujets traités. Sans elle, l’orientation à travers les thèmes et les sujets serait quasiment impossible. Mais ce n’est pas tout : Premièrement, le regroupement thématique du matériel rédactionnel répond aux attentes des annonceurs publicitaires. En s’adressant à des catégories de lecteurs déterminées (la Vie au féminin, la Vie de l’automobile, la Vie de l’éducation, etc.) la rédaction prend en charge, d’un côté, des « satisfactions » de groupes divers et, de l’autre, garantit la lecture adéquate des annonces publicitaires destinées à cette catégorie de lecteurs (publicité des produits de beauté sur les pages de la Vie au féminin). Deuxièmement, ce n’est pas une simple énumération des thèmes à publier, mais une sorte de hiérarchie de thèmes et de sujets. Elle est en premier lieu l’expression de la ligne rédactionnelle et de l’image que le journal veut faire de lui. Si nous renversons par exemple ce chemin de fer (les Opinions à la dernière page et Actualité au début du quotidien, suivie de la Vie au féminin, l’Art de vivre, Courses, Culture, etc.) nous allons avoir un journal de type magazine. Le placement des petites annonces et des annonces publicitaires au début de la publication avec la distribution de la matière rédactionnelle en bas de page va ressembler pratiquement à n’importe quel quotidien avec la quantité importante de la publicité d’un de ces journaux gratuits qui ne vivent que de la publicité. D’un autre côté, elle doit tenir compte de solutions proposées par les concurrents. C’est probablement la raison principale pour laquelle le Figaro place la Vie internationale avant les pages de la vie politique en France. Troisièmement, l’élaboration de la structure de l’édition tient compte de comportements culturels des lecteurs. La structuration rigoureuse de la matière rédactionnelle, sa distribution en articles courts, l’habillage qui permet l’extraction rapide de l’information — tout cela doit satisfaire aux besoins d’une partie importante des lecteurs du Figaro.

Tout l’espace du quotidien est subdivisé en quelques blocs thématiques, composés à leur tour de pages spécialisées qui contiennent une ou quelques rubriques. Certaines rubriques sont régulières et paraissent chaque jour (éditorial, météo, programmes de la télévision, etc.), les autres n’apparaissent qu’une ou deux fois par semaine. La distribution de la matière rédactionnelle en blocs et en rubriques comme on la connaît aujourd’hui, est une innovation relativement récente.

41 A l’époque de la fondation du Figaro, cette manière de structurer l’information n’était pas appliquée de la même façon qu’aujourd’hui. On organisait les articles en rubriques, plutôt en raison du style d’exposé que du thème. Les Nouvelles à la main et les Chroniques parisiennes étaient certainement les rubriques les plus lues et les plus connues des premiers numéros du Figaro. Les Nouvelles à la main ont été une découverte du Figaro. Cette rubrique était composée d’articles courts de trente à cinquante lignes traitant les faits divers par anecdote. Écrites avec beaucoup d’esprit et d’imagination, les Nouvelles à la main se distinguaient beaucoup du journalisme traditionnel de l’époque par le ton frivole. Voici comment H. de Villemessant définissait cette rubrique : « C’est quelque chose qui ne s’écrit jamais, qui se raconte partout et s’invente quelquefois. Pour nous, ce sera comme un passe partout qui nous permettra d’ouvrir la porte à ces mille bruits sans consistance qui viennent du salon, du foyer de nos théâtres, des clubs littéraires, de l’atelier, de la place publique. […] Cela vient on ne sait d’où, est arrivé on ne sait quand, a été fait on ne sait par qui. C’est un bon mot, vieux ou neuf, original ou vulgaire…155» La Chronique parisienne jouait le rôle d’éditorial et de revue de la semaine à la fois. Elle occupait le plus souvent les quatre colonnes de la première page et était accompagnée d’un titre, d’un sous-titre et d’un chapeau-sommaire. Il s’agissait d’un commentaire sommaire des événements principaux de la semaine où le comique et le sérieux voisinaient, donnant l’effet de la légèreté boulevardière. « Il y a à Paris des semaines spirituelles, il y en a d’autres éminemment sottes. - Une chronique étant l’expression de la société, vous voyez d’ici les conséquences. Dans ce métier, ce qui est plus essentiel que l’initiative de l’esprit, c’est son aptitude à saisir les travers et les ridicules de son temps, une certaine intuition de ce qui est plaisant de sa nature, une probité de caractère qui permet d’effleurer les choses sans blesser les hommes, et par dessus tout, l’art de dépouiller le mouvement contemporain de ses deirsius, pour en donner l’expression en un mot156 », écrivait Villemessant dans le premier numéro du journal en expliquant le style frivole et ironique de ces „chroniques“. Le Figaro du XIXe siècle était classé parmi les journaux littéraires et fournissait toujours des textes actuels et de bonne qualité aux lecteurs qui s’intéressaient à la littérature. Ce sujet était traité dans ses chroniques, ses reportages, mais surtout dans les rubriques Beaux-Arts, Revue littéraire, Courrier des Théâtres. Le bas de deux premières pages était consacré à un feuilleton et (parfois deux qui, dans ce cas, ne se terminaient pas en même temps). A ses débuts la rédaction du Figaro n’a pas suivi le modèle traditionnel de cette rubrique. Les sujets débordaient largement les problèmes littéraires et, ce qui est beaucoup plus important, les premiers feuilletons étaient des récits courts, n’avaient pas de suite dans les numéros suivants. Très vite cependant, la critique littéraire ou le roman court ont pris leur place au rez-de-chaussée du Figaro en suivant l’usage habituel apporté par Girardin dans la Presse en 1836. Mais ce n’est que depuis le mois de novembre 1866 que le feuilleton commence à remplir ses fonctions de continuation des numéros ce qui est liée à son tour à la périodicité de l’achat du journal. En outre, pour un journal littéraire le feuilleton romanesque fournissait toujours un matériel actuel aux lecteurs intéressés par la littérature. Les petites annonces du Figaro, introduites à l’exemple anglais en 1876, étaient alimentées pour une bonne part par l’esprit de ses rédacteurs et servaient de moyen d’expression à la galanterie parisienne157. A ses débuts, c’était une rubrique qui amusait.

Si le Figaro de Villemessant n’avait d’autre but que de distraire, après la mort de son fondateur, le journal a vite changé ses apparences et son contenu. Les rubriques littéraires ont pratiquement disparu. Les petites annonces se sont rapprochées de petites annonces actuelles et les rubriques politiques sont devenues plus variées et sérieuses (Gazette des tribunaux, la Vie

42 parlementaire, Enquête, etc.). A la veille de la guerre, les publications du Figaro prennent de plus en plus un caractère belliqueux. Elles font apologie de la guerre, « seule hygiène du monde », célèbrent l’amour du danger, du geste agressif, de la patrie régénérée… En ce temps-là, le Figaro classait ses articles en fonction de l’éloignement spatial et temporel de l’origine. De cette façon, Paris occupait une place importante dans la distribution de contenu du journal. Les événements ont été classés par rapport à leur éloignement spatial de la capitale en faisant un cercle : Écho de Paris, La Vie de Paris, La vie hors Paris, Hors de France en se terminant par Paris au jour le jour — réplique plus légère de la première rubrique.

Avec l’arrivée de Pierre Brisson, le journal introduit à côté de rubriques traditionnelles les nouvelles rubriques : Courrier des lettres, Nouvelles militaires, la Bourse, Nouvelles de l’air, Marchés financiers, Revue de la presse, Au rond point des ondes, etc. Le divertissement des lecteurs n’occupe pas la dernière place dans le choix du matériel rédactionnel. Des rubriques les Courses, Temps probable, Petit carnet, Les accidents de la route, Jeux de la semaine, Courrier des Arts, Spectacles visent un type particulier de curiosité. En ce temps-là, le Figaro s’adresse de plus en plus à des catégories de lecteurs déterminées (Carnet féminin, La Vie religieuse, La Vie universitaire, etc.) ce qui avait pour but, d’un côté, la prise en charge des « satisfactions » des groupes divers et, d’un autre, l’élaboration du contexte publicitaire.

Robert Hersant développe encore cette stratégie dans l’élaboration de la distribution de la matière rédactionnelle en l’adaptant à la situation sociale nouvelle. Il introduit les nouvelles rubriques en réagissant à l’évolution de certains secteurs dans la société (la Vie des médias), augmente la surface pour les anciennes (le supplément Fig-Eco) ou supprime les thèmes (Les accidents de la route) qui sortent de cercle d’intérêt du lectorat actuel.

Presque toutes ces rubriques sont regroupées en pages spécialisées qui, à leur tour, forment d’après leur contenu des blocs thématiques. La périodicité des pages spécialisées du Figaro peut être présentée dans le tableau suivant :

Pages spécialisées lundi mardi mercredi jeudi vendredi samedi Vie au féminin •• • •• • Vie sportive •• • •• • Vie des spectacles •• • •• • Vie de l’automobile • Vie du marché de l’art • Vie des Arts • Vie des voyages • Vie des Loisirs • Art de vivre en France • Éducation •

Schéma 15. La périodicité des pages spécialisées du Figaro quotidien.

43 Les blocs thématiques sont appelés à répondre aux intérêts de tous les partenaires du quotidien en commençant par les thèmes touchant chaque Français jusqu’aux conseils « privés » — mode, cuisine, etc. :

I. Bloc socio-politique (Opinions, la Vie internationale, la Vie politique) II. La vie quotidienne (Notre Vie, Éducation, sciences, médecine) III. Les pages pratiques (Courses, spectacles, météo, programmes de télévision et de radio, recettes culinaires) IV. Publications commerciales (Petites annonces, carnet, publicité commerciale).

Le bloc socio-politique est composé de la page Opinions, la Vie internationale et la Vie politique. C’est essentiellement sur les pages de ce bloc que la rédaction du Figaro offre le matériel informant sur les événements et expliquant les faits politiques, leurs raisons et les conséquences. Les journalistes s’adressent ici aux lecteurs en tant que citoyen français à ses compatriotes, sans tenir compte de différences de sexe ou des intérêts particuliers. En règle générale, le matériel présenté dans ce bloc remplit les impératifs suivants : – le matériel touche aux événements les plus importants de l’actualité (ce qui est surtout important pour « un grand quotidien de référence » comme le Figaro veut se présenter) ; si le lecteur ne trouve rien sur l’événement qui l’intéresse, il est obligé de s’adresser aux autres médias ; – le matériel correspond à la ligne politique de la rédaction (de l’image) du quotidien ; il est, par exemple, impossible de soutenir les régimes communistes sur les pages d’un quotidien qui est fier de participer à la destruction de « l’empire communiste » ; – les lecteurs doivent déjà être sensibilisés aux sujets traités ; les nouveaux thèmes sont introduits progressivement, précédés ou accompagnés des explications.

Le bloc suivant — la Vie quotidienne — rassemble les pages spécialisées Notre Vie, Éducation, Sciences, Médecine. Il contient des textes qui décrivent certains aspects de la vie de la société française. Le journaliste s’adresse ici non pas à tous les lecteurs du journal, mais essaie d’aborder les thèmes assez généraux qui touchent une partie considérable d’entre eux. Le matériel du bloc de la vie quotidienne satisfait aux exigences suivantes : – le matériel doit être scientifique et, en même temps, compris par tout le monde et intéressant pour tous. Le journaliste doit être capable d’abord de comprendre la problématique, ensuite de l’exposer d’une façon compréhensible pour tous, mais sans déformation et sans être superficiel ; – l’espace attribué à ces pages ne permet pas d’informer sur toutes les nouveautés de ces domaines, de ce fait le thème choisi doit tenir compte des intérêts de la majorité des lecteurs.

Le bloc des Pages pratiques comporte les pages spécialisées de la Vie de l’art, la Vie de l’automobile, la Vie au féminin / masculin, la Vie des voyages, etc. et les pages culturelles, regroupées à la fin du quotidien. Ici on trouve les rubriques Culture, la Vie des spectacles, Télévision-Radio, les Programmes de la journée. Cette partie du journal rassemble les actualités de la vie culturelle en France : expositions, spectacles, films, etc. Le matériel est bien classé et présenté, ce qui explique le succès de ces pages chez les annonceurs publicitaires. Les pages Vie de l’art, vie de l’automobile, vie au féminin / masculin, vie des voyages se trouvent entre les textes de distraction et les publications commerciales. Cette zone de transition est en outre un support parfait pour la publicité commerciale. Par exemple jusqu’à 80 % de la surface de la page la Vie au féminin est attribué à la publicité. Mais la publicité de ce bloc diffère

44 des annonces publicitaires des autres blocs car, accompagnée de textes informatifs, elle peut être considérée également comme une sorte de renseignement sur le style des nouveaux modèles, les lieux où on peut acheter ou commander les vêtements ou les accessoires. Le matériel du bloc Pages pratiques reflète le cercle d’intérêt des lecteurs du journal. C’est pourquoi on ne publie pas ici des recettes de repas bon marché, on ne donne pas de conseils sur le lavage de vaisselle et on ne trouve pas les prix des soldes d’un supermarché. Par contre, les publications sur les nouvelles expositions de haute couture, les concerts, les salons d’automobile ne sont pas rares.

Les publications commerciales composent un seul bloc d’après leur nature, mais elles sont ventilées sur toutes les pages du journal. Le Carnet du jour et petites annonces ont cependant leurs propres pages. Le critère permettant de regrouper Le Carnet du jour, les petites annonces et les annonces publicitaires est de double nature : — primo, pour la publication de ce matériel la rédaction touche de l’argent dont la somme dépend du placement, de la qualité d’exécution et du volume ; — secundo, ce matériel vient des organismes autres que la rédaction du quotidien, tels que les particuliers, les entreprises ou les agences publicitaires. Le groupe de publications commerciales est représenté par les annonces publicitaires, les avis financiers ou judiciaires, les petites annonces, mais aussi le célèbre Carnet du Figaro… Les règles de présentation varient suivant le cas : • les avis judiciaires sont publiés sur exigence du tribunal et payés par le concerné ; par conséquent, leur présentation est assez formelle et ne change pas depuis des années ; • dans le cas du Carnet du jour, la présentation de l’information doit correspondre au contenu du matériel — sombre et correcte pour les messes ou les annonces de deuil, solennelle et imposante pour les faire-parts ; • les petites annonces ont la forme très comprimée, pour ne pas dire codée ; dans ce cas c’est l’annonceur (une personne privée) qui est responsable de la rédaction et du volume du texte qu’il paye en fonction de ce dernier. C’est la raison principale pour laquelle les auteurs réduisent l’annonce, en employant les abréviations quasiment incompréhensibles pour les non-initiés ; • la publicité avec tous ses sous-genres est appelée à atteindre les lecteurs en tant que consommateurs ; la présentation du matériel et les stratégies discursives vont être différentes suivant le cas, s’il s’agit d’un texte ayant pour but d’augmenter la notoriété d’une marque, de modifier ou de renforcer une image de marque, de faire valoir un certain type d’arguments en faveur de l’achat de cette marque.

4.2. La structure et les genres de la une La première page du journal — la une — a des fonctions spécifiques dans la conception du journal158. Sa première fonction — et ici elle ressemble un peu à la couverture d’un livre — c’est la présentation du journal. La une présente les sujets principaux abordés dans un numéro. Le titre-bandeau, la grande photo, l’article à la tribune, l’éditorial, la caricature, les fenêtres et les rappels, un ou deux articles de présentation, etc. servent à remplir cette fonction. La clarté des titres et la bonne qualité des images jouent un rôle déterminant. Mais, en plus, cette page a la mission non négligeable d’être une sorte de pivot autour duquel est organisée la présentation de la matière rédactionnelle. Elle introduit dans le numéro, prépare et en quelque sorte prédétermine la lecture du journal. En outre, compte tenu de la grande part de vente au numéro du journal, la une doit être suffisamment attractive et reconnaissable pour inciter à l’achat du journal.

45 4.2.1. La structuration de la surface de la une En haut de la une se trouve parfois un titre-bandeau composé en caractères gras soulignés qui le séparent du nom du journal. Au centre de la manchette du Figaro il y a son nom et à côté, d’une façon symétrique — des « oreilles ». En-dessous, l’inscription « premier quotidien natio- nal français » est justifiée par rapport au nom, et encore plus bas — la date, le numéro et le prix de l’édition, tout est centré sur la page. La manchette est séparée de l’autre partie de la page par un filet gras avec le numéro de ISSN à sa droite. De cette façon, la région du nom du quotidien est verticalement et horizontalement symétrique, ce qui donne au journal l’air plus sérieux. La partie centrale de cette région est occupée par le nom du quotidien — Le Figaro. Le nom d’un quotidien a une mission beaucoup plus importante que le titre d’un livre : titre des titres, signature, nom propre, énonciateur, etc.159 Le nom du journal a été justifié dans la préface du premier numéro en mettant en parallèle la comédie de Beaumarchais et le programme160 du Figaro ressuscité par Villemessant. A part le nom du journal, les premiers numéros du Figaro contenaient dans la manchette une illustration, une épigraphe et deux citations tirées de l’œuvre de Beaumarchais, et en plus, les noms des deux rédacteurs en chef (B. Jouvin et H. de Villemessant), les conditions d’abonnement, l’adresse de la rédaction (28, rue Vivienne, au coin du boulevard). Cette zone de la une a été séparée de la partie supérieure, réservée à la date de parution et au prix du numéro, par un double filet, de même que du reste de la une, en mettant en relief les rapports avec la comédie de Beaumarchais.

La forme des caractères typographiques du nom du quotidien reste presque inchangée depuis la première guerre mondiale ce qui souligne le caractère conservateur du journal, mais l’aération des lettres rend quand même ce nom bien lisible et identifiable. Ce même désir de clarté pénètre non pas seulement les particularités de la typographie de cette partie de la une, mais est propre à toute la publication. Avec le temps, le nom a perdu sa liaison avec le Mariage de Figaro et est devenu un opérateur symbolique161, une partie composante de l’image du quotidien. Certes, la rédaction actuelle essaie quand même d’exploiter ce nom, en insérant parfois les citations de la comédie en nom de rubrique ( Figaro-ci, Figaro-là ) ou comme épigraphes ( Sans la liberté de blâmer, il n’est pas d’éloge flatteur ). Le logo du journal ( un F en relief avec une plume ) contient également une allusion aux origines du nom.

Il faut noter cependant que ce n’est qu’un hommage à l’histoire. Le Figaro veut être un quotidien moderne et sérieux, « premier quotidien national français », premier d’après la date de parution, la diffusion et la qualité du matériel rédactionnel. Le passé du Figaro — « journal non politique » d’orientation monarchique de la fin du XIXe — n’y joue plus un grand rôle, si l’on excepte l’orientation politique plutôt conservatrice et quelques ambitions « académiques » qui lui sont restées et qui s’incarnent surtout dans les pages consacrées à la vie culturelle, mais qu’on retrouve aussi dans certains commentaires.

La tribune du Figaro ne présente qu’un ou deux événements au plus : Le commencement d’un article de présentation avec un titre et un sous-titre est à gauche (2-3 colonnes), une photo suivie d’une légende avec un titre est à droite (3-4 colonnes). Le début de l’éditorial dans cette partie de la une rompt la symétrie de la présentation, ainsi que le titre qui dépasse les limites de l’article en se trouvant dans sa partie gauche au-dessus de l’éditorial, et appelle l’attention sur la dimension horizontale de la page, sur toute la page en même temps. Ce dernier procédé est au détriment des exigences de lisibilité du journal car si l’éditorial et l’article de présentation traitent de sujets différents, l’interposition des contenus est possible, ce qui peut aller jusqu’aux malentendus. Le gros titre, l’utilisation des caractères gras au début des alinéas de l’article de présentation

46 améliore la « visualisation » de l’événement. Cette partie de la page donne à voir plus qu’à lire. Si un événement secondaire d’une autre rubrique se présente, une colonne encadrée à droite avec les mêmes particularités typographiques peut être lui consacrée. La surface du reste de la page est distribuée d’une façon asymétrique : à gauche se trouve l’éditorial, la caricature occupe le centre du rez-de-chaussée. Encore deux gros titres, des articles de présentation, l’indice des rubriques, quelques fenêtres et la publicité sont également présents sur la une. Chaque élément est séparé par des filets et par des modifications d’utilisation de caractères. L’éditorial ouvre la publication et prépare sa lecture. Situé sur la place privilégiée — la colonne gauche de la une — inévitablement parcouru des yeux (au moins le titre) à cause de notre habitude de lecture et l’utilisation des procédés de la mise en page, il explique les événements avant la lecture des textes informatifs présentés à l’intérieur du journal.

4.2.2. L’éditorial La place d’honneur de la une — sa colonne gauche — est occupée par l’éditorial. L’emplacement de l’éditorial à la une souligne l’importance que la rédaction lui accorde et le fait sortir du classement quelconque, le place au-dessus de n’importe quelle autre rubrique. D’autre part, c’est le côté conservateur dans la conception du quotidien qui soutient cet emplacement de l’éditorial, tandis que la plupart des journaux l’ont déplacé depuis longtemps à l’intérieur du journal, préférant la primauté de l’information aux textes persuasifs.

L’analyse du contenu thématique permet d’éclairer la question des zones d’influence du quotidien et des prétentions de la rédaction à jouer un rôle quelconque dans les sphères touchées par les éditorialistes. D’après le contenu thématique, l’éditorial fait partie du bloc socio-politique. La distribution de thèmes se fait à peu près à parts égales entre la politique internationale et les questions de politique intérieure ou les problèmes sociaux (chômage, grèves, etc.). Ces questions servent souvent de base pour les conclusions d’ordre général. La spécificité des sujets a comme conséquence une certaine spécialisation des auteurs. F.- O. Giesbert est, par exemple, spécialisé dans la politique extérieure, J. d’Ormesson s’est occupé plutôt des problèmes sociaux, etc. Les thèmes des éditoriaux répondent à quelques exigences, dont le premier est l’actualité et le deuxième — l’importance pour tous les lecteurs. Ce dernier critère prescrit que cet événement doit être suffisamment important pour sortir du cadre étroit de l’actualité du jour et toucher un cercle de problèmes de base de la société concernée. Les cibles des éditoriaux critiques à l’étape actuelle sont : •les syndicats, •le communisme, •le gouvernement socialiste. Les idées protégées par la rédaction sont : •les mesures du président de la république, •le gaullisme.

Comme plusieurs définitions l’indiquent, l’éditorial engage la responsabilité morale du journal. C’est pourquoi le Figaro dispose d’un organe collectif — Comité éditorial — qui supervise l’écriture de ce genre d’article. Écrit dans la plupart des cas par un de ses membres, cet article exprime la ligne générale du quotidien (ce qui est symbolisé par la présence de la vignette du Figaro), tout en gardant la personnalité de son auteur (la signature typographique — les lettres initiales du nom de journaliste — est un signe de la personnalisation et de l’individualisation de genre).

47 Le style des éditoriaux est persuasif et didactique. L’auteur est moins soucieux de livrer des nouvelles informations que d’éclairer le lecteur, l’orienter dans le flux informationnel, le préparer à la lecture des articles des pages politiques du quotidien, ce qui permet de classer l’éditorial parmi les textes persuasifs. A côté des autres textes de la même intentionnalité discursive (commentaire politique, critique, etc.) l’éditorial est caractérisé par une certaine subjectivité et, par-là, la prise de position sur un fait d’actualité162. Il a pour but non seulement d’informer sur le monde163, mais plutôt sur la façon dont il faut le percevoir164. Ceci exige en principe „l’autorité“ plus importante que celle de l’éditorialiste d’un journal quotidien, même si c’est le « premier quotidien national ». Une de façon d’augmenter cette autorité, c’est de s’approprier une nouvelle instance narrative. Le Figaro a choisi le niveau national et ses éditoriaux s’adressent aux lecteurs de la part de tout le peuple français (cf. Le Monde, qui parle de la part de toute la communauté internationale, ou L’Humanité — de la part du PC). Le sujet narratif du Figaro est de cette façon ni plus ni moins qu’un délégué de la nation. Le thème n’est qu’évoqué dans le corps de l’article, supposant que le lecteur est au courant de l’actualité. Les informations supplémentaires sont quand même données, soit dans les numéros précédents, soit dans les pages intérieures du même journal. Si le fait est important, plusieurs éditoriaux lui sont consacrés ou le même sujet peut-être traité dans les autres genres de textes persuasifs — commentaire, billet, etc. De cette façon, l’éditorial entretient des rapports plus complexes avec le corps du quotidien que n’importe quel autre article. Il ouvre la lecture du quotidien et prédétermine l’angle de la perception de l’information publiée à l’intérieur du journal.

Les éditoriaux du Figaro sont appelés à atteindre leur but simultanément par deux voies : celle de la raison et celle des sentiments. La clarté de la structure et des arguments, l’univocité de la conclusion soutiennent la compréhension adéquate du problème par les lecteurs ; le style quasiment littéraire des textes est appelé à influencer les lecteurs par voix émotionnelle et à éveiller les sentiments positifs envers le texte lu et son auteur.

Cette dualité se traduit dans l’écriture des éditoriaux dans le mélange des sujets d’énonciations. La visée didactique se réalise dans le texte par l’effacement du sujet concret d’énonciation en faveur des sujets impersonnels ou non-personnels ( il faut, on voit… - 13/01/96), les constructions passives ( l’information sera appréciée… - 13/01/96), ou à la limite des énonciations d’état qui présupposent l’objectivité suprême et la connaissance quasi surnaturelle de l’objet ( Les réformes viendront, car les Français ont pris la mesure de l’état du pays. - 07/09/ 93 ). Mais en même temps la visée subjective est également nettement présente dans le discours des éditoriaux. On voit la présence de l’auteur dans l’emploi de la première personne, surtout au pluriel, ce qui crée une certaine complicité de l’auteur et du lecteur ( Évitons d’en réduire la complexité à un croquis en noir et blanc. Ce qui est sûr, c’est que nous changeons d’époque. Le destin bascule. Nous verrons, avant la fin de la trêve de trois mois annoncée, de quel côté le torrent va dévaler. - 14/01/96), les éléments phatiques et les nombreuses modalisations ( elle annoncerait, une superbe démonstration de force - 14/01/96), proverbes ( Poignez vilain, il vous oindra. Oignez vilain, il vous poindra - 14/01/96), etc. L’affichage direct de l’instance discursive — un représentant de la rédaction — est de plus en plus rare, a toutefois lieu ( nous avons été les premiers à l’annoncer dans nos éditions datées d’hier - 14/01/96).

48 La structure des éditoriaux du Figaro est assez simple — exigence de la facilité de lecture : titres - introduction - narration - argumentation - conclusion. Le surtitre est placé tout de suite au-dessus du filet qui sépare l’éditorial du reste de la page. Composé en caractères gras soulignés de la famille Genève qui ont la lisibilité assez haute, centré par rapports au corps de l’article, ce titre ne contient qu’un seul mot — le cadre de déroulement de l’événement : Emploi, CEE, Russie… Si l’article de présentation et l’éditorial traitent le seul et même événement, le gros titre de la une s’étend au-dessus de l’éditorial et son surtitre devient superflu, c’est pourquoi il est supprimé. Les titres des éditoriaux sont en règle générale assez courts, composés dans la plupart de cas de quatre syllabes, très expressifs. Ils sont en caractères gras italiques, centrés par rapport au corps de l’article, la taille de caractères (et par conséquent l’interlignage) est au moins deux fois plus grande que celle du corps de l’article. La mission des titres est de capter l’attention d’un lecteur, l’intriguer. Sa lecture ne donne pas la réponse à la question du sujet de l’article ni sous quel angle le problème est traité. C’est la dernière partie de l’article qui répond à ces questions (bien sûr, si une réponse univoque est possible). Sous les titres se trouve le corps de l’article. Il est composé en caractères gras de famille Times. Ces caractères occupent peu de place et, en même temps, produisent l’effet de la maîtrise de l’information. La lettre initiale de l’article est lettrine, justifiée sur trois lignes. Dans les articles exclusifs, le logo du quotidien prend la place de la lettrine. Tout article est séparé du reste de la page par des filets. L’opposition supplémentaire est créée par les différences typographiques par rapport au reste de la page, les textes avoisinants étant composés en caractère Genève de taille un peu supérieure à l’éditorial.

Les stratégies discursives de l’éditorial sont différentes selon la partie de l’article. I. L’introduction présente le thème et les acteurs de l’action, et, ce qui est beaucoup plus important, elle a pour mission de créer une sorte de complicité entre l’auteur et le destinataire. Les énoncés comme notre gouvernement, nous, le peuple français ont ce but. II. La narration : présentation de l’anti-sujet/sujet suivant le cas, si l’article est polémique ou didactique. Dans le premier cas, le narrateur vise à discréditer l’anti-sujet devant le destinataire, dans le deuxième il éclaire la logique de l’événement. Dans les deux cas la présentation du matériel est achronologique. Elle suit les lois de la rhétorique plutôt que de la logique. III. L’argumentation (qui peut contenir une partie réfutative dans le premier cas). La prise de position de l’éditorialiste est exposée à l’aide de faits et d’arguments. Les connotations émotionnelles sont ici assez rares, pour éviter les reproches d’engagement personnel. De même, le sujet du discours est pratiquement effacé du texte. La critique directe n’existe pas dans le texte. Elle est remplacée par les raisons, les conditions ou les conséquences de l’événement attaqué. Comme P. Imbert165 l’a souligné à propos du journal El Pais, l’éditorial ne renvoie pas à la réalisation des sujets (de leurs performances pragmatiques), mais à leur actualisation : à leur compétence qu’il „sanctionne“ (il agit en destinataire final) ou qu’il définit comme projet (destinataire initial) au nom d’un méta-destinataire social (l’intérêt national) ou/et moral (le devoir civique). La narration de cette partie de l’éditorial se produit sur la base du savoir présenté comme partagé ou évident : On dirait que…, A la surprise générale…, à l’évidence… (15/10/92). Souvent le narrateur cède sa place aux autres autorités du discours politique qu’il reprend librement, en le citant ou en l’interprétant. IV. La conclusion fait final dans le discours. C’est ici que le titre de l’article est enfin éclairé.

49 L’alliance du narrateur et du destinataire trouve son apogée dans la conclusion de l’article ce qui se traduit en appels communs : Il faut… Évitons… Nous verrons… (13/01/96). Tous ces impératifs se font au nom des intérêts nationaux, ce journal se présente ici comme porte-parole de la Nation en se plaçant parfois plus haut que le gouvernement. Cette position de l’éditorialiste n’est pas seulement l’expression des obligations sociales des intellectuels français, mais elle est une sorte de manipulation discursive. La compétence réelle de l’éditorialiste est remplacée par la compétence virtuelle — il est en mesure de connaître l’intérêt général et savoir ce qu’il faut faire dans chaque situation donnée.

Cette manipulation se fait à l’aide du pronom personnel de la première personne du pluriel qui, suivant le cas, désigne : a) la rédaction du quotidien : notre édition b) les lecteurs et les rédacteurs du journal : nous c) une partie de la population aux convictions républicaines : notre gouvernement (vs gouvernement socialiste); d) l’opinion publique : e) la catégorie abstraite : [démocratie?] f) la France : Le passage d’un contenu référentiel à un autre et leur confusion permanente ont la conséquence qu’en beaucoup de cas il est pratiquement impossible de définir nettement les figures des actants de discours. Dans cette perspective il est facile de donner à une construction discursive, les apparences d’un objet réel et l’imposer à la réalité sociale.

En gros, les intentions communicatives des éditoriaux du Figaro peuvent se réduire à trois groupes : a) reproductive : — la retransmission de l’information, — l’explication, — la visualisation des événements et des acteurs sociaux, b) productive : — l’orientation des lecteurs dans le flux informationnel, — la création et la mobilisation de l’opinion publique, — la persuasion et l’incitation à l’action, — la production des connaissances, — l’institution des normes sociales — la polémisation du discours politique, c) constitutive : — la création de l’auto-image du quotidien, — l’auto-représentation de la marque du journal, — la constitution de l’identité collective.

Tous les éditoriaux du Figaro n’ont pas le même style qui varie en fonction de l’événement et de l’auteur. Les procédés typographiques instaurent par exemple une certaine hiérarchie parmi les auteurs des éditoriaux. Cette hiérarchie comprend deux groupes. La première contient J. d’Ormesson, F.-O. Giesbert, dont le nom est mis en relief : le nom de l’auteur est situé dans la partie supérieure de la page et imprimé sur fond gris, la taille des caractères est nettement supérieure à celle des éditorialistes du deuxième groupe, dont les noms sont placés à la fin de l’article. Compte tenu du fait que les éditorialistes du quotidien sont presque exclusivement des journalistes de talent, les variations stylistiques sont considérables.

50 Une exemple:

CEE La mauvaise roue

1. Les dernières nouvelles de l’Europe sont très mauvaises. On dirait que le Vieux Continent est en passe de succomber à l’« italianisation », ce mal étrange qui combine les déficits et les crises politiques, sociales ou morales. 2. Même l’Allemagne, d’ordinaire si peu portée à l’introspection, se trouve soudain saisie d’une sorte de vertige existentiel. A la surprise générale, elle est même devenue, sur le plan économique, l’un des mauvais élèves de la classe. Ne fait-elle pas payer sa réunification par l’étranger en empruntant tous azimuts ? 3. Alors que le monde entre dans une crise économique qui tient de l’asthénie et de la dépression nerveuse, la CEE est passée, d’un coup, de l’euphorie au spleen. Les idéologies ayant fondu comme neige au soleil, elle a longtemps fait figure d’utopie de substitution. Puis, comme de toutes les idéologies, il a bien fallu, un jour en revenir. Parce qu’elle n’apporte pas de solution clés en main aux difficultés qui accablent les Douze, l’Europe est aujourd’hui, partout, en question. 4. Si la CEE veut enfin sortir de sa migraine maastrichtienne pour repartir de l’avant, il faudrait qu’elle prenne quelques bonnes résolutions. 5. D’abord, en se penchant sur la question du « déficit démocratique » et en s’assurant un meilleur contrôle de la Commission de Bruxelles qui, comme tous les tyranneaux, a parfois tendance à couper les arbres pour avoir les fruits. « Peu de lois, bon État », disent les Allemands. 6. Ensuite, en acceptant le principe de l’Europe à deux vitesses. Les Douze la condamnent officiellement et hypocritement, d’une même voix. Mais c’est grâce à l’axe franco- allemand, son moteur, que la CEE a pu avancer. Il ne faut pas l’arrêter. Que Paris et Bonn envisagent, malgré leurs démentis, une union monétaire à trois — avec le Bénélux —, c’est donc une bonne chose. Qui les aime les suive… 7. Enfin, en enterrant la querelle du fédéralisme qui, à l’évidence, n’est pas à l’ordre du jour. Elle pollue tous les débats sur l’Europe. Que l’on en soit venu à mettre en avant des notions comme la souveraineté monétaire qui, par définition, n’existe pas — une monnaie se mesure tous les jours sur les marchés —, c’est bien le signe que les passions ont provoqué des malentendus qui, eux-mêmes, ont engendré des fantasmes. 8. « Et pourtant, elle tourne », aurait dit Galilée : le 1er janvier, quand le marché unique deviendra réalité et que tomberont les frontières pour un continent de 360 millions de consommateurs, l’Europe sera mieux armée pour affronter le siècle qui s’avance sur elle. 9. Il suffit maintenant que, pourvue de ces trois principes, l’Europe continue son chemin. Sans se préoccuper trop de la Grande-Bretagne. Selon le proverbe : « C’est la plus mauvaise roue qui fait le plus de bruit. »

Par Franz-Olivier GIESBERT L’exemple est tiré du Figaro, 15.10.1992

C’est un éditorial-type d’action. Le schéma narratif est assez simple : la présentation du sujet - description des « maux » de l’Europe (alinéas 1-3), c’est l’introduction. Puis, quelques « bonnes résolutions » (alinéas 4-7), c’est le développement. Enfin, vient la conclusion (alinéas 8-9). Le titre ne se trouve expliqué qu’à la fin de l’article par le proverbe cité : Les hommes politiques se font beaucoup de soucis à propos de l’Angleterre. On dit que si la Grande-Bretagne ne consent pas à Maastricht tout l’édifice européen s’écroulera. On ne peut

51 pas reprocher à F.-O. Giesbert qu’il soit anti-anglais. Il dit tout simplement : Ne faisons pas trop attention aux décisions anglaises (à la rigueur, donc, on renoncera à la participation de la Grande- Bretagne ; attitude un tout petit peu gaulliste, quand-même). Le fait qu’il cite le proverbe nous montre que l’auteur cherche à dédramatiser la situation. La question est devenue, par ce proverbe, quelque chose de bien quotidien. La métaphore de la roue suppose quand-même que l’Angleterre fait partie du « chariot » européen, elle n’est donc pas exclue, si l’on prend ce langage à la lettre.

Ce genre d’éditorial détermine le style d’écriture. Des valorisations sont présentes depuis le début de l’article : négatives dans la première partie (la mauvaise roue, les nouvelles sont très mauvaises, mal étrange, un des mauvais élèves de la classe ; déficits, crises, dépression, asthénie, spleen, euphorie, utopie, difficultés, migraine maastrichtienne…), et plutôt positives dans la deuxième partie (repartir de l’avant, prendre quelques bonnes résolutions, bon État, avancer, réalité, une bonne chose, etc.). La présence des métaphores, proverbes, comparaisons, métonymie et autres figures rhétoriques (fondre comme neige au soleil, Allemagne […] saisie d’une sorte de vertige, apporter de solution clés en main…) rend le style vigoureux, incisif, à la limite du discours du tribun. La présentation du matériel est achronologique. L’auteur manie le temps et l’espace pour construire les conclusions nécessaires. C’est un texte qui réveille. Il s’agit ici moins de commenter, encore moins d’informer que d’utiliser la situation pour atteindre un but précis, provoquer la réaction concrète dans l’opinion publique et milieux politiques européens.

De cette façon, l’éditorial est un genre paradoxal. L’auteur joue ici un double rôle — il tient ses propres propos mais en même temps il est le porte-parole de la rédaction du quotidien, exprime sa ligne éditoriale. Dans sa première qualité, l’éditorialiste situe son texte dans la situation concrète énonciative : il se met en obligation de ne dire que la vérité tout en montrant sa vision de l’événement (savoirs, opinions, croyances, etc.), en l’évoluant axiologiquement ou même en allant jusqu’aux directives. Dans sa deuxième qualité, le journaliste s’efface de l’arène communicative. Il cède sa place à l’institution formalisée par le nom du journal. Ce passage du discours subjectif au discours institutionnalisé s’opère au niveau du destinataire et de sa représentation par le journaliste. Ce lecteur « idéal » partage avec l’éditorialiste les convictions, les croyances et les espérances.

4.2.3. L’article de présentation Le résumé-présentation est un genre relativement nouveau qui est apparu à la une du Figaro après la nouvelle orientation vers le journalisme américain. Placé sous le gros titre, accompagné d’un sous-titre, il présente l’information principale du numéro. A la différence du Monde qui met les articles « à cheval », c’est à dire ne publie à la une que les débuts des articles avec leur suite à l’intérieur du journal, le Figaro présente sur cette place une sorte de résumé-présentation introduisant tout de suite quelques articles sur le même sujet. On observe ici le même phénomène qu’avec l’éditorial, notamment l’apparition des relations complexes d’un article à la une avec les pages intérieures du quotidien. Le résumé-présentation contient la titraille, l’introduction, les thèses et la référence sur les informations supplémentaires publiées dans un numéro du journal. C’est un discours « ouvert », c’est-à-dire qu’il ne contient pas de conclusion. Ce genre d’article se contente de dresser d’une façon schématique les lignes thématiques des articles à l’intérieur du journal.

Le titre de l’article est justifié sur les quatre/cinq colonnes à gauche de la page, c’est-à-dire 52 commence au-dessus de l’éditorial et s’étend jusqu’à la photo. Il est composé en Times, 48 point, gras. Le titre est précédé de surtitre (Genève, 20 point, soulignés) et suivi de sous-titre (Times, 16 points, italiques soulignés). Les titres du Figaro sont terminés par un point — un signe de l’indépendance et de la clôture du discours, dont l’ordre ne se déroule pas dans l’espace ; il est instauré par les propriétés typographiques du texte. D’abord est lu le titre, ensuite le surtitre et à la fin le sous-titre. Dans notre exemple il faut lire : La relance à petits pas —> Paris et Bonn ont présenté hier leurs programmes respectifs de soutien de l’activité économique —> Le plan présenté hier s’articule autour d’un soutien… Le corps de l’article qui suit la titraille est composé en Genève de 9 points. Il est distribué sur quatre ou trois colonnes de la partie supérieure de la une. Les premiers mots — le groupe du sujet — de chaque alinéa (sauf celui de l’introduction) est en caractères gras. Ceci n’augmente pas la lisibilité du discours car les mots au début de la proposition ne sont pas expressément les plus importants, mais améliore la visualisation de l’événement. Les événements présentés sont le plus souvent du domaine politique ou économique. Ceci détermine le vocabulaire de l’article. Les termes techniques contournent la barre de trente pour cent. Mais ces termes sont d’emploi si courant dans la presse que le lecteur du Figaro ne doit pas rencontrer de difficultés de compréhension pendant la lecture de l’article. La syntaxe est assez simple. Presque la totalité des propositions contient entre 20 et 40 mots (30,1 en moyenne). Les formes passives sont assez rares, presque inexistantes. Les tournures participes concrétisant l’objet du discours sont par contre assez fréquentes. Le recours aux citations n’est pas non plus abusif : une ou deux citations pour augmenter la notoriété du discours. Le temps de base du discours est le passé composé. Ceci rapproche l’article de présentation du compte-rendu. Mais ce compte-rendu est incomplet, l’information est présentée par des thèses où le seul moyen de cohérence est le thème du discours. Ce texte veut être objectif. Les tropes et les figures sont très rares. Le seul procédé d’influence et de manipulation est le choix d’informations.

La une contient encore deux articles de présentation. Le cercle des thèmes traités par ces articles est plus large que celui de l’article à la tribune. Ce sont les sujets politiques, économiques ou même culturels. La présentation du deuxième article a les mêmes particularités typographiques que la première, mais son emplacement sur la deuxième moitié de la page et la coupure du titre par un pli, lui attribue un rôle secondaire.

Dans l’arche tonique du quotidien, l’article de présentation joue à peu près le même rôle que l’éditorial : d’un côté il entretient les rapports avec le monde extérieur, d’autre côté, il présente l’information principale du numéro. Mais si l’éditorial est appelé à aider à la compréhension de l’événement, l’article de présentation montre ce qu’il faut savoir sur l’événement. Un exemple :

Le premier ministre multiplie les réunions de ministres à Matignon pour remédier aux faiblesses de la communication gouvernementale.

Soumis aux tirs croisés d’amendements déposés par sa propre majorité, affecté par les gaffes de ses ministres, perplexe face à l’évolution de l’UDF, le gouvernement peine encore à

53 trouver ses marques. La maladresse commise par Elisabeth Hubert, ministre de la Santé, qui annonce, alors que les débats sur l’avenir de la protection sociale commencent à peine, un relèvement du forfait hospitalier, a soulevé la colère de Matignon. Le premier ministre tente de remédier aux erreurs ou aux faiblesses de communication en multipliant les déjeuners de ministres, les réunions de coordination entre les responsables de l’information gouvernementale. Le remaniement évoqué avant les assises du RPR, afin de redynamiser l’équipe gouvernementale ne devrait pas avoir lieu avant le mois de janvier ou le printemps prochain. A l’Assemblée nationale, lors de la discussion budgétaire, Nicolas Sarkozy a finalement retiré son amendement sur l’assurance-vie. Jean Arthuis n’est pourtant pas au bout de ses peines. Il devra, dans les jours à venir, faire face à de nouvelles suggestions d’une majorité qui, balladurienne ou pas, sait user de son droit de critique. A l’UDF, les personnalités qui s’étaient rangée derrière Jacques Chirac dès le premier tour de la présidentielle s’efforcent de faire vivre la dynamique chiraquienne. Mais leur cheminement est contrarié par l’alliance nouée entre François Léotard et François Bayrou. Édouard Balladur, qui s’apprête à publier un livre-bilan sur ses années à Matignon, veut oublier les blessures de la campagne et se reproche de n’avoir pas pris assez de «distance ».

(Les articles de Christine CLERC, Anne FULDA, Sophie HUET et Thierre PORTES, pages 6 et 7) L’exemple est tiré du Figaro, 20.10.95.

4.2.4. La photo / les photos de la une La photo occupe presque toute la moitié droite de la tribune. L’emplacement de la photo grand format à cet endroit est avant tout un moyen de capter l’attention des lecteurs. Les mécanismes de la perception de la photo sont différents des ceux du texte, la présence de la photo à cette place rompt la monotonie de la lecture de la une. Le cadre thématique de ce type de photo est plus large que celui de l’éditorial ou de l’article de présentation. Le côté « magazine » du Figaro y trouve son expression. Cette photo entretient plutôt des rapports avec la deuxième moitié du quotidien. Les événements culturels, sportifs, ceux de la vie mondaine sont aussi souvent traités que les sujets politiques ou sociaux. Le format de la photo est 11x16,5 cm. Elle est en noir et blanc. Le plan privilégié est le plan rapproché ou américain. Les sujets sont présentés de face. Les objets représentés sont presque exclusivement les êtres vivants, plutôt les groupes que les individus. L’action représentée est assez simple : le mouvement d’un cheval, la contemplation d’un enfant par la famille, etc. Mais cette action joue un rôle assez important, sans elle l’information présentée serait statique et privée de vie. En outre, les photos qui montrent l’action aident à mémoriser l’information, entraînent le lecteur à retrouver le matériel correspondant à l’intérieur du journal. Mais l’action représentée ne peut pas être primaire dans la photo. La règle de la séquence d’or n’est jamais observée dans les photos à la une. Les visages des personnes sont souvent coupés par le cadre ou éloignés jusqu’à perdre leurs signes de reconnaissance. C’est le sentiment qui s’avère primaire dans la contemplation de la photo. Des attitudes positives sont exprimées par les plans généraux, le regard des personnages est dirigé vers le lecteur, mais pas sur la caméra. L’arrière-plan est clair. Sur ce genre de photographies, les personnages ont une expression de visage rassurante. La qualité de ces photographies est excellente. Pour exprimer une attitude négative, le rédacteur peut choisir une photographie de qualité

54 inférieure. Parfois le visage du personnage représenté est peu visible, soit à cause d’un cadrage trop étroit, soit suite à un angle de prise de vue. La transposition des gestes de la vie courante dans la situation officielle, gesticulation inadéquate à la situation photographiée, peut également influencer la perception de la photo. Les visages dans ce cas ne sont presque jamais placés au centre de la photo.

Sur la photo analysée, la perception de l’image est dominée par le fond noir. Les visages masqués, les armes, le paysage sinistre donnent le sentiment du danger. Dans le centre de la photo il n’y a aucun objet important pour ne pas permettre la concentration de l’attention sur un objet précis. Les lignes qui dirigent le regard du lecteur (bien qu’elles soient très bien mises en relief par le contraste haut de la photo) ne sont pas d’une aide considérable dans la lecture du signe. Seule la lumière (une arme dans le coin droit en bas) retient un peu l’attention du lecteur. Un armement puissant et moderne est également évoqué par la légende en réduisant le cadre sémantique de la photo.

Le texte de la légende qui accompagne cette photo est très court (trois lignes en caractères Times de 6 points), mais expressif. L’expressivité du texte est atteint presque exclusivement par les épithètes qui expriment les sentiments (un extraordinaire rôle, la brillante victoire, un armement puissant, etc.). Le texte concrétise l’information, centre l’attention du lecteur sur les aspects particuliers, prive la photo de toutes sortes d’objectivité et ajoute les marques verbales correspondantes peut éviter la lecture non adéquate de la photo, éveiller tels ou tels sentiments précis.

Conclusion. De cette façon, la photo de la une est plus facilement classée parmi les textes persuasifs que parmi les textes informatifs.

4.2.5. La caricature La caricature à la une des quotidiens français est plutôt rare. Il n’y a pas beaucoup de journaux en France qui placent les dessins à la une. De ce point de vue le Figaro est plutôt une exclusion. Depuis les premiers numéros, la rédaction plaçait les dessins à la une, d’abord les dessins sérieux et depuis les années trente de ce siècle sous leur forme humoristique. D’abord, les dessins ou les gravures à la une servaient à souligner le caractère artistique du journal, traitant « les nouvelles de la vie du théâtre, de la littérature », etc. De ce point de vue, l’iconographie fait partie de l’image de la publication. Mais comme le Figaro a rompu avec cette image pour devenir quotidien d’information générale et politique, les dessins ont perdu avec le temps leurs fonctions purement esthétiques. Ils commencent à exprimer une idée ou une opinion bien déterminée.

Aujourd’hui, les caricatures à la une du Figaro n’ont pas une moindre importance par rapport à l’éditorial. Le lecteur est habitué à trouver quotidiennement son „Faizant du jour“ au milieu de la page, sous l’article de présentation. La caricature est placée dans la partie inférieure du quotidien de telle façon, qu’elle n’est pas visible si le journal est plié. Pour la voir, il faut d’abord acheter le numéro. Il faut quand même noter qu’avant la caricature était placée plutôt au ventre de la une. Mais puisque les caricatures du Figaro aujourd’hui ne peuvent pas rivaliser avec celles que Plantu produit pour le Monde, on a déplacé la caricature tout en bas de la page. Depuis des années, l’auteur des caricatures à la une du Figaro est Jacques Faizant. Ses caricatures touchent les sujets politiques ou sociaux de grande actualité. Leur but est d’exprimer des opinions politiques en mélangeant le sérieux et le comique en allant jusqu’au divertissement

55 des lecteurs. Pour atteindre ces buts, l’auteur replace l’événement dans les décors inattendus — dans le jardin public, appartement privé, le cirque, etc. en ajoutant l’imaginaire et l’irrationnel à la situation et en lui donnant les aspects surprenants et originaux. Une certaine subjectivité est également une des marques de la caricature. Ce dessin présente dans la plupart de cas un (et seulement un) événement de la vie sociale de la France ou le point de vue « français » sur un problème international. Les sujets des caricatures sont presque les mêmes que les thèmes de l’éditorial : les déclarations des hommes politiques, débats parlementaires, etc. Mais Jacques Faizant ne fait pas seulement le compte rendu de ces événements, mais effectue leur mise en scène. Les acteurs de ces mises en scène sont simplifiés et stéréotypés. Le jugement suprême est représenté par la figure de Marianne, l’opinion publique et le bon sens — par une famille aux apparences paisibles et le chat.

En plus de la représentation comique de la situation la caricature est aussi une valeur ajoutée. Elle sert à informer, créer une opinion, illustrer, etc. Il faut quand même ajouter que la fonction informative de ce genre de caricature est assez limitée. Les caricatures de Jacques Faizant sont quasiment incompréhensibles sans information supplémentaire approfondie. La fonction persuasive prend ainsi beaucoup plus de force que dans les autres genres du même groupe. L’autorité de l’auteur ajoute encore de la valeur. Jacques Faizant est souvent cité dans les discours des hommes politiques. Les caricatures de Jacques Faizant s’adressent à la clientèle habituelle du Figaro166. C’est pourquoi même si le contenu sémantique est la critique (du parti socialiste, par exemple) leur but n’est pas de critiquer, mais de « réconforter dans leur opinion les gens qui lisent le journal167…» Cela signifie que la critique directe que contiennent souvent les caricatures de Faizant n’a pas pour but de critiquer, mais de mobiliser les lecteurs, créer un sentiment commun, aligner les diverses opinions de nombreux lecteurs sur la ligne rédactionnelle.

Le dessin de Faizant est publié quotidiennement ce qui exige de son auteur la réaction rapide à l’événement et ne laisse pas le temps à la réflexion ou à la prise de distance. En outre, Jacques Faizant qui travaille à domicile ne connaît pas les autres sujets du numéro, afin de conserver l’indépendance du regard, et la rédaction lui téléphone pour connaître le sujet de la caricature. Ceci ne doit pas influencer beaucoup la coordination de l’architecture de la une car la caricature est un genre qui se suffit à lui-même. Parmi presque tous les genres iconographiques la caricature à la une est le seul genre autonome qui n’exige pas pour sa compréhension, un article d’accompagnement. Le trait distinctif de ce genre discursif est sa composition. La caricature de Faizant présente un ensemble texte et image. La partie iconographique est un dessin en noir et blanc. Ce type de dessin ne pose pas de problèmes dans la production du journal et rend la lecture de la caricature rapide. Le dessin très complexe ou en couleur aurait inévitablement comme conséquence l’affaiblissement de la fonction persuasive de la caricature. La partie textuelle est représentée par le commentaire court et la reproduction des paroles des personnages. Si le thème ou le personnage font pour la première fois l’apparition dans la caricature, le titre qui est placé en bas peut concrétiser la situation discursive. Le texte dans les bulles se base souvent sur l’antithèse entre le discours des hommes politiques et le commentaire. Le jeu de mots est souvent employé ( Voter „non“ c’est approuver les communistes. Voter „oui“, les socialistes. Et, s’abstenir, les Je-m’en-foutistes ! — 31.08.92 ) ainsi que des diverses figures : répétition ( Un an pour faire des sottises, un an pour s’en rendre compte et neuf ans pour tenter ( en vain ) de limiter les dégâts — 05.11.92 ), paronomase ( Restons stables mais pas coupables ! — 11.12.92 ), métaphores, épithètes, etc.

56 La caricature à la une du Figaro appartient à un genre du dessin-éditorial, mais un éditorial très personnalisé, écrit toujours par la même personne — Jacques Faizant. Il est le membre du Comité éditorial du quotidien et traite le même type de sujets de grande actualité que l’éditorial par ses propres moyens (dessin humoristique + texte). Le sujet discursif de la caricature se rapproche également de celui de l’éditorial — la France, le bon sens, les principes démocratiques, etc. Mais la caricature à la une est moins informative que l’éditorial et, a donc, plus de force persuasive. Fonctions de la caricature 1. Décorative : Orner la page. 2. Typographique : aérer la mise en page. 3. Historique : assurer la continuité de la ligne éditoriale de la publication. 4. Rédactionnelle : exprimer une idée conforme à la ligne du quotidien par ses propres moyens, différents des autres textes persuasifs. 5. Psychologique : divertissement et accroche. 6. Politique : exprimer l’opinion d’orientation républicaine. 7. Pragmatique : persuader le lecteur. 8. Du point de vue économique, la caricature joue un rôle important dans la formation du lectorat du quotidien. Elle présente un événement politique de telle façon que la lecture multi- ple est quasiment impossible. De cette façon elle sert à formation de l’opinion générale et par là, à la création du lectorat.

4.2.6. Les appels et les fenêtres Le genre suivant est une fenêtre. Les fenêtres c’est une sorte de présentation des articles principaux du quotidien et non pas leur court résumé. C’est une « vue » à l’intérieur du journal168. Les fenêtres sont placées à la droite de la une, séparées du reste de la page par un filet et ont la même largeur de la colonne que l’éditorial. Cette mise en page produit un effet de l’organisation symétrique de la page — un signe de la maîtrise de l’information par la rédaction169. Une fenêtre contient le titre du thème (caractères Times, gras, soulignés) sans ponctuation, l’idée maîtresse de l’article présenté (Times, gras, italiques) suivie d’un point et la référence de l’article parfois avec la mention du genre journalistique (en parenthèses, Genève, romaines). La taille des caractères (16-18 points) ainsi que la mise en forme du texte garantissent une bonne lisibilité du discours. Un exemple :

Serbie 10 000 manifestants réclament la démission de Milosevic. (Page 5)

RPR Election d’un président le 19 décembre. (Page 6) L’exemple est tiré du Figaro, 30.06.1999

Le style du discours est laconique mais expressif. La plupart de propositions sont des 57 constructions elliptiques. Mais le point final produit un effet d’intégrité du discours. Les éléments phatiques sont largement présents, mais leur liste reste assez limitée : épithètes, professionnalismes du domaine politique ou juridique, rarement phraséologismes ou métaphores : Les lois qui restent dans les tiroirs. L’anglais Granada a réussi son OPA sur le groupe hôtelier Forte. France Télécom s’implante sur le réseau.

4.2.7. Le multitexte Souvent le même sujet est traité dans quelques genres à la une, par exemple l’article à la tribune, la caricature et l’éditorial à la fois. Jamais le même sujet ne fait l’objet d’articles du même genre (deux articles de présentation, par exemple). La rédaction essaie de trouver un compromis entre deux exigences : faire connaître le plus grand nombre de pages du quotidien d’un côté, et présenter le plus grand nombre d’aspects d’un événement principal du numéro, d’un autre. Cette deuxième exigence est responsable de la parution du multitexte à la une du Figaro. Le multitexte est un genre composé. Il présente un ensemble rédactionnel des « différentes catégories textuelles170 ». Les genres d’intentionnalités différentes font partie d’un multitexte. Dans un numéro, l’éditorial, l’article à la tribune et la caricature vont traiter le même événement, dans un autre — la caricature, la photo et l’article de présentation au rez-de-chaussée, etc. Mais dans tous les cas de figures possibles le traitement de la même information est complémentaire d’un genre à l’autre et ne se répète pas. La rédaction ne multiplie pas les points de vue sur l’événement, mais montre les aspects différents par les procédés différents. De cette façon, le grand titre à la tribune annonce l’événement, l’éditorial l’explique et prépare la lecture des articles informatifs, l’article de présentation offre l’information nécessaire à la compréhension, mais l’information bien „préparée“ à l’aide du tri des nouvelles, de la mise en valeur de certains énoncés, etc., la photo ou la caricature visualise l’événement sans renoncer aux points de vue subjectifs (surtout dans le cas de la caricature). Tout l’ensemble est pénétré par le même contenu thématique et se réfère aux mêmes articles à l’intérieur du journal, même si les références ne sont affichées qu’une seule fois — le plus souvent à la fin de l’article de présentation.

4.2.8. La conclusion de la page Ainsi, la surface de la une du Figaro est organisée différemment dans sa partie supérieure, qui est exposée dans les kiosques à journaux, et sa partie inférieure. Cette première page cherche à vendre le journal en montrant qu’on y trouvera beaucoup d’informations, variées et sérieuses à la fois. Mais en plus, elle organise le numéro, introduit dans sa lecture. Les liaisons robustes lient la une à l’intérieur du journal en garantissant l’intégrité de la publication. Ainsi, par exemple, la une du numéro du 24 janvier 1996 renvoie aux 12 pages de six rubriques différentes du quotidien dont la Vie internationale, la Vie politique, la Vie au féminin, la Vie scientifique, etc. Mais la une a également sa propre valeur discursive : Premièrement, la une instaure une hiérarchie dans le flux informationnel. Deuxièmement, elle crée le cadre de la perception des informations présentées dans le numéro du journal comme importants : le gros titre à la tribune postule à quel événement il faut prêter attention, l’article de présentation dit quelles informations sont nécessaires pour comprendre l’événement, l’éditorial explique comment il faut comprendre ces informations, la grande photo visualise l’événement et établit son encadrement émotif, la caricature consolide le lecteur dans sa vision de l’événement. De cette façon, chaque élément de la une remplit sa propre fonction, mettant en marche des mécanismes différents de perception de l’information. Le concours de ces éléments crée le cadre

58 perceptif qui garantit à la rédaction que l’information « neutre et objective » présentée à l’intérieur du journal va être correctement comprise ou que les opinions contestataires vont trouver leur appréciation adéquate.

4.3. Le bloc socio-politique Dans les pages intérieures du Figaro la distribution de la surface, la mise en page des textes et le style du discours varient selon le contenu thématique et les buts rédactionnels. La présentation du matériel sur ces pages suit les règles de différenciation — si plusieurs articles sont consacrés au même sujet, aucun article ne doit répéter la même chose sur le même contenu thématique. Les variations à l’intérieur de chaque bloc thématique sont possibles : — dans le choix du sujet discursif, — dans les accents mis sur les aspects particuliers de l’événement, — dans l’angle de présentation. Le premier bloc thématique du quotidien est le bloc socio-politique. Il comporte les pages spécialisées Opinions, la Vie internationale, la Vie politique.

4.3.1. La page Opinions Si la une prépare la lecture et sert d’une sorte d’entrée dans le journal, la page Opinions ouvre la publication. C’est la deuxième page du Figaro. Elle paraît chaque jour sauf le samedi et, comme le nom de la page l’indique, comporte les textes d’opinions qui sont classés dans les rubriques suivantes : le commentaire, la tribune libre, le courrier des lecteurs. Hormis les textes d’opinions, on trouve aussi sur cette page l’ours. Le responsable de cette page est Max Clos — membre du comité éditorial et directeur délégué de la publication. Journaliste de talent, il a commencé sa carrière pendant la guerre de Viêtnam. Après ses succès en tant que grand reporteur, Max Clos occupe le poste de directeur de la rédaction jusqu’à son remplacement par F.-O. Giesbert en signe de la recentralisation politique du quotidien. Il dirige cependant actuellement la formation des opinions des lecteurs, on ne peut donc pas dire que ses propres opinions ne satisfassent pas la direction politique du Figaro. La surface de cette page est organisée d’une façon symétrique. Le commentaire occupe la « place d’honneur » — la moitié supérieure de la colonne gauche. L’ours est placé sous le commentaire en formant avec ce dernier une seule colonne. Le Courrier des lecteurs occupe la colonne de droite, en opposition par rapport au commentaire. Il est séparé des articles par un filet maigre. Les 5 colonnes entre le commentaire et le courrier des lecteurs occupent les articles de la tribune libre. Le vendredi, Max Clos parcourt les événements principaux de la semaine sous la rubrique hebdomadaire Le bloc-notes de la semaine. De cette façon, les rubriques de cette page permettent d’exprimer des points de vue des niveaux et des positions différents sur les sujets socio-politiques.

Compte tenu de l’hétérogénéité des comportements commerciaux des lecteurs de cette page, la publicité est très rare ici. Dans la plupart de cas c’est la publicité des autres parutions du groupe ( L’Auto-journal, etc.).

4.3.1.1. Le commentaire Le commentaire est une des principales rubriques du quotidien. Il permet d’interpréter les faits d’une façon plus libre et subjective que l’éditorial, sans engager la responsabilité de toute la rédaction. Cela donne la possibilité d’exprimer une opinion qui ne peut pas être placée à la une, soit par des raisons politiques, soit si l’événement n’est pas jugé très important.

59 Le commentaire est un texte relativement court de 420-450 mots réunis dans une trentaine de phrases distribuées en 6-7 paragraphes. En moyenne, il contient 14 mots par phrase et 5 phrases par paragraphes. Les auteurs du commentaire choisissent plutôt des mots courts (2-3 syllabes) pour exprimer leurs pensées. Les phrases longues (plus de 40 mots) sont quasiment absentes du texte. Le commentaire (comme l’éditorial) est rédigé dans la plupart des cas par un des membres du Comité éditorial. Des rédacteurs en chef ou les responsables de rubrique publient aussi souvent leurs articles dans cette rubrique.

En comparaison avec l’éditorial, les fonctions du commentaire sont plus modestes — le commentaire n’engage pas la responsabilité morale de la rédaction, n’instaure pas la hiérarchie des thèmes à l’intérieur du quotidien, etc. Son rôle s’inscrit complètement dans le cadre commentatif, évaluatif et reconstitutif.

Actuellement, le commentaire occupe la place « d’honneur » — la partie supérieure de la colonne gauche de la page Opinions. Il est encadré. Sa largeur est presque deux fois plus grande que la colonne standard. Le corps d’article est composé en caractères gras. La conséquence est une quantité élevée de noir dans ce bloc par rapport au reste de la page, ce qui attire nécessairement davantage l’attention des lecteurs.

De cette façon, le commentaire est mis en valeur par les procédés typographiques suivants : •l’espace rectangulaire, •les filets, •le jeu de caractères (Times pour le commentaire et Genève pour le reste de la page).

Le choix des sujets et le style rapproche également le commentaire de l’éditorial. Les sujets traités dans cette rubrique couvrent le champ de la vie internationale, sociale, économique, culturelle ou autre, mais toujours sous leurs aspects politiques.

Par comparaison avec l’éditorial, les sujets du commentaire cèdent en actualité, sont moins „combatifs171“, mais obligatoirement importants pour la compréhension de l’événement. Le commentaire montre les interdépendances difficilement compréhensibles ou visibles. Il propose une variante de l’interprétation de l’événement. La solution du problème ou de la situation complexe peut être absente. Mais de plus en plus souvent les auteurs du commentaire du Figaro proposent leurs remèdes de la situation sociale.

La structure du commentaire est traditionnelle : titres — introduction — narration — argumentation — conclusion. Les surtitres annoncent le thème général (A propos du procès X, Le service national, etc.) ou la rubrique (Éducation, etc.) si l’événement ne fait pas partie du bloc socio-politique. Ils sont composés en caractères Genève de 18 points soulignés. Si le titre annonce la rubrique, le surtitre devient superflu et il est supprimé.

Le titre est en caractères Times gras ainsi que le corps de l’article, mais de taille supérieure (le titre — 18 points, l’article — 9 points). Ce sont les groupes nominaux comportant les mises en valeur ou des locutions phraséologiques. Les titres „neutres“ sont assez rares. Mais leur portée ne devient claire qu’après lecture de l’article. De cette façon, les titres du commentaire jouent à peu près le même rôle que les titres des éditoriaux — ils capturent l’attention du lecteur, l’intriguent et l’incitent à la lecture. Souvent, ils ont prétention à une profondeur quasi philosophique.

60 Le nom de l’auteur de l’article est mis en valeur. Il se trouve sous le premier alinéa entre deux filets maigres, composé en caractères Genève gras majuscules de 14 points. Les titres et le nom de l’auteur sont centrés par rapport au corps de l’article.

L’introduction du corps de l’article présente le thème et les acteurs de l’action à l’aide des propositions énonciatives. Cette partie de l’article est stylistiquement neutre. L’auteur reste impassible par rapport au sujet. On ne reconnaît pas encore ses propres positions. L’introduction ne prédéfinit pas l’angle de présentation du matériel, mais elle prépare la lecture de l’article par l’instauration première du cadre perceptif du texte. La narration donne les détails sur l’action même, éclaire son sens. L’auteur montre peu à peu qu’il n’est pas indifférent à l’évolution de l’événement et introduit dans le discours les sujets seconds, mais qui se relèvent plus importants que les sujets premiers. Quelques épithètes, les mots à connotation émotive d’un côté, ou les professionnalismes et le discours rapporté de l’autre, se joignent, et instaurent une sorte d’équilibre entre la réalité „objective“ de l’événement et les positions d’auteur. L’argumentation est marquée déjà de l’expression claire des sentiments d’auteur. La méthode principale de l’argumentation ne diffère pas beaucoup de celle de l’éditorial. L’auteur dresse un schéma de déroulement de l’événement, y compris ses raisons, les conditions et les conséquences. C’est ici que la logique et la figuralité s’ajoutent pour convaincre le lecteur. Les métaphores (surtout du domaine de médecine ou de la guerre) jouent un rôle important, elles aident l’auteur à renforcer l’argumentation qui a quand même la mission primordiale dans la persuasion. L’auteur agit plutôt par voie de raison que par voie émotive. Mais les bases de cette raison se trouvent dans l’idéologie. Tous les arguments sont dictés par les positions politiques et idéologiques de l’auteur. Ils mènent directement à la conclusion. La conclusion est un appel explicite à l’opinion publique — l’interlocuteur direct de l’auteur du commentaire. Le commentaire ne se contente pas (à la différence de l’éditorial) de suggérer la solution du problème. Les propositions impératives (il est nécessaire…, il faut…, etc.) terminent la structure compositionnelle et sémantique du commentaire. Mais souvent, surtout si l’auteur est allé trop loin dans son analyse de la situation et a abouti à des déductions extrêmes, la conclusion sert à détourner l’attention du lecteur du schéma de comportement social suggéré par l’article. C’est une sorte de sortie du discours, la sortie qui évite les sentiments excessifs. Le style du commentaire est argumentatif, il contient l’expression explicite de la position de l’auteur par rapport à l’événement commenté. En plus, le commentaire a pour but non seulement de commenter l’événement, mais plutôt d’influencer son évolution. Cette influence se réalise dans le cadre communicatif bien déterminé. Ce cadre est caractérisé par une figure particulière du sujet discursif. Par comparaison avec l’éditorial, le sujet discursif du commentaire n’est pas l’expression de l’image collective de la rédaction, même s’il parle de temps en temps au nom du journal. Mais, d’un autre côté, on ne peut pas dire qu’il a son propre visage, sa propre identité. Il se veut être le porte-parole d’un certain groupe social qui s’associe pour lui avec la nation, par conséquent, associe les intérêts et les valeurs de ce groupe social avec les intérêts et les valeurs nationales. Dans le commentaire, le sujet du discours est un témoin omniprésent. Il voit tout, il connaît tout, même les pensées subtiles des acteurs de l’événement. Le futur n’est plus caché de lui. Mais ce témoin n’est pas indifférent à l’évolution des faits. Il prend des positions claires par rapports aux événements de l’actualité et propose sa solution du problème. Cette solution est dictée par des positions sociales de l’auteur et des lecteurs représentatifs du journal dont le style porte les marques.

Le discours subit dans sa totalité des règles de clarté. La syntaxe est relativement simple, la structure des phrases est logique, le lexique à portée de tous. Les locutions du français populaire,

61 ainsi que les professionnalismes trop savants sont absents du discours. Si l’emploi de quelques expressions spécifiques se relève indispensable, les termes sont expliqués dans le texte. L’auteur, par cette explication, s’éloigne de ces termes techniques. Si l’article a une portée critique, l’auteur ne quitte pas son vocabulaire de français soutenu et effectue sa désapprobation par l’ironie et par la création du cadre spécifique de la perception du discours. Un des moyens de la création de ce cadre est la sélection des citations. Comme le commentaire du Figaro s’occupe davantage du discours d’autrui que des événements „physiques“, le choix des citations de ses interlocuteurs et l’encadrement par ses propres commentaires ne laisse pas aux lecteurs beaucoup de liberté pour leur interprétation. Paradoxale- ment, le rapport du discours n’est pas le but du commentaire, mais le procédé rhétorique qui „aide“ le lecteur à aboutir aux conclusions nécessaires et, à la limite, à la formation des opinions déterminées.

Pour illustrer la formation de ces opinions, l’analyse d’un commentaire se relève nécessaire. L’article de M. Bernard Bonilauri publié dans le Figaro mardi, le 5 mars 1996 paraît dans beaucoup de cas exemplaire : Dénigrement culturel

PAR BERNARD BONILAURI

(1) D’habitude quand un hebdomadaire américain consacre sa couverture à un phénomène français l’information est répercutée dans les médias. (2) Newsweek a traité le 26 février de la culture des banlieues françaises avec en photo de couverture le chanteur originaire du Sénégal MC Solar, roi du rap « made in France ». (3) Aucun écho cette fois. (4) Parions que ce silence s’explique par le titre plutôt vexant: « En France le seul art qui compte est la culture de la rue ». (5) En résumé: la banlieue est à la mode grâce à la musique rapp et aux graffitis des artistes « taggers ». (6) C’est elle qui est porteuse de modernité et non Paris ou Lyon. (7) La périphérie des villes produit davantage de valeur culturelle que les centres urbains. (8) Newsweek rapporte des commentaires de Franco-Africains ou de Franco-Maghrébins. (9) Exemple: « La culture française c’était la baguette, le béret et le camembert. Maintenant c’est nous. » (10) Bizarrement les journalistes américains qui passent pour être de bons professionnels accordent un sens à ce genre de niaiseries. (11) Le mot culture est employé dans tous les sens et dans tous les domaines: sport, gastronomie, mode, entreprise, école, chanson... (12) Dans la mesure où son emploi se généralise, sa signification se noie dans l’imprécision. (13) En quoi les chanteurs de rapp de la banlieue parisienne sont-ils plus culturels que la chanteuse internationale Céline Dion ? (14) Pur décret idéologique. (15) Le comble du dérisoire c’est la photographie sur une double page du magazine d’un « designer de mode banlieusard d’origine africaine devant sa machine à coudre énonçant cette vérité définitive: « Les banlieues l’emportent sur le plan de la création. » (16) Paris, capitale de la mode, n’existerait-il plus ? (17) Heureusement la banlieue est là. (18) Derrière cet amas de sottises se profile un vrai problème de société. (19) Car cette phraséologie n’a qu’une fonction: nourrir l’hostilité à l’égard du pays d’accueil. (20) Newsweek met en exergue une formule d’un Africain d’Argenteuil: « Il n’y a pas de culture française. » (21) Vocabulaire qui cultive l’antagonisme pour l’antagonisme.

62 (22) Les enquêteurs américains auraient pu demander à ces nouveaux ingénieurs des âmes de justifier leurs opinions. (23) On finirait par croire qu’à l’exception des taggers et des rappers il n’y a en France ni peintres, ni dessinateurs, ni architectes, ni créateurs de mode, de voitures, de meubles, ni écrivains, ni paroliers, ni compositeurs. (24) Culturellement l’esprit critique n’est pas choquant. (25) L’histoire des idées, de l’art et de la littérature française est parsemée de talents et de génies (progressistes ou conservateurs) qui ont critiqué la France. (26) L’identité française est en perpétuelle dispute avec elle-même. (27) Paul Ricœur l’un des derniers grands philosophes a expliqué dans nos colonnes que seule l’Amérique permettait aux penseurs et aux chercheurs d’exercer leur métier. (28) Analyste critique Ricœur reste un pilier de la culture française. (29) C’est à ce titre que les Américains le reçoivent, l’honorent et l’apprécient. (30) Ce qui choque dans l’enquête de Newsweek, c’est une sorte de complaisance à l’égard de l’idéologie du dénigrement culturel antifrançais. B.B. L’exemple est tiré du Figaro, 05.03.1996

Cet article de M. Bernard Bonilauri est le commentaire d’un numéro de Newsweek, consacré à la culture française. Mais assez vite, on s’aperçoit que le numéro de cet hebdomadaire américain n’est qu’un prétexte pour poser les questions d’ordre social et idéologique à la fois : la place de la culture d’origine africaine en France et ses rapports avec la culture française. Le clivage entre le thème traité par Newsweek et le commentaire du Figaro est considérable. Il s’agit en fait de deux phénomènes différents : Newsweek parle de la « culture » dans le sens anglais du mot, naturellement et le Figaro de la « culture » (fr. - ensemble de la production littéraire, artistique, spirituelle172…) Le champ sémantique de la notion anglaise est plus large et le correspondant français est plutôt « civilisation » que « culture ». L’homographie de deux mots a facilité la substitution de deux notions dans le schéma argumentatif du sujet discursif. Le sujet remplit une triple fonction dans l’article analysé : • il parle de la part de la rédaction du Figaro (dans nos colonnes), • il est un complice du lecteur (parions que…), • il est le représentant de l’opinion publique (on finirait par croire…). Mais ce qui est encore plus important, l’auteur de l’article a prétention de savoir la vérité ultime, il connaît ce qui bon, ce qui est mauvais, ce qui est juste ce qui n’est le pas. Il se sent en plein droit même d’enseigner l’anglais à ses collègues américains, le champ sémantique du mot « culture », par exemple. Son exposé relève du style soutenu. L’article abonde de citations. La syntaxe est très complexe avec les constructions passives, relatives et plusieurs procédés de la mise en valeur par l’inversion du sujet. Des expressions comme se profiler, le comble du dérisoire, mettre en exergue, etc. porte la marque du haut niveau culturel de l’auteur. Seulement, quand il parle des prétentions des français d’origine africaine à leur place, au sein de la société française, l’auteur change le registre. Des expressions comme cet amas de sottises, ce genre de niaiserie apparaissent dans le discours pour caractériser les messages des habitants de banlieues. Le trait distinctif de ce genre est le rapport du discours d’autrui. Mais le commentaire transmet le discours d’autrui d’autre façon que le reportage. Le rapport du discours n’est pas le but de ce genre, mais le procédé rhétorique. L’effet produit par ce procédé est la coupure de liaison directe avec le vrai sujet de l’article.

Le commentaire du Figaro analysé n’a pas de surtitre car la rubrique correspondante est annoncée par le titre de l’article Culture. Le titre — Dénigrement culturel — est un groupe

63 nominal qui comporte une mise en valeur. Le substantif dénigrement est stylistiquement marqué. Son champ sémantique implique les sentiments de malveillance, de discrédit, etc. L’introduction du commentaire présente le thème : le numéro de Newsweek consacré à la culture des banlieues françaises. En apparence, le style de l’introduction est neutre. Cette neutralité apparente est, pour beaucoup, un produit de la structuration du discours. La proposition (3) est coupée de l’unité textuelle pour ouvrir le deuxième alinéa malgré des relations intenses avec le début de l’article. Le présent de l’indicatif de la proposition (1) introduit par d’habitude qui est suivi du passé composé de la proposition (2) exige un achèvement qui est livré au début du deuxième paragraphe — cette fois. De cette façon, la division entre le premier et le deuxième paragraphe suit les mêmes règles que la coupure d’un film par les spots publicitaires : la coupure est faite au milieu d’un épisode à haute densité dont la résolution est attendue dans la séquence à suivre. Le lecteur reste intrigué et veut continuer la lecture pour savoir ce qui s’est passé cette fois-ci, à la différence du déroulement habituel des faits. La réponse est livrée au début du deuxième paragraphe par une proposition très courte (3) qui est parcourue si vite des yeux du lecteur que, par inertie, il continue la lecture de la proposition (4). Nous voilà donc au milieu de l’argumentation de l’auteur. Mais avant d’exposer les pour et les contre, le journaliste du Figaro veut gagner des lecteurs. Il atteint ce but par l’emploi de la première personne du pluriel de l’impératif en avançant son hypothèse — parions. Au niveau du discours nous avons de cette façon deux paires d’actants : d’un côté, les journalistes de Newsweek et les français d’origine maghrébine ou africaine et de l’autre l’auteur du Figaro et les lecteurs du quotidien. Cet antagonisme est renforcé par toutes sortes d’oppositions sémantiques et les mises en valeur consécutives. Tout au long du texte les centres urbains (surtout Paris) sont opposés à la banlieue ; la culture française (Paul Ricœur, Céline Dion) à la musique rapp et graffitis des Franco-Africains et des Franco-Maghrébins. La prétention du dernier groupe à l’adjectif „culturel“ et les avis positifs des journalistes américains, en ce qui concerne la valeur de cette culture, sont fortement réfutés. Cette réfutation est mise en scène à l’aide de l’ironie. Chaque sujet trouve ici sa qualification — les journalistes américains qui passent pour être de bons professionnels, mais ne le sont vraisemblablement pas, car leurs reportages ne sont qu’un amas de sottises, etc. — les artistes de banlieue qui sont ironiquement qualifiés de designer de mode banlieusard, de nouveaux ingénieurs des âmes… Ironique est la qualification de la musique de MC Solar par l’anglicisme « made in France », formule qu’on trouve sur des produits industriels mais qui est inapplicable pour les œuvres d’art. Même l’adjectif „culturel“ a quitté la classe des adjectifs quantitatifs pour devenir qualitatif et recevoir le degré de comparaison „plus culturel“. Mais depuis le 6-ème paragraphe l’auteur devient de plus en plus sérieux. L’ironie est encore présente dans le discours mais elle avoisine déjà des réflexions d’ordre social. M. Bonilauri accuse vigoureusement les journalistes américains de publier, et les artistes de banlieue de prononcer un discours qui n’a qu’une fonction : nourrir l’hostilité à l’égard du pays d’accueil, un discours qui cultive l’antagonisme pour l’antagonisme. De cette façon, d’après l’auteur de l’article, ce sont des Franco-Africains et des Franco-Maghrébins qui sont coupables dans toutes sortes de difficultés qu’ils rencontrent lors de l’intégration en France. Ce sont eux qui propagent l’hostilité vis-à-vis de la France qui les a si chaleureusement accueillis. Les paragraphes 8 et 9 sont en contradiction directe avec la partie précédente, même s’ils sont introduits par l’adverbe „culturellement“, dont la racine reflète le thème de l’article et qui est à la base de cohérence de tout le texte. Ces deux paragraphes postulent que la critique de la France n’est pas choquante, elle est même presque banale. Par cet énoncé l’auteur veut probablement dire que, par exemple, une formule „Les banlieues l’emportent sur le plan de la création“ ne soit pas du tout une „sottise“. Au contraire, elle se trouve sur la même ligne que „des talents et des génies (progressistes ou conservateurs) qui ont critiqué la France“.

64 La conclusion joue un rôle particulier dans le commentaire. C’est une sorte de verdict, contre l’enquête de Newsweek. Mais la présupposition de ce verdict qui porte à accepter la qualification des comportements socioculturels des Français d’origine africaine ou maghrébine comme „l’idéologie du dénigrement culturel antifrançais“, déplace le centre d’attention des lecteurs du message profond de l’article.

Le commentaire retransmet l’information, l’explique et, dans le dialogue avec l’opinion publique, mobilise les lecteurs du journal pour des actions concrètes. Compte tenu de l’absence sur cette page du Figaro des genres informatifs, les faits sont repris d’une façon courte et laconique par le journaliste ce qui permet à l’auteur de la publication de présenter l’information sous l’angle subjectif, tout en restant dans le cadre objectivant de l’exposé. La forme la plus répandue du commentaire du Figaro est un appel. Mais souvent cet appel cache un message profond, destiné à être assimilé d’une façon automatique et presque inconscient. Cette tâche n’est pas si difficile car les messages profonds du commentaire ne sont presque jamais explicitement formulés. Le texte est écrit de telle façon que chacun comprend très bien de quoi il s’agit et ce que l’auteur veut dire.

4.3.1.2. La tribune libre Les quatre colonnes centrales de la page Opinions sont consacrées à la Tribune libre. Ce sont deux ou trois articles qui présentent un genre de commentaire politique. Mais c’est un commentaire personnalisé qui porte les marques des opinions de ses auteurs : les intellectuels ayant des hautes positions sociales (maires, députés, enseignants, ambassadeurs, membres de l’Institut ou de l’Académie, etc).

Dans cette rubrique le Figaro continue la vieille tradition française qui engage les intellectuels d’exprimer leurs opinions sur les questions cruciales de la politique actuelle. Ils se présentent dans ce cas comme des experts dans leurs domaines et apportent la connaissance profonde du sujet en approuvant / désapprouvant telle ou telle décision politique ou en commentant tel ou tel événement. De cette façon, la rédaction atteint d’un seul coup deux buts différents : d’un côté, c’est un commentaire d’expert par la publication duquel le Figaro crée l’image d’un quotidien sérieux et compétent, d’un autre côté, c’est une opinion extérieure qui, en apparence, ne fait pas partie de la rédaction et, de cette façon, permettent de proclamer la „pluralité d’opinions“. Mais le choix des auteurs, ainsi que les idées proclamées dans cette rubrique ne diffèrent pas beaucoup de la ligne rédactionnelle. Si ces textes expriment parfois des opinions contradictoires et contestataires, cette pluralité des points de vue ne sert qu’à mettre en relief des idées convenues et fait partie de la stratégie persuasive du journal, étant entendu que la place allouée aux vues hétérodoxes est toujours inférieure à celle réservée à la ligne du quotidien173. Leur argumentation ( contenu ), leur forme et la présentation ( cadre, style, nomination officielle de l’auteur, etc. ) prédéterminent également des résultats de l’opposition. En outre, les titres honorifiques ou les nominations officielles cachent parfois les éditorialistes permanents du Figaro. Par exemple, Annie Kriegel a été souvent présentée comme professeur à l’université de Paris-X-Nanterre, tandis que plus de quinze ans de travail avec Max Clos lui donnaient le droit de se présenter lors des colloques et conférences comme éditorialiste du Figaro174. Thierry de Montbrial signe les articles de la Tribune libre comme membre de l’Institut (p.ex. 30.03.95, 24.01.96) sans indiquer qu’il est le membre du Comité éditorial du quotidien. Ces textes sont composés en caractères de famille Genève (25-26 signes par ligne) dont la forme simple (la hauteur en papier est réduite, la chasse est, au contraire, importante) et la valeur insignifiante mettent en relief les titres et le nom de l’auteur de l’article. Les titres sont composés

65 en caractère gras. Ils ont une taille très supérieure au corps de l’article. La présence de titres, sous-titres, surtitres et intertitres permet d’aérer la présentation du matériel (nécessaire en raison de l’absence d’illustration) et crée une sorte de matrice facilitant la lecture rapide de la page. En outre, les titres sont justifiés sur trois colonnes de l’article et constituent l’axe horizontal, le pivot central de toute la page.

Le spectre des sujets traités dans cette rubrique est assez large. Il comprend les sujets de la politique internationale ou intérieure, les questions sociales et les problèmes culturels.

Mais les sujets traités dans cette rubrique sont moins généraux et moins spectaculaires que ceux du commentaire ou de l’éditorial. Les auteurs des articles choisissent les événements peu connus de large public et construisent sur cette base leur argumentation.

La titraille des articles de la tribune libre est multiple. Elle comporte un titre, un sous-titre et quelques intertitres. Quelquefois le surtitre apparaît pour ajouter une valeur au discours de la titraille. Le titre est souvent un groupe nominal qui exprime l’idée maîtresse de l’article dans sa forme condensée. Compte tenu que ce genre d’article appartient aux textes d’opinion, les expressions affectives ne sont pas rares — SOS jeunesse, Audiovisuel : pour un vrai changement, etc. Le sous-titre précise et développe le thème annoncé par le titre. Il se termine par un point : une marque syntaxique de la clôture et d’une certaine autonomie du discours. Souvent, les sous- titres présentent les thèses de l’argumentation ou les conclusions principales. Un ou quelques (si l’article est volumineux) intertitres aèrent la mise en page de la tribune libre. C’est la principale raison de leur apparition dans le discours. Mais, à la différence du Monde, ils correspondent à la structure de l’article et de fait introduisent les passages importants du texte. Le corps de l’article a la même structure que le commentaire ou l’éditorial avec certains changements dans les stratégies discursives suivant la partie structurelle de l’article. Dans l’introduction, l’auteur de l’article présente le thème et argumente son choix. C’est toujours un problème qui a quelques solutions possibles ou réelles. Dans la narration l’auteur présente l’analyse schématique des solutions probables. Cette analyse se passe en général d’une façon dichotomique — gauche / droite, France / étrangers, communisme / démocratie occidentale, etc. Cette partie est assez courte (un ou deux paragraphes). L’argumentation est une partie centrale de l’article. Ici l’auteur peut montrer ses connaissances du sujet et sa vision du problème. La première étape de l’argumentation est une courte présentation de l’arrière-plan de l’événement. La deuxième étape est la présentation des solutions possibles du problème et l’analyse de ces solutions avec la négation des solutions inacceptables. Les chiffres, les citations des documents peu connus, sont à la base de cette argumentation. La troisième étape est l’assertion des solutions restantes et, de cette façon, les rendre acceptables. La propagande directe pour ces solutions est pratiquement absente du discours. L’auteur veut rester objectif et fait confiance aux lecteurs du journal qui n’ont pas besoin des slogans propagandistes pour tirer les conclusions correctes. Dans la conclusion l’auteur prend la distance par rapport à son discours. Il laisse la « liberté » à son lecteur de prendre partie d’une façon autonome. La conclusion dans le sens propre du mot est absente. C’est plutôt un genre d’exode du discours. L’auteur revient ici sur l’importance du problème évoquée au début de l’article.

66 La tribune libre est un genre de commentaire, mais c’est un commentaire personnalisé qui, en apparence, ne reflète que des opinions personnelles. Cependant la responsabilité sociale d’intellectuel permet aux auteurs de ce genre discursif de prendre des positions de porte-parole de la nation. De cette façon, le style de ce genre réunit le style du discours personnalisé et, en même temps, le style de journalisme objectivant. Les lois du journalisme objectivant défendent l’emploi de la première personne du singulier, mais l’avis d’expert l’ exige. C’est pourquoi le style de la tribune libre est pour la grande partie, neutre. L’auteur expose des données „objectifs“ par des propositions énonciatives avec plusieurs chiffres, des citations de sources scientifiques et bien sûr ses propres recherches ou analyse. Mais, de temps en temps il passe au discours direct en introduisant ses phrases par je. Le style de ces passages est marqué dans ces cas par la forte représentativité, la figuralité, la plurivalence et le retour vers une plus grande personnalisation : l’utilisation de la première personne du singulier au niveau du sujet de discours, la syntaxe complexe avec plusieurs subordonnées, le passé simple, etc. On remarque également les opinions personnelles de l’auteur dans le choix de l’information, les constructions logiques ou par quelques épithètes valorisants. De temps en temps on rencontre des figures rhétoriques : hyperbole, métonymie ( le système ), comparaison, gradation ( comme mes parents, comme mes enfants et comme des millions de Français ), synecdoque (pur - qui n’est pas contaminé et dans le sens moral)175… Mais, à la différence du style des belles-lettres, on observe l’absence presque totale de métaphores, ce qui donne l’effet d’un discours précis et clair avec une grande force argumentative.

D’après les rapports à la réalité, on peut grouper les articles de la tribune libre en trois groupes : ceux qui préparent l’événement, ceux qui sont écrits immédiatement après un événement et les articles dont les sujets traitent des événements lointains.

•Dans le premier cas l’auteur présente un événement qui doit se produire en avenir proche, analyse les chemins possibles à sa réalisation, montre les conséquences de chaque possibilité, les évalue et suggère/impose la meilleure solution. •Dans le deuxième cas l’événement appartient déjà au passé. L’auteur fait une analyse de la nouvelle situation et s’arrête sur l’évaluation de cet événement récent.

Les thèmes de la tribune libre ne sont pas toujours étroitement liés à l’actualité immédiate. Dans la plupart des cas ils se trouvent un peu décalés car il faut prendre du temps pour l’analyse d’un événement politique. Les sujets d’arrière-fond politique sont d’une importance primordiale pour la construction idéologique, comme les articles de la tribune libre. Les sujets du domaine historique comme de l’histoire de la France (maréchal Pétain, général de Gaule, etc.), et de l’histoire mondiale (le début de la guerre froide, etc.) jouent un rôle primordial.

Un exemple :

Effondrement de la natalité

SOS jeunesse

En 2015, la France comptera plus de personnes du troisième âge que de jeunes • 879 000 naissances en 1971, 708 000 en 1994 • Les hommes politiques résignés au naufrage de la France et de l’Europe.

67 La terrible crise sociale dans laquelle plonge la France ne peut s’expliquer entièrement par des considérations économiques, morales ou politiques : le facteur démographique y joue un rôle déterminant.

PAR JACQUES DUPAQIER*

La population de la France est passée, depuis la Seconde Guerre mondiale, de 40 à 58 millions d’habitants; pourtant, sa situation démographique est alarmante. Sa pyramide des âges prend peu à peu la forme d’un as de pique, avec une pointe effilée, un corps énorme et une base réduite. Depuis 1975, le nombre des jeunes de moins de vingt ans a diminué d’un million et demi ; celui des personnes âgées (50 ans et plus) a augmenté de deux millions. Et le mouvement va s’accélérer : même si la fécondité remonte légèrement en 2015, la France comptera plus de personnes du 3e âge que de jeunes : la proportion des premières atteindra 25 % et cette progression se poursuivra pendant toute la première moitié du XXe siècle, tandis que la population totale commencera à diminuer. Ce renversement de la pyramide des âges s’explique en partie par l’allongement de l’espérance de vie, mais surtout par la réduction de la natalité : le nombre des naissances, qui avait atteint 879 000 en 1971, est tombé à 708 000 en 1994. On annonce un léger mieux pour 1995, mais le taux de fécondité (1,65 enfant par femme, en 1993 et 1994) restera largement inférieur à ce qui serait nécessaire pour assurer le remplacement des générations (2,1).

Le refus de voir

La réalité de cette crise est niée, avec un acharnement suspect, par quelques docteurs Tant Mieux, qui craignent le retour d’un hypothétique « ordre moral », et croient que tout pourrait s’arranger en ouvrant toutes grandes les vannes de l’immigration. Pour les besoins de la cause ils vont jusqu’à falsifier les chiffres : ils nient la réalité du vieillissement démographique ; ils détournent l’attention en prétendant que les notions de quantité ou de densité de population ont fait leur temps ; ils font semblant d’ignorer que le vrai problème est d’assurer l’équilibre numérique entre générations, pour éviter que ne se creuse un fossé entre elles, et que la crise sociale ne s’aggrave encore. Ils tentent d’anesthésier l’opinion par un raisonnement erroné : « … Le nombre annuel des naissances l’emporte encore sur celui des décès... » Or même un apprenti démographe sait qu’il s’agit seulement d’un « effet de pyramide » : les classes pleines nées à l’époque du baby-boom, aujourd’hui âgées de 22 à 60 ans, fournissent beaucoup de naissances et peu de décès ; mais cela ne saurait durer. Les hommes politiques responsables ne tombent pas dans ces absurdités, mais ils préfèrent ignorer la réalité de la crise démographique, ils ont horreur qu’on en parle ; ils semblent s’être résignés à l’idée d’un naufrage de la France et de l’Europe, à condition que cela se passe discrètement. « Le sommeil est profond qui berce les statues. » L’augmentation spectaculaire du nombre des personnes âgées dans la population française a déjà des répercussions de toutes sortes : économiques, sociales et politiques. Ne pouvant songer à les détailler dans le cadre de cette tribune, je me contente d’en rappeler les principaux aspects : - le poids des retraites, qui représente dès maintenant 850 milliards par an, et devrait s’accroître encore de 40 % en trente ans, - le déséquilibre des comptes de l’assurance maladie qui s’explique en grande partie par le

68 fait que les dépenses de santé sont fonction de l’âge, - la part grandissante des retraités dans le corps électoral et davantage encore parmi les votants. A ces gros bataillons, quel dirigeant téméraire oserait imposer des sacrifices ? Il est beaucoup moins risqué politiquement de bloquer les allocations familiales que les retraites, - les avantages accordés à l’épargne, qui se traduisent, pour les Jeunes ménages, par des taux d’intérêt trop élevés. D’où leur difficulté à s’établir. D’où la crise de l’industrie du bâtiment, génératrice de chômage.

Crise du mariage Les adultes actifs et plus particulièrement les jeunes générations sont accablés sous les charges sociales dont bénéficient surtout leurs aînés. Comment ne pas évoquer ici la légende d’Enée fuyant Troie à grand-peine, car il devait porter son vieux père Anchise ? La différence entre le mythe d’autrefois et la situation d’aujourd’hui c’est qu’Anchise pèse de plus en plus lourd, et qu’Enée perd progressivement ses forces. La chute de la natalité est liée à celle du mariage : depuis 1972, le nombre des unions a chuté de 40 %, en 1994, il est tombé à 254 000, chiffres les plus bas depuis la guerre. Ainsi, l’effectif des couples mariés ne cesse de se réduire : chaque année, on enregistre plus de ruptures d’unions (530 000 en moyenne, dont deux tiers par veuvage et un tiers par divorce) que de créations de nouveaux foyers. C’est que le modèle traditionnel est concurrence par l’union libre, qui ne cesse de progresser, non seulement parce que les comportements ont changé, mais aussi parce que notre législation sociale et fiscale pénalise de plus en plus lourdement les couples mariés. D’où une proportion considérable de naissances hors mariage : près d’un tiers. Contrairement aux apparences, ce n’est pas un facteur favorable. En effet la fécondité hors mariage est très inférieure à la fécondité légitime. A leur 35e anniversaire, dix femmes mariées ont eu en moyenne 24 enfants, dix femmes en union libre 15 enfants, dix célibataires 5 seulement. Parmi les Françaises en âge d’avoir des enfants, une moitié est mariée et fournit les deux tiers des naissances ; l’autre moitié, un tiers seulement. Le nombre des ménages composés d’une seule personne, qui n’était que de 3 900 000 en 1975 atteignait 6 344 000 au recensement de 1990. Cette crise du mariage accélère la désagrégation des familles; les foyers rompus ne sont plus aptes à jouer un rôle protecteur ; la plupart des enfants qui sombrent dans la drogue et la délinquance sont issus de foyers désunis ; de même pour les exclus et les sans-logis. A-t-on cherché à mesurer ce que la crise de la famille coûte finalement à l’État et à la nation ? Bien entendu, il n’est pas question pour l’État d’intervenir dans la vie privée, ni de renvoyer massivement les femmes au foyer, mais de prendre en compte les aspirations des jeunes, de leur permettre d’entrer dans la vie et d’élaborer un vrai code de la famille pour remplir le vide actuel. J. D. L’exemple est tiré du Figaro, 24.01.1996

Le présent article est consacré aux problèmes démographiques. Son auteur est démographe, historien, directeur d’étude à l’École des Hautes Études en Sciences sociales. En outre, il est le rédacteur en chef de Population et Avenir, c’est-à-dire qu’il a l’expérience journalistique. Dans la courte introduction M. Dupâquier insiste sur le rôle du facteur démographique dans la crise actuelle en France. Ce passage, écrit au présent de l’indicatif, exprime la portée générale de la phrase introductive. Déjà le premier mot de l’article exprime ses sentiments en ce qui concerne la profondeur de la crise, qu’il définit comme terrible. La métaphore – plonger –

69 renforce encore ce sentiment en évoquant l’image de la descente. Ensuite l’auteur dresse un schéma de l’évolution démographique du pays. C’est un texte scientifique écrit par un expert, compétent et concerné par ses études, mais neutre au plan politique. Son discours abonde de chiffres et de termes techniques (fécondité, pyramide des âges, espérance de vie, natalité, etc.) qui ne sont pas tout à fait étrangers aux lecteurs instruits. Une seule image (pyramide des âges qui prend peu à peu la forme d’un as de pique) et quelques épithètes (la situation démographique alarmante, une pointe enfilée, un corps énorme, base réduite) rendent la lecture de ce passage plus facile. Mais depuis le passage après l’intertitre Le refus de voir M. Dupâquier entre dans le domaine politique en expliquant les positions de deux alternatives politiques. Ici l’auteur ne s’exprime pas directement sur les partis politiques comme par exemple Rachid Kaci dans le Figaro du 24.04.96176. Il procède par périphrase. La gauche est appelée ici par quelques docteurs Tant Mieux, qui craignent le retour d’un hypothétique « ordre moral », et croient que tout pourrait s’arranger en ouvrant toutes grandes les vannes de l’immigration et la droite les hommes politiques responsables. Les deux camps politiques sous-estiment les problèmes démographiques. Mais si la gauche le fait par ignorance basée sur les craintes et une analyse fausse de la situation, la droite, consciente des problèmes, préfère quand même les ignorer, ils semblent s’être résignés à l’idée d’un naufrage de la France et de l’Europe, à condition que cela se passe discrètement. Par la suite, l’auteur montre les dangers de l’ignorance des problèmes démographiques et leurs conséquences sur la vie sociale et politique de la France, sans les analyser profondément. C’est la nouvelle entrée du discours scientifique dans le discours des journaux. Mais ici, le discours scientifique apparaît sous sa forme de vulgarisation. Elle est caractérisée par la présence de la terminologie scientifique, mais en même temps de plusieurs éléments emphatiques : métaphores, épithètes, propositions elliptiques, etc. Ensuite, et dans le même style, l’auteur passe aux raisons de cette crise. Pour lui, la crise démographique est liée à la crise du mariage dont la conséquence directe est la chute des naissances. La tâche de l’État serait donc de prendre en compte les aspirations des jeunes, de leur permettre d’entrer dans la vie et d’élaborer un vrai code de la famille pour remplir le vide actuel. Ce genre de conclusion est précédé d’une négation : il n’est pas question pour l’État d’intervenir dans la vie privée, ni de renvoyer massivement les femmes au foyer. Cette négation a pour but de prévenir les interprétations indésirables des propos de l’auteur et priver de cette façon les adversaires de leurs arguments les plus évidents. Les positions de l’auteur de l’article se réduisent au modèle traditionnel de la famille et à l’incitation des hommes politiques raisonnables à agir. De cette façon, l’article de M. Jacques Dupâquier est un article d’opinion où ses connaissances d’expert dans le domaine démographique sont employées à conforter les lecteurs dans leurs valeurs conservatrices, à dévoiler l’incompétence, voire l’ignorance de la gauche, à encourager la droite au pouvoir à prendre les décisions qui s’imposent. Conclusion: La tribune libre est un genre du commentaire politique. Écrit par des intellectuels ayant des hautes positions sociales, cette rubrique apporte une bonne base argumen- tative et des connaissances d’experts pour soutenir la ligne rédactionnelle dans la formation de l’opinion publique et influencer directement la vie politique et sociale de la France.

4.3.1.3. Le courrier des lecteurs La rubrique Courrier des lecteurs est composée des extraits des lettres des lecteurs du quotidien. La référence est toujours un événement politique du passé proche ou la publication récente du Figaro. Ces textes (entre 50 et 200 mots) sont groupés en fonction du thème. Certains thèmes sont titrés. Le titre de rubrique est composé en caractères gras soulignés ce qui augmente sa valeur177 et permet l’identification rapide. Le logo — un encrier avec une plume au-dessus de

70 la rubrique — met en relief encore une fois la source de la publication. Cette rubrique est le produit de l’évolution des petites annonces du Figaro. Au début de XXième siècle elle était composée des annonces des lecteurs sur tous les sujets possibles— achat / vente, réactions sur les événements politiques, mais aussi des déclarations d’amours, messages humoristiques, etc., écrit parfois par les journalistes du Figaro. Avec le temps, cette rubrique a perdu son caractère frivole, l’humour a disparu complètement des pages des petites annonces en laissant la place libre aux annonces de caractère commercial. Les lettres des lecteurs du journal concernant la vie politique ont été déplacées à la page Opinions et constituent aujourd’hui la rubrique Courrier des lecteurs.

Cette rubrique pouvait justifier le pluriel du mot opinions au-dessus de la page. Courrier des lecteurs a prétention de refléter les opinions (voire, toutes les opinions) des lecteurs du Figaro. En fait, on peut lire ici parfois des jugements contestataires. Mais l’analyse, même superficielle, relève les autres buts des publications des lettres des lecteurs du journal. Il est clair que la rédaction utilise les extraits pour ses propres desseins : 1. Montrer le rôle que le quotidien accorde à ses lecteurs. Ce qui est incontestablement un des procédés effectifs de la fidélisation du lectorat. 2. Multiplier les points de vue sur un événement. 3. Multiplier les niveaux de présentation du matériel. 4. Renforcer l’image du journal par la publication des avis favorables des lecteurs (Entièrement d’accord avec Mme Annie Kriegel178… La Première chose que le lecteur lit en ouvrant son Figaro, c’est le Faizant du jour : en quelques traits, tout est dit179…) 5. Introduire des textes à caractère affectif.

Souvent ces lettres servent à exprimer des points de vue trop osés, des mises en causes personnelles, etc., c’est-à-dire les contributions dont la rédaction ne voudrait pas prendre la responsabilité. Ainsi, la lettre d’Yves Morin180 contient un appel explicite à Greenpeace de s’occuper plutôt de cet énorme scandale du nucléaire militaire ex-soviétique que des essais nucléaires français en concluant sa lettre par une question rhétorique : A quand le Rainbow-Warrrior devant Mourmansk ? Il est évident que de tels propos ne pourraient faire partie de la part rédactionnelle du journal ; mais c’est le bon droit de la rédaction, et même leur devoir, de faire connaître les opinions de ses lecteurs sur des problèmes importants de l’actualité, surtout si cette idée se trouve dans la même lignée que la stratégie rédactionnelle. La nécessité de ne publier que des extraits des lettres ne permet pas exposer l’argumentation complète de l’auteur. La rédaction prend le droit de couper les lettres à sa guise. De cette façon, nous lisons la partie centrale de la lettre, c’est-à-dire, l’argumentation. Souvent quand-même, les lecteurs rédigent leurs lettres compte tenu de la spécificité de la rubrique, ne dépassant pas les limites de 500 caractères. Dans ce cas, la structure est plus complète : serré dans un seul paragraphe, le texte se décompose en introduction, narration, argumentation et conclusion. Un exemple :

• Socialisme Après l’effondrement du marxisme, voici la chute de crypto-marxisme : la France, l’Australie et l’Espagne ont vu la fin du leurre socialiste et on ne peut prévoir que la Grèce va s’engager dans cette opération de « catharsis ». La corruption n’est pas la seule cause de cette épuration : le socialisme ne peut pas « marcher », ou bien il ruine l’économie ou, ne tenant pas ses promesses folles, il est rejeté. Mais le courant libéral doit se rappeler que l’« immobilisme » a été fatal à Guizot et à Louis-Philippe. Les réformes de Chirac et Juppé doivent être poursuivies ; mais il faut tenir en laisse les grandes firmes, leur imposer un partage plus équitable des profits

71 et leur interdire des licenciements abusifs. Les pressions inconscientes, démagogiques et destructrices des syndicats pourront, alors être contenues. Jacques EUZEBY, 69280 Marcy-l’Etoile. L’exemple est tiré du Figaro, 05.03.1996

Le thème de la lettre est annoncé dans le titre — le socialisme. La narration est consacrée à la perte du pouvoir du parti socialiste dans les différents pays européens. Elle ne contient qu’une seule position. L’auteur exprime ses sentiments principalement par la métaphore. Il ouvre le texte par deux métaphores devenues traditionnelles (l’effondrement et la chute) mais ne s’arrête pas ici et développe ce procédé. Dans la partie argumentative l’auteur explique les causes de ce phénomène en le définissant comme épuration — la métaphore qui lie ce passage avec la partie narrative contenant la métaphore pareille (opération de « catharsis »). En liant le socialisme et la corruption M. Euzeby développe son argumentation en énonçant que le socialisme ne peut pas marcher. Et il indique les raisons de l’impossibilité d’existence du socialisme — ou bien il ruine l’économie ou, ne tenant pas ses promesses folles, il est rejeté. La première raison est liée à la notion de ruine, la deuxième avec la folie. La conséquence directe de cette conclusion serait d’attendre que le socialisme soit rejeté. Mais l’auteur nie tout de suite cette possibilité. En rappelant les dangers de l’immobilisme dans l’histoire de la France, l’auteur appelle de cette façon le courant libéral de soutenir les réformes de Chirac et Juppé. Il propose également les directions prioritaires et les mesures à prendre lors de ces réformes. Il s’agit de trouver un compromis avec les grandes firmes surtout dans les domaines du partage des profits et des licenciements. En attaquant en fin d’article les syndicats, l’auteur implique l’impossibilité de trouver un accord avec eux. Il ne s’agit que de contenir leurs pressions inconscientes, démagogiques et destructrices.

De cette façon, l’article de M. Euzeby intitulé Socialisme est consacré en fait aux réformes du gouvernement Juppé et contient un appel explicite à les soutenir. La stratégie discursive de M. Euzeby reflète la polarité de la politique où la droite et la gauche correspondent à peu près au bon et au mauvais. L’auteur salue la chute du socialisme et appelle à contenir les pressions syndicales. De l’autre côté, il ne se contente pas du fait que le pouvoir est entre les mains de la droite et essaie de mobiliser le courant libéral à soutenir les réformes car l’immobilisme peut être fatal. Les procédés stylistiques employés dans cet article (mais ceci est valable pour la plupart des articles de cette rubrique) sont surtout les métaphores et les qualitatifs de tout genre. Les impératifs où ses analogues indiquent les intentions de l’auteur. La syntaxe est relativement complexe avec les gradations et les subordonnés (surtout) complétives. En gros, l’expression des sentiments domine ce genre de discours. De ce point de vue, le Courrier des lecteurs sur la page Opinions remplit dans la structure générale du Figaro la même mission que la grande photo à la une.

La présence de la page d’Opinions dans la structure du journal va dans le même sens que les déclarations de la direction du Figaro sur la séparation « des faits et des arguments ». En annonçant certaines publications sous le nom « opinions » la rédaction affiche ouvertement leur intentionnalité. Mais, d’un autre côté, cela pourrait créer l’illusion que les publications ne portant pas cette marque, relèvent de l’information.

4.3.1.4. L’ours L’ours du Figaro contient le nom du quotidien, son logo, une épigraphe de Beaumarchais, l’adresse et la composition de l’administration et de la rédaction, les prix de vente et les 72 conditions d’abonnement. Il est encadré, les différentes parties sont séparées par les filets. L’ours est une publication imposée par la loi et, en principe, il ne doit pas occuper trop d’espace dans le journal. Mais l’ours peut également servir de carte de visite qui joue un rôle important dans la présentation du journal. Le Figaro a choisi cette deuxième possibilité. C’est pourquoi l’ours occupe autant d’espace que le commentaire. La particularité la plus importante est une épigraphe tirée de la comédie de Beaumarchais Le Mariage de Figaro : « Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur. » Cette comédie a été employée plusieurs fois dans l’histoire française comme la célébration des « droits de la libre parole181 ». Le Figaro, dirigé ce temps-là par Pierre Brisson, a introduit une citation de cette comédie en 1958 quand le gouvernement a provisoirement rétablit la censure. Le choix des caractères typographiques dépend de l’importance accordée au texte : les prix, les numéros de téléphone et les noms sont composés en caractères gras, l’épigraphe - en italique, les services et les départements - en lettres majuscules, mais leur taille est inférieure à celle du texte de la page.

4.3.2. La Vie internationale Les pages spécialisées de la Vie internationale ouvrent la partie « informative » du Figaro. Ce sont deux ou trois pages qui suivent la page Opinions. Mais s’il y a de la publicité occupant toute la page, la rédaction cède volontiers la troisième page, en créant ainsi une sorte de rupture entre les textes d’opinions et les textes d’informations. La Vie internationale est consacrée aux événements passés à l’étranger ou en France, mais touchant les relations internationales de ce pays. Dans le choix des sujets, la présentation des oppositions dans les coutumes, les mœurs ou les habitudes des autres nations par rapport au peuple français ne joue pas le dernier rôle, ce qui peut être considéré, à la limite, comme la construction de l’auto-image nationale. Le clivage gauche / droite trouve également son expression dans le choix des articles. Les articles sont organisés d’après le principe géographique (Europe, Amérique, Afrique…) Leur succession et l’espace attribué reflètent l’importance de l’événement pour la France en général ou pour la rédaction en particulier. L’espace de cette page est organisée d’une manière asymétrique en blocs rectangulaires, séparés l’un de l’autre par des filets. Toute la page est bien structurée et équilibrée. Les nouveaux procédés de la photocomposition permettent de s’affranchir des contraintes typographiques qui pesaient jusqu’à la fin des années 70 et de ne plus maintenir la mise en forme en colonnes, même si l’usage reste encore solidement maintenu. Le rapport des colonnes entre elles détermine la force d’une information. Ce qui devient important alors pour la perception d’un événement, c’est l’ensemble de surfaces (et non plus la seule succession de textes) qui, rompant la linéarité temporelle de la page, impose une logique spatiale182. Si quelques articles traitent le même sujet, ils peuvent être réunis par le surtitre, mais opposés l’un à l’autre par le filet. Dans ce cas ils ont la même mise en page. La surface de la Vie internationale est dominée par le reportage. Dans le cas d’un événement extraordinaire (ou présenté comme tel), le reportage occupe souvent toute la page, ce qui souligne l’importance accordée à cette forme d’article. Mais, comme la préparation du reportage exige un investissement important en temps et en moyens financiers, pour réagir vite et rendre compte d’un événement avant ses concurrents, le Figaro consacre assez de place aux articles qui peuvent être classés parmi les nouvelles avec tous ses sous-genres possibles. Une seule rubrique est présente sur ces pages. C’est Le monde en bref. Cette rubrique est séparée du reste de la page par des filets. Elle est accompagnée d’un logo symbolisant le globe. Le nom de la rubrique est encadré. Il est composé en caractères Courrier soulignés. Ce type de caractère rappelle l’écriture de la machine à écrire et donne l’apparence d’une information

73 fraîche, écrite un peu à la hâte, mais d’une certaine importance. Le premier article de la rubrique Le monde en bref est le filet, suivi de quatre jusqu’à dix brèves — télex des agences de presse. Les illustrations de tous les types (schéma, dessin, photo) sont ici souvent employées. Elles jouent ici le rôle secondaire et sont subordonnées au texte. La publicité est également présente sur les pages de la Vie internationale.

4.3.2.1. Les nouvelles politiques La plus grande partie de la matière rédactionnelle est traitée par le genre de la nouvelle. Ce genre donne la primauté de l’information sur l’opinion. La fonction dominante de tous ces articles est de rapporter les faits sans les commentaires, les croyances, les positions prises… Pourtant, pour atteindre ce but il faudrait oublier, pour un moment, toutes nos convictions, notre vision du monde personnelle ce qui est une tâche pratiquement impossible. En fait, la nouvelle n’est pas un genre homogène, mais elle est composée de types différents. Le sujet, le volume et le but énonciatif permettent de rassembler les genres si différents qu’une brève, une soft news ou une hard news sous le même nom.

Un autre critère de différenciation donne le rapport à l’actualité. De ce point de vue, la nouvelle peut être publiée : – avant qu’un événement soit passé : la nouvelle prospective, – pendant ou tout de suite après qu’un événement soit passé : la nouvelle d’actualité, – après l’événement, l’expliquant ou montrant ses conséquences : la nouvelle rétrospective.

La nouvelle prospective Le premier type de la nouvelle — la nouvelle prospective — est appelé à préparer les lecteurs pour un événement qui s’annonce. Il s’agit ici le plus souvent des événements annoncés de longue date : des élections, une conférence internationale, une visite d’une personnalité étrangère en France ou vice-versa… Dans ce cas l’article communique les informations de fond nécessaires pour la compréhension de l’événement à venir. La structure de cette nouvelle s’approche de hard news : le surtitre annonce le thème de l’article, le titre — l’idée maîtresse, le sous-titre — le sujet. Le lead rappelle la brève de l’agence de presse. Il répond aux questions principales du discours médiatique — qui ? quoi ? quand ? De plus en plus souvent les journalistes du Figaro se passent du lead en développant le sous-titre. Le corps de l’article communique les informations nécessaires pour la lecture des articles postérieurs. Il s’agit le plus souvent d’un aperçu historique du problème, de la présentation courte de l’événement en préparation et du développement possible de la situation. Ces trois composants peuvent prendre une place différente dans la succession du discours. Dans l’article cité en exemple, le début est consacré à la description de l’événement — la visite officielle du premier ministre du Québec à Paris et le référendum prochain sur le statut de cette province. En outre, ce paragraphe contient la description de la situation et la caractéristique générale de la personne en question. Le paragraphe suivant s’occupe de la présentation plus détaillée du premier ministre de la province du Canada avec son projet politique — l’indépendance du Québec. Le dernier paragraphe présente l’issue possible du référendum sur ce sujet. Le temps grammatical du récit correspond à ces projets discursifs : le présent de l’indicatif pour la description de la situation, le passé composé pour la présentation historique et le futur simple pour les pronostics du journaliste. Le style du discours a quelques particularités à signaler. La première est l’opposition stylistique entre la partie présentative de l’article (la titraille et le lead) et le corps de l’article. La première partie (sauf le titre basé sur la métaphore) est rédigée dans le style neutre, voire officiel. La seconde — dans le style imagé avec tous ses attributs — métaphores, épithètes, citations

74 littéraires… Un élément de cette partie est le discours rapporté (les citations du discours politique du Québec) qui présente la situation au Canada de „l’intérieur“. En outre, l’article est accompagné du portrait de Jacques Parizeau qui occupe un tiers de la surface attribuée à ce sujet. Le premier ministre du Québec est photographié lors de son discours : le visage concentré, la main soulevée, le corps un peu incliné en avant. Toute l’image montre cet homme politique en action. Il explique, il essaie de convaincre ses interlocuteurs. La légende de l’illustration souligne l’importance accordée par la France à cette visite. Un exemple :

La visite à Paris du premier ministre du Québec Parizeau, pèlerin de l’indépendance Le chef du gouvernement demandera dans quelques mois à ses concitoyens de se prononcer par référendum.

Quatre mois après le retour au pouvoir du Parti québécois, le premier ministre de la Belle- Province, Jacques Parizeau, consacre son premier voyage officiel hors Amérique du Nord à la France. Au programme de cette visite de cinq jours, une réception hier à l’Assemblée nationale, où Jacques Parizeau a été accueilli par le président Philippe Séguin, puis un tête-à-tête avec le ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé. Le chef du gouvernement québécois doit avoir demain une entrevue avec le président Mitterand, suivie d’un entretien avec le premier ministre Édouard Balladur. A l’heure où l’éclatement des empires et les conflits sécessionnistes à l’est de l’Europe font trembler les chancelleries occidentales, Paris accueille en visite officielle un séparatiste déclaré. Jacques Parizeau, la soixantaine carrée et la moustache gauloise, est l’homme d’une seule idée : l’indépendance du Québec. Cet économiste des beaux quartiers de Montréal n’est entré en politique aux côtés de l’ancien chef péquiste et premier ministre René Lévesque que pour réaliser ce rêve. Malgré l’échec d’un premier référendum en 1980, où l’indépendance a été rejetée par 60 % de ses concitoyens, il n’a pas désarmé. Le 6 décembre, il a déposé à l’Assemblée nationale un avant- projet de loi sur le projet politique que le gouvernement québécois préconise « pour résoudre de façon définitive le problème constitutionnel dans lequel le Québec se débat depuis plusieurs générations ». En d’autres termes, un divorce à l’amiable d’avec le reste du Canada. Le Parti québécois utilise à dessein le terme de souveraineté plutôt que le vocable d’indépendance. Jacques Parizeau veut donner au Québec les attributs d’une nation à part entière mais propose de conserver une monnaie unique (le dollar canadien) et de permettre aux Québécois d’avoir la double nationalité. « En matière de citoyenneté et de monnaie, c’est Ottawa qui décide, Québec n’a pas droit au chapitre », a immédiatement rétorqué le premier ministre canadien, le libéral Jean Chrétien. Invités à participer à la rédaction du projet d’indépendance, les 4,8 millions d’électeurs québécois se prononceront dans quelques mois par voie de référendum. Mettront-ils fin à la rengaine du « Je t’aime, moi non plus » qui scande les rapports entre la province francophone et le Canada anglais depuis près de deux siècles ? Rien n’est moins sûr. Dans les sondages, le « non » est toujours en tête, de quelques points. F. Lp. L’exemple est tiré du Figaro, 21.01.1996

75 Conclusion. De cette façon, les lecteurs qui ne sont intéressés qu’aux informations primaires ne vont lire que la titraille et le lead, les autres trouveront les détailles dans le corps de l’article. Tout l’article se situe sur deux axes temporels : l’actualité et le futur. La première partie (le surtitre, le lead, la légende de la photo) communique l’information sur la visite de Jacques Parizeau à Paris et la deuxième (le titre, le sous-titre et le corps de l’article) s’occupe plutôt du référendum prochain sur l’indépendance du Québec.

La nouvelle rétrospective La nouvelle rétrospective est publiée après que l’événement soit déjà passé, mais elle est également liée à l’actualité par un fait secondaire. Ainsi, il est possible de parler des résultats d’élections récentes dans l’article sur la visite du nouveau président en France. La conférence de presse d’un homme politique est un bon prétexte pour parler de sa carrière. La découverte des nouveaux documents oblige le journal de revenir sur les événements passés… Il s’agit ici le plus souvent d’un événement qui a fait il y a quelques temps (souvent quelques années) beaucoup de bruit dans les médias et dont des nouvelles informations sont actuellement parvenues. Une sorte d’« obligation » médiatique pèse également sur le journal — de réagir plus vite (ou au moins pas plus lentement) que les autres entreprises sur le marché médiatique. La vitesse de réaction du journal joue un rôle non négligeable pour différencier les médias. Il est difficile de se différencier dans le flux des nouvelles d’actualité — l’événement extraordinaire va être inévitablement discuté dans tous les journaux, car tous les journaux sont abonnés plus ou moins aux mêmes chaînes informationnelles. La rédaction peut, par contre, sans des investissements importants, humains et financiers, se différencier des autres médias par une publication du matériel sur un événement passé il y a quelques mois, parfois mêmes années. La publication de ce type d’article donne la possibilité à la rédaction de prendre de la distance par rapport aux événements passés, mais aussi de récapituler l’histoire de la façon dont elle doit rester dans la mémoire des lecteurs. La nouvelle rétrospective provient d’une source intérieure. Le plus souvent elle est écrite par le correspondant permanent dans le pays. Les principales sources d’informations pour le journaliste sont les médias du pays en question, les services de documentation du journal et les connaissances d’expert du journaliste lui-même. Les conférences de presse, ainsi que les contacts personnels du journaliste peuvent également apporter une certaine aide dans la préparation de l’article. Ainsi, l’article analysé parle de la mort d’Uwe Barschel — le président du parti démocrate- chrétien du Schleswig-Holstein et chef du gouvernement de ce Land. Les publications récentes des résultats d’enquête sur cette mort ont donné le motif de la publication de cet article. Les nouvelles sont parvenues sur les résultats d’enquête concernant cette affaire. Le journaliste du Figaro qui travaille depuis des années en Allemagne et qui est bien informé sur les processus influant la vie politique en RDA, présente dans son article les nouveaux résultats de l’enquête.

Un exemple :

Rebondissement dans l’« affaire Barschel » Allemagne : un « suicide » suspect Accusé de forfaiture, l’ex-dirigeant chrétien-démocrate s’était officiellement donné la mort en 1987. Une nouvelle enquête affirme qu’il a été assassiné.

BONN : Jean-Paul PICAPER

76 Le 11 octobre 1987, le dirigeant chrétien-démocrate Uwe Barschel était retrouvé mort dans sa baignoire de l’hôtel Beau Rivage, à Genève. L’enquête concluait à un suicide. Un rapport de la police allemande vient de prouver que Barschel a été assassiné. Le procureur a confirmé l’existence de ce rapport, sans en tirer encore de conclusion définitive. Président de la démocratie-chrétienne (CDU) du Schleswig-Holstein et chef du gouvernement de ce Land du Nord, Barschel est soupçonné d’avoir incité un collaborateur de son service de presse, Reiner Pfeiffer, à organiser une campagne de calomnies contre son adversaire social-démocrate Björn Engholm. Le jour des élections régionales, le 13 septembre 1987, le Spiegel révéla les machinations d’Uwe Barschel. Le 2 octobre suivant, Barschel démissionnait.

Les fonds de tiroir de la Stasi Barschel nia tout, mais son « suicide », peu après, fut considéré comme un aveu. Une commission parlementaire d’enquête apporta la preuve de sa culpabilité, en se fondant sur les déclarations de Pfeiffer, d’Engholm et de collaborateurs d’Engholm. Après annulation du scrutin de 1987, de nouvelles élections, le 8 mai 1988, assurèrent le triomphe de Björn Engholm, qui devint ministre président de son Land et président national du SPD. Seulement, quatre ans plus tard, on apprenait qu’un ministre d’Engholm, Gunther Jansen, et son porte-parole, Klaus Nilius, avaient remis discrètement, en novembre 1988, une enveloppe de 25 000 marks à Reiner Pfeiffer. En novembre 1989, une deuxième enveloppe contenant la même somme suivait. Le Mur de Berlin venait de tomber. La Stasi distribuait ses fonds de tiroir à des collaborateurs fidèles... Engholm dut démissionner à son tour de toutes ses fonctions. Une deuxième commission d’enquête apporta la preuve que Barschel n’avait pas donné l’ordre à Pfeiffer d’intriguer contre son rival, mais que Pfeiffer avait agi de son propre chef ou à l’instigation du SPD. A moins qu’il n’ait été manipulé par des agents est-allemands qui entouraient Engholm, comme la lecture des dossiers de la Stasi le donne à penser. Bref, l’« affaire Barschel » semble aujourd’hui avoir été montée de toutes pièces. De retour de vacances aux Canaries, Barschel avait fait un détour par Genève où un certain « Roloff » lui avait donné rendez-vous pour lui remettre des informations. On retrouva peu après l’ex-ministre-président noyé dans sa baignoire. Il avait absorbé un tube de médicaments et de l’alcool. Mais la nouvelle expertise établit aujourd’hui qu’il n’y avait aucune trace de barbituriques sur ses vêtements. De là à ce que le poison ait été introduit de force pour simuler un suicide après qu’on l’eut noyé, il n’y a qu’un pas… J.-P. P. L’exemple est tiré du Figaro, 10.04.1996.

Le discours s’ouvre par une courte introduction qui, dans la forme très précise et laconique, expose pratiquement tous les faits importants. Le deuxième paragraphe s’occupe de l’historique de l’affaire. Le troisième et le quatrième, de ses conséquences sur la politique allemande. Le cinquième et le sixième paragraphes racontent le développement de l’histoire. Les deux derniers paragraphes exposent le nouveau développement de l’histoire. L’auteur reprend ici l’histoire du suicide et la raconte compte tenu des résultats de la nouvelle enquête. Conclusion: De cette façon, ce type de nouvelle est lié à l’actualité, mais dans le fond, traite les événements passés il y a longtemps. Comme dans la nouvelle prospective, le lecteur qui n’a pas beaucoup de temps peut retrouver tous les renseignements importants au début de

77 l’article — la lecture des titres donne dans la forme condensée l’information nécessaire. Le corps de l’article décrit d’une façon chronologique non seulement l’histoire de l’affaire, mais aussi les conséquences sur la vie politique en Allemagne. En outre, la réhabilitation du parti politique conservateur s’accorde parfaitement avec la ligne politique rédactionnelle.

La nouvelle d’actualité Si les deux premiers genres de nouvelle sont relativement rares sur les pages du Figaro, la nouvelle d’actualité est le type le plus répandu. Vu le nombre de différences entre les divers articles, une classification plus fine se révèle indispensable. Un des critères possibles pour cette classification peut être le principe d’engagement du quotidien dans l’évolution de l’événement. Plus le journal est intéressé par l’aboutissement d’un événement donné, plus on lui consacre d’espace. Plus la source est proche de la rédaction et plus de moyens discursifs sont présents dans le texte.

Le premier type de la nouvelle d’actualité est la nouvelle brève ou tout simplement la brève.

La brève La brève est une information courte sur un événement venu d’une source extérieure ayant un niveau assez haut de notoriété d’une agence de presse, le plus souvent. Les brèves de la Vie internationale sont rassemblées dans la rubrique Le Monde en bref. Elles rapportent l’information sur les événements passés à l’étranger, plus rarement — en France, mais touchant toujours le domaine des relations internationales. D’habitude la brève ne livre pas plus d’information que les réponses aux questions : qui ? quoi ? quand ? où ? Parfois la brève évoque les raisons ou les conséquences d’un événement. Les raisons de traitement d’une information par ce genre court, sont de deux types : •l’information est d’une grande actualité, qui ne laisse pas de temps pour la préparation d’un article plus détaillé ; •l’information n’entre pas dans le centre d’intérêt de la plupart des lecteurs du journal, mais elle peut être intéressant pour quelques uns. Dans ce cas la rédaction choisit une forme courte qui ne prend pas trop de place mais informe quand même sur un événement. Quelquefois, l’information publiée dans la rubrique Le monde en bref est développée plus tard par les autres genres — hard news, reportage, etc.

Normalement, la brève ne comporte pas le titre. Cette fonction est remplie par les premiers mots de l’article. Le Figaro quand même, accompagne ses brèves par les surtitres et les titres. Les surtitres désignent le lieu d’action — le pays ou la région où un événement donné s’est passé. Ils sont composés en majuscules soulignées, alignées à gauche. Les titres sont également alignés à gauche, mais ils sont en caractères gras. Les titres sont assez courts, mais ils contiennent quand même le verbe ou le prédicat. Le corps de l’article est précédé par une puce. En cas général, il ne comporte plus qu’un paragraphe, souvent une seule phrase. Ce genre est caractérisé par une grande distance entre le sujet discursif et la source d’information. L’effet de cette distance se produit par : — la citation de la source d’information (le quotidien japonais), — l’emploi des tournures modales (avoir l’intention), — l’emploi des formes verbales hypothétiques (aurait lieu, serait). Le sujet discursif est, de cette façon, assez anonyme, réservé dans ses conclusions, sans intention d’interpréter les faits ou les évaluer. Il est une personne qui a entendu quelque chose

78 ayant un intérêt général et le fait savoir aux lecteurs du journal. Le vocabulaire relève du lexique de la politique internationale avec les noms géographiques, termes techniques, etc. Les liaisons syntaxiques sont assez fortes. Elles sont réalisées par les moyens lexicaux (essai, Chine), ainsi que les éléments déictiques (cet essai, alors). L’emploi du passé composé rapproche le discours au moment de la lecture. La structure d’une brève suit les exigences d’une lecture rapide et sélective : les titres permettent la sélection d’une information intéressante, la présentation de l’information dans l’ordre décroissant. Cet ordre prévoit que l’information principale — qui ? ou quoi ? suivant le cas — se trouve au début de l’article. Les conséquences de l’événement sont exposées à la fin. Les brèves ne sont pas signées car elles présentent une dépêche d’agence d’information ou un télégramme d’un des correspondants du quotidien à l’étranger. La rédaction aligne quand même la présentation de l’information aux règles de la rubrique.

Le filet Le filet est une sorte d’une brève développée. La mise en forme du filet rappelle la mise en forme d’une brève, avec une seule particularité — le filet est justifié sur deux colonnes et son titre est plus grand de quelques points que le titre d’une brève. Ce deux derniers signes ajoutent de la valeur à l’information présentée dans cet article. Le volume du filet est deux fois plus grand que celui d’une brève. Il peut contenir des détails, mêmes les citations isolées. Comme la brève, le filet ne contient pas de commentaires explicites. Mas les buts énonciatifs sortent du cadre étroit de l’information. Ce genre permet de présenter les raisons, les causes ou les conséquences des faits ce qui donne à ce type de la nouvelle une certaine nuance d’interprétation.

Le compte rendu Le compte rendu est une de sorte de nouvelle qu’on rencontre assez souvent dans les pages de la Vie internationale. C’est une nouvelle développée. Ceci signifie qu’en plus des « cinq Q » principales sont présentes également le « Comment ? » et le « Pourquoi ? »183. L’information principale est présentée au début de l’article, souvent dans une ou deux phrases au maximum. Selon l’aspect de l’événement que le journaliste place au début, celui-ci prendra plus de valeur pour le lecteur. C’est la première occasion pour le journaliste d’interpréter l’événement. La suite sert à développer le sujet : montrer les conséquences, expliquer les raisons, interpréter le sens politique… Le sujet discursif est le sujet impersonnel. Mais ce sujet ne cache pas toujours ses positions. Au moins, il n’a pas peur de nommer les choses par leurs propres noms.

La nouvelle explicative Ce type de nouvelle est marqué par un haut degré d’actualité. Mais le journaliste doit prendre de la distance par rapport à l’événement et avoir le minimum de temps pour l’analyser. C’est pourquoi la nouvelle explicative paraît en règle générale deux jours plus tard. Ainsi, l’article du 8 mai 1996 traite des événements de 6 mai. Ces deux jours ont été indispensables pour bien comprendre la situation, analyser les interdépendances, attendre les premières réactions, etc. Il s’agit ici le plus souvent d’un événement peu compliqué en soi, mais ayant une large résonance internationale. L’article analysé présente la situation qui n’est pas nouvelle dans l’histoire des relations diplomatique de la Russie — quelques diplomates étrangers ont été expulsés du pays, accusés d’espionnage.

79 Le surtitre annonce déjà le sujet de l’article, le titre — le pays où l’événement est passé, mais il contient également une métaphore qui présente l’événement de façon imagée. Le sous- titre développe le titre principal en montrant le sens profond et l’évaluation de l’événement. Le corps de l’article commence par les questions que les lecteurs doivent se poser pour comprendre correctement la situation et seulement après cela suit la description de l’événement. Ensuite, l’événement est placé dans le cadre historique. A la fin de l’article le journaliste revient aux informations de fond et explique les motifs de la conduite des responsables russes. De cette façon, la nouvelle explicative se trouve sur deux axes intentionnels — l’axe informatif et l’axe explicatif.

La nouvelle persuasive Dans ce flux d’information de valeur et d’importance différentes, il y a les thèmes qui ne sont pas indifférents pour la rédaction. Deux cas de figures sont possibles :

• Le cas assez rare où la rédaction est intéressée dans telle ou telle évolution de l’événement. Ces cas sont relativement rares compte tenu que cette direction de traitement des informations du domaine de la politique internationale est plutôt représentée par Le Monde. Les lecteurs qui se sentent touchés par les problèmes de la politique internationale sont abonnés à ce quotidien de l’après-midi. Mais l’engagement de longue date dans la lutte contre le communisme, justifie certaines campagnes médiatiques de la rédaction où le discours n’est pas du tout neutre. • Le deuxième cas est dicté par les raisons de politique intérieure. Il s’agit ici de l’orientation politique générale qui ne connaît pas de frontières. Dans ce cas, chaque succès des partis conservateurs dans n’importe quel pays reçoit la teinture positive ou au contraire les difficultés des partis de la gauche sont présentées dans des détails. Les pays européens (et en premier lieu l’Allemagne comme voisin le plus proche) sont particulièrement souvent l’objet de ce type d’article.

4.3.2.2. La critique de la littérature politique La critique des publications actuelles sur les sujets de la politique internationale paraît dans la rubrique irrégulière Note de lecture. Les livres présentés dans cette rubrique sont consacrés dans la plupart des cas aux problèmes politiques ou historiques dans les pays ayant (ou ayant eu) d’autres formes de régime social que la France. Ce sont les études sur l’intégrisme, les pays ex-communistes, etc. La présentation du livre est faite dans le style du journalisme « objectivant ». Toutes les marques de l’attitude de l’auteur envers le livre sont supprimées du discours. Le seul choix de l’ouvrage pour la présentation sous cette rubrique parle de ses qualités qui ne sont pas mises en question. Par contre, on remarque clairement l’attitude de l’auteur envers le sujet de l’ouvrage. La rédaction emploie de cette façon la critique littéraire des pages de la Vie internationale dans les buts idéologiques, ce qui la rapproche de la tribune libre de la page Opinions. Par les procédés typographiques et par sa mise en page, cette rubrique rappelle plutôt l’entrefilet : l’article occupe une colonne de la partie inférieure de la page entre deux autres articles qui ne sont pas liés par le sujet. Le titre est composé en caractères Times gras centrés sur la colonne. Le sous-titre est absent. Au lieu du sous-titre figure, entre deux filets gras horizontaux, le titre du livre avec le nom de l’auteur, l’éditeur, la quantité de page et le prix. L’article cité en exemple est consacré à un livre Pitesti, laboratoire concentrationnaire. Cet ouvrage est écrit par l’historien roumain Virgil Ierunca, actuellement chercheur au CNRS. Il parle dans ce livre de tortures pratiquées entre 1949 et 1952 dans une prison roumaine.

80 L’introduction de l’article présente le livre en citant la préface écrite par l’historien François Furet. Le journaliste a choisi ici deux citations qui spécifient en résumé le sujet du livre et sa portée historique. La présence des noms propres, dates précises ajoute du sérieux à la critique. Le deuxième paragraphe présente la situation générale en Roumanie, ce temps-là, et les principes rééducatifs des prisonniers politiques. Le passé simple dans le texte souligne la sériosité de la publication et devrait créer une sorte de rupture avec l’actualité. Mais en fait, il renforce plutôt l’effet produit par le présent historique. Le présent de l’indicatif place le lecteur dans la situation décrite, fait ressentir plus vivement les émotions provoquées par les descriptions. Le troisième paragraphe renforce cet effet par la description du sort d’un prisonnier concret. Son portrait est dressé en quelques lignes. La conclusion peut être, de cette façon, comprise comme un appel implicite à mettre en lumière les hommes qui ont été les instigateurs de ces expériences. Le discours rapporté joue un rôle important dans la perception de cet article. Il s’agit, dans un premier temps de citations de l’ouvrage qui sont tout à fait compréhensibles. Dans un second temps, le journaliste a recours à la terminologie de l’époque. Ces termes sont pris entre guillemets, comme les citations, mais composés en bas-de-casse. La proximité de ces termes aux significations contemporaines crée un effet singulier. Ainsi, les mots laboratoire, expérience, rééduquer, etc. appliqués à la description des tortures dans la prison roumaine expriment le caractère inhumain du traitement des prisonniers politiques. Un exemple :

Note de lecture Pitesti, l’enfer roumain

PITESTI, LABORATOIRE CONCENTRATIONNAIRE, de Virgil Ierunca. Ed. Michalon, 152 p., 90 F.

Ce fut « l’une des pires expériences de déshumanisation qu’ait connue notre époque » écrit l’historien François Furet dans sa préface du livre de Virgil Ierunca, « Pitesti, laboratoire concentrationnaire ». Pitesti, prison « moderne », en pleine campagne, à une centaine de kilomètres de Bucarest. Les événements qui s’y déroulent entre 1949 et 1952 « méritent une place à part dans l’affreux répertoire des horreurs concentrationnaires », assure Furet. 1949 : le Parti communiste règne en maître absolu. Les prisonniers politiques se comptent par milliers. A Pitesti se retrouvent surtout des jeunes, étudiants pour la plupart, accusés de « mal penser ». La « rééducation » comprend quatre phases de « démasquement ». Séances de torture au cours desquelles le détenu doit passer aux aveux, dénoncer ses proches, renier sa famille et sa foi. Comme preuve de sa conversion, le supplicié est ensuite chargé de « rééduquer » son meilleur ami. La victime devient bourreau. « Cornel Pop, rapporte Virgil Ierunca, chercheur au CNRS, avait longtemps résisté à la rééducation. Au bout de six semaines de torture, il n’était plus qu’une masse de chair tuméfiée et, dans sa figure, on ne distinguait plus le nez, les yeux, la

81 bouche. Son effondrement fut spectaculaire : il devint l’un des tortionnaires les plus redoutables. » Pour des raisons obscures, l’« expérience » fut abandonnée en 1952. Ses véritables instigateurs, eux, ne furent jamais inquiétés. S. K. L’exemple est tiré du Figaro, 09.09.1998

Conclusion. De cette façon, la rubrique Note de lecture présente les ouvrages actuels sur des questions de la politique internationale. D’un autre côté, cette rubrique réconforte les lecteurs du journal dans leurs opinions et livre les arguments pour la discussion possible avec les sympathisants de l’idée communiste.

4.3.2.3. L’interview Le premier problème que pose l’interview est de nature terminologique — le même terme est employé pour désigner la méthode de recherche et le genre du discours journalistique. L’homographie de deux notions crée l’illusion que cet article présente l’information brute, telle qu’elle a été entendue par le journaliste, sans la réécriture. Cela ne correspond pas à la réalité. L’interview comme n’importe quel autre article est minutieusement retravaillée et mise en forme. La définition de ce genre se base sur le principe d’organisation du discours et non pas sur les méthodes de recherches : l’article nommé, l’interview présuppose la concession d’énoncés de deux interlocuteurs.

L’interview sur les pages de la Vie internationale n’est qu’une seule variante de ce genre du discours médiatique. Elle présente des personnalités politiques, surtout leurs projets, idées, convictions, etc. sous la forme de question – réponse. Placée le plus souvent en bas de page, sous l’article traitant un événement lié à cette personne, l’interview est de cette façon un ajout important à un texte au caractère impersonnel, le compte rendu, par exemple. Elle donne la possibilité à une personnalité politique d’exposer ses idées aux lecteurs. Pour ces derniers, l’interview présente l’occasion de faire connaissance avec des leaders politiques internationaux de première main. La rédaction, en séparant les questions du journaliste des réponses, évite la responsabilité pour les propos publiés. Les procédés typographiques renforcent cette illusion : Les questions du journaliste sont en gras. La première question est précédée du mot Le Figaro. De cette façon, on attribue à un journaliste la fonction de porte-parole de la rédaction. Les questions de l’interviewé sont en bas- de-casse, mais sa première question est précédée de son nom en caractères gras. Son nom figure également dans la titraille, dans le surtitre notamment, accompagné de deux-points, après quoi suit une courte citation entre guillemets, en guise de titre. Le sous-titre en caractères gras italiques de la famille Times exprime l’idée maîtresse de l’interview. Mais la rédaction se distance de cette idée par tous les moyens : selon X, pour Y, Z affirme que… Le portrait de l’interviewé qui accompagne presque toujours ce genre, renforce encore cet effet. L’opposition dans le choix des caractères (gras / maigres) a les mêmes conséquences sur la perception du discours. En ce qui concerne le discours lui-même, le trait distinctif de ce genre est la présence de deux stratégies discursives : la première qui essaie de provoquer une réaction verbale de son interlocuteur, et l’autre, qui cherche à se présenter comme une personnalité de haute autorité et de présenter sa cause sous l’angle positif. La partie questionnante est rédigée complètement par un journaliste. Elle est préparée d’avance et comporte en moyen en 5 et 10 répliques. Ce sont les questions ou les assertions qui

82 nécessitent un approfondissement plus profond. Le choix de ces questions vise un but de se présenter comme un interlocuteur intelligent, bien informé, qui n’a pas peur des questions incommodes. Presque toujours le journaliste tend un piège à son interlocuteur, en le menant aux déclarations qu’il n’aurait pas faites et en le faisant à se renoncer aux propos avancés antérieurement. La deuxième partie de l’interview est rédigée également par un journaliste, mais sur la base de propos recueillis dans une conversation avec l’interviewé. Ces propos sont retravaillés plus tard — les idées sans importance, les redondances, les propos trop embrouillés, les exclamations, etc. sont éliminés ou remplacés par un discours plus clair et informatif. Il ne s’agit pas ici bien sûr de modifier le contenu des réponses de l’interviewé. Le journaliste essaie tout simplement de rendre le discours compréhensible aux lecteurs du journal, de mettre en valeur les choses sub- stantielles en se basant sur ses connaissances du lectorat du journal et sa vision du problème. De cette façon, le journaliste participe d’une façon capitale (beaucoup plus qu’à la radio ou à la télévision) dans la création de ce genre du discours. Les termes du domaine de la politique internationale sont familiers pour les interlocuteurs, c’est pourquoi on emploie souvent leur forme simplifiée (Alliance tout court au lieu de l’Alliance nationale, certaines abréviations ne sont pas expliquées, etc.), en supposant que ces termes sont connus et peuvent être facilement compris. Les temps du discours reflètent toute la palette de la communication orale : le présent de l’indicatif pour décrire la situation actuelle, le passé composé pour revenir aux événements passés et le futur simple pour les actions à venir. Les suppositions et les hypothèses sont exprimées à l’aide de conditionnel. L’emploi des épithètes et des expressions modales, des propositions courtes sert également à créer l’atmosphère d’une conversation. La présence massive des éléments déictiques et proposition elliptiques mène à l’unité for- melle de la question et de la réponse. Le discours est organisé de telle façon, que la réponse ne peut pas être comprise sans la lecture de la question. La syntaxe du discours de journaliste est marquée par la présence des interrogations, dans la forme directe ou indirecte. La personnalité politique répond à ces questions ou évite la réponse, essaie de dire autre chose que ce qui lui est demandé. Le style de l’interview varie beaucoup selon l’interviewé. En ce qui concerne la stylistique des questions, elle est plus stable. La plupart des répliques du journaliste contiennent un message. Ensuite, le journaliste demande à son interlocuteur de prendre position par rapport à ce discours. Un des points le plus important dans la perception de l’interview est la présence / absence des détails personnels dans l’article politique. Ainsi, dans l’interview avec Alessandra Mussolini184, ses liens familiaux sont plusieurs fois mentionnés. Dans les interviews avec des leaders politiques polonais185 cette composante est absente. Le choix de la photo joue ici le rôle primordial. La prise de photo dans une situation non-officielle, la pose détendue, les couleurs plus claires marquent l’orientation de la formation de l’opinion dans la direction positive.

Conclusion. De cette façon, la forme de l’article (question - réponse), la photo de l’interviewé, les procédés de cohérence du texte, les particularités syntaxiques et lexicales, ainsi que le nom général du genre (interview) créent l’apparence d’un échange verbal entre le journaliste et une personnalité politique. Tandis qu’en réalité, la rédaction emploie ce type d’article dans d’autres buts : présenter une personnalité politique d’une façon „objective“ et dire ce qui n’est pas possible par une autre forme. Un exemple:

83 Alessandra Mussolini au « Figaro » : « Le fascisme est dépassé » Selon la petite-fille du Duce, député de l’Alliance nationale, le temps est venu pour son parti de tourner la page.

LE FIGARO. - Au moment de la fondation de l’Alliance nationale, il y a un an exactement, le chef de file du mouvement, Gianfranco Fini, déclarait qu’il ne reniait rien et qu’il ne restaurerait rien. Est-ce toujours vrai ? Alessandra MUSSOLINI. - On ne peut renier le passé. Il fait partie de l’histoire. C’est un patrimoine qui appartient à tous. Ce serait comme renier Napoléon. Personne ne peut faire cela. Mais, aujourd’hui le fascisme n’existe plus, et l’antifascisme n’a plus de raison d’être. L’Alliance nationale ne peut donc être un parti fasciste ou antifasciste. Dire, comme Gianfranco Fini, que nous sommes antitotalitaires, cela veut dire que nous voulons vivre dans un régime démocratique, au sein d’une coalition choisie par les électeurs. - Qu’est-ce qui va changer avec ce congrès ? - L’Alliance sera plus homogène, il n’y aura ni fronde ni divisions. Certes, le débat serait différent si nous étions encore dans le gouvernement. Mais, à présent, nous risquons de nous retrouver dans l’opposition, face à une situation de crise dont on ne sait comment elle évoluera. - Mussolini avait instauré les lois raciales. Lors de ce congrès, certains demanderont une condamnation ferme de l’antisémitisme. Êtes-vous d’accord ? - Certainement. Je condamne l’antisémitisme, tout racisme et toute discrimination, quelle qu’elle soit. Les lois raciales appartiennent au passé. Nous approchons de l’an 2000 et nous n’en avons plus besoin.

Les nostalgiques d’une certaine époque

- Comment concevez-vous les rapports avec l’Église ? - Ils doivent être importants, mais pas contraignants. L’Église a un rôle spirituel à jouer, certainement pas temporel. Certaines valeurs, comme le droit à la vie, doivent être respectées. Mais la religion ne doit pas dicter sa loi à la politique. - Les durs et purs du néofascisme ne risquent-ils pas de faire sécession ? - Non, ce serait inacceptable. Les conditions ne sont plus réunies pour reconstituer un parti fasciste. Les références à l’homme qui a dirigé ce parti, au contexte social dans lequel ce parti a prospéré, tout cela est dépassé. Il n’y a guère qu’une seule personne au sein du MSI qui pense le contraire : c’est Pino Rauti. Mais il a déjà quatre-vingts ans, et il a fait son temps. Bien sûr, des positions extrêmes s’expriment. Ceux qui se comportent ainsi cherchent à obtenir une place plus importante. Les nostalgiques d’une certaine époque ne font courir aucun danger à l’Italie. - Pourtant, vous disiez l’an dernier : « Ne dites pas aux gens qu’on n’est pas fascistes. Ils ne nous croiraient pas. » - Gianfranco Fini déclarait lui aussi, il n’y a pas si longtemps, que le fascisme de l’an 2000 serait le mouvement social. On dit beaucoup de choses. Et puis, ensuite, il faut réviser son jugement et donner une chance aux partis de se rénover. Les communistes l’ont fait. Maintenant c’est notre tour. - Gianfranco Fini avait suscité l’an dernier une certaine émotion à l’étranger en déclarant que Benito Mussolini avait été l’Italien le plus grand de ce siècle. Vous-même, après les élections de mars dernier, vous aviez écrit sur le livre d’or du cimetière de Predapplo, où votre grand-père est enterré : « Nous avons gagné ensemble. »

84 - Que mon grand-père ait été l’Italien le plus marquant de ce siècle, certainement. Mais ne cherchons pas à le mettre entre nous. Quant à ce que j’ai écrit sur sa tombe, n’oublions pas qu’il s’agit de mon grand-père. Propos recueillis, à Rome, par Richard HEUZÉ L’exemple est tiré du Figaro, 25.01.1996

4.3.2.4. Le reportage Le reportage est un genre « noble » parmi les autres genres journalistiques, au moins quant aux dépenses liées à sa production : son écriture exige du temps, sa publication de l’espace, il est accompagné de schémas ou photos qui sont plus chers à imprimer ; pour l’écrire, le journaliste doit se rendre sur les lieux et la rédaction doit payer son voyage et son séjour à l’étranger ; en outre, on ne peut pas envoyer n’importe quel journaliste à l’étranger pour préparer un reportage, la rédaction doit être sûre du talent du journaliste et il faut savoir que ces journalistes sont mieux payés que les autres. Malgré tout, le Figaro essaie de consacrer assez de place aux reportages : • le reportage est un des moyens de différenciation des autres médias. Il est pratiquement impossible que deux journalistes de journaux différents (même s’ils sont par hasard sur le même lieu) rédigent des textes semblables ; • la présence du journaliste sur les lieux permet à la rédaction de recevoir une information exacte et exhaustive ; • les moyens financiers pour l’organisation du voyage d’un journaliste ne sont pas si importants pour le Figaro car il a des correspondants permanents dans beaucoup de pays étrangers.

Le reportage est un article relativement volumineux qui prévoit, en plus du déroulement des faits, des informations secondaires, comme l’histoire de l’événement, ses conséquences, etc. Les descriptions détaillées des événements ainsi que les sentiments de l’auteur présent sur les lieux créent un discours présenté comme étant vécu personnellement par le journaliste. Le journaliste est le témoin d’un événement, il rapporte ce qu’il a vu et ce qu’il a entendu. L’emploi des temps grammaticaux est de préférence le présent et le passé composé. Les images accompagnent presque toujours le reportage. Au premier point de vue, le but illocutoire du discours de ce genre est de produire un effet de réel, d’objectivité, de présence du journaliste « sur les lieux ». Il en ressort une certaine contradiction dans le style : d’un côté l’objectivité, la fidélité à la réalité, et d’un autre — la subjectivité, les détails et les propos transmettant les sentiments de l’auteur. Le reportage a ainsi pour objet de présenter l’événement comme le vécu. Les deux pôles sont rarement équilibrés dans le texte. Il est possible que l’aspect « objectif » prenne plus d’importance pour le journaliste ou, au contraire, que le côté subjectif reçoive la primauté dans le discours. Le premier type se concentre sur les informations venues de sources extérieures, le deuxième — sur les informations recherchées par le journaliste (vues personnellement ou ramassées sur des lieux).

Le seul fait que l’information soit traitée par le genre du reportage lui donne une certaine valeur. Dans le cas d’un événement extraordinaire (ou présenté comme tel), le reportage occupe souvent toute la page, ce qui souligne l’importance attribuée à cette forme d’article. La dépêche de l’agence en guise de chapeau et l’illustration (photo ou schéma) accompagnent souvent cette publication. Le lieu de l’action (en capitales) et le nom du journaliste (en caractères gras) sont 85 insérés entre deux filets maigres. Parfois, les titres s’imposent sur toute la largeur de la page. Les intertitres aèrent bien l’espace et rompent la linéarité du récit. Tous ces procédés créent l’apparence de l’importance extrême attribuée au reportage, tandis qu’en réalité, la surface occupée par le texte ne représente que 23 % de la surface de la page (ou 35 % si l’on tient compte d’un événement secondaire qui trouve sa place au coin gauche de la partie inférieure de la page)186. Cet événement secondaire est toujours bien séparé par le filet ou le cadre. Il faut tout de même noter, que cette logique de mise en page peut être profondément influencée par la présence de l’annonce publicitaire. Le choix du lexique reflète la spécificité de la rubrique — les noms géographiques ou noms de personnes d’origine étrangère, les termes politiques, etc. Mais la composante « subjective » du reportage exige la présence du lexique stylistiquement marqué dans le corps de l’article. L’emploi massif des citations ainsi que les descriptions de lieux répondent au désir du journaliste d’apporter des « preuves » de son travail de recherche Le temps de discours est de préférence le présent. Pour parler des événements passés, le journaliste a recours au passé composé. La syntaxe est caractérisée par l’emploi abondant de propositions simples, développées par des tournures participes ou des compléments de causalité.

De plus en plus, la rédaction a recours à la manière « anglo-saxonne » de reportage qui prévoie en premier lieu la « séparation des faits et des arguments ». Cela ne signifie pas que ces textes ne contiennent pas de commentaires, mais ces derniers suivent la description de l’événement sans se mélanger. La présentation de l’événement est assez distanciée. Elle est faite à l’aide de citations multiples et de descriptions dépersonnalisées. Cette forme d’énonciation possède une grande force et permet de donner un grand nombre d’informations. Elle est simple, efficace et laisse la possibilité au journaliste d’aborder des sujets différents sans prendre de positions engagées. Le discours du reportage est caractérisé par le style objectivant avec la dépersonnalisation du discours : l’utilisation de la troisième personne du singulier, de tournures non-personnelles et impersonnelles. Les liaisons syntaxiques enfin sont remarquables parce qu’elles sont extrêmement limitées.

La structure du reportage est assez singulière. Le corps de l’article a la structure du récit avec l’introduction, le développement et la détente. Mais la titraille et le lead ajoutent ce caractère particulier au reportage dans la presse quotidienne. Les titres jouent un rôle de repères. Ils sont censés dire, sous forme condensée, le sens de l’article187 en répondant aux questions principales du discours médiatique ( qui ? quand ? où ? quoi ? ) et permettent la lecture rapide de la page. Les titres du Figaro sont justifiés sur l’ensemble de l’article et composés presque toujours en caractères gras, mais les titres des articles sont de taille supérieure aux sur- ou aux sous-titres ; les surtitres sont soulignés et les sous-titres sont en caractères italiques suivis d’un point ce qui crée un effet de discours terminé — Somalie : les marines débarquent demain, avec un surtitre L’intervention humanitaire des Nations unies et un sous-titre « La France ne perd pas de vue la recherche d’une solution politique », rappelle le ministère des Affaires étrangères. Les titres sont détachés du corps des articles pour s’opposer à ceux-ci et les désigner simultanément. En même temps que les titres informent sur le contenu de l’article, ils servent également à « visualiser » l’information. Plus l’information est importante pour la rédaction, plus les titres sont « visibles » sur la page, plus ils retiennent l’attention du lecteur. Interlignage, taille des caractères, largeur, cadre : voilà des procédés typographiques qui permettent de mettre en valeur l’information. Du point de vue sémantique, les titres du reportage sont généralement de purs énoncés

86 d’action qui sont privés de l’expression d’un jugement ou d’une opinion. Ces derniers sont exprimés dans le journal à l’aide d’autres moyens (texte, emplacement, photos, etc.). Les titres du Figaro informent, en créant ainsi des apparences de distanciation et de neutralité par rapport à l’événement. Les intertitres, par contre, sont souvent des citations ou des métaphores. Ils incitent à la lecture de l’article, car leur sens peut être compris seulement après la lecture du texte. Les chapeaux ne présentent pas ici le contenu de l’article, mais livrent des informations de fond. Ils donnent à comprendre pourquoi le reportage est écrit. Les dépêches d’une agence sont souvent présentées comme chapeaux et, dans ce cas, pour éviter la forme de commentaire, l’article est rédigé par un envoyé spécial sous forme de reportage. Ce procédé a été par exemple employé dans le reportage analysé188. Les données objectives reculent dans le texte du corps de l’article au deuxième plan, devant les propos des habitants d’un petit village de Biélorussie. Mais le vrai sens de ce reportage résulte précisément de ce changement de perspective discursive : la description de la situation radiologique dans la Biélorussie et la présentation des pensées des villageois. Les données de niveau de radiation ont été déjà maintes fois annoncées par tous les médias, et si les chiffres exacts ne sont pas connus par les lecteurs du journal, le message est toutefois clair — chaque personne doit comprendre qu’il est impossible de vivre dans ces régions contaminées. Les propos recueillis par le journaliste dans un village biélorusse semblent contredire l’évident — Tout est pur ici, il n’y a pas de quoi s’inquiéter… Mais la description des personnes, quelques détails « remarqués » par le journaliste (la vodka de matin, les habits des enfants, etc), leurs propos qui ne tiennent pas compte de la réalité apparente, abaissent le niveau d’authenticité des interviewés. Il résulte de cette contradiction, le sentiment singulier qui ne peut pas être présenté explicitement sur les pages du journal, mais qui répond aux sentiments de ses lecteurs. Par ce jeu subtil de changement de perspective, le journaliste distancie le problème de Tchernobyl des lecteurs, mais se rapproche d’eux par la communauté de vision du problème.

Un exemple :

Conférence à Vienne sur les conséquences de la catastrophe nucléaire Biélorussie : « Tchernobyl va nous poursuivre encore cent ans » Les Biélorusses ont « récupéré » 70 % des particules radioactives échappées de la centrale ukrainienne. Gomel est la région la plus atteinte. Ses habitants y vivent hors du temps.

Le premier ministre ukrainien, Evgueni Martchouk, a confirmé l’intention de son pays de fermer la centrale nucléaire de Tchernobyl « d’ici à l’an 2000 » si Kiev reçoit une aide financière adéquate de la communauté internationale. M. Martchouk s’exprimait à l’occasion de la conférence sur les conséquences sanitaires et socio-économiques de la catastrophe de Tchernobyl qui s’est ouvert hier, à Vienne. La conférence va réunir pendant quatre jours un millier de chercheurs. Elle doit préparer le terrain au sommet du G 7, qui doit se prononcer, les 19 et 20 avril à Moscou, sur la fermeture de la centrale. La conférence est organisée à l’occasion du dixième anniversaire de l’explosion d’un réacteur de la centrale nucléaire ukrainienne, le 26 avril 1986. Dans la région directement touchée, grande comme Angleterre et à cheval sur l’Ukraine, la Biélorussie et la Russie, 4,9 millions de personnes ont été exposées aux retombées. (AFP.)

87 GOMEL : De notre envoyée spéciale Isabelle LASSERRE

« Ici, tout est normal. La terre est propre. » Pour le prouver, Constantin Mihaïlov, le directeur du kolkhoze Iskra brandit un pot de miel « fait maison ». « Nous ne sommes pas encore morts. On nous a enterrés à tort. Nous n’avons pas besoin de vitamines, mais d’argent », dit-il. Son kolkhoze figure pourtant en zone interdite, irradiée à plus de 49 curies, marquée en rose sur la carte de radioactivité accrochée au-dessus de son bureau. La Biélorussie a « récupéré » 70 % des particules radioactives échappées de la centrale de Tchernobyl. Dans l’est du pays, Gomel, à environ 150 km du réacteur ukrainien, est la région la plus atteinte. Pourtant, le kolkhoze Iskra vit hors du temps, comme si rien ne s’était passé. Lénine trône toujours sur un socle planté dans la boue. Même une catastrophe nucléaire n’a pas réussi à ébranler les vieilles habitudes de cette campagne reculée. « C’est notre destin », soupire Constantin Mihaïlov. Après l’accident, en 1986, il a refusé de partir. Il affirme fièrement avoir « empêché la fermeture du kolkhoze ». « Je suis né pour augmenter la production de cette terre », explique-t-il, hilare, en avalant son deuxième verre de vodka de la matinée. Au mur, il a affiché le plan de production pour l’année 1996, « comme du temps des communistes ». Dehors, ses 370 vaches ruminent tranquillement l’herbe irradiée.

Zone interdite Cette semaine, Constantin Mihaïlov a vendu dix tonnes de viande, non contrôlée, à la Russie. « De la bonne viande, que Moscou achète avec plaisir », assure-t-il en se frottant les mains. A l’en croire, le kolkhoze vivrait même mieux aujourd’hui qu’avant Tchernobyl. Pour « compenser », l’État fournit gratuitement fourrage, essence et tracteur. Les radiations ont fait fuir la concurrence. La viande contaminée, mais bon marché, trouve facilement acquéreur. Constantin Mihaïlov arrondit ses fins de mois en prélevant un « pourcentage » sur les séjours en Italie proposés par l’aide humanitaire internationale pour les enfants des zones contaminées. L’argent, dit-il d’un rire gras, coule à flots. Tchernobyl attire de nouveaux « migrants ». Classé en zone interdite, évacué deux ans après la catastrophe, le village voisin de Rhalotche ressemble à un décor de film. Abandonnées depuis dix ans, les maisons s’écroulent. Des arbres poussent entre les ruines. Même les voitures évitent cette zone maudite. Cette atmosphère de fin du monde n’a pas l’air de déranger Sveta, 28 ans, et son mari, Alexandre, 32 ans. Ils sont arrivés il y a cinq ans « de la ville » avec leurs trois enfants et se sont installés dans une « maison libre ». Ils reçoivent chaque mois « l’argent des cercueils », une subvention gouvernementale attribuée à ceux qui vivent en zone irradiée : 7 000 roubles biélorusses (3,50 FF), l’équivalent de deux kilos de pain. Ils travaillent dans une ferme privée, qui a rouvert malgré l’interdiction de cultiver la terre. Sveta et Alexandre ont aussi un lopin de terre. Ils vendent leur production au marché, en évitant les laboratoires de contrôle.

« On verra plus tard » Sveta refuse de croire les médecins, qui lui répètent depuis cinq ans qu’il est dangereux d’habiter à Rhalotche, surtout pour ses enfants. « On vit mieux ici qu’avant. Tout pousse et tout est propre », assure-t-elle. D’ailleurs, Sveta, n’a « jamais vu les radiations ». Alexandre préfère ne pas se poser la question : « On ne sait jamais. On vit et on verra bien plus tard... ». Dans la maison d’en face, Ianina aurait bien aimé partir. Elle bricole pour survivre, se souvient avoir appris l’accident « trois mois après, par la radio. Puis, un policier est venu nous dire qu’on ne pouvait plus vivre ici. Mais seuls les gens bien placés ont pu être relogés. Moi, au

88 bout de dix ans, j’attends toujours un appartement. » Marina, sa fille de 9 ans, est malade. « Des rhumatismes et des problèmes de rein... C’est peut-être Tchernobyl », dit Ianina. Ses quatre fils, sales et vêtus de haillons, ne vont pas à l’école, fermée depuis que le village a été évacué, il y a huit ans. Un voisin, le visage crasseux, une cigarette roulée dans du papier journal à la bouche, acquiesce en poussant de petits cris. Dix ans après la plus grande catastrophe du nucléaire civil, la Biélorussie (10,5 millions d’habitants) vit encore sous le choc. A Minsk, Igor Rolevitsch, vice-ministre des Situations d’urgence, baisse les bras en évoquant les « failles du système ». La catastrophe a déjà coûté, selon les autorités, 235 milliards de dollars à la Biélorussie. Chaque année, 10 à 15 % du budget sont consacrés à « liquider » les conséquences de Tchernobyl. Mais c’est encore insuffisant. Des centaines d’usines et de fermes ont été fermées. La production nationale s’est effondrée. Il a fallu reloger 131 000 personnes. Mais l’évacuation des populations n’est toujours pas terminée. Quelque deux millions et demi de personnes habitent encore dans des régions contaminées, dont 500 000 enfants. « Les personnes figées refusent de partir. Les gens reviennent malgré l’interdiction. Nous n’avons pas les moyens de reloger tout le monde. Finalement, le président a dit à la télévision que ceux qui le voulaient pouvaient habiter en zone contaminée », explique Igor Rolevitsch. Impuissant, le vice-ministre ajoute : « Il n’est pas possible d’effacer les conséquences de la catastrophe. Elles ne font que commencer. Tchernobyl va nous poursuivre encore cent ans. » I. L. L’exemple est tiré du Figaro, 10.04.1996

Conclusion. De cette façon le reportage diminue la distance entre le journal et ses lecteurs par la présentation du vécu personnel du journaliste. La conséquence directe de cette « intimité » est la facilité accrue d’influencer les lecteurs, ce que la rédaction fait de temps en temps.

4.3.2.5. Le multitexte Le genre de multitexte est largement présent sur les pages de la Vie internationale. Il permet de réunir sur l’espace de la même page, des formes différentes du traitement de l’information. Sa composition varie suivant le cas. Les parties composantes de ce genre du discours peuvent être : • montage, • photo, • reportage, • article d’un expert, • interview, • portrait d’un homme politique, etc. Par exemple, le multitexte sur les élections en Italie (le Figaro du 24 avril 1996) est composé d’un article du correspondant, du portrait de Romano Prodi du même auteur, de la contribution du rédacteur en chef de La Repubblica sur les fondements de la IIe République en Italie, tous les trois articles accompagnés de photos — de portraits des personnes concernées. Deux jours avant, le multitexte sur la situation au Proche-Orient comportait un reportage avec la photo d’une des victimes, une nouvelle avec la photo d’un commandant du Hezbollah et un article d’un écrivain d’Israël. Les caricatures, les schémas, les dessins, etc. ont également leur place comme parties composantes du multitexte. Mais la composition différente du multitexte change peu dans l’idée maîtresse : présenter un événement complexe par des genres différents.

89 Le montage Le montage fait souvent partie du multitexte du Figaro. Ainsi, la page 3 du Figaro du 23 janvier 1995 contient un montage de deux agences (AFP et Reuter), une photo d’AFP, un article du correspondant du quotidien et un filet sur la base des dépêches d’AFP. L’article est placé sous le surtitre du multitexte annonçant le thème et donnant l’information principale : Au moins 18 soldats de Tsahal tués dans un double attentat islamiste. Le titre est centré sur le corps de l’article. Il est composé en caractères gras Times de 42 points. Comme d’habitude, le titre est composé de deux parties : le nom du pays et la mise en valeur de l’événement. Le sous-titre présente les circonstances, les participants et le lieu de l’action. Il est en caractères italiques Times de 16 points. En principe, la lecture de la titraille livre déjà toutes les informations de base: • qui ? — le Djihad et le Hamas. • quoi ? — l’attentat-suicide avec au moins 18 soldats tués. • quand ? — deux jours après le sommet Rabin - Arafat. • où ? — Israël, la banlieue de Tel-Aviv. • pourquoi ? — empêcher la paix. Même l’attitude de la rédaction est connue après la lecture du titre. La métaphore dans le titre : les fossoyeurs de la paix. L’article lui-même est composé en caractères gras Genève de 9 points. Sur le plan horizon- tal, il occupe quatre colonnes. Le plan vertical est perturbé par un autre article. Ce procédé de la mise en page crée un effet tout à fait particulier. D’un côté, la primauté du montage dans la succession du matériel est soulignée par la place supérieure en gauche sur la page, d’un autre côté, l’espace irrégulier attribué à cet article est un signe que la rédaction accorde peu d’importance à cet article. La vérité ne se trouve pas entre ces deux extrémités, mais inclut les deux. Les informations que le montage contient d’habitude sont bien sûr importantes, mais elles ne sont pas à mésestimer. Ce sont des renseignements de fond qui préparent la lecture du matériel plus important, voire de la nouvelle qui fait partie du même multitexte. Le corps du montage précise et approfondit les informations déjà connues de la lecture des titres : quelques détails sur l’identité des terroristes, les buts des organisations citées dans la titraille. En outre, l’article apporte la réaction officielle du ministère des Affaires étrangères. Celle-ci est accompagnée des sujets narratifs suivants : Paris, France, ministère français des Affaires étrangères et le Quai d’Orsay. Les parallèles dans la titraille et ce paragraphe (l’attentat, le nombre des tués, la paix) rapprochent les positions du ministère des Affaires étrangères de celles de la rédaction du journal. Le style du montage est marqué par l’emploi des noms propres, en premier lieu, les noms géographiques et en deuxième, les organisations ou les institutions. Un groupe important constituent les noms des hommes politiques. Dans l’article analysé ce sont : 1. Israël, Palestine, France, Paris, Tel-Aviv, la bande de Gaza, etc. 2. Le Djihad, le Hamas, le Quai d’Orsay, etc. 3. Rabin, Arafat, Fahti al-Chakati. Comme toujours dans le Figaro tous les noms, peu connus d’un large public, mais importants dans le domaine politique, sont expliqués. Ceux-ci sans importance, sont tout simplement omis, comme par exemple les noms de deux terroristes suicidés. Sur le plan syntaxique, le style du montage garde les traces d’une dépêche d’agence de presse. Les propositions simples sont pratiquement absentes du discours, le journaliste voulant exprimer le plus d’informations possibles dans une phrase. Les phrases sont liées entre elles surtout par des pronoms ou des adjectifs. Les métaphores, par contre, sont rares ici. L’autre particularité stylistique du montage est l’extrême distance de la source d’information du discours. Tous les moyens sont présents ici — les citations multiples, le rapport

90 indirect du discours, l’emploi modal de l’imparfait…

Un exemple : Israël : les fossoyeurs de la paix

Deux jours après le sommet Rabin-Arafat, le Djihad islamiste et le mouvement intégriste Hamas revendiquent l’attentat suicide contre une buvette de la banlieue de Tel-Aviv.

Le Djihad islamiste et le Hamas, violemment opposés aux accords israélo-palestiniens de 1993, ont revendiqué l’attentat à la bombe d’hier. Le Djihad a précisé dans un communiqué que deux de ses militants ont perpétré l’attentat à la bombe de Beit Lid. Par une déclaration adressée aux agences de presse, l’organisation islamiste a donné l’identité des terroristes, probablement morts dans cette opération suicide. Le premier, 25 ans, serait originaire de la ville de Gaza ; l’autre, 27 ans, du sud de la bande de Gaza. Selon le leader du Djihad, Fahti al-Chakati, l’organisation a voulu « mener une opération contre le plus grand centre de bus militaires en Palestine. Elle s’inscrit dans le cadre de la poursuite de notre lutte sur la voie de la libération de la Palestine ». A Damas, le mouvement dissident de l’OLP Hamas a appelé « toutes les forces palestiniennes à lutter militairement » contre la colonisation israélienne. Paris a vigoureusement condamné cet attentat, le premier perpétré depuis le début de l’année. « La France condamne cet attentat odieux qui a coûté la vie ce matin à Netanya à au moins 18 personnes et blessé plusieurs dizaines d’autres », déclare un communiqué du ministère français des Affaires étrangères. « Elle rappelle que la violence n’est jamais une solution et souhaite que cet acte criminel ne ralentisse pas le processus de paix » a précisé un porte-parole du quai d’Orsay. (AFP, Reuter.) L’exemple est tiré du Figaro, 23.01.1995

Conclusion. De cette façon, le montage livre les informations de base sur un événement, mais sans renseignements profonds. L’attitude de la rédaction n’est pas clairement exprimée. Cette tâche remplit la photo et la nouvelle rédactionnelle. Par comparaison avec la brève, le montage donne plus de détails et présente le fait sous plusieurs aspects.

La photo La photo équilibre l’espace de la page. Elle est placée au coin supérieur droit. Compte tenu du fait que la photo contient plus de noir que le texte, elle attire en premier temps l’attention du lecteur. Mais, d’après notre habitude culturelle de lire de gauche à droit, c’est le montage qui va être lu le premier. De cette façon chaque élément du multitexte reçoit sa part d’attention et a les mêmes chances d’être vu et lu par le lecteur. La photo est une image de lieu, quelques minutes après l’attentat. Sur l’avant-plan on voit les traces de destruction causée par l’explosion : la poussière, les sacs abandonnés, les vêtements déchirés… Le premier plan présente quatre hommes portant le brancard. Sur l’arrière-fond on voit les soldats qui sont occupés à liquider les conséquences de l’attentat. Une voiture militaire dans la partie droite supérieure de l’image et un véhicule policier au fond créent l’effet de présence d’importants moyens techniques sur la place. Cette image présente une situation générale. L’appareil photo joue ici le rôle de l’œil d’un

91 observateur, touché par l’événement passé et qui veut transmettre ses impressions aux lecteurs. De cette façon, la photo joue un rôle important dans la structure de la page. Par les moyens du discours iconique, la photo possède la force puissante d’exprimer et de provoquer les sentiments.

Le récit Le récit du multitexte contraste presque dans tous les points avec le montage, placé au- dessus. • Le récit a un auteur concret. • L’article est écrit non pas dans un bureau rue du Louvre, mais à Jérusalem. • L’espace occupé par l’article a une forme rectangulaire. • Il est séparé du reste de la page par un filet, mais par un filet ouvert, ce qui souligne la continuation du thème. • Les caractères gras ne sont utilisés que dans le titre et pour l’écriture du nom de l’auteur. Mais un contraste plus grand s’installe sur plan stylistique. Cet article est rédigé dans le style d’un témoignage. L’auteur décrit non pas seulement l’événement, mais transmet toute l’atmosphère de l’endroit. L’emploi du présent de l’indicatif rend toutes ces descriptions assez vives : C’est dimanche matin, les soldats regagnent leur base après le shabbat. Certains avalent vite une tasse de café. Le passé composé est utilisé pour présenter les faits passés auparavant : En deux temps, l’attentat a dévasté la buvette et l’arrêt d’autobus du carrefour, sur la route de Tel-Aviv à Haïfa, à la hauteur de Netanya. Le mode du conditionnel n’est employé que pour transmettre les faits qui ne sont pas encore certains : Deux bombes humaines seraient les auteurs de ce premier acte de violence de l’année. La valeur expressive du récit est augmentée par l’emploi des épithètes, des mots modaux, des métaphores, etc. Le récit est riche de toutes sortes de détails et de précisions. Malgré tout cela, rien ne prouve que le journaliste a visité personnellement les lieux de l’action. Il est possible que toutes ses informations proviennent des médias du pays. La structure de l’article est également loin de celle du témoignage. Un exemple : Carnage à un arrêt de bus

Deux bombes humaines seraient les auteurs de ce premier acte de violence de l’année.

JÉRUSALEM : Pierre ROUSSELIN

En deux temps, l’attentat a dévasté la buvette et l’arrêt d’autobus du carrefour, sur la route de Tel-Aviv à Haïfa, à la hauteur de Netanya. C’est dimanche matin, les soldats regagnent leur base après le shabbat. Certains avalent vite une tasse de café. Une première explosion, à 9 heures 20. Puis, quelques instants plus tard, lorsque l’on commence à porter secours aux victimes de la première, une seconde déflagration. Au carrefour de Beit Lid, il y aura au moins 18 morts et 62 blessés. Les victimes sont pour la plupart des militaires. Proche d’une base de l’armée, le carrefour est un endroit où se rassemblent les soldats en route vers leur cantonnement, dans le nord d’Israël ou en Cisjordanie. Le premier ministre Yitzhak Rabin a interrompu le Conseil des ministres hebdomadaire –

92 qui venait de charger une commission de contrôler la construction dans les colonies juives de Cisjordanie – pour se rendre sur les lieux. « Il n’y a pas de mots pour décrire cette atrocité », déclare-t-il devant une foule qui l’invective : « Combien de temps cela va-t-il durer ? » Des deux explosions, au moins la seconde, plus puissante, a certainement été le fait d’un attentat suicide. Des témoins ont vu un Palestinien actionner une bombe qu’il portait sur lui. Mais, en fin de journée, la police n’excluait pas que deux « bombes humaines » aient pu sauter tour à tour. Selon les enquêteurs, l’attentat ressemblerait à celui de Hadera, en avril dernier, lorsqu’une deuxième explosion avait pu être évitée. Le « cerveau » derrière tous ces attentats serait un islamiste surnommé « l’ingénieur », expert en explosifs, qui n’a toujours pas été retrouvé. L’attentat de Beit Lid a d’abord été revendiqué par le Djihad islamique, dans un appel au bureau de l’AFP à Gaza ; puis par les brigades Ezzedine al-Qassem, branche armée du mouvement de la résistance islamiste Hamas, dans un appel au service arabe de la radio israélienne.

Condoléances de Yasser Arafat L’attentat est le plus meurtrier survenu en Israël depuis qu’un autre kamikaze s’était fait sauter dans un autobus et avait tué 22 civils, en plein centre de Tel-Aviv, le 19 octobre dernier. Le chef de l’Autorité palestinienne, Yasser Arafat, a, depuis Gaza, téléphoné à Yitzhak Rabin pour lui présenter ses « condoléances ». Dès la nouvelle connue, le conseiller du chef de l’OLP, le docteur Ahmed Tibi, dénonçait au nom d’Arafat l’attentat à la radio. Le premier ministre ne peut envisager la fin des négociations de paix comme le réclament l’opposition de droite et la foule qui, sur les lieux, l’invective aux cris de « Rabin assassin!... », Yitzhak Rabin regrettera ces « manifestations d’impatience » mais refuse de céder : « C’est une nouvelle attaque menée par les groupes extrémistes islamiques dans le but de parvenir à leur double objectif : tuer des Israéliens et mettre fin au processus de paix. » Israël doit faire face à « un nouveau type de terrorisme auparavant rencontré au Liban ». L’opposition de droite exige l’arrêt des contacts avec l’OLP, la fin de l’autonomie palestinienne. « La solution, pour Yitzhzak Rabin, est une séparation totale entre Israël et les Territoires. Si les Palestiniens n’étaient pas autorisés à venir en Israël, cela réduirait considérablement le nombre de ces attaques. » Un Conseil des ministres exceptionnel s’est réuni dans la soirée à Jérusalem alors que le chef de l’État, le président Ezer Weizman, appelait le gouvernement et l’opposition à se rassembler pour « réexaminer la situation ». « Cela ne peut pas continuer ainsi. Ça suffit ! Nous avons franchi la limite. Je préconise que le gouvernement, l’opposition et les responsables se réunissent pour examiner ensemble ce qu’il faut faire », a lancé le chef de l’État dont l’appel ne semble guère avoir été entendu. Devant la multiplication des attentats depuis les accords avec l’OLP en septembre 1993, l’opposition de droite exige la « suspension immédiate » des négociations sur l’extension de l’autonomie palestinienne en Cisjordanie. « Il faut mettre un terme à cette situation surréaliste où Arafat nous adresse ses condoléances tout en permettant aux tueurs de poursuivre leurs basses œuvres », a déclaré le chef du Likoud, Benjamin Nentanyahu. Mais pour Shimon Pérès, le ministre des Affaires étrangères, le problème soulevé par les attentats n’est pas « un problème politique mais opérationnel », auquel Israël n’a toujours pas trouvé de solution. P. R. L’exemple est tiré du Figaro, 23.01.1995

93 Le filet Le multitexte inclut souvent un court filet. Dans le cas analysé, il présente l’arrière-fond historique des attentats les plus sanglants des dernières années. Cet article a une structure assez simple : tout le discours est regroupé autour d’une proposition introductive et ne représente qu’une énumération des événements. Les événements sont classés par ordre chronologique. La date est à la ligne, en caractères gras, précédée d’une puce. Le texte, sous la date de l’événement a la même structure : qui a effectué l’attentat, comment, le nombre de victimes, l’organisation qui a revendiqué l’attentat. La conclusion est absente.

La particularité stylistique la plus importante, c’est une extrême habileté du journaliste dans le choix des constructions synonymiques. Trois fois il répète la même chose avec des variables différentes et chaque fois il trouve des expressions différentes.

Un exemple : Une longue série d’attaques

Le double attentat d’hier est le dernier en date d’une longue série d’attaques. En voici les plus meurtriers : • 19 octobre 1994 : Un militant intégriste fait exploser une bombe à bord d’un bus à Tel-Aviv : 23 morts, dont le kamikaze palestinien, et 47 blessés. Le Hamas revendique l’attentat. • 6 avril 1994 : Un Palestinien lance une voiture piégée contre un autobus à Afula (nord). Huit Israéliens sont tués et 44 autres blessés. Attentat revendiqué par le Hamas en représailles au massacre de 29 Palestiniens à la mosquée d’Hébron, le 25 février. • 6 juillet 1989 : Un Palestinien s’empare d’un autobus entre Tel-Aviv et Jérusalem et le précipite dans un ravin causant la mort de 16 passagers. Le Djihad islamique revendique l’attentat. (AFP) L’exemple est tiré du Figaro, 23.01.1995

De cette façon, le multitexte sur les pages de la Vie internationale est un ensemble textuel traitant le même sujet par les moyens différents qui ont des effets et des buts discursifs très variés. Le montage introduit dans le discours et présente l’événement. La photo visualise cet événement. Le récit du correspondant ajoute des impressions personnelles et donne la synthèse de la situation générale. Le filet ajoute un axe historique au discours et permet de placer l’événement donné dans le plan historique, dans la chaîne des événements passés. La partie discursive du multitexte se rapproche de très près du reportage. La distinction principale consiste, en premier lieu, dans l’incohérence du discours qui est ici organisé dans des articles différents. Ceci donne plus de liberté au lecteur. Il peut toujours choisir s’il va lire toutes les informations ou un seul article. Dans le cas du reportage, c’est plus difficile de trouver des informations au milieu de l’article. En outre, le multitexte correspond plus à la manière rapide d’extraction des informations. Groupées dans les articles différents et bien structurées, elles peuvent être saisies et évaluées d’un seul regard. 94 Une autre distinction est plutôt dans le domaine économique : l’écriture d’un reportage en général exige beaucoup de temps. Pour la Vie internationale en particulier, elle est liée au séjour d’un journaliste à l’étranger, c’est-à-dire, les difficultés multiples pour l’organisation de ce séjour, les dépenses, le temps, etc. Le volume du texte écrit par le journaliste du quotidien n’est pas si important et il peut être écrit plus rapidement. Des parties, si importantes pour le reportage, comme les portraits des personnes, leurs impressions subjectives, les recherches de documentations, etc., sont ici absents. Les effets produits sont presque les mêmes. C’est pourquoi on trouve de plus en plus souvent le multitexte sur les pages de la Vie internationale au détriment du genre de reportage.

4.3.2.6. La conclusion de la page La plupart des articles de la Vie internationale sont rédigés dans le style du journalisme objectivant. Les moyens principaux stylistiques de ce type de journalisme sont les suivants : • La multiplication des citations. • L’utilisation du style indirect libre. • La modalisation du syntagme verbal. • L’usage du conditionnel.

4.3.3. La Vie politique Deux-trois pages suivantes sont consacrées aux actualités de la Vie politique en France. Ces pages spécialisées appartiennent au même bloc thématique que les pages de la Vie internationale, d’où les profondes similitudes dans l’organisation du discours. On retrouve, par exemple, pratiquement les mêmes champs lexicaux-sémantiques, les mêmes genres discursifs, etc. Mais la diversité des positions rédactionnelles est responsable des divergences considérables en ce qui concerne les particularités discursives. Premièrement, la Vie politique se trouve au centre d’intérêt de la rédaction du Figaro. Les textes de ces pages, non seulement présentent les actualités, comme à Paris et dans toute la France, mais permettent également l’influence directe sur la vie politique du pays. Deuxièmement, le circuit d’information est beaucoup plus court pour les nouvelles concernant ces pages que pour les pages de la Vie internationale. Ceci renforce le degré d’actualité et la densité informa-tionnelle du discours. Troisièmement, beaucoup de journalistes du Figaro, en leur qualité d’intellectuels, participent (ou ont participé auparavant) activement à la vie politique de la France. Pour ne pas citer les noms de la longue histoire d’existence du journal, on mentionne seulement le dernier patron du quotidien, Robert Hersant, qui a été un bon nombre d’années élu de plusieurs niveaux — d’élu local jusqu’au député européen. Il est clair que « l’engagement politique » ou les convictions de certains journalistes influencent dans l’une ou l’autre mesure leur production discursive. Compte tenu de l’engagement de la rédaction du journal, la manifestation des positions politiques dépend beaucoup de la distribution des forces politiques dans le pays. Les articles deviennent pointus et aigus s’il s’agit des partis de gauche ou compréhensifs et protecteurs s’il s’agit des hommes politiques de droite. Les autres particularités extralinguistiques influencent également le discours des pages de la Vie politique qui vont être mentionnées au cours de l’analyse des genres journalistiques. La surface des pages de la Vie politique diffère beaucoup de l’organisation des pages de la Vie internationale. Si la Vie internationale est organisée d’après le principe géographique, le principe d’organisation de la Vie politique est plus particulier. La succession du matériel suit l’importance attribuée à telle ou telle information par la rédaction du quotidien. Compte tenu des positions politiques de la direction, les nouvelles concernant les partis conservatifs ouvrent les

95 pages. Ceci est devenu plus facile après l’arrivée de Jacques Chirac à la présidence du pays, quand l’information de grande importance coïncide avec l’orientation politique du journal. De cette façon, chaque intervention publique du président ou de ces proches peut être reprise dans le journal sans atteinte à l’objectivité du journalisme. C’est cette contradiction entre l’orientation politique du journal (qui n’est pas du tout cachée) et l’objectivité qui influence le plus le discours. Les articles différents portent des marques de cette influence de façon différente. Il y a des genres où cette influence ne se manife- ste pas, les autres contiennent des messages politiques persuasifs explicites. Le noyau du premier groupe, les textes idéologiquement neutres, constitue le matériel venu des sources extérieures et dont la sélection pour la publication est dictée par d’autres raisons que les choix politiques. Il s’agit ici le plus souvent des communiqués officiels qui sont publiés complètement sans changements ou rédigés dans le style « maison », mais sans les modifications de contenu et d’orientation discursive. A l’autre extrémité se trouvent les textes d’opinions qui sont de temps en temps publiés sur ces pages — commentaires, tribunes libres, échos…

4.3.3.1. Les nouvelles La mouture La mouture est un court article (à peu près, 250 mots) qui se base sur l’information venue des sources extérieures et réécrit dans le style propre au quotidien. Ces articles ont la même mise en page que les autres articles rédactionnels. Leur style est par contre beaucoup plus sobre et la structure est plus simple. L’information pour article analysé vient du conseil des ministres, ce qui est annoncé dans le surtitre. Le titre annonce le thème de l’article : la nomination de préfets. Le sous-titre répète en principe l’information contenue dans le surtitre et le titre. Il est en principe superflu, mais est exigé par la mise en page habituelle. Le corps de l’article est composé de cinq paragraphes ou chacun est consacré à une per- sonne qui vient d’être nommée dans la haute administration. Le paragraphe est précédé d’une puce, le nom de la personne est en caractères gras. Le texte qui suit contient la dénomination officielle du nouveau poste. Les dates importantes de la carrière de la personne en question sont exposées dans la deuxième phrase du paragraphe. Elles sont entre parenthèses et composées en italiques. Ces paragraphes ne sont liés entre eux que par le thème et la similitude de style d’exposé. Même l’introduction et la conclusion sont absentes. Le discours présente de cette façon l’énumération développée réunie en tout sémantique par la titraille et les particularités stylistiques. Le style de la mouture est caractérisé par le haut degré de l’informativité : l’absence des épithètes, la forme passive des propositions, la terminologie précise… Les potentialités du maniement des opinions (la mise en valeur de l’appartenance à un parti, etc.) ne sont pas utilisées.

La brève Les brèves des pages de la Vie politique sont réunies dans la rubrique En bref. Cette rubrique contient un filet et 5-10 brèves. Toutes les brèves sont titrées. Le surtitre annonce le thème général et le titre, le sujet. Parfois, deux ou trois brèves sont réunies sous le même surtitre si le thème est commun. La rédaction essaie de couvrir tout le spectre de la vie politique dans cette rubrique. Les thèmes ont une hiérarchie précise : l’Assemblée nationale, le Sénat, les partis politiques (la majorité d’abord, bien sûr), les régions, les communes. Presque tous les événements se sont passés une journée avant la parution du journal.

96 Si l’information pour la même rubrique sur les pages de la Vie internationale vient de sources extérieures, les agences de presse de préférence, le matériel pour les brèves de la Vie politique peut provenir des sources très différentes — communiqués de presse, bulletins officiels, rapports des journalistes présents sur les lieux, etc. Les services de documentation du journal peuvent fournir les informations substantielles pour compléter la brève et les services photographiques, les photos. Le Figaro utilise toutes ces possibilités dans la rédaction des brèves de cette partie du journal. Il est possible de trouver ici les informations d’arrière-fond, les détails historiques, les citations courtes, etc. Ces informations secondaires servent souvent pour les mises en valeur minimes, mais efficaces, derrière lesquelles se cachent les orientations politiques du journal. Par exemple, les photos accompagnent en règle générale le texte s’il s’agit d’événements positifs pour les partis de droite ou les événements négatifs pour la gauche. Au niveau lexical, la rubrique En bref comporte la terminologie du domaine de la vie politique. Les adverbes qui désignent le temps se réduisent à un seul adverbe, hier. La forme verbale le plus répandue est le passé immédiat qui renforce le sentiment de haute actualité de l’événement. La syntaxe est caractérisée par les formes passives du prédicat et des constructions participes.

4.3.3.2. Les sondages Les résultats de sondages dans le domaine de la vie politique sont plus ou moins régulièrement publiés dans le Figaro. Le plus souvent, les sondages ne sont pas plus grands qu’une brève. Dans ce cas, ils trouvent leur place dans la rubrique En bref. Dans les périodes actives de la vie politique les sondages font souvent partie des analyses, enquêtes, reportages, etc. Les schémas ou les diagrammes peuvent accompagner le texte. Les sondages sont loin d’être objectifs : Premièrement, étant donné que plusieurs organismes effectuent les sondages, la rédaction a toujours un choix parmi des sondages différents, dont les résultats diffèrent parfois de façon capitale. Deuxièmement, les résultats d’un sondage peuvent être différemment évalués, surtout s’il s’agit de nombres insignifiants. Troisièmement, l’analyse du sondage peut produire des effets importants sur sa perception. Les résultats négatifs, par exemple, peuvent perdre leur importance ou au contraire les résultats positifs peuvent être désavoués s’ils sont accompagnés de la présentation de raisons « objectives » concernant un certain comportement d’électeurs. D’un autre côté, l’encadrement des questions principales joue un rôle important. Non pas qu’il s’agisse d’influence sur les personnes interrogées par la forme des questions, mais surtout des conclusions tirées d’un sondage à partir des réponses. Ainsi Nicolas Brimo décrit ce type de manipulation avec l’exemple du sondage de la SOFRES en décembre 1976. Effectué traditionnellement au début de mois et portant sur l’état de l’opinion et la cote des principaux hommes politiques, le sondage montrait la chute impressionnante de la majorité aux yeux des Français. M. Bruno parle de la décision de Robert Hersant de retarder la publication des résultats du sondage et d’ajouter de nouvelles questions qui demandaient de faire un choix entre la démocratie française et le régime communiste. Les nouvelles réponses ont donné la possibilité à la rédaction d’annoncer à la une Les Français satisfaits de la société libérale et heureux de leur sort, et pourtant ils s’affirment résolument pessimistes.

97 4.3.3.3. L’écho Les échos sont réunis dans la rubrique Figaro-ci, Figaro-là, dirigée par Claude Jacquemart, avec Josseline Abonneau et Michèle Gregori. Le nom de cette rubrique ainsi que la mise en page fait ressortir la liaison avec la comédie de Beaumarchais. Le cadre a une forme ovale, qui avec le logo crée un effet moins officiel et plus frivole. Les caractères ont un aspect un peu vieillot. Ils sont plus légers et de valeur inférieure au texte des autres articles de la page. Mêmes les puces sont beaucoup plus légères que d’habitude. Le style est également assez léger. L’écho du Figaro présente l’information sous son aspect comique. Les sujets de ce genre de discours sont des personnalités de la vie politique de la France. La représentation amusante incite les associations positives, les hommes politiques de droite sont également souvent les sujets de l’article. Les journalistes essaient de trouver les aspects comiques dans les actes, les discours ou les épisodes de la vie personnelle des personnalités connues et les raconter dans une phrase. Un procédé intéressant est de montrer les « vrais » motifs de tel ou tel acte, comme dans l’article cité en exemple. Les titres ne sont plus des propositions informatives, mais plutôt incitatives qui se basent sur les tropes ou les figures stylistiques — métaphores, expressions polysémiques, etc. De cette façon, le volume et la structure des échos les rapprochent de la brève, le style et la mise en page du billet, mais sans la force de ce dernier.

4.3.3.4. Le débat La rédaction du Figaro ne cache jamais ses positions politiques. Bien sûr, les pages de la Vie politique donnent les meilleures possibilités pour leur expression. Le débat est l’une d’entre elles. Le débat est un sous-genre de la nouvelle. Le débat est plus long que la nouvelle, il a une structure logique. Les traits caractéristiques sont les suivants : • l’absence partielle des dénominations officielles de personnalités politiques, • l’emploi du nom du siège au lieu de l’institution, • l’absence des auteurs de quelques citations, • la similitude de la mise en page des citations et des proverbes, expressions imagées, etc., • l’absence de sujet discursif, • l’absence des commentaires explicites, les commentaires sont de deuxième degré. Le journaliste cherche les positions déclarées par quelqu’un d’autre et les expose. De cette façon, le journaliste évite les déclarations qui pourraient engager sa propre responsabilité ou la responsabilité du journal. D’autre part, les différents points de vue sont représentés dans le discours et le journal remplit, de cette façon, sa fonction de rendre compte « impartialement » de toutes les positions. Le processus d’écriture de ce genre consiste en présentation de différents points de vue et surtout de leurs oppositions, polémiques et controverses. L’aménagement de ces points de vue permet un jeu subtil dans la mise en scène des diverses orientations dans la vie politique française.

Au niveau de la structure le débat présente quelques particularités. L’article cité en exemple est en plusieurs points exemplaire pour les analyser. Titraille : le surtitre (Les instruments de contrôle du Parlement) annonce l’organisme politique et le thème de l’article, le titre (Bataille autour d’un office d’évaluation) concrétise le surtitre et incite à la lecture de l’article, le sous-titre (Cette structure souhaitée par les députés pour mieux juger des engagements budgétaires de la nation inquiète Bercy et les sénateurs.) présente le rôle de l’organisme en question et les positions des participants des débats. La distribution des rôles des participants dans la discussion est claire avant la lecture de l’article. Mais le paragraphe introductif présente encore une fois le problème de façon explicite

98 et « objective ». Le deuxième paragraphe précise les positions du Sénat avec la présentation de ses arguments. Le troisième paragraphe ouvre la partie centrale de l’article. A partir de là, le récit se développe chronologiquement en commençant par l’exposition de l’histoire de la question en discussion. Il est à signaler que la métaphore de la bataille est employée ici avec un autre sens — bataille contre le gouvernement pour le budget plus serré. Dans le paragraphe suivant l’intertitre — Guérilla — Jacques Fleury parle de la discussion entre l’Assemblée nationale et le gouvernement et y donne des raisons du consentement du gouvernement, les raisons politiques. La présentation des positions des députés vient ensuite et le lecteur y est invité à suivre la constitution de l’idée d’un office depuis son origine. Le dernier paragraphe revient de nouveau aux arguments du Sénat. Il n’annonce en principe rien de nouveau, mais donne une bonne possibilité de présenter à la fin de l’article la condamnation de ses arguments par les députés, condamnation faite au nom de la démocratie. De cette façon, le plan de cet article est celui du récit avec l’introduction, le développement et la conclusion. En plus des particularités discursives, il faut prendre en considération les facteurs extralinguistiques pour compléter l’analyse de l’influence de l’article sur la vie politique, comme par exemple le temps de sa parution.

L’article paraît le jour du commencement des débats au Sénat. Sachant que le Figaro paraît tôt le matin, les sénateurs ont le journal pendant les débats. L’article s’adresse de cette façon à deux groupes de lecteurs — les lecteurs habituels de la Vie politique et les sénateurs. Si la rédaction informe les premiers, elle essaie d’influencer les derniers, le jour de débats. Ceci ne signifie pas que l’information des lecteurs du journal soit absolument neutre. La présentation de cette information influence la formation de l’opinion publique. Cette influence passe par : 1. Le transfert dans le plan du présent des énoncés des sénateurs qui ne se sont pas encore prononcés lors des débats officiels, d’un côté, et de l’autre, le transfert des arguments des députés qui datent de 6 mois. 2. L’introduction progressive dans le discours des métaphores de guerre (bataille, guérilla, victoire…) avec l’orientation de la sympathie plutôt de côté de l’Assemblée. 2.1. L’attribution de valeurs positives à l’Assemblée (victoire, faire plier le gouvernement, etc.). 2.2. Le rangement des valeurs démocratiques de côté de l’Assemblée 2.3. Les différences dans la présentation des arguments de deux opposants, jouent également un rôle important. Les arguments du Sénat se trouvent sur le plan politique, les arguments des députés sont contradictoires, mais ces derniers gagnent la contradiction car ils se rangent du côté de la démocratie. En outre, l’argumentation des députés contient un autre aspect très important qui se trouve plutôt sur le plan économique. Ces arguments sont exposés sans être contredits.

Il est à signaler que le président de la République, ainsi que son premier ministre, sont mis à l’écart de la critique du journaliste. Un exemple :

Les instruments de contrôle du Parlement Bataille autour d’un office d’évaluation Cette structure souhaitée par les députés pour mieux juger des engagements budgétaires de la nation inquiète Bercy et les sénateurs.

Le Sénat examine aujourd’hui, avec beaucoup de réticences, la constitution d’un office parlementaire pour l’évaluation des politiques publiques. Une structure souhaitée par les députés

99 afin de mieux contrôler les engagements budgétaires de la nation et suivre l’exécution concrète des lois. Voté en juillet par l’Assemblée, le projet traîne depuis dans les bureaux du Palais du Luxembourg. Les sénateurs appréhendent la création d’un tel office qui, de leur point de vue, se substituerait aux commissions parlementaires. Cette manifestation de mauvaise humeur satisfait plutôt les fonctionnaires du ministère de l’Économie et des Finances. Car la création d’un tel organisme commun aux deux assemblées leur apparaît surtout comme un « anti-Bercy », avec des spécialistes qui vont « aller fourrer leur nez dans tous les dossiers sensibles », empiétant ainsi sur l’autorité quasi religieuse des finances sur toutes les décisions gouvernementales. Lancée par Jacques Chirac pour donner plus de pouvoirs de contrôle et de décisions au Parlement, saisie au bond par Philippe Séguin, l’idée a très vite été mise en forme. Elle est devenue un véritable enjeu politique avec la préparation du budget, lorsque les députés, sous la pression des balladuriens, ont mené une âpre bataille contre le gouvernement pour obtenir deux milliards d’économies supplémentaires. Un « tour de vis supplémentaire » à la rigueur décrétée par Alain Juppé pour bien montrer que la représentation nationale devait conserver le dernier mot sur les « budgétivores » gouvernementaux.

Guérilla Jean-Pierre Thomas, député PR des Vosges, menait « la danse » à la commission des finances de l’Assemblée. Partant du principe que « le gouvernement propose, les parlementaires disposent », il a contraint chaque ministre – et surtout celui des Finances – à revoir à la baisse sa copie et ses demandes d’ouverture de crédits. Finalement, pour élever une guérilla permanente avec « sa » majorité au Palais-Bourbon, guérilla qui pesait sur la popularité de l’exécutif, le premier ministre a donné raison aux députés frondeurs en rectifiant à la baisse son projet de collectif budgétaire. Une victoire pour les députés. Balladuriens ou non, ils ont pris conscience de leur nouveau rôle. Surtout, ils se sont découvert une force insoupçonnée jusqu’à présent : faire plier le gouvernement et mettre en échec les calculs de Bercy. La preuve que les « experts » peuvent quelquefois descendre de leur piédestal et reprendre leurs analyses à la base. Mais les députés ne veulent pas jouer en permanence les apprentis sorciers. Ils partent d’un raisonnement qui peut paraître simpliste mais qui s’est cette fois, révélé juste : si deux milliards ont pu être grappillés sans trop de problème dans le projet de budget, c’est parce que les experts des finances gonflent les chiffres et fournissent des rapports qui ne reflètent pas l’exacte vérité. Il est donc nécessaire que le Parlement se dote de son propre office d’expertise pour pouvoir apprécier justement les propositions gouvernementales. « Il est invraisemblable, dit Laurent Dominati (PR proche de l’ancien ministre des Finances Alain Madelin), l’un des protagonistes du projet d’office, que la représentation nationa- le soit toujours mise face à la réalité comptable établie à Bercy. Il y a beaucoup de bon sens au Parlement mais on n’y fait pas assez appel. Bercy décide et nous devons nous aligner. Mais, que ce soit sur la politique sociale, familiale ou d’aménagement du territoire, nous pouvons apporter d’autres perspectives. Rien n’est figé parce que Bercy a décidé d’une enveloppe budgétaire. Au contraire, si le Parlement dispose de ses propres études analytiques, nous pourrons aborder le débat dans un autre état d’esprit. » Et peut-être trouver des solutions qui ne s’imposent pas aux technocrates.

« Vilain petit canard » Porté, avec un certain enthousiasme sur les fonts baptismaux de l’Assemblée nationale, ce projet d’office fait depuis six moins l’objet d’un certain dédain du Sénat. D’une part, parce que ce « vilain petit canard », qui serait composé de spécialistes venus du monde extérieur au Parlement risque d’empiéter et de faire de l’ombre à la prestigieuse commission des finances.

100 Surtout parce que ses avis ne seraient pas confidentiels et donneraient des armes à l’opposition. Un argument que les députés ont déjà balayé : « La démocratie, c’est le débat. » Jacques Fleury L’exemple est tiré du Figaro, 18.03.1996

Conclusion. De cette façon, l’article analysé est en principe l’article qui anticipe l’événement. Mais rédigé dans le style du récit sur des événements qui se sont déroulés dans le passé proche, il comporte l’intention discursive particulière. Elle sort de la simple prévision sur l’évolution des événements, mais se place plutôt du côté de la création d’un fond perceptif bien déterminé. En outre, en peignant le comportement politique du Sénat dans une coloration plutôt négative, le journal le pousse vers les réformes.

4.3.3.5. L’entrefilet L’entrefilet sur les pages de la Vie politique ajoute les informations d’arrière-fond sur l’événement en question. Cet article est écrit par le journaliste de la rédaction et contient les « preuves » de sa présence sur les lieux : citations, observations personnelles, etc. Le volume de l’article, ainsi que son habillage rapproche l’entrefilet de la brève, mais la source « intérieure » de l’information lui accorde la place tout à fait particulière dans la distribution de la matière rédactionnelle. Souvent l’entrefilet débute également à la manière de la brève, en annonçant dans la première phrase les informations principales dans un style objectivant. La suite de l’article change de registre. Le journaliste introduit dans le texte les éléments qui sont appelés à persuader le lecteur. Dans l’article analysé, on trouve par exemple la critique du projet de loi (trop flou et peu lisible…) et les verbes exprimant les sentiments (craindre). Ce côté émotif est encore renforcé par l’emploi du subjonctif qui n’apparaît pratiquement pas dans les genres informatifs.

4.3.3.6. Le rapport Le rapport rend compte plus ou moins en détails d’un événement politique. C’est le plus souvent une session du parlement, la réunion du conseil des ministres, etc. Mais les règles de présentation de ce genre, limitent le choix des sujets pour ce type d’article. Le but principal du rapport est de rendre compte d’un événement de façon objective, logique et complète. De cette façon, le côté objectif des sujets qui peuvent être traités par ce genre ne doit pas s’écarter trop de la ligne rédactionnelle. D’autre part, les contraintes de l’écriture linéaire posent quelques problèmes dans la résolution de cette tâche, surtout s’il s’agit d’une discussion complexe et parfois un peu chaotique, comme elles se passent lors des sessions du parlement. Ce type de discussions, même sur un sujet, contient plusieurs lignes logiques qui ont chacune leur propre argumentation, leur propre raisonnement, leurs propres conséquences… Ceci se traduit dans la structure complexe de l’article. Le sujet de l’article cité en exemple permet le style neutre d’écriture, puisque les acteurs de ces événements sont les représentants de la majorité du moment, c’est-à-dire de l’orientation politique proche de la rédaction du quotidien. Les positions exactes des partis politiques de l’opposition ne sont même pas signalées. Dans le dernier paragraphe de l’article seulement, le journaliste parle de la gauche en qualifiant ses positions d’« une hostilité absolue à la réforme ». La désignation extrêmement négative de la gauche sur les pages d’un quotidien de la droite mobilise les lecteurs et aligne leurs opinions à la ligne rédactionnelle et tout cela sous la couverture d’un genre « neutre et objectif » comme le rapport.

101 4.3.3.7. La nouvelle prospective La nouvelle prospective sur les pages de la Vie politique diffère légèrement du genre correspondant de la Vie internationale. Ces différences sont dues à la proximité : • du temps ; • de lieu ; • d’intérêt. Cette proximité ouvre de larges possibilités à la rédaction en ce qui concerne l’organisation du discours. L’analyse de ce genre de nouvelles a révélé deux pratiques discursives : de court et de moyen terme. Tous les sous-genres de la nouvelle prospective s’occupent des événements qui doivent avoir lieu dans le futur proche. Par la publication de ces articles, la rédaction prépare ses lecteurs à leur avènement. Les intentions de différents sous-genres diffèrent quand-même d’un cas à l’autre. Dans le premier cas, il s’agit de portée à court terme. Dans ces cas, les positions rédactionnelles concernant l’évolution de l’événement, sont souvent exprimées de façon explicite et directe. Dans le deuxième cas, la portée immédiate recule sur le deuxième plan devant le projet plus étendu dans le temps. Son but principal est de préparer le lecteur aux publications futures. Ce sous-genre de la nouvelle prospective est rédigé dans le style informatif. Le journaliste évite toute expression de sentiments quelconques et ne livre que des informations brutes. La quantité d’information doit être relativement importante pour être sûr qu’un des renseignements peut avoir de l’intérêt dans le futur. Un des procédés préférés pour présenter un nombre considérable d’information est l’énumération. Le discours organisé de cette façon crée l’effet de sérieux et d’exhaustivité, mais il est difficile à lire. Pour contourner ce problème, le journaliste doit créer le cadre adéquat pour la lecture du texte. Souvent on a recours aux titres, qui en opposition au corps de l’article, contiennent des éléments emphatiques – métaphores, épithètes, etc.

4.3.3.8. L’interview paraphrasée Après les élections municipales de 1995, la rédaction du journal publie l’article Maubeuge sur la voie du « réveil » sur une des villes qui a changée de maire. Le temps de parution de l’article, 10 mois après les élections, donne l’idée que cet article, or son caractère informatif, est appelé à soutenir la nouvelle municipalité et ses membres. Les premiers signes de l’orientation idéologique donne déjà la titraille : la métaphore du surtitre, métonymie dans le titre, métaphore de nouveau dans le titre, encore une métaphore dans le sous-titre. L’intertitre est un énoncé informatif qui doit être le principe fondamental de la politique municipale. La structure du corps de l’article rappelle l’analyse : la description de la situation générale dans l’introduction, la présentation des arguments de l’ancien maire et du nouveau maire dans le développement et la conclusion à la fin de l’article.

La visée de l’objectivité de la présentation voit sa réalisation dans la distanciation de l’auteur de l’article, surtout par la réduction au minimum de la part du sujet discursif. La tribune est donnée aux participants des événements. Le rôle de l’auteur se réduit à la transmission des paroles de ces derniers. Bien sûr, cette transmission n’est pas du tout anodine. Le journaliste choisit bien les citations pour exprimer les positions rédactionnelles et influencer l’opinion publique. Ainsi, le journaliste communique la citation du maire socialiste quant aux succès de la politique de la ville et la politique sociale sans discrimination. Comme seule explication de ses

102 insuccès lors des dernières élections, l’ancien maire évoque les calomnies concernant sa vie privée. Ensuite, le journaliste cite des propos au cours desquels l’ancien maire accepte la valeur politique des candidats de la droite. Dans la troisième partie de l’article le journaliste parle du nouveau maire. Il commence cette partie par l’analyse faite par Jean-Claude Decagny. Cette analyse nie la description de la situation par l’ancien maire. Les bases de cette contradiction ne sont pas de caractère oppositionnel. Si l’ancien maire parle des succès dans la politique sociale, le nouveau définit la ville comme endormie. Les stratégies discursives de cette discussion sont très différentes. Si le journaliste rapporte surtout des arguments qui se basent sur ses sentiments pour l’ancien maire, les arguments du nouveau maire se basent sur les données exactes — noms, dates, chiffres… Mais le nouveau maire ne s’arrête pas ici et accuse, selon les règles de la lutte politique, l’équipe précédente d’incompétence et de laxisme. La conclusion, qu’il faut changer cette situation, paraît évidente.

De cette façon, cette série d’article sur les villes qui ont changé de maire sert à : a) répéter une fois de plus que le parti socialiste a perdu le pouvoir dans certaines communes ; b) montrer les côtés forts de la politique de la droite classique ; c) accuser d’incompétence les hommes politiques de la gauche ; d) appeler l’opinion publique à soutenir la politiques des municipalités de la droite, même si quelques unes de leurs décisions paraissent impopulaires, etc.

Un exemple :

Les villes qui ont « basculé » en juin 1995 Maubeuge sur la voie du « réveil » Jean-Claude Decagny (UDF), qui a succédé a un maire socialiste, dit avoir trouvé une « ville malade et endormie ». Il se donne les moyens d’y remédier.

MAUBEUGE: Jean VALBAY

Des onze villes du Nord de plus de 30.000 habitants, Maubeuge est la seule qui a « basculé » lors des élections municipales de juin 1995, la municipalité de gauche, conduite par le socialiste Alain Carpentier, cédant la place à la coalition UDF-RPR emmenée par Jean-Claude Decagny, alors PSD et aujourd’hui Force démocrate, qui avait déjà occupé la fonction de maire de 1984 à 1989 et qui avait été élu député en mars 1993, enlevant la vingt-troisième circonscription du Nord au socialiste Umberto Battist. Cette exception maubeugeoise, qui tranche avec le statu quo général, trouve ses raisons dans le climat local qu’Alain Carpentier attribue à une vague irrationnelle de racisme. « J’avais, explique-t-il, mis en œuvre une politique de la ville et une politique sociale sans discrimination, qui m’a valu d’être accusé de devenir le maire des Arabes. Là-dessus s’est greffée une campagne de calomnies concernant ma vie privée, contre laquelle j’ai réagi. Mais, contre la rumeur, il n’y a rien à faire. » « Si, ajoute-t-il, la droite n’avait pas été dirigée par des hommes connus, alors que le Front national n’a pas de tête locale Maubeuge aurait sans doute été le Toulon du Nord. » Il est vrai que dans la ville du Clair de lune, le FN dispose d’un noyau solide de 20 % à 25 % d’électeurs, lesquels restent fidèles au second tour, sans toutefois empêcher, en 1993 comme en

103 1995, l’élection de Jean-Claude Decagny. L’analyse de ce dernier ne correspond pas à celle de son prédécesseur. Il estime avoir trouvé une « ville malade et une ville endormie ». Malade de ses 23 % de chômeurs, avec une mairie employant 30O CES aux côtés de ses 600 salariés. Endormie notamment parce que perdue dans le cul-de-sac du département, avec le reste du bassin de la Sambre, industriellement sinistré, et de l’Avesnois. Grâce à « Objectif 1 » obtenu à Bruxelles, avec la participation des crédits européens et ceux de l’État, le désenclavement s’opère. A la fin de 1998, on pourra se rendre de Jeumont à Lille par un réseau autoroutier, ce qui n’empêche pas Jean-Claude Decagny de plaider, comme Jean-Louis Borloo, pour la création d’un département du Hainaut (de 600 000 à 800 000 habitants), avec une sous-préfecture à Maubeuge.

Rigueur budgétaire La nouvelle équipe, dont le numéro deux est Jean-Paul Herbeuval, conseiller général et régional, mais aussi successeur de Colette Codaccioni à la tête du RPR nordiste, entend aussi développer le site universitaire de Maubeuge, qui ne compte que 700 étudiants et qui n’est que l’un des pôles délocalisés de l’université de Valenciennes. Un investissement de 19 millions de francs, dont 11,4 millions de francs apportés par 1'« Objectif 1 », est consacré à la création d’un pôle européen de compétences en matériaux avancés (Tecma). François Bayrou en posera la première pierre le 25 avril. Même s’il reconnaît qu’il n’existe pas de grave problème de sécurité dans sa ville, Jean- Claude Decagny entend faire remettre des gardiens dans les immeubles collectifs et installer des permanences d’accueil dans les quartiers, « à l’écoute de la population », et même créer une police municipale, « après assainissement des finances ». Il dit avoir trouvé un trou de 24,8 millions de francs à la section fonctionnement de la ville et un autre de 7,8 millions de francs en investissements. « Il manquait 17 millions de francs pour établir le budget 1996. » Chiffres, bien entendu, contestés par Alain Carpentier, qui y voit une façon de « faire passer la hausse des impôts ». Car Jean-Claude Decagny pratique la rigueur budgétaire : pas d’augmentation de subventions, allégement de la durée des emprunts, etc. Et il augmente le taux de fiscalité de 2,5 % – ce qui apparaît raisonnable –, mais, par le biais d’une nouvelle communauté de 23 communes qu’il préside, il fait apparaître dans les feuilles d’impôt une nouvelle colonne qui correspondra à une hausse de 10 %. « L’incompétence et le laxisme de l’équipe précédente nous oblige à réclamer cet effort », dit-il, surtout si l’on veut aussi redonner une âme au centre-ville, asphyxiée par les transports en commun, que l’on placera en cite propre. Cela obligera par ailleurs à une réhabilitation, à une amélioration du cadre de vie. Loin de son ancienne Kermesse de la bière, qui fit autrefois sa renommée, enserrée dans les remparts de Vauban, Maubeuge se cherche un nouveau souffle et une nouvelle modernité. J.V. L’exemple est tiré du Figaro, 24.04.1996

4.3.3.9. La critique de la littérature politique La critique de la littérature politique est publiée dans la rubrique irrégulière Bibliothèque politique. Il s’agit ici de la présentation d’un livre qui traite d’un événement politique. Ce genre de discours diffère beaucoup de la critique littéraire. Si cette dernière a trois composantes intentionnelles (information, opinion et conseil), la critique du livre politique est à double domi- nante. Elle informe sur le livre, son auteur et son contenu. L’expression des opinions du journaliste ne porte pas sur les qualités artistiques du livre, mais sur les idées contenues dans le

104 livre analysé. Le choix des livres a ici une importance primordiale. Les journalistes essaient de trouver des œuvres qui s’occupent de formations proches des positions politiques rédactionnelles. De cette façon, en publiant l’article sur ce livre, le journal fait une double promotion — celle du livre et celle du mouvement politique. En outre, l’exposé du contenu du livre permet d’ajouter des nouvelles données ou des nouveaux arguments. Ce mélange de l’étude de politologue et des idées du journaliste a une grande force persuasive. Les opinions politiques de l’auteur sont exprimées ici d’une façon indirecte. Il se cache derrière des données « objectives », citations, etc. Les pronoms personnels de la première per- sonne sont absents. Les tournures Il est, C’est, etc. prennent leur place. L’article analysé est publié dans le coin droit supérieur de la page. Il est encadré. L’article est doté de la titraille complexe : le surtitre annonce le nom de la rubrique — Bibliothèque politique ; le titre — Comment le gaullisme survit à de Gaules annonce le thème de l’article. Le sous-titre — Un universitaire anglais analyse la spécificité du mouvement se réclamant du fondateur de la Ve République — prouve le caractère scientifique de l’ouvrage en question et présente son sujet d’étude. Le journaliste ne se répète pas ici en écrivant deux fois le mot « gaullisme » et au lieu de la nomination officielle, emploie une expression paraphrasée : le mouvement se réclamant du fondateur de la Ve République. En outre, il suit, en sous-titre, que ce mouvement a un caractère spécifique. Comme toujours, le discours de la titraille est fermé par un point à la fin. Les titres posent quelques questions qui trouvent leurs réponses dans le corps de l’article. De ce point de vue la titraille a le caractère incitatif, c’est-à-dire elle incite plus à la lecture de l’article qu’elle n’informe sur son contenu. Le corps de l’article a la structure linéaire, où ses parties composantes sont liées entre elles par des liaisons logiques pour aboutir à une conclusion. Les deux premiers paragraphes sont consacrés non pas au livre, mais à son sujet d’études, notamment au gaullisme. Seulement après cela le journaliste expose très brièvement (en deux paragraphes) les axes principaux de l’analyse de l’universitaire anglais. Puis le personnage de l’auteur du livre disparaît du texte pour ne revenir qu’à la fin de l’article dans deux citations et une objection. Il y a encore un aspect, que le politologue anglais a perdu de vue, qui paraît pour le journaliste d’une grande importance. Il s’agit d’un aspect qui ajoute une composante humaine à ce mouvement politique. Un autre facteur qui permet de souligner que cet article s’occupe plus du mouvement politique que du livre est l’absence de données bibliographiques sur le livre.

4.4. Le bloc de la vie quotidienne Le bloc suivant rassemble les pages spécialisées Notre Vie, Éducation, Sciences, Médecine. Il contient des textes qui décrivent certains aspects de la vie de la société française ou bien des informations pouvant être utiles dans la communication quotidienne. De ce point de vue ce bloc est en quelque sorte la transition entre la partie socio-politique du journal et sa partie distrayante.

4.4.1. Notre Vie Les deux, voire quatre pages réunies sous le nom Notre Vie clôturent le bloc socio-politique et ouvrent en même temps le bloc de la Vie quotidienne. Le matériel présent sur ces pages fait souvent la une des quotidiens « populaires ». Dans la plupart des cas, ce sont les chroniques judiciaires, mais également des comptes rendus des événements de la vie des personnalités du beau monde, des descriptions des catastrophes qui couvrent les pages de Notre Vie. Le matériel traité cache souvent des aspects politiques sans leur donner trop d’importance. Mais, d’un autre côté, la publication des articles politiques sur les pages de Notre Vie peut aider à atteindre le lectorat qui ne lit pas d’habitude les pages de la Vie politique.

105 Il existe bien sûr une différence nette entre le Figaro et les journaux à tendance populaire. Par exemple le Figaro ne publie pas les détails de la vie privée des personnalités politiques (la maladie de Mitterrand, l’état de santé du général de Gaulle, etc.). Ce mélange de la politique et des nouvelles à caractère sensationnel a été typiques pour le Figaro de Villemessant. Dans le Figaro d’aujourd’hui le trois quart de l’espace rédactionnel est occupé par les hard news traitant des sujets les plus divers relevant de la justice. La structure typique des sujets de ces pages se présente de façon suivante : 1. La justice • l’organisation de la justice ; • les « grandes » affaires des années 80 – 90 : — le sang contaminé — le financement des partis politiques — la vache folle • les affaires correctionnelles récentes • les nouveaux problèmes de la justice (Internet, etc) • les « découvertes » du Figaro comme par exemple les punitions physiques à l’école. • les affaires sensationnelles à étranger — la famille royale en Angleterre — Simpson 2. Les territoires d’outre-mer • le séparatisme en Corse • l’organisation de l’administration en Martinique • la criminalité en Tanzanie 3. Les loisirs • tauromachie • viticulture • les nouveaux loisirs (paintball…) 4. Parfois le rédaction publie ici la matériel actuel qui relève des rubriques hebdomadaires, mais dont la publication est exigée en raison d’actualité. On trouve ici par exemple des articles sur les problèmes pédagogiques, religieux, scientifiques, etc. qui auraient leur place normalement dans les rubriques correspondantes du journal. 5. La particularité importante de ces pages est la photo qui est ici un genre à soi (comme à la une, mais ne remplit pas ici cette fonction intégrante comme cette dernière). La photo sur les pages de Notre Vie a un rôle esthétique dominant. Elle traite le plus souvent les sujets de nature (la mer, les montagnes, mais parfois les paysages citadins) ou présente des événements peu habituels (les artistes, enterrement de quelqu’un, etc.). 6. La critique littéraire a également sa place sur les pages de Notre Vie. Il s’agit le plus souvent des livres qui font du bruit — la maladie de F. Mitterrand, la mise en cause des personnalités connues… Comme partout, une rubrique En bref trouve également ici sa place.

Les pages de Notre Vie sont organisées de façon asymétrique. La distribution de l’espace reflète la structure thématique de la page. Les articles sur les sujets judiciaires reçoivent plus d’espace que les autres. Ils reçoivent également la place d’honneur : la partie gauche supérieure de la page. Mais la forme incorrecte de l’espace attribué prive le matériel de cette solidité qu’ont les articles de la Vie internationale par exemple. Les articles sont placés de telle façon que le regard du lecteur est obligé de parcourir toute la page (y compris la publicité) avant de s’arrêter sur un article de son choix, la diversité des sujets thématiques de ces pages ne donnant pas l’espoir que le lecteur puisse s’intéresser à tous les sujets proposés.

106 4.4.1.1. La brève et la dépêche Les brèves des pages Notre Vie sont rassemblées dans la rubrique En bref. Le principe d’organisation de cette rubrique est hétérogène. On trouve ici des brèves classées d’après le principe thématique ou géographique. Le thème dominant est ici la justice. Dans le deuxième cas, les nouvelles de la province dominent. Cette rubrique est placée normalement dans la colonne droite de la dernière page de Notre Vie. Elle est séparée d’un simple filet du reste de la page. La rédaction du Figaro n’a pas eu souvent recours, aux dépêches. Dans la plupart des cas elles sont développées jusqu’aux soft news ou les reportages. Quand-même, si une des affaires judiciaires suivies par le Figaro est terminée (pour le quotidien) d’une façon peu sensationnelle ou peu spectaculaire, l’information peu être traité par le genre de la dépêche. La dépêche est un sous-genre de la nouvelle. Ses caractéristiques particulières se résument à: • d’après son volume, la dépêche est à peu près égale à la mouture ; • la dépêche provient d’une source intérieure ; • pour la dépêche l’information est recherchée sur les lieux, mais également suivie depuis longtemps. Pour prouver que le journaliste a recherché ses informations lui-même, il fait figurer dans le discours quelques détails.

4.4.1.2. La chronique judiciaire La chronique judiciaire est un sous-genre de soft news. Seulement, la chronique judiciaire n’est pas si innocente que cette dernière. Il n’y a presque pas de différence en ce qui concerne le contenu thématique et le style. Par contre, la structure est beaucoup plus complexe que celle de la soft news. En outre, ce type d’article est souvent accompagné d’une illustration, d’un portrait photographique, s’il s’agit d’une seule personne par exemple. L’introduction pose le problème de l’article. Il est rédigé dans au l’indicatif. Le développement a la structure chronologique en commençant par l’arrière-fond historique. Le temps du récit est le passé composé, remplacé progressivement par le présent vers la fin de cette partie de l’article. La conclusion présente un (ou quelques) achèvement(s) possible(s) de l’affaire. Les temps de récit employés ici sont le futur simple ou le conditionnel suivant le cas. Le style de l’article varie en raison de niveau social des actants : • si les participants de l’affaire sont des personnes connues et ayant des fonctions sociales importantes, le journaliste choisit le style objectivant. Il est ici le rapporteur des faits et ne se permet pas d’observations personnelles. Les sentiments du journaliste sont exprimés par des moyens typiques pour ce style — la photo, les intertitres, le discours rapporté fait partie des textes officiels (communiqué, verdict…), etc. • si les participants de l’affaire sont les gens « du peuple » — les habitants de province, inconnus jusqu’à un certain point, le journaliste rapproche leurs destins par des moyens stylistiques appropriés : la métaphorisation du discours, descriptions, etc. Les citations reflètent les particularité du style parlé — les exclamations, propositions elliptiques, etc.

Conclusion. Les chroniques judiciaires du Figaro diffèrent beaucoup des genres correspondants dans la presse quotidienne française. Ce type d’article a la structure chronologique dans sa partie centrale. Le style de l’article est fonction du niveau social des participants de l’affaire. Plus le niveau social est élevé, plus le style de l’article sera neutre.

107 4.4.1.3. La nouvelle „mondaine“ Les composantes pragmatiques de la nouvelle mondaine sont l’information et la distraction, le spectaculaire. Ce sous-genre de soft news est appelé à apaiser la curiosité des lecteurs, en ce qui concerne la vie de la haute société, si proche d’eux géographiquement, mais pour la plupart, si éloignée. Pour les autres lecteurs, qui font partie de cette « bonne société », la nouvelle mondaine est la possibilité de trouver les informations concernant leurs proches ou leurs connaissances.

Les sujets pour ce type de nouvelles sont pris dans le domaine de la vie mondaine, il s’agit ici le plus souvent d’événements qui peuvent être facilement classés sous le nom de « scandales ». Compte tenu de l’importance des relations personnelles pour le quotidien et de l’appartenance des « partenaires » principaux aux couches supérieures de la France, la publication du matériel compromettant ces derniers est assez rare. Par contre, pour apaiser « l’appétit » de ses lecteurs, la rédaction ne peut pas s’en passer et choisit plutôt les sujets pour ce sous-genre de la nouvelle dans les milieux aristocratiques de l’étranger. Divorces, mariages, anniversaires, etc. ont bien sûr la préférence. Les sources principales pour ce genre de la nouvelle sont les médias des pays concernés. Mais les journalistes du Figaro ajoutent leurs propres informations, commentaires ou explications.

Les sujets traités par le genre de la nouvelle mondaine des pages de Notre Vie pourraient en principe apparaître sur la dernière page du Figaro quotidien. Le fait de placer la nouvelle mondaine sur la deuxième page de la rubrique Notre Vie (où elle paraît normalement) ne permet pas de classer l’article sous le nom des faits extraordinaires et de grande importance. Non, il s’agit ici d’un événement relativement insignifiant de la vie de la société aristocratique. La nouvelle mondaine est placée souvent dans le coin gauche en partie supérieure de la page, ce qui est un procédé de mise en page simple, mais efficace pour présenter l’article aux yeux du lecteur. Le matériel est présenté en deux colonnes de double largeur ce qui donne des apparences sérieuses à l’article, peut-être pour compenser le caractère peu sérieux du matériel. En outre, l’article est séparé du reste de la page par des filets. Il est accompagné d’une photo de format moyen (6 cm x 10 cm, légende comprise). Tout ceci augmente la valeur de la publication. L’article est composé en caractère de la famille Genève, excepté le titre et le sous-titre, composés en caractères Times. L’emploi des caractères Genève augmente la lisibilité du texte, ce qui est assez important pour les textes de distraction. Le nom du journaliste qui écrit cet article est en caractères gras majuscules, alignés à droite.

Le vocabulaire de la nouvelle mondaine reflète les particularités du langage de la « bonne société » : la syntaxe complexe, l’emploi des temps « littéraires » (passé simple, subjonctif présent, etc.), le lexique particulier. Ces particularités lexicales se résument à un genre d’argot spécifique. Le niveau syntaxique et morphologique sont repris du style soutenu de la langue française. Le niveau du lexique est caractérisé par l’emploi d’une terminologie spécifique — les sobriquets, bien connus par les initiés, etc.

Le temps du récit est le passé composé — le journaliste nous raconte ce qu’il a entendu ou ce qu’il a lu. Bien sûr, il ne prend pas parti de quelconque façon. La première personne est absente de ce genre de discours. Mais il ne peut pas s’abstenir de quelques commentaires ironiques. La syntaxe des phrases est très complexe, avec toutes sortes de tournures possibles — participes, infinitives, adverbiales… Ces constructions permettent au journaliste d’insérer dans une phrase ses propres commentaires, les commentaires d’une des sources d’information et des

108 paroles d’une personne en question.

Dans ce sous-genre de la nouvelle il s’agit souvent des personnes et non pas d’événements, de l’état de choses, etc. De ce point de vue, le discours rapporté va jouer un rôle important dans la présentation de ces personnes, sans parler de renforcement de la notoriété de la publication. En outre, le style du discours rapporté est en opposition avec le style de belles-lettres de l’article, et, par conséquent, renforce les effets de ce dernier. Car les personnes citées appartiennent aux couches supérieures de la société, il ne s’agit pas ici des mots d’origine populaire ou vulgaire. Le vocabulaire est assez soigné. Mais on trouve les traces du langage parlé au niveau de construction de phrases (première personne des pronoms, constructions elliptiques, interjections…). La structure de la nouvelle mondaine est logique et non pas chronologique. D’après sa portée et l’habillage, la nouvelle mondaine se rapproche beaucoup de la chronique judiciaire, malgré les différences notables dans le style du discours et la composition. Les sujets pour ce type de nouvelles sont pris dans le domaine de la vie mondaine, il s’agit ici le plus souvent des événements qui peuvent être facilement classés sous le nom « scandales ». Un exemple :

Le major a monnayé ses révélations Confessions d’un goujat James Hewitt fut l’amant de Lady Di. Il s’en flatte devant des caméras de télévision.

Quoi de neuf sous le soleil noir de la couronne britannique ? Presque rien, la routine. Le major James Hewitt, ancien amant de Diana, a donné 38 minutes d’interview à la télévision pour raconter sa liaison princière. L’émission ne sera diffusée que la semaine prochaine, mais le Sun a organisé quelques « fuites » sous le titre « Le goujat et Di », et saisi cette aubaine pour supputer les ravages que cette nouvelle horreur va susciter sur la santé de l’intéressée. Photo larmoyante à l’appui, le quotidien d’outre-Manche déploie une féroce sollicitude pour diagnostiquer chez l’ex- épouse du futur roi une poussée de boulimie. Pourtant, le sémillant guard démissionné a cru de son devoir de ne rien cacher lors de l’émission « Cadorama » de ses amours adultères après une dramatique apparition de Diana sur une autre chaîne en novembre dernier, au cours de laquelle elle avouait en s’écroulant « l’avoir adoré ». Il est des devoirs sacrés. D’autant plus que les aveux de la princesse faisaient suite aux confidences de Charles, qui a reconnu, toujours par voie cathodique, ses tendres relations avec Camilla Parker Bowles. On est gentleman ou on ne l’est pas. D’ailleurs, cette romance, éclose en 1986, était absolument fortuite. James, cavalier émérite, avait simplement accepté de donner des leçons d’équitation à Diana qui s’ennuyait déjà à mourir. Mais une chose en amenant une autre, et toutes choses égales par ailleurs (notamment l’indifférence de Charles), un soir après un dîner aux chandelles dans l’appartement princier à Kensington Palace, le major et Diana plongèrent.

« Le rat » Supérieurement lucide, avant de plonger, le major s’est tenu intérieurement un raisonnement qui l’a mené au bord du vertige métaphysique : « Diana était mariée, et non seulement elle était mariée, mais elle était mariée au futur roi, ce qui fait envisager les choses d’un point de vue complètement différent. » Par exemple, il pouvait envisager que là où le commun des amants se livrant à des confidences intimes sur une maîtresse est qualifié de mufle en salaire de sa peine, lui, Hewitt, tirerait un million de livres pour avouer à la télévision : « Elle

109 ne s’attendait pas du tout à tomber amoureuse de moi. » Celui que l’on surnomme « le rat » chez les royalistes primaires, laisse deviner son tact et son grand cœur : « J’ai pensé qu’elle avait beaucoup de manques dans sa vie et ses contacts physiques... Hum... ce qui est aussi important qu’autre chose. A l’époque, son estime de soi était au plus bas, et j’ai senti qu’il était important de lui donner ce qu’elle voulait ressentir... Une femme... Dans tous les sens du terme... Mais je crois qu’elle était beaucoup plus amoureuse de moi que je ne l’étais d’elle. » Nul doute qu’après ce florilège de révélations, la princesse se sente plus sûre et plus fière d’elle... Faisant sien l’adage de Cervantès selon lequel en amour la victoire est dans la fuite, le major souligne le côté déraisonnable de cette folie (« Je pense qu’il était peut-être agréable de fantasmer et de croire en une situation qui était clairement impossible... »), ses bonnes intentions (« Je ne voulais pas la laisser tomber... »), et la dure réalité : durant la guerre du Golfe en 1991, Diana lui envoyait des lettres d’amour quotidiennes : « La guerre s’est présentée et je fus content d’y partir. » Et là, Hewitt connaît un soudain et fugitif accès de lyrisme : « Et si j’avais été tué en me battant, cela aurait résolu un affreux tas de problèmes. » Rivalisant de délicatesse avec le militaire dégalonné et déboutonné dans ses colonnes, le Sun porte l’estocade : « Hewitt fait actuellement la cour à une jeune femme blonde qui ressemble à Lady Di. » Véziane de VEZINS L’exemple est tiré du Figaro, 09.05.1996

4.4.1.4. L’enquête L’enquête prévoit la construction de l’information. Le journaliste ici n’est pas un simple témoin d’un événement. Il le construit : recherche des informations inédites, instaure des liens entre les différentes informations, recueille des nouveaux témoignages, etc. L’événement principal pose nécessairement un problème ou une question. A la différence des autres médias, l’enquête dans le Figaro n’apporte pas de réponse définitive à la question. Cette réponse est distribuée dans tout le texte et la conclusion est laissée au lecteur. L’enquête, comme le reportage, est souvent désignée comme un genre noble. La rédaction du Figaro emploie parfois ces deux notions pour donner plus de poids au matériel rédactionnel. Ce procédé est par exemple employé dans le numéro de 24 avril 1996 où un article paraît dans la rubrique Reportage sous la désignation Enquête. Le journaliste rédige son article en rapprochant son texte aussi près que possible à l’enquête. Il s’agit ici de : a) l’habillage de l’article (la mention directe « l’enquête », etc.), b) le volume (l’article occupe 2/3 de la page), c) comme l’enquête, cet article est écrit à propos d’une seule question. L’auteur essaie ici de déclencher la discussion sur un problème qui a passé inaperçu pendant les débats à l’Assemblée nationale. De ce point de vue, cet article correspond aux critères principaux de l’enquête. Mais, l’analyse plus attentive permet de trouver des différences substan- tielles. Les solutions du problème : 1. Ne pas dépasser le seuil de 13-15 % des étrangers dans une commune. 2. Refuser les demandes d’hébergement pour les familles en difficulté. 3. Une proposition implicite d’investir l’argent plutôt dans la défense nationale que pour le RMI pour les étrangers. 4. Renforcer les mesures de contrôle des étrangers en situation irrégulière et les renvoyer dans les pays d’origine.

110 Les stratégies discursives sont très complexes. Le journaliste expose d’abord une idée à l’aide d’une citation, nie ensuite les accusations possibles, concrétise après ses arguments à l’aide d’une nouvelle citation ou de statistiques. Le journaliste évite des conclusions directes en laissant ce travail au lecteur.

4.4.1.5. L’écho Les articles publiés sous la rubrique Leur vie appartiennent aux rares (sur les pages du Figaro) genres de distraction, notamment ceux de l’écho. L’écho parle d’un événement amusant ou pittoresque de la vie de personnes célèbres de la politique, de la culture, des sciences… Rédigé dans le style « anecdotique et piquant », les articles de la rubrique Leur vie correspondent aux Nouvelles à la main du Figaro de Villemessant. Mais compte tenu de changements de l’orientation politique et de l’image du quotidien, l’écho reçoit une autre signification et ouvre des nouvelles possibilités dans la réalisation de la ligne rédactionnelle. Ainsi, un détail amusant de la vie d’une personne proche de l’orientation politique du journal peut améliorer son image ou, au contraire, quelques indiscrétions peuvent déclencher ou au moins aggraver la campagne contre un adversaire politique.

4.4.1.6. La nécrologie La nécrologie publiée sur les pages de Notre Vie, comme les autres articles du même genre, annonce la mort d’une personne. Seulement, si les nécrologies sur les pages d’opinions soulignent surtout les mérites sociaux de cette personne, le même genre sur les pages de Notre Vie met en valeur les qualités personnelles : les vastes relations dans la haute société, quelques dons extraordinaires, le caractère exceptionnel, etc. Les personnes choisies ne sont pas les mêmes s’il s’agit de la nécrologie à la une ou sur les pages de Notre Vie. Dans le premier cas ce sont les personnalités politiques, dans le second cas il peut s’agir d’un artiste, d’un matador…

La nécrologie est placée normalement dans le coin gauche supérieur de la page. Elle est accompagnée presque toujours d’un portrait. L’article est composé en quatre colonnes de largeur standard. Compte tenu que la nécrologie est un article d’éloge, le lexique contient nécessairement des adjectifs qualitatifs (la splendide actrice, les artistes les plus rebelles…), et des adverbes dans des degrés de comparaison absolue.

En ce qui concerne la structure, la nécrologie a quelques particularités : La titraille de l’article est complexe : surtitre, titre, sous-titre, intertitre. Introduction : la présentation générale de la personne. Développement : 1. Présentation de la personne en sa qualité „mondaine“ : les livres sur la personne en question, les souvenirs des personnes très connues, les liaisons amoureuses qui ont fait beaucoup de bruit, etc. 2. Le journaliste retrace la vie de la personne en question. Les qualités présentées dans l’introduction sont mises en valeur. La conclusion : La citation de la personne est souvent prise en guise de conclusion de l’article. Cette citation peut être extraite des mémoires ou d’un des discours de la personne. Elle résume tout l’article et en quelque sorte, le sens de sa vie. La fonction dominante de ce genre d’article est d’apporter des connaissances pour

111 approfondir la culture générale des lecteurs du Figaro. D’un autre côté, l’aspect distrayant est peut être encore plus important.

4.4.1.7. La photo artistique La photo sur les pages de Notre Vie a généralement la valeur plutôt artistique qu’informative. Elle est de grand format (12 x 15 cm) et accompagnée de la légende. La photo est placée le plus souvent dans la partie supérieure de la page, au centre ou dans le coin droit. Les sujets pour la photo peuvent être très différents, mais doivent être intéressant pour le lecteur. C’est par le choix de ces sujets que la photo gagne en valeur artistique. Les événements représentés ici peuvent être facilement classés comme extraordinaires : le passage sur un fil de fer à plus de 80 mètres, la traversée de l’Atlantique en solitaire, etc. Ils sont appelés à éveiller les sentiments du lecteur : étonnement, tristesse, compassion, etc. La légende a une structure complexe. Le titre est à la ligne avec le texte. La mise en valeur du titre est effectuée à l’aide de jeu de caractère, en premier temps par la différence de taille. La ponctuation est absente après le titre. A la ligne suit le texte de la légende. Il est composé en caractère gras de petite taille (6 - 8 points). Le texte est assez court, 2 - 3 phrases. Son style correspond à l’image : le caractère littéraire est atteint par la présence des tropes et figures (épithètes, métaphores, etc.). Mais en même temps il informe sur les circonstances de l’événement. Ce texte comporte les informations principales (qui, quand, quoi…). Des précisions géographiques sont prises entre parenthèses. La source et l’auteur sont à la fin de légende. Ils sont pris entre parenthèses et composés en bas-de-casse. De cette façon, la légende de la photo sur les pages de Notre Vie présente un genre hybride entre la brève et le texte littéraire.

4.4.1.8. La rubrique Religion La rubrique irrégulière Religion qui est publiée sur les pages de Notre Vie ne comporte qu’un seul article. Le matériel publié dans cette rubrique traite les problèmes religieux. Encore dans ses débuts, quand le Figaro était le journal de tendance monarchique, il publiait régulièrement le matériel sur les thèmes religieux, ce qui souvent suscitait des résonances positi- ves du côté des journaux catholiques. En se ralliant à la République, la rédaction n’a pas supprimé la partie religieuse du journal, mais elle a réduit l’espace rédactionnel consacré à ce genre de sujet. Malgré l’appartenance de tous les articles de la rubrique Religion aux sujets religieux, le contenu thématique concret est assez varié. Il peut s’agir du problème des écoles privées, des problèmes théoriques théologiques, des discours des personnalités religieuses, etc. Ceci rend la classification des genres discursifs assez difficile. Les particularités principales du style se résument à l’emploi de la terminologie spécifique et à l’habillage à peu près identique des articles différents de la rubrique. Les articles de la rubrique Religion sont publiés à l’intérieur des pages spécialisées de Notre Vie. L’emplacement sur la page n’est pas fixe et varie en fonction du rapport entre la rubrique et les publications voisinantes. L’article de la rubrique Religion est séparé du reste de la page par un filet gras. Le nom de la rubrique figure dans le coin gauche supérieur de l’espace attribué à l’article. Il est composé en caractères majuscules gras soulignés. Si l’article occupe un espace plus ou moins important, il est organisé de façon symétrique. Au centre de l’article se trouve la photo qui illustre le sujet de l’article. Cette photo est presque toujours présente, même si le volume de l’article n’est pas si

112 important. Dans ce cas, la photo détruit la symétrie de la mise en page. Mais ce phénomène n’est pas voulu et est lié aux difficultés typographiques.

Le lexique relève du domaine théologique et parfois politique. L’analyse des structures grammaticales n’a relevé aucunes particularités. Un des rares cas sur les pages du Figaro : l’analyse des articles de la rubrique Religion, ne permet pas de trouver de régularité. Ils occupent un large spectre, du reportage jusqu’à l’enquête, du compte rendu jusqu’à la quote story. Cette hétérogénéité discursive montre encore une fois l’absence de la ligne rédactionnelle nette dans le traitement des thèmes religieux. Les articles de la rubrique Religion sont le plus souvent de caractère informatif. Ils rendent compte des événements relevant du domaine théologique. Parfois, quand même, (les écoles privées catholiques, par exemple) les problèmes religieux se trouvent sur la même ligne que les questions politiques. Dans ce cas, les articles de la rubriques peuvent cacher des solutions politiques probables. L’existence de la rubrique Religion est dictée par la volonté de la direction de conserver sa partie du lectorat intéressé par des problèmes religieux.

4.4.2. La vie de l’éducation La page spécialisée la Vie de l’Education paraît le mardi. Elle est située après les pages de Notre Vie. Le facteur qui a poussé la rédaction du Figaro à la création de cette page spécialisée est probablement le développement des structures commerciales dans ce domaine, ce qui a ouvert un marché publicitaire assez important. En tout cas, les structures thématiques de la page ne correspondent pas aux structures de l’éducation nationale, mais aux structures commerciales dans ce domaine. De cette façon l’existence de la page la Vie de l’éducation peut être expliquée par trois raisons : 1. La création du contexte favorable à un marché publicitaire en développement. 2. Gagner des nouveaux lecteurs parmi les jeunes gens en enseignement supérieur, surtout parmi les étudiants des écoles privées ou grandes écoles. 3. Répondre aux attentes d’une grande partie de lecteurs par des publication régulières.

La structure typique de la page spécialisée la Vie de l’Education se présente de façon suivante : Les colonnes doubles de gauche et de droite sont consacrées à deux rubriques de la page — Points forts et Ecole pratique. Celle des deux rubriques qui a plus de matériel choisi pour un numéro précis, occupe la colonne gauche. Le milieu de la page est occupé par deux articles, placés l’un sous l’autre. Ils sont consacrés aux problèmes actuels de l’enseignement. La publicité est largement présente sur la page de la Vie de l’Education. D’abord, il y a parfois les „oreilles“, annonces d’une des écoles privées. Le reste de la publicité est distribué dans les colonnes latérales, normalement sous les rubriques Points forts et Ecole pratique. Mais si les services publicitaires du Figaro ont un nombre important d’annonces, la mise en page peut être considérablement bouleversée : la colonne de droite est complètement occupée par la publicité et une des rubriques se déplace vers le bas de la page. Parfois les annonces publicitaires sont placées en bas au milieu de la page, formant un ensemble avec un article.

4.4.2.1. La rubrique Points forts La rubrique Points forts a une double intentionnalité : information et renseignement. Cette rubrique est composée de 3 - 7 brèves qui portent sur les stages, les expositions, les rencontres… Elle présente également la revue des guides pratiques.

113 Tous les articles sont placés en ordre vertical, sous le titre de la rubrique qui est imprimé en caractères gras majuscules sur le fond gris. La mise en discours des articles de la rubrique Points forts est caractérisée par l’emploi de la terminologie précise et la simplicité relative de la syntaxe. Les subordonnées causales sont très rares. Les subordonnées complétives, par contre, font partie pratiquement de chaque phrase. Le temps de récit des brèves est le futur simple car il s’agit ici, dans beaucoup de cas, des événements ultérieurs. Les brèves de la rubrique Points forts sont titrées. Le titre composé en caractères Times gras de 18 points. Ils sont alignés à gauche. Les titres présentent le thème de l’article. Ce sont dans la plupart des cas de groupes nominaux désignant le type de l’événement (Rencontres Nathan, Concours de création, Embauche des jeunes diplômés, etc.). Les tournures infinitives sont plus rares et remplissent la même fonction que les substantifs (se former en mer = le formation en mer, Etudier en Australie = les études en Australie, etc.). Le corps de l’article est imprimé en bloc. Il est précédé d’une puce qui remplace le retrait de la première ligne. Tout l’article reçoit de cette façon les apparences d’un rectangulaire, un des moyens de présenter l’information comme solide et sérieuse. La structure de la brève de la rubrique Points forts ne diffère pas beaucoup d’une brève traditionnelle. Elle contient des informations primaires — qui? quand? quoi? Mais les événements dans ce domaine sont plus homogènes que ceux de la vie internationale, par exemple. Ils s’agit presque exclusivement de dispositifs pris par une institution pour organiser quelque chose ou d’un nouveau livre. Dans le premier cas la brève va parler de l’organisateur, du but et de la date de l’événement, dans le deuxième de la présentation du contenu du livre et les lecteurs visés. A la fin de chaque brève se trouvent tous les renseignements nécessaires pour profiter de l’information contenue dans l’article : l’éditeur et souvent le prix pour les livres, les numéros de téléphone ou le Minitel pour plus de renseignements, les dates et les adresses exactes pour toute sorte de rencontres, de concours, de stages… La fonction dominante de cette rubrique est l’information. Mais ce n’est pas l’information pour l’information. La rubrique est appelée à renseigner.

Chacune des brèves de la rubrique Points forts a le lectorat visé bien précis : les parents d’élèves de la maternelle n’ont aucun intérêt à lire un article sur la parution du nouveau guide des 3es cycles, en même temps que le concours de création pour les enfants de 10-14 ans ne soit pas si important pour les étudiants des grandes écoles. Mais d’autre côté, il est nécessaire que chaque brève parvienne à son lecteur. Pour remplir cette fonction, le discours doit être très claire et précis. Les sources d’information supplémentaires aideront le lecteur intéressé à trouver tous les renseignement nécessaires.

4.4.2.2. La rubrique Ecole pratique La rubrique Ecole pratique présente les établissements différents de l’enseignement supérieur. D’un côté, ce genre de publications crée un contexte publicitaire pour les annonces publicitaires des écoles supérieures privées, d’autre part, les articles de cette rubrique informent les jeunes sur les possibilité de faire l’enseignement supérieur. Si le premier facteur est important pour le fonctionnement instantané économique du journal, le deuxième facteur remplit la fonction importante de gagner les futurs lecteurs. La rubrique Ecole pratique ne contient qu’un seul article dans un numéro. Chaque article est consacré à un des établissements d’instruction supérieure. La direction de l’établissement présente son école sur la structure proposée par la rédaction. L’emplacement et la typographie de la rubrique Ecole pratique répète à peu près ceux de la

114 rubrique précédente. Le seul article de la rubrique est placé sous le nom de la rubrique qui est encadré sur fond gris. Le nom de la rubrique est composé en caractères gras majuscules. L’article est rédigé en deux colonnes. Comme l’article est bien aéré par l’alternance de questions (en caractères gras) et de réponse (en bas-de-casse), ainsi que par les intertitres et la présence de la publicité, l’accompagnement de l’article par l’illustration se relève superflu. Au niveau morphologique, ce genre d’articles est marqué par l’emploi des verbes à la première personne du pluriel. Pour éviter de prendre toute la responsabilité pour les informations qui pourraient être interprétées comme un conseil, la rédaction préfère traiter le matériel de cette rubrique par l’interview. Le titre nomme l’établissement présenté (composé en caractères majuscules), le sous-titre (en caractères gras italiques) — l’interlocuteur du journaliste du Figaro. Le corps de l’article est rédigé sous la forme de l’interview. Ce sous-genre de l’interview est assez formalisé, en tout cas en ce qui concerne la structure de l’article. Le journaliste pose pratiquement les mêmes questions à tous ses interlocuteurs : la caractéristique générale de l’établissement, l’organisation, les débouchés possibles. Des questions sont parfois posées sur la caractéristique détaillée d’un des diplômes, les évolutions éventuelles de l’établissement. A la fin de l’article, se trouve l’adresse et le numéro de téléphone de l’école supérieure, ce qui ajoute à l’article l’intentionnalité de renseignement. Cet aspect indirect et dépersonnalisé trouve son expression dans l’emploi de la deuxième forme du pluriel — nous. Bien que l’emploi de la première personne du pluriel soit propre au discours du journaliste et de l’interviewé, ce n’est pas le signe de la même stratégie discursive de deux interlocuteurs. Le journaliste du Figaro exprime par là l’unité d’intérêts de la rédaction et des lecteurs du journal. Le représentant de l’école supérieure parle en généralisant, en parlant de tout établissement, et choisit la première personne du pluriel. En outre, le discours de l’interviewé peut être caractérisé par l’emploi abondant des épithètes. Celui-ci n’est pas neutre par rapport à son établissement, il informe non seulement sur les possibilité de son école, mais la loue, la recommande de façon indirecte… Pour mieux remplir cette tâche (et c’est son but final), l’interviewé a souvent recours à toutes sortes d’énumérations. Ce procédé crée également l’effet d’objectivité. L’article est composé de la titraille et du corps de l’article. La titraille est composée — le titre, le sous-titre et un ou deux intertitres. Le titre nomme l’établissement, le sous-titre — la personne qui parle au nom de l’établissement, les intertitres indiquent quelques aspects particuliers de l’article. La structure de l’article est un peu particulière : l’introduction et la conclusion en tant que parties compositionnelles sont absentes. L’article débute par la question du journaliste sur l’établissement en question et la présentation générale de l’établissement joue en quelque sorte le rôle de l’introduction.

Les fonctions de l’article sont : 1. Information, 2. Renseignement, 3. Publicité pour l’établissement d’enseignement supérieur, 4. Création du cadre publicitaire pour les écoles privées.

4.4.2.3. Le récit Le milieu de la page spécialisée la Vie de l’éducation est occupé par deux articles. Compte tenu du fait que la Vie de l’éducation ne paraît qu’une seule fois par semaine, les journalistes ont la possibilité de préparer le matériel pour cette page : rechercher les informations nécessaires,

115 retrouver les interdépendances, rencontrer les participants de l’événement… En outre, la rédaction a assez de temps pour commander la caricature accompagnant presque toujours l’article.

Les articles de la page de la Vie de l’éducation sont consacrés aux problèmes capitaux des branches particulières : carrières commerciales, enseignement des langues étrangères, formation à la gestion, etc. Plus rarement, l’article est consacré aux questions plus particulières de l’enseignement (les enfants surdoués, par exemple) ou événements ayant une certaine valeur dans ce domaine (une exposition, un congrès, etc.).

Les deux articles de cette page sont placés l’un sous l’autre au milieu de la page. Les deux rubriques à côté, la manchette en haut et la publicité en bas forment une sorte d’encadrement pour les articles. Mais ces deux articles ne sont pas égaux, le premier a certainement plus d’importance que le second : il est placé en haut de la page, accompagné d’une caricature, occupe plus d’espace, a la titraille plus complexe. Les sujets traités sont plus globaux.

4.4.2.4. Le compte rendu Le compte rendu de cette page spécialisée s’occupe de problèmes très proches de la politique. La rédaction sort ici du cadre du renseignement et se retrouve dans les domaines où il est difficile de ne pas prendre de positions. Cet article de la Vie de l’éducation est souvent traité par le compte rendu. L’article rapporte les informations importantes sur les nouvelles décisions du ministère de l’Éducation, les résultats d’une rencontre de dirigeants de grandes écoles, les résolutions d’une conférence de maîtres d’école, etc.

Au niveau morphologique on note l’emploi fréquent du futur simple et du conditionnel présent. Au niveau syntaxique, de subordonnées complétives, le discours direct rapporté. Le style de l’article est caractérisé par le désir du journaliste d’être exhaustif dans le rapport de l’information, mais distancié en ce qui concerne le contenu. La rédaction atteint facilement cet effet par la multiplication des citations, parfois même sans indication de source. Dans le désir de se distancier des propos présentés, la rédaction peut même aller jusqu’au traitement du matériel par le genre de l’interview. La composition de l’article est assez simple : le surtitre dans la plupart de cas est absent, ainsi que le dessin. Le corps de l’article est relativement court et ne comporte qu’un seul intertitre. Les sujets pour cet article sont plus généraux, d’où le haut degré d’abstraction dans le titre. Les expressions de valeur sont également parfois présentes ici. Le sous-titre, comme toujours, résume le contenu de l’article. Le corps de l’article débute par l’introduction qui place le lecteur tout de suite dans l’action. Elle précise le thème et annonce les participants de l’événement. Le développement fait entrer le lecteur dans les détails, explique les propos les plus importants. L’article se termine par une conclusion d’ordre général.

4.4.2.5. La rubrique Education La rédaction du Figaro essaie de réunir le matériel sur les thèmes de l’éducation sur la page spécialisée la Vie de l’Education qui paraît le mardi. Si un événement de ce domaine se passe mercredi ou plus tard, ce matériel est publié dans la rubrique irrégulière Education. La rubrique Education se trouve souvent sur la même page que la rubrique Religion. Elle a le même habillage et l’emplacement comparable. Du point de vue discursif, les articles de la rubrique Education diffèrent profondément des textes de la rubrique Religion, car les thèmes de

116 cette dernière ne peuvent pas être développés dans les publications régulières. Dans la rubrique Education les enquêtes sont absentes, ainsi que les portraits, les reportages, etc. Ils passent à la page spécialisée de mardi. Les textes de la rubrique sont des articles sur les événements actuels dont la portée se limite aux problèmes de l’éducation. Il s’agit le plus souvent des manifestations d’enseignants ou d’étudiants, des nouvelles nominations, etc. La rubrique Education est relativement récente. Elle apparaît dans les années d’après- guerre. Son introduction dans la structure de l’édition est liée à la prise de conscience du rôle social de l’éducation. Devenues très vite un problème politique, les questions de l’éducation occupent de plus en plus d’espace rédactionnel, ce qui a abouti dans les années 80 à la création de la page spécialisée. Mais la rubrique Education continue à exister à cause de la présence quasi permanente des événements actuels. La rubrique Education est publiée le plus souvent au coin supérieur gauche de la dernière page de Notre Vie. Comme la rubrique Religion, elle est séparée par le filet gras. Le nom de la rubrique est également en caractères majuscules gras soulignés. L’espace de la rubrique est presque toujours un rectangle correct de trois colonnes. Si la photo accompagne le texte, l’espace attribué va être élargi jusqu’aux cinq colonnes pour ne pas détruire la symétrie de la mise en page. Le lexique des articles de la rubrique relève du domaine de l’enseignement. La composition de l’article est relativement complexe, mais très logique : L’article est accompagné de titre, sous-titre et intertitre. Le titre annonce le thème général de l’article, le sous-titre le développe. Le rôle de l’intertitre est secondaire. Il apparaît au milieu de l’article en allégeant la mise en page et sert de point de repère pour la lecture. Le corps de l’article débute souvent par une proposition elliptique dont le contenu sera développé par la suite. Ce début incite à la lecture de l’article. Le reste du texte a un caractère informatif. Le journaliste y énumère les parties composantes de l’événement : les décisions prises par un congrès, les exigences des étudiants, les propositions d’un ministre… La hiérarchie dans l’exposition et l’espace consacré à chaque point sont les moyens le plus souvent employés par le journaliste pour diriger la perception du discours. La conclusion est souvent dirigée vers le futur, (la décision qui doit être encore une fois discutée pendant la rencontre suivante, une nouvelle conférence qui va encore préciser, une nouvelle étude qui clarifiera une question précise, etc.) ce qui permet au journaliste de ne pas prendre des positions précises sur la question. Conclusion. Les articles de la rubrique Education ont un caractère informatif. Ils informent sur les événements actuels dans le domaine de l’éducation. En lisant cette rubrique il est possible d’être au courant de ce qui se passe dans les structures complexes de l’Education Nationale.

4.4.3. Les sciences La page de la Vie scientifique comporte dans ses rubriques sciences, techniques, médecine des actualités dans ces domaines. Si la rédaction accumule assez de matériel, une de ces rubriques peut prendre toute la page. Si l’espace disponible le permet, la rédaction publie la rubrique Au microscope composée de 2 filets.

Le matériel pour la page spécialisée la Vie scientifique est pris dans les domaines différents des sciences : sciences techniques, médecine, informatique… Ce matériel doit être scientifique et, en même temps, compris par tout le monde et intéressant pour tous. C’est pourquoi, le matériel choisi pour les rubriques correspondantes reflète les champs d’intérêt ou d’occupation des lecteurs du journal. Certains thèmes sont publiés plus souvent que les autres. Actuellement il s’agit de la médecine, des techniques et des problèmes théoriques. Ces publications constituent les rubriques

117 thématiques et sont accompagnées de logos. Les thèmes des autres articles sont annoncés par les surtitres. De cette façon, le texte dans la rubrique Techniques peut traiter des problèmes de la construction des bateaux à voiles. La rubrique Médecine consacre souvent ses articles aux problèmes des maladies d’enfants ou des examens de grossesse. En hiver, on s’occupe de la prévention de la grippe, par exemple.

La mise en page s’effectue en rectangles qui composent à leur tour le rectangulaire de la page. De cette façon, l’espace de la page est bien organisé sans avoir recours à la symétrie. Cette manière d’organiser la page réunit l’apparence de la maîtrise de l’événement de la mise en page symétrique et la liaison avec l’actualité de la mise en page en „séismographe“. Les articles sont séparés l’un de l’autre par des filets, les filets horizontaux sont trois fois plus larges que les filets verticaux. Les articles plus importants par leur taille occupent de cinq à huit colonnes de la demi-page. Le troisième article est placé à gauche de la page. Il est organisé de façon verticale en deux-trois colonnes. La taille des caractères est proportionnelle de la taille de l’article. Normalement, les articles sont composés en colonnes standards, sauf la rubrique Au microscope et les encadrés dont les colonnes sont élargies. La plupart des articles sont accompagnés de photos. La fonction domi- nante des photos est l’illustration du texte. Parfois la rédaction commande les graphiques ou les schémas qui aident à expliquer les événements ou les phénomènes compliqués.

Le matériel rédactionnel est traité ici de préférence par le récit de vulgarisation. Les textes de la rubrique Au microscope sont les filets ou les moutures. Dans le cas du décès d’une personnalité du monde des sciences, la rédaction publie la nécrologie.

4.4.3.1. Le récit de vulgarisation Le récit de vulgarisation est le genre préféré de la page la Vie scientifique. L’objectif du journaliste est ici de choisir l’information nouvelle dans les domaines scientifiques qui pourrait être intéressante pour les lecteurs du journal et de la présenter d’une façon compréhensible pour tous. Mais l’intérêt des lecteurs n’est pas le seul facteur qui détermine le choix de telle ou telle information. L’introduction de telle ou telle technologie, préparation de tel ou tel projet devient parfois un choix politique, où les intérêts de différents groupes entrent en jeu. Dans ce cas, la rédaction n’hésite pas à prendre des positions sur le sujet en question. Les positions de la rédaction ne sont pas exprimées explicitement. Le journaliste se place du côté du bon sens, de la loi ou du progrès technique. Ses positions sont parfois exprimées clairement dans le titre ou dans la conclusion à l’aide des impératifs ou épithètes (p.ex. Protéger le génome humain, Les dessous dévoilés de la France, grosse dépression sur les vendeurs de la météo, etc.), soit elles sont dispersées dans le texte, cachées sous les formes différents du discours rapporté. Les fonctions dominantes de ce genre sont : • informative • didactique (explicative) • persuasive.

La structure de l’article correspond en gros à celle de l’éditorial : introduction — thèse — antithèse — conclusion. Ici le journaliste ne se contente pas de parler des faits, mais essaie d’influencer la réalité. Son exposé technique est assez vague. Il ne cite pas de chiffres précis, mais emploie plutôt des adjectifs ou des adverbes imprécis (un grand nombre de…, certains médecins, plusieurs types, etc.). L’effet du récit scientifique est atteint surtout par l’emploi de

118 termes techniques, dans ce cas de la terminologie médicale (surveillance du fœtus, dépistage de ses malformations, échographie obstétricale…). Les temps de récit ne sont pas homogènes. Pour exposer les faits le journaliste emploie les temps de l’indicatif. Mais le discours de l’article contient également les présuppositions, souhaits, suggestions… Ces derniers sont exprimés à l’aide des temps du subjonctif ou du conditionnel.

4.4.3.2. La nécrologie Le matériel consacré au décès d’un des personnage du monde scientifique est traité par le genre de la nécrologie. On annonce la mort et le nom du personnage dans le titre de l’article (Mort du docteur Jonas Salk) et on le caractérise dans le sous-titre (L’inventeur du vaccin contre la polio s’était lancé dans la recherche d’une prévention contre le sida). L’article est accompagné d’un portrait du personnage en question. L’article occupe deux colonnes à droite de la page spécialisée la Vie scientifique. Il est séparé du reste de la page par un filet simple. L’absence de surtitre ne permet pas la lecture linéaire de la page car le titre de la nécrologie se trouve à la même hauteur que le surtitre de l’article avoisinant. Le titre de la nécrologie est un message-type avec une variable — le nom de la personne en question. Le sous-titre porte sur les mérites principaux de la personne. Le plan temporel du récit est le passé : le passé simple, le passé composé dans les citations du discours parlé, l’imparfait, le plus-que-parfait. Parfois, pour rapprocher un événement particulier, le journaliste emploie le présent de l’indicatif.

Les fonctions dominantes de la nécrologie sur les pages de la Vie scientifique sont : • rendre hommage à une personne illustre du monde scientifique, • informer les lecteurs de sa mort.

4.4.3.3. Le filet La page « scientifique » du Figaro est presque la seule partie du journal où on ne trouve pas les brèves. Ce genre ne permet pas de présenter de façon didactique le matériel scientifique. C’est pourquoi la rédaction a opté pour le genre le plus proche de la brève — le filet. Les filets de la page spécialisée la Vie scientifique sont réunis dans la rubrique Au microscope. Cette rubrique est composée de trois articles de volume différent. Le volume de l’article dépend de la complexité du problème traité et du niveau de connaissance des lecteurs du journal. Si le sujet est souvent traité sur cette page, l’article peut être relativement court (deux – trois phrases). Dans l’autre cas, le filet peut avoir le volume et la structure de hard news. Il s’agit dans cette rubriques des nouvelles de tout domaine de la science de grande actualité, mais dont l’importance n’est pas trop grande. Les nouvelles curieuses et intéressantes sont souvent publiées ici. La rubrique est placé dans le coin droit inférieur de la page. Elle clôt en quelque sorte la lecture de la Vie scientifique. C’est pourquoi il est important de ne pas « surcharger » le lecteur avec un matériel trop technique et trop compliqué.

La rubrique est distribuée en deux colonnes qui forment un carré. Le nom de la rubrique est placé au-dessus de la première colonne. Il est composé en caractères majuscules gras soulignés de la famille Genève. Le contraste avec les caractères du titre de l’article (famille Times, bas-de- casse, aligné à gauche) rend le nom de la rubrique bien visible. Le corps de l’article est composé en un seul alinéa sans retrait, mais précédé d’une puce — un carré ombré.

119 Le lexique relève du discours scientifique. Le temps de récit est le passé composé qui renforce le rapport avec le moment du discours, c’est-à-dire le degré de l’actualité. L’organisation syntaxique de l’article est marquée par la prédominance des propositions simples, développées par des tournures participes (de temps ou de cause). Les rares subordonnées complétives introduisent le discours rapporté. Le sujet discursif est le rapporteur objectif. Les fonctions dominantes de ce genre sont : •information, •divertissement.

4.4.3.4. La conclusion de la page Sur la page spécialisée la Vie scientifique, on trouve le matériel sur les thèmes scientifiques, surtout sur les problèmes de la médecine, astronomie, technique… De cette façon, la fonction dominante de la page est de livrer des informations actuelles sur l’état des choses dans ce domaine. Mais l’exposé du matériel sur cette page ne permet quand même pas l’emploi technique de cette information. Le lecteur est plutôt intéressé de connaître tout simplement les problèmes actuels scientifiques sans avoir la nécessité d’employer ses connaissances dans un but professionnel. De ce point de vue, la page la Vie scientifique est un passage entre l’information et le divertissement. L’analyse permet de trouver quand même assez d’articles où la rédaction essaye d’influencer les événements, d’amener ses lecteurs à prendre une position par rapport à telle ou telle évolution d’un événement quelconque.

La page la Vie scientifique se trouve en milieu de quotidien, entre les pages spécialisées de Notre vie et la partie sportive du journal. Elle publie le matériel sur les thèmes scientifiques. Le genre dominant de cette page est le récit de popularisation, où le journaliste essaye de présenter de façon compréhensible (mais non superficielle) le matériel sur les dernières nouveautés dans les sciences. La page est bien structurée en rectangles corrects qu’occupent les articles séparés les uns des autres par des filets. Les illustrations accompagnent souvent le texte. Ce sont dans la plupart des cas des photos, qui visualisent l’information. Les schémas explicatifs sont assez rares car la rédaction n’a pas l’ambition d’expliquer l’événement au niveau scientifique. Elle livre les informations sur des sujets plus ou moins spectaculaires sans entrer dans des détails trop techniques. Cette page a de cette façon une double fonction : information est divertissement.

4.4.4. La vie sportive Comme tous les quotidiens d’orientation générale, le Figaro ne peut pas se passer de la publication des informations sur les thèmes sportifs. La publication sur ce sujet a déjà été initiée en 1856 par Hippolyte de Villemessant. L’espace attribué à la Vie sportive varie selon la quantité d’événements sportifs. Le lundi, après les rencontres du week-end, les informations sportives occupent deux-trois pages. En pleine saison, le numéro de samedi / dimanche consacre également deux-trois pages à la Vie sportive pour rendre compte des matches du vendredi et pour bien « préparer » ses lecteurs aux jeux de week-end. En général, la Vie sportive occupe une page entre la page spécialisée la Vie scientifique (la Vie de l’éducation) et les annonces immobilières. La page de la Vie sportive est organisée de façon asymétrique non équilibrée, la mise en page joue donc le rôle d’un séismographe. Cet effet est volontaire, car la rédaction pourrait facilement organiser autrement la page en plaçant les photos d’une autre façon ou en équilibrant

120 les filets qui séparent les articles. Les articles sont classés d’après les sports, le nom du sport apparaît en haut de l’article ayant la typographie du nom de la rubrique. Les problèmes généraux sont traités sous le nom Omnisports. Chaque article est séparé par un filet : par un filet gras horizontalement et par un filet simple verticalement. Si quelques articles sont consacrés au même sujet, ils sont placés l’un sous l’autre et séparés par un filet simple, mais plus court que l’espace horizontal attribué aux articles.

La Vie sportive a la prétention de livrer toutes les informations nécessaires pour être au courant de la vie sportive en France. On trouve ici les comptes rendus de tous les matches importants, les informations sur le déplacement des joueurs, les nominations dans les organisations sportives, les interviews avec les personnes responsables, les résultats des rencontres sportives, les prévisions, etc. Des photos accompagnent presque toujours le texte.

La Vie sportive comporte deux rubriques avec des brèves (En bref et Gros plan) et une rubrique (Résultats… Résultats… Résultats…) avec les résultats de matches. La publicité est assez rare ici.

4.4.4.1. Les renseignements Les résultats des matches sportifs du week-end sont réunis dans la rubrique Résultats… Résultats… Résultats… qui paraît le lundi. L’espace attribué à cette rubrique dépend de la quantité des matches sportifs à la fin de la semaine. Dans le cas général, la rubrique occupe trois colonnes. La typographie du nom de la rubrique répète celle de la rubrique Points forts de la Vie de l’éducation. Il est imprimé en caractères majuscules gras sur fond gris, ce qui permet de trouver rapidement l’information voulue. Les résultats sont classés d’après les sports dont le nom est indiqué en caractères blancs sur le fond noir. Il suit l’indication du type de compétition centrée sur la colonne en caractères gras, mais de même taille que le texte du corps de l’article (famille Genève, 6-8 points). S’il y a plusieurs divisions, les noms sont imprimés en gras au début de chaque paragraphe. Il suit après les deux points les équipes et le score. Parfois la photo accompagne la rubrique. Elle présente dans la plupart des cas, l’épisode le plus mémorable d’une de compétition mentionnée. L’unique fonction de cette rubrique est la fonction de renseignement. Elle donne la possibilité aux lecteurs intéressés de trouver les résultats de pratiquement toutes les rencontres sportives. La photo ne peut pas être considérée comme une illustration du texte de la rubrique car elle n’a pas toujours de rapport direct avec celui-ci. Accompagnée d’une légende informative qui parle des participants d’une rencontre et des résultats, la photo est ici absolument autonome. Son placement dans la rubrique Résultats… Résultats… Résultats… permet d’alléger la mise en page et d’attirer l’attention du lecteur sur cet endroit.

4.4.4.2. L’analyse L’analyse de la Vie sportive (comme celle de la Vie internationale ou politique) a la structure achronologique. On ne trouve ici, par contre, qu’une seule sorte d’analyse : celle qui clôture un événement. L’analyse préparant un événement est absente sur les pages de la Vie sportive car les décisions officielles d’organiser telle ou telle compétition sont traitées par compte rendu. L’analyse de la page sportive du Figaro s’occupe de compétitions importantes. Elle expose en chapeau les résultats finaux. Puis dans l’introduction de l’article le journaliste reprend encore

121 une fois ces résultats, mais assez librement, avec les commentaires et interprétations de toute sorte. Il présente ensuite le vainqueur (les vainqueurs), parle de leur carrière sportive, examine ensuite les perspectives dans ce sport. A la fin de l’analyse, se trouve une conclusion explicite qui répète en une phrase le résultat global du tournoi. La mise en page de l’analyse sportive est symétrique, à l’exception de la nomination du sport, placée au coin gauche supérieur de l’article et qui n’a pas d’équilibre typographique. Les autres éléments sont bien équilibrés : l’article occupe 5 colonnes, la photo prend les trois colonnes centrales, le nom de l’auteur de l’article dans la première colonne est équilibré par un intertitre placé dans la dernière. Les titres principaux de l’article sont centrés sur tout le texte. L’habillage de l’analyse sportive répète plutôt l’habillage d’un article politique que sportif. Le titre est composé en caractère Times de 48 points, gras, centré sur le corps de l’article. Il suit le sous-titre (Times, italiques, de 16 points), également centré sur l’article. Le point clôt le discours des titres. Le corps de l’article est composé en caractère Genève de 8-9 points. Le chapeau est en caractères gras, le reste est en bas-de-casse. Mais le style du texte, ainsi que la photo, ne révèle aucune similitude avec le discours politique. Ainsi, sur l’exemple d’un article du Figaro de 20 novembre 1995, on voit bien que le style du texte, bien qu’il puisse facilement être attribué au thème sportif grâce à l’emploi abondant de la terminologie sportive, a assez d’éléments du langage parlé, ainsi qu’au niveau lexical (maigrichonne, blondinette, etc.), ainsi et au niveau syntaxique (proposition elliptiques, introduction de la phrase par une conjonction, etc.). L’appellation des personnes par les prénoms (Steffi, Boris), leurs caractéristiques (la ravissante Russe) n’apparaissent non plus dans le discours politique du Figaro. Mais, d’un autre côté, le niveau de présence des tropes ou des figures rhétoriques, les titres incitatifs, etc. correspondent pratiquement à un texte littéraire. De cette façon, les particularités stylistiques du texte de l’analyse sportive se révèlent de trois types : • le discours « technique » du domaine sportif, • le langage parlé, • le discours littéraire. Ce mélange de trois style crée un discours particulier, le discours qui a la structure, les temps grammaticaux et le lexique propres au style médiatique, les figures propres au style littéraire et certains éléments relevant du style familier ou parlé. Ce texte se lit facilement. Un exemple :

TENNIS L’Allemagne au pouvoir Entre le Masters masculin et le Masters féminin, les Allemands comptaient trois finalistes sur quatre, avec Steffi Graf, Anke Huber et Boris Becker.

Première réussite : Becker a remporté pour la troisième fois la fameuse compétition en battant, hier chez lui en Allemagne, à Francfort, l’Américain Michael Chang en trois sets 7-6 (7/ 3), 6-0, 7-6 (7/5). Boris, 28 ans, avait déjà gagné le Masters en 1988 et 1992, après avoir disputé la première des sept finales en 1985. Les deux Masters, donc, aux maîtres germains !

NEW YORK : de notre envoyée spéciale Cécile SOLER

122 Mais qu’ont-ils de plus que nous, ces Germains ? Alors que Mary Pierce a disparu fort discrètement au premier tour à New York, les deux Allemandes engagés dans le tournoi, Steffi Graf, numéro un mondiale, et Anke Huber - beaucoup plus inattendue avec son 12e rang au classement par ordinateur - sont toujours là et se sont rencontrées dans une finale dont le vainqueur est avant tout… le tennis allemand. Tout a commencé en 1985. La victoire surprise d’un rouquin poupin encore adolescent, et répondant au nom de Boris Becker, va provoquer un immense engouement pour le tennis, du côté du Rhin. Les Allemands, qui n’avaient pas eu de joueur de premier plan depuis si longtemps, vont tout d’un coup se retrouver avec deux figures de premier plan, et même deux figures carrément exceptionnelles : Boris Becker, mais aussi Steffi Graf, la maigrichonne et fort précoce blondinette de Brühl, qui fait également son apparition, au top niveau à cette époque, remportant son premier tournoi du grand chelem à Roland-Garros en 1987. « A partir de 1985, explique Dirc Seeman, qui travaille pour ARD, la télévision publique allemande, on a commencé à construire des courts de tennis un peu partout - et surtout in door - en Allemagne. » Et fort logiquement, plus de petits Allemands - dans ce pays résolument tourné vers le sport — ont choisi de pratiquer le tennis. La première génération du « beckerboom » atteint aujourd’hui entre 15 et 18 ans, et quelques-uns de ses « enfants », bénéficiaires du « beckerboom », commencent déjà à faire parler d’eux. Ainsi Marlene Weingarten, 14 ans, a joué cette année la finale de Roland-Garros juniors contre la Française Amélie Cocheteux. Si elle n’est pas aussi célèbre que la ravissante Russe Anna Kournikova, elle possède pourtant un talent prometteur, malgré un papa omniprésent, qui n’est pas sans rappeler quelques-uns de ses prédécesseurs, au choix Stefano Capriati, Peter Graf ou Jim Pierce. Ce dernier avait d’ailleurs été embauché il y a un an par M. Weingarten pour entraîner Marlene, mais il fut très vite congédié. Aux dernières nouvelles, Marlene s’entraîne à Paris, sous la direction d’un ancien joueur roumain. Côté masculin, Nicolas Kieffer, 18 ans, possède de bonnes chances d’être sacré champion du monde juniors à la fin de l’année. Vainqueur des Internationaux d’Australie, de Flushing Meadow, finaliste à Wimbledon (contre un Français). Mais malgré ces quelques jeunes pousses, les Steffi et Boris n’apparaissent pas spontanément. Steffi Graf a 26 ans, un dos récalcitrant, Boris Becker, 28 ans, et aucun des deux ne sera éternel. Même si Anke Huber, 22 ans, est une joueuse solide, Boris et Steffi ne semblent pas en passe d’être remplacés. Klaus Hosass, l’entraîneur responsable des filles en Allemagne, est un peu sur la sellette.

Pression Qu’il en soit directement responsable ou non, force est de constater que beaucoup de jeunes talents n’ont pas confirmé. Barbara Rittner, 22 ans, tarde à devenir la star attendue, alors que Jana Kandarr, 18 ans, gagne énormément d’argent, mais plus grâce à un physique de rêve qu’à ses résultats sur le court. A l’âge de Jana Kandarr, Steffi Graf avait déjà gagné cinq tournois du grand chelem. Mais c’est justement là le problème. La pression qui s’exerce sur ces jeunes Allemands est énorme. Parce que Steffi et Boris sont tellement exceptionnels, ils ont placé la barre très haut. Marc Goellner, par exemple, que les Allemands ont monté trop tôt au pinacle, a replongé dans un relatif anonymat. Et c’est toujours Boris et Steffi qui occupent le devant de la scène. Mais tant qu’ils gagnent, les Allemands sont heureux. C.S. L’exemple est tiré du Figaro, 20.11.1995

123 4.4.4.3. Le reportage Compte tenu de la multitude d’événements sportifs et de la quantité limitée de l’espace accordée à la Vie sportive, le reportage sportif est un genre relativement rare dans cette partie du Figaro. En règle générale, il n’est employé que pour les finales ou les matches extraordinaires. Le style du reportage sportif est très influencé par les émissions radio ou télévisées. La structure, par contre, est propre à la presse écrite. Le genre de compétition sportive est indiqué dans le surtitre. L’issue du match et sa caractéristique générale sont présentées dans le titre. Ce dernier porte les marques du style des émissions télévisées ou de radio : les propositions elliptique, les métaphores, les épithètes y sont largement employés. La structure du corps de l’article est achronologique. Subdivisé en trois - quatre parties par les intertitres, l’article débute par une sorte d’introduction qui remplit les fonctions du chapeau dans les genres informatifs. Elle communique les informations principales : les participants de la rencontre, le lieu, le gagnant, le score, le temps ainsi que quelques détails historiques. Le développement comporte la description de la situation de fin de match, l’esquisse des moments les plus intéressants du jeu et la présentation de quelques personnes, la description des matches. Le dernier paragraphe de l’article est une conclusion où le journaliste récapitule la portée de victoire. De cette façon, le journaliste choisit la structure complexe dont les parties composantes n’entretiennent pas de liaisons logiques ou temporelles, le tout étant soumis au projet plus vaste.

4.4.4.4. La critique littéraire Le Figaro a la prétention d’avoir des lecteurs non seulement riches, mais instruits. C’est pourquoi, il est indispensable de placer des articles « intellectuels » dans toutes les parties du journal. Les pages sportives du Figaro ne sont pas ici une exclusion et, à côté de reportages sportifs ou à côté de résultats de tournois, la rédaction publie de temps à autre des articles sur les livres dernièrement parus sur les thèmes sportifs. Le numéro de samedi / dimanche se présente bien pour ce genre d’article : ce numéro a assez de place pour ce genre de publications. La critique littéraire des pages sportives du Figaro diffère beaucoup du même genre des autres pages. Il ne s’agit pas ici de l’analyse critique d’un ouvrage, mais plutôt d’une article de complaisance. Il porte sur un livre dernièrement paru sur un des thèmes sportifs. Le surtitre (A lire) annonce qu’il s’agisse d’un livre, le titre de l’article présente le titre du livre et le sous-titre — l’auteur et le sujet. L’intertitre fait souvent partie du discours de la critique littéraire. A la différences de titres principaux qui sont plutôt informatifs, l’intertitre est préférablement incitatif. Le corps de l’article est structuré comme un récit traditionnel : l’introduction, le développement et la conclusion. L’introduction a le caractère incitatif qui a pour but d’intéresser à la lecture de l’article. Le développement présente le côté fort de la publication et la conclusion est une citation du livre qui met en valeur la nature de l’ouvrage. Les renseignements pour retrouver le livre (éditeur, pagination, prix) se trouvent sous forme de note, en fin d’article, après un séparateur court.

La critique littéraire dans les pages de la Vie sportive n’a qu’une valeur secondaire — on lit d’abord cette partie du journal pour s’informer sur les événements sportifs. Mais les grands amateurs de sport peuvent être intéressés d’avoir dans leur bibliothèque privée un livre sur leur sport préféré. C’est pourquoi la critique littéraire est placée en bas de la page, entre deux article ayant une mise en page similaire : l’article est organisé en deux colonnes, le choix de jeu de caractère est le même que dans la plupart des articles du Figaro (Genève, sauf Times pour le titre et le sous-titre) ; les illustrations sont absentes. L’article en question n’attire pas de cette façon trop d’attention.

124 Si l’habillage ne différencie pas cet article du reste de la page, les différences stylistiques opposent profondément la critique littéraire à tous les genres de la nouvelle sportive. Le discours de la critique littéraire sportive relève du style littéraire. Les temps du récit sont le passé simple au plan du passé et le présent de l’indicatif ou le présent du subjonctif pour le plan du présent. La syntaxe est assez compliquée : le sujet de proposition est souvent développé par un groupe nominal, les subordonnées de cause et de conséquence font partie du discours. Tout le discours est fortement métaphorisé. On rencontre surtout les métaphores du domaine sportif qui caractérisent l’auteur de l’ouvrage ou l’ouvrage lui-même. La figure rhétorique la plus employée est pourtant l’épithète — il s’agit ici de la présentation d’un livre.

La fonction primaire de la critique littéraire de la Vie sportive est d’informer le lecteur sur la parution d’un livre sur le sujet qui l’intéresse. Parallèlement, l’article donne les renseignements pour retrouver l’ouvrage. L’autre fonction entre encore en jeu — la mise en valeur du livre. L’importance que cette fonction prend dans le discours ne peut pas seulement être expliquée par les qualités littéraires ou autres de l’ouvrage. Par là, l’auteur (consciemment ou non) essaie de convaincre (d’influencer) le lecteur (et peut-être lui-même) dans le choix du livre pour la critique. En outre, la critique littéraire par sa distinction stylistique diversifie le discours de la page.

Conclusion. La critique littéraire de la Vie sportive vise les amateurs de sports. Elle a pour sujet un livre qui parle du sport ou d’un sportif. Rédigé dans le style acclamant, cet article présente de façon attentionnée l’ouvrage et son auteur.

4.4.4.5. La conclusion de la page La page spécialisée la Vie sportive comporte outre les textes relevant du domaines de la vie quotidienne et de renseignements (tableaux de résultats des matches sportives, etc.), des textes de conseils (par exemple, les recettes des culinaires célèbres). Cette page est difficilement classable car elle comporte des éléments de distraction et d’information sur la vie quotidienne et sert en quelque sorte de transition pour le bloc suivant — le bloc des pages pratiques.

4.5. Le bloc des pages pratiques Le bloc thématique des pages pratiques comporte les pages spécialisées de la Vie de l’art, la Vie de l’automobile, la Vie au féminin / masculin, la Vie des voyages et un grand groupe des pages culturelles. Cette dernière partie du quotidien est consacrée aux pages de conseil et de distraction. Elles comportent des publications qui s’adressent aux divers intérêts des lecteurs — automobile, la vie au féminin, la vie au masculin, des rubriques Météo, la journée de demain, programmes de télévision, de cinéma, de théâtre, recettes culinaires, mots croisés, solutions des problèmes du Figaro Magazine, Loto, etc.

Les pages la Vie de l’art, la Vie de l’automobile, la Vie au féminin / au masculin, la Vie des voyages se trouvent entre les textes de distraction et les publications commerciales. Cette zone de transition sert en outre un support parfait à la publicité commerciale. Par exemple, près de 80 % de la surface de la page la Vie au féminin est attribué à la publicité. Mais la publicité de ce bloc diffère des annonces des autres blocs, car, accompagnée de textes informatifs, elle peut être considérée également comme une sorte de renseignement sur le style des modèles à la mode, les

125 lieux où on peut acheter ou commander le vêtement ou les accessoires. La partie culturelle est regroupée à la fin du quotidien. Ici on trouve les pages Culture, la Vie des spectacles, Télévision-Radio, les Programmes de la journée. Cette partie du journal rassemble les actualités de la vie culturelle en France : expositions, spectacles, films, etc. Le matériel est bien classé et bien présenté, ce qui explique le succès de ces pages chez les annonceurs publicitaires.

Les publications dans les rubriques la Vie au féminin, la Vie au masculin, publications d’après intérêts divers sont accompagnées des plusieurs photos de grand format. Les titres sont centrés sur le texte. L’espace de ces pages est organisé en blocs asymétriques. La mise en page du deuxième groupe — les renseignements de toutes sortes (météo, programmes…) a pour but de faciliter l’extraction de l’information rapide. Cela prévoit le recours aux schémas, au noir et blanc avec des signes assez simples, aux caractères gras pour les notions-clés, aux fonds gris ou noirs pour quelques titres, etc.

Ces textes ne considèrent pas le locuteur comme un sujet d’État ni comme un membre du parti politique ou d’un groupe social mais du point de vue de ses intérêts personnels. Dans cette optique, ces textes sont appelés à donner satisfaction aux lecteurs du journal, d’apporter des conseil ou de les distraire. Deux sous-groupes font partie de cette catégorie — le conseil et la distraction. Le contenu de ces sous-groupes étant très différent, ils se rapprochent par leurs rapports à « l’habitus », au style de vie de ses lecteurs. Les textes comportant des conseils ou les textes de distraction sont appelés à répondre aux attentes présumées des lecteurs. Si les textes d’information rapprochent le lecteur du monde extérieur, si les textes d’opinion nous introduisent dans le domaine de l’opinion publique, les conseils et les textes de distraction sont du domaine de la vie privée des lecteurs — où je vais acheter les vêtements, comment puis-je me préserver du cancer de peau, que ferais-je si j’ai un peu de temps libre.

Le matériel du bloc thématique des pages pratiques doit refléter le cercle d’intérêt des lecteurs du journal. C’est pourquoi on ne publie pas ici de recettes de repas bon marché, on ne donne pas de conseils pour laver la vaisselle et vous ne trouvez pas les prix des soldes d’un supermarché.

Les conseils du Figaro sont pour ainsi dire une sorte de service proposé par le quotidien pour influence la prise d’une décision dans un domaine ou un autre. On peut distinguer : – les renseignements ; – les conseils de comportement ; – l’horoscope. Dans le premier groupe on trouve les textes qui ne contiennent pas d’éléments persuasifs. C’est une information qui permet à un lecteur intéressé de s’orienter dans la réalité pour faire son choix. C’est avant tout le bloc-notes, les programmes TV, le bulletin météorologique. Le deuxième groupe — les conseils de santé, de beauté, les recettes culinaires — contient une expression des opinions, des valorisations, en allant jusqu’à la prescription de certaines actions. Le troisième groupe — l’horoscope — est un mélange d’informations de caractère conventionnel et d’instructions pour un groupe du lectorat. Pour les autres, c’est une sorte de jeu, de distraction.

126 4.5.1. La vie de l’automobile La publication des pages spécialisées la Vie de l’automobile est dictée par le désir de la rédaction de présenter le matériel touchant les intérêts de ses lecteurs. Mais également les premiers succès dans la vie professionnelle de Robert Hersant sont liés à des publications sur ce sujet. Un autre facteur, non moins important, a provoqué la décision de réunir les articles sur les voitures sur une page, c’est la politique publicitaire du journal. Tous les articles de la page spécialisée la Vie de l’automobile sont consacrés aux nouveautés de ce marché. Il s’agit dans la plupart des cas de la présentation de nouveaux modèles. Les photos qui accompagnent le texte font la description des apparences des voitures superflue. Plus rarement un des articles de la page traite les problèmes économiques de la branche. Les brèves jouent un rôle secondaire sur cette page et ne sont publiées qu’assez rarement. La page spécialisée la Vie de l’automobile comporte des oreilles — la publicité pour la plupart de cas des vendeurs de voitures. La mise en page de la Vie de l’automobile est asymétrique. Compte tenu de la présence des photos et de la publicité, il est difficile à effectuer une mise en page équilibrée.

4.5.1.1. Le récit du test Dans le centre du discours de la page spécialisée la Vie de l’automobile se trouve la présentation des nouveaux modèles de voitures. Chaque article est accompagné d’une ou deux photos et de renseignements techniques. Ceci augmente l’intensité présentative du discours. Les tâches rédactionnelles sont ici assez compliquées. Si les articles sur les sujets scientifiques ou médicaux ne présupposent pas de connaissances profondes du thème par le lecteur et le danger que court le journaliste est plutôt de tomber dans des explications trop savantes, les connaissances de pratiquement tous les lecteurs dans le domaine de l’automobile, ne permettent pas l’incompétence, mais le langage du journaliste ne peut pas être non plus trop technique ou trop ennuyeux. Il doit rester intéressant à lire et imagé.

Le plus souvent chaque récit du test a pour objet un seul modèle de voiture. Plus rarement, le journaliste fait la comparaison entre deux voitures différentes.

Compte tenu du sujet technique de l’article, il est nécessaire de rendre le discours plus agréable à lire. L’intention principale de cet article est de présenter les côtés forts et faibles de chaque modèle afin de faciliter le choix pour un nouvel achat. Mais ce n’est pas une publicité rédactionnelle et les journalistes évitent de donner des conseils directs. Ils essaient de se distancier du sujet de l’article. Les moyens principaux de cette distanciation sont : • l’objectivation du sujet discursif par l’emploi du pronom personnel de première personne au pluriel (nous) ; • la publication des photos et des données techniques exactes ; • l’analyse détaillée de chaque changement apporté dans le nouveau modèle. Mais la distance ne peut pas être trop grande, pour ne pas éloigner le lecteur du sujet de l’article. Pour éviter cela, les journalistes essaient de rapprocher le sujet par des moyens plutôt stylistiques sans prendre parti. • l’approche du thème par l’emploi de tournures du style parlé (la pub au lieu de la publicité, etc.) ; • métonimisation du discours si on parle de la voiture (Nissan va donc pouvoir avancer la tête haute avec son V 6 deux litres) ; • métaphorisation du discours… Le récit du test occupe normalement la partie gauche supérieure de la page. La mise en page de l’article dépend du matériel à placer sur la page. Si par exemple l’article à droite contient une 127 ou deux photos, la photo de récit du test va être centrée sur le corps de l’article, si l’article à droite ne contient pas d’éléments iconographiques, la photo se déplace vers le centre de la page. L’autre élément qui influence profondément la mise en page est le fichier technique. Ces données sont rassemblées dans un tableau, souvent encadré et publié à la fin de l’article. Cet encadré (du point de vue graphique) contient plus de noir que le texte de l’article et influence profondément la perception de la page. Le troisième élément qui influence la mise en page, ce sont les intertitres. Composés en caractères gras et détachés du corps de l’article, ils perturbent également la mise en page. Les autres éléments de la titraille ne se diffèrent pas de la mise en page habituelle du Figaro. Compte tenu des deux fonctions du récit du test (l’analyse objective et le rapport), les sujets de proposition sont de deux catégories. Dans le cas général ce sont les substantifs désignant ayant rapport à la voiture (la voiture elle-même, des détails, les firmes, etc.). Dans le second cas, c’est le pronom personnel de la première personne du pluriel (nous) qui fait penser à un groupe d’experts analysant le modèle. Le temps du récit est le présent de l’indicatif et le futur simple. Le premier rend compte des observations, le second de l’avenir du modèle. Celui-ci est présenté de cette façon comme étant certain. La structure de l’article est complexe : la titraille composée, une ou deux photos, un tableau avec les données techniques. Le surtitre annonce les modèles de voitures présentés dans cet article. Il est informatif. Le titre est par contre incitatif. A sa base, se trouve dans la plupart de cas une métaphore. Le sous-titre résume les résultats de l’analyse des côtés forts ou faibles du modèle en question. L’intertitre (dans le cas général un seul) est un groupe nominal, plutôt incitatif qu’informatif. Il n’introduit pas le paragraphe inférieur. Son vrai sens n’est compréhensible qu’après lecture de l’article. Le corps de l’article commence par une courte introduction, dont la première phrase est souvent un aphorisme (Le temps changent, les voitures aussi – 09.05.95).

4.5.1.2. L’interview paraphrasée L’autre sujet qui revêt une certaine importance sur la page de la Vie de l’automobile, mis à par le récit de test, sont les nouvelles sur le développement du secteur de production : les nominations attendues, les accords entre les firmes en préparation, les déclarations publiques des décideurs de la branche… La fonction dominante de ce genre est l’information. Mais comme il n’existe pas d’information neutre, cet article informe non pas pour informer, mais pour centrer l’attention de ses lecteurs sur les changements possibles dans le secteur. Le style de la nouvelle est un discours rapporté. Le matériel est livré par des sources extérieures ou par les médias étrangers. Le journaliste retransmet ici l’information sans prendre position. Comme ce genre n’est pas de première importance, cet article est placé en bas de page. Sa mise en page ainsi que la typographie ne diffère pas des procédés typographiques de l’article de la même valeur du bloc socio-politique : il est organisé en rectangle correct et symétrique — un signe de l’intention de la rédaction de présenter l’information comme sûre et maîtrisée. Le lexique de l’article relève de deux domaines : bien sûr du champ sémantique de l’automobile, mais également du domaine socio-politique, surtout s’il s’agit de nominations, déplacements, fusions… Le style de l’article diffère un peu des nouvelles politiques. La distance entre l’information et le discours n’est pas aussi clairement manifestée : • le discours des personnes est préférablement introduit directement ; • les verbes modaux apparaissent assez souvent ; • le conditionnel est rarement employé, à sa place, le futur simple.

128 4.5.1.3. La brève Les brèves de la page spécialisée la Vie de l’automobile sont réunies dans la rubrique En cinquième vitesse. Cette rubrique est irrégulière. Elle comporte rarement plus de deux ou trois brèves.

Les brèves de la rubrique En cinquième vitesse sont consacrées aux événements d’importance secondaire : un livre dernièrement paru sur l’automobile, des stages pour les chauffeurs, de nouveaux équipements pour les voitures. Les brèves de la page la Vie de l’automobile ne sont pas purement informatives. Elles comportent souvent des éléments d’une analyse ou des mises en valeur. Chaque brève est composée d’un seul paragraphe. Leur emplacement en bas de page et le voisinage avec les annonces publicitaires soulignent leur rôle secondaire, mais les procédés typographiques (le filet gras qui sépare la rubrique du reste de la page, les caractères extra-gras du nom de la rubrique, etc.) permettent de retrouver facilement cette rubrique. Le lexique de cette rubrique reflète le champ sémantique de la page — la grande partie des substantifs sont des termes techniques. Les adjectifs et les verbes, par contre, sont souvent des figures rhétoriques. Les structures grammaticales de la brève sont assez variées. Les textes comportent souvent des verbes au subjonctif, des constructions passives, tournures relatives, etc. Le style de la rubrique En cinquième vitesse diffère beaucoup de celui des rubriques analogues du bloc socio-politique. Si celles-ci sont purement informatives, les brèves de la page la Vie de l’automobile comportent souvent des mises en valeurs : épithètes, métaphores, etc. La brève de la page spécialisée la Vie de l’automobile est composée d’un seul paragraphe et ne contient que trois ou quatre phrases. Mais ces phrases sont nettement plus longues (plus que 30 mots par phrase) que les autres textes de la même page. Le corps de l’article est précédé d’un titre composé dans la plupart des cas en deux lignes. La rubrique En cinquième vitesse de la page spécialisée la Vie de l’automobile subit l’influence de deux types de texte avoisinants : les textes de récits sur les nouvelles voitures et les fiches techniques de celles-ci. Si sur les autres pages du quotidien ce sont les brèves qui occupent le pôle informatif du discours, cette fonction ici est remplie par les fiches techniques. C’est pourquoi les brèves de cette partie du journal sont rédigées dans le style plus « émotif » que les brèves du bloc socio-politique du Figaro.

4.5.2. La vie du marché de l’art Le marché de l’art est encore un secteur qui se trouve sur le croisement de la stratégie publicitaire et des intérêts des lecteurs du Figaro. De cette façon, la création de la page spécialisée la Vie du marché de l’art, permet de présenter le matériel qui sert à inciter les annonceurs publicitaires du secteur et d’un autre côté, de rassembler l’information sur le développement à cette branche. Cette information peut être intéressante pour les lecteurs qui participent activement dans ce genre d’activité, mais également pour ceux qui n’y participent pas. Ces derniers lisent la page par curiosité : qui a acheté quoi et à quel prix. Le contenu de cette page spécialisée se réduit aux nouvelles sur les enchères, passés ou en préparation. La fonction dominante de la page spécialisée la Vie du marché de l’art est d’informer les lecteurs sur l’évolution de cette branche et de renseigner sur les lieux des enchères, les prix, les résultats… Le rôle secondaire jouent les nouvelles sur les « découvertes » dans le domaine artistique. Comme le marché de l’art est un marché assez conservateur, on a besoin de temps

129 pour « accepter » un objet d’art. Les créations récentes peuvent être classées comme intéressantes, mais jamais comparables aux objets d’art anciens. L’orientation du Figaro, plutôt vers les valeurs établies, renforce encore cette tendance de la page spécialisée. Pratiquement chaque article est accompagné d’une photo. Il s’agit dans la plupart des cas de collections, la photo d’un seul objet (voiture, peinture, commode…) ne sert qu’à attirer l’attention du lecteur et l’aide à reconnaître le genre de collection.

4.5.2.1. Le filet La brève comme genre journalistique se révèle insuffisante pour traiter les nouvelles de la page spécialisée la Vie du marché de l’art. Les informations constituantes ne suffisent pas en général à rendre compte de tel ou tel événement dans ce domaine. C’est pourquoi, la rubrique En Bref réunit non pas comme d’habitude les brèves, mais les filets. Cette rubrique, comparée aux rubriques portant le même nom mais placées sur les pages « informatives », se distingue par un style plus libre. Les articles publiés sous cette rubriques ont également la macrostructure moins standardisée malgré l’énoncé principal, identique pour toutes les nouvelles : qui a acquis quoi, où et à quel prix. Les observations générales, les détails d’arrière-fond, les figures rhétoriques (surtout la métonymie) rendent la lecture de ces articles facile et intéressante.

4.5.2.2. L’avis d’expert L’avis d’expert est publié sur la page spécialisée la Vie du marché de l’art sous la rubrique La cote du « Figaro ». L’article est toujours consacré à un artiste et passe en revue la cote de ses œuvres. La macrostructure de l’article est assez standardisée. Le nom de la rubrique est affiché en surtitre. Le titre principal annonce le nom de l’artiste. Le corps de l’article débute par la présentation de l’artiste et de son œuvre. Le développement précise sa place sur le marché de l’art avec quelques exemple avec la date et le prix de vente. La conclusion ajoute quelques détails d’arrière-fond : la date et le lieu de naissance de l’artiste, l’appartenance à un des mouvements artistiques, son style. L’expression du jugement sur les œuvres de l’artiste n’est pas directe. L’auteur de l’article n’emploie jamais la première personne du singulier. Par contre, l’emploi de métonymie est très fréquent (Matta est présent dans les ventes, une toile enregistrait un record, les dessins emportent de grosses enchères). Liée aux prix exacts et aux dates des ventes, cette figure rhétorique permet de donner à l’avis de l’expert les apparences d’un récit objectif sans que le discours soit dominé par les opinions de l’auteur.

4.5.2.3. Le récit Le récit de la Vie du marché de l’art joue le rôle important dans l’équilibre fonctionnel de la page. Il permet d’ajouter les éléments de divertissement, ce qui influe sur la lecture de toute la page. Cette fonction se réalise surtout dans la sélection des événements pour la création discursive. Plus la nouvelle est originale, plus l’article va gagner en divertissement. Les tropes et les figures rhétoriques vont encore renforcer cette fonction discursive. En outre le récit permet de signaler les nouvelles directions dans le développement du marché de l’art sans recourir à la forme sérieuse et réfléchie de l’analyse. L’article analysé parle du développement sur le marché d’art russe. Le journaliste choisit un événement concret pour montrer ce développement — les ventes d’objets d’art russe à Londres. Comme il s’agit d’un article qui porte sur un événement, nous avons affaire à un genre informatif. Mais l’influence de l’emplacement de ce texte sur les pages pratiques explique le renforcement de la fonction distractive du discours. Le surtitre de l’article est informatif. Il informe sur le lieu de l’événement. Le titre, le sous-

130 titre, le chapeau et l’attaque sont plutôt incitatifs. Ils informent le lecteur sur l’événement et ses participants, mais sous une forme plus légère et libre. Les métaphores sont le moyen préféré pour exprimer les nuances les plus subtiles. Le journaliste a également recours aux formules générales et inofficielles comme par exemple les dénominations collectives des participants : les Américains, les Russes. Dans le corps de l’article, l’auteur continue cette ligne qui se trouve à distance égale entre le pôle informatif et le pôle distractif. Le texte informe le lecteur sur l’événement. L’auteur de l’article s’arrête en détail sur chaque groupe d’objets d’art, cite les collectionneurs, les noms des experts, bien sûr les prix, mais d’un autre côté, ne prête pas trop d’attention à l’écriture des noms russes. Le même nom est écrit dans l’article deux fois, toujours de la façon différente (Bruilov – Bruillov). Le même son peut être transmis également de façon différente (Petrovitch – Pavlovich ; Morosof, Demidof – Bruilov, Romanov). Un exemple :

Londres La nouvelle campagne de Russie Les Américains veulent séduire les nouvelles fortunes de Moscou ou de Saint- Pétersbourg. Ils ne lésinent pas sur les grands moyens : princes, grandes-duchesses, dîners fins et conférences…

Les Russes sont-ils les nouveaux Japonais du marché de l’art ? Pas encore, mais ils pourraient le devenir. Du moins c’est ce que pense Sotheby’s qui, du 10 au 15 décembre, organise pour la première fois à Londres toute une « semaine russe » à leur intention. Et à celle de tous les amateurs traditionnels d’art russe, bien entendu. Des icônes de la fin de Novgorod du XIIIe siècle aux compositions triomphantes du réalisme socialiste naissant, en passant par l’avant-garde du début du siècle et les Ballets russes, ses aspects les plus divers seront passés en revue par d’éminents spécialistes. Le prince Alexandre Romanov en personne évoquera les souvenirs de sa grand-mère, la grande-duchesse Xenia Alexandrovna, sœur de Nicolas II. Conférences, débats, visites privées et dîners fins conduiront tout naturellement à deux journées de ventes non-stop les 14 et 15 décembre. Elles débuteront avec 400 tableaux et culmineront jeudi soir avec la dispersion d’une formidable collection de costumes des ballets de Diaguilev : celle rassemblée par feu lord Howard, ancien président de la BBC. Au total près de 900 lots. C’est en constatant l’importance accrue accordée par les Russes à leur héritage culturel que l’idée de cette « semaine russe » a germé chez Sotheby’s. « Pour la première fois depuis soixante-quinze ans, les Russes ont les moyens de racheter leur patrimoine », observe Ivan Samarine, expert de Sotheby’s qui pendant plusieurs mois a sillonné l’Europe et l’Amérique en quête de marchandises susceptibles de les séduire.

De la Mercedes aux tableaux En moins de cinq ans la situation a complètement changé. Avec le retour à une économie libérale, des fortunes colossales se sont bâties en Russie, notamment dans l’immobilier et les matières premières sans parler de commerces moins avouables. Sotheby’s dont les rapports avec la Russie ne datent pas d’hier savait qu’une partie de cet argent frais finirait par se déverser dans ses salles. Elle ne s’attendait pas toutefois à ce que le mouvement s’opère aussi vite. Elle comptait dix à quinze ans pour que les « nouveaux riches » russes passent de la Mercedes aux tableaux.

131 A Moscou même, plusieurs salles de ventes se sont ouvertes où collectionneurs néophytes et institutions de création récente font régulièrement leur marché, dans la limite des 10 000 dollars. Au-delà, par souci de discrétion, les transactions ont tendance à se faire par voies privées ou à l’étranger. Renouant avec la tradition de collection des Chtchoukine, Morosof et autres grands industriels ou marchands russes du XIXe siècle et du tournant du siècle (à l’origine des collections publiques russes), les banques toutes neuves achètent à tour de bras. En deux ans à peine, la banque Stolichnaya a accumulé quelque 3 000 tableaux russes. Très active aussi, la banque Tver Universal – dont la collection est actuellement exposée à la Galerie Trétiakov de Moscou – se concentre sur les portraits des XVIIIe et XIXe siècles. Lors de sa dernière vente d’art russe en juin, Sotheby’s affirme que 70 % des tableaux offerts ont été achetés par des Russes, résidents en Russie ou ailleurs. L’un d’eux emporta au double des estimations (120 000 livres) le portrait de la belle Aurora Demidova reproduit en couverture du catalogue. Dû à Karl Pavlovich Bruilov (1799-1852), il provenait des collections du prince Paul Nikolaïevitch Demidof, mécène qui possédait huit manufactures d’armes et plusieurs mines en Sibérie mais vivait à Florence. Dans la même vente, une vue de Nijni Novgorod au XIXe siècle par Piotr Petrovitch Vereschagin (estimé 18 000/20 000 livres) s’envole à 150 000 livres. Également un achat russe. Quatre ans plus tôt, elle s’était vendue 12 000 livres. Forte de ses récents succès, Sotheby’s a très nettement révisé ses estimations à la hausse. Ainsi l’une des raretés de la prochaine vente, un autoportrait de Bruillov, proche de l’esquisse et de taille relativement modeste, apparaît-il avec une estimation de 100 000/150 000 livres. « Il y a cinq ans, jamais nous ne l’aurions estimé à ces prix-là », admet Ivan Samarine. Les Russes auxquels ces ventes s’adressent en priorité suivront-ils le mouvement ? Sotheby’s n’est pas seule à vouloir capter leur attention. Le 13 décembre, Christie’s qui a repris cette année ses ventes londoniennes d’art russe après trois ans d’absence propose quelque 380 tableaux et objets, ainsi qu’une superbe collection d’icônes. Avec la vente de costumes des Ballets russes de Sotheby’s, cela fait près de 1 300 lots en trois jours. Pour des ventes aussi ciblées, c’est beaucoup. Pierre VIGNON L’exemple est tiré du Figaro, 08.12.1995

Conclusion. Comme ce récit est placé au milieu du journal quotidien, à distance égale entre la partie sérieuse et celle de distraction, il subit l’influence simultanée de ces deux pôles. L’appartenance aux pages pratiques du journal ajoute l’aspect de renseignement sur l’événement, le temps et les lieux. L’interaction de ces intentions prévoit le sujet discursif tout à fait original. C’est un expert qui connaît bien son domaine. C’est également un observateur attentif, mais réservé. Il signale à ses lecteurs le développement sur le marché, sans prétention à l’opinion ultime.

4.5.3. La vie au féminin / au masculin La parution des pages spécialisées la Vie au féminin / au masculin a été dictée par plusieurs facteurs : • idéologiques : depuis longtemps le Figaro essaie de jouir de la renommée d’un journal français le plus proche des femmes. • économiques : par l’introduction des pages spécialisées la Vie au féminin, le journal garantit un nombre important de lectrices et une récolte fructueuse sur le marché publicitaire, spécialisé dans les produits de mode, de beauté, de décors… • rédactionnels : la présence de ces pages rend l’ensemble de la publication plus agréable à 132 lire. C’est la partie « magazine » du quotidien. La multitude de ces facteurs influence la mise en page et le contenu de la Vie au féminin / au masculin. Comme ces facteurs sont très variés d’un numéro à l’autre (le thème principal de la page est une fois la lingerie, une autre fois, les meubles, une troisième fois, les parfums, etc.), la multitude de procédés employés est assez large. En outre, les pages spécialisées de la Vie au féminin / au masculin sont les plus influencées par le calendrier. La rédaction adapte le choix des sujets aux saisons, fêtes, événements particuliers…

Cette place du Figaro parmi les autres journaux de la France n’a pas été atteinte en un jour. C’est le résultat d’un long processus. Les premières publications régulières sur la mode, ancêtres de la Vie au féminin actuelle, ont déjà paru au début du siècle, sous la forme du supplément périodique. Le Figaro n’était alors pas seul à s’occuper de ce sujet. Il était à côté de plusieurs autres journaux, comme le Petit Parisien ou le Petit journal à publier des suppléments périodiques sur la mode. Mais le Figaro est pratiquement le seul journal quotidien qui soit resté fidèle à ce thème. Par exemple, aucun quotidien français ne publie à ce jour de rapports sur chaque grande collection de couture. Cette continuation historique a permis aux journalistes du Figaro de s’établir sur la scène de la haute couture en France, par rapport aux larges couches de lecteurs intéressés, aux spécialistes, mais également par rapport aux couturiers eux-mêmes. Les 30 ans d’expérience du journalisme dans le domaine de la haute couture ont permis à Janie Samet d’acquérir des connaissances dans le milieu de couturiers français. C’est elle qui a interviewé pour la première fois Yves Saint Laurent, à ses débuts chez Dior. Les pages actuelles de la Vie au féminin ont la prétention d’avoir le caractère des textes de service, avec l’intention de donner aux lecteurs (particulièrement aux lectrices) des renseignements utiles dans leur vie quotidienne.

Le contenu de chaque édition des pages la Vie au féminin est organisé par principe thématique. Ces thèmes correspondent aux centres d’intérêts présupposés de lectrices : la mode, la cuisine, la maison… Les journalistes tiennent compte de la situation actuelle pendant la création du discours. Ils ajoutent les marques de cette liaison dans le texte et surtout dans la titraille. La page est composée en parties quasi égales de texte et d’images (photos, dessins, symboles), réunis souvent par le même sujet. Les images accompagnent le texte, l’illustrent et ne jouent pratiquement pas de rôle autonome. La publicité est largement présente sur cette page. La coïncidence du thème de la partie rédactionnelle et des annonces publicitaires permet à plusieurs chercheurs de douter du rôle premier de l’existence de cette page — information ou récolte de publicité.

Le style de discours de ces pages diffère beaucoup des pages analogues des quotidiens aux tendances « populaires ». On trouve sur les pages de la Vie au féminin des citations où le journaliste appelle à son aide les opinions des écrivains, des philosophes ou des autorités renommées du domaine en question : Les locutions latines (in situ), les explications scientifiques créent les apparences du discours sérieux. On trouve ici le langage des initiés, les expressions qui peuvent être entièrement comprises seulement par un cercle restreint d’initiés. Ce procédé crée une sorte d’intimité entre le journaliste et le lecteur. L’emploi des locutions « parlées » va dans la même direction : les nappes

133 « habillées », beaucoup moins cher… Les propositions elliptiques ne sont pas rares : Ennemi numéro un : les dressings surchauffés Les phrases rhétoriques — Quoi de neuf côté fourrures ? Les prix flambent ! Le discours est plein de figures rhétoriques : • métonymie : Si votre violon a rendu l’âme… • antinomie — La petite Féraud est une grande…, etc.

La page est organisée de façon asymétrique, ce qui donne plus de vivacité à la perception de la page. Bien sûr, ce genre de mise en page crée assez de difficultés pour l’équipe de la PAO. La présence de la publicité ne rend pas la tâche plus facile. La page est composée d’un (plus rarement de deux) article principal accompagné de quelques photos de format différent et d’un ou de deux articles secondaires, mis en page comme les rubriques des autres pages spécialisées. Les rubriques plus ou moins régulières sont Les adresses de Caroline, Entre nous, Sur les marchés. La création de la rubrique publicitaire Samedi boutiques… …Samedi boutiques est une des nouveautés éditoriales. Le nom de la page spécialisée est placé en haut de la page. Il est séparé du reste de la page par un filet gras. Mais cette séparation n’est pas stricte. Parfois elle est rompue par une image (le portrait d’un journaliste, la publicité ou le titre d’un article, par exemple).

4.5.3.1. Le récit Le récit reflète le thème général de la page spécialisée la Vie au féminin. Il est placé au centre de la partie supérieure de la page. Le titre est centré sur toute la page et non seulement sur l’article. Ceci donne un peu plus d’équilibre à la mise en page générale. Par son habillage, l’article principal de la page se veut informatif : le choix de caractères rassemble à celui des pages « informatives » comme par exemple la Vie internationale. Les titres sont également structurés de la même façon — le premier mot indique le sujet de l’article. Introduite par les deux points, la suite du titre principal le concrétise — Fourrures : lifting d’été ; La lotte : un diable de mer ; Avenue Montaigne : changements à vue… Les surtitres sont assez rares. Ils peuvent annoncer le thème général de l’article et jouent en quelques sorte le rôle des noms des rubriques des pages informatives — Produit de saison, Le journal des soldes, etc. Mais les sous-titres ajoutent une nouvelle dimension à la titraille. Ils peuvent ajouter des détails supplémentaires ou contenir des suggestions indirectes exprimées par les infinitifs ou des valorisations de toutes sorte — Les nouveaux rendez-vous de la mode et de la déco à découvrir ou à… redécouvrir ; Les rognons de veau sont à la triperie ce que l’entrecôte est à la boucherie : un morceau de choix. Ces « recommandations » créent un cadre particulier de relations qui sont plus larges que le discours lui-même. Le sujet discursif se présente ici comme le haut-parleur du bon goût et l’arbitre des élégances. Parfois il s’adresse aux lecteurs à la deuxième personne (vous), se cache derrière le pronom du pluriel (nous), parfois les positions personnelles sont exprimées à la forme objective (un morceau de choix).

Un des procédés caractéristiques pour ce genre de mise en page est la grande variété de la présentation des photos : • l’habillage de l’image ; • le fond ; • les cadres, etc. Quelquefois le titre est composé en rouge. Mais ceci se passe seulement dans le cas où une partie de la page (annonce publicitaire, dans la plupart de cas) doit de toute façon être imprimée en couleur.

134 Le temps du récit est le présent de l’indicatif. Mais la signification de cette forme verbale diffère un peu de l’emploi des temps sur les pages « informatives ». Le présent de l’indicatif est pris ici dans sa signification globale et généralisante et non pas temporelle. L’action qui se situe au plan du passé est exprimée par le passé composé qui souligne la liaison avec le moment du discours. Le discours de cet article n’est donc pas le récit descriptif, il entretient des liaisons directes avec le moment du discours et, par conséquent, la liaison avec les participants de la situation discursive est également plus facile à établir. La syntaxe du récit des pages de la Vie au féminin est relativement simple, sans devenir quand-même primitive. Les propositions simples se mélangent aux phrases de constructions assez complexes, alourdies par des tournures relatives ou de circonstances. L’article est composé en parties à peu près égales de texte et d’images, dans la plupart de cas des photos. Les images ont un caractère illustratif, elles visualisent l’information contenue dans le texte. La structure du récit n’est pas formelle. Presque chaque numéro de la rubrique offre une ou plusieurs particularités typographiques ou textuelles. La titraille est composée, mais sans les intertitres dans la plupart de cas. Quelquefois l’article contient des encadrés. Sur ce niveau du discours la rédaction montre également beaucoup d’innovations. Il n’est pas rare de trouver la continuation directe de la titraille par le texte de l’article quand ce dernier commence par un pronom personnel dont l’antécédent se trouve dans le sous-titre. Parfois une partie du titre est placée sur la photo. Quelquefois les articles changent d’emplacement et d’habillage, prenant de cette façon une autre place dans la hiérarchie de la page.

4.5.3.2. L’article de présentation L’article contient la présentation des objets. Il peut s’agir ici d’une nouvelle collection de mode, d’une sélection de cadeaux pour une fête, etc. L’auteur décrit ces objets tout en mettant en valeur certaines caractéristiques. Le conseil pour acheter ces objets est souvent exprimé par le verbe en indicatif (le présent de l’indicatif ou le futur simple). Mais la forme choisie — impersonnelle, personnelle indéfinie (on choisira) ou une locution neutre (une idée à retenir) affaiblit la force du conseil. Un autre moyen d’éviter le conseil direct est de citer une autorité réputée dans ce domaine. Cette forme de présentation a une structure un peu différente. Un exemple : Le temps des cerises Chez Porthault, c’est déjà le plein été. Tout en fleurs luxuriantes et en fruits mûrs, peints, brodés ou imprimés. Pour les cueillir, on choisira une nappe en organdi, des sets en lin, des serviettes en coton. On y dressera une table estivale avec verrerie et vaisselle coordonnée en porcelaine de Limoges aux teintes acidulées. Derniers-nés, les citrons et les mimosas peints à la main sur les assiettes coordonnées (370 F) et une magnifique collection de miniboîtes en porcelaine en forme de fruits, de légumes et d’épices qui deviendront le plus pimpant des décors sur les tables de jardin (350 F environ). Une idée à retenir pour la Fête des mères, comme les trousses à bijoux (130 F), les pochettes à lingerie (230 F), les petits sacs tambourins (170 F) en piqué de coton blanc, brodés de poisson bleu marine que Porthault a créé juste pour l’occasion. (18, avenue Montaigne.) M.-D. SASSIN L’exemple est tiré du Figaro, 23.05.1995

135 Dans cet article l’auteur doit d’abord présenter le sujet discursif : une personne connue dans le monde de la mode ou de la cuisine. L’introduction de ce sujet discursif « neutre » permet au journaliste de mettre en valeur le produit en question sans s’engager directement. Dans les deux cas, les épithètes de toutes sortes font partie du discours. Les prix, le nom du distributeur (imprimé en caractères gras), son adresse (entre parenthèses à la fin de l’article) et l’adresse du distributeur contenus dans l’article, l’approche de l’annonce publicitaire, mais rend également service aux lecteurs intéressés par le sujet. La photo qui occupe une place importante sur l’espace accordé à ce genre d’article, augmente les deux derniers aspects.

4.5.3.3. La rubrique Sur les marchés Cette rubrique n’est pas régulière, mais fréquente. Le samedi, pendant les saisons chaudes, la rédaction consacre un court article à un éventaire sur un des marchés de Paris. Le jour de la publication de cette rubrique est le samedi car le dimanche est à Paris le jour où tous les marchés sont ouverts. De cette façon, la lecture de cette rubrique le samedi peut aider à choisir le marché bien déterminé ou dresser le plan des achats. Le nom de rubrique est placé en haut de l’article. Il est composé en caractères majuscules gras soulignés. Le choix de caractères extra-larges pour le nom de la rubrique crée des apparences sérieuses et solides. Car la photo qui accompagne l’article est placée à droite, le nom de la rubrique est aligné à gauche pour équilibrer la mise en page. Si la photo choisie est trop grande pour être équilibrée avec le titre, ce dernier est centré sur l’article. La photo accompagne toujours l’article. Elle représente toujours une scène de vie auprès de l’éventaire en question. Elle peut montrer le vendeur / la vendeuse ou des acheteurs, mais toujours en action. La titraille de l’article est simple. Le titre est centré sur la colonne gauche de l’article. Il est composé en caractères gras de famille Times. Le titre est un groupe nominal à valeur métaphorique. Le corps de l’article de la rubrique Sur les marchés est relativement court. Il comporte en moyenne une douzaine de phrases. L’article s’ouvre tout de suite sur la présentation du marchand, d’abord son nom et après — ses spécialités. Le deuxième paragraphe présente plus en détails ses occupations ou les produits proposés. Les citations, les métaphores ou les épithètes sont ici souvent employés. Le troisième paragraphe présente les prix des produits principaux. Le dernier paragraphe est une conclusion, la sortie du discours. Parfois elle est humoristique, parfois amusante. Souvent ce paragraphe informe sur les personnalités du beau monde (le plus souvent les artistes) qui font ici leurs achats. A la fin de l’article, composé en caractères italiques, se trouve le renseignement sur le lieu et le moment où on peut retrouver le marchand. Les articles de la rubrique la Vie des marchés jouent un rôle important dans l’amélioration du plan-média du Figaro. D’un côté, le journal livre ici les renseignements intéressants et utiles pour les lecteurs, mais d’un autre côté il amène ses lecteurs à concentrer leur attention sur la consommation de l’information sur les achats possibles.

La conclusion de la page. Il est assez difficile d’installer une hiérarchie dans la succession des fonctions des pages spécialisées la Vie au féminin / au masculin car plusieurs fonctions entrent simultanément en jeu : • information, • distraction, • amélioration du plan-média du journal,

136 • création du contexte publicitaire, • renseignements.

Les pages spécialisées la Vie au féminin / au masculin sont probablement les plus intéressantes par l’équilibre des fonctions des textes de la page. En outre, la présence même des pages la Vie au féminin joue un rôle important dans la création de l’image du quotidien.

4.5.4. La vie des voyages Comme la plupart des pages spécialisées du quotidien, la Vie des voyages est sortie d’une rubrique du même nom. La page la Vie des voyages joue un rôle important dans la création du contexte publicitaire spécialisé pour les firmes touristiques : bureaux de voyages, hôtels, lignes aériennes… Mais la Vie des voyages remplit également une autre fonction importante au niveau de la constitution du lectorat du journal. L’analyse des lieux touristiques proposés sur les pages de la Vie des voyages montre leur coïncidence avec les lieux de repos des classes sociales privilégiées. La page est composée de parties à peu près égales de texte rédactionnel et d’annonces publicitaires. Chaque édition de la page est consacrée dans la plupart de cas à un seul thème. L’élaboration de ce thème est très proche d’un multitexte des pages de politique internationale : l’article principal présente le plan général, l’article secondaire (très rare cependant) – un plan particulier et encore un encadré avec les données statistiques. La rubrique qui sort du thème général – Le monde entier en quelques mots – est assez rare. Elle rassemble les télégrammes qui parlent du tourisme. Les photos accompagnent le texte rédactionnel. Dans la plupart de cas ce sont deux photos. Sur la première photo on voit le plan général du lieu en question. La deuxième photo représente une scène de vie dans ce lieu touristique. Les cartes géographiques font également parfois partie du discours rédactionnel.

4.5.4.1. Le récit Le récit de la page spécialisée la Vie des voyages a pour but de présenter le lieu touristique. Ce lieu est tout de suite annoncé dans la titraille de l’article. Après les deux points, il suit la métaphore ou une autre figure rhétorique qui incite à la lecture de l’article — Indonésie : l’archipel-constellation, Botswana : l’Afrique au naturel… Le sous-titre contient d’habitude la raison principale pour faire un voyage : Sur terre et sur l’eau, on y rencontre des centaines d’animaux dans une ambiance du début du monde, Pour peu qu’on explore avec quelque curiosité ce pays - carte postale, la sagesse et l’humour de ses habitants ne laissent aucun Européen indifférent… La mise en forme de la titraille est la même que celle des pages de la Vie internationale du quotidien. La comparaison des titres des deux pages montre quand même des différences discursives notables, malgré des similitudes apparentes dans la forme. Les deux titres contiennent le nom du pays en question suivi de deux points. Les titres de la Vie internationale ont un caractère informatif et ils résument dans leur partie subordonnée, l’événement principal qui s’est passé dans ce pays. Les titres de la Vie des voyages sont incitatifs. Dans leur partie subordonnée, ils contiennent une métaphore qui éveille l’intérêt pour la lecture de l’article. Le début du corps de l’article doit soutenir cet intérêt. C’est pourquoi l’article débute souvent par une description de nature ou par d’autres procédés qui renforce l’intérêt pour le pays : les détails pittoresques sur l’histoire, la culture ou la faune du pays. Le style choisi pour ce genre d’article est assez original. Le sujet discursif s’adresse directement aux lecteurs (vous), mais à la forme objective (il faut…). Le texte contient beaucoup de conseils avec des présuppositions que le voyage soit déjà décidé, par la deuxième personne du pluriel de futur simple (Vous plongerez… Vous lèverez… Votre chauffeur vous racontera…) ou 137 dans la forme non-personnelle du présent de l’indicatif (on attend, on part), ou dans la forme impersonnelle (il faut).

4.5.4.2. L’encadré Les encadrés de la Vie des voyages rassemblent les informations utiles pour la planification et l’organisation du voyage : le déplacement, le séjour, les bureaux de tourisme qui proposent les voyages dans ces régions. En outre, l’encadré contient presque toujours quelques conseils pratiques — vêtements, bagages, etc. Le matériel est rassemblé dans un article sous le titre Bon à savoir (ce qui montre l’utilité de l’information proposée) et subdivisé en quelques passages, bien structurés d’après le principe thématique et accompagnés de titres : Y aller, Séjourner, Quelques voyagistes, Conseils. Chaque passage contient de deux à quatre paragraphes. Les paragraphes ne sont pas liés entre eux à l’aide de liaisons syntaxiques, ils sont précédés d’une puce. Dans ce cas, ce sont des cercles noirs qui sont moins « autoritaires » que les carrés de la Vie internationale. Les particularités stylistiques du texte se résument au niveau lexical au choix de lexique de la thématique touristique et au niveau syntaxique à l’emploi des structures nominales où la présence d’un verbe se révèle superflue. Chaque passage contient l’adresse ou le numéro de téléphone de l’organisation qui propose le service en question. Une autre éventualité est un article sous le titre Numéros utiles où on ne trouve que les noms et les numéros de téléphone des organisations qui proposent des services dans ce domaine.

4.5.4.3. La conclusion de la page La page spécialisée la Vie des voyages est un support publicitaire parfait pour le secteur touristique. Non seulement elle réunit la clientèle potentielle pour les agences de voyages, mais elle livre également le bon matériel pour la création discursive rédactionnelle qui améliore le conditionnement positif des lecteurs.

4.5.5. Les pages consacrées à la culture et à la télévision. La Vie des spectacles Les pages spécialisées la Vie des spectacles sont d’une importance primordiale pour l’image du Figaro. Ce thème apparaît à la une du journal depuis ses premiers jours. Depuis tout ce temps, le Figaro a acquis des positions stables dans la construction de l’opinion publique et une autorité indéniable parmi les spécialistes. Mais, compte tenu du rôle de « savoir culturel » en France, la rédaction est continuellement soumise à la pression de ses lecteurs et des confrères des autres journaux. La Vie des spectacles occupe dans le cas général deux pages. La première présente un aperçu de spectacles principaux. Sur la deuxième page, on trouve les nouveaux films, le choix des spectacles, des concerts, etc. La structure de la première page est assez complexe. L’article principal se trouve en haut de la page. La partie gauche est consacrée aux critiques, la partie droite est souvent occupée par la publicité. Bien que les rubriques « culturelles » du Figaro — Culture et Lettres — occupent relativement peu d’espace rédactionnel (en moyenne la moitié de la page), elles jouent quand même un rôle important dans la formation de l’image du quotidien. La politique des « belles signatures » trouve ici sa pleine réalisation. Dès ses débuts la rédaction a fait des efforts pour se procurer la collaboration des écrivains, des philosophes, historiens… Mais si dans les premiers numéros, les rapports culturels, par exemple le feuilleton, étaient placés à la une, la formule actuelle du Figaro place les rubriques culturelles dans la deuxième moitié du journal. La rédaction s’éloigne de plus en plus des articles de distraction comme les feuilletons ou les

138 extraits des romans, en optant pour des articles où la distraction voisine avec l’information et le jugement – la critique, le compte rendu, l’interview avec des hommes de culture…

4.5.5.1. La nouvelle prospective La nouvelle prospective des pages culturelles du Figaro est un sous-genre de la hard news. Elle livre les informations de base pour un événement à venir. Les nouvelles prospectives sur les nouveaux films paraissent sous la rubrique Mercredi sur les écrans. Le nom de la rubrique est ajusté à gauche, tandis que le titre du film est placé une ligne plus bas, ajusté à droite. Le titre de l’article se trouve sur la ligne suivante, centré sur le corps de l’article. De cette façon, l’espace attribué à la nouvelle prospective est organisé symétriquement, ce qui est le présigne de la maîtrise de l’information. En outre, cette disposition de la titraille correspond à la ligne parcourue par les yeux pendant la lecture de la page, ce qui facilite la saisie rapide du contenu principal. Ce contenu (la sortie, le titre du film et une des vedettes) est déjà contenu dans la titraille. Le corps de l’article élargit ces informations. Une des particularités principales de la presse française, est la mise en valeur des personnes qui ont participé à la création du film. L’analyse des idées, des formes ou des propriétés esthétiques est quasiment exceptionnelle. La macrostructure du corps de l’article est celle de la spécification progressive : L’introduction contient les informations constituantes de l’événement. La partie suivante complète cette information et la suite donne des détails supplémentaires. La dernière partie de l’article contient des précisions intéressantes ou curieuses. De cette façon la hard news de la page Cinéma a des intentions discursives différentes suivant ses parties. On observe un double développement : •informations constituantes — générales — supplémentaires, •renseignement — information — distraction. Les sentiments et les opinions de l’auteur de l’article sont exclus du texte — cet article se veut être informatif et sérieux. D’autre part, personne ne peut être sûr du déroulement de l’événement. Il est toujours possible que le film en question se révèle un échec. C’est pourquoi, pour éviter le risque d’être cité par les médias concurrents, ce genre d’article est rédigé dans le style neutre avec, quand-même les marques de respect envers les créateurs.

4.5.5.2. Le compte rendu Comme le marché publicitaire n’est pas très important, les textes de la rubrique Culture ont souvent un caractère informatif. Mais parce que ces textes sont placés dans la partie « magazine » du quotidien, ils comportent obligatoirement des éléments de distraction : les détails intéressants, les aperçus historiques, les évolutions possibles de l’événement… Cette fonction discursive trouve son expression sur tous les niveaux du texte, y compris dans la titraille. La titraille de l’article est composée. Le surtitre désigne la branche de l’art ou l’institution en question. Le titre est d’habitude informatif. Le sous-titre développe l’information contenue dans le titre et remplit les mêmes fonctions que le chapeau. Dans la plupart de cas, il ne contient qu’une phrase, mais dans certains cas le sous-titre peut en contenir deux ou trois. Certains articles ont des intertitres. Comme toujours, ils sont appelés à aérer la mise en page et à inciter le lecteur à continuer la lecture de l’article. La preuve du premier phénomène est l’emplacement de l’intertitre dans la colonne qui ne contient pas d’illustrations. La deuxième fonction trouve son expression dans le choix des locutions à portée stylistique (rôle historique, etc.). Le caractère informatif de la titraille principale laisse à supposer que la fonction primordiale de ce genre est quand même information.

139 Le corps de l’article a une structure particulière. Le début de l’article est une sorte de chapeau. Il parle de la valeur de l’événement culturel et résume son contenu. Le développement présente d’abord l’aspect historique, ensuite expose les détails ou les aspects les plus importants de l’événement. La plus grande particularité de ce genre consiste en l’absence de conclusion, ce qui à son tour est un des traits distinctifs des textes de distraction. Le lexique de l’article relève des domaines culturel, historique et parfois politique. Le trait particulier de ce genre est l’emploi abondant des noms propres — noms de personnes, noms géographiques, etc. En ce qui concerne les structures syntaxiques, les propositions simples prédominent. Mais elles sont fréquemment alourdies par des tournures de toutes sortes — de temps, de lieu, de cause… Le style de l’article rapproche ce type de texte de deux genres à la fois — l’information et la distraction. Le style distractif trouve son expression dans l’emploi abondant des tropes et figures multiples : • métaphore – une véritable révolution • métonymie – les décorations … ont quitté le château • énumération… Le texte contient en outre beaucoup de détails intéressants qui élèvent le niveau intellectuel des lecteurs.

4.5.5.3. L’interview La forme de présentation du matériel rédactionnel en interview permet ici de présenter d’une façon originale un artiste. Les questions de la rédaction contiennent souvent une légère provocation qui incite l’interviewé à livrer des idées originales sans paraître excentrique mais tout en restant provoquant, un peu extravagant. En outre, les formes communicatives « privées » (les prénoms des artistes célèbres, par exemple) font entrer le lecteur plus intimement dans le discours. Les temps grammaticaux du discours se trouvent sur l’axe du discours parlé (passé composé – présent de l’indicatif – futur simple). Pour augmenter le niveau de l’actualité on emploie souvent le passé immédiat (vient de recevoir, vient d’achever…). Mais ces marques du style parlé coexistent avec les éléments du style soutenu, comme le subjonctif, par exemple. Le lexique reflète également, plus que les autres genres du journal, l’appartenance au discours parlé : une sacrée aventure, un copain, des tas de choses… La structure de l’article est traditionnelle pour ce genre : La titraille de l’article est complexe. Le surtitre annonce le genre de l’art. Le titre, la per- sonne en question et un de ses propos contenus dans l’article, introduit par deux points et mis entre guillemets. Le sous-titre est une sorte de passerelle entre le titre et le corps de l’article. Il présente la personne interviewée et explicite ses propos. L’article débute par une introduction qui contient la présentation de l’artiste — ses travaux principaux, les prix reçus, etc. Ensuite, l’article comporte la consécution des questions – réponses. Compte tenu du fait que l’artiste présenté ici est d’habitude une personne célébrée par plusieurs prix, les propos du journaliste sont privés des marques d’évaluation. Il emploie les formes polies qui montrent le respect. Ce respect n’empêche pas de poser les questions qui ont pour but de provoquer des réactions verbales de l’artiste qui pourraient le trahir. De ce côté, l’interview de la rubrique Culture rappelle un peu l’interview – portrait politique d’un participant du mouvement politique contesté. Mais les provocations n’ont pas ici ce caractère dévoilant comme dans l’autre cas.

140 Conclusion. L’interview de la rubrique Culture permet de présenter un artiste par ses pro- pres propos. Les questions du journaliste qui contiennent l’information nécessaire à la compréhension de l’œuvre de l’artiste jouent également un rôle important. Le style de l’article avec les éléments du discours parlé présente une diversification substantielle du discours de la rubrique.

4.5.5.4. La critique littéraire La rubrique Lettres est une rubrique régulière. Les thèmes traités dans cette rubrique sont pratiquement identiques à ceux du supplément hebdomadaire le Figaro littéraire. Les livres choisis pour cette rubrique sont très variés. En plus du contenu de l’œuvre, de la renommée de l’auteur ou de ses qualités esthétiques, les aspects idéologiques jouent un rôle très important dans la sélection du matériel pour la publication. Les genres du discours de la rubrique Lettres sont présentés surtout par la critique littéraire. Ce genre est ici à triple dominante : •l’information sur une œuvre littéraire, •l’opinion de l’auteur sur la forme et le contenu, •le conseil (lire / ne pas lire, acheter / ne pas acheter) implicite ou explicite. Ce dernier aspect peut souvent être considéré comme la publicité non commerciale de l’ouvrage. Chaque article est accompagné d’une fiche bibliographique, qui contient le titre exact de l’ouvrage, le nom de l’auteur, la maison d’édition et le prix, bref — tout ce qu’il faut pour prendre la décision sur l’achat et commander le livre voulu. L’opinion de l’auteur est exprimée ici d’une façon indirecte — par le choix des arguments « objectifs », citations, métaphores. Les pronoms personnels Je/Nous sont remplacés par des tournures Il est, C’est, On, etc. L’objectivité du discours peut être encore renforcée par : • la présence du portrait-photo (si l’espace rédactionnel le permet), • les notes à la fin d’article comme dans les genres scientifiques, • l’emploi du présent de l’indicatif ce qui a une valeur généralisante et globale des idées annoncées… Les autres particularités de l’article ne diffèrent pratiquement pas du même type des pages « informatives ».

4.5.5.5. Le commentaire culturel Le commentaire culturel est un genre très proche de l’article de présentation. Mais il contient une part considérable d’opinion « personnelle » du journaliste. L’expression de l’opinion de l’auteur est un mélange de modèles différents d’argumentation : • objectif à l’aide de citations des personnes compétentes, des informations de fond, etc. • objectivant à l’aide de positions « généralement admises » (on, il est, constructions passi- ves…) • « associé » avec le lecteur (nous) • personnel (je, les verbes modaux, épithètes, etc.) Le résumé de l’œuvre renforce le côté « objectif » du commentaire et donne de cette façon plus de poids aux observations « personnelles » du journaliste. Renforcé encore par l’autorité du Figaro lui-même, les journalistes ont ici un certain pouvoir sur l’opinion publique et le monde de la culture. Mais, d’un autre côté, ce pouvoir l’oblige à bien protéger ses compétences. C’est pourquoi, le journaliste est amené à convaincre les lecteurs. C’est la raison principale de l’emploi des métaphores et des épithètes.

141 La conclusion de l’article contient l’avis direct de l’auteur sur l’œuvre d’art. Le commentaire culturel se rapproche sur beaucoup de point du commentaire politique. Naturellement, le côté lexique se rapporte ici au domaine culturel. Mais les procédés stylistiques sont les mêmes que dans le commentaire politique. L’habillage de l’article est un peu différent. Le genre et l’œuvre d’art en question sont ici annoncées dans le surtitre. L’article est presque toujours encadré. La forme du cadre aux coins arrondis est appelée à renforcer le sentiment d’appartenance aux pages culturelles.

4.5.5.6. La télévision et la radio La rédaction attribue une page et demi de chaque numéro à la télévision et à la radio. Etant donné que les lecteurs réguliers du journal reçoivent le Magazine TV avec le numéro de samedi, il se pose la question de la nécessité de cette partie du quotidien. Premièrement, il est possible qu’il soit de temps en temps nécessaire d’actualiser les informations sur les émissions de la journée. Le Magazine TV ne peut pas contenir les informations de « dernière minute », telles que les changements imprévus de programmes, les thèmes d’une discussion ou le contenu exact d’un documentaire. Deuxièmement, les taux d’abonnements assez bas ne garantissent pas que les lecteurs qui achètent le Figaro lundi – vendredi, l’achètent obligatoirement le samedi. De cette façon, la publication du programme chaque jour donne la possibilité à tous, même à ceux qui achètent le journal de temps à temps, de trouver les émissions de radio ou de télévision qui pourraient les intéresser. Troisièmement, la formule du journal quotidien permet de publier le matériel supplémentaire — les informations d’arrière-fond, les analyses, les critiques… De cette façon, la matière rédactionnelle qui traite les thèmes de la télévision et de la radio se subdivise en deux parties : les textes de services (les programmes) et les textes critiques. Comme c’est souvent le cas pour le Figaro, les textes d’opinion sont placés d’abord. Ces textes sont rassemblés sur une page spécialisée Télévision-Radio. Les programmes occupent dans la plupart de cas, la moitié de la page suivante. L’autre moitié est occupée par la météo.

La page spécialisée Télévision-Radio est consacrée à 90 % à la télévision. Les thèmes de la radio sont relativement rares et sont placés d’habitude dans le coin droit de la page. En plus, en ce qui concerne la télévision, la rédaction a élaboré une classification d’articles d’après les genres des émissions télévisées (magazine, interview, divertissement, etc.). La radio, à son tour, est réduite à une rubrique de télévision. Elle est annoncée dans le surtitre sans différenciation de genres. La publicité est assez rare sur cette page. Les annonceurs de cette branche préfèrent le placement de leurs annonces sur la dernière page du Fig-Eco, la Vie des médias. De cette façon, la fonction dominante de cette page ne peut pas être la création du cadre publicitaire. Cette page renseigne et divertit. La structure de la page est relativement simple : dans le coin gauche de la partie supérieure se trouve le commentaire et sous celui-ci — l’audience des émissions principales de la soirée précédente. A côté d’eux, la rédaction place l’article principal de la page – le compte rendu d’un événement extraordinaire, une interview avec une personnalité du monde de télévision ou la critique d’une émission. La partie inférieure contient encore deux critiques et une rubrique Hors antenne avec les brèves. Pratiquement tous les articles (sauf le commentaire) sont accompagnés de photos.

142 4.5.6. La météo Le premier bulletin météorologique est publié dans le Figaro en 1876. Depuis ce temps-là, son contenu et sa présentation ne cessent de s’adapter à l’évolution du lectorat et aux succès des prévisions météorologiques. Le bulletin météorologique a un contenu purement informatif, ce qui permet à plusieurs linguistes de classer cette rubrique parmi les genres informatifs. L’analyse pragmatique de ce genre de discours montre que le but ici n’est pas de nous renseigner sur l’état du monde, mais « bien plutôt de faire transformer le monde par l’action future de l’allocutaire de telle sorte qu’il s’ajuste au contenu propositionnel », c’est-à-dire de nous conseiller sur les précautions à prendre, compte tenu du temps probable. La présentation du bulletin météorologique est une des plus modernes. C’est une des rares pages du journal où la couleur est utilisée. Les cartes météorologiques sont en relief. Elles sont assez claires, sans contenir trop de données. Les explications et le texte de l’article sont également clairs. Ils ne contiennent pratiquement pas d’éclaircissements techniques trop compliqués pour une lecture rapide. L’information est structurée d’après le principe tripartite pratiquement sur tous les niveaux : • la présentation (texte, tableau, schéma), • l’article contient trois parties (aujourd’hui, demain, les jours prochains), • la titraille de l’article ( surtitre, titre, intertitre), • l’explication de la carte (pression atmosphérique, renseignements astronomiques, bassin de la Seine), • les données climatiques dans le tableau sont organisées en trois sections (France, Europe, Reste du monde) et en trois colonnes (temps d’hier, température matinale d’hier et température d’hier en début de l’après-midi) etc.

4.6. La page L’Actualité et ses genres La dernière page clôt la publication, si l’on présuppose une lecture « correcte ». Mais rien n’interdit, en principe, au lecteur de commencer la lecture du journal « à l’inverse ». Le contenu thématique, ainsi que la mise en discours de la dernière page est la preuve que les services rédactionnels sont conscients de ce phénomène. De ce point de vue, la dernière page remplit une double fonction : c’est avant tout une autre entrée dans le journal qui renforce son côté magazine. Si le sujet d’un article à la dernière page est repris à l’intérieur du journal, la référence habituelle (Lire aussi nos informations en page…) se trouve à la fin. Ensuite, c’est une sorte de fourre-tout. Ici passe souvent le matériel qui n’entre pas dans les rubriques établies du quotidien. Ainsi, la dernière page du numéro du 24 janvier 1996 est consacrée à l’ouverture d’une exposition aux Galeries Lafayette par le prince Charles. Par sa mise en scène, cet événement n’est pas digne de la Vie internationale, mais en même temps il est plus important que les sujets de la Vie au féminin. Par contre, cette visite est le sujet-magazine par excellence. Le côté culturel de l’événement est repris sous la rubrique Culture du même numéro. En haut de la page se trouve une sorte de manchette : le nom de la page en caractères beaucoup plus grands que les noms des autres pages, la date, le numéro de la page et la publicité placée dans les deux « oreilles ». La manchette est séparée du reste de la page par un filet gras. Le reste de la page est souvent consacré à un seul événement. Toute la page est très rarement consacrée à une annonce publicitaire, même si l’annonceur est prêt à payer. Le choix du matériel pour la page l’Actualité correspond à la nouvelle mondaine des pages

143 de Notre Vie, compte tenu du niveau médiatique supérieur des personnes qui font l’objet du discours de la dernière page. De préférence, ce sont les membres ou les proches des familles de la grande aristocratie, les crimes « célèbres », etc. Les genres préférés pour cette page sont les biographies journalistiques de toute sorte (hommage, nécrologie, etc.) ou les interviews, c’est-à-dire les genres portant sur une personne, plutôt que sur une idée ou un événement. Pendant les grandes vacances, quand tout le journal renforce le côté distractif, la rédaction trouve la place pour la publication de bandes dessinées. Ce genre de publications est appelé de répondre aux intérêts de la partie la plus jeune des lecteurs. Ces bandes dessinées étant publiées en partie d’un numéro à l’autre, elles servent également à les « fidéliser ». L’espace consacré aux bandes dessinées (plus de la moitié de la page) témoigne de l’importance accordée par la rédaction à ce groupe.

4.6.1. L’essai La colonne droite de la page Actualité est souvent occupée par une chronique. Le terme « chronique » désigne dans ce cas un « commentaire libre, réflexion personelles sur l’actualité, revenant à intervalles réguliers sous la signature d’un collaborateur, généralement renommé189 ». La chronique de la page Actualité s’occupe le plus souvent de phénomènes culturels. C’est un article relativement volumineux, écrit par de personnes reconnues comme des autorités dans le monde intellectuel, qui ont la prétention de jouer un rôle d’observateurs dans la société et de rapporter les phénomènes les plus importants. L’article cité en exemple est écrit par un intellectuel bien connu dans les milieux intellectuels français et de lecteurs du Figaro — Alain Bosquet. Son article porte dans ce cas sur une autre personnalité également bien connue de ces deux groupes — membre de l’Académie française et président du comité éditorial du Figaro Jean d’Ormesson. La chronique en question est écrite à propos d’un nouveau livre de Jean d’Ormesson, mais ce n’est pas une simple critique littéraire. C’est plutôt un essai sur la portée philosophique de l’œuvre du romancier. En se rangeant de côté des lecteurs, par l’emploi du pronom de la première personne du pluriel — nous — l’auteur de la chronique de la dernière page du quotidien s’empare de positions ambivalentes : d’un côté, il est l’observateur et le juge, de l’autre — il est issu du peuple et, de cette façon, représente l’opinion de tout le monde. Ce cas n’est pas tout à fait caractéristique pour la chronique où l’auteur peut souvent avoir recours à la première personne du singulier et introduire ses pensées par « Je ». Alain Bosquet a choisi pour sa chronique la structure de la succession temporelle qui permet de montrer le développement dans l’œuvre de Jean d’Ormesson. Après le paragraphe introductif, où le journaliste présente le sujet de son article, il consacre les trois paragraphes suivants aux dernières œuvres du romancier et conclut son article par la présentation de la parution récente de Jean d’Ormesson — le roman Presque rien sur presque tout. Mais cette structure voile l’intention principale du journaliste, car c’est l’écrivain lui-même, et non pas ses œuvres, qui est placé au centre du discours. Le titre de l’article — le roi de création — l’indique clairement. Dans le corps de l’article on aperçoit une certaine gradation en ce qui concerne la présentation de la personnalité de Jean d’Ormesson. L’article débute par la simple dénomination de son métier : le journaliste, d’abord, et le romancier. En passant par l’honnête gentilhomme et le philosophe-poète, Alain Bosquet place Jean d’Ormesson vers la fin de l’article dans le même rang que Chateaubriand, Hugo, Montaigne et Erasme. Le style de l’article est très expressif. Plus de deux tiers de phrases (51 sur 82) sont des phrases courtes. Pour éviter la simplification de l’exposé, le journaliste les enchaîne à l’aide de deux points en créant l’effet de la profondeur de la pensée. La structure de son argumentation est de cette façon très logique : la proclamation d’une idée et, introduit par deux points, son

144 développement. Dans la note à la fin de l’article, on trouve les données bibliographique de ce livre (le titre, l’auteur, la maison d’édition et le prix). Un exemple : Roi de la création Le journaliste est aux aguets : Jean d’Ormesson, s’il jette un œil sur Matignon, garde l’autre sur les galaxies. Le romancier sonde les cœurs, les reins et les silences : rien de ce qui palpite ne lui échappe. Depuis quinze ans, Jean d’Ormesson a de plus vastes ambitions : dire, à la fois ébloui et inquiet, ce qu’est cette curieuse espèce humaine, qui va de conquête en conquête et de blessure en blessure. Il n’est pas facile aujourd’hui de se comporter en honnête gentilhomme et de réussir une sorte de dépassement de soi, qui n’omette aucune interrogation capitale. Il lui faut la disponibilité et la passion : une saveur que personne saurait nier. Dès Dieu, sa vie, son œuvre (1980), les questions essentielles se posent avec panache : « En ce temps-là, le temps n’existait pas encore. Et le tout et le rien ne se distinguaient pas l’un de l’autre ». De surcroît, le passé n’est pas unique : il se décline au pluriel. Et Dieu existe, de susciter des sentiments ou contradictoires ou embarrassants. Qu’on ne s’y méprenne pas, avertit le philosophe-poète : « Tout ce qui sera était ». Le paradoxe est affaire de lucidité: « Dieu existe sans exister ». A ce compte-là, l’Histoire - ce que nous possédons peut-être de plus précieux - se mue en invention romanesque. Histoire du juif errant (1990) approfondit ces notions et les peuples d’une multitude de personnages hauts en couleur. Le juif errant est expulsé de son propre raisonnement, ne loge jamais sous sa peau et part, ironie, en croisade, parce que cela est son destin comme son plaisir. Etant de partout et de nulle part, d’avant-hier et d’après-demain, il se sait le contemporain de tous ceux à qui il s’intéresse : il peut rencontrer Charlemagne, Churchill, Jeanne d’Arc ou Marie Curie. On parierait qu’il leur parle en sanskrit, à son insu. Doué d’ambiguïté, Isaac de Laquedem se reconnaît en Don Juan, en Faust, mais aussi peut-être en d’Artagnan et en Arsène Lupin. Sa sagesse consiste à savoir que la vérité est belle à condition de devenir légende : gloire ou rançon? Le cosmos n’est jamais loin. La douane de mer (1993) en donne des aperçus vertigineux. Avec malice, Jean d’Ormesson commence son livre par cette phrase : « Le 26 juin, un peu avant minuit, il m’est arrivé quelque chose que je n’oublierai pas : je suis mort. » C’est s’impliquer soi- même dans une vision planétaire aussi aimable que terrifiante. Il convient de jauger et de juger notre habitacle, dosage de joies et de jérémiades. Deux êtres en devisent, l’un complétant l’autre. A. est un extraterrestre venu sur terre pour l’étudier et, si possible, la comprendre. O. est son interlocuteur qui, en fait d’explication, marie l’objectivité à la subjectivité. Qui est Virgile et qui est Dante ? L’important est de s’émerveiller : ils vont de Flaubert à Lénine - et celui-ci à Alaric. Rien n’est plus divertissant et grave que cette exploration du monde, qu’elle soit en montgolfière, en fusée ou en gondole. Comment peut-on être en même temps Persan et Iranien ? Presque rien sur presque tout (1) reprend ces idées, les amplifie et leur donne un ton singulier : Jean d’Ormesson parle à la première personne, pour assumer l’homme, le temps et l’espace dans leurs contradictions. Ce n’est ni par égoïsme et par égotisme: son sens aigu de la responsabilité passe par la confidence et par la confession. Dieu est là, moins concret que chez Chateaubriand et moins abstrait que chez Hugo : on doit le respecter et ne pas attendre de lui de trop simples réponses. La liberté, quel Occidental oserait douter de ses vertus ? L’amour suscite les mêmes ferveurs. Et le plaidoyer pour la beauté se mue en hymne, tout de superbe frémissement. Démontrer ces hautes évidences ne suffirait pas : il convient de les proclamer avec une conviction dramatique et contagieuse. Nous sommes, de glorifier le peu que nous sommes. Nous sommes, de nous remettre en cause avec appétit. Nous sommes, de transformer l’à-quoi-bon en à-quoi-bon radieux. Nous

145 sommes, d’accepter ce postulat: « L’homme est le Roi de la création » : y croire nous dispense de toute démonstration. Jean d’Ormesson écrit : « Je suis l’être. Je suis. Je suis celui qui est. Le tout n’est pas. Il existe. Il devient. Il naît. Il se transforme. Il finira bien par finir. Tout finira. Le Soleil, et la Terre, et la Lune, et toutes les galaxies dont vous avez plein la bouche et qui finiront, elles aussi. Comme finiront les hommes et ceux qui leur succéderont. Je ne finirai pas. Je suis l’être. J’étais et je serai. Je suis. » Plus qu’un donneur de leçons, Jean d’Ormesson est un preneur de leçons : oui, cette planète mérite qu’on l’aime, telle qu’elle est et telle qu’elle se défait, non sans magie. L’homme est un miracle douloureux. Les incertitudes s’écartent devant la certitude d’une conviction, d’un style, d’une musique et d’une audace. Ceci est un livre de chevet pour ceux qui vivent debout. Un Montaigne qui serait plus lyrique et un Erasme qui rapprocherait l’être du non être, s’y profilent, dans l’ivresse du possible et de l’impossible. A. B. PAR Alain BOSQUET

(1) « Presque rien sur presque tout », par Jean d’Ormesson. Gallimard. 125 F.

L’exemple est tiré du Figaro, 13.01.1996

Conclusion. La chronique de la page L’Actualité est souvent un essai dont le sujet fait partie du champ culturel. A la différence de la critique de théâtre et de la littérature cet essai ne contient que des éléments positifs en se rapprochant de l’article d’éloge.

4.6.2. L’interview L’interview de la page l’Actualité diffère de façon capitale du même type d’article des pages politiques. Les opinions politiques ne jouent ici aucun rôle et les journalistes échappent à l’obligation morale de soutenir ou de contester les idées de l’interviewé. C’est pourquoi ici les questions aident à développer le récit de l’interviewé. Ici il n’y a pas de questions-pièges. Au contraire, le journaliste s’ingénie à ne pas déranger l’harmonie dans la conversation (au cas contraire il risque de provoquer la colère des fans ou des admirateurs et de perdre l’intimité et la confiance entre la rédaction du journal et le monde des vedettes).

L’interview de la page l’Actualité est structurée de la même façon que les interviews politiques : surtitre, titre, sous-titre, chapeau, le corps de l’article et la photo. La titraille est complexe : le surtitre annonce l’événement, le sous-titre le résume en une phrase. Le titre annonce la personne et comporte d’habitude une des formules utilisées dans l’interview. Le chapeau livre les informations d’arrière-plan sur la personne en question. Le plus souvent ces informations ne proviennent pas des agences de presse (comme dans les pages politiques), mais des services de documentation du journal. Cette partie de l’article est rédigé chronologiquement. Le temps du récit est le passé composé pour les événements passés et le présent de l’indicatif s’il s’agit de l’événement en question. La présentation de cet événement est le but principal du chapeau. Le corps de l’article s’occupe plutôt de la vision personnelle de l’interviewé sur cet événement. De nouveau la différence avec l’interview politique est très nette. L’interviewé ici n’est pas le représentant d’un groupe ou d’un mouvement social quelconque. Il ne représente que lui-même. Il ne parle que de lui-même. Logiquement, on retrouve dans le discours les marques linguistiques de la première personne du singulier : Je n’y avais pas réfléchi… Ça me plaît… La structure du corps de l’article est logique. Les ramifications de la ligne discursive sont plutôt rares. Elles apparaissent vers la fin de l’article. 146 Le style est soigneusement retravaillé et ne contient pratiquement pas de marque de discours parlé. Seuls les phrases un peu plus courtes que d’habitude, l’emploi large des pronoms et la description des réactions non-verbales de l’interviewé (éclat de rire, rire, etc.), l’emploi des formes « parlées » des pronoms (on, ça…) rappellent que l’interview est le type d’article le plus proche de la conversation orale. Conclusion. L’interview de la page spécialisée l’Actualité permet le contact plus ou moins direct entre le monde des stars et les lecteurs du journal. L’intermédiaire est ici le journaliste du quotidien. Il dirige la conversation, pose des questions, rédige l’article pour la publication.

4.6.3. Les « rumeurs » La page spécialisée l’Actualité fait également place aux « rumeurs » — aux articles sur les petits événements insignifiants qui font quand même beaucoup de bruit. Ils sont souvent la source des rumeurs et évaluations hypothétiques dans certains milieux. Il peut s’agir de l’accident d’un artiste et ses conséquences sur le tournage d’un film, un scandale politique et les destins d’un parti, une affaire juridique et l’avenir proche des personnes concernées… Cet article porte simultanément sur la rumeur qui court sur un événement quelconque et sur l’événement lui-même. De ce point de vue, ce type d’article se trouve dans la zone de transition entre les articles d’opinion et les articles informatifs, mais plus proche du texte d’opinion, car au centre du discours se trouve un énoncé et non pas un événement. D’un autre côté, ce genre d’information sur la vie des acteurs (surtout un accident de moto sous l’influence de l’alcool) va sûrement éveiller certains sentiments chez les lecteurs, ce qui permet de classer cet article également dans les genres de distraction. La structure de l’article le relie plus au texte d’opinion classique : le journaliste décrit un événement, raconte les « rumeurs », expose le point de vue opposé, le met en question à la fin de l’article sans prendre un parti quelconque. Du point de vue stylistique, la marque de ce type de discours est le recours aux citations longues. Le journaliste cède sa plume pour présenter tel ou tel point de vue. Ces citations sont moins retravaillées que dans n’importe quel autre genre. Le journaliste laisse même les mots grossiers (conneries, emmerdant) dans le texte. Une photo accompagne le texte pour renforcer l’intensité distractive du discours.

4.6.4. Les bandes dessinées Les bandes dessinées ne sont publiées que pendant les grandes vacances. Elles occupent le coin droit inférieur de la page spécialisée. L’espace consacrée est supérieur aux 50 % de la page. Les bandes dessinées de l’été 1998 sont pour la grande partie en bleu, d’une couleur relativement sombre, qui attire nécessairement l’attention du lecteur. Mais comme les bandes dessinées sont placées dans le coin gauche inférieur de la page, le lecteur parcourt toute la page. A gauche de la bande dessinée se trouve un bloc informatif — le titre de la bande dessinée, les auteurs, la maison d’édition et le résumé des épisodes précédents. Jusqu’à ce point, ce bloc rappelle la titraille de l’article informatif avec le chapeau. Mais la bande dessinée est accompagnée en outre d’un rappel sur un jeu-concours à l’intérieur du journal. La bande dessinée sur les pages du Figaro est assez inattendue. Le journal est plutôt conservateur en ce qui concerne la langue française et les genres du discours. Probablement, la publication des bandes dessinés est un essai de la rédaction pour rajeunir de cette façon son lectorat. Les fonctions communicatives de cette publication sont : • distraire • répondre aux intérêts de la partie le plus jeune des lecteurs •« fidéliser » les lecteurs.

147 4.6.5. La conclusion de la page La page L’Actualité est la dernière page du Figaro quotidien. Elle clôt la publication et en même temps ouvre la nouvelle entrée dans le journal. De ce côté, c’est une sorte d’anti-une. Si la une présente surtout l’information sérieuse et souvent critique, sur la dernière page on trouve les articles dont les fonctions sont plutôt la distraction et l’éloge.

4.7. Les publications commerciales Comme les recettes de vente du quotidien sont loin de satisfaire les besoins de la rédaction, le journal est obligé de mener sa propre activité commerciale. Les annonces (Carnet du Jour, Petites annonces et la publicité) y occupent une place importante pour les revenus du journal. Les avis financiers et judiciaires renforcent par contre plutôt l‘image du quotidien. Les publications commerciales composent un seul bloc d’après leur nature, mais elles sont distribuées sur toutes les pages. Le Carnet du Jour et petites annonces ont cependant leurs pro- pres pages.

4.7.1. Le Carnet du Jour Le Carnet du Jour remplit les fonctions suivantes : •d’un côté, la rédaction tire un profit en vendant la place pour les annonces d’ordre personnel ou familial concernant des mariages, naissances, décès, messes, etc.; •en publiant surtout les annonces des familles de la noblesse ou de la grande bourgeoisie, le Figaro met ce groupe de la population dans l’obligation sociale de ne se servir que de ce quotidien, même si les annonceurs ne font pas partie des abonnés ; •il satisfait la curiosité de ses lecteurs et lectrices en ce qui concerne la « vie mondaine » ; •il crée sa propre marque d’un journal de la classe dirigeante, ce qui améliore considérablement son plan-média.

Evidemment, il y a aussi un élément qu’on pourrait appeler « publicitaire ». Mais ce n’est pas une publicité pour Opel Omega, ni pour parfums Van Cleef & Arpels. C’est une publicité tout autre. C’est une mise en scène du lignage „de Untel“. Ce genre de texte est informatif, si l’on regarde les choses dans l’optique purement linguistique. L’énumération des titres honorifiques et de noblesse occupe une place beaucoup plus importante que l’annonce elle-même. Cette dernière présente une proposition avec un verbe à la forme passive (la messe sera célébrée) ou une périphrase verbale de style soutenu (être heureux d’annoncer, avoir la douleur de faire part, etc.) accompagnée d’un complément de circonstance.

Le Carnet du Jour, d’après sa mise en page, est la rubrique la plus sobre du Figaro. Le titre de la rubrique occupe les quatre colonnes centrales. Les titres des sous-rubriques (deuils, messes, anniversaires, etc.) sont composés en bas de casse et sont encadrés, le fer à gauche. Le texte est composé également fer à gauche avec un double interlignage entre les blocs. Les annonces sont séparées par un simple filet. Le nom de la personne concernée est en caractères gras. La symétrie de la rubrique est rompue par les annonces publicitaires. Elles sont encadrées, sur fond blanc. Les dessins sont pratiquement absents. Dans les encadrés on trouve également les numéros de téléphone du service.

148 4.7.2. Les petites annonces Les petites annonces présentent la publication faite à la demande d’un particulier. Il s’agit d’offrir ou de demander un bien ou un service (immobilier, la vie des automobiles, etc.). Des tarifs élevés garantissent des recettes non négligeables ( ≈ 10 % des recettes publicitaires ) pour le journal, le haut niveau des annonceurs augmente à son tour la notoriété du Figaro. L’annonce est rédigée en quelques lignes et dans un style abrégé, souvent conventionnel. La taille des caractères est inférieure à celle des autres rubriques et varie selon le prix. Les dimensions des colonnes sont également réduites : au lieu des 8 colonnes des rubriques informa- tives, une page de petites annonces peut en contenir 12. Mais les petites annonces concernant des offres d’emploi tendent à avoir un format important car elles servent également de publicité pour les entreprises qui les émettent.

4.7.3. Les annonces publicitaires Les annonces publicitaires ou la publicité tout court — publicité rédactionnelle et commerciale ou non-commerciale — sont des messages à caractère spécifique. Sous la publicité, nous comprenons tout genre de discours dont l’intention est d’améliorer les ventes d’un produit sur le marché — objet ou service. Bien sûr, les effets de la publicité dépassent largement le cadre étroit de la promotion de certains produits. La publicité aujourd’hui est un genre premier du discours, à côté des autres genres tels que les belles-lettres, le discours scientifique, religieux, etc. Le cadre communicatif de la publicité est caractérisé par l’homogénéité relative des émetteurs des messages. Ce sont presque exclusivement des entreprises qui rendent publiques une ou quelques-unes de leurs activités sur le marché. Les messages publicitaires ont également quelques traits communs, qui permettent de les rassembler dans un groupe plus ou moins cohérent, — ce sont des messages d’ordre incitatif en faveur des produits d’entreprises — émetteurs du message. Le côté consommateur des récepteurs du message permet également leur analyse comme un groupe homogène. Cette cohérence s’apparente au processus communicatif et aboutit souvent à la compréhension simpliste de la publicité. Nous allons faire la différence entre : – la publicité extra-rédactionnelle, c’est-à-dire la publicité conçue et exécutée par un autre organisme que la rédaction du quotidien, mais dont la rédaction effectue la publication — emplacement, impression, création du cadre publicitaire, etc., – la publicité rédactionnelle ; dans ce cas c’est la rédaction qui effectue la création d’un texte publicitaire pour un objet déterminé ; comme le style du discours et la mise en page de cette annonce prennent souvent la forme d’un article rédactionnel, ce genre de la publicité doit être précédé d’une remarque spéciale, ici il s’agit de « Publi-information », – la publicité rédactionnelle non-commerciale, c’est-à-dire des textes comportant tous les attributs du message publicitaire, mais pour cette publication la rédaction ne perçoit pas de l’argent. Tous ces textes sont caractérisés par une grande force persuasive. Plusieurs cas sont possibles et les particularités discursives vont être différentes s’agit-il d’un texte ayant pour but d’augmenter la notoriété d’une marque, de modifier ou de renforcer l’image de marque, de faire valoir un certain type d’arguments en faveur de l’achat de cette marque.

Dans le premier cas « la publicité rédactionnelle non-commerciale », c’est-à-dire une publicité non présentée au lecteur comme telle, mais dissimulée dans les articles du journal, offre des meilleures possibilités. Ces textes adoptent le style et la mise en forme d’un article rédactionnel. Un reportage sur l’activité d’une société, une interview avec son directeur, le

149 portrait d’un « décideur », une expertise indépendante, etc. fournissent des arguments et des faits en faveur d’un produit. Des chiffres, divers graphiques, ainsi que d’autres informations économiques et financières coexistent dans le texte avec des termes et abréviations relevant du domaine économique, donnant ainsi l’effet d’une information sérieuse pour le journal, et augmentant la notoriété d’une marque pour l’entreprise. Des courts articles portant sur des changements dans la direction, l’augmentation du capital de la société, l’évolution de chiffre d’affaires, les nouvelles stratégies économiques, peuvent d’une façon considérable modifier l’image de marque et servent souvent à des fins publicitaires. On obtient le même effet dans l’annonce en y insérant le texte contenant les données analogiques.

Des annonces publicitaires qui occupent beaucoup d’espace, qui sont imprimées en couleur et sont accompagnées d’une photographie ou d’un dessin et qui ne contiennent pratiquement pas de texte, mais seulement la mention d’une marque, ont pour but de renforcer l’image de marque. Au contraire, les annonces avec une partie textuelle plus importante que l’image et qui contiennent des mots avec une connotation positive (leader, exclusif, sommets de qualité) caractérisent plutôt le producteur que le produit et créent une image positive de la marque.

Des annonces soulignant les côtés forts d’un produit font valoir des arguments en faveur de l’achat de cette marque. Ce genre de texte contient beaucoup d’adjectifs — superlatifs absolus ou relatifs (p.ex. la montre, la plus contrôlée au monde…), des interpellatifs (p.ex. profitez, contactez, saisissez…), etc.

4.7.3.1. La publicité à la une En règle générale, la publicité apparaît à la une sur deux places - les « oreilles » en manchette et l’annonce publicitaire en bas de la page.

Les « oreilles » sont une spécialité du Figaro. C’est une publicité placée d’une façon symétrique à gauche et à droite du nom du quotidien. Ce genre de publicité est toujours encadré. Le recours à la couleur ou aux niveaux de gris est assez courant. D’habitude, cette publicité vise à renforcer l’image d’une marque. Une petite illustration, la marque et l’adresse suffisent pour atteindre ce but. La publicité d’un produit est rare en cet emplacement, car cette zone de la une ne va retenir l’attention du lecteur qu’une seconde — un temps insuffisant pour un texte dépassant un seul mot. Mais le nom d’une entreprise ou d’une marque en signe iconographique est parfaitement lisible et reste facilement dans le mémoire.

La publicité au rez-de-chaussée permettrait plus de souplesse en ce qui concerne les stratégies publicitaires. Mais, dans la plupart des cas, ces possibilités restent inaccomplies. En pratique, ce genre de publicité remplit souvent les mêmes fonctions que les oreilles. La différence est dans l’emplacement, les dimensions et l’exécution technique. Cette publicité est placée en bas de la une, sur la ligne de la lecture globale de la page. Par conséquent, elle est obligatoirement parcourue des yeux par le lecteur. Comme elle est encadrée, elle occupe un espace considérable (80 x 120 mm), contient plus de noir que les textes avoisinants, ou dans certains cas la couleur, elle va donc retenir l’attention. Mais, d’autre part, cette annonce placée à la une n’est pas lue attentivement et sans le contexte publicitaire, il n’est pas certain que cette annonce puisse comporter une information détaillée et convaincre le lecteur à l’aide d’arguments. Dans ce cas, la façon optimale d’utiliser l’espace, est de publier une sorte d’affiche, qui servirait à augmenter la notoriété de la marque ou à mémoriser le nom de l’entreprise donnée.

150 À côté de cette publicité, la rédaction insère parfois de la publicité interne — promotion des publications du groupe ou sous le nom du Figaro — Le Figaro économie, Le Figaro patrimoine, etc. C’est une petite annonce 55 x 35 mm en noir et blanc, encadrée, d’une exécution assez simple. Cette publicité annonce le jour de la parution, le titre de la publication et le thème principal du numéro. Ce type de publicité a la forme de renseignement sur le contenu des publications proches du Figaro et sert à fidéliser les lecteurs, les convaincre d’acheter la publication en question.

4.7.3.2. La publicité de La vie au féminin / au masculin La publicité sur les pages spécialisées de la Vie au féminin / au masculin joue un rôle sinon déterminant, du moins très important. Premièrement, la publicité occupe à peu près la moitié de la surface des pages spécialisées. Deuxièmement, le même thème réunit les textes rédactionnels et publicitaires. Parfois même, l’article rédactionnel parle du même sujet qu’une des annonces. Il est clair qu’on observe ici l’emploi du lexique commun (jusqu’au 20 - 25 % dans certains cas). Les textes placés sous le titre Publi-Information ont souvent un caractère informatif, mais le but illocutif est publicitaire. Ils informent sur les côtés forts d’un produit, d’un producteur ou d’une boutique. Cette partie de l’article est composée dans la forme objectivante. Seule la fin de l’article contient un conseil dans une forme indirecte, exprimé par exemple par un infinitif (Offrir un cadeau Porthault, c’est être sûr de les combler).

4.7.3.3. La rubrique Les adresses de Caroline Cette rubrique paraît normalement le samedi à côté de la rubrique Sur les marchés. Cette rubrique est séparée du reste de la page par le filet gras. Elle est composée du nom de la rubrique, des textes des annonces et du téléphone qu’il faut composer pour commander la publication dans cette rubrique. Au-dessus de la rubrique Les adresses de Caroline, la rédaction place également la mention Publi-information. Le nom de la rubrique est placé au milieu du texte. Il est encadré, centré sur deux colonnes sur trois et composé en caractères majuscules de grandeur quatre fois supérieure au texte. La contradiction intéressante s’installe entre la mention Publi-information et le nom de la rubrique Les adresses de Caroline. Si le nom de la rubrique suggère la participation d’une per- sonne (Caroline) dans la sélection des nouvelles, la mention Publi-Information indique que la publication de l’information sur cette place est achetée. Le principe de publication est ici le même que dans les rubriques de petites annonces, seulement les annonces publiées ici ne sont pas de celles des particuliers, mais celles des boutiques ou restaurants. Les annonces de cette rubrique sont de grandeurs différentes. Cela dépend bien sûr de prix exigé pour la publication dans cette rubrique. Les textes des annonces sont dans la plupart de cas titrés. Les titres de chaque article entretiennent des rapports étroits avec le texte et les textes des annonces de cette rubrique sont composés par des gens très différents – des responsables de communication des annonceurs publicitaires. De ce fait, les titres des annonces sont également très différents. Ils peuvent être informatifs (Halogènes de grande qualité, -15 % sur tous les articles de Noël), incitatifs (Vite fait. Bien fait…) ou autres. Les annonces de cette rubrique étant rédigées par la rédaction, on rencontre ici le plus souvent des titres informatifs de structure suivante : le nom suivi de deux point qui introduisent une explication – Colliers : réeniflages express… Certains titres sont des propositions régulières avec le sujet, le prédicat et le complément : Ce dégriffé est verticalement un as; Il restaure pendules. Les textes des annonces sont également très variés en ce qui concerne leur forme et leur

151 contenu. Les plus petites annonces n’ont que deux lignes (service ou produit proposés et l’adresse ou téléphone), les plus grandes en comportent une trentaine, ce qui élève l’annonce jusqu’au niveau d’un véritable article. Structure et intention sont très variées d’un article à l’autre. Ils peuvent aller d’un sens général de la publicité (rendre public l’information sur un produit ou un service) jusqu’à l’appel direct à consommer.

4.7.3.4. La publicité de la page la Vie des voyages Un tiers à la moitié de l’espace de la page est occupé par la publicité. C’est une rubrique Télex Voyages - Télex Voyage et les annonces des agences de voyage. La rubrique Télex Voyages - Télex Voyage organise l’information de façon schématique sous la forme d’un tableau à 7 colonnes : destinations, thèmes, durée du voyage, points forts, prix et adresse de l’agence. Le nom de la rubrique est placé en ligne supérieure du tableau. Les noms des colonnes, les destinations et les noms des agences de voyages sont composés en caractères gras, plus grands que le reste du texte. Le contenu des annonces publicitaires diffère beaucoup des autres annonces. Les raisons à cela se trouvent dans la spécificité de la stratégie publicitaire des agences de voyages, par comparaison avec les autres annonceurs publicitaires du Figaro. Quelques grands du secteur mis à part, les agences de voyages sont plus intéressées à conquérir des clients pour un voyage concret que de mettre en place une large campagne publicitaire pour l’amélioration de l’image de la firme. C’est pourquoi, la plupart des annonces sont très concrètes. Elles proposent un voyage bien déterminé à un prix qui est annoncé dans l’annonce.

4.7.4. La publicité politique Bien que rare, la publicité politique se fait parfois sur les pages du Figaro. Placée le plus souvent sur les pages spécialisées de Notre Vie, cette publicité appelle aux actions concrètes ou au soutien des associations qui ont des buts allant dans la même direction que la ligne rédactionnelle. Ainsi, le 6 mai 1996 sur la page 11 se trouvait l’annonce publicitaire des Contribuables Associés pour la réduction des dépenses publiques. Le texte de l’annonce a été précédé de la mention Publicité. Le voici :

Réduire les gaspillages publics et laisser 15 000 francs de plus à chaque foyer français, c’est possible On peut supprimer 400 milliards dans les dépenses de l’Etat, sans réduire la qualité des services publics. OCDE, FMI, CNPF,… Tous le disent. Aujourd’hui, le gouvernement essaye de nous faire croire à des baisses d’impôts d’ici l’an 2000. Mais qui peut y croire ? Où est le programme de réduction des dépenses publiques qui rendrait cette baisse crédible ? Les Français, ponctionnés davantage chaque jour, ne veulent plus de vagues promesses. Les 85 000 membres de Contribuables Associés interpellent les députés et réclament une réduction immédiate et substantielle des dépenses et des gaspillages publics. Vous aussi, vous pensez qu’il y a trop de gaspillages publics ? Rejoignez Contribuables Associés, association Loi 1901, indépendante des partis politiques. L’exemple est tiré du Figaro, 06.05.1996

152 A la fin de cette annonce se trouve le bon de soutien de l’action de cette association.

Comme toujours dans le cas de la publicité, le texte de l’annonce provient de sources extérieures à la rédaction. Mais le seul fait qu’une des associations à but politique ait choisi le Figaro comme support pour son annonce, en dit beaucoup sur la ligne politique de la rédaction et sur les convictions de ses lecteurs.

4.7.5. Les avis et les publications judiciaires La publication des avis judiciaires dans le Figaro est un signe d’acceptation du quotidien dans les milieux officiels français. C’est pourquoi, la rédaction veut continuer cette tradition, malgré le fait que ce matériel ne passe pas si bien dans la ligne rédactionnelle du journal. Ce dernier fait est souligné par les procédés typographiques : le filet gras sépare l’avis du reste de la page, les caractères de petite taille (6 jusqu’au 4 points) rend la lecture difficile, etc. C’est une lecture pour quelques spécialistes du domaine économique et la rédaction ne veut pas faire de cette rubrique un article à caractère sensationnel. Cette publication est effectuée sur ordonnance d’un tribunal et payée par les condamnés. Si la faute n’était pas trop grave et que la somme à verser au journal est limitée, la rédaction réduit encore la taille des caractères et fait des coupures du texte. Le style de cette rubrique est un des meilleurs exemplaires du français bureaucratique.

153 5. La conclusion Le journal quotidien est une marchandise. Il est fait pour être vendu. Mais la chaîne conception – production – diffusion s’avère très compliquée à cause du caractère multiple des médias (produit sur le marché économique, acteur sur le marché social et politique, support publicitaire, production discursive, etc.). Cette multiplicité de l’objet d’étude a déterminé le caractère interdisciplinaire de l’analyse. Aux termes de cette analyse sur l’exemple du Figaro, nous pouvons tirer un certain nombre de conclusions :

Le quotidien entretient des rapports complexes et, parfois, antinomiques avec plusieurs partenaires sociaux : •les lecteurs, •les annonceurs publicitaires, •les banques, •les agences de presse, •les autres médias, •l’opinion publique, •les partis politiques, etc. La complexité de l’analyse d’un journal quotidien est due non seulement à la multiplicité de ses partenaires, mais surtout à la simultanéité et à l’interdépendance des rapports entre eux. Par exemple, l’élaboration d’une structure d’un journal est dictée simultanément par plusieurs exigences : Premièrement, le regroupement thématique du matériel rédactionnel répond aux attentes des annonceurs publicitaires. En s’adressant à des catégories de lecteurs déterminées (la Vie au féminin, la Vie de l’automobile, la Vie de l’éducation, etc.) la rédaction prend en charge, d’un côté, les « satisfactions » de groupes divers et, de l’autre, garantit la lecture adéquate des annonces publicitaires destinées à cette catégorie de lecteurs (publicité des produits de beauté sur les pages de la Vie au féminin). Deuxièmement, ce n’est pas une simple énumération des thèmes à publier, mais une sorte de hiérarchie de thèmes et de sujets. Il s’agit en premier lieu de l’expression de la ligne rédactionnelle et de l’image que le journal veut donner de lui. Si par exemple nous renversons ce chemin de fer (les Opinions à la dernière page et Actualité au début du quotidien, suivie de la Vie au féminin, l’Art de vivre, Courses, Culture, etc.) nous allons concevoir un journal de type magazine. Le placement des petites annonces et des annonces publicitaires au début de la publication, avec la distribution de la matière rédactionnelle en bas de page, va se rapprocher de presque n’importe quel quotidien avec la quantité importante de publicité d’un de ces journaux gratuits qui ne vivent que de la publicité. D’un autre côté, il faut tenir compte de solutions proposées par les concurrents. C’est probablement la raison principale pour laquelle le Figaro place la Vie internationale avant les pages de la Vie politique en France. Troisièmement, l’élaboration de la structure de l’édition tient compte des comportements culturels des lecteurs. La structuration rigoureuse de la matière rédactionnelle, sa distribution en articles courts, l’habillage qui permet l’extraction rapide de l’information, tout cela doit satisfaire aux besoins d’une partie importante des lecteurs du Figaro.

Les thèmes présentés dans le journal peuvent être regroupés dans quatre blocs thématiques qui sont appelés à répondre aux intérêts de tous les partenaires du quotidien, en commençant par les thèmes touchant chaque Français jusqu’aux conseils « privés » — mode, cuisine, etc. : I. Bloc socio-politique (Opinions, la Vie internationale, la Vie politique)

154 II. La vie quotidienne (Notre Vie, Éducation, Sciences, Médecine) III. Les pages pratiques (Courses, Spectacles, Météo, Programmes de télévision et de radio…) IV. Publications commerciales (petites annonces, Carnet, publicité commerciale).

Le bloc socio-politique est composé de la page Opinions, la Vie internationale et la Vie politique. C’est essentiellement sur les pages de ce bloc que la rédaction du Figaro offre le matériel informant sur les événements et expliquant les faits politiques, leurs raisons et les conséquences. Les journalistes s’adressent ici aux lecteurs comme un citoyen français à ses compatriotes, sans tenir compte des différences de sexe ou des intérêts particuliers. Le bloc suivant — la Vie quotidienne — rassemble les pages spécialisées Notre Vie, Éducation, Sciences, Médecine. Il contient des textes qui décrivent certains aspects de la vie de la société française. Le journaliste ne s’adresse pas ici à tous les lecteurs du journal, mais essaie quand même d’aborder des thèmes assez généraux qui touchent une partie considérable d’entre eux. Le bloc des Pages pratiques comporte les pages spécialisées de la Vie de l’art, la Vie de l’automobile, la Vie au féminin / masculin, la Vie des voyages et les pages culturelles, regroupées à la fin du quotidien. Ici on trouve les rubriques Culture, la Vie des spectacles, Télévision-Radio, les Programmes de la journée. Cette partie du journal rassemble les actualités de la vie culturelle en France : expositions, spectacles, films, etc. Le matériel est bien classé et bien présenté, ce qui explique le succès de ces pages chez les annonceurs publicitaires. Les pages la Vie de l’art, la Vie de l’automobile, la Vie au féminin / au masculin, la Vie des voyages se trouvent entre les textes de distraction et les publications commerciales. Cette zone de transition offre en outre un support parfait pour la publicité commerciale. Jusqu’à 80 % de la surface de la page la Vie au féminin, par exemple, est attribué à la publicité. Mais la publicité de ce bloc diffère des annonces publicitaires des autres blocs, car, accompagnée de textes informatifs, elle peut être considérée également comme une sorte de renseignement sur le style des nouveaux modèles, les lieux où on peut acheter ou commander les vêtements ou les accessoires. Les publications commerciales composent un seul bloc d’après leur nature, mais sont distribuées sur toutes les pages du journal. Le Carnet du jour et les petites annonces ont cependant leurs propres pages. Le groupe des publications commerciales est représenté par les annonces publicitaires, les avis financiers ou judiciaires, les petites annonces, mais aussi le célèbre Carnet du Figaro… Les frontières entre ces blocs ne sont pas tout à fait nettes. Entre les trois blocs rédactionnels (socio-politique, de la vie quotidienne, des pages pratiques) existent des zones de transition assez larges. Le matériel appartenant au bloc des publications commerciales est distribué sur tout l’espace du journal. Les blocs thématiques sont composés à leur tour de pages spécialisées, qui contiennent une ou quelques rubriques. Certaines rubriques sont régulières (éditorial, météo, programmes de la télévision, etc.), les autres n’apparaissent qu’une ou deux fois par semaine.

En plus de l’organisation verticale d’après le principe thématique en pages spécialisées et rubriques, il existe l’organisation horizontale en genres de discours. Ces genres peuvent être regroupés d’après les fonctions dominantes. Les fonctions dominantes repérées au cours de l’analyse des genres journalistiques du Figaro sont les suivantes : • information, • opinion, • divertissement,

155 • conseil, • publicité. Les textes d’information rapprochent le lecteur du monde extérieur. Ils portent sur un événement. Les textes d’opinion portent, par contre, sur une idée. Ces textes ont pour but de changer la vision du monde du lecteur. Les textes de distraction sont appelés à changer l’état affectif d’une personne. L’intention des textes de conseil est d’influencer le lecteur dans une action voulue. Ils sont du domaine de la vie privée. Les textes publicitaires essaient d’inciter le lecteur à acheter un produit. D’après l’importance de la place attribuée (sans tenir compte de publications commerciales), l’information occupe le plus d’espace du journal mais dans l’ordre de présentation, les textes persuasifs la précèdent. Ce fait est d’une importance capitale pour la lecture de toute la publication — si le premier contact avec une information est le texte persuasif contenant l’opinion d’un journaliste bien connu, le lecteur se trouve déjà influencé et même les textes „objectifs“ vont être compris de la façon voulue par la rédaction. Donc, il y a la „mise en scène“, il y a la „focalisation“ et il y a la „manipulation“. Mais ce phénomène de manipulation existe partout dans le monde des médias, comme dans le champ littéraire ou dans le monde ecclésiastique. Compte tenu de l’importance des textes d’opinion pour le quotidien analysé, leur choix pour un examen plus approfondi se révèle légitime. Les textes d’opinion sont présents pratiquement dans toutes les parties du journal, mais placés dans des pages différentes du quotidien, ils signalent les différences nettes dans leurs caractéristiques linguistiques, qu’il s’agisse du lexique, de l’organisation syntaxique ou des fonctions discursives. Même les articles appartenant au même genre de discours diffèrent profondément lorsqu’ils apparaissent sur des pages spécialisées différentes. Ainsi, la critique bibliographique sur les pages sportives du quotidien ne présente que des livres sur les sports, de plus, elle est rédigée dans le style qui soutient le caractère informatif de la page et tient compte des particularités du lectorat du journal. La même rubrique dans les pages politiques ne diffère pas seulement par le choix des livres sur les thèmes de la politique, mais également par les fonctions secondaires de l’article qui s’harmonisent avec l’orientation persuasive de la plupart des textes de la page. De cette façon, l’analyse de ces échelles de genre permet la description plus précise d’un genre du discours particulier, tenant compte de caractéristiques supplémentaires : • le contenu thématique de la page, • son lectorat spécifique, • les fonctions discursives de la page, etc.

La nouvelle équipe de la direction du Figaro a apporté des changements importants dans la présentation et la structure du journal. Ces innovations éditoriales s’accompagnent de modifications dans les domaines économique, financier, etc. et ont pour but l’amélioration des caractéristiques qualitatives du lectorat et la stabilisation, de cette façon, de la position du quotidien sur le marché. La modification dans l’ordre de succession de la matière rédactionnelle (le déplacement de la page Opinions à la fin du bloc socio-politique) ne signifie pas l’abandon ou un changement de fond dans la réalisation de la stratégie persuasive, mais seulement de son côté technique. Si l’ancienne formule a exercé la stratégie persuasive préventive, la formation des opinions passant avant la lecture des textes informatifs sur le même sujet, la nouvelle formule pratique la stratégie corrective : les informations sont présentées au début et les textes persuasifs placés ultérieurement sont destinés à corriger l’élaboration des idées, des opinions et des croyances des lecteurs. Ces « innovations » séduiront-elles les nouveaux lecteurs? La question reste ouverte…

156 Les notes

1 Les résultats principaux de ce travail ont été publiés dans Große, Seibold, 1996, p. 115- 146. 2 Charaudeau, 1997, p. 5-6. 3 Mathien, 1989, p. 7. 4 Charaudeau, 1997, p. 6. 5 Bakhtine, “ L’Art et la responsabilité ”, p. 3. 6 Voir, Bakhtine, “ L’Art et la responsabilité ”, p. 3. 7 Charaudeau, 1997, p. 5. 8 Balle, 1997, p. 43. 9 Ibid, p. 46-53. 10 Ibid, p. 53. 11 Guéry, 1992, p. 100. 12 Par exemple la nouvelle sur la mort de Robert Hersant a été d’abord publiée dans le Monde et non pas dans les journaux de son groupe de presse. 13 Wouts, 1990, p. 19. 14 Mouillaud, 1989, p. 51. 15 Wouts, 1990, p. 24. 16 Mouillaud, 1989, p. 51. 17 Wouts, 1990, p. 24. 18 Ibid, p. 25. 19 Ibid, p. 25. 20 Guéry, 1992, p. 100. 21 Ibid, p. 75-76. 22 Ibid, p. 103. 23 Ibid, p. 103. 24 Ibid, p. 103. 25 Ibid, p. 103. 26 Ibid, p. 112. 27 Wouts, 1990, p. 163. 28 Bourdieu, 1979, p. 518. 29 Guéry, 1992, p. 97. 30 Ibid, p. 107. Wouts la détermine comme « une industrialisation de l’écrit » Wouts, 1990, p. 221. 31 Cayrol, 1991, p. 100. 32 Balle, 1990, p. 166. 33 Guéry, 1992, p. 99. 34 Cayrol, 1991, p. 100. 35 Guéry, 1992, p. 99. Voir également, F. Balle, 1990, p. 166 : La presse écrite constitue un exemple de ce que les économistes appellent une production « conjointe ». Deux produits techniquement liés sont vendus sur deux marchés différents. 36 Wouts, 1990, p. 127. 37 Guéry, 1992, p. 107. 38 Ibid, p. 108. 39 Wouts, 1990, p. 229-230. 40 Guéry, 1992, p. 95. 41 Wouts, 1990, p. 41. 42 Ibid, p. 41.

157 43 Ibid, p. 41. 44 Ibid, p. 41-42. 45 Balle, 1990, p. 172-173. 46 Bourdieu, p. 140-141. 47 Wouts, 1990, p. 249. 48 Ibid, p. 251-252. 49 Guéry, 1992, p. 99. 50 Cayrol, 1991, p. 102. 51 Ibid, p. 102. 52 Wouts, 1990, p. 90. 53 Cayrol, 1991, p. 135. 54 Ibid, p. 101. 55 Truck, 1973, p. 40. 56 Cayrol, 1991, p. 101. 57 Ibid, p. 100-101. 58 Wouts, 1990, p. 129. 59 Mouillaud, 1989, p. 11. 60 Ibid, p. 50. 61 Ibid, p. 6-7. 62 Ibid, p. 6-7. 63 Große, 1994, p. 33. 64 Ibid, p. 33. 65 Voir, Bakhtine, 1986, p. 454-455. 66 Bakhtine, 1978, p. 58. 67 Decrosse, 1993, p. 27. 68 Greimas, 1972, p. 62. 69 Publication assistée par ordinateur. 70 Combe, 1992, p. 9. 71 Große, 1994, p. 33. 72 Voir, Bakhtine, 1984, p. 265. 73 Ibid, p. 266. 74 Voir, Deconick, 1973, Maquardt 1985 et autres études comparatives des genres journalistiques. 75 Voir, Bakhtine, 1984, p. 267-268. 76 Große, 1994, p. 33. 77 Voir, Combe, 1992, p. 10-12. 78 Voir, Schramm, 1964, p. 19: Sie erblicken Farbstrukturen, die Sie als Wörter deuten. Aber diese Strukturen haben ihr eigenes Wesen. Verschieden Drucktypen haben Neben- bedeutungen: einige erscheinen graziös, andere kräftig, einige grob und plump, endere flink und sachlich. Die Typengröße bedeutet etwas im Hinblick auf die Bedeutsamkeit dessen, was Sie lesen. Die Qualität des Papiers sagt Ihnen etwas. Der Umfang der weißen Zwischenräume hat auf Ihre Beurteilung des Geschriebenen einen Einfluß. Sobald ein Bild den Text begleitet, übermittelt es eine getrennte Information. Falls der Text eine Überschrift trägt, so haben Sie eine besondere Art »Wegweiser« der Kommu- nikation vor sich, die uns sehr häufig begegnet und uns einen Vorgeschmack der Bedeu- tung gibt. 79 Voir, Bakhtine, 1984, p. 265. 80 Bakhtine, 1984, p. 270. 81 Le Journal de la Corse est fondé en 1804. 82 Étienne Arago devient en 1870 maire de Paris.

158 83 Brunois, 1977, p. 17. 84 Ibid, p. 15. 85 D’après le Décret du 23 février 1852, cette caution était de 60 000 F. 86 Bellanger, 1969, t. 3, p. 196. 87 Voir, Bellanger, 1969, t. 2, p. 299-300. 88 Lettre à Frédéric Delmer, 24 décembre 1861. Cit. d’après : Delmer, 1988, p. 216. 89 Les exemplaires invendus d’un numéro. 90 Le Figaro a offert, p. ex. un presse-papiers de marbre taillé dans les Tuileries en ruines “ pour récompenses les fidèles de l’Empire ”. Voir David, 1971, p. 220. 91 Sur le catalogue assez complet des publications sur l’affaire, voir Brunois, 1977, p. 20. 92 Voir, Bellanger, 1969, t. 3, p. 350. 93 Le rapport à l’assemblée générale de 1905, cit. d’après Bellanger, 1969, t. 3, p. 350. 94 François Sportuno, né en 1874 en Corse et mort le 25 juillet 1934. 95 En fait, officiellement il ne prit le titre de directeur politique qu’en octobre 1927 après la mort de Robert de Flers, invité de nouveau par Coty au Figaro. 96 Voir, Bellanger, 1969, t. 3, p. 539. 97 Son activité politique se limitait d’abord au financement de deux organisations d’extrême droite — Faisceau, puis Croix-de-Feu, mais il passe en 1933 à l’action directe en participant activement en organisation du mouvement Solidarité française. Voir, Winock, 1993, p. 172-174. 98 Cf. Bellanger, 1969, t. 3, p. 540. 99 Voir, Berstein, 1990, p. 465. 100 En juin 1932 il ne vendait guère plus de 10 000 numéros par jour. Voir, Bellanger, 1969, t. 3, p. 540. 101 Louis Latzarus, jusqu’en 1923, Henri Vonoven jusqu’en février 1925, Lucien Romier, André Chaumeix et René Lara, Lucien Corpechot, enfin Simon Arbellot qui partit en février 1933. Bellanger, 1969, t. 3, p. 540. 102 Sur les circonstances de cette affaire, voir Perier, 1976, p. 26. 103 Fils d’Adolphe Brisson et d’Yvonne Sarcey, petit-fils de Francisque Sarcey, Pierre Brisson a dirigé Les Annales et a été critique dramatique du Temps avant de devenir le directeur du Figaro en 1934 et président-directeur général de 1950 à sa mort en décembre 1964. Bellanger, 1969, t. 4, p. 279. 104 Voir, Bellanger, 1969, t. 3, p. 544. 105 Ibid, p. 544. 106 Ibid, p. 544. 107 David, 1971, p. 223. 108 Mme Léon Cotnearnu a quitté la France pour les États Unis pendant la guerre. 109 Pierre Brisson est mort le 30 décembre 1964. 110 Ce conflit est décrit en détail en Bellanger, 1969, t. 5, p. 105-107, 308 et sv. 111 Ibid, t. 5, p. 107. 112 Ibid, t. 5, p. 107. 113 Perier, 1976, p. 15-16. 114 Roland Hersant detenait 15 % du capital de Socpresse, ses enfants – 9,3 %. En outre Rolande Hersant possède L’Eclair, son fils Philippe dirige le groupe France-Antilles avec le chiffre d’affaires 1 milliard de francs. 115 Cayrol, 1991, p. 204. 116 Jean d’Ormesson — le comte d’Ormesson, fils d’un ambassadeur de France. Il formé aux prestigieux lycées Louis-le-Grand et Henri-IV, fait ensuite ses études à l’École normale supérieure. Il est licencié en histoire et ès lettres. Il obtient l’agrégation de philosophie. Il devient secrétaire général du Conseil international de la philosophie et

159 des sciences humaines à l’UNESCO. J. d’Ormesson est connu dans le grand public comme écrivain et comme membre de l’Académie française. Il est directeur général du Figaro sous J. Prouvost. Après, il quitte son poste de directeur. 117 Robert Hersant investit 1 milliard de francs pour l’imprimerie à Roissy. La chaîne informatique du journal est de plus exemplaires en France. 118 P.ex. Grande agence d’informations, communications, services qui s’occupe de la collecte d’informations générales et de reportage pour les journaux du groupe. 119 Winock, 1993, p. 247. 120 Yves Christen, Christian Durante, Alain Lefebvre, Michel Marmin, Grégory Pons, Patrice de Plunkett, Jean-Claude Valla, Henri-Christian Giraud. Voir, Taguieff, 1994, p. 222. 121 Ibid, p. 223. 122 Médiapouvoirs, sept.-oct. 1989, p. 26. 123 Ibid. 124 Ibid. 125 Source : Diffusion Contrôle OJD. 126 En 1997 Office de justification de la diffusion est transformé en Diffusion-Contrôle. 127 Voir, Le Monde, 21 mai 1997, p. 29. 128 Le Monde, le 12.02.1999. 129 Le Monde, le 12.02.1999. 130 Le Monde, le 30.11.1999. 131 Figaro économie: Jean de Belot, Informations générales: Ivan Rioufol, Figaro littéraire: Jean-Marie Rouart, Pages Opinions: Max Clos, Politique intérieure: Christine Fauvet- Mycia, Politique étrangère: Pierre Rousselin, Communication et médias: Emmanuel Schwartzenberg, Culture: Armelle Héliot, TV-Radios: Dominique Borde, Arts: Jean- Marie Tasset, Spectacles: Jean-Luc Wachthausen, Sciences et médecine: Michèle Biétry, La vie à Paris: Jean-Luc Nothias, La vie au Féminin: Dominique Savidan, Tourisme: Gabriel Sacrez, Sport: Jean-Christophe Papillon. 132 Antoine-Pierre Mariano, Daniel Seguin, Christian Grisey. 133 Alain Peyrefitte était le président du comité éditorial du Figaro, sénateur et membre de l’Académie française. Il fut huit fois ministre sous Charles de Gaulle, Georges Pompidou et Valéry Giscard d’Estaing. Auteur de plusieurs ouvrages, dont certains sont devenus best-sellers : Quand la Chine s’éveillera, Le Mal français, C’était de Gaulle, etc. Dans chaque cas exceptionnel, il signa les éditoriaux du Figaro, mais est également l’auteur de plusieurs articles du bloc culturel du quotidien. Mort le 27 novembre 1999. 134 L’interview d’Yves de Chaisemartin au Monde. Le Monde, 30.11.1999. 135 Actuellement, 25 francs. 136 Louis Pauwels — rédacteur en chef de Combat ( 1949-1955 ), directeur du magazine Arts ( 1952-1955 ), directeur de la rédaction de Marie Claire, fondateur de la revue ésotérique Planète (1961-1966), responsable des services culturels du Figaro depuis 1977. Il reçoit de Robert Hersant la charge de lancer en 1978 le Figaro-Magazine. Auteur de quelques livres. 137 Janimet, 1983, p. 78. 138 Le Monde, 14.10.1998. 139 Le Monde, 14.10.1998. 140 Guéry, 1992, p. 37. 141 Ce nombre constitue le tirage de la publication. 142 Voir schéma 11. 143 Presque la moitié des numéros sont vendus en province. Voir schéma 7. 144 Les Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne (N.M.P.P.) sont responsables de la

160 diffusion de la plupart des journaux en France. 145 Voir schéma 11. 146 Le prix de cette forme d’abonnement est de 2 290 FF par an ce qui représente un surcoût de 500 francs par rapport à l’achat au numéro. 147 L’annonce publicitaire du Figaro-Publiprint. 148 Voir, Cayrol, 1991, p. 100. 149 Art. 2. des “ Conditions générales de vente et de règlement ” du Figaro. 150 Brisson, 1990, p. 258-259. 151 Sur L’Office de Justification de la diffusion (OJD) voir Cayrol, 1991, p. 139. 152 Voir Große, Seibold, 1994, p. 54. 153 Cayrol, 1991, p. 101. 154 Voir, Cayrol, 1991, p. 98. 155 Le Figaro, 1854, N° 2. 156 Le Figaro, 1854, N° 1. 157 Bellanger, 1969, t. 3, p. 287. 158 Voir, Große, 1996, p. 15-31. 159 Voir, Mouillaud, 1989, p. 6. 160 “ L’homme d’esprit sait s’y conformer et se montrer frivole en apparence, tout en restant grave et sérieux au fond ”, Le Figaro, N° 1, 2.04.1854. 161 Voir, Mouillaud, 1989, p. 6. 162 Cf. Martin-Laradette, 1987, p. 82 : “ L’éditorial doit jouer un noble rôle : défense d’une idée, éveil des consciences sur telle situation, etc. Il peut aller de la profession de foi à l’appel public, en passant par l’agitation, la dénonciation d’un fait ou d’une situation ou le coup de gueule indigné. Il s’agit moins d’informer que d’utiliser un fait pour atteindre un but précis. ” 163 Cf. Leclerc, 1991, p. 289 : “ Le rôle de l’éditorial n’est plus de parler la vérité, mais de fournir un éclairage différent sur des événements. ” 164 Voir, Mouillaud, 1989, p. 187-188. 165 Imbert, 1988, p. 101. 166 Voir, chapitre 3.2. 167 Conversation avec Jacques Faizant au Centre de la création industrielle, Centre culturel…, p. 140. 168 Grosse, 1996, p. 22. 169 Voir, Mouillaud, 1989. 170 Grosse, 1996, p. 55. 171 Brand, 1990, p. 124-125. 172 DFC, 1980. 173 Voir, A. Freund, 1991, p. 38-39. 174 Voir, Annie Kriegel, „Professeur et éditorialiste au Figaro“, in Histoire et médias, 1991, p. 174-186. 175 Exemples sont tirés de l’article de Christine Clerc (Le Figaro, 9.11.92). 176 Rachid Kaci traite le comportement politique de la gauche de l’hipocrisie, de la supercherie et de la manipulation, la gauche pour lui est prête à tout pour retrouver le puvoir, etc. 177 Sens technique du mot. 178 Le Figaro, 14.09.93. 179 Le Figaro, 14.09.93. 180 Le Figaro, 05.03.96. 181 Beaumarchais, 1994, p. 1204. 182 Voir, Mouillaud, 1989.

161 183 Noelle-Neumann, 1983, p. 73. 184 Voir infra. 185 Voir, Le Figaro du 24.01.96. 186 Calcul est fait sur la base d’un reportage États-Unis : deux poids, deux mesures (Le Figaro, 07.09.1992). 187 Cf. Mouillaud, 1989, p. 65. 188 Le Figaro, 10.04.1996. 189 Brimo, 1977, p. 124-125. 190 Le Figaro, 24.04.96. 191 Voir, infra. 192 Le Figaro, 24.01.96. 193 Voirol, 1995, p. 97. 194 Sur les Nouvelles à la main, voir page supra. 195 Mouillaud, 1989. 196 Le Figaro, 08.12.95. 197 Le Figaro, 08.12.95. 198 Le Figaro, 24.04.96. 199 Le Figaro, 09.05.96. 200 Le Figaro, 09.05.96. 201 Le Figaro, 24.04.96. 202 Le Figaro, 24.01.96. 203 H.-H. Lüger, 1995 p. 38. 204 Le Figaro, 10.04.96. 205 Un exemple cité plusieurs fois : la phrase “ il pleut ” est parfois comprise comme un conseil “ prends ton parapluie ”. Voir à ce sujet Apostel, 1980 ; Mœschler, 1982 ; Attal, 1984. 206 Vanderveken, 1988, p. 108. Cit. d’après Trognon, 1994, p. 76. 207 Voirol, 1995, p. 96. 208 Tarif de la ligne : 113,85 F T.T.C. la semaine et 125 F T.T.C. le samedi pour un texte comportant un minimum de 10 lignes. Les lignes comportant des caractères gras sont fracturées sur la base de deux lignes ; les effets de composition sont également payants. 209 Prix à la ligne est de 266,85 F T.T.C. pour une annonce entre 10 et 20 lignes. 210 Par exemple, les annonces précédées du sigle • indiquent une vente aux enchères des chambres de notaires. 211 Par exemple, Le Figaro du 23 mai 1995 contient l’article sur La boutique Porthault sur la page 15 et l’annonce de la même boutique sur la page 17.

162 La bibliographie

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