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OPTIONS DE GESTION DES PARCOURS ET STRATEGIES INDIVIDUELLES ET COMMUNAUTAIRES DES AGRO- PASTEURS DU CENTRE ET DU SUD TUNISIEN
by Mohamed Elloumi, Nouredine Nasr, Salah Selmi, Salah Chouki, Frej Chemak, Nasr Raggad, Ali Nefzaoui et Tidiane Ngaido
Institut National de la Recherche Agronomique de Tunisie Rue Hédi Karray, 2049 Ariana, Tunisie
A Paper Prepared for the International Conference on Policy and Institutional Options for the Management of Rangelands in dry Areas May 7 - 11, 2001 (Hammamet, Tunisia)
Contenue
Introduction ...... 1 Problématique, hypothèses, politiques, institutions ...... 1 Transformation des systèmes fonciers ...... 1 Dynamique des systèmes d’élevage...... 3 Des modes de gestion différenciés ...... 4 Méthodologie ...... 5 Choix des sites...... 5 Les diagnostics participatifs...... 5 Les enquêtes par questionnaire ...... 5 Atelier national...... 6 Résultats et discussion...... 7 Caractérisation des sites ...... 7 Description technique...... 9 Productivité comparée des parcours étudiés ...... 14 Analyse institutionnelle...... 15 Dynamique des systèmes, des acteurs et des institutions de gestion des parcours ...... 15 Les institutions intervenant dans la gestion des terres privées de parcours ...... 16 Les institutions intervenant dans la gestion des terres collectives de parcours...... 17 Les groupements et coopératives PAM...... 18 Les groupements de développement agricole GDA...... 18 Le conseil de gestion des terres collectives...... 19 Le conseil de tutelle locale...... 19 Le conseil de tutelle régionale...... 19 Analyse économique ...... 20 Caractérisation de l’échantillon enquêté ...... 20 Les structures familiales...... 20 Caractérisation des exploitations...... 22
Elevage et pastoralisme...... 25 Le revenu: formation et affectation...... 28 Les investissements...... 29 Analyse multivariée...... 31 Typologie des systèmes de production des sites du Centre ...... 31 Typologie des systèmes de production du Sud ...... 33 Analyse économétrique...... 35 Conclusion générale ...... 38 Références bibliographiques ...... 40
Introduction
La Tunisie couvre une superficie de 16,4 millions d’ha. Les parcours occupent environ 5,5 millions d’ha dont environ 87% sont localisés dans les régions arides (45%) et désertiques (42%). Le reste des parcours se réparti est localisé dans les zones semi arides (9%), humide et sub- humide (4%). Ces parcours contribuent selon les années avec 10 à 25% dans la couverture des besoins du cheptel, contre environ 65% dans les années 1960 (Banque Mondiale, 1995).
Cette régression est due à la diminution de la superficie des parcours et à l’augmentation du cheptel. En effet, au cours des quatre dernières décennies, le cheptel est passé de 1,3 à 3,9 millions d’unités femelles pour les ovins et de 250.000 têtes à 750.000 têtes ovines. Environ 72% des effectifs ovins et 81% des effectifs caprins se trouvent dans le Centre et le Sud du pays (Banque Mondiale, 1995).
Les parcours sont sous divers statuts fonciers : - Parcours forestiers : 970.000 hectares - Parcours alfatiers : 743.000 hectares - Parcours collectifs et domaniaux 2 500.000 hectares - Parcours privés à l’indivision 85.000 hectares - Parcours privés 1 200.000 hectares
Les parcours sont soumis à différents modes de gestion dont l’exploitation est, dans la majorité des cas, collective. Selon leurs statuts, différentes institutions interviennent directement ou indirectement dans leur aménagement et leur gestion. Les parcours sont confrontés à des problèmes liés à leur gestion institutionnelle, socio- économique et technique. Dans un objectif d’analyser des options de gestion des parcours dans le Centre et le Sud de la Tunisie, une équipe pluridisciplinaire du projet intégré élevage/cultures dans les zones à précipitation limitée de l’Asie de l’Ouest et de l’Afrique du Nord (projet Mashreq/Maghreb) a réalisé des recherches dans des sites représentatifs des parcours et des modes de gestion. Le texte qui va suivre présente les résultats des travaux de cette équipe.
Problématique, hypothèses, politiques, institutions
Transformation des systèmes fonciers
Les terres collectives (ou terres des "arouchs"), couvraient à l'aube de l'Indépendance de la Tunisie (1956) environ 3 millions d'ha, soit près du 1/5ème du territoire national et le 1/3 des terres agricoles (Nasr et Bouhaouach, 1997). Ces terres appartiennent dans l'indivision aux collectivités ethniques et sont situées principalement dans le Centre et le Sud du pays. Leur exploitation se fait par la céréaliculture et par le pâturage des troupeaux des membres des collectivités sans pour autant qu'ils aient de titre foncier.
- En Tunisie, le processus de privatisation des terres collectives a commencé dès les premières années du protectorat par leur délimitation. Un peu plus tard (décret du 14/1/1901) il y a eu
1 une reconnaissance aux tribus du droit de jouissance sur ces terres. Puis, le décret du 23/11/1918 qui reconnaît le droit de jouissance des tribus comme un préalable au droit de propriété des terres collectives dans les territoires militaires du sud-est, (territoire des tribus Ouerghemma). Enfin, des procédures d’attribution des parcelles des terres collectives mise en valeur ont commencé (décrets du 28-12-1918 et du 7-1-1935) (Hamdi, 1996).
- Dès l’indépendance, d’importantes réformes ont touché les structures foncières, avec une volonté de procéder à un apurement des terres « habous », collectives etc. Ainsi, les anciens textes relatifs aux terres collectives ont été refondus et adaptés aux conditions nouvelles de la Tunisie indépendante. Les conditions de privatisations des terres collectives mise en valeur ont été clarifiées ( loi N° 59-83 du 21/7/59). Ce fût alors la reconnaissance de la conversion du droit de jouissance en droit de propriété sur les terres collectives qui ont perdu leur vocation pastorale par la mise en valeur agricole. - Le processus de privatisation des terres collectives va s’accélérer après la période collectiviste. L'attribution est alors effectuée par décret à titre privé sous forme individuelle en faveur des membres des collectivités qui sont représentés par des conseils de gestion. Ce conseil est élu par les membres de la collectivité qu'il représente et constitue l'élément moteur de la mise en valeur de la terre collective et de la promotion sociale des membres de la collectivité. La privatisation des terres collectives va progresser surtout grâce à la formule d'attribution dite accélérée. Cette formule d'attribution se base sur de simples enquêtes possessoires menées par les services techniques en collaboration avec les conseils de gestion, ce qui la différencie de la formule dite normale. Cette dernière se base sur des levés parcellaires, ce qui lui donne l'avantage d'être précise, mais elle est lente et coûteuse. Plus tard ( loi 79-27 du 11 Mai 1979), la remise des titres de propriétés individuelles a été accélérée pour permettre aux agriculteurs d’accéder aux crédits agricoles instaurés en parallèle. - Enfin, à la fin des années 1980 un processus de décentralisation s’est mis en place pour faciliter et accélérer l’apurement des terres collectives. Ainsi, la loi n° 85-5 du 8/2/1988 complète celle de 64-28 du 4/6/1964 surtout en matière de décentralisation des travaux d'attribution et ce par la création d'un conseil de tutelle locale à l'échelle de chaque Délégation (où existent des terres collectives) et d'un conseil de tutelle régionale à l'échelle du Gouvernorat. Cette nouvelle loi a pour principal objectif d'accélérer l'apurement foncier des terres collectives.
Ainsi, après presque un siècle d’apurement foncier et surtout de partage des terres collectives en Tunisie, les résultats sont les suivants (Nasr et Bouhaouach, 1997) : - Le partage et l’attribution d’environ 1,3 millions d’ha de terres collectives. Il reste à partager environ 200 000 ha de terres collectives, les dossiers les plus difficiles restent à traiter - La délimitation et la soumission sous le régime forestier d’environ 600 000 ha de parcours. - Il reste à gérer plus de 1 million d’ha de parcours collectifs non délimités.
L’apurement des terres collectives a permis la mise en valeur de la majorité des terres de parcours collectifs dans le Centre de la Tunisie.
2 Au cours de la période 1971-1992, la régression des superficies pastorales a atteint 1 million d’hectare de bons parcours transformés en arboriculture et céréaliculture. Face à cette régression, l’effectif du cheptel n’a pas cessé de progresser.
Dynamique des systèmes d’élevage
Du système pastoral au système agro-pastoral intensif dans le centre
Dans le Centre de la Tunisie le processus de privatisation des terres collectives s’est traduit par la mise en valeur par l’arboriculture et les périmètres de la majorité des anciens terrains de parcours collectifs. Cette transformation s’est accompagnée par la sédentarisation des pasteurs nomades et semi-nomades de la région du Centre. Suite à ces transformations la taille des troupeaux a été fortement réduite et intégré à l’exploitation agricole. Cette intensification de l’élevage s’est accompagnée par le remplacement de la race barabarine à grosse queue par la brebis queue fine algérienne. Dans les régions du Centre de la Tunisie (Gafsa et Sidi Bouzid), nous sommes maintenant en présence de systèmes d’élevage intensifs et intégrés à l’exploitation agricole. Les relations avec les grands parcours sont presque totalement rompues et l’utilisation des bergers est presque absente.
Du système pastoral à grandes transhumances au système agro-pastoral extensif dans le sud
Dans le passé, l’élevage était basé sur l'exploitation des vastes parcours du Sud de la Tunisie, avec des transhumances vers les régions du Centre et vers des parcours dans les pays voisins (Algérie, Libye). Des mutations socio-économiques ont été la base de la transformation des systèmes d'élevage pastoral; la privatisation des terres collectives dans le Sud et dans le Centre était au centre de ces mutations.
Dans les grands parcours steppiques du sud les grands troupeaux de plus de 500 têtes, assez fréquents dans le passé, deviennent très rares. Les troupeaux sont de taille moyennes avec une forte proportion d’éleveurs qui possédant moins de 20 têtes. Selon l'importance du troupeau et sa composition, l’importance de la main d’œuvre familiale et les activités de ses membres, les éleveurs font recours à l'un des modes de gardiennage pratiqués dans la région: Gardiennage par la famille, recrutement d'un berger, contrat d'association ou "khlata" (voir Nasr, 1995 pour le Dahar et Nasr et al, 2000 pour El-Ouara). Les contrats d’association sont les mieux adaptés aux objectifs des petits éleveurs et surtout des bergers saisonniers qui ont besoin de se libérer pendant 3 à 4 mois pour s'occuper de leurs champs: céréaliculture, récolte de figues, etc.
Dans ces systèmes, le développement de l'oléiculture faisant surtout suite au partage des terres collectives, a favorisé une complémentarité entre l'agriculture (feuilles d'oliviers ou "sriaa", grignon d'olives ou "fitoura", paille ou "tbin", foin local ou "khortane", orge, etc.) et l'élevage en milieu aride. En outre, l’élevage bénéficie du soutien des revenus non-agricoles qui financent la transition du système d’élevage pastoral (lié à l'exploitation des parcours) vers un système d’élevage plus intégré à l'agriculture et au marché des aliments de bétail (Abaab et Nasr, 1996)
3
En somme, les espaces pastoraux continueront à voir leurs structures foncières et leurs paysages agraires évoluer progressivement, mais d’une façon irréversible, vers un système agraire à dominante agricole en concomitance avec l'apurement foncier des terres collectives (Abaab et Nasr, 1996).
Des modes de gestion différenciés
Il existe en Tunisie cinq principaux modes de gestion des parcours qui se distinguent chacun par une problématique particulière.
Mode de gestion « Coopérative ». Le système coopératif dans le secteur de l’élevage et par l’exploitation et la gestion des parcours est toujours resté embryonnaire au moment où le regroupement des agriculteurs-éleveurs en association ou groupements coopératifs est souhaité par les pouvoirs publics afin d’avoir des vis- à-vis organisés et crédibles permettant le désengagement de l’Etat. Les coopératives qui ont existé ont été de type PAM (Programme Alimentaire Mondial) crées pour assurer la distribution des aides alimentaires à leurs adhérents. Ces coopératives ont participé aux programmes de mise en valeur des espaces pastoraux par l’introduction des réserves fourragères sur pied. Leur situation actuelle (endettement, gel de fonds, etc.) fait que ces dernières ne sont plus en mesure d’accomplir leur tache et sont en voie de dissolution et de transformation en d’autres structures socioprofessionnelles.
Mode de gestion de type privé. Il concerne les terrains de parcours localisés dans une exploitation appartenant à une personne physique ou un groupe bien identifiés. C’est la parcelle de terre incultivable gardée pour le pâturage qui peut être ou non amélioré par différentes techniques. Les problèmes liés à cet espace pastoral privé sont : exiguïté des parcelles, affectation des terres marginales, gestion irrationnelles, usage multiple.
Mode de gestion de type tribal non aménagé Il concerne les parcours collectifs non aménagés soumis ou non au régime forestier (surtout pour les grands parcours du Sud) pour lesquels il manque beaucoup d’infrastructure : points d’eau, piste, etc. Ces parcours sont exposés à une exploitation anarchique ou un manque d’exploitation dans les zones d’accès difficile.
Mode de gestion de type tribal aménagé. Ce sont des parcours collectifs souvent soumis sous le régime forestier et dans lesquels il y a eu des aménagements : amélioration pastorale, points d’eau, etc. La problématique de ces parcours est liée à la forte intervention de l’administration (direction générale des forêts) et le faible engagement des populations dans la gestion des terres aménagées. D’autre part l’aménagement des points d’eau entraîne la surexploitation des parcours dans les environs de ces aménagements.
4 Méthodologie Choix des sites
Pour étudier et analyser les différentes situations de gestion de parcours dans le Centre et le Sud de la Tunisie, nous avons choisi des sites représentatifs des statuts fonciers d’une part et des modèles d’aménagement et de gestion d’autre part. - Dans les parcours privés, nous avons choisi la zone de Bir Amama (Bir Lahfay à sidi Bouzid) où il y a un parcours privé d’environ 170 ha plantés en cactus. - Dans les anciens habous et enzels, nous avons choisi la zone d’El-Khaima (Mezzouna à Sidi Bouzid). Le parcours appartient à la communauté des Haouchine. Il est soumis sous le régime forestier et couvre environ 500 ha. Ce parcours est amélioré par des arbustes fourragers autochtones. - Dans les terres collectives, nous avons choisi les situations suivantes :