PORTRAIT SUR LE PARKING DES ANGES CHANTEUR À SUCCÈS, l’acteur Marc Lavoine s’est récemment imposé sur les planches. Artiste protéiforme, il travaille actuellement à l’adaptation de son premier livre, L’homme qui ment, au cinéma et à la sortie de deux nouveaux albums. Rencontre avec un artiste singulier qui passe sa vie sur les routes.

TEXTE OLIVIER BAUER PHOTOS GILLES LEIMDORFER

arc Lavoine cherche une brosse vement la Ford Mustang de Jean-Louis Trintignant dans le salon de la suite im- dans Un homme et une femme (1966), puis celle périale de l’hôtel Shangri-La. de Steve McQueen dans Bullit (1968). « Les films Juste avant de se rendre à l’in- sont attachés à des sons, à une mécanique particu- terview, son chat s’est amusé à lière. Que ce soit pour les autos ou les motos. Sou- se frotter sur son costume noir. venez-vous de L’Équipée sauvage (1953) ou d’Easy M L’homme au regard azur est à la fois amusé et en­­ Rider (1969) ! Le vrombissement exprime une nuyé. Attentif au regard des autres aussi. fureur de vivre. Il existe une pulsion sensuelle L’ambassadeur Mercedes-Benz n’habite pas très très forte autour du vrombissement. C’est ce que loin, il est venu à pied au rendez-vous. Il aime dit Gainsbourg lorsqu’il chante Harley Davidson, marcher, presque autant que rouler. « J’avais suivi Ford Mustang ou Melody Nelson et sa Rolls quelques cours de conduite il y a une vingtaine d’années pour le tournage de L’Enfer de Chabrol. Je devais conduire une Triumph bleue et j’avais prévu de passer mon permis à cette occasion ; une échéance que j’ai souvent repoussée. » Un de ses proches précise qu’il a longtemps refusé­ de pas- Marc Lavoine ser son permis pour le seul plaisir d’être conduit par des femmes. « C’est vrai », confesse-t-il derrière en deux voitures un demi-sourire. « Pendant longtemps, j’ai laissé ma vie conduire comme elle voulait. Ça me permet- tait d’être concentré sur les chansons, les spec- tacles, les pièces de théâtre, les films, etc. Je pré- férais ce monde-là au monde réel. En vieillissant, j’ai appris à aimer le monde réel. Je me suis dit que c’était maintenant l’heure d’être responsable MA VOITURE et de conduire ma vie moi-même. Et avoir un per- ACTUELLE mis de conduire, c’est conduire sa vie, non ? Finale-­­ Le Nouveau GLC 350 d. ment, les artistes sont profondément ancrés dans la réalité. Peut-être qu’avant je faisais ce métier pour la fuir. Au-jourd’hui, je le fais pour la retrou- ver. En tout cas pour la vivre pleinement. »

ANCRÉ Histoires de voitures DANS LA RÉALITÉ Entre la réalité et le monde des chimères vivent Pendant longtemps, Marc les artistes. Aussi n’est-il pas surprenant de voir LA VOITURE Lavoine s’est laissé conduire. DE MES RÊVES Avec son permis en poche, Marc Lavoine convoquer la chanson ou le cinéma Une Classe G il conduit désormais sa vie. pour deviser sur les voitures. Il évoque successi- Cabriolet.

46 47 PORTRAIT

RETOUR EN ENFANCE Le parrain du dernier Téléthon parle des voitures de son père comme de véritables personnages de son enfance.

défiler. Ça vous raconte une histoire. Les gouttes pleurent au carreau de la voiture, le carreau se transforme en écran. Vous croisez le regard des gens à l’arrière des voitures doublées, vous obser- vez les platanes et les arcs-en-ciel… » Aujourd’hui, c’est lui qui tient le volant. Celui d’un GLC : « Les Mercedes sont synonymes de fiabilité. Je ne me souviens pas en avoir jamais vu une sur le bas-côté. Autant les Français et les Japonais sont doués pour la mode, autant les Allemands le sont pour imaginer des voitures. J’aime la discrétion et le design des dernières Mercedes. Ce sont aussi La route des bijoux de technologie. Dans mon GLC, j’ai l’im- raconte toujours pression d’être posé sur un coussin d’air. Et puis, vous ne pouvez pas vous ennuyer dans cette voi- une histoire... » ture. Chaque fois qu’il se passe quelque chose sur votre itinéraire, elle vous l’indique ! » Un détail qui a son importance.

EN APESANTEUR Sur la route... Dans son GLC, Marc L’artiste passe son temps sur la route. En octobre Lavoine a l’impression d’être prochain, il entame une tournée de soixante dates posé sur un coussin d’air. à travers la avec Le Poisson belge. La pièce légendaire. Souvenez-vous aussi de la Jaguar de la MARC LAVOINE famille à contribution pour aller coller les affiches de Léonore Confino mise en scène par Catherine chanson Du jazz dans le ravin avec cet autoradio EN 5 DATES du parti. Souvenir des jours heureux où les doigts Schaub a connu un énorme succès à au qui ne cesse de chanter alors que le jeune couple sentaient la glu. « On se trouvait une petite place théâtre La Pépinière l’an dernier. Il est temps de vient d’être accidenté… » 1962 entre les seaux de colle à l’arrière de la voiture », la montrer en province. Parallèlement, l’artiste aux Naissance à Longjumeau Lui a connu le succès avec Le Parking des anges se rappelle-t-il avec nostalgie. C’était aussi la route multiples facettes travaille sur l’adaptation ciné- (Essonne). (1986). Une chanson inspirée à la fois par la dispa- des vacances. Celle du camping dans le Lot, tout matographique de son livre L’homme qui ment rition de Pasolini tué à l’arme blanche sur un ter- 1985 au bout de la N20. À chacun ses madeleines. Marc (2015) et prépare deux nouveaux disques. Le pre- rain vague, et par une scène du filmLa Poursuite Premier album, Marc Lavoine. Lavoine parle des voitures familiales comme de mier, réalisé avec les artistes Cœur de pirate et impitoyable (1966) dans lequel Robert Redford et 1994 véritables personnages de son enfance. Il se sou- Arthur H, est adapté des Souliers rouges d’Ander- Jane Fonda se cachent dans un cimetière de voi- L’Enfer de Claude Chabrol. vient de la 4L ouverte à tous les vents et, surtout, sen ; le second sera son douzième opus person- tures. « J’avais adoré cette idée de reconstituer un à l’avant, sous les pieds de sa maman… « Nous nel et le premier depuis Je descends du singe, sorti univers entre la ville et le terrain vague, où la jeune 2015 avons toujours roulé dans des voitures qui cor- en 2012. « Ces disques se concrétiseront aussi par femme vient retrouver l’homme qu’elle aime le Publication de L’homme respondaient à notre classe sociale. Jusqu’au jour des tournées », avance-t-il avec gourmandise. « En qui ment (Fayard). Parrain soir. Ce qui me plaisait, c’était de créer une his- où mon père a garé devant la maison une Amé- tournée, on découvre toute la France. Et la route du Téléthon. toire à l’intérieur de l’habitacle. » ricaine : une Ford Capri. Un véritable choc idéolo- raconte toujours une histoire, que ce soit dans les 2016 gique… » D’une grande timidité, le jeune garçon méandres de la Meuse, sur la ligne bleue des Souvenirs familiaux Tournée en France pour fait tout pour disparaître à l’arrière de cette auto Vosges, sur les bords de mer ou devant des champs Depuis toujours, Marc Lavoine observe les voitures Le Poisson belge. trop pimpante à son goût. Il n’assume pas cette infinis de tournesols. On s’arrête pour fumer sur plus qu’il ne les conduit. Ses premiers souvenirs nouvelle intruse. « Il faut dire que, gamin, je n’as- le bas-côté, dans la neige fraîche, on s’étire à côté en quatre-roues remontent à la Renault Juvaquatre sumais pas grand chose… à part mes silences. d’une station-service perdue dans la campagne. de son grand-père : « Elle ressemblait à un vaisseau- Je me cachais le plus possible. » Assis sur le ca­­ Ce voyage continue de nourrir l’imagination de l’ar- poisson dessiné par Jules Verne ! » C’est ensuite napé, il se remémore ses voyages au son du mo­­ tiste. On se dirige vers un nouveau monde et l’on la 2 CV camionnette en tôle ondulée gris bleu de teur : « Quand vous êtes enfant, vous posez votre tente de trouver ce qui nous lie à lui. » À la re- son père. Militant communiste qui mettait toute la tête contre la vitre et vous regardez le paysage cherche du prochain parking des anges…

48 49