Anquetil le mal-aimé DANS LA MÊME COLLECTION

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Anquetil le mal-aimé © Flammarion, , 2015 87, quai Panhard-et-Levassor 75647 Paris Cedex 13 Tous droits réservés ISBN : 978-2-0813-3638-4 « …On apercevait, là-bas, une tache jaune. On entendait comme un froissement de soie. Anquetil venait de passer… » JEAN CAU

« Et le courage d'Anquetil, pourquoi en a-t‑on si peu parlé ? Peut-être à cause de son style incomparable qui exprimait une telle facilité. » JEAN BOBET

« J'entends encore les sifflets quand il courait. On l'insultait, quand on ne lui crachait pas au visage, ce n'était pas joli à voir… Plus d'une fois je l'ai vu pleurer dans sa chambre d'hôtel, après avoir essuyé crachats et injures. » RAPHAËL GEMINIANI

Prologue

Je les ai tous retrouvés. Anquetil, Bobet, Geminiani, Rivière, Darrigade, Anglade et Poulidor, les Italiens Coppi, Baldini et Nencini, les grim- peurs Gaul et Bahamontes, les Belges Van Looy et Planckaert. Tous dans leur maillot aux couleurs nationales. Bien sûr, les années ont passé, et le temps a marqué le matériel et les hommes. La roue avant de Rivière est cassée, Bobet n'a plus de gui- don et Baldini doit se contenter d'une seule pédale pour avancer. Le visage d'Anglade est tout gris, il manque un bras à Nencini et, horreur, Gaul n'a plus de tête. Pourtant je les ai tous reconnus. Il faut dire que j'ai organisé, de main de maître, plusieurs Tours de au cours desquels ces champions se sont affrontés sur mon vélodrome en carton, piste jaune divisée en quarante-huit cases et pelouse centrale, bien verte. Le sort des dés étant par nature capri- cieux, il m'arrivait d'enrager de voir Anquetil ou Rivière distancés contre la montre, d'assister, impuissant, au largage de Gaul en montagne. Quelques fois, je l'avoue, j'ai dû forcer le destin,

9 Anquetil le mal-aimé donner un petit coup de pouce discret pour rétablir un semblant de vérité sportive. Ils sont tous là, couchés sur le côté, immobiles, attendant qu'on veuille bien leur redonner vie. Un par un, je les ai sortis de leur boîte de fer-blanc, et déposés sur la ligne de départ de mon vieux vélo- drome. Les deux dés lancés, ce peloton d'éclopés se met en marche. La roue cassée de Rivière ne pose pas de problème, Bobet roule les deux mains en l'air et même Gaul, décapité, se permet une attaque en plaine. Peloton pathétique, mais peloton magni- fique, témoin d'un enthousiasme enfantin pour des champions inoubliables. Je les ai retrouvés, ils sont tous là. Un jour, c'est sûr, j'écrirai leur histoire. 1.

L'enfant champion

Maurice Vidal n'a pas longtemps hésité. Sitôt la nouvelle parvenue depuis le camp d'entraînement des Issambres, il a décidé de descendre sur la Côte d'Azur. Près de huit cents kilomètres au fil de la Nationale 7, cette route des vacances immortalisée par Charles Trenet. Mais en ce mois de janvier 1954, pas de bouchons à redouter. Même la porte d'Italie, qui permet de quitter la capitale, est déserte. Il faut dire qu'un froid glacial et persistant engourdit Paris, comme tout le reste de la France. Les sans-abri et les habitants des bidonvilles, à la périphérie des grandes agglomérations, meurent par dizaines. La France de l'après-guerre, celle de la reconstruction, n'en a pas fini avec les problèmes de logement. De grandes barres d'habitation commencent à surgir, pour offrir de meilleures conditions de vie aux plus démunis. En attendant, il faut parer au plus pressé. Les pou- voirs publics n'y suffisant pas, un ecclésiastique, qu'on appelle l'abbé Pierre, s'apprête à lancer sur Radio Luxembourg un appel pour sauver la vie des mal-logés.

11 Anquetil le mal-aimé

C'est le message de Jean-Apôtre Lazaridès qui a convaincu Maurice Vidal d'entreprendre cet épui- sant voyage de près de douze heures. « Apo », qui donne ses derniers coups de pédale dans le pelo- ton des professionnels, a ouvert aux Issambres un snack-bar entouré de bungalows. Là se retrouve le gratin du cyclisme français, logé nourri, et bénéfi- ciant du climat méditerranéen pour effectuer les sorties d'entraînement hivernales. En principe, tout au moins, car cette année, les conditions clima- tiques sont détestables même sur la Côte d'Azur. Pas question de s'entraîner sur les routes du massif de l'Estérel recouvertes de neige ; seules celles du littoral sont praticables. De nombreux coureurs, au premier rang desquels Bobet et Geminiani, ainsi que le journaliste de L'Équipe Pierre Chany, occupent déjà les lieux lorsque, le 13 janvier, vers 9 heures du matin, une Frégate rouge s'arrête devant le snack-bar. En descend un jeune homme qui vient de fêter ses 20 ans, mais qui en paraît trois de moins. Il a fait le voyage d'une traite depuis sa Normandie natale, seul au volant, toute la nuit, sur des routes le plus souvent recouvertes de neige ou de verglas. Fati- gué, quand même, le blondinet a franchi la porte d'entrée, s'est attablé et a tout de suite commandé un plateau de fruits de mer, une langouste mayon- naise et une carafe de vin blanc. Sec, s'il vous plaît ! Stupéfaction d'Apo, qui s'est malgré tout exécuté car le client est roi. Bobet, qui a élevé la diététique sportive au rang d'une religion et a converti tous ses équipiers à ce dogme nouveau, Bobet, qui, au

12 L'enfant champion sommet de sa gloire, s'interdit toute entorse au régime draconien qu'il s'est lui-même imposé, Bobet, informé de la scène le soir même, s'effare d'un tel comportement chez un néophyte. Et il n'est pas loin de rejoindre Apo dans son verdict sans appel : « Le môme vient de faire son entrée dans le monde du vélo, mais la porte de sortie n'est pas loin ! » Dans la foulée, le maître des lieux a prévenu Maurice Vidal, directeur de l'hebdomadaire sportif Miroir-Sprint : « vient d'arriver aux Issambres ! »

Paris s'éloigne, la route traverse maintenant le petit bourg d'Orly encore endormi. De part et d'autre, à perte de vue, une plaine enneigée renvoie les premières lueurs de l'aube. L'aéroport voisin ne cesse de s'agrandir. Bientôt, tous ces terrains seront réquisitionnés pour élever une immense aérogare et tracer de nouvelles pistes d'envol. La perspective de ce long voyage vers le Midi n'effraie pas Maurice Vidal. Au contraire. Quand il se remémore les événements sensationnels de la fin de saison, il réalise qu'il est temps pour lui, spécialiste reconnu du cyclisme, qui côtoie depuis des années les Coppi, Bartali, Bobet, Geminiani, Koblet ou encore Kübler, de faire vraiment connaissance avec celui que la presse sportive qualifie tantôt de phénomène, tantôt de prodige. Exagérations propres à des jour- nalistes avides de titres à sensation ? Pas vraiment, car ce jeune homme de 19 ans s'est invité, en l'espace de trois courses et en moins de deux mois, dans le cercle restreint des campionissimi du

13 Anquetil le mal-aimé cyclisme professionnel. On n'a jamais vu ça, et, probablement, on ne le reverra jamais. Le jeune Anquetil, encore amateur, a frappé une première fois, le dimanche 23 août 1953. Ce jour-là, le journal Paris-Normandie organise la finale du Maillot des As, une épreuve contre la montre, disputée sur un parcours vallonné de cent vingt-deux kilomètres et qui regroupe les meilleurs coureurs amateurs de la région. Il écrase la course et l'emporte avec neuf minutes d'avance sur le deuxième. Mais le plus extraordinaire est la moyenne réalisée sur une telle distance : plus de quarante-deux kilomètres à l'heure ! Si ce résultat n'enflamme guère que la presse régionale, il met en alerte quelques éminentes per- sonnalités du vélo. , vainqueur de son premier le mois précédent, a du mal à croire à la moyenne annoncée. Il avance l'hypo- thèse d'une erreur commise dans l'évaluation de la longueur du parcours. Francis Pélissier, un véritable colosse qui anima avec ses frères, Henri et Charles, le cyclisme d'avant-guerre, et qui exerce à présent la fonction de directeur sportif de l'équipe La Perle, a du flair. Et du bagout. Le « Grand » ou le « Sorcier », comme on le surnomme, prend langue avec le gamin de Quincampoix et lui propose d'emblée un contrat professionnel lui assurant le salaire d'un cadre moyen. Autant dire une fortune pour Anquetil ! Argument supplémentaire, il souhaite l'inscrire au départ du Grand Prix des nations, le mois suivant. Les Nations ? Une « monstrueuse » épreuve contre la montre, cent quarante kilomètres hérissés des nombreuses côtes de la vallée de Chevreuse. Les plus

14 L'enfant champion grands y ont triomphé. On se souvient notamment de Coppi en 1946 et 1947, de Koblet en 1951 et de Bobet, l'année dernière. Épreuve de vérité s'il en est, mais réservée semble-t‑il aux champions en pleine maturité, alors qu'Anquetil n'a que 19 ans ! Pourtant, le Grand n'en démord pas. Après le résultat du Maillot des As, il est sûr de son coup et affirme à qui veut l'entendre : « Gagner une course avec M. Bobet ou M. Idée, c'est enfantin. Mais lancer Tartempion et battre tout le monde, ça c'est du sport. » Et il ajoute, de sa voix de stentor : « Eh bien moi, Francis Pélissier, je vais faire gagner le Grand Prix des nations à un gamin ! » L'aplomb du Sorcier emporte le morceau, Anquetil signe son premier contrat pro- fessionnel et rejoint Koblet sous les couleurs de l'équipe La Perle. S'aligner au départ des Nations ne l'effraie d'ailleurs pas outre mesure. Ce n'est pas qu'il soit prétentieux, mais il a déjà pris soin de comparer ses performances chronométriques à celles de ses illustres prédécesseurs. Et, ma foi…

Temps gris, menaçant, et vent capricieux, la météo n'est pas très favorable ce dimanche 27 sep- tembre 1953, au moment où les concurrents du Grand Prix des nations s'élancent pour un raid soli- taire de cent quarante kilomètres. Pas de grandes vedettes au départ ; elles se ménagent en cette fin de saison. Le Français René Berton a plutôt les faveurs du pronostic, lui qui l'a emporté en 1948 et a terminé troisième en 1951, derrière les inaccessibles Koblet et Coppi. On parle aussi du Belge Maurice Blomme, vainqueur en 1950 et deuxième, derrière Bobet,

15 Anquetil le mal-aimé en 1952. Mais la curiosité s'aiguise à propos du jeune Anquetil et pousse la presse spécialisée à faire le déplacement en masse, stylos à la main, appareils photo en bandoulière. Une rude épreuve l'attend, car on va non seulement le comparer à ses adversaires du jour, mais aussi le jauger à l'aune des perfor- mances réalisées par ses illustres devanciers. Pour compléter le tableau, les différents directeurs sportifs ne se sont pas gênés, cette dernière semaine, pour charrier le Grand après ses déclarations tonitruantes sur Tartempion qui allait l'emporter dans un fau- teuil ! Les amateurs de suspense en seront pour leurs frais. Au kilomètre trente-neuf, Anquetil a deux minutes d'avance sur l'Italien Coletto, trois sur Blomme et Berton. Quinze kilomètres plus loin, les écarts ont encore augmenté d'une minute. Une crevaison près de Trappes ralentit à peine sa progres- sion. Au centième kilomètre, en haut de la côte de Bullion, il devance maintenant le Français Creton de quatre minutes et trente secondes, Coletto de cinq minutes, Blomme et Berton de plus de six. Son style étonne ceux qui le découvrent. Allongé sur son cadre, sans aucun déhanchement, Anquetil paraît caresser les pédales plutôt que les écraser, comme ses adversaires. Un à un, il dépasse les concurrents partis avant lui, de quatre en quatre minutes. Trois, déjà, ont subi l'affront au moment d'aborder la succession des côtes de la vallée de Chevreuse : Saint-Rémy, Châteaufort, Buc et Picardie. On entre à présent dans les trente derniers kilomètres, là où tout le monde l'attend et où certains prévoient son effondrement. Calé au volant de sa

16 L'enfant champion

Hotchkiss rouge, le grand Francis l'encourage de la voix, du geste et du Klaxon. Dans les côtes du final, les suiveurs et les spectateurs sont stupéfaits du spectacle qui leur est offert. Anquetil conserve un style de rouleur, assis sur la selle, bien allongé sur son cadre. Quand la pente se redresse trop fort et qu'il doit, malgré tout, se mettre en danseuse, il reste parfaitement en ligne, le dos toujours parallèle au cadre et sans ce déhanchement adopté par les autres coureurs dans de telles circonstances. « Même lorsque Anquetil se hisse sur ses pédales afin d'ava- ler, sans guère ralentir, une rampe, il n'y a pas de rupture de rythme. Jamais on ne sent la peine », écrira Jacques Goddet, le lendemain, dans son article consacrant l'apparition de l'enfant champion. Tout juste si l'on remarque ses pommettes rougies et des cernes roses sous des yeux qu'on croirait fiévreux, seuls indices qui trahissent un effort immense que la perfection de son style s'attache à dissimuler. Dans les côtes, la foule, prévenue du déroulement de la course, s'ouvre et, bras tendus, acclame ce gamin qui semble se jouer des difficultés là où ses concur- rents endurent mille morts. Quand le sommet approche, se souvient Maurice Vidal, Anquetil sou- lage quelque peu son effort en mettant « une dent de plus », franchit la difficulté en souplesse et, peu après, remet le grand braquet, arrondit un peu plus le dos, et retrouve rapidement son allure de croisière. C'est maintenant la plongée sur Versailles et la marche triomphale vers le Parc des Princes. Sur les pavés de la « cité des rois », il rejoint et dépasse un cinquième adversaire, le Suisse Metzger, parti…

17 Anquetil le mal-aimé vingt minutes avant lui ! Une fois passée la ligne d'arrivée, sous les acclamations d'un public qui vient « d'assister à l'un des événements les plus étonnants qui aient marqué le sport cycliste », le verdict tombe : Anquetil l'emporte avec près de sept minutes d'avance sur Creton, deuxième, huit sur Berton, onze sur Blomme. Mieux, il approche d'une trentaine de secondes le record de Koblet et améliore les performances de Coppi et Bobet. Francis Pélissier est tout ému lorsqu'il voit Papa Anquetil se précipiter pour faire la bise à son rejeton. Le Sorcier est aux anges, il a conforté sa réputation, et c'est en rigolant qu'il accueille les félicitations de ses collègues directeurs sportifs, eux qui, une semaine auparavant, se moquaient de lui et de ses prétentions à faire gagner les Nations à un gamin inconnu. Louison Bobet est aussi présent. Vêtu d'un superbe maillot jaune en soie, il a participé à une réunion d'attente sur la piste du Parc. Il s'approche maintenant du vainqueur et, sportivement, prend acte de l'exploit réalisé : « J'étais sceptique sur ta moyenne du Maillot des As. Maintenant, je suis convaincu ! » Et il pousse la gentillesse jusqu'à ouvrir sa Thermos pour lui servir un gobelet de thé chaud, sous l'œil amusé des photographes qui fixent, à cet instant, le premier cliché réunissant le numéro un du cyclisme français et « ce gosse normand, au visage angélique et à l'allure féline », un gosse dont Bobet pressent qu'il deviendra bientôt son rival. Jacques Goddet, quant à lui, affirme que « la manière follement aisée avec laquelle Anquetil mena son assaut de cent quarante kilomètres consacre, sans

18 L'enfant champion aucune discussion, un champion prodige ». Et, regrettant l'absence de vedettes confirmées au départ de la course, il n'y va pas par quatre chemins pour les morigéner dans son langage châtié : « Ces messieurs cotés se réjouiront, eux, de n'avoir pas supporté le risque d'une défaite, qui eût pris, pour leur notoriété et leur valeur marchande, un aspect désobligeant. » À présent, Anquetil fait un tour d'honneur triomphal, un beau bouquet posé sur le guidon, pendant que le grand Francis l'attend, la coupe du vainqueur sous le bras. La messe est dite. Mais avant de quitter les lieux, costume-cravate et cigarette au coin des lèvres, le Grand tonitrue à l'intention des journalistes qui l'entourent : « Main- tenant, on va en faire pleurer quelques-uns ! Vous n'avez encore rien vu ! Ça ne fait que commencer ! »

Alors qu'il va doubler Nemours, Maurice Vidal se souvient que, le soir même des Nations, Anquetil et son mentor l'avaient rejoint dans les bureaux de Miroir-Sprint. Ensemble, ils avaient admiré les photos de la course qui venaient d'être développées, et en avaient choisi une, promise à la célébrité, pour faire la couverture du prochain numéro de l'hebdomadaire sportif : Anquetil en danseuse dans la côte de Châteaufort, suivi de la Hotchkiss pilotée par Francis. Deux pancartes étaient visibles sur la voiture, l'une accrochée à la galerie, avec l'inscrip- tion « LA PERLE », la seconde, fixée sur la calandre, révélant aux spectateurs le nom de l'inconnu qui dominait la course. Debout sur le marchepied droit, un vélo de rechange sur l'épaule, le mécanicien de

19 Anquetil le mal-aimé l'équipe, Jacquot, se tenait prêt à toute éventualité. Après le départ de ses prestigieux invités, Maurice Vidal avait rejoint son bureau pour rédiger un papier à la gloire du héros du jour, intitulé « Les trompettes de la renommée ont sonné pour Jacques Anquetil ». La couverture de Miroir-Sprint, un article signé de son directeur et illustré d'une dizaine de photos, le tout après une seule course professionnelle ! Oui, décidément, les trompettes de la renommée avaient sonné vite et fort pour le jeune Normand ! Et pour couronner le tout, la prime de victoire lui permettrait d'acheter ce dont rêvent tous les jeunes gens, une belle voiture. Une Frégate, rouge. Comme l'avait prédit le Grand, ça ne faisait que commencer. Trois semaines plus tard, le 18 octobre, coup d'envoi du Grand Prix de Lugano, la deuxième grande classique internationale contre la montre après les Nations. La presse sportive et les actualités cinématographiques revenaient dans cette petite ville suisse où, fin août, s'était déroulé le champion- nat du monde sur route. Un championnat qui, enfin, avait consacré la victoire du campionissimo, . La seule grande victoire qui manquait à un palmarès sans égal. On se souvient encore des nombreux tifosi agenouillés sur le circuit, certains pour remercier la Vierge Marie d'avoir, sans ran- cune, favorisé les desseins de l'impie Fausto, d'autres pour embrasser le bitume, espérant ainsi recueillir sur leurs lèvres quelques traces de la sueur de leur idole. Aujourd'hui, Coppi n'est pas sur la ligne de départ et son éternel rival, , victime d'un accident de la route, vient de déclarer

20 L'enfant champion forfait. Inscrit en dernière minute après son succès des Nations, le jeune Anquetil s'expatrie pour la première fois et, malgré la défection de Gino le « Pieux », va devoir affronter une opposition très relevée. En premier lieu, Ferdi Kübler, vainqueur du Tour 1950 et qui court sur ses terres. À 34 ans, le vieux lutteur rugit toujours sur son vélo et s'invec- tive lui-même quand l'effort atteint son paroxysme. Présent aussi Fornara, récent troisième du Tour d'Italie, un sérieux client assuré du soutien d'une bonne partie du public, car les tifosi ont franchi la frontière en masse. Le Grand Prix de Lugano se déroule sur un circuit de quinze kilomètres, à par- courir cinq fois. Soixante-quinze kilomètres au total, une distance inférieure de moitié à celle des Nations. Mais un parcours beaucoup plus difficile, avec,àchaquetour,unecôtedecinqkilomètres conduisant à la banderole d'arrivée. Au total, vingt- cinq kilomètres d'ascension pour mille neuf cents mètres de dénivelé, en somme le Tourmalet plus Aspin ! Que restera-t‑il des qualités exceptionnelles de rouleur du jeune Français sur un tel parcours ? Et, difficulté supplémentaire pour lui, un temps exécrable règne sur Lugano, de véritables trombes d'eau s'abattent sur le circuit au moment où les premiers concurrents s'élancent. Or, Anquetil l'a dit, il n'est pas à l'aise sous la pluie et il redoute la dangerosité du circuit. La colonie française espère qu'il rééditera son exploit des Nations, cependant le doute s'insinue dans les esprits. Il est si jeune et si inexpérimenté face à des coureurs comme Kübler ou Fornara ! Le premier tour rassure un peu. Certes,

21 Anquetil le mal-aimé

Kübler est en tête, mais il ne devance Anquetil que de quatre dixièmes de seconde, alors que Fornara pointe à dix secondes. Mais le grand Ferdi faiblit dans les tours suivants, alors que Fornara se main- tient. À la fin du troisième tour, Anquetil est en tête, Fornara à huit secondes, Kübler à quarante-trois. La lutte est infiniment plus serrée qu'aux Nations et, au grand dam des journalistes français, le jeune Normand semble marquer le pas dans le quatrième tour. Il faut dire que les intempéries redoublent. Si la route est de bonne qualité dans la partie montante du circuit, la tempête détériore un peu plus la chaus- sée dans la descente et sur le plat. Des gerbes d'eau boueuse giclent sous les roues des concurrents, et c'est un Anquetil méconnaissable qui franchit la ligne au moment d'aborder le dernier tour, visage, bras et jambes couverts de boue. À cet instant, il n'a plus que six secondes d'avance sur Fornara, alors que Kübler concède maintenant une minute. Qu'est venu faire le pédaleur de cristal dans cette galère ? Le Grand est inquiet, car son protégé n'a pas suivi ses conseils dans le choix de ses développements : il a mis « trop grand » ! Il va s'effondrer, c'est pro- bable. Mais on découvre alors que, derrière un visage encore enfantin, se cachent une volonté de fer, un courage insoupçonnable et une étonnante sciencedelacourse.Non!Iln'apasfaiblidans l'avant-dernier tour, il a simplement un peu levé le pied avant d'aborder les quinze derniers kilomètres. Ce sont les vieux briscards qui ont présumé de leurs forces ! Jetant tout ce qui lui reste d'énergie dans la bataille, à tel point qu'on peut le voir légèrement,

22 L'enfant champion très légèrement, déhanché quand il se met en dan- seuse, il estoque littéralement Fornara et Kübler qui perdent plus d'une minute dans le dernier tour. Anquetil a gagné et devient ainsi, à 19 ans, le pre- mier coureur à réussir le doublé Nations-Lugano. La foule, qui attendait la victoire de Kübler ou celle de Fornara, lui fait un triomphe, consciente d'avoir assisté à l'affirmation d'un champion hors norme. La ligne franchie, le mécanicien Jacquot se préci- pite avec une serviette blanche pour essuyer le visage du vainqueur qui retrouve ses traits juvéniles, jusque-là maculés de boue. Le grand Francis est aussi présent et, à la stupéfaction de tous, il est en larmes quand il prend Anquetil par le cou pour lui faire la bise ! Ce colosse, si joyeux et volubile en toutes circonstances, serait-il un grand sensible ? Comme le remarque l'envoyé spécial de Miroir- Sprint : « Francis qui pleure ! S'il doit faire pareil à chaque victoire de Jacques… »

De retour en Normandie après sa victoire à Lugano, Anquetil est fêté de toutes parts. Au bal- condujournalParis-Normandie, en compagnie du Grand et de son entraîneur, M. Boucher, il reçoit l'ovation de milliers de supporters qui scandent un nom maintenant devenu célèbre. Déjà, sa renommée a largement franchi les limites de sa province natale. Miroir-Sprint lui fait à nouveau l'honneur de sa couverture, la deuxième en trois semaines. La presse étrangère s'en mêle aussi après la victoire de Lugano. En Italie notamment, où le journal Stadio pressent que « la France

23 Anquetil le mal-aimé prépare un rival pour Fausto Coppi : le très jeune Anquetil, qui menace de supplanter Louison Bobet ». L'intéressé trouve que tout cela va trop vite. « Je n'aime pas qu'on me pose en rival de Louison. C'est un champion arrivé, avec un magnifique palmarès. Je ne veux pas être son rival, je veux apprendre mon métier, tranquille- ment. » Mais que peut-il faire contre cette défer- lante ? Les journalistes, les photographes de presse et même les caméras des actualités débarquent dans la ferme familiale, où l'on découvrira Maman qui suspend son maillot La Perle tout propre à un fil à linge, le champion qui prend son petit déjeu- ner, serviette au cou, sur une table jonchée de courrier, la famille qui partage pour le goûter un énorme panettone, arrosé d'une bouteille de cidre. On l'oblige même à poser sur un home-trainer, pour faciliter les prises de vue du coureur préten- dument « en action ». Photos étrangement sta- tiques, trahissant le merveilleux styliste qu'il est, mais qui, malgré tout, seront publiées dans toute la presse. Cette gloire naissante gêne autant qu'elle flatte le jeune Anquetil. Il n'est pas du genre à manifester bruyamment son enthousiasme, fût-ce à propos de ses propres performances ou des pas- sions qu'elles déchaînent. Maurice Vidal, qui vient de faire halte dans un restaurant routier au nord de Lyon, se remémore ce qu'il lui avait confié : « Si vous saviez le nombre de lettres que je reçois… Et des lettres de femmes qui se disent amoureuses. Comment cela peut-il se faire ? »

24 L'enfant champion

On croyait la saison du jeune Normand terminée, nous sommes à la mi-octobre, mais les organisa- teurs s'arrachent maintenant la nouvelle vedette que tout le public réclame. Il ne reste à disputer qu'une grande course sur route, le Trophée Baracchi, le 4 novembre. Encore une course contre la montre, mais disputée par équipes de deux, sur cent kilo- mètres, entre Bergame et Milan. Traditionnelle- ment, les organisateurs associent deux coureurs de même nationalité. L'idéal serait pour eux de réunir Anquetil et Bobet, pour les opposer au duo Coppi-Filippi. Mais Bobet n'est pas disponible, il a pour ainsi dire mis fin à sa saison après le cham- pionnat du monde, fin août. On lui a alors trouvé un remplaçant, Antonin Rolland, l'un de ses plus fidèles équipiers. Coureur de valeur, il n'est malgré tout pas un grand spécialiste du contre-la-montre. Bien conscient des difficultés de la tâche qui lui est proposée, Antonin rejoint Bergame quinze jours avant la course pour s'entraîner, seul, sur le par- cours du Trophée. Anquetil, qui a dû répondre à de très nombreuses sollicitations après ses récentes performances, n'arrive que la veille du départ. Pen- dant les trente premiers kilomètres, les deux Fran- çais se relaient régulièrement, tous les deux cents ou troiscentsmètres,etsontdanslestempsdutandem italien. Mais bientôt, Antonin Rolland connaît les pires difficultés pour remplir sa part du travail. Son jeune compagnon se voit alors contraint d'assurer des relais de plus en plus longs, cinq cents mètres, sept cents, presque un kilomètre. Et lorsque Antonin reprend la tête, l'allure faiblit. Dans ces conditions,

25 Anquetil le mal-aimé il devient vite impossible de lutter pour la victoire. L'écart avec Coppi et Filippi se creuse inexorable- ment, nos deux Français préservant tout de même la deuxième place du classement final, mais à près de six minutes des vainqueurs. À l'arrivée, Antonin Rolland, épuisé, n'en revient pas. « C'est le plus formidable rouleur que j'aie jamais vu. Je l'ai relayé pendant les trente premiers kilomètres, après je n'ai pas pu passer… Et pourtant, je marchais bien. » Anquetil n'en veut pas à son associé défaillant. Mieux, il lui rend hommage : « Je veux rendre jus- tice à Antonin Rolland. Pour un homme ayant le Tour de France et une longue saison routière dans les jambes, il s'est magnifiquement défendu. » Sur ce, ils finissent la journée en participant à une pour- suite par équipes sur la piste mythique du Vigorelli de Milan… Maurice Vidal traverse à présent le bourg de Lapalud. Étrange agglomération, avec une rue cen- trale bordée de magasins dont les devantures sont hérissées de balais aux fibres multicolores ! Une industrie locale florissante, nombre de touristes sur la route des vacances s'arrêtant pour faire l'emplette d'un « balai de Lapalud », à garder ou même à offrir. Mais gare si un jour on dévie de la Nationale 7 pour éviter les bouchons de l'été qui paralysent la circula- tion ! Cette activité, qui a fait la richesse de la cité, ne s'en remettrait sans doute pas. Bientôt, la ville d'Orange se profile, on entre en Provence. Difficile pourtant de se croire dans le Midi : la température extérieure n'est montée que de quelques degrés depuis Paris. Maurice Vidal ne peut s'empêcher

26 L'enfant champion de jeter un regard sur sa gauche pour admirer la silhouette impressionnante du mont Ventoux. Aujourd'hui, ce n'est pas son célèbre désert de cailloux qui blanchit son sommet, mais bel et bien la neigequidescendbienplusbasqueleChalet Reynard et flirte avec la plaine. Depuis deux ans maintenant, le Tour de France a inscrit à son programme ce « col pas comme les autres », vingt et un kilomètres d'ascension depuis Bédouin, plus de mille six cents mètres de dénivelé et, tous les coureurs l'ont noté, un microclimat qui raréfie l'oxygène près du sommet. Que de batailles gran- dioses sont promises aux amateurs de cyclisme par le géant de Provence ! Sitôt le Baracchi achevé, Anquetil et Coppi se sont retrouvés à Paris sur la piste du Vel'd'Hiv. Les organisateurs sont sûrs de leur succès en proposant au public ce qu'ils présentent comme une revanche entre les deux champions. Le campionissimo, vêtu de son maillot arc-en-ciel de champion du monde, et le jeune prodige français, auréolé de ses exploits dans les Nations et à Lugano. Pour l'un, une réunion sur piste de fin de saison, comme il en a fait tant d'autres. Pour l'autre, un de ses premiers contrats à honorer, en récompense de ses récents exploits. La motivation n'est pas la même, on s'en doute. Mais peu importe ! Le Vel'd'Hiv enfumé exulte de voir tourner sur la piste les deux vedettes de la réunion qui disputent des sprints à intervalles réguliers. À ce jeu, Anquetil, associé à Hassenforder, l'emporte sur Coppi et le Belge Schils. Dans la poursuite par équipes, c'est encore plus net, les deux Français

27 Anquetil le mal-aimé rattrapent leurs adversaires sous les vivats de la foule. Sursaut d'orgueil de Coppi ? Attitude de gent- leman d'Anquetil envers cet immense champion, sans doute fatigué par une longue saison ? Toujours est-il que le campionissimo remporte la dernière épreuve derrière le « derny », cette petite Mobylette qui entraîne le coureur dans son sillage. Tout est bien qui finit bien, avec un bouquet de fleurs offert à chaque coureur au moment d'effectuer le tour d'honneur. La démonstration d'Anquetil a soulevé l'enthousiasme du public et sa popularité est encore montée d'un cran. « Jacques Anquetil, nouveau rival de Fausto Coppi » titre en couverture Le Miroir des sports, avec une photo montrant les deux cham- pions au coude-à-coude sur la piste du Vel'd'Hiv. Dire qu'il y a deux mois, deux mois à peine, Anquetil était encore un inconnu…

C'est vers 19 heures que Maurice Vidal est arrivé aux Issambres et s'est installé dans le bungalow qu'Apo lui a réservé. Un voyage fatigant, mais il est maintenant sur place pour rencontrer les champions dans leur camp d'entraînement, prendre connais- sance de leurs projets pour la saison 1954, et sur- tout observer de près le nouveau phénomène du cyclisme mondial. Les anciens ne se sont d'ailleurs pas gênés pour bizuter un tant soit peu le nouveau venu. C'est Geminiani qui l'a titillé sur ses capacités à remporter une victoire au sprint : « Tu vas vite, mais tu ne seras pas aux arrivées ! » À quoi le gamin a répondu, sans se démonter : « Eh non, Gem, je serai devant ! » Dès le lendemain de son arrivée,

28 L'enfant champion le directeur de Miroir-Sprint a une longue conversa- tion avec Bobet qui lui expose ses projets pour la saison à venir. Un deuxième Tour de France, le championnat du monde, peut-être. Il lui parle aussi du nouveau venu, et de ses performances retentis- santes. « C'est merveilleux, mais peut-être inquié- tant. Anquetil fait trop de courses contre la montre. S'il continue, il risque de s'user vite. » Quant au Grand, il n'est pas là pour planifier les entraîne- ments de son protégé. Victime d'une crise cardiaque qui n'est pas la première, il est en convalescence non loin d'ici, à Golfe-Juan. Tenant malgré tout à remplir ses fonctions de directeur sportif, il a demandé à Maurice Vidal de lui rendre une petite visite, accompagné du jeune Anquetil. Ainsi pourra- t‑il délivrer de vive voix ses conseils pour préparer au mieux le début de saison. Ce petit voyage, en tête à tête, est l'occasion rêvée pour sonder les projets et la personnalité du jeune champion. C'est ainsi que deux jours plus tard, le journaliste prend la route en direction de Golfe-Juan avec, à ses côtés, un Anquetil qui « dans son petit blouson, avec ses boucles blondes, son air innocent et, sous les yeux, les cernes tenaces de l'adolescence, semble l'image même du jeune homme inachevé ». Sitôt quittées les calanques des Issambres, ce sont les premières rampes du massif de l'Estérel. Même ici, les routes sont enneigées en cet hiver terrible, et les chasse- neige ne sont pas légion sur la Côte d'Azur ! Pas de salage non plus, et c'est donc avec une prudence de Sioux que Maurice Vidal conduit son véhicule, s'attachant à éviter les congères en formation et

29 Anquetil le mal-aimé les plaques de verglas. Il ose à peine envisager ce que pourraient être les conséquences d'un acci- dent, compte tenu de la valeur de son passager. Celui-ci reste silencieux, tête légèrement baissée, se contentant de jeter, de temps à autre, un rapide coup d'œil en direction du conducteur. Probablement, le jeune Anquetil est-il fortement impressionné de se retrouver là, seul au côté de l'un des journalistes les plus célèbres de France. Et Maurice Vidal, en son for intérieur, trouve cette hypothèse assez agréable… Mais il revient brutalement sur terre lorsque son illustre passager rompt enfin le silence, et laisse tomber, avec une pointe de dédain : « Vous ne conduisez pas vite, vous, hein ? » Notre journa- liste ravale ses prétentions de notoriété, mais tire de cet épisode un enseignement précieux. « C'est ce jour-là, sur la route de Cannes, que j'ai commencé à le comprendre. Il ne cherche jamais à choquer ni à blesser : il constate. Froidement, diront certains. » Il a aussi compris qu'on n'épate pas Anquetil facile- ment, et c'est sans se départir de sa prudence initiale qu'il achève le voyage le conduisant à la maison du Grand. La table est déjà mise et les deux visiteurs prennent place, côte à côte, alors que Francis et son épouse leur font face. Le Grand a eu vent de l'après- saison de son protégé, des innombrables réceptions et des inaugurations auxquelles il a été convié, des sorties avec les copains, et de ces bons repas bien arrosés qui le régalent. Et puis l'épisode récent de la langouste-mayonnaise et de son vin blanc sec

30 Table

Prologue...... 9 1. L'enfant champion ...... 11 2. Un rendez-vous manqué ...... 35 3. Les missions du soldat Anquetil...... 51 4. La chrysalide et le papillon ...... 67 5. Premiers couacs ...... 89 6. Le quatrième homme ...... 107 7. La guerre des Quatre Grands...... 113 8. Sifflets 59...... 133 9. Le rose et le noir ...... 157 10. Seul ?...... 179 11. L'ennemi de l'intérieur ...... 193 12. L'art et la manière ! ...... 209 13. Face au poulidorisme...... 221 14. An-que-til ! ...... 241 15. Le bruit et la fureur...... 263 16. Le Tour… du propriétaire ...... 289 Épilogue ...... 301 Notes ...... 303 Bibliographie et sources ...... 305 Remerciements ...... 309 Cet ouvrage a été mis en page par IGS-CP àL’Isle-d’Espagnac (16)

No d'édition : L.01EBNN000353.N001 Dépôt légal : juin 2015