RÉHABI- TATIONS RURALES

1 2 RÉHABI- TATIONS RURALES

Ou questionnements sur la vacance en campagne.

Mélusine CANTHELOU

DSAA Mention Espace

3

S priation n lieu temporel N O I T R E S E -1- La maison, une nécessité de l’existence humaine -2- u -3- La maison, point de départ notre environnement -4- un lieu d’appro

4 D MAISONS S désertion N O I T R E S E -1- Désertion rurale et des modèles d’habitation suranés -2- récurrente due à la mobilité habitants -3- Désertion qui impacte le paysage -4- menant à la ruine, et ruine -1- Réhabitation saisie par les architectes -2- comme réponse aux besoins de logement et service -3- Réhabitation participant à la conscience de pérennité et du réemploi -4- n’est pas expansion

5 D RÉHABITATIONS RCEA - RN80

D981

Sassangy - Bourg

Ruine

Abandonnée g

Vide t - Bourg

Abandonnée Ruine Abandonnée

Saules- Bourg

Vide

Abandonnée

Sercy - Bourg Vide

Situation de projet

1. Violette SOLEILHAC, Quand l’urbain se fi ge, le rural prend la relève, Et de- main on fait quoi , Pavillon de l’Arse- nal, 8 Mai 2020.

Page suivante:

2. Les maires des communes de Châtel-Moron, Saules, Saint-Martin- D’Auxy, Sercy et ont été ren- contrés entre Mai et Juillet 2020 dans le cadre du projet d’études. Une des questions portait notamment sur les avantages et désavantages que pré- sente, à leurs yeux, leur commune.

3. Les communes du projet sont Ser- cy, Saules, Fley, et Sassangy, en Saône-et-Loire, Bourgogne.

6 8 Mai 2020, sortie du confi nement, un article pa- raît sur le Pavillon de l’Arsenal 1 : constat du re- tour à la campagne par la population urbaine en temps de crise, l’environnement rural est nom- mé « refuge ». Dans ce premier paragraphe on parle de cette campagne comme d’une al- ternative provisoire à la ville, une pause, un « complément ». La problématique de l’accrois- sement de la vie résidentielle en zone rurale s’ex- prime ensuite clairement et la dizaine de lignes composant le paragraphe suivant insiste sur la né- cessité de se poser la question de cet affl ux, et des avantages ou dangers que cela présente. Violette Soleilhac qui écrit prévient et projette l’accueil que doivent faire les campagnes aux populations futures.

Elle s’engage dans l’augmentation de l’habitat, pour elle cela passe d’abord par « la transfor- mation et la répartition de l’existant ». Elle interroge les manières habituelles de construire dans les villages, ou plutôt autour des villages. L’affi rmation concluant ce troisième paragraphe est que la multiplicité de petits projets dans les centre-bourgs sont d’abord utiles à court terme, puis donnent naissance à un projet plus grand, qui dépasse l’immédiateté.

Dernières lignes pour décrire un symptôme des dernières décennies : la vacance dans les bourgs ruraux, un symptôme à voire peut être mainte- nant comme une opportunité de renouveau. Une illustration accompagne ce propos : façade d’an- cien restaurant. L’article, bien que (trop) court, permet de com- prendre le positionnement de Violette Soleilhac, j’y adhère. Aussi, Violette Soleilhac parle d’inter- ventions et d’initiatives, de forme de villages, mais les personnes venant habiter dans les campagnes dont elle parle semble n’être que des néoruraux, personnes quittant la ville pour venir vivre dans un environnement plus “vrai“ Seulement il ne faut pas oublier qu’une majorité de résidents sont déjà issus d’un milieu rural. Leur vision de leur environ- nement n’est alors pas le même.

Violette Soleilhac, étudiante en Master Evan à l’Ecole Natio- nale d’Architecture de Clermont-Ferrand, le 8 Mai 2020.

7 La vacance du bâti rural compose le paysage, consé- quence de maisons secondaires, de coût d’entretien trop élevés, de pièces impropres à l’habitation, et la dé- mographie n’est jamais tout à fait stable et les modes de vie évoluent. Il est cependant envisageable de les utiliser à d’autres fi ns qu’en un décor passif vis-à-vis de la “mort des vil- lages“, de la campagne désertée, du monde rural en pé- ril etc. Effectivement, cette vision pathétique n’est souvent plus d’actualité, et les petits bourgs présentent bien des avantages défendus par leurs maires 2 : le calme, la proximité avec la nature, la sécurité, le cadre de vie donc. Et ces avantages sont les principales raisons des emmé- nagements, on oublie alors les traitements chimiques dans les champs, l’éloignement des écoles et des com- merces, l’obligation d’être véhiculé, la boue, les arbres du voisin qui abîment le terrain, le bruit des grenouilles dans la mare, les petites routes sans visibilité, l’ennui des jeunes etc. Les petites communes de l’étude 3 ont, pour la plupart perdu une forte proportion de leur population en 100 ans mais cette tendance s’inverse doucement depuis les dernières décennies. Bien que la taille des ménages ait diminué depuis 100 ans il reste tout de même de nombreuses maisons inhabitées. La population qui ar- rive préfère bien souvent s’orienter vers la construction neuve et individuelle qu’une rénovation ardue et mi- toyenne.

Le travail présenté n’est pas une déifi cation de la com- mune rurale et de ses modes de vies, ni un recueil de souvenirs passéistes, il tentera cependant de com- prendre les avantages des maisons de village, les chan- gements qui s’y effectuent et les modèles admis au dé- pend d’autres, mais aussi de soutenir une réhabitation de ces lieux vacants. Ces occupations pourront être d’ordre médicales, com- merciales, sociales ou permettant la location d’une pe- tite surface, offre manquante pour les jeunes ménages ou les nombreux saisonniers viticoles.

Le mémoire doit ouvrir les portes au projet en fi xant par écrit les questionnements, recherches, analyses, et propositions de réponses nécessairement interdiscipli- naires.

Si le questionnement part du constat que les maisons vides paraissent sans vie, enlisées dans une mort lente, (l’Homme y plaçant de profonds sentiments) c’est pour- tant les suggestions de réhabitations qui motivent l’écri- ture de ce texte. 8 9 MAISONS 1. Gaston BACHELARD, La poétique de l’espace, édité chez PUF, collection Quadrige Grands textes, 1957, 10e édi- tion, 3e tirage, Février 2011. et Jacques PEZEU-MASSABUAU, De- meure Mémoire. Habitat: code, sa- gesse, libération, paru aux éditions Parenthèses dans la collection Eupali- nos, chapitre 3.

2. Simone WEIL, L’enracinement ou prélude à une déclaration des devoirs envers l’être humain, champs clas- siques et folio essais Gallimard 1990, première parution : 1949.

Ci-dessous : tressage de noisetier.

10 HABITER est pour l’Homme un besoin naturel, élémentaire et primaire.

Habiter dans la culture occidentale c’est avoir une demeure où se stabiliser, souvent lié à l’indépen- dance vis à vis des parents et au fait de fonder sa propre famille. C’est avoir un lieu à soi, une propriété qui garantit une sécurité, alors indisso- ciable de la construction de parois, d’un toit et d’un sol. Le lieu va donc entourer le corps, en pre- nant la forme d’un trou, d’une caverne, d’une coquille, d’un nid 1 etc… En protégeant son corps l’Homme s’isole des autres, ainsi dissocié de la masse il possède son corps, et l’espace dans lequel il se trouve doit être défendu puisque c’est celui là-même qui protège son corps. La notion de propriété fait alors sens, c’est une défense de territoire. La propriété amène la transmission.

Le propre de l’Homme, en plus de son pouce opposable, est qu’il a conscience de son existence et de celle de ses semblables, certains souhaite- ront alors occuper le temps avec des créations qui leur survivent, et alors bâtir palais, tombeaux, ponts et toute autre architecture qui traverse les âges. L’Homme habite depuis le paléolithique (env. -400 000).

L’espace privé permet aussi à l’Homme de se re- connaître dans les modifi cations qu’il y effectue.

« La propriété privée est un besoin vital de l’âme. L’âme est isolée, perdue, si elle n’est pas dans un entourage d’objets qui soient pour elle comme un prolongement des membres du corps. Tout homme est invinci- blement porté à s’approprier par la pensée tout ce dont il a fait longtemps et continuel- lement usage pour le travail, le plaisir ou les nécessités de la vie. Ainsi un jardinier, au bout d’un certain temps, sent que le jardin est à lui » 2.

Sa propriété du sol est donc marquée par une modifi cation de l’environnement naturel : une bâ- tisse, des cultures, des clôtures…

11 3. Philippe SIMAY, Habiter le monde, Actes Sud, Arte Editions, 2019.

4. R. Mayerl, Le mythe de la cabane, habiter-autrement.org, mis en ligne le 18 décembre 2014, consulté le 03/02/2021. « La cabane serait née du besoin des hommes de se mé- nager un abri contre les intempé- ries. Telle est l’analyse du premier théoricien de l’architecture, Marcus Vitruvius Pollio (Vitruve), qui écrit à Rome il y a environ 2 100 ans un traité intitulé De architectura. »

Ci-dessus : “dessine ta hutte“ exercice proposé en Janvier 2021 sur la base de Gaston BACHELARD, La poétique de l’espace, édité chez PUF, collection Quadrige Grands textes, 1957, 10 ème édition, 3ième tirage, Février 2011.

Pages suivantes : “dessine ta hutte“ Janvier 2021. Quentin Hamel, Louise Gondeau, Louise Cronenberger, Gre- gory Marion, Sébastien Wampach, Tanguy Delaunay-Belleville, Camille Clemme et Thomas Pidoux.

12 La maison, une nécessité de l’existence humaine Dans l’absolu, “habiter un lieu“ n’est que l’occu- per, ce qui est alors possible n’importe où. C’est d’abord un lien à l’espace, une nécessité « d’être et de faire avec l’espace » d’après l’introduc- tion d’Habiter le Monde par Philippe Simay 3.

Il faut cependant garantir la sécurité du corps grâce à l’habitat. C’est-à-dire, le protéger du froid, de la chaleur, des agressions extérieures : de la mort donc.

Depuis la cabane, mythique 4, l’Homme s’entoure de murs et se couvre d’un toit. C’est la seconde marche de la pyramide de Maslow, l’habitat fait partie du besoin de sécurité, succédant de peu aux besoins physiologiques. Mais si les représen- tations de cette pyramide sont un étagement de bandes colorées impénétrables, la maison, dans la deuxième strate donc, facilite la satisfaction des besoins primaires. En effet la maison séden- tarise l’Homme qui peut alors développer di- verses formes d’agricultures, ou pour évoquer un monde plus contemporain, il peut y stocker nour- riture et boisson, développer un espace potager, associer une pièce au repas. La maison permet aussi la reproduction, non pas spécifi quement pour l’acte sexuel mais plus pour l’espace clos offert, favorisant la protection du jeune enfant. Il en va de même pour le sommeil, l’excrétion, la chaleur et les soins médicaux. Non seulement l’habitat, ici la maison, permet d’attribuer un es- pace marqué aux besoins physiques, mais encore elle les répartit à partir du XVIIIe dans des pièces différentes.

Apparu dans la seconde moitié du XIIIe siècle, le mot “maison“ a d’abord servi à nommer les habi- tations rustiques, et aujourd’hui le TLFi convient que ce terme s’emploie principalement pour les édifi ces isolés par opposition aux immeubles. La maison est aussi la maisonnée. Elle est d’abord une habitation, possédant alors les caractéristiques listées pour l’habitat, et de ce fait on la retrouve dans chaque pays, pour chaque peuple.

Tandis que la maison est rationalisée pour satis- faire besoins et désirs, elle détient d’autres rôles dont celui d’être le lieu en lequel on a la possibi- lité de se couper de la société, de s’isoler et de se mettre à l’abri du tumulte, du jour, de ses sem- blables. Une retraite au milieu du monde. 13 14 15 5. Gaston BACHELARD, La poétique de l’espace, édité chez PUF, collection Quadrige Grands textes, 1957, 10e édi- tion, 3e tirage, Février 2011, chapitre 5, page 107.

6. Jacques PEZEU-MASSABUAU, De- meure Mémoire. Habitat: code, sa- gesse, libération, paru aux éditions Parenthèses dans la collection Eupali- nos, chapitre 3, page 25.

Plans en croquis d’implantation de maisons individuelles dans la situation de projet.

Pages suivantes : maison récente de bois derrière mur de pierres sèches à Sassangy, Saône-et-Loire.

16 On rentre dans sa coquille.

Une coquille qui s’habite dans les œuvres de Gaston Bachelard et de Jacques Pezeu- Massabuau et qui « appelle les rêveries du re- fuge» 5, elle possède un épiphragme comme porte, un aspect extérieur rocailleux repoussant les intrus et un intérieur lissé par le corps mou des gastéropodes et leur mouvement. La coquille épouse le corps de son habitant, la demeure «se secrète de l’intérieur comme toute forme construite devrait l’être ; du jour où les archi- tectes l’ont pensée du dehors, elle a peu ou prou perdu sa nature de maison pour ne res- ter qu’un édifice. » 6

La coquille doit être CHAQUE coquille, et si chacun peut retrouver (possibilité que tous les Hommes n’ont pas la chance de connaître, notamment dans des cas de maltraitance où la maison est liée au danger), entre les murs de sa maison, cette image de refuge personnel, c’est qu’elle ne dépend pas uniquement des méthodes constructives ou des plans, mais bien des projections individuelles qu’on y fait.

En Saône-et-Loire, la maison individuelle s’en- toure elle-même de murs. Pour beaucoup il s’agit de domaines agricoles, notamment viticoles, qui délimitent alors leur cour. On franchit le mur par deux piliers de calcaire, soutenant un grand por- tail de fer forgé, indiquant alors que nous sommes passés du domaine public au terrain privé appar- tenant à un Nom : Bouchard, Delorme, Antonin Rodet, Davanture, Besson, Joblot, Pigneret, La- garde, Magnien et autres illustres agriculteurs dont la maison est le lieu de vente et de produc- tion de ce breuvage quasi-divin bien gardé dans les caves. Pour d’autre, ce sont des petits pavil- lons facilement qualifi ables de médiocres après l’évocation précédente. Cependant, ces pavillons individuels ou mitoyens, dont les murs verts et les haies grises enceignent la parcelle, remplissent tout à fait leur rôle protecteur. Certes l’épaisseur des murs y a perdu près de 30 cm mais pour ré- pondre aux besoins primaires cités plus tôt, le pavillon récent, même standard et low-cost, y parvient parfaitement. En cela le pavillon est une victoire, il permet l’accession à l’espace individuel pour une large partie de la population (Popula- tion véhiculée, éligible à un emprunt, socialisée, aimant le crépis projeté, écrasé ou gratté, n’ayant 17 18 19 Plans en croquis de mai- sons de village, anciennes et récentes, peu ou très rénovées, peu ou pas stan- dardisées etc.

20 pas d’activité professionnelle à domicile hormis la garde d’enfants, etc.).

Cependant d’autres cultures tout autant, voire plus, exposées à des risques d’invasions, n’entourent pas leur corps de ce mille-feuilles de pierres. Il peut n’y avoir que l’épaisseur de la lame de bois, ou la fi ne association du feutre et du coton. Alors les multiples murs renforçant la sécurité de la maison paraissent être sympto- matiques de la puissance que confère la posses- sion individuelle du sol. On ne se contente pas de borner le terrain de cognassiers, on érige des murets solides parfois doublés de haies touffues, puis on habite un rez-de-jardin surélevé dans les anciennes demeures, pour renforcer la différence avec le paysan qu’une seule cloison séparait de ses bêtes. Dans les constructions plus récentes il n’y a majoritairement plus de rez-de-chaussée su- rélevé depuis les années 80/90 mais une maison basse sous ses deux pans de toit, et le bétail ne peut être présent que dans les sièges en cuir de l’automobile parquée au garage.

La maison protège, tout en étant alors très forte- ment chargée de symboles.

21 7. Le mot “vaste“apparaît chez Gaston BACHELARD dans La poétique de l’es- pace et chez Jacques PEZEU-MAS- SABUAU dans Demeure Mémoire. Habitat: code, sagesse, libération. Bau- delaire y est cité, comme utilisant le mot vaste pour sa sonorité imagée.

8. Opus citare note 5 page 18.

9. Ibidem. p.26.

10. Pierre HEBBELINCK, L’invention des traditions, conférence organisée par l’École d’Architecture de Nancy, dans le cadre de la semaine Architecture et Patrimoine, Quel avenir pour les sites patrimoniaux de Nevers, 24/09/2020.

Ci-dessous : récupération d’objets trouvés au sol, regard sur le village à travers des boîtes rappelant les re- liques, ou les chasses au trésor, sans pour autant qu’il n’y ai rien de précieux , que l’image qu’elle conserve du terri- toire. Dans le cadre du projet d’études.

22 La maison, un lieu temporel

En outre la maison est un marqueur temporel spa- tial. C’est-à-dire qu’elle permet de donner un lieu à une époque, à une vie passée et à des souvenirs lointains. Mais elle n’est jamais le lieu témoignant d’une seule époque ou d’un souvenir, elle se compose de multiples facettes dépendant de celui qui re- garde. D’ailleurs les souvenirs de la maison ne sont pas toujours des évocations spatiales, on peut as- sez mal se remémorer la couleur du mur de la chambre, ou la forme des plinthes, (y en avait-il même ?), et se rappeler parfaitement un nœud de bois ou une fi ssure formant un profi l, un animal sauvage, retrouver aussi le chemin des rêves ou idées poursuivis depuis le lit, concernant un vaste monde 7 mais fi xés dans l’espace de la chambre. Pour Bachelard, la maison, par sa protection, permet la rêverie, et l’ennui, permis par les murs tutélaires, permet lui aussi la fabrication de songes, songes qui sont plus profonds que les pensées et auxquels Bachelard accorde toute l’importance de son ouvrage 8, songes qui imprimeront le lieu dans notre inconscient, dans notre mémoire.

« La maison abrite la rêverie, la maison pro- tège le rêveur, la maison nous permet de rê- ver en paix. » 9

Pierre Hebbelinck entame sa conférence sur « L’in- vention des traditions »10 par la vieille maison fa- miliale inoubliée qu’il est retourné voir. Il raconte avoir été submergé d’émotions en y retournant. Son travail photographique est fait à l’échelle d’un enfant c’est-à-dire à environ un mètre du sol. On ne voit alors pas la maison comme un adulte mais on remarque d’autres détails devenus invisibles avec la hauteur. Mais surtout on ne verra jamais ce que le conférencier voit, par le prisme de ses souvenirs les images lui appartiennent, et la seule adaptation de la hauteur de prise de vue ne suf- fi ra pas à nous les transmettre, on ne saura pas les jeux inventés, le frisson de peur dans le dos en montant de longs escaliers, le doigt qui gratte la peinture écaillée cherchant vainement une carte au trésor, succession de digressions personnelles.

Historiquement cette maison familiale, la “demeure traditionnelle“ est un sanctuaire, elle met les ancêtres à l’abri et les vénère autant que des lares. Mais cette idée onirique de la maison familiale regorgeant de portraits et de meubles 23 11. Jacques PEZEU-MASSABUAU, De- meure Mémoire. Habitat: code, sa- gesse, libération, paru aux éditions Parenthèses dans la collection Eupali- nos, chapitre 4.

12. Frédéric KARPYTA, Les chiffres du déménagement en , article paru dans Ça m’intéresse, le 05/01/2020

13. Jean-Christian BANS, Les granges à « courbes » de 1’Ancien Régime en Limousin, dans Lemouzi, Revue fé- libréenne et régionaliste , No 72, oc- tobre 1979, introduction.

14. Christian LASSURE, L’intangible tri- nité : la maison “traditionnelle”, la mai- son “de pays”, la maison “paysanne”, article paru initialement dans le Tome- VIII de la revue L’architecture vernacu- laire, 1984.

Ci-dessus : étable dans son environne- ment bocager. On observe une reprise du mur à gauche de la porte. Lys, Sas- sangy, Saône-et-Loire.

Page suivante : 15. Georg GERMAN et Dieter SCHNELL, Conserver ou Dé- molir ? Le patrimoine bâti à l’aune de l’éthique, 2014.

Témoins historiques ponctuant le ter- ritoire. Fley, Cersot et Sassangy.

24 hérités, d’un grenier plein d’objets inutiles et nos- talgiques 11, ne prend pas en compte les modes de vie actuels, ces modes de vie du jetable et du récupérable, ces déménagements réguliers, tous les 17 ans d’après une moyenne fi xant à 4,6 (hors logements étudiants) leur nombre en une vie 12.

Au-delà du souvenir familial et personnel qui perd de sa force au fi l des générations, la maison ins- pire aussi un devoir de mémoire, en paraphrasant Jean-Christian Bans 13, n’oublions pas qu’avant d’être les objets de jubilation esthétique, les mai- sons rurales anciennes sont des témoins histo- riques, ne relevant ni de l’art, ni de l’architecture mais bien de l’historicité du monde paysan, pro- duites à un moment donné par une certaine caté- gorie sociale. De surcroit, les ancêtres de ces demeures tradi- tionnelles étaient des constructions de bois, des cabanes, des murs en terre, ou des abris pauvres qui dateraient du Moyen-Âge ou de l’Antiquité et qui ne sont, eux, plus visibles aujourd’hui sans un préalable travail archéologique. Les ruines comme nous les connaissons, la “maison traditionnelle” que nous voyons et que nous qualifi ons comme telle, sont en fait le témoignage d’un entretien régulier au fi l des siècles et d’une richesse des propriétaires successifs. Même une étable, aussi pauvre qu’elle puisse paraître, a nécessité un in- vestissement pour qu’elle perdure 14.

Palimpseste : se dit par exten- sion, pour un objet qui se construit par destruction et re- construction successive tout en gardant l’historique des traces anciennes. André Corboz a proposé la métaphore du pa- limpseste dans son ouvrage Le territoire comme palimpseste. Le terme est également utili- sé en architecture, ou encore dans l’analyse paysagère. Par exemple, Olivier Mongin parle de «la ville palimpseste».

25 26 Georg Germann ; historien de l’art et de l’architecture, pro- fesseur et directeur du musée d’Histoire de Berne, et Dieter Schnell ; historien et théori- cien de l’architecture en poste à l’Université d’Architecture de Berne sont les auteurs de « Conserver ou Démolir ? Le patrimoine bâti à l’aune de l’éthique » 15. Georg Germann explique que l’attachement col- lectif amène la “piété“ et cette dernière serait la motivation de l’attachement au patrimoine. Plus tard il exprime les idées de Joachim Ritter selon qui le « processus de modernisation de la société bourgeoise et industrielle entraîne un dé- ficit de tradition, une perte générale de contact avec le passé, d’où un manque de sens historique.» Par réac- tion la société a établi des institutions compensatoires, que Ritter appelle “organes mémoriels”, chargés d’aider à retrouver des racines his- toriques. Le musée est une institution de ce type. ». No- tons que le quotidien regorge pourtant d’une piété naturelle non-institutionnalisée et qu’il est nécessaire de ne pas laisser s’installer la passivité d’un visi- teur de musée par facilité.

27 16. « Nos ancêtres les Gaulois est une expression utilisée aux xixe et xxe siècles pour évoquer la pré- tendue ascendance gauloise de la population française. » « Ce mythe des origines fait partie du “roman national”, construction mythifiée de l’histoire de France héritée de Mi- chelet et destinée au public popu- laire de l’école primaire et du foyer familial, écrit à la fin du XIXe siècle par différents historiens : Amédée Thierry, Henri Martin, Ernest La- visse... » Wikipédia nous informe.

17. Opus citare note 13 page 26.

Ci-dessus : Village aux maisons resser- rées, image d’Épinal. Et maisons qui font un petit tas de pierres entre les près et les vignes. Saint-Jean-de-Vaux, Saône-et-Loire.

Page suivante : Cersot, demeure du XVIIIe siècle. Avec cour intérieure, es- calier central et tour carrée. Photogra- phie noire et blanche tirée des archives numérisées de Saône-et-Loire, 1977

28 La maison, point de départ de notre environnement Ce devoir de mémoire, cet attachement collectif au patrimoine créé aussi une sorte de récit his- torique commun aux habitants d’un territoire (français pure souche, traditionnels, gaulois ! 16), comme si la légitimité d’occupation, voire d’exis- tence, de certaines choses dépendaient de leur instauration si ancienne qu’on ne saurait la dater, devenant alors intouchable. La maison, affublée de son adjectif “tradition- nelle“, s’enracine dans le paysage. Les maisons rurales paraissent en effet être de pures productions locales, vernaculaires. Cependant les techniques se dispersent en vastes zones d’application et concernent plutôt une époque qu’un pays. Le paysage est-il donc alors temporel ?

« Pourtant, là comme ailleurs, une étude mi- nimale suffit à montrer que certains types se situent dans une “fourchette” chronologique aisément cernable, mais que, par contre, leur aire de dispersion est très vaste si l’on veut bien admettre le fait qu’elle est discontinue; non seulement elle peut concerner plusieurs provinces éloignées, mais aussi plusieurs pays : il y a là le reflet de la diffusion des techniques et des goûts, et surtout celui de modes d’exploitation qui changent en fonc- tion des structures sociales et du marché. » 17

Comment ne pas céder à l’analyse territoriale, locale ? En Saône-et-Loire, sur la côte viticole, les maisons s’élèvent pour permettre de décharger le raisin à la cave, cave qui est alors semi-enter- rée ou en rez-de-chaussée. En effet, l’activité se concentre dans la partie basse de la maison et dans des granges et cuves attenants, ainsi l’espace résidentiel est concentré en un étage, au-des- sus encore des greniers isolaient la toiture. Les hommes ne vivaient pas à la même hauteur que les bêtes des cours comme on peut l’observer dans d’autres régions, la séparation est faite par les escaliers.

29 30 31 18. CAUE Franche-Comté.

Ci-dessus : Maison d’habitation élevée sur caves, dépendances, cour intérieure, gale- rie couverte protégeant l’entrée et la façade Nord. Sercy, Saône-et-Loire. Maison d’habitation, dépendances, cour in- térieure, toiture à coyaux protégeant l’en- trée et la façade Nord. Saules, Saône-et- Loire. Maison vide, probablement bourgeoise éle- vée sur deux caves. Longue galerie couverte sur la façade est protégeant les profondes entrées aux caves. Rimont, Fley, Saône-et- Loire. 32 « On accède à l’habitation par quelques marches im- plantées perpendiculaire- ment ou parallèlement à la façade. La maison vigneronne mixte peut être à une travée, c’est alors une maison de petit vigneron, de manouvrier vigneron ou de parents retraités ayant cédé leur exploitation aux enfants et ne conservant que quelques ares de vignes. Le modèle le plus répandu est la maison à 2 travées. C’est celle d’une activité viticole associant des locaux d’exploitation vivriers : une grange à l’ar- rière de laquelle est implan- tée une écurie. » 18

Dans le Mâconnais les caves s’ouvrent au sud (d’où la pluie ne vient pas) pour permettre le tra- vail du vin. L’avancée bourguignonne, reconnue comme une galerie typique dans le pays chalonnais, est une petite terrasse, parfois un simple perron cou- vert, mais plus on va au sud plus les façades des maisons se dotent d’escaliers et de véritables galeries couvertes reposant sur des piliers de pierres, parfois avec des poteaux de bois montant à la toiture ; une toiture moins inclinée que le toit de l’habitation. N’a-t-elle pas toujours été présente pour protéger la cave et sa fraîcheur ?

Mais effectivement on constate que les domaines plus récents n’ont plus nécessairement de voûtes empierrées, de galeries ombreuses, et encore moins leur logement sur le site de production.

33 Mario BOTTA, Cave Petra, Suvereto, Italie,1999-2003 Après sa carthédrale d’Evry en 1995. Viticulture vénérée.

« Une seule façade en aval, avec un corps cy- lindrique central de 25 m de haut et orienté à 45/90 degrés par rapport aux rangs de vigne qui l’entourent. Totémique et biologique, symbole d’une approche sensible d’un processus techno- logique, le cylindre comprend les activités de

34 réception et, en son cœur, les activités de vini- fication. Le toit - un plan incliné parallèle à la colline - est le lieu où les grappes de raisin sont récoltées: d’ici les raisins, séparés de la tige, tombent doucement dans les cuves de macéra- tion et de fermentation. » petrawine.it

35 Architectes Studio, Clos Cellier aux moines, Givry, Saône-et-Loire, 2015. Église du vin.

« S’inscrivant dans la tendance de la moindre intervention en vinifications, les aménagements gravitaires sont actuellement à la mode dans les constructions de cave. Mais peu vont aus- si loin que la nouvelle cuverie du domaine du Cellier aux Moines (7,5 hectares d’appellations bourguignonnes). « Ce qui est le plus simple est le plus facile » résume Philippe Pascal, le pro- priétaire du domaine, qui est allé jusqu’au bout de l’exercice gravitaire : intégrer les outils tech- niques au bâtiment pour créer le mouvement le plus fluide possible dans l’enchaînement des étapes de vinification. Mettant à profit le dénive-

36 lé de 20 mètres offert par une ancienne car- rière*, la cuverie se répartit sur quatre niveaux, chacun intégrant les diverses étapes de la vini- fication selon une progression chronologique et verticale. [...] En pratique, cet investissement de 2 millions d’euros a permis au domaine de quit- ter son cellier historique, mais exiguë, pour ces vendanges 2015 (les travaux se sont déroulés de février 2014 à juillet 2015). Avec une cuverie dont le dimensionnement serait adapté à 12 ha, Philippe Pascal se donne des marges de manœuvre pour des investissements futurs, ne cachant pas rester à l’affût d’opportunités d’achats d’ouvrées. » Vitishphere.com 37 19. Christiane CAMOU et Françoise DUBARRY, photographies de Philippe PERDEREAU, Les Nouveaux Paysages de la Vigne, paru chez Eugen Ulmer, le 13/10/2016.

Ci-dessus : contraste d’époques et de modes de vie. Sercy, Saône-et-Loire.

38 « Le paysage rural viti- cole longtemps resté im- muable dans notre imagi- naire offre aujourd’hui de surprenantes nouveautés au détour des promenades dans les vignes et tout au long des routes du vin enri- chies de nouveaux itinéraires. Effectivement, les dernières décennies voient appa- raître la révolution des modes de production faisant appel à de nouvelles ergonomies, de nouvelles performances, et donc de nouvelles conceptions archi- tecturales du patrimoine viti- cole. Ainsi, certains vignobles choisissent de réinventer une image se superposant aux marques du passé. D’autres, au contraire, font œuvres de créations hardies résolu- ment contemporaines. À cha- cun sa modernité, rassurante pour les uns, plus audacieuse pour les autres. Le destin du patrimoine dans un éternel recommencement. » 19

Indéniablement on ne vit plus sur son lieu de pro- duction, plus de cave, donc plus besoin des es- caliers ni de la galerie, les maisons individuelles s’abaissent, s’ouvrent de baies et se prolongent en terrasses. La galerie n’est plus qu’un témoin historique et un apport de charme lié à une au- thenticité chimérique. Le paysage refl éterait donc d’abord son époque, et ne saurait être propre à une seule et unique région, l’usage de matériaux locaux se justifi erai d’abord par la diffi culté pour des paysans de se fournir ailleurs (souvenez-vous, les camions ma- laxeurs n’apparaîtront pas avant 1926 et en Amé- rique, ils n’arrivent en France qu’en 1961, pas évident de standardiser la pierre de comblanchien ou l’ardoise en charrette. Cependant les matériaux prélevés sur place pour les maisons rurales anciennes conditionnent les techniques et les méthodes constructives, ainsi la 39 20. Extrait du PLUi de la c.c.S.c.c, Article UM11, page 42.

21. Eva BIGANDO, «Le paysage ordi- naire, porteur d’une identité habitante Pour penser autre- ment la relation des habitants au pay- sage», dans La sen- sibilité au paysage ordinaire des habi- tants de la grande périphérie borde- laise (communes du Médoc et de la basse vallée de l’Isle), thèse de doctorat sous la direction de Guy Di Méo, université Michel de Mon- taigneà Bordeaux III., 2006

22. Gaston BACHE- LARD, La poétique de l’espace, édité chez PUF, collection Quadrige Grands textes, 1957, 10e édition, 3e tirage, Fé- vrier 2011, page 26.

23. Opus citara note 7, page 24

À gauche : super- positions d’impres- sions sur calques de l’analyse du cantoon de Givry.

40 pierre permet de s’élever plus que le torchis des Flandres, et encore, les pierres sont directement issues de la pratique agricole, étant jetées en tas lors des labours, pierriers, qui servaient ensuite directement à monter les murs des habitations, des cadoles ou des granges. Les constructions ac- tuelles peuvent se permettre d’utiliser à moindre coût des matériaux extra-locaux et donc les tech- niques qui vont avec, sans non plus assigner le bâtiment à une fonction professionnelle, il sera simplement, souvent, demandé dans les PLU(i) que « tout projet [privilégie] l’emploi de maté- riaux traditionnels, qui par leurs caractéris- tiques et leurs teintes, sont en harmonie avec l’environnement proche. » 20

C’est donc un engrenage complexe entre l’activi- té de production, les matériaux locaux, les tech- niques, les modes, le climat et les échanges de ces derniers entre eux qui font le paysage rural ordi- naire 21.

Un paysage qui d’un point de vue habitant consti- tue un panorama stable, une vue ponctuée de re- pères. Sur le pas de la porte on sait situer chaque chose, l’horizon est connu. La maison, comme élément participant au monde, compose aussi le notre de manière personnelle. Notre maison nous entoure, d’après Bachelard elle est notre premier monde et sans elle l’Homme serait un être dispersé 22. En fait, elle est dans les premiers espaces que l’on appréhende, que l’on connaît. En restreignant le vaste 23 monde à des pièces, la maison nous permet un rapport à l’ex- térieur progressif. Comme un jardin n’est pas tout à fait la nature “pure“, la maison et l’extérieur qui y entre ponctuellement, n’est pas le monde, elle en est une partie. Le village ou la ville doivent être un passage tout autant progressif vers la commu- nauté.

41 24. Opus citare, note 2, page 12.

Pages suivantes :

25. Jacques PEZEU-MASSABUAU, De- meure Mémoire. Habitat: code, sa- gesse, libération, paru aux éditions Parenthèses dans la collection Eupali- nos, page 25.

26. Extrait de l’histoire du lieu, sur le site web.

Photographie du lavoir de Saules en 2020.

42 La maison, un lieu d’appropriation Justement, en réduisant notre monde et en en possédant une infi me partie, l’Homme peut agir sur cet environnement. Dans ce tout petit bout de monde, maison ou village, il peut s’accomplir en modifi ant son paysage quotidien.

Anthropisation : modifi cation de l’Homme sur la nature.

Il est impossible de se contenter d’exister comme locataires d’une terre qui appartient à d’autres Hommes. Il ne peut pas y avoir de reconnaissance de soi en un environnement intouchable. Souvent la ville est comme ça, ou de plus petites com- munes, leurs parcs sont publics mais personne ne peut marcher sur la pelouse, encore moins par- ticiper à leur entretien, les murs sont droits et lisses partout et nous ne pouvons pas les adapter à nous. Notre environnement ne nous ressemble pas, nous y sommes étrangers. Simone Weil écrit en 1949 que « La participation aux biens col- lectifs, participation consistant non pas en jouissance matérielle, mais en un sentiment de propriété, est un besoin non moins im- portant. Il s’agit d’un état d’esprit plutôt que d’une disposition juridique. Là où il y a vérita- blement une vie civique, chacun se sent per- sonnellement propriétaire des monuments publics, des jardins, de la magnificence dé- ployée dans les cérémonies, et le luxe que presque tous les êtres humains désirent est ainsi accordé même aux plus pauvres. Mais ce n’est pas seulement l’État qui doit fournir cette satisfaction, c’est toute espèce de col- lectivité. » 24

En réduisant l’échelle d’observation, en allant dans une rue, dans un quartier, dans un hameau ou un village, un sentiment de communauté en ressort, il se repère dans la disposition des maisons, dans les rues ou l’on se croise avec le sourire. Pour Aris- tote le village est « la première communauté formée de plusieurs familles en vue de la sa- tisfaction de besoins qui ne sont plus pure- ment quotidiens ».

C’est ainsi que de nouveaux arrivants emmé- nagent à coups de pinceau ou de marteau. Couches de peinture, de papier-peint et d’apprêt, les murs des maisons s’épaississent avec les occu- pants, et il n’est pas question ici de ne parler que de vieilles maisons archétypales de pierres, 43 mais bien de toutes les maisons. « L’homme ne saurait renoncer à participer à son aména- gement, si tenace reste en nous le besoin de sécréter notre demeure, de la faire jaillir de notre esprit et de nos mains. » 25 Ainsi, même la maison clé en main de construc- teur ou d’architecte ne saurait se soustraire à quelques travaux. Chacun y met un peu de lui, modelant son monde à son image.

Certains sont même devenus célèbres, comme le Palais du Facteur Cheval, entre le parking de la mairie de Hauterives, la terrasse ombragée du « Clos » et la résidence de soins Gabriel Biancheri, ce Ferdinand Cheval, a peuplé son potager « d’un incroyable bestiaire - pieuvre, biche, caï- man, éléphant, pélican, ours, oiseaux… Mais aussi des géants, des fées, des personnages mythologiques ou encore des cascades, des architectures de tous les continents ». 26 Cet Homme a poussé l’appropriation du lieu à son paroxysme, bien que ce palais soit inhabitable, il transcende le potager, qui devait avoir une terre miraculeusement fertile… La fi n du XIXe siècle correspond, en France, au dé- veloppement des voyages de nature touristique, aux publications de reportages culturels photo- graphiques et à l’apparition de la carte postale. Le facteur cheval s’inspire alors des images qu’il transporte, des régions éloignées de Hauterives, de l’Égypte au temple hindou, s’autorisant aussi des crochets dans le temps. Sa construction est un panorama gigantesque du monde construit, ac- tuel ou passé. Mais en le construisant lui-même, dans son terrain, il en fait son monde. Et son monde se visite maintenant, comme un décor fou, pour 5 à 8 euros.

44 604 km, 6h57, 42€50 et plus de 50€ d’essence plus à l’ouest, à Pessac, des habitants ont, depuis 1926, re-régionnalisé, re-traditionnalisé leur maison moderne. Au 5, 7 ou 9 de la rue Le Corbusier on constate que les crépis ont été éclaircis, modifi és pour se conformer à une norme régionaliste, il en va de même pour quelques couvertures de toiture où l’on a ajouté des tuiles canal, des volets en bois ou des huisseries RAL 7016. Ces maisons à forte identité moderniste n’ont donc pas toujours trou- vé des occupants de cette veine, ils auront plu- tôt préféré transformer leur environnement pour le faire entrer dans un modèle “ traditionnel “ et s’intégrer alors à la communauté régionale.

En sortant de la maison, en participant aux biens collectifs nous ouvrons les limites de notre monde sur celui des autres. Les biens collectifs sont aus- si une extension de notre « chez-soi », et pour que cela nous « appartienne » il faut y passer du temps, le modifi er par notre présence, ou même par des actions tangibles. À Saules, en Saône-et-Loire, les administrés ont participé à un week-end citoyen pour rénover un des deux lavoirs du village, par conséquent, l’oc- cupation du lieu peut être vécu non pas comme le passage sur le terrain d’autrui, mais comme un droit naturel. Et on suppose sans peine que l’on prend davantage soin de ce que l’on possède. Mettant de côté les suppositions, l’état du lavoir s’est dégradé depuis les travaux de 2011, ni la petite quinzaine de travailleurs avec l’employée communale ni d’autres habitants n’ont apparem- ment continué à l’entretenir. À Saules il y a aussi eu un poulailler communau- taire, permettant à plusieurs familles de prendre soin des gallinacés et d’en récupérer les œufs, mais il faut croire que la notion de lieu partagé, appartenant à plusieurs sans être individuel, n’a pas été bien intégrée par tous, puisque les poules ont été volées. Comme 51 jardinières installées plus bas dans la commune. Le bien commun pa- raît être l’opportunité pour certains de se l’appro- prier exclusivement.

45 46 S N O I T R E S E

47 D 48 Certaines de ces maisons rurales, présentant de nombreuses qualités pour l’existence humaine, sont pourtant désertées, quittées, laissées à l’aban- don, vouées à périr. Alors on se rend compte que le modèle rural est resté fi gé quelques temps car il manque une géné- ration dans les villages, et donc il ne convient plus, il faudrait tout reprendre. Lorsque la maison est « reprise », ce n’est que rarement par les membres de la famille, et alors la transmission se fait sans héritage patrimonial, la maison se détache de son histoire, ne prenant place que dans le cadre spa- tial. Dans ce paysage les maisons vides forment un décor qui ne correspond pas toujours à l’image d’Épinal champêtre et la revente ou l’entretien est fastidieux, on ne sait plus si la ruine cause l’aban- don ou si l’abandon cause la ruine.

À gauche : Sassangy, Saules, Chatel-Moron, Sas- sangy.

49 1. Insee et statista.

2. Simone WEIL, L’enracinement ou prélude à une déclaration des devoirs envers l’être humain, champs clas- siques et folio essais Gallimard 1990, première parution : 1949.

Pages suivantes :

3. D’après le SCot du Chalonnais.

4. Onisep et L’Étudiant, recherches dans le répertoire des formations.

Sassangy 145 habitants en 2018 (150 en 2020) - 59 en 100 ans, +58 en 50 ans, - 10 en 4 ans

Cersot 140 habitants en 2018 + 22 en 100 ans, + 70 en 50 ans, + 10 en 5 ans

Fley 201 habitants en 2018 - 262 en 100 ans, - 47 en 50 ans, - 29 en 5 ans

Saules 128 habitants en 2018 (130 en 2020) - 63 en 100 ans, -6 en 50 ans, + 3 en 4 ans.

Sercy 99 habitants en 2018 (97 en 2020) - 106 en 100 ans, -9 en 50 ans, +4 en 3 ans.

50 Désertion rurale et des modèles d’habitation suranés Entre 2007 et 2017 le pourcentage de la popula- tion rurale passe de 22.4% à 20%, il ne cesse de s’amoindrir puisqu’il y a 50 ans le taux était 11% plus élevé. 1 « Le déracinement paysan a été, au cours des dernières années, un danger aussi mortel pour le pays que le déracinement ou- vrier. Un des symptômes les plus graves a été, il y a sept ou huit ans, le dépeuplement des campagnes se poursuivant en pleine crise de chômage. Il est évident que le dépeuplement des campagnes, à la limite, aboutit à la mort sociale. On peut dire qu’il n’ira pas jusque-là. Mais on n’en sait rien. Jusqu’ici, on n’aperçoit rien qui soit susceptible de l’arrêter. » 2

Les cinq communes traitées ont perdu une forte proportion de leur population en 100 ans, mais cette tendance se stabilise doucement depuis les dernières décennies.

Présentant les avantages de la proximité, de la culture, du travail et du coût de vie, mais les dé- savantages liés à la surpopulation, à la pollution générale ou à la constante sollicitation, les villes sont progressivement délaissées pour les zones en périphérie depuis la seconde moitié du XXe siècle. Les lotissements de plus en plus présents offrent l’avantage de l’équité, de l’accès à la propriété d’une maison individuelle avec un terrain. Face à la ville le pavillon promet un grand confort lié à l’espace, au calme, à un air moins pollué et à une diminution de l’interaction avec autrui, pouvant être source de problèmes, d’angoisses, de danger. Les prix restent accessibles en effectuant un prêt bancaire. Honnêtes rêveries.

Ces urbains, qui viennent emménager en zone ru- rale, sont rarement des clichés néoruraux, ce sont plus souvent des personnes issues d’un territoire proche, ayant déjà eu un mode de vie similaire.

51 Située dans la zone d’infl uence du grand pôle (plus de 10 000 emplois) de Chalon-sur-Saône en Saône-et-Loire, la Communauté de Commune Sud Côte Chalonnaise voit sa population augmen- ter à un rythme annuel proche des +1% depuis une cinquantaine d’années. 3 Cette zone présente un cadre de vie attractif et, pour la moitié sud-est, d’un accès facilité à l’agglomération. Le solde mi- gratoire est donc positif.

Le phénomène le plus courant est probablement l’installation en campagne du couple avec de jeunes enfants, ou qui en attendent, après avoir vécu en appartement urbain pour les études et/ou les premiers emplois. Ils choisissent alors une mai- son dans leurs moyens, proche des commodités de transports, de scolarité, favorable à la sécurité pour les enfants et le calme pour eux. Les enfants font leur scolarité à l’école élémen- taire du village, puis au collège le plus proche ou d’autres fois les parents profi tent des trajets vers le travail pour les déposer dans une autre école, plus pratique, ou mieux réputée peut-être. Ensuite ils doivent étudier plus loin, la plupart vont dans la ville proche qui centralise les lycées gé- néraux et quelques sections professionnalisantes existent dans d’autres communes desservies spé- cialement par les transports en commun. En voi- ci une liste non exhaustive 4 à laquelle le lecteur pressé pourra se soustraire en changeant de page et en reprenant à «en résumé» : À des BTS assurance, management commercial opéra- tionnel, des mentions complémentaires accueil-ré- ception,coupe couleur, cuisiner en desserts de res- taurant, barman, traiteur, des bac pro commerce, cuisine, métiers du commerce et de la vente, des Brevets Professionnels Arts de la cuisine, boucher, boulanger, charcutier traiteur, coiffure, des Bre- vets techniques des métiers chocolatier confi seur, glacier traiteur, photographe, des CAP boucher, boulanger, charcutier, cuisine, métiers de la coif- fure, agent polyvalent de restauration, employé de commerce multi-spécialités, employé de vente spécialisé, glacier fabricant, pâtissier. À Fontaines un bac pro conduite et gestion de l’entreprise agricole, des BTSA productions ani- males, productions végétales. À Saint-Marcel des CAPA jardinier paysagiste, métiers de l’agriculture en production végétale, BPA travaux d’aménage- ments paysagers, bac pro conduite de productions horticoles.

52 À Chatenoy-le-Royal un BTS maintenance des matériels de construction et de manutention, des bac pro maintenance des matériels de construc- tion et de manutention, métiers de l’électricité et de ses environnements connectés, des CAP conducteur d’engins travaux publics et carrières, constructeurs de routes, constructeur en canali- sations des travaux publics. À Chalon-sur-Saône un Master ingénierie numérique et un Master spécialisé espaces virtuels avancés, un Master MEEF CAPET sciences industrielles de l’ingénieur, un DNA option art, un DNSEP, diplôme supérieur de comptabilité et de gestion, DU études tech- nologiques internationales, des licences profes- sionnelles en logistique, techniques du son et de l’image, en logistique et pilotage des fl ux par- cours logistique hospitalière, métiers de l’aéro- nautique, diplôme d’État d’infi rmier, un diplôme d’État d’aide-soignant, un bachelor EGC, des DUT carrières juridiques, gestion logistiques, science et génie des matériaux, des BTS pilotage de procé- dés, professions immobilières, services et pres- tations des secteurs sanitaire et social, services informatiques, support à l’action managériale, systèmes constructifs bois et habitat, systèmes numériques, technico-commercial, métiers de l’esthétique cosmétique parfumerie option mana- gement, métiers de la chimie, négociation et digi- talisation de la relation client, pilotage, assistance technique d’ingénieur, comptabilité gestion, conception de produits industriels, conception des processus de réalisation de produits, option production sérielle, conception et réalisation en chaudronnerie industrielle, économie sociale et familiale, électrotechnique, environnement nu- cléaire, gestion de la PME, des mentions complé- mentaires technicien en énergies renouvelables option énergie électrique, math spé PT, math sup PTSI, prépa économique et commerciale, des bac pro technicien d’usinage, technicien en chaudronnerie industrielle, technicien menuisier agenceur, technicien outilleur, commercialisation et service en restauration, gestion administration, maintenance des équipements industriels, com- merce, des Brevets Professionnels charpentier bois, coiffure, esthétique-cosmétique-parfumerie, tapissier d’ameublement, des CAP conducteur d’installation de production, esthétique cosmé- tique parfumerie, métiers de la coiffure, mention complémentaire coupe couleur, agent polyvalent de restauration, arts du bois option marqueteur, assistance technique en milieu familial et 53 5. Sur la base de témoignages locaux.

6. Rendez-vous et entretiens avec les maires dans le cadre du projet d’études.

Ci-dessus : carte du canton de Givry et représentation des modes de déplace- ment selon les activités.

54 collectif, carreleur mosaïste, charpentier bois, constructeur bois, cuisine, ébéniste, électricien, employé de commerce multi-spécialités, instal- lateur de froid et conditionnement d’air, maçon, monteur en installations thermiques, peintre ap- plicateur de revêtements, plâtrier-plaquiste, tapis- sier d’ameublement en décor et en sièges. Fin.

EN RÉSUMÉ, comme souvent dans les zones ru- rales sont proposées de multiples formations techniques et de savoir-faire, beaucoup de forma- tions courtes en apprentissage, quelques forma- tions courtes post-bac dont la poursuite ne peut se faire sur place, et des masters dont les licences ne peuvent se faire qu’ailleurs. Ces études, nom- breuses tout de même (le lecteur assidu en aura fait les frais), restent circonscrites en ces cinq com- munes citées (différentes des cinq communes du projet), soit une communauté d’agglomération, une zone de quelques 80 kilomètres carrés, pour un territoire (celui du SCoT) de 137 communes, 4 EPCI et 1 444 kilomètres carrés. Pas étonnant alors que tout le monde n’y trouve pas son compte.

Fort heureusement, de nos jours la mobilité ex- tra-locale est facilitée. Ceux qui s’arrêtent là trouvent du travail dans le grand pôle, il est plus rare qu’ils désirent retourner dans le “petit village perdu” où les jeunes de cet âge sont rares, déjà parents parfois. Ceux qui continuent vont vers d’autres villes, plus grandes et bien souvent ils y restent suffi samment pour vouloir s’y établir, avoir un travail confortable, trouver amis et compa- gnons, c’est parfois au bout de plusieurs années que l’envie de quitter la ville s’installe, et alors ils suivent le même chemin que leurs parents : ils cherchent une maison à la campagne, une maison dans leurs moyens, une maison proche des com- modités de transports, de scolarité, favorable à la sécurité pour les enfants et au calme pour eux. 5

Ainsi de suite.

Un écart apparaît, celui des âges de la population rurale, d’après l’entretien réalisé avec le maire de Saules, il manque une génération 6. Il n’y a que peu de jeunes entre 20 et 30 ans. « En 2030, la classe actuelle des personnes âgées de 60 à 74 ans (21 890 personnes en 2010) aura intégralement franchi le seuil de 75 ans. Or, c’est souvent à partir de cet âge 55 Fley passe de 352 habitants en 1954 à seulement 195 habitants 8 ans plus tard et 160 en 1975 : soit - 44,5% et - 18%. Jusqu’en 2017 Fley a gagné 31% de po- pulation. Cersot perd d’abord 41 habi- tants sur 129 en 10 ans (1936- 1946) : - 31,8% et atteint sa dé- mographie la plus basse en 1968 avec 70 habitants, les 40 années suivantes lui en redonneront 70 de plus : + 200%. Sassangy voit sa démographie chuter de 102 en 1962 à 87 en 1968 : - 15%, et remonter doucement à 89 dès 1975. Elle augmentera ensuite de 68,5% jusqu’en 2020. A Saules la démographie la plus basse qui ai été enregistrée date de 1982, avec 110 habitants, soit 36 de moins que 20 ans plus tôt : - 24,5%. Et elle n’augmente ensuite que de 18 % jusqu’en 2020. Quant à Sercy c’est en 1990 que 69 habitants sont recensés, soit un défi cit de 39 personnes en 22 ans : - 36%. Et une hausse de 40,5% en 30 ans, jusqu’en 2020.

56 que débute la dépendance. Cette perspec- tive aura un impact pour le projet du SCoT, qui devra considérer la question des services, des équipements, des logements, et des mo- bilités dans un territoire vieillissant. L’étude des indices de jeunesse permet de lire la ré- partition des âges sur le territoire. En 2010, près de 60% des communes du SCoT ont une population âgée : les habitants de plus de 60 ans y sont plus nombreux que ceux de moins de 20 ans. »

Le territoire du SCoT enregistre un bénéfi ce mi- gratoire qui concerne l’ensemble des tranches d’âges (sauf 15-24 ans et plus de 80 ans) sur la période 2003-2008, en particulier un gain de 400 personnes entre 30 et 34 ans accompagnées de plus de 500 enfants entre 5 et 9 ans.

Jetant un œil vers le passé, il était courant de voir le jeune actif revenir vivre auprès de sa famille une fois le passage en ville effectué, aujourd’hui la répartition se fait différemment, certaines com- munes sont donc délaissées au profi t d’autres, et les écarts se creusent, laissant dans une forme d’abandon les communes désaxées. Au cœur même des communes les modes de vie ont évolué et certaines maisons ne conviennent plus : les gens veulent plus de confort ; entendons, confort minimum actuel. D’après les caractéris- tiques des communes présentant croissance ou décroissance démographique, les commerces ne semblent pas être les bons, les routes ne sont pas assez larges, les voisins pas assez loin, les haies pas assez touffues, le réseau pas assez acces- sible… Il faut croire que les villages, tels quels, ne pouvaient pas accueillir de nouveau la vie. Et cela modifi e la façon d’habiter. Les modèles architec- turaux et familiaux communiquent étroitement. Le designer peut relever les modifi cations qui s’effec- tuent chez l’un comme chez l’autre. Donc les communes qui ont perdu signifi cative- ment leurs habitants entre les années 70 et 90 voient leurs vieilles maisons inhabitées. Dans les entretiens il est question d’une dizaine de maisons à vendre inoccupées à Sercy, et une dizaine de maisons secondaires vides à Sassangy. Entre 10 et 20 %. D’après ces calculs à gauche, on peut constater que le besoin en habitations dépasse l’offre de bâti existant, et étant donné que ce bâti n’est pas toujours habité, c’est qu’il ne répond plus suffi - samment aux besoins actuels. 57 Piroux plage, la manche, années 70. Aujourd’hui détruit.

« En 1990, un projet immobilier, Aquatour, qui prévoit la construction de 75 maisons, d’un res- taurant, des aménagements sportifs et d’un hô- tel, échoue en raison de problèmes financiers du promoteur et de permis de construire accordés sans viabilisation. Le chantier s’arrête début 1992, laissant une trentaine de maisons inachevées, provoquant la faillite de plusieurs entreprises et la ruine de particuliers. Si, d’après la maire Noëlle Leforestier, les 80 propriétaires des mai- sons abandonnées sont indemnisés, l’enquête sur les responsables de ce fiasco se poursuit encore en 201618 Ce “ village fantôme ” comme le nom- ment les habitants, abrite plus d’une trentaine de 58 bâtiments. Le lieu est peu à peu investi par des poètes, des artistes et des cinéastes. Il apparaît dans Visages, villages, un documentaire réali- sé par Agnès Varda et JR19. Des graffeurs re- peignent les murs de couleurs vives, avec des styles variés, contribuant à la notoriété du lieu. La municipalité a racheté le terrain et un nou- veau projet devrait bientôt voir le jour20 ,21. Le 22 novembre 2016 commence la destruction des bâtiments afin de laisser la place à un nouveau projet immobilier qui reste à définir22.» Photos aériennes de François Monier, Août 2015, sep- tiemecielimages.com

59 Hameau de Courbefy, Limousin, années 70. 21 maisons, 11 hectares.

« Au tribunal de Limoges, l’heure des enchères approche. Un homme avec des lunettes, la soixantaine, fait son entrée dans la salle : Ber- nard Guilhem, le maire délégué de Saint-Nico- las-Courbefy. Il est au premier chef intéressé par cette vente. Il «espère qu’elle débouchera sur un projet susceptible de faire revivre le village et de créer des emplois». Car ici, la désertification est une menace récurrente. Sa commune compte deux hameaux. A Saint-Nicolas, il reste encore 150 habitants. Mais à Courbefy, qui a succombé à l’exode rural, il ne reste plus personne. L’activité

60 L’activité traditionnelle du hameau était liée à l’exploitation des forêts de châtaigniers, toutes proches. Ici, on était feuillardier de père en fils, un métier qui consistait à faire des lattes en bois pour cercler des tonneaux ou fabriquer piquets et clôtures. Et on était locataire des Decroisant - fa- mille maternelle de l’actuel maire-, propriétaire de toutes les maisons. Au début des années 70, le dernier habitant s’en va. L’aventure immobilière de Courbefy commence.» Tonino SERAFINI, publié sur Libération.fr, le 29 mai 2012 à 19h06,

61 7. Jean-Pierre BABELON et André CHASTEL, La notion de patrimoine, édité chez Liana Levi depuis le 9 mars 2000.

8. Frédéric KARPYTA, Les chiffres du déménagement en France, article paru dans Ça m’intéresse, le 05/01/2020

Ci-dessous : Ajouts désaccordés au- tour d’une petite maison du bourg, Sassangy. Accès oublié du domaine viticole / château de Sassangy.

62 Désertion récurrente due à la mobilité des habitants La maison rurale ancienne, quand elle n’est pas abandonnée à son sort, est rénovée, retapée. Mais comme l’expliquent J-P Babelon et André Chastel, la rénovation compromet la perception de « l’œuvre dans le temps » 7 et que le trépas lui est authentique. Il est vrai qu’un grand nombre de maisons, anciennement fermes, ont transformé leurs hautes et larges portes de granges en baies vitrées, les greniers à foin ou pour sécher la viande ont maintenant une fonction de chambre, peut- être d’un vegan ou d’un sujet au rhume des foins, ironie. Mais la transformation du bâti fait oublier son histoire, la rend presque invisible sous les couches de nouveauté.

L’héritage familial de maisons est devenu très rare, et l’héritage culturel a tendance à muséifi er le pa- trimoine en choisissant des modèles valables et en en rejetant d’autres. Il y a donc une distance qui s’établit entre le lieu vécu et le lieu élu, l’un frappé d’ignorance et l’autre de paralysie. Si l’héritage ne se pratique plus, on constate aussi que les populations sont plus mobiles, comme dit précédemment, nous déménageons en moyenne 4,6 fois par an 8, même si l’on ne s’éloigne jamais vraiment, on change de typologie d’habitat, et en même temps de lieu où les souvenirs se fi xent.

On pourrait établir une carte des lieux habités, même succinctement, mais pourrait-on parler de l’époque que racontait le bâtiment ? Place-t-on encore la maison neuve dans une dimension tem- porelle, ou seulement spatiale ?

« Les échanges les plus importants se font avec la région Bourgogne (54% des entrants, 54% des sortants), et plus particulièrement avec le reste de la Saône-et-Loire et la Côte d’or, d’où sont originaires 51% des entrants et où partent 52% des sortants du territoire. En contrepoint, près de la moitié des échanges (46% des entrées et 46% des sorties) se font donc avec les territoires extra-bourgui- gnons. S’y ajoutent près de 1260 personnes emménageant sur le SCoT en provenance de l’étranger. L’attractivité du territoire reste essentiellement circonscrite aux régions voi- sines. Près de 80% des nouveaux arrivants proviennent ainsi de Bourgogne (54%), de Rhône-Alpes (14%), d’Île de France (8%) et de Franche-Comté (4%). Dans le sens inverse,

63 9 : RP Tome 2 - SCoT du Chalon- nais approuvé depuis le 02/07/2019, page 15

Ci-dessous : Nain dans une niche, bam- bou, briques et pierres, Châtel-Moron.

64 les partants se dirigent en majorité vers les régions Bourgogne (54%), Rhône-Alpes (16%), Île de France (5%) et PACA (4%). » 9

65 10. DBD Textiles à , Saône-et- Loire.

11. Nicolas GRIMALDI, «L’esthétique de la belle nature. Problèmes d’une esthétique du paysage», sous la direc- tion de François DAGOGNET, Mort du Paysage ?, publié chez Champ Vallon, Septembre 1993.

12. Camille JUZA, la France des lotisse- ments. Épisode 3 de la série 4 Paysages de France Inter, le 25/01/2017.

Ci-dessous : bâtiments de production à Sercy, Fley, Cersot, Chatel-Moron (3 images dont pages suivantes).

66 Désertion qui impacte le paysage Cette préservation d’un paysage “ traditionnel “ diffuse une image pastorale et bucolique du monde rural. Le paysage est dressé comme un décor de théâtre qui masque les usines de cra- vates made in France 10, les déchetteries et même les bâtiments agricoles de tôle bac acier. Dans un sondage diffusé dans le canton de Givry, quelques habitants se sont exprimé vis-à-vis de l’esthétique de leur environnement :

«retrait: les fils Electrique et téléphonique!!! » « tous les engins agricoles, c’est bruyant et pas sécurisant pour notre enfant. » « Construc- tions moches (hangars) » « Une petite épi- cerie boulangerie avec des produits locaux serait un plus. Mais le chant des oiseaux et l’harmonie naturelle de la campagne prime sur tout le reste. »

Cette image de la campagne champêtre, cadre de vie idéal, est le résultat d’une artialisation de notre environnement. En fait nous conférons aux choses qui nous entourent des caractéristiques picturales, les mêmes critères qu’à une œuvre d’art. 11 Cet espoir de maison dans le jardin d’Eden est questionné par Camille Juza, dans La France des Lotissements 12 : « Mais que reprocher à ce dé- sir de quitter la grande ville ? D’avoir un bout de jardin, d’échapper aux loyers trop chers, à la densité, au bruit. » Ce désir de devenir propriétaire est une caracté- ristique française, elle correspond à une ascension sociale et les sociologues et urbanistes étudient cette préférence instigatrice de l’étalement urbain partout en métropole et plus signifi cativement en Île-de-France. C’est plus de 600 000 maisons indi- viduelles qui ont été construites dans la seconde moitié du XXe siècle.

Fidèlement le pavillon est une construction indivi- duelle en recul par rapport à la voirie, avec un jardin à l’avant et un terrain à l’arrière, sans contraintes de mitoyenneté. Les maisons vendues sur cata- logue sont un simple produit industrialisé, mais la publicité ne les présente pas comme des maisons “playmobils“, ni comme des bungalows aména- gés, non non, c’est une maison neuve, qui va vous satisfaire par sa qualité et son prix : votre rêve se réalise, vous pourrez le raconter à vos enfants, en espérant qu’ils trouvent cela digne d’être raconté à leurs enfants à leur tour. Nous sommes bien loin des conquêtes de territoires et des constructions 67 68 69 Ci-dessous : maisons récentes à Cersot, Sercy, Sercy et Givry.

70 des conquêtes de territoires et des constructions laborieuses qui font les contes, ici la légende c’est un projet onirique de maison parfaite, « le Graal » d’après un client de DOMEXPO.

DOMEXPO c’est un décor de maisons témoins, des murs dans lesquels personne n’habite, seuls les espoirs les envahissent. Ce village permet aux futurs propriétaires, souvent primo-accédants, de trouver une maison qui correspondra à leurs sou- haits, à leurs besoins et à leurs coûts. Tout cela homogénéise les façons de vivre, tant en son sens d’habiter que d’exister. Les cubes entuilés se res- sembles car chaque acquéreur se conforte dans le mimétisme, mais une copie d’une copie quoi sera encore copiée ne peut mener à aucune création. Avec les permis de construire qui se multiplient sans cesse les paysages s’uniformisent, les com- portements suivant cette tendance. Chacun pos- sède sa voiture : c’est un principe fondateur des lotissements pavillonnaires offrant le calme de la campagne, proche de la ville, liée à elle par un cor- don d’asphalte. Ces quartiers sont dépendants de la ville, c’est donc un modèle urbain consomma- teur d’énergie, à cause des déplacements massifs. L’économie des ressources naturelles n’étant pas une option même si de nombreux Hommes tendent encore à le croire, le lotissement va devoir évoluer vers une moindre consommation de l’es- pace, une diminution des consommations éner- gétiques, et des surconsommations générales de tout ce que peut offrir la (T)terre.

Il faut tout de même retenir que les Français rêvent de liberté, en un sens bien contraint, précisons alors : une liberté de mouvement dans leur espace privé, ce qui entraîne un isolement concrétisé par des haies, des clôtures, des portails ou des murs. Ajoutons que les lotissements sont une réponse au dépeuplement des villages français, ils per- mettent d’accueillir des futurs parents qui pour- ront scolariser les enfants dans l’école communale et ainsi assurer l’avenir du village. En effet une idée de pérennité est transmise par ses lignes blanches des murs crépis. C’est une maison pour se stabili- ser, elle entre en contradiction avec le monde ac- tuel en constante mutation. Un interviewé de Ca- mille Juza explique que les matériaux ont évolués, mais pas l’architecture des pavillons. Ces maisons mêmes tentent de s’inscrire dans l’esthétique tra- ditionnel et local, ce qui n’a plus aucun sens : un

71 Saint-Martin-d’Auxy. Mise en scène du moulin et des constructions neuves.

13. Kévin GŒURIOT, Le village et la maison en Lorraine, Un patrimoine méconnu entre permanences et muta- tions, octobre 2016, page 19.

72 Nombreux sont les défenseurs du patri- moine qui publient des articles, ou intiment des conseils pour préserver le caractère au- thentique des façades, toitures, menuiseries, etc. « Sans vivre comme autrefois, dans une cuisine borgne et dans des draps à peine tiédis par la chauferette. Il serait nécessaire que les Lorrains prennent conscience de leur patrimoine et sauve- gardent au moins les façades des mai- sons traditionnelles. Cela suppose de ne pas clôturer les usoirs, de ne pas rempla- cer une porte cochère par une porte de garage automatique, de laisser le crépi en façade, de mettre une statuette dans la niche au dessus de la porte, de planter un poirier au pied de la façade et d’éviter les tuiles mécaniques… Ces efforts, coû- teux, méritent cependant d’être faits. Il suffit de voir nos voisins alsaciens pour s’en convaincre. »13 Cependant nous oserions affi rmer que le lieu ne se résume pas à son apparence, ni à sa pré- servation patrimoniale, mais à tout son envi- ronnement, son “génie“, ses habitants, etc. L’héritage n’est plus obligé de reproduire à la lettre ce qui est et a toujours été.

73 14. Opus citare note 13, page 68.

15. Étude de 2014, Statista.

16. Table ronde, sous la direction de François DAGOGNET, Mort du Paysage ?, publié chez Champ Vallon, Sep- tembre 1993.

17. Alain ROGER, Court traité du pay- sage, Gallimard, 004/2017.

18. Lucien KROLL, Tout est paysage, Sens&Tonka, Essai 10/20, 15/10/2012, première édition 2001, page 30.

Ci-dessous : exagération de l’idéalisa- tion rurale.

74 simulacre d’authenticité pour costumer d’une « vague teinte régionaliste » 14 les murs de par- paings construits par des équipes ‘‘internatio- nales’’.

Mais quel malheur lorsqu’on étudie une seconde statistique 15 présentant le lieu de vie idéal des français, 25% souhaitent vivre dans une commune moyenne (5 000 à 20 000 habitants, exemple : Saint-Remy ou ), suivis de peu par 19% qui rêvent de vivre dans une petite commune de 2 000 à 5 000 habitants (équivalent à Givry ou Buxy) et 19 autres pourcents voulant habiter un bourg. Le taux le plus bas : 7% revient aux périphéries des grandes ou très grandes villes, juste après les 10% qui souhaitent habiter dans ce type de ville de plus de 100 000 habitants. Les français n’ont donc pas la possibilité de vivre où ils veulent. En plus de l’image de bourgade calme et joviale le village parait plus sécuritaire que la ville, 65% de citoyens qui se sentent moins menacés à la campagne.

Une ruine dans un paysage peut faire partie du décor telle quelle, puisque d’après de nombreux écrivains c’est l’art qui nous permet de qualifi er un paysage d’esthétique, et Hubert Robert a peint de nombreuses ruines, tableaux que l’on qualifi e de “beaux“, alors la ruine se verra apposer le même qualifi catif. L’artialisation de la ruine la fait pas- ser dans le domaine de «l’espace jardin» (résul- tant d’un projet), et sortir de «l’espace paysan» (espace sans projet, résultant d’une pratique), l’un n’ayant pas plus ou moins de qualités que l’autre. 16 Mais un des revers de cette artialisation, d’après Alain Roger, c’est que l’art vaut souvent mieux que la réalité. Le paysage n’est jamais naturel mais toujours culturel. La ruine ne serait donc belle que parce qu’elle renvoie à des modèles. «Il n’y a pas de beauté naturelle ou, plus exactement, la nature ne devient belle à nos yeux que par l’intervention de l’art». 17

Un des risques du décor est de tomber dans la muséifi cation et de contredire la loi naturelle de « la destruction et la ruine de l’inutile ». 18

75 19. Gustave FLAUBERT, Madame Bova- ry, première édition chez Michel Levy Frères, 1857.

20. Simone WEIL, L’enracinement ou prélude à une déclaration des devoirs envers l’être humain, champs clas- siques et folio essais Gallimard 1990, première parution : 1949.

Ci-dessous : Maison qui ne sera jamais réparée à Châtel-moron. Bois à la craie grasse

76 Désertion menant à la ruine, et ruine menant à la désertion Cette image idyllique de France du passé s’oppose à la vision qu’en dépeint Flaubert à travers son personnage d’Emma Bovary, une jeune femme du XIXe siècle qui emménage en campagne Nor- mande avec son jeune époux. Sa vie est une longue descente vers la dépression. Le personnage évolue dans un village en décom- position, sans caractère, un lieu qui l’enferme dans un ennui dans égal qui la mènera au suicide. Elle rêve de la ville, de Paris, dont elle achète même une carte pour imaginer s’y promener.

Le personnage d’Emma, créé par Flaubert, 19 il y a 160 ans, existe encore aujourd’hui : sur internet il n’est pas diffi cile de tomber sur des forums dans lesquels des femmes expriment leur perte d’inté- rêt pour la campagne après avoir voulu fuir la vie parisienne. La mélancolie les envahit, elles se sentent isolées, solitaires, et si leur mari a pu trouver du travail elles sont souvent à temps partiel ou femme au foyer. Beaucoup ne savent pas jardiner et regrettent le goudron et les bruits incessants de la ville. Pour les contadins aussi la vie est dure : l’attrait de la ville, où tout paraît plus simple, à portée de main, est grand. Simone Weil explique que les paysans « sont toujours tourmentés par le sen- timent que tout se passe dans les villes, et qu’ils sont « out of it ». Bien entendu, cet état d’esprit est aggravé par l’installation dans les villages de T. S. F., de cinémas, et par la cir- culation de journaux tels que Confidences et Marie-Claire, auprès desquels la cocaïne est un produit sans danger. » 20 La campagne belle et pure, le grand air, cela n’est effectivement qu’un décor car en vérité l’air y est pollué par les machines agricoles, que ce soit les vignobles ou les grands champs de culture. Mêmes les bocages et les prés sont source de perturba- tions écologiques. De supposées traditions locales ne font que suivre le mouvement de ce postiche arrangé.

La réalité de la maison rurale, et de la condition de propriétaire, c’est d’être confronté au vieillisse- ment de la construction. Ils sont nombreux, cham- pignons lignivores en milieux humides tâchant de vert les extrémités des poutres, mérule asséchant le bois jusqu’à le briser, pourriture cubique, pour- riture fi breuse, pourriture molle...Et des insectes xylophages, anobies, lychtus, capricorne ou bien connues termites. Fourmis ou guêpes charpen- 77 78 tières. Les pierres aussi s’enrhument, les pare- ments se désagrègent en boursoufl ures friables et le calcin tombé la pierre est nue. Sulfures, lichens, algues, mousse, champignons, sel, feu, gel, dégel causent désquamation, pulvérulence et alvéoli- sation pour le plus grand désarroi des habitants constatant (trop tard) les dégâts. Maisons de bé- ton, vous n’êtes pas à l’abri, le RAG menace, comme un parasite, il s’infi ltre, et grossit, et fi ssure. La car- bonatation, rare dans les petites constructions in- dividuelles mène à l’explosion du béton.

Alors que ce soit par dépit sentimental ou par épuisement des solutions de réparations les ha- bitants peuvent quitter la maison. La ruine est à la fois cause et conséquence de l’abandon.

En restant, les premières pertes à déplorer seront sûrement quelques tuiles brunes emportées par le vent. Les tuiles plates se superposent en 3 couches, une fois que le nombre d’envolées est supérieur au nombre de résistantes l’espérance de vie de la toiture est courte. Les pannes de large section vont se couvrir de champignons et on les retrou- vera comme un squelette noircit tombé entre les murs, les chevrons exposés au temps très pluvieux de la mauvaise saison vont céder aux termites ou autres lignivores et se mêler à la végétation qui prend peu à peu place au cœur du foyer. Souvent les murs résistent au-delà des allèges, et quelques baies sont encore entières. On aperçoit ici et là des linteaux monolithiques, des arcs de décharge, ou même des vitres sur la porte à im- poste. Seulement on sait qu’il n’y a pas âme qui vive depuis des décennies, voire des siècles. La ruine retourne à la terre, se mélange à la faune et la fl ore dont elle avait quitté le statut naturel. C’est une mort lente qui prend son temps, qui s’infi ltre entre les joints des pierres, qui pénètre l’intérieur pour brouiller les pistes et qui ouvre les pièces sur le ciel. Ces ruines restent, elles sont un exemple caché derrière les orties et les ronces, une 3D éclatée plus vrai que nature.

79 ors ligne dense de intérieur rs ordinaire. , deux herses s, ormes des lits de dehors horrible, en chées dans le sol, les solides fondations empierrées stabilisent de larges murs dont jambages calcaire blanc ouvrent l’ fi Bien sur l’extérieur et vice-versa. Une poésie du dehors en dedans, deux-dents de pierre dehors, dedans vu de-haut retrouve son plan devant la porte, deux-orties sous un toit, dent de lion, de-danser sur les planches, vent qui fait se déhancher volets. En dedans danger, en dehors hôte, d’entrée de jeu. De l’or sur deux-dents, sourire de-hordes édentées, murs éventés. Deh d’horizon dorée, des orvets déambulent en dedans. Dandinée par les horions de l’orage la dentelle d’orfèvre s’envole. Auribarbe l’orographe horripilé par la platitude des champs. Deux orpins, de l’orseille dentellent les pierres murs. Oreilles mur rivières. Coup de l’horloge sonne l’heure l’aurore, dandy prend verre d’aurone et poignée denrées. Dedans dantesque, deho

80 81 RÉHABITATIONS Ci-dessous : Naumann Architektur, Porcherie, Allemagne, construction d’origine de 1780, livraison en 2004, 23 m2, photos journal-du-design.

C’est maintenant une salle d’exposi- tion. Dépose de la toiture, préparation du sol, conception en atelier d’une maison de bois dupliquant le volume d’origine. Elle reproduit le volume à l’identique, baies comprises. Les débords du nouveau toit procurent un abri aux vieux murs qui protègent les parois de bois.

82 Réhabitation saisie par les architectes

La maison vide est comme une maison secondaire dans un monde sans vacances. Les volets sont fer- més, les portails clos. Rarement, l’herbe est cou- pée et les arbres maintenus à une taille raison- nable. Souvent les mauvaises herbes envahissent les cours ou potagers, les murs et toitures dans les cas plus sévères. On les reconnaît par une sorte de tristesse, une nostalgie qui nourrit l’imagination. On ne perçoit l’intérieur qu’aux vues des portes et fenêtres. Une grange qui ne demande qu’à tra- vailler et des cheminées à fumer. Les volets de planches sont de lourdes paupières. Pourtant elles résistent, se battent contre les intempéries. Par- fois illustres, ou bourgeoises tout du moins, leur condition rejoint celle de fermes sans fermiers, de pigeonniers sans pigeons, de logis sans logeur. Dans ces murs privés de chaleur, la fi n se fait at- tendre, elle parait ne jamais arriver. Les murs et les toitures sont trop solides, la maison reste et personne n’en veut. Lorsqu’on les longe on veille à ne pas faire trop de bruit comme si on pouvait la déranger, la réveiller de ce sommeil profond.

Quand les désaccords familiaux sont tenaces ou que quelque héritier reste introuvable, les maisons attendent patiemment, plus ou moins dignement, que leur heure vienne, acceptant la reconversion comme la mort. On n’en veut pas, on ne sait pas quoi en faire, on dit que cela coûte cher de réno- ver, de refaire, et d’aménager aujourd’hui. Certains amoureux de la supposée tradition et du charme subjectif que produisent ces vieilles maisons in- vestissent temps et argent pour ce toit. Parfois à perte. Il semble nécessaire que la municipalité puisse émettre un avis et faire des propositions quant à l’avenir de ces maisons abandonnées avant qu’elles n’agonisent. Si personne n’en veut, ce peuvent être des acquisitions utiles à la commu- nauté.

Pour les architectes il s’agit d’un terrain de jeu à explorer, entre conservation de l’existant et révo- lution du lieu. L’achat de ruine laisse le champ libre à l’imagination et aux projections les plus folles, sans angoisse de la page blanche profi tant aux constructeurs, le travail sur la ruine est motivant, enthousiasmant et moteur de conception. Olivier Darmon y a même consacré son ouvrage Habiter les ruines. Transformer et réinventer.

83 1. RP Tome 2 - Partie 3 - économie, SCoT du Chalonnais approuvé depuis le 02/07/2019, page 143.

Ci-dessous deux cafés/restaurants tout à fait fermés Sassangy et Sercy.

84 Réhabitation comme réponse aux besoins de logement et de service « 4.4.3. Le potentiel de la silver economy Le développement des activités de santé et d’action sociale est très largement lié à l’ac- croissement de la demande de services à la personne, notamment dû au vieillissement de la population. La silver economy est l’écono- mie dédiée à l’avancée en âge de nos socié- tés. Elle constitue pour l’ensemble du pays, et singulièrement pour le territoire, un important vecteur de développement. Le vieillissement de la population et la gérontocroissance des territoires ont en effet des conséquences di- rectes sur l’économie locale et cela concerne un grand nombre de secteurs d’activité. Dans le Chalonnais, 26 % de la population a plus de 60 ans en 2012 et ce taux ne cesse de croître (contre moins de 24 % en France). Dans ce contexte, le territoire dispose de po- tentiels importants lui permettant de mettre en œuvre une véritable politique de déve- loppement socioéconomique liée à la silver economy. Le Chalonnais peut notamment s’appuyer sur les atouts considérables que constituent les structures innovantes dans les secteurs du numérique (Nicéphore Cité) ou de la domotique (ARCOM) et les associations de services à la personne (ADMR, ASSAD, Mu- tualité française...). Loin d’être une menace pour la croissance et l’avenir du territoire, le vieillissement et la gérontocroissance, à tra- vers la silver economy, représentent donc un levier inédit d’attractivité résidentielle et pro- ductive. Les économistes et les démographes s’accordent à considérer cette nouvelle éco- nomie comme la base d’une société adaptée aux évolutions de demain. D’après les statis- tiques du rapport Broussy21 rapportées à la dynamique territoriale du Chalonnais, la silver economy pourrait être à l’origine de 500 em- plois dans le domaine de la santé et des ser- vices à la personne, 400 emplois dans les dif- férents secteurs de la consommation et enfin 200 emplois dans le secteur de la construc- tion pour la rénovation des logements. » 1

85 86 « Partie 1 – Démographie et armature urbaine Enfin, en termes de typologies, on constate ac- tuellement un renforcement des besoins sur des types de logements alternatifs aux grands logements en accession à la propriété : loca- tif, accession sur des plus petits logements ou des plus petits terrains... Ce phénomène est lié, en partie, aux capacités d’investissement des ménages qui se sont tassées depuis la crise de 2008. Les besoins pour ces types de logements « alternatifs » seront à anticiper dans le SCOT, car il est possible qu’ils conti- nuent d’augmenter si les capacités d’investis- sement ne repartent pas à la hausse. »

« 3.2.Les enjeux d’une mise en cohérence des politiques futures de l’habitat La Communauté de communes Sud Côte Chalonnaise voit son nombre de résidences principales augmenter grâce notamment à son cadre privilégié et sa proximité avec l’agglomération chalonnaise. Conséquence de cette attractivité, les prix du foncier y sont élevés et ont connu une croissance soutenue ces dernières années. Le parc de logements est monotype avec des grandes résidences individuelles. Mais ce manque de diversité sur le territoire risque de défavoriser la flui- dité du parcours résidentiel des habitants, au regard par exemple du vieillissement de la population au sud de l’EPCI, et d’exclure cer- taines catégories de populations. »

87 « C’est l’histoire d’une architecte qui avait horreur du gaspillage et un goût pro- noncé pour les matériaux anciens et au- thentiques. Tout démarre sur un chantier (plutôt sur deux chantiers) lorsque Ma- rie-Charlotte déniche cette hotte pari- sienne recherchée par son client… chez un autre de ses clients souhaitant s’en dé- barrasser. Si le principe est simple, il n’en est pas moins innovant pour le secteur du bâtiment, premier producteur de déchets en France. Elle vient de poser - en pen- sées cette fois - la première pierre d’un projet qui aura pour ambition de révolu- tionner les pratiques de conception archi- tecturales. L’idée ? Construire ensemble avec ce qui est déjà là.

Grâce à sa plateforme web communau- taire, Readymader permet à tous de don- ner une seconde vie aux matériaux inex- ploités.

Inspirez-vous, économisez, bâtissez, notre Terre vous dit Merci ! »

2. Readymader.com

Ci-dessus : linteau à accolade sur pe- tite maison paysanne abandonnée, Saint-Martin-d’Auxy.

Page suivante : 3. Visuels et extrait issus du catalogue iudo.co 88 Réhabitation participant à la conscience de la pérennité et du réemploi

Une maison ruinée, comment un homme qui perd sa fortune, sombre, s’enfonce et en perd des bouts.

Quelquefois on vient même se servir prélever quelques bouts, quelques morceaux encore uti- lisables. Il est commun que les ruines anciennes aient servi à ériger d’autres murs qui eux-mêmes sont devenus ruines. C’est un cercle de vie en somme.

Si la matière survit il faut en tirer profi t puisque la maison qui la possède n’accueille plus de vie, dé- plaçons alors ce qui composait son corps pour en renforcer un autre, qui lui, est habité. La datation de bâtiment peut être rendue plus diffi cile par cette utilisation multiple et répétée d’éléments architecturaux. En effet des linteaux à accolade sont retrouvés au-dessus de portes de maisons on ne peut plus rurales et modeste. Quelques pierres sculptées à la mode du XIIe siècle sont ajoutées où insérées sur les constructions communes du XVIIIe siècle que nous connaissons pour constituer nos campagnes.

En cela peut-être que la maison ne meurt jamais ? Elle vit au travers d’autres et ainsi se (dé)multiplie. Si beaucoup de matériaux de construction sont ré- utilisables, ce n’est pas toujours le cas pour ce qui est construit aujourd’hui. Nous savons déjà que les chantiers produisent un nombre de déchets im- mense et par conséquent qu’ils sont très polluants. Puis plus tard, si la maison n’est plus habitée elle n’est pas forcément réutilisable ou recyclable.

Il est temps de repenser les murs qui se dressent.

D’ailleurs Le réemploi semble être une nouvelle croisade dans la construction contemporaine. La récupération, le fait de chiner, de mélanger les styles et les époques des objets et matériaux est au goût du jour en matière d’architecture intérieure.

On trouve sur le site de Readymader 2 un assez bon résumé de la question de la récupération en architecture, avec tout ce que cela implique de douces rêveries, d’ambitions débordantes mais d’idées pertinentes.

89 90 Réhabitation n’est pas expansion Un des avantages non négligeable de la réutilisa- tion d’un lieu est qu’il permet l’économie de sol, et la conservation des repères paysagers.

D’abors l’étalement urbain consomme réellement le sol, c’est l’artifi cialisation. En France c’est envi- ron 19 m2 qui sont artifi cialisés chaque seconde d’après Nathalie Kosciusko-Morizet (ministre de l’écologie en 2011). Il est grand temps de s’affoler. L’artifi cialisation c’est lorsqu’un sol perd ses qua- lités naturelles (biodiversité et cycles naturels), cela inclut des nuisances lumineuses impactant la faune, la fl ore, la fonge et la santé humaine. Mais cela cause aussi davantage de mortalité ani- male sur les routes et encore une perte de capa- cité pour la nature de retrouver les structures et les fonctions de son état de référence après ces perturbations (pas d’auto-cicatrisation). Les prin- cipaux impacts sont l’éthique environnementale, l’aggravation des risques naturels, une perte des ressources naturelles et agricoles, et la perturba- tion générale des milieux naturels ainsi que des évolutions des êtres y vivant, humains inclus. Cette image, pathétique, de la viabilisation de nouveaux terrains chaque année, peut être contrée de différentes manières.

Iudo expérimente l’occupation des zones pavil- lonaires en Île-de-France, insistant sur le fait que l’espace est gaspillé, ou ne correspond plus aux besoins actuels, sans pour autant que les habi- tants n’en change.

« Vieillissement de la population, diminution de la taille des ménages et manque de lo- gements influent de plus en plus sur l’habi- tat individuel, générant des transformations souvent subies. Tendant à disparaître au pro- fit d’opérations immobilières de plus grande échelle, l’espace pavillonnaire ne manque pourtant pas d’atouts pour répondre aux enjeux de notre époque, et nous invite à repenser nos manières de voir et de faire la ville. » 3

Le parallèle doit être distant de la Saône-et-Loire, de ces petites communes où la population est, certes, pour une partie aisée fi nancièrement, mais nombre de propriétaires ont acheté avec peu de moyens et rénovent ou remboursent un long prêt. Pour Iudo, leur clientèle, car c’est bien de clients qu’il s’agit et d’un service à la personne proche du 91 4. Éric ROHMER, L’Arbre, le Maire et la Médiathèque, 1993

Ci-dessous deux cartes du bâti à Saint- Mard-de-Vaux et Sainte-Hélène.

On constate rapidement que les constructions récentes ont un modèle d’implantation régulier par rapport à la route et sont souvent alignées entre elles. On voit aussi qu’elle s’inscrivent entre les polarités préexistantes ( en orange) des communes, et le long de leurs routes. Ainsi le village grossit dans une circonscription donnée.

Page suivante : Une maison dans Saules, escalier de l’arbre aux rondins.

92 conseil immobilier, ils s’inventent en valorisateurs de l’habitat. Valoriser l’inutilisé paraît tout à fait pertinent vu la demande croissante de logement, mais on peut se questionner sur la densité, densité que les PLU(i) réglementent de plus en plus en retirant nombre de terrains constructibles. Un grand combat actuel est mené contre le mi- tage du territoire, et l’étalement urbain, cherchant à remplir les vides. Une ambition du projet aussi. Proposer des alternatives à ces vacances immo- bilières. Mais on doit se demander si laisser des respirations urbanistiques n’est pas préférable à la densifi cation mielleuse. On sait que le mitage du territoire coupe les tra- jets de la faune, que la diversité des espèces natu- relles s’appauvrit entre les parcelles artifi cialisées, et qu’il faut dérouler plus de réseaux, couvrir des zones plus larges, que les nuisances sonores et lu- mineuses concernent plus de km2, mais en ville on constate que la densité est telle qu’il est demandé que concevoir des “îlots de fraicheur“ pour alléger cette concentration construite. Dans L’arbre, le maire et la médiathèque 4 une jeune fi lle, la plus éclairée, explique au maire que l’on devrait vraiment penser à faire des jardins publics à la campagne. Ce n’est pas une pensée naturelle, instinctive, on aurait même tendance à la trouver ridicule, seulement nous pouvons vous conseiller de vous y attarder.

En réhabitant le bâti abandonné on ne fait que s’emparer d’un sol déjà planté de murs. On y dé- logera sûrement un chat, comme celui vu sous la porte de la grange à Saules, ou une famille de souris, mais rien de plus, car les maisons vides dont il est question sont dans les bourgs, subis- sant alors l’activité environnante, sans en bénéfi - cier pleinement. On pourrait souhaiter les préser- ver telles quelles, comme un tas de vieux bois que l’on oublie au fond du jardin pour abriter la petite faune.

Réhabiter, c’est habiter de nouveau, c’est utiliser un élément préexistant, lié à l’avant, au passé, et s’en servir de tremplin, de scène, de surface déjà hors-sol.

93 94 Il est maintenant clair que la maison est un mo- dèle qui ne perd pas de son attrait, la demande augmente et le territoire doit s’adapter continuel- lement. La zone rurale, loin d’être vouée à la disparition au profi t de villes dévorantes, est cependant sujette à une résidentialisation et au vieillissement de sa population.

En ayant mieux compris qui est la population arri- vante, partante et comment elle peut évoluer, en ayant aussi mieux compris des logiques de plans urbanistiques et plans d’aménagement du loge- ment il nous a été permis de croiser ces données, de les lier à des projets existants et effi caces qui mettent en valeur les espaces déjà construits.

Les données ne s’attachent pas uniquement à des analyses spatiales et des relevés urbanistiques pour laisser place à l’habitant, à celui qui évolue dans son propre environnement, s’appropriant toujours ce qui peut lui être imposé.

Ces espaces construits doivent être vus comme des plateaux à aménager, les mairies peuvent tenter de s’emparer de ces opportunités pour ré- pondre aux besoins d’habitation, de services et de soins qui vont grandissants.

De nouveaux modèles sont à trouver, à appro- fondir pour permettre une diversité de typologies bâties. Le paysage s’enrichira de ces proposition, ne laissant pas sur le banc de touche les espaces usés.

La réutilisation de matériaux et/ou de lieux s’ins- crit dans les dynamiques de responsabilisation, de prise de conscience écologique et de gestion du territoire.

La diffi culté qui reste est juridique, elle concerne les possibilités qu’a une commune pour intervenir dans son bourg, avec les particuliers, afi n d’utiliser intelligemment ces creux, ces vides d’occupation privés.

Le designer a l’avantage de concilier la création et la communication de cette dernière, il est alors peut-être une clé importante pour les campagnes.

95 OUVRAGES CITÉS ET SUPPORTS SITOGRAPHIQUES

Architectes Studio, Clos Celliers aux moines, Givry, Saône-et- Loire, 2015.

Jean-Pierre BABELON et André CHASTEL, La notion de patri- moine, édité chez Liana Levi depuis le 9 mars 2000.

Gaston BACHELARD, La poétique de l’espace, édité chez PUF, collection Quadrige Grands textes, 1957, 10e édition, 3e ti- rage, Février 2011.

Jean-Christian BANS, Les granges à « courbes » de 1’Ancien Régime en Limousin, dans Lemouzi, Revue félibréenne et ré- gionaliste , No 72, octobre 1979.

Eva BIGANDO, «Le paysage ordinaire, porteur d’une identité habitante Pour penser autrement la relation des habitants au paysage», dans La sensibilité au paysage ordinaire des habi- tants de la grande périphérie bordelaise (communes du Mé- doc et de la basse vallée de l’Isle), thèse de doctorat sous la direction de Guy Di Méo, université Michel de Montaigne à Bordeaux III., 2006

Mario BOTTA, Cave Petra, Suvereto, Italie,1999-2003. http:// www.petrawine.it/it/

Christiane CAMOU et Françoise DUBARRY, photographies de Philippe PERDEREAU, Les Nouveaux Paysages de la Vigne, paru chez Eugen Ulmer, le 13/10/2016.

CAUE Franche-Comté, http://www.caue-franche-comte.fr/l-habitat-la- maison-vigneronne-la-maison-vigneronne-mixte,81.htm?impression=1

Facteur CHEVAL, Palais idéal, Hauterives. http://www.facteurche- val.com/histoire/palais.html

Olivier DARMON, Habiter les ruines, transformer et réinven- ter, éditions alternatives, 03/10/2016.

Gustave FLAUBERT, Madame Bovary, première édition chez Michel Levy Frères, 1857.

Kévin GŒURIOT, Le village et la maison en Lorraine, Un pa- trimoine méconnu entre permanences et mutations, octobre 2016.

Georg GERMANN et Dieter SCHNELL, Conserver ou Démolir ? Le patrimoine bâti à l’aune de l’éthique, InFolio, Collection Archigraphy - Poche,13/03/2014.

Nicolas GRIMALDI, «L’esthétique de la belle nature. Pro- blèmes d’une esthétique du paysage», sous la direction de François DAGOGNET, Mort du Paysage ?, publié chez Champ Vallon, Septembre 1993.

Pierre HEBBELINCK, L’invention des traditions, conférence or- ganisée par l’École d’Architecture de Nancy, dans le cadre de la semaine Architecture et Patrimoine, Quel avenir pour les sites patrimoniaux de Nevers, 24/09/2020. iudo.co

96 Camille JUZA, la France des lotissements. Épisode 3 de la sé- rie 4 Paysages de France Inter, le 25/01/2017.

Frédéric KARPYTA, Les chiffres du déménagement en France, article paru dans Ça m’intéresse, le 05/01/2020. https://www. caminteresse.fr/economie-societe/les-chiffres-du-demenagement-en- france-11124242/

Lucien KROLL, Tout est paysage, Sens&Tonka, Essai 10/20, 15/10/2012, première édition 2001.

Christian LASSURE, L’intangible trinité : la maison “tradition- nelle”, la maison “de pays”, la maison “paysanne”, article paru initialement dans le TomeVIII de la revue L’architecture ver- naculaire, 1984.

R. MAYERL, Le mythe de la cabane, mis en ligne le 18 dé- cembre 2014, consulté le 03/02/2021. http://www.habiter-autre- ment.org/08.minimaliste/07_min.htm

Naumann Architektur, Porcherie, Allemagne, construction d’origine de 1780, livraison en 2004

Jacques PEZEU-MASSABUAU, Demeure Mémoire. Habitat: code, sagesse, libération, paru aux éditions Parenthèses dans la collection Eupalinos.

Readymader.com

Alain ROGER, Court traité du paysage, Gallimard, 04/2017.

Éric ROHMER, L’Arbre, le Maire et la Médiathèque, 1993.

Tonio SERAFINI, Les cinq vies de Courbefy, 29/05/2012. https:// www.liberation.fr/societe/2012/05/29/les-cinq-vies-de-courbefy_822207/

Philippe SIMAY, Habiter le monde, Actes Sud, Arte Editions, 2019.

Violette SOLEILHAC, Quand l’urbain se fi ge, le rural prend la relève, Et demain on fait quoi , Pavillon de l’Arsenal, 8 Mai 2020. https://www.pavillon-arsenal.com/fr/et-demain-on-fait-quoi/11633- quand-lurbain-se-fi ge-le-rural-prend-la-releve.html https://www.vitisphere.com/index.php?mode=br ve&id=81038&print=1

Simone WEIL, L’enracinement ou prélude à une déclaration des devoirs envers l’être humain, champs classiques et folio essais Gallimard 1990, première parution : 1949.

CRÉDITS

Toutes les photographies sont de Mélusine Canthelou sauf:

Archives départementales de la Saône-et-loire : pp.30-31 Petra wine Italie : pp.34-35 Architectes Studio et vitisphere.com : pp.36-37 François Monier, septiemecielimages.com : pp.58-59 Journal-du-design : p.82 Iudo.co : p.90

97 Bâc

Structure gonflable Bois et

Surélévation du sol Contrefort

98 che Paille + plaques de plâtre

et laine Ballots de paille

rts en bois Tôle

99 RÉHABI- TATIONS TATIONS RURALES

100