Jean-Luc Bonniol

avec la coUaboration de Florence Hostingue Deborah Puccio

Les passés du

Mémoires, histoire, patrimoines au miroir du lieu

Rapport à la Mission du patrimoine ethnologique (Ministère de la Culture)

Centre d'ethnologie méditerranéenne Aix-en-Provence

septembre 2001 Ce travail a pu être mené à bien grâce à une subvention de la Mission du patrimoine ethnologique du Ministère de la Culture, dans le cadre de son appel d'offres sur les "producteurs " de l'histoire locale. Mais il a également bénéficié, à Aix-en-Provence, des infrastructures de l'Institut d'ethnologie méditerranéenne et conrparative, s'intégrant dans l'un de ses axes de recherches, et de la Maison Méditerranéenne des Sciences de l'Homme. Florence Hostingue a largement participé à la premiere enquête de terrain, réalisant un certain nombre d'entretiens avec des acteurs de terrain et constituant de soudes dossiers documentaires. Deborah Puedo a su se couler dans la logique intellectuelle d'une étude déjà entamée, menant à bien une lourde tâche d'exploitation des données et contribuant avec bonheur à la rédactionfinale. Comedie Jest a su, au départ de la recherche, donner une inpulsion décisive tout en partageant sa documentation. Et Danièle a suivi l'interrogation des données de bout en bout, s'acquittant d'une large part du travail de transcription des bandes enregistrées etfeasant avancer la réflexion par ses remarques toujours saillantes. . . Ajoutons que des éléments essentiels de cette réflexion proviennent des journées d'études qui ont réuni les équipes travaillant à l'appel d'offres, sous l'impulsion de Claudie l ''oisenat, Daniel Fabre et Alban Bensa, et qu 'elle a été heureusement cotfrontée aux travaux menés en parallèle au sein de l'UMR TELEMME à Aix-en-Provence, to/jours dans le cadre de la Maison Méditerranéenne des Sdences de l'Homme, par Maryline Crivello sur les scénographies dupasse etparJean-Noël Pelen sur le rédt collectif. Que soient id également remerciés tous ceux qui, sur ou près du Larzac, n'ont pas ménagé leur temps ni leur peine pour alimenter cette analyse d'une cotfrontation de passés : Delphine Lapeyre et Jacques Miquel, du Conservatolr'e tenpUer et hospitalier à ; Jacques Frayssenge, des archives de Millau ; la cohorte brillante des historiens locaux : Robert Aussibal, Ginette Bourgeois, Régis Carcenac, J. Larose ; les acteurs de la patrimoniaUsation : J. Tdsserenc, Pierre Boiiloc, de , Germain Crout:;at, de Sainte Eulalie, R. Roussel, de Millau (arjourd'hui dispam) ; les acteurs de la lutte, Pierre et Pierrette Mardlhac, José Bové, Alcdn Desjardins (devenu depuis maire de la Couvertoirade), Eli^beth Bâillon, Jacques Barthélémy (de la Fédération pour la vie et la sauvegar'de du Pays des Grands ) : les élus : RenéQuatrefages (Président du Parc Natrel RJgional des Grands Causses), J. Genie^ (de Sainte-Eulalie de Cemon), F. Barascud (de Saint-Jean et Scant Paul), Nicole Chaudesaigues (du l 'iala du Pas-de-Jaux) ; Pierre Laurence, de l'Office départemental d'action culturelle de l'Hérault, Et tous les habitants et les visiteurs du Lan^c qui, à un titre ou à un autre, ont répondu favorablement aux sollicitations dont ils ont été l'objet. Puisse cette recherche contribuer à les éclairer, fût-ce d'une lueur modeste, sur les enjeux liés à l'irruption des passés du Lin^ac dans lefrêle, le vivace et le bel aujourd'hui.

JLB Introduction

Lorsqu'on aborde aujourd'hui la traversée du Causse du Larzac en venant du sud par la

future autoroute A 75, après avoir gravi la montée de l'Escalette (le "Pas de l'Escalette" est

aujourd'hui évité grâce à un tunnel, qui propulse l'automobiliste directement à la surface du

plateau), on rencontre soudainement, alors que rien dans le paysage larzacien ne souligne une

transition quelconque, la figuration d'une frontière intérieure, de celles qui ont fleuri depuis le

début des années 80, c'est-à-dire depuis la mise en euvre du processus administratif dit de

"décentralisation". Un panneau, orné de la croix occitane, souhaite la bienvenue en "Midi-

Pyrénées" au visiteur surpris de pénétrer en ces lieux dans une région que sa géographie mentale

aurait placée plus à l'Ouest, du côté des plaines aquitaines. On remarque ensuite d'étranges

panneaux autoroutiers, où se dessine un chevalier en armure, debout derrière un écu orné d'une

croix; un texte d'accompagnement avertit qu'on est proche d'un territoire dénommé "Larzac

templier et hospitalier"... Un deuxième panneau invite le visiteur à emprunter la sortie suivante

pour accéder à ce qui semble être un haut-lieu laissé là par l'Histoire et qui attend désormais le

touriste: les "cités templières et hospitalières" du Larzac. Une image vient immanquablement

flotter dans l'esprit, tirée des souvenirs que nous ont laissés les dernières décennies, au sein

desquelles le Larzac tient une place particulière : oij sont donc passés les paysans en lutte, et leurs

brebis ?

La présence des panneaux est en fait reliée à une opération, impulsée depuis 1990 par le

département de l', dite Lanzac templier et hospitalier. Cette opération, oii l'on voit le souci

patrimonial se doubler d'une ambition touristique, est destinée à mettre sur pied un "produit"

susceptible de favoriser le développement local. Elle est aujourd'hui dans sa phase active. En ces

lieux semblent donc affleurer deux gisements d'histoire locale, tous deux liés à notre histoire

nationale: un gisement mémoriel récent, susceptible de connaître d'éventuelles reviviscences; un gisement patrimonial plus ancien, essentiellement fondé sur la présence de traces monumentales (dues à l'occupation séculaire du Causse par les "moines-chevaliers", du Xlle au XVIIIe siècle), mis en exploitation par les pouvoirs locaux.

Comment, en un lieu donné, penser la place du passé dans le présent ? L'exemple larzacien peut nous aider à arpenter l'horizon de l'histoire locale, entreprise que nous nous proposons de mener à partir d'un point de vue particulier, celui de l'ethnologie, apte à nous faire accéder aux faisceaux de pratiques et aux représentations qui les inspirent. L'ethnologie s'ancre dans le présent, mais elle sait aussi scruter le passé : elle le pressent alors composé, au sens des grammairiens, de l'ordre au present perfect, et non du preterite (Fabre, 1997). Non seulement, dans une telle perspective, le passé est censé avoir laissé des traces, mais il est toujours conçu comme actif, encore là à certains égards, innervant notre présent...

D'une certaine manière, nous habitons le passé sans y penser, comme un vaste logis, au sein duquel nous trouvons, déjà installé, le décor dans lequel nous évoluons et une organisation qui contraint en partie nos vies. Mais, d'une autre manière, nous fabriquons intentionnellement le passé, un peu comme, dans certaines régions du Nouveau-Monde, ces petites maisons mises en

évidence devant la façade, modèle réduit de la vraie demeure, offertes à la vue de ceux qui habitent là, mais aussi des passants. Une construction qui nous sert à diverses fins, relevant de notre besoin de connaissance aussi bien que de la justification de nos actions. C'est cette fabrique du passé qu'on voudrait, à partir de l'exemple du Larzac, ici illustrer.

On se propose donc ici de réfléchir sur l'histoire locale, en tant que savoir mais aussi en tant que rapport au passé, sur les liens que cette histoire peut entretenir avec la mémoire et avec les traces visibles, sur les phénomènes de patrimonialisation qu'elle peut générer. On se focalisera d'une part sur le problème de la fabncation de l'histoire telle qu'elle s'écrit, de ses liens avec les traces, de ses rapports avec les représentations, ainsi que sur le problème de son instrumentalisation, et de sa mise en représentation, dans un projet politique. On s'interrogera d'autre part sur la confrontation en un même lieu de plusieurs temporalités et de diverses modalités de relation au passé. Ne peut-on penser qu'il puisse s'agir, au delà des préoccupations légitimes de développement local, de proposer une autr-e image du Larzac et de "gommer", par la patrimonialisation de certaines traces anciennes, un passé récent dont serait ainsi occulté le souvenir ? Le patrimoine contre la mémoire...

C'est dire qu'il nous faut explorer des modes collectifs d'expérience et des contenus de conscience au travers desquels le passé travaille notre présent. Nous espérons que ce travail pourra, à notre modeste niveau, contribuer à la définition d'une anthropologie du passé, conçue comme l'examen des rapports au passé et au temps qui caractérisent les individus et les groupes, dont l'une des formes particulières est représentée par la construction d'un savoir savant, et par son éventuelle appropriation populaire. Le principe de localité nous servira de cadre de référence, car ces rapports sont liés, dans une configuration particulière, aux lieux, dont certains peuvent être dotés d'une forte charge identitaire, voire devenir emblématiques d'un lambeau d'Histoire, leur socle matériel entrant dans la voie de la patrimonialisation. Mais ces processus dépendent in fine de choix idéologiques, politiques et territoriaux. C'est dire que nous serons amenés à aborder le domaine de l'identité locale comme enjeu pour les divers pouvoirs locaux, soucieux de légitimer leur emprise spatiale. S,í--»c « , ^^,

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L'espace et le temps long du Larzac

Es lo Larzac la terra abandonada. Las aubas son sens espèr e lo clarebrun n'es desconsolat. Sus lo sou nud e lis que rejonh un cèu sens color, es pas au jom solament coma en tot luóc que se sembla dire adieussiàtz, semhla qu'es dau cèu tot entier qu'om se'n vai per una nuàch defreg e de mort. L'èrba rasa, diñada jos lo vent aspre, lucha sens fin, les bestias son partidas, l'èr es linde de tota volz coma l'èr dau passât dins la memoria.

Voici le Larzac, la terre abandonnée. Les aubes y sont sans espoir, le crépuscule désespéré. Sur la terre dénudée, plate, qui rejoint un ciel livide, ce n'est pas, comme ailleurs, le jour seulement que l'on quitte, mais le ciel tout entier, semble-t-il, pour une nuit de froidure et de mort. L'herbe rase, couchée par l'âpreté du vent, lutte indéfiniment ; les bêtes sont parties, l'air est pur de toute voix, comme la mémoire de toute trace.

Max Rouquette, Le Hautbois de neige

Il est plusieurs manières de vivre le Larzac. Celle de l'habitant, dont la vie se déroule, dans un dialogue privilégié entre cette terre haute et le ciel, sur un fragment du causse, et le long des mêmes itinéraires habituels le reliant monde d'en bas. Celle du voyageur pressé, qui traverse généralement le plateau en empruntant la route de direction nord-sud (autrefois royale, puis nationale et aujourd'hui autoroute...), et qui, après s'être hissé sur le Causse par la côte de la

Cavalerie ou celle de l'Escalette (le débouché direct par le futur viaduc de Millau changera considérablement l'expérience...), ne prend conscience, emporté à grande vitesse, que d'une vaste étendue relativement plane, recouverte d'une pelouse sèche et ponctuée par endroits de reliefs ruiniformes. Celle enfin du promeneur attentif, qui arpente les petites routes, les chemins et les sentiers, et qui appréhende par là l'irrégularité du relief du Causse, tout entier bosselé de croupes et de dépressions, ainsi que la diversité de ses aspects (des larges champs cultivés et des secteurs presque bocagers jusqu'aux dédales de rochers impénétrables, en passant par les immenses et nues terres de parcours). Un promeneur à qui s'impose dans le même temps l'unité du plateau, dont les limites, extraordinairement festonnées, sont cependant suffisamment claires pour que le Larzac puisse être presque toujours nettement individualisé par rapport aux espaces voisins.

Le Larzac, c'est d'abord cela, cette haute table calcaire projetée vers le ciel à environ 800 mètres d'altitude, ceinturée d'une couronne continue, " falaise " à la géométrie régulière qui l'isole, telle une île terrestre, des terres en contrebas. Une meseta qui s'étend sans interruption, sur près de 1000 km-, depuis la plaine et les garrigues languedociennes, au sud, jusqu'aux vallées du et de la Dourbie, au nord. Plus longue que large, de direction générale nord-ouest sud-est, cernée par endroits de gorges profondes (Dourbie, ), elle est pénétrée par de profondes

échancrures, correspondant aux cours d'eau qui prennent leur naissance à partir de certaines des résurgences ou des sources issues du Causse (Cemon, Sorgue, Lergue...) et qui souvent s'épanouissent dans les vallons adjacents. Un isthme relativement étroit sépare ainsi la résurgence de la Sorgue, à la hauteur de la Couvertoirade, des gorges de la Virenque, divisant le plateau en deux parties à peu près égales, au nord et au sud. Complètement au sud, le causse se termine par une échine rocheuse surélevée qui se prolonge vers le nord-est, entre les gorges de la Vis et la vallée de l'Hérault, la Montagne de la Séranne.

Le Larzac existe d'abord par cette géologie particulière : appartenant au vaste golfe sédimentaire des Grands Causses, qui s'insinue au sein des terres granitiques ou métamorphiques du , il trouve dans sa nature calcaire d'âge secondaire son apparence première : aridité, du fait de l'absorption immédiate de l'eau, et de l'absence d'écoulement permanent, avec en contrepartie le développement d'une extraordinaire hydrologie souterraine ; reliefs ruiniformes et pierre souveraine, délitée à l'infini en lamelles sonores dans les immenses étendues auxquelles elle donne une tonalité grise, et se dressant verticale à la couronna du plateau, blanche ou ocre... Le climat vient ajouter sa touche à cette apparence : un climat méditerranéen altéré par l'altitude (précipitations plus abondantes, en particulier aux intersaisons, hivers plus rigoureux et températures généralement inférieures de quelques degrés par rapport à la plaine ou vallées) et la disposition des masses de relief (induisant quelques nuances, avec une influence atlantique plus marquée à l'Ouest, où le Causse apparaît plus verdoyant. . .) accentue l'impression de sécheresse.

C'est par le Larzac que devrait normalement passer la ligne de partage des eaux entre le versant atlantique et le versant méditerranéen, mais celle-ci disparaît, enfouie au sein des profondeurs indécises du plateau de Guilhaumard, cette excroissance sud occidentale du Causse, dans les quelques kilomètres qui séparent l'exsurgence de la Sorgue de la source de l'Orb, ou bien sous la topographie déprimée de la Plaine du Temple, au nord de La Couvertoirade, entre le lit sec de la

\'irenque qui rejoint la Foux de la Vis et le miroir sans fond de la résurgence du Durzon qui court ensuite jusqu'à la Dourbie.

L'aridité due à la perméabilité du calcaire se double de la faiblesse des terres arables, avec la présence par endroits de reliefs dolomitiques à l'aspect ruiniforme, ou bien d'affleurements rocheux décapés par l'érosion. Les sols ont tendance en effet à s'accumuler dans des bas-fonds nettement cernés , correspondant souvent à de petites parcelles affaissées (les sotchs) où se concentre par décalcification du calcaire une terre rouge, longtemps recherchée comme terre à blé. Dans certains secteurs privilégiés on trouve cependant, grâce à l'affleurement de terrains argilo-siliceux, des terres plus profondes, aptes à donner de belles récoltes à partir du moment où on put leur appliquer des labours profonds : il s'agit des terres de " ségala ", qu'on peut voir au sud de , vers la côte de l'Hospitalet, ou au sud du Caylar. Les sols dolomitiques, blanchâtre ou gris (^tgrésou, ou sable à lapin) sont par contre particulièrement pauvres..

L'homme, depuis plusieurs millénaires, s'est adapté à cet environnement singulier en développant une civilisation fondée sur la polyculture associée au pastoralisme ovin. Certains des

éléments de cette civilisation sont encore visibles aujourd'hui, en particulier dans les formes du paysage et de l'habitat, mais d'autres ont définitivement basculé dans le passé. Il nous faut donc, pour accéder à la cohérence de cette culture, jouer sur les durées, et nous inscrire délibérément dans le temps long d'un système agro-pastoral, progressivement modifié, à partir de la fin du

XVIIIe siècle par la spécialisation laitière, qui est la figure locale de la première révolution agricole. Mais ces transformations n'ont pas empêché une profonde continuité de la civilisation

" traditionnelle " du Larzac, que nous pouvons nous attacher à décrire à partir des traces qui en sont encore visibles. Ces traces sont imprimées sur le cadre naturel préalable, qui conditionne en partie leur persistance (paysages reliques...) et qui s'impose dans sa pérennité minérale. Mais la reconstitution de cette civilisation perdue doit aussi s'appuyer sur des documents d'archives, sur les témoignages des visiteurs ou des géographes de l'époque, sans oublier l'écho qui en subsiste, pour encore quelques années, dans le souvenir des anciens.

La fabrication d'un paysage adapté au pastoralisme ovin

Rien d'étonnant à ce que la construction du paysage se soit placée essentiellement sous le signe de la pierre et de la sécheresse : ainsi les dopas, ces tas d'épierrements qui ponctuent depuis le fond des âges les vastes étendues (épierrement nécessaire sur les sols provenant de la décomposition du calcaire en plaquettes, indispensable au temps de l'araire...), ou les caselles, ces minuscules constructions très élémentaires de pierres sèches dotées d'une seule ouverture, et dont les murs se rapprochent en encorbellement pour former le toit, que l'on retrouve, sous d'autres appellations, dans tous les pays méditerranéens. Parfois sont assemblés de gros blocs, par groupes de trois : deux sont dressés verticalement ct en supportent un autre, posé sur eux horizontalement (pems levadas, le nom local des dolmens). La pierre se concentre et s'empile de manière ordonnée dans les établissements humains : murets de pierre sèche à l'entour de certaines parcelles ou délimitant certaines voies d'accès ; dalles tapissant les mares, ou lavogner, lauzes calcaires disposées en toits savamment galbés pour recueillir l'eau de pluie dans des citernes souterraines. C'est elle encore qui sert de matériau principal à l'habitat : utilisation des moellons ou des dalles calcaires pour les murs, prédominance de la voûte, fille de la pénurie de bois de charpente, mais aussi seule capable de supporter les énormes pesées des toits de lauzes... Souvent deux voûtes sont superposées, qui s'appuient sur des murs épais pour résister à la

pression. Dans d'autres cas, de simples arcs de pierre permettent de soutenir des poutres sur

lesquelles on appuie de puissantes solives capables de porter les lauzes. Seule exception, notable :

la présence de la tuile canal, qui demande les mêmes pentes que les lauzes et se substitue à elles,

souvent en faîte de toit, sans changement de structure.

Cet aménagement singulier de l'habitat a été commandé par les contraintes de

l'environnement (la maison est parfois adossée à une pente : elle est ainsi protégée contre les

vents froids, et cela assure un meilleur soutien de la voûte ; la citerne est un des éléments

essentiels de la construction) ainsi que par les nécessités pastorales. Mais l'on constate aussi que,

du fait des relations constantes des hommes et des bêtes, la maison larzacienne se rattache au grand type de la maison en hauteur, correspondant à un courant d'architecture rurale

caractéristique du Midi méditerranéen : il s'agit d'une maison à un étage et deux voûtes

superposées, avec généralement un escalier extérieur aboutissant à une terrasse d'entrée, l'espace

d'habitation se concentrant à cet étage. Le rez-de-chaussée sert souvent de bergerie (la voûte a

l'avantage de ne pas laisser passer les odeurs...) ; au premier étage on trouve une vaste cuisine,

dallée de gros blocs de " pierre froide " du pays fréjat), dotée d'une immense cheminée où l'on peut prendre place pour se chauffer (avec crémaillère à bras mobile pour supporter les lourdes

marmites de fonte. . .) et flanquée d'une souillarde humide et obscure (la/)//i? est aménagée dans le

mur, une simple tuile jette les eaux grasses dehors...) ainsi que de deux ou trois chambres. Ce

niveau est séparé par un plancher de bois d'un galetas, situé immédiatement sous la voûte

supérieure, où sont stockés blés et denrées, souvent entreposés dans des coffres de bois fermés par des planches coulissantes (une partie de ce grenier pouvait être éventuellement aménagée en

chambres). Comme ailleurs sur les Causses, l'extension du bâtiment d'exploitation s'est faite d'abord par adjonction de bâtiments jointifs mais perpendiculaires à la maison (écurie, loge des

cochons...). Ce n'est que lorsque l'exploitation a dépassé un certain seuil que sont apparus des

constructions annexes indépendantes (bergeries voûtées étirées en longueur, avec une porte à

chaque extrémité, éclairées par d'étroites meurtrières, \fijasses, four, étables, granges). Ces divers

bâtiments s'ordonnent, autre caractéristique fondamentale, autour d'une cour fermée, surtout

lorsqu'il s'agit d'un domaine isolé ; cette cour fermée par un mur, autrefois toujours nantie de son tas de fumier, est souvent percée par une porte cochère.

Au-delà de la suprématie de la pierre, il est d'autres traits originaux du paysage larzacien,

faits de la disposition des masses végétales résultant des activités humaines sur l'étendue du plateau, qui donnent à lire une adaptation de longue durée au cadre naturel. La denudation du

Causse semble être la conséquence au long cours de la domination du système agro-pastoral, et du pacage extensif des troupeaux d'ovins, mais il faut compter aussi avec la dent des chèvres, fort

8 nombreuses autrefois, et avec un certain nombre d'activités qui ont accentué la deforestation

(verreries, présentes dans le secteur de Saint-Maurice jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, fours à chaux, production de charbon de bois). Ces larges étendues dénudées (le terme devèt^e, qui sert à les désigner, avait au départ le sens de pacage soumis à des restrictions : défens) sont couvertes d'une pelouse sèche ponctuée d'herbes aromatiques (thym) et piquetée d'arbustes (buis, genévriers, amélanchiers), sans clôtures, le berger et son chien étant là pour surveiller le troupeau et ramener les brebis égarées ou récalcitrantes : delà l'impression d'immensité caractéristique du

Causse...

Mais une dualité fondamentale du paysage larzacien peut aussi être décelée dans l'opposition de l'ouvert et du clos. D'un côté les terres de parcours, qui s'étendent à perte de voie sans obstacles à la vue et à la circulation ; de l'autre tous les espaces clos, des cours de ferme aux parcelles cernées de murs, comme celles, réservées aux prairies et aux plantes fourragères, que l'on pouvait trouver à la Cavalerie, ou les devèzes closes de murets du Larzac méridional. De même, tout près des villages et des fermes ou des villages, les paysans se réser\^aient un coin de jardin, Vort, soigneusement clos de murs de pierres sèches, appelé encore la ratière, pour assurer leur provision de raves et de choux, avec un emplacement réservé à la culture du chanvre, soigneusement fumé avec du migou (fumier de brebis) ou du fumier de porc {chenevière ou canabière). En certains lieux, surtout au nord du Causse, on peut également être frappé par l'élégance des boityssières, ces allées entièrement closes par des haies recouvrantes constituées d'immenses buis pluri-centenaires, qui reliaient les fermes et les hameaux, permettant de cheminer en se gardant des ardeurs du soleil ou des amoncellements de neige. . .

Il est ég-alement possible de retrouver dans l'espace larzacien l'organisation de l'espace agraire des communautés méditerranéennes, et sa typologie systématique : sjlva (ici lambeaux forestiers résiduels, constitués de blaqnes, de fayards et de résineux) ; saltus (espace non cultivé, dénudé ou couvert de broussailles, essentiellement destiné au parcours des ovins ou des caprins) ; ager (espace agricole stricto sensu, principalement voué aux céréales, depuis les sotchs mis en culture jusqu'à tous les îlots de terres labourables noyés au milieu de l'immensité des pacages) ; hortus enfin (espace des jardins, plus ou moins développé selon les villages, le cas le plus exemplaire en la matière étant celui de Saint-Michel d'Alajou, dont les maisons entourent une zone centrale composée de jardins, eux-mêmes installés autour d'une profonde mare centrale). Les travaux et les jours

Traces paysagères encore visibles aujourd'hui... Il nous faut maintenant, pour décrire la vie des hommes qui ont façonné ce paysage, remonter dans le passé par le recours au souvenir et à l'archive.

L'exploitation du causse commençait par la cueillette : herbes aromatiques comme le thym et la lavande, salades sauvages, champignons, dont le plus prisé était certainement cette exclusivité du Causse, V oreillette, qui pousse dans les champs pierreux non loin des chardons), plantes diverses comme la cardabelle (carline à feuille d'acanthe), qui servait de baromètre clouée sur les seuils d'entrée, mais dont le ctur pouvait être consommé, fruits sauvages (comme les gratte-culs - baies d'églantiers - qui servaient de base à la préparation d'une remarquable confiture...). Le buis, plante des zones de bordure de la région méditerranéenne, était la providence du Causse : il fournissait à la fois de l'engrais vert et du combustible. On avait l'habitude de couper avec une hachette les rameaux de buis en petits fragments (les caloces, tiges de buis dégarnies, étaient brûlées dans la cheminée) pour servir de litière aux chevaux et aux boufs. Les grosses tiges, ou cabillous, étaient utilisées dans les charpentes des toitures de petite dimension. Le buis servait aussi à fabriquer les barreaux des mangeoires, les clés des colliers à ovins, des ustensiles de cuisine, des flûtes, des boules à jouer (lestées avec des clous). Femmes et enfants avaient en outre l'habitude de ramasser feuilles et petit bois sur les pentes dans les vallées. De nombreuses ruches fournissaient un miel qui concentrait tous les arômes des plantes du Causse.

La chasse, activité strictement masculine, largement pratiquée depuis deux siècles, pouvait fournir quelques compléments carnés (lièvres, lapins, perdreaux, grives et cailles...). Outre la chasse au fusil, pratiquée généralement avec un chien courant, différents modes de piégeage

étaient utilisés : tindelas pour les grives (pierres maintenues en équilibre sur un morceau de bois et se rabattant sur l'oiseau imprudent), collets pour les lapins (dont le goût était réputé très parfumé, en raison des plantes aromatiques dont ils se nourrissaient), grosses mâchoires pour les prédateurs... Le lièvre, dont la chair était particulièrement estimée, donnait lieu à une consommation festive immédiate organisée par les hommes : préparé à la broche, à peine roussi

il était mangé à demi cuit, simplement rehaussé d'une sauce au sang (saupiquet).Qu2iX\t

à la pêche, elle concernait essentiellement les vallées périphériques, procurant un complément d'alimentation apprécié (truites, souvent pêchées à la main, écrevisses. . .).

Car les rendements agricoles étaient faibles (de 5 à 6 pour un. . .), par suite de la sécheresse et de l'absence de fumure. Il était nécessaire de laisser reposer la terre pendant plusieurs années, et de pratiquer un assolement avec succession de céréales (froment, seigle, orge..). Sainfoin,

10 luzerne et trèfle n'étaient que des arrivants récents et tenaient une place marginale... Les

techniques de labour étaient particulièrement rudimentaires : l'araire, tiré par des biufs, mais aussi par des mules ou des chevaux, nanti d'un simple soc en fer, resta d'un usage courant jusque dans la deuxième moitié du XXe siècle. Les moissons se faisaient souvent avec l'aide d'équipes de

faucheurs itinérants, les segaires. On montait ensuite d'immenses gerbiers cylindriques surmontés

d'un toit en forme de cône. On battait traditionnellement au fléau (flaget), ou en faisant piétiner le gros bétail, voire les mulets de la ferme, jusqu'à ce qu'arrivent les premières machines à battre,

qui se déplaçaient de village en village. Le grain était écrasé dans les moulins des vallées, car la

force du vent était peu utilisée (un des rares vestiges de moulin à vent est celui de la

Couvertoirade). Des légumes secs étaient cultivés en plein champ (lentilles, pois chiches, haricots

blancs, gesses) ainsi que la pomme de terre, introduite sur le Larzac pour combattre la famine

mais qui resta longtemps considérée comme nourriture de dernier ordre... Les jardins à

proximité des habitations fournissaient les légumes verts (carottes, choux, raves, navets). Le

chanvre, récolté dans les chenevières et roui dans les lavognes, était remis au tisserand pour

obtenir la toile nécessaire pour les draps et les chemises. Quant aux vallées adjacentes au causse,

elles étaient souvent aménagées en terrasses de culture (faïsses), qui permettaient des productions

complémentaires : vigne, élément important de l'économie locale jusqu'au XIXe siècle, arbres

fruitiers (pommiers, poiriers, pruniers, cerisiers...), noyers (qui permettaient la fabrication d'une

huile utilisée en temps de carême) et amandiers... Les gens des vallées adjacentes, comme ceux

de Madières, pouvaient ainsi disposer d'une ou de plusieurs vignes complantées d'oliviers, de

pêchers, de cerisiers et de figuiers, ce qui améliorait considérablement l'ordinaire par rapport aux

résidents du plateau ). " Le caussenard envie les gens de rivière', quand l'été sèche mare et

citerne, il va chercher l'eau pure aux fontaines d'en bas ; c'est un voyage qui lui prend toute la grande journée ", trouve-t-on dans un texte de géographe datant de 1880.

Ces activités agricoles n'étaient que l'une des facettes du système agro-pastoral : le Larzac

était surtout - ce qu'il est resté - le pays de la brebis {la fedà). L'occupation humaine, depuis la

Préhistoire, s'était faite avec les troupeaux d'ovins, favorisée par les facilités de communication

(approvisionnement relativement proche en sel et en foin, écoulement des laines aisément

assuré) ; de surcroît l'été plus sec donnait à la laine une supériorité marquée. Adrienne Durand-

Tullou, institutrice dans les années 1930 sur le Causse adjacent de Blandas, nous relate qu'il

n'était alors question, dans la vie villageoise, que de fedas. . . A peu près à la même époque le

géographe Paul Marres se livrait pour la commune de Saint-Michel d'Alajou à la catégorisation

suivante : une " grosse ferme " comptait de 300 à 400 brebis, les propriétaires " moyens " en

avaient de 60 à 80 ; les "pauvres", quant à eux, pouvaient compter de 15 à 20 têtes. La

spécialisation laitière ovine avait abouti au façonnement de la race locale " Larzac " (le concours

11 de la race ovine du Larzac avait lieu le 4 octobre au Caylar). Celle-ci devait être supplantée à partir des années 1930 par la race de Lacaune, meilleure laitière et adaptée à une demi-stabulation

(ce qui explique la déperdition de laine qui la caractérise), qui a aujourd'hui conquis l'ensemble des Causses.

Cette suprématie de la brebis laitière ne s'était véritablement établie qu'avec la mise en place de la domination de sur un vaste rayon de production. Pendant longtemps les ovins avaient coexisté avec les caprins, cheptel des " pauvres " : alors s'opposaient deux classes sociales très distinctes : les possesseurs de brebis et ceux qui n'en avaient point. . . Les chèvres offraient l'avantage d'un lait très abondant (avec lequel se fabriquaient des fromagej') ; on pouvait en consommer la viande et récupérer la corne ainsi que la peau, en particulier pour la confection des outres ; de surcroît, pouvant se nourrir toutes seules à la dérobée, elles n'imposaient que de faibles contraintes de garde. Ce qui explique la guerre acharnée que les pouvoirs menaient contre elles pour la sauvegarde des bois... Les chèvres ne devaient disparaître que quand le paysan y trouva son intérêt : le jour où Roquefort fut devenu assez puissant pour exiger de ses fournisseurs leur suppression dans les troupeaux (la commercialisation du lait de brebis donna cependant aux quelques chèvres que l'on g-arda le soin de fournir le lait quotidien. . .).

Avec sa cape de couleur brune, doublée d'un lainage spécial, le marègue, à carreaux blanc et marron, lui permettant d'affronter tous les temps, son bâton à la lanière de cuir, son havresac en cuir, bu pastre, le berger était le personnage essentiel, devenu aujourd'hui emblématique (c'est lui qui est la figure principale du nouveau Parc régional des Grands Causses) de cet élevage de brebis. Vivant et dormant avec ses bêtes, il était d'abord chargé de les sortir journellement pour les amener sur les terres de parcours et devait à ce titre gérer l'espace de pacage : il devait savoir

" ménager son herbe ". Il devait en outre éviter à son troupeau la surconsommation d'herbe trop fraîche, qui pouvait occasionner de graves pathologies (les brebis étaient alors dites " coufles ", et il fallait leur crever la panse pour les sauver), le protéger contre les agressions, et soigner les bêtes atteintes : morsures de vipère, et autrefois attaque des loups (une race spéciale de molosses était même utilisée pour défendre les troupeaux : les chiens étaient munis d'un collier à pointes hérissées). Le berger devait également distribuer chaque semaine le sel, apporté directement des salins de la Méditerranée et le disposer sur un salet (ensemble de lauzes rangées en rond). Il devait enfin participer journellement à la traite (installant des barrières mobiles dans la bergerie pour trier les brebis) et aider à l'agnelage (organisant de petits parcs où étaient isolées les brebis ayant agnelé). A ce titre, il jouissait d'un statut privilégié par rapport aux valets de ferme, et restait souvent de longues années dans la même exploitation.

Le fumier de brebis, lou migou, constituait une retombée précieuse de l'élevage (on parquait les animaux sur le champ à ensemencer). Mais la progressive spécialisation vers la production

12 laitière avait entraîné une moindre utilisation sur place de ce fumier, et l'habitude avait été prise d'exporter vers la plaine languedocienne, pour fumer les vignes, celui qui n'était pas utilisé sur place. Cela permettait une rentrée d'argent supplémentaire, mais cela s'effectuait au détriment de l'intérêt des cultures. Ainsi Noël Segondeau, le héros du roman de Malavialle, stigmatise-t-il ces

" imbéciles qui expédient en Languedoc le crottin de leurs brebis ".

C'était évidemment le lait qui constituait et constitue toujours - la spéculation principale de ce pastoralisme ovin, pour la fabrication du fromage de Roquefort. C'est au XlVe siècle qu'on note un début de reconnaissance de ce fromage produit dans les cavités naturelles du Combalou, sur le flanc ouest du Larzac. L'appellation d'origine est confirmée par le Parlement de Toulouse en mai 1666, ce qui n'empêche pas la survivance, jusqu'au XXe siècle, de caves dites " bâtardes ", installées le plus souvent dans des cavités naturelles, qui produisaient leur propre fromage (ainsi, au sud du Larzac, celles de Soulatges, de La Vacquerie, de PégairoUes...). La loi de 1925 assure l'exclusivité de Roquefort pour l'affinage, et met fin aux caves bâtardes. Désormais le lait fut rassemblé dans des laiteries locales, où il était mis en faisselles pour se transmuer en fromage, dès lors ensemencé, puis transporté vers les caves de Roquefort pour affinage. En plus du

Roquefort, le lait de brebis permettait la fabrication de produits dérivés ou complémentaires : recuite, obtenue en faisant chauffer le petit-lait, lui-même résidu de la fabrication du fromage ; fromages frais comme \tspérails, aux périodes où la collecte du lait n'était plus assurée.

Certains troupeaux du Larzac pratiquaient une transhumance d'hiver dans les garrigues.

Mais le Larzac connaissait surtout le mouvement estival inverse, avec la traversée périodique des troupeaux transhumants venant des garrigues ou de la plaine et montant vers les hautes terres.

Les propriétaires des terrains pâturés pouvaient ainsi bénéficier de nuits de fumature soigneusement réglementées. La transhumance, bien qu'elle ait perdu son caractère massif, a perduré jusqu'à nos jours, mais les rayons de déplacement sont désormais moins importants, et le Larzac est devenu un lieu de séjour, alors qu'il n'était auparavant qu'un simple lieu de passage.

Encore aujourd'hui, il est ainsi possible d'assister à l'arrivée et au départ d'un troupeau transhumant, venu des garrigues gardoises, à la Couvertoirade. . .

A côté des ovins et des caprins, on élevait également des chevaux pour le trait, comme sur le terrain communal de Saint-Michel (dit la Develé). Mais le mulet mangeur de paille, au pied sûr pour descendre dans les sentiers escarpés des vallées, avait les préférences du caussenard.

L'absence complète de fourrage pour l'hiver, faute de prairies naturelles, limitait l'élevage des bovins : seules les grandes fermes pouvaient se permettre l'usage des b qui servaient essentiellement au labour. Le porc, nourri essentiellement à partir des déchets domestiques jetés dans la porcherie généralement située sous l'habitation, mais également au petit lait et aux châtaignes, permettait un appoint alimentaire essentiel. Il faut enfin mentionner les volailles de la

13 basse-cour, poules (galines) trouvant leur pitance dans la cour, canards barbotant dans la lavogne, dindons, dont la fin était programmée pour les festivités de fin d'année. . .

Le calendrier traditionnel des travaux peut être ainsi reconstitué :

- l'agnelage avait lieu aux mois de janvier et février. Les agneaux étaient sacrifiés à un mois ; on sevrait les agnelles au bout de 50 jours. La traite pouvait dès lors se mettre en place (vers le mois de mars) et se poursuivre jusqu'à mi-juillet, date à laquelle se terminait la période de lactation des brebis. Roquefort envoyait des cabanières dans les fromageries, alors que le pastre commençait à sortir son troupeau de la jasse.

- en avril on enfouissait les plants de pommes de terre dans un champ réservé à cet effet. . .

- la tonte était effectuée à partir de la deuxième quinzaine de juin, avant les fortes chaleurs (on tondait d'abord les transhumants des garrigues). C'est également à cette période qu'on pouvait entamer la fenaison.

- dans la première quinzaine d'août, on préparait les brebis à la lutte (saillie des brebis par le bélier). On utilisait, pour améliorer l'opération, les services d'un bélier " boute-en-train ", revêtu d'un tablier protecteur pour éviter la saillie... La lutte pouvait s'effectuer en liberté ou "en main " (pour éviter les saillies au hasard et les non-fécondations).

- à la fin du mois d'août avait lieu la moisson, menée à bien grâce à des colles de 5 à 20 moissonneurs, venus souvent des Cévennes (loués à Saint-Maurice, à Nant ou à Saint-Jean du

Bruel) et travaillant sous la conduite d'un capitaine. Ces équipes comportaient également des lieuses {iiaïres), à raison d'une lieuse pour quatre moissonneurs. La moisson se faisait à la faucille : la grande faux {la dalhâ) n'est apparue que vers 1890, et la première faucheuse mécanique juste avant la Grande Guerre. Les céréales récoltées étaient alors montées en meules.

- le battage se déroulait dans la deuxième quinzaine de septembre. Il avait lieu traditionnellement dans le cadre de chaque exploitation, sur des aires pavées de lauzes, soit au flagel, soit par piétinement des bêtes de somme. L'entrée en scène des machines à battre imposa la mobilisation, sur une période limitée (durant laquelle on s'assurait de l'utilisation de la batteuse), d'une grande quantité de main d'auvre, généralement grâce à des échanges de journées de travail.

Commença alors à s'installer, comme le remarquait Adrienne Durand-Tullou, le temps réglementaire... Il fallait une grande quantité de vivres pour nourrir, pendant 4 jours, trente personnes et plus. Ces repas offerts aux travailleurs occasionnèrent une grande rivalité entre les exploitations, à qui saurait mieux les régaler...

- les labours avaient lieu dès septembre et les semailles avant les premières gelées d'octobre. Les premiers jours d'octobre donnaient lieu à l'arrachage des pommes de terre.

- le troupeau rentrait à la jasse à la mi-novembre. Les travaux à l'extérieur s'interrompaient, pour ne reprendre qu'au printemps, chacun s'employant à des tâches d'intérieur. En particulier,

14 durant les mois d'hiver, le cochon était sacrifié, ce qui donnait lieu à une joumée d'intense activité, avec toujours le même ordre immuable des opérations : le tuaire, arrivé tôt le matin,

égorgeait la bête de manière à ce que son sang puisse être immédiatement recueilli, puis la dépeçait ; toute la famille se mettait alors à la préparation de la charcuterie, rien ne devant se perdre: saucisses, pâtés, fricandeaux, jambons, vintrèche, graisse... Cette fête du

Porc représentait véritablement la plus grande réjouissance païenne de l'année.

L'éventail des ressources, plus large dans les vallées, impliquait un cycle des travaux plus chargé (tailler les vignes, les biner, remonter les terrasses, greffer les arbres fruitiers en avril, cueillir les fruits, faire les vendanges... ). Mais partout l'emploi du temps, fait de multiples tâches qu'il fallait savoir répartir au fll des semaines et des mois, était chargé, impliquant une organisation stricte de la journée : réveil très tôt à la pointe du jour, afin de mener à bien une première séance de travail, la matinado, qui se concluait par le déjeuner pris à 7h ; le travail au champ reprenait jusqu'à midi (on mangeait au champ ou à la ferme, selon les tâches en cours) ; suivait une séquence de repos, surtout l'été aux plus chaudes heures de la journée ; le travail recommençait alors, parfois interrompu par une collation en fin d'après-midi, jusqu'à la tombée de la nuit et la soupe du soir.

Corps et âmes

La farine récupérée au moulin servait à la fabrication du pain, cuit au four de la ferme ou dans un four commun à plusieurs ostals ; en fin de cuisson on avait l'habitude d'y faire mijoter les farçuns ou des gratins... La soupe (au choux, aux pommes de terre...), rehaussée d'un morceau de ventrèche, constituait souvent l'unique mets, accompagnée de pain et de fromage. Ce n'était parfois qu'une simple aiga bouda (eau salée dans laquelle on plonge, à ebullition, une branche de thym et quelques gousses d'ail coupées menues ; on verse le mélange sur de fines tranches de pain arrosées d'huile d'olive...). Seules les plantes sauvages pouvaient agrémenter cet ordinaire

(cardabelle, doucette et pissenlit pour la salade...). Ordinaire cependant rompu lors des jours festifs qui ponctuaient le cycle calendaire. On consommait exceptionnellement, le jour du sacrifice du porc, de la viande traîche, ce qui était bien rare les autres jours, sauf en cas de fourniture impromptue de gibier. On avait coutume de consommer des oreillettes (beignets aplatis, servis saupoudrés de sucre) pour la Chandeleur , le Carnaval était souvent associé aux gratonadas, quand on tuait le cochon. Le Carême était observé avec rigueur (la chanson Adiou

Paure Carnaval faisait ainsi allusion à la sopa al parre - la soupe au poireau - qui allait désormais constituer le quotidien, avec la morue, consommée également les vendredis. . .). Aussi la sortie du

Carême, à Pâques, donnait-elle lieu à une certaine débauche alimentaire : l'agneau pascal était

15 traditionnellement réservé au jour de Pâques, alors que l'on fabriquait l'omelette pour le dimanche après Pâques. La pascade (grosse crêpe) tire peut-être son nom de cette consommation pascale. A Noël un énorme soc nadalenc (souche de Noël) se consumait doucement dans la cheminée, près duquel mijotait lou piot (le dindon) qu'on dégustait au retour de la fête de minuit. En guise de dessert, on consommait souvent des fruits ou de la confiture avec du pain. Seuls les repas festifs donnaient lieu à la confection de pâtisseries, comme les tartes aux fruits de saison, et, à l'époque de la traite, la célèbre jlaune, fabriquée à partir de la recuite et parfumée à la fleur d'oranger. Les repas, dans les grosses fermes, réunissaient autour de la grande table de la cuisine, séparée du mur par un banc, maître et valets. Ils étaient généralement agrémentés par du vin, venu de la plaine languedocienne proche ou des vallées adjacentes, comme celle de PégairoUes.

La satisfaction des besoins du corps allait de pair avec une vie religieuse intense. Le Causse, largement affecté par les guerres de religion (comme l'atteste l'épisode célèbre où l'évêque de

Lodève vint se mesurer à une bande de huguenots qui assiégeait La Couvertoirade), est resté catholique, à la différence des Cévennes voisines. Le protestantisme n'y a subsisté que dans un

cadre strictement urbain (Millau) ou dans les bourgs adjacents (Saint-Jean du Bmel, Cornus...).

Cette partition religieuse pouvait encore être lue, il y a quelques décennies, dans les comportements électoraux : le catholicisme majoritaire du Causse impliquait un vote

conser\'ateur, alors que le protestantisme cévenol signifiait une adhésion aux valeurs

républicaines et progressistes. Confirmation, à rebours, du schéma d'A. Siegfried, de la détermination de la sensibilité politique par le substratum géologique ! La messe était très suivie, ainsi que toutes les autres manifestations religieuses (pèlerinages, processions, missions...). Tout le territoire était maillé de calvaires, de chapelles, d'ermitages au bout des éperons rocheux, au dessus des vallées. Cette intensité dévotionnelle était jalonnée de nombreux rites, comme ceux

qui entouraient la mort. Certains se situaient sur le versant chrétien, comme le partage du pain

béni lors de la messe de funérailles, mais d'autres exprimaient un vieux fond de croyances : on voilait les miroirs, on enlevait les sonnailles des bêtes, les prières des agonisants auxquelles se livraient les femmes évoquaient les pleureuses antiques. De manière générale, une " belle mort " supposait un minimum d'agonie. Le qualificatif de " pauvre ", systématiquement employé avant ie prénom du mort attestait désormais de son état de trépassé.

Les messes aux défunts étaient en partie destinées à éviter que les morts ne viennent hanter le séjour des vivants sous la forme de revenants, las trevas... Chaque village avait un individu entretenant commerce avec ces créatures. On croyait aux jeteurs de sort, et à tout un monde de créatures surnaturelles: outre les tretas, las fadas (fées), lou drac, espèce de dragon dangereux qui hantait par exemple la grotte de Tmchencas à Navacelle , lou tamarrou. . . Ces

16 croyances permettaient de rendre compte des éléments extraordinaires du milieu caussenard, par le recours au temps primordial du mythe, grâce auquel étaient interprétés aussi bien les éléments naturels du paysage (le géant Gargantua, qui avait façonné les rochers miniformes) que les vestiges du passé le plus lointain, comme ces étranges pierres levées, censées être la demeure des fées {oiistalou de lasfadarellas . . .). Le dolmen de la Pmnarède était ainsi censé être le refuge de fées très bonnes protégeant les enfants malheureux. Les loups, restés pendant longtemps une réalité

(une grande battue organisée au siècle dernier des bois de Saint-Félix de l'Héras à l'Escandorgue signa leur disparition) avaient également imprimé leur forte trace dans l'imaginaire. Des comptines {sometas), parfois employées pour conjurer le sort, gardaient à l'occasion un sens mystérieux, comme celle qui illustre la peur du serpent et la valeur protectrice du lézard :

" Liuseit, lausertgarda me de la serp qué quand vendras a mon ostal te donaré un granet de sal "

Un certain nombre de pratiques permettaient de se concilier l'environnement, ou de triompher du malheur : ainsi était-il d'usage d'allumer un cierge pour détourner l'orage, de jeter des gouttes d'eau bénite à la Pentecôte pour faire prospérer les biens de la terre, des processions

étaient-elles destinées à obtenir la pluie... Toute une médecine populaire était fondée sur l'utilisation des simples, mais aussi de certaines matières animales : on se servait ainsi de l'huile de cade contre la gale, on confectionnait des tisanes de peaux de serpent contre les maux de ventre... Le fait de se tremper les mains dans l'eau bien grasse, obtenue lorsqu'on tuait le cochon, pour combattre les engelures semble avoir été, aux dires d'Adrienne Durand-Tullou obsen-atrice attentive de ses élèves, tout à fait efficace. On pouvait également compter sur les

" dons ", ou sur les " secrets " que certains connaissaient contre les brûlures ou les affections du bétail...

Les pèlerinages permettaient également de se concilier les grâces du ciel : les gens du

Larzac avaient l'habitude de se rendre au Saint-Guiral, à Notre Dame de La Salvage (où, le 2 juillet, avait lieu la déambulation de l'évêque, ainsi qu'une messe en plein air). A l'autre bout du

Larzac, le pèlerinage de Notre-Dame du Suc, sur le flanc oriental de la Séranne, était renommé depuis les temps anciens : Saint-Fulcran en fut un fervent pèlerin. Au Sud, Notre Dame de

Parlatges représente le type même de la succession chrétienne à un culte païen : sous la table d'hôtel gisait la pierre du culte ancien. Le 8 septembre, le lieu recevait la supplication des mères dont les enfants avaient des difficultés à parler. Le 13 février avait lieu, à Lodève, la fête de Saint-

Fulcran. L'ancien évèque de la ville, originaire de la vallée de la Dourbie, était censé être favorable aux couples frappés de stérilité. Les deux conjoints devaient garder un cordon béni autour de la taille jusqu'à la naissance de l'enfant, où les deux cordons étaient jetés au feu. . .

Ce légendaire s'intégrait dans une tradition orale, animée et transmise lors de certaines occasions comme les veillées, les banquets de funérailles ou les rencontres autour du four

17 communal, où beaucoup d'habitants passaient leurs après-midi d'hiver afm d'économiser le bois

de chauffage. Les figures fabuleuses y tenaient une place importante, tout comme le loup. Un

conte célèbre, attesté dans d'autres lieux du Languedoc, est ainsi celui qui met en scène la

rencontre d'un musicien avec un loup, qui arrive à se sortir de ce mauvais pas en jouant du

violon jusqu'à sa demeure. Des souvenirs historiques, comme ceux des Croisades, pouvaient

également y tenir une part, comme l'atteste la légende des trois ermites, qui jalonne le territoire,

et dont on retrouve d'innombrables versions ailleurs dans le Languedoc. Nombreux étaient les

proverbes concernant le temps dans ses rapports avec l'agriculture, comme celui qui parle des

lueurs rougeoyantes dans le ciel, le matin ou le soir :

Raijeyrvlo del sero

Bel tens espero

Raijeyrolo del mati

Plitejo e vent en cami

Beaucoup consignaient des préceptes d'économie mrale et soulignaient la nécessité d'un travail

quotidien pour créer un o//jYtf/ solide. . .

D'autres occasions de sociabilité étaient trouvées lors des foires des jours de fête, comme

celui du solstice d'été, où l'on allumait d'immenses brasiers qu'il fallait franchir en sautant (les

feux de la Saint-Jean), ou le voto (fête votive). Certaines de ces journées étaient marquées par les

rituels de passage de la jeunesse, comme la mystérieuse pratique du martelet, ou l'institution du cep

de jovent (capitaine de la jeunesse), qui avait pour responsabilité d'organiser les festivités... Les

participants, qu'ils soient fermiers, valets ou petits propriétaires, portaient la blouse bleue

empesée, plus ou moins finement ouvragée, qui se gonflait comme un ballon à la moindre brise

(et qui les distinguait au premier coup d'dil des porteurs de veste de la ville...). Avec, aux pieds,

jusqu'à la fin du XIXe siècle, des sabots, fabriqués à Nant et à Saint-Jean du Bmel (en hêtre ou

en noyer)... On jouait (avant l'arrivée de la pétanque en provenance de Provence...) au jeu de

quilles, avec des grosses boules en buis, et on dansait. La bourrée, danse dont l'aire d'extension

se situait nettement plus au nord, était peu pratiquée ; la seule danse ancienne qui ait subsisté

jusqu'à nos jours est le branle del bufet (toujours pratiqué à l'Hospitalet le jour de la fête du village),

associé au rituel de la fête des cornards qui consistait à promener, ornés de cornes de bélier, les

derniers mariés de l'année à l'envers sur un âne au travers du village. L'accordéon s'était imposé

comme instmment principal, mais des instmments à corde (violon) et à vent (clarinette)

pouvaient encore être utilisés. Le répertoire chanté comptait des chansons fortement attestées dans le Bas-Languedoc et les Cévennes (Lux tr-es eifantons, Lo Perroquet) et d'autres d'origine

rouergate (furlutiitii).

18 Communautés et espace

L'implantation de l'homme sur le causse avait généré l'émergence de communautés locales qui s'étaient partagé l'espace. Reconnue, à partir de la christianisation, par le maillage des paroisses, cette partition du territoire est encore tangible aujourd'hui dans le réseau des communes et dans la répartition même de l'habitat. Les communes actuelles descendent de ces communautés dont la plupart remontent au Moyen-Age (seule la communauté de Saint-Martin de Castries, aujourd'hui rattachée à La Vacquerie, a été créée au XVIe siècle) ; souvent leur délimitation est matérialisée sur le terrain par une croix gravée sur la pierre. Certaines communes actuelles ont cependant regroupé plusieurs de ces communautés originelles, qui ne survivent plus que dans la trame paroissiale. Il y avait ainsi quatre paroisses à St Maurice : Le Coulet, Madières,

Navacelle et St Maurice ; de même les paroisses de La Blaquèrerie et de Cazejourdes étaient indépendantes de celle de la Couvertoirade.

Il est ainsi toujours possible de reconnaître différentes modalités de l'occupation de l'espace larzacien. En ce qui concerne d'abord l'organisation des terroirs, on peut constater qu'il existe des communes strictement larzaciennes, dont tout le finage s'inscrit dans les limites du plateau : du nord au sud, on peut ainsi citer La Cavalerie, l'Hospitalet, le Viala du Pas de Jaux, La

Couvertoirade, , St Félix de l'Héras, , , Sorbs, Saint Michel d'Alajou,

Saint-Pierre de la Fage, Saint-Maurice de Navacelles et La Vacquerie. Mais on s'aperçoit aussi que d'importantes parties du Larzac périphérique sont dans les mains de communes extérieures au

plateau, dont le finage joue d'une complémentarité entre les terres d'en bas et les terres d'en haut. Les gens du plateau résidant sur le territoire de ces communes extérieures préféraient souvent s'identifier à une commune strictement larzacienne : ainsi le personnage pnncipal du roman d'Emilien Malavialle, Noël Segondeau, figure d'un fermier du Larzac avant la Première

Guerre, choisit-il d'être électeur à Saint Michel, où il possède une maison et quelques champs, alors que sa ferme de Saltelièvre est située sur la commune de PégairoUes de l'Escalette... Les communes du plateau inspiraient en effet de forts sentiments d'appartenance locale, les opposant d'ailleurs les unes aux autres, comme l'attestent par exemple les sobriquets collectifs qui désignaient leurs membres. Ceux de l'Hospitalet étaient appelés los charrèls ; ceux de la

Ca\alerie los boLsuts ; ceux de La Couvertoirade los debatáis ; ceux de Sainte-Eulalie los Cristolins ', ceux du Caylar los colhandr'es. . .

En ce qui concerne ensuite la répartition de l'habitat, sur le plateau lui-même, une grande diversité s'est imposée, toujours d'actualité. L'habitat peut être regroupé en villages (déjà cités dans la liste des communes larzaciennes), dont émergent deux " bourgs " plus importants, La

Cavalerie et Le Caylar, auxquels peut être ajouté le village de l'Hospitalet. Etapes sur la route

19 principale vers le Bas-Languedoc, situés de surcroît à des carrefours (La Cavalerie sur celui de la nouvelle route de Montauban vers Aix ; L'Hospitalet sur le chemin der fer et la route de Saint-

Affrique au Vigan ; le Caylar au débouché des trois routes montant de la plaine, celle d'Arboras par La Vacquerie, celle de Soubès par Saint-Pierre de la Fage, route royale remplacée par la côte de l'Escalette au XIXe siècle, celle enfin de l'Escandorgue depuis Lodève), leur croissance a été liée au développement des flux, d'hommes et de marchandises : le roulage y entretenait tout un monde d'aubergistes, de bourreliers, de portefaix, ainsi que des centaines de chevaux qui pouvaient relayer. . . On comptait quatre foires par an au Caylar, deux à l'Hospitalet. Ce développement a également été favorisé par l'existence de terroirs un peu plus fertiles (Le Caylar est ainsi à la limite d'un riche terroir formé de terres profondes du Bajocien : le " ségala "), ou par la présence d'une source (Le Caylar, L'Hospitalet), ou bien encore par la valeur défensive du site (le rocher du Caylar). C'est là qu'on rencontrait le plus grand nombre d'artisans liés à la vie mrale du plateau ; encore aujourd'hui, ces bourgs jouent le rôle de villages-centres, avec la présence de commerces et de services administratifs.

Mais on constate aussi une dispersion en hameaux plus réduits (parfois anciennes paroisses et nantis d'une église), nombreux au nord du plateau, comme Saint-Martin du Larzac,

Pierrefiche, Saint-Sauveur, Montredon, La Blaquière... A la Couvertoirade, en 1931, on comptait ainsi 90 habitants concentrés au village, et 172 vivant dans six hameaux (52 à La Blaquèrerie et 45

à Cazejourdes, auquels s'ajoutaient les résidents de la Pezade, des Infmts, de La Baraque, de La

Salvetat et de La Portalerie). Les hameaux larzaciens, dont la dispersion a certainement été imposée par celle des îlots de culture, comptaient généralement de 3 à 10 maisons, regroupant

35 à 50 habitants. On rencontre enfin des fermes isolées, la plupart du temps au centre d'un vaste regroupement foncier (le gros domaine tend à constituer l'essentiel de l'habitat dispersé au sud du Larzac). En liaison avec les nécessités agricoles ct l'organisation du terroir, le grand domaine apparaît comme le résultat des conditions de peuplement et d'appropriation du sol.

D'origine parfois ancienne (les mas, héritiers des manses du Haut Moyen-Age), il s'est, dans certains cas, substitué au hameau en raison de la dépopulation. Il peut être également d'apparition plus récente, lié à la main mise de gros propriétaires extérieurs, nobles, religieux ou bourgeois sur les terres du plateau.

L'une des originalités du Causse réside dans l'existence de vastes communaux, dont les premières concessions officielles sont attestées dès le XlIIe siècle, sanctionnant certainement une jouissance bien plus ancienne. Ces terres (qui s'étendent par exemple à La Couvertoirade sur

2820 ha, soit 46 " o de la superficie totale de la commune), étaient parfois communes à plusieurs villages. Elles permettaient une dépaissance commune (les parties réservées au pacage étaient parfois clôturées par des murs en pierre sèche, surtout au sud du Larzac) ; à côté des parcours,

20 les bois (souvent de chênes pubescents, les blaques) y tenaient une bonne part. Les membres de la communauté avaient la priorité d'y défricher moyennant un pourcentage de la récolte obtenue ; ces droits étaient étendus aux étrangers, généralement au bout d'un an de résidence. A La

Couvertoirade, les communaux étaient ainsi divisés en lots répartis entre les familles habitant la communauté ; celles qui partaient ailleurs perdaient ce droit, leur lot étant attribué aux plus nécessiteux... Toutes les communautés, villages du plateau ou même ville voisine au territoire s'étendant sur le Causse, étaient très jalouses de ces terres communes, comme l'attestent les litiges récurrents au Moyen-Age entre les habitants de Millau et le commandeur de Ste Eulalie. Le partage des communaux fut à l'ordre du jour à la Révolution, mais les municipalités firent la sourde oreille (les dettes éventuelles des communes servaient souvent de prétexte pour empêcher de prendre une décision...). Seules quelques communes aveyronnaises, comme La Cavalerie, procédèrent au partage sous le Second Empire. Par contre dans les communes de l'Hérault la jouissance resta commune.

Terres et hiérarchies

La présence de ces vastes communaux explique que le Larzac soit resté longtemps un pays d'immigration. Outre le désir des gens des pays schisteux de rejoindre les pays calcaires

(considérés alors comme " bons " car davantage propices à la culture du blé), conjugué avec l'attrait de la route vers le bas-pays, il faut en effet prendre en compte l'attirance que ces terres non appropriées pouvaient exercer sur des prolétaires mraux affamés de terres à défricher. Les pays situés au bord de la route arrivèrent les premiers à saturation, puis ceux qui jouissaient de grands communaux... De là le groupe imposant des travailleurs qui se louaient, des valets de ferme, et la foule des mendiants, attestée aux époques anciennes. Ce prolétariat mral pouvait atteindre près de 50 % de la population agricole. La possibilité de cultures dérobées dans les terres communes entretenait une tension foncière permanente, comme l'illustrent les luttes agraires à la Cavalerie au XVIIIe siècle, autour des défrichements accusés d'enlever les meilleurs pacages aux éleveurs aisés... De surcroît les acquéreurs des biens nationaux, à la Révolution, se recmtèrent parmi les gros propriétaires ou les hommes d'affaires, les gros domaines étant vendus en blocs. Tous les efforts agraires de la Révolution se terminèrent en fait par un accroissement de la distance entre les classes sociales . . .

Les hiérarchies foncières - et sociales - n'étaient donc pas exemptes du Causse. Aux nombreux paysans parcellaires vivant généralement dans les villages s'opposaient les gros exploitants installés dans de grands domaines le plus souvent d'un seul tenant, cumulant à la fois de vastes superficies et de nombreuses têtes de bétail. Gros exploitants qui pouvaient être

21 propriétaires, travaillant en faire-valoir direct, ou fermiers. Les quelques propriétés

aristocratiques, ou religieuses (dont la constitution remontait, pour beaucoup, à l'époque de

l'emprise des ordres monastiques sur le plateau), ou appartenant à des institutions caritatives

(comme la ferme de l'Hôpital, à l'extrême nord du plateau, propriété de l'hôpital de Millau...),

étaient en effet généralement affermées, ainsi que les domaines relevant de la propriété

bourgeoise, aux mains des résidents des villes proches. Les bâtiments d'exploitation de ces grands domaines, par leur aspect extérieur souvent majestueux, parfois fortifiés ou flanqués de

signes architecturaux nobiliaires, dénotaient un net souci de distinction sociale : l'un des plus

beaux exemples est constitué par la remarquable ferme des Brouzes, installée sur la frange nord-

ouest du causse, qui appartint longtemps à une famille fortunée de Millau. Dans les villages

même, certaines maisons, plus cossues, signifiaient elles aussi une élévation du rang social,

comme la belle demeure dite Hôtel de Grailhe, dans le village de la Couvertoirade, dont la porte

d'entrée est surmontée du blason de la famille fondatrice, et qui se prolonge par un magnifique

jardin en dehors des murailles de la cité.

Les fermiers, favorisés par la pratique des baux à très long terme, avaient eu tendance à

devenir peu à peu des semi-propriétaires, se perpétuant sur le même domaine de père en fils,

comme à la Pmnarède ou la Baume Auriol (commune de Saint-Maurice), sur toute la deuxième

moitié du XIXe siècle et la première moitié du XXe siècle. Certains fermages étaient acquittés

intégralement en céréales, dont 85 % en blé, le reste en orge et en avoine. Grâce à

l'augmentation rapide des prix du bétail après la Première Guerre, il purent se constituer en

corps de notables mraux, pouvant accéder à l'occasion à la pleine propriété. Ainsi Noël

Segondeau, fermier de Saltelièvre dans le roman d'E. Malavialle, après avoir repoussé avec mépris

l'offre de contrat de métayage et de colon partiaire que lui propose son propriétaire lodévois, se

décide-t-il à envisager l'achat d'une propriété, à laquelle manifestement son matelas d'économies

lui permet de prétendre... Cette aisance n'empêchait pas ces fermes de recourir à une main

d' essentiellement familiale, à laquelle s'ajoutaient un ou plusieurs domestiques, qui se

louaient aux foires (de Millau, de Nant) pour un an (seul le poste de berger était généralement

pounoi de manière stable). Les valets de ferme dormaient habituellement dans un dortoir (le

berger dormant quant à lui dans la bergerie avec ses bêtes) ; ils étaient par ailleurs exclus des

manifestations de façade d'une sociabilité de classe : ainsi, lorsqu'un fermier rendait visite à un

autre fermier, il était reçu dans le " salon ", petite pièce où les valets ne s'assoyaient jamais. . .

22 Terres et familles

Quelles que soient les superficies possédées, le plus important était en déflnitive la propriété de la terre, attachée aux familles, et non pas aux individus, à l'instar de ce que Fustel de

Coulanges avançait pour la cité antique : " le champ n'est pas la propriété d'un homme, mais d'une famille, l'individu ne l'a qu'en dépôt ; (la terre) appartient à ceux qui sont morts, à ceux qui sont à naître, elle fait corps avec la famille ". Comme l'ensemble des montagnes de la méridionale, le Larzac se rattache à la catégorie des sociétés à maison, ou plus exactement des sociétés à ostal (le terme occitan signifiant à la fois l'habitation, les terres qui en dépendent et le petit groupe humain résidant en cette habitation, vivant de ces terres et se transmettant cette unité d'exploitation de génération en génération). L'ostal regroupait jusqu'à trois générations sous un même toit ; il comprenait également les parents célibataires nés dans la maison, ainsi que les domestiques. La dévolution du patrimoine se faisait selon un principe essentiellement inégalitaire, le flls aîné héritant de l'exploitation de manière privilégiée. Les pratiques familiales surent, à partir du début du XIXe siècle, contourner l'obstacle du code civil et du partage

égalitaire grâce à la coutume de \arrangement de famille, par laquelle les frères cadets et les filles

étaient censés être dédommagés... Les filles allaient se marier à l'extérieur ; quant aux cadets, ils

étaient dans l'obligation de rester célibataires (un seul couple marié par génération dans un même ostal) et de travailler sous la coupe de leur aîné, ou bien d'aller chercher fortune ailleurs, d'entrer en religion ou de s'installer comme artisan dans un village proche. Les plus chanceux avaient la ressource d'aller faire gendre dans une exploitation en déshérence masculine, où la propriété tombait entre les mains d'une fille, désormais fort bonne à marier ! Ainsi E. Malavialle évoque-t- il " le dernier des Rasigade " qui " n'ayant pas d'héritier mâle avait cédé la ferme à son gendre

Noël Segondeau. . . "

Marier les enfants posait en fait le problème cmcial de la sauvegarde du bien. Frères et scurs devaient se sacrifier pour l'aîné ou, dans le cas des filles, pouvaient avoir la chance de trouver un parti qui ne soit pas trop exigeant sur la dot {la verquierà). Les balandrans se chargeaient d'arranger les unions au mieux des intérêts des familles. Le prétendant devait faire visite, mais des bûches dressées contre la plaque de la cheminée signifiait un désaccord ; il était alors inutile d'insister. . . Comme ailleurs le remariage de la veuve était réprouvé et pouvait donner lieu à charivari. Les mariages entre catholiques et protestants étaient rares ; on préférait contracter alliance dans le village ou dans les localités voisines, car on risquait moins de " s 'engarcer ".

Comme dans le Gévaudan, il serait certainement possible pour le Larzac (mais une telle recherche, qui nécessite des travaux de collecte très minutieux et des moyens informatiques importants, n'a pas été faite) de reconstituer au fll des générations des cycles d'alliance

23 permettant non seulement le maintien des terres dans l'ostal, mais encore le rassemblement de terres dispersées lors d'éventuels partages antérieurs. La ten-a et Vostal représentaient toute la raison de vivre, ce qui explique la désespérance lorsqu'ils étaient aliénés pour cause de dettes.

Cela signifiait généralement un départ pour le bas-pays ou la ville presque inéluctable. . .

Le basculement d'un monde

Si l'on doit dresser un bilan de cette civilisation traditionnelle du Larzac, on ne peut pas conclure à une véritable originalité : ce sont les mêmes modes d'adaptation au milieu que sur l'ensemble des Causses qui s'imposent. Tout au plus peut-on remarquer une plus facile remontée des influences languedociennes sur le Larzac que sur les Causses plus septentrionaux. La langue occitane, qui a servi jusqu'au XXe siècle à la communication quotidienne, apparaît ainsi relativement proche des parlers bas-languedociens. La transhumance s'inscrivait dans une ancienne vie de relations, de direction nord-sud, qui concernait à la fois les produits et les hommes. Le Larzac apparaît comme un couloir au long duquel s'établissait ces flux, qui engageaient également les traits culturels. Les ovins montaient vers la montagne pour trouver leur pâture ; le sel, indispensable pour l'alimentation des brebis, la fabrication des fromages et les salaisons arrivait depuis les étangs du littoral. En sens inverse, le plateau fournissait fromages et bêtes. Beaucoup de Larzaciens aux faibles ressources allaient en outre chercher des revenus complémentaires en participant aux colles qui se constituaient pour les vendanges : cette

émigration saisonnière vers les vignes du Languedoc, importante dès le XIXe siècle, s'est poursuivie jusqu'à nos jours et s'est souvent transformée en migration permanente, établissant tout un réseau de liens familiaux entre le causse et l'univers villageois ou urbain de la plaine. Lieu de passage pour les marchands, le Larzac semble avoir été une halte dans la descente des peuples de la montagne vers la mer. . .

Cette civilisation traditionnelle, envisagée dans la longue durée, se situait dans le prolongement direct de celle des premiers pasteurs de l'âge du bronze. Elle avait certes connu des inflexions majeures (romanisation, christianisation, réorganisation foncière et nouveaux aménagements agraires à l'époque de l'implantation des ordres militaires religieux, spécialisation laitière à partir de la fin du XVIIIe siècle, avec la progressive mise en place de la première révolution agricole et le développement d'un nouveau système de transport des produits permettant les spécialisations régionales) mais cela n'empêchait cependant pas les paysans larzaciens encore présents d'être installés dans leurs fermes et leurs villages, sur la même terre que leurs ancêtres, et vivant largement en autosubsistance, entre leurs champs et leurs brebis...

24 Progressivement cependant, depuis la seconde moitié du XIXe siècle, ce monde perdait de sa substance. Les points culminants démographiques sont atteints au milieu de ce siècle. C'est ensuite une lente décme qui s'amorce, aggravée, comme ailleurs, par l'énorme ponction de la

Grande Guerre. Décme provoquée par des départs, de plus en plus nombreux, eux-mêmes liés à l'évolution économique de la région. L'utilisation des engrais avait permis de semer du froment dans les terres à seigle et de décupler le rendement des fourrages ; parallèlement l'introduction des brabants à la place des araires favorisait la mise en culture des sols profonds des ségalas : par là le Causse perdait sa suprématie de " bon pays " à blé (de fait, ceux qui avaient des lopins de terre sur du calcaire se trouvaient en position désavantageuse par rapport à la concurrence) et du même coup sa valeur attractive sur la population des zones voisines. Du coup, tous les efforts se tendirent, sous l'impulsion de Roquefort, vers la production du lait, grâce à l'utilisation extensive de pacages de plus en en plus étendus par suite de l'abandon des parcelles cultivées (certains propriétaires préférant même se débarrasser des traces de l'exploitation en louant leurs terres aux transhumants) et à l'offre plus abondante de fourrage. Le fumier de bergerie, devenu inutile sur place, était désormais vendu aux vignerons du bas-pays. Comme l'affirme E. Malavialle dans son roman écrit après la Grande Guerre : " la terre ne s'en relèvera pas, l'élevage l'a tuée... (Des) fermes autrefois prospères ont été abandonnées. Roquefort règne en maître. Toujours plus de brebis et toujours plus de landes telle est maintenant la formule ".

Ce nouveau contexte, favorable aux fermiers et aux gros troupeaux, marginalisait les prolétaires mraux (paysans sans terre, micro-propriétaires), qui voyaient également disparaître des activités d'appoint, comme l'institution du " renfort " pour aller soulager les équipages qui montaient les côtes, rendue caduque avec l'arrivée des camions à partir de 1918... Les prolétaires furent donc les premiers à parrir, et leur exode s'accéléra à partir de 1900. Dans le solide noyau qui restait encore, la guerre ht une saignée formidable, et l'entre-deux guerres vit l'accélération du mouvement. L'émigration vidait ainsi le Causse de la majorité des petites gens qui vivaient uniquement du travail de leurs bras (petits propriétaires de moins de 10 ha, journaliers, domestiques...), réduisant du même coup l'activité des artisans et des commerçants dont le nombre ne pouvait que décroître. Lorsque Adrienne Durand-Tullou arrive à Rogues, à la fin des années 1930, elle ne peut que constater, déjà, l'existence de maisons délabrées et abandonnées, portant témoignage de l'absence de tout un segment de population... Un tel exode se répercutait au niveau de la densité de population, qui était tombée en 1929 à la valeur de 10 h/km2, mais qui, en certains secteurs était déjà passée en dessous de 5. On comprend dès lors la générosité sans

égale des gens de la Cavalerie qui, en 1899, avaient offert gratuitement près de 2000 ha à l'administration sans même se réserver une borne-fontaine (délibération du 9 octobre 1899,

25 décidant de la concession gratuite de tous les communaux nécessaires à la construction d'un camp militaire...).

Examinons le cas du Clapier, village au flanc sud du Larzac, mais certainement représentatif d'une situation d'ensemble, dans les années 1920, afin d'apprécier ce phénomène de départ sélectif : le village compte alors 13 gros propriétaires, qui pratiquent une nette homogamie

(les cadets vont souvent " faire gendre " dans les fermes sans héritier masculin, alors que les filles contractent alliance avec d'autres gros propriétaires). Une vingtaine de familles peuvent être comptabilisées dans la propriété moyenne (10 à 45 ha) ; elles sont confrontées à une déperdition humaine constante : les cadets sont obligés de partir ou bien de " faire oncle " à la maison, alors que les filles épousent de préférence des fonctionnaires ou employés. La frange des petits propriétaires de 2 à 10 ha obligés de se louer durant les grands travaux est alors en voie de disparition accélérée. Restent quelques familles de domestiques, souvent étrangères au pays, beaucoup de domestiques étant par ailleurs célibataires. Le nombre des artisans s'effondre et les petits commerçants sont réduits à leur plus simple expression (pour un village doté jusqu'alors de cinq cafés, de deux hôtels et de trois épiceries. . .).

Il est toujours difficile, faute de recul historique, de reconnaître dans la durée les moments de mpture et de basculement. Il semble possible cependant de dater des années 1950, comme partout ailleurs en France mrale, la disparition de la civilisation traditionnelle du Larzac, avec la

" fin des paysans " et la mise en place d'un mode de vie urbain dans les campagnes, désormais culturellement intégrés dans la société globale. Cette civilisation ne subsiste plus que dans les lambeaux de représentations, de croyances et de pratiques qui ont pu survivre à son naufrage, dans les traces laissées sur le paysage, à la surface des vieilles photographies jaunies et encore pour quelque temps dans la mémoire des plus anciens. La culture larzacienne, en tant que totalité, comme toutes les cultures paysannes en Occident, constitue désormais un monde perdu. ..

C'est la seconde révolution agricole, celle de la motorisation, des engrais, de la sélection animale et végétale qui devait être fatale à la paysannerie qui la portait : les nouvelles contraintes

économiques, ici comme ailleurs, sonnent le glas de l'exploitation familiale qui vivait largement en autoconsommation. L'augmentation de la production, grâce aux gains de productivité et à l'amélioration des rendements, entraîne une baisse au long cours des prix agricoles, posant le problème de la rentabilité des exploitations et poussant à la concentration foncière : il faut désormais produire plus, sur plus d'espace, si l'on veut s'assurer un revenu décent. Les départs doivent donc se poursuivre, mais ce mouvement prend une tournure particulière sur le Larzac, dans la mesure où il s'agit d'un territoire déjà faiblement peuplé : les densités tombent à des taux extrêmement bas, si bien que certains, à la fin des années 60, peuvent parler de véritable

26 " désert "... Si nous avons choisi de mettre en exergue à ce chapitre la sombre poésie de Max

Rouquette qui dit si magnifiquement la solitude du plateau, c'est qu'elle rejoint étrangement, esthétique mise à part, l'opinion de certains politiques... Lorsque Michel Debré annonce, en octobre 1971, la décision du gouvernement de l'époque d'étendre le camp militaire du Larzac, prétextant que le pays n'est qu'un " désert " vide d'hommes et impropre à l'agriculture, il donne le coup d'envoi officiel à la désormais célèbre " affaire du Larzac ".

27 Chapitre 2

Les deux grands motifs des passés du Larzac

Deux grands motifs se dessinent dans les représentations des autochtones, mais aussi du grand public, lorsqu'ils évoquent les temps passés du Larzac. D'une part une lutte récente, qui se déroula dans les années 70 : consignée dans les mémoires de tous ceux qui y participèrent, apparaissant pour beaucoup comme l'emblème phare des mouvements revendicatifs des années

70 et des utopies qui les inspiraient, elle a la force du souvenir vivant, d'autant qu'elle a été

" réactualisée " par la chronique du combat récent contre la mondialisation, avec ses figures larzaciennes et ses épisodes millavois ; d'autre part la longue occupation du plateau par les

Templiers et les Hospitaliers, qui a laissé sur place des traces monumentales, que l'on peut interpréter grâce à la fabrication d'un récit élaboré tant par les historiens nationaux (ce qui relève de l'histoire générale des ordres chevaliers) que par les historiens locaux (ce qui a trait à la projection sur le causse de cette histoire générale...). Il existe certes d'autres motifs, comme le mégalithisme (le Sud-Aveyron est doté d'une des densités les plus fortes de France en menhirs et dolmens. . .), mais ils sont relégués quelque peu au second plan.

La Lutte des " paysans " du Larzac : une mémoire en action, ou la force du souvenir

Tr'aces et souvenirs

Il existe bien-sûr des traces matérielles de l'Affaire du Larzac (archives, films, photographies, affiches...). Il existe en particulier un vaste bâtiment dans le hameau de La

Blaquière, au Nord-Est du plateau : cette constmction, qui manifestement sert de bergerie, semble relativement récente (ne serait-ce que dans ses dimensions, qui la rapproche des hangars modernes que l'on peut observer à proximité d'un certain nombre de fermes isolées du plateau)

Dans ses caractéristiques formelles cependant (appareil de moellons calcaires, arcs en plein cintre, soutenant, à défaut de voûte, une solide charpente qui supporte elle-même un toit de tuiles canal), elle semble s'inscrire dans la tradition architecturale du lieu ; un certain nombre de ses pierres servent de support à des messages écrits, dans toutes les langues : on retiendra, près de la grande porte d'entrée, une formule apriori énigmatique, "ici et maintenant"...

Mais ces traces, en tant que persistances du passé, sont confrontées, dans les contenus de conscience des acteurs qui ont participé à l'événement, à une mémoire vive. Il est par là fait référence à l'activité mnémonique du cerveau et du système nerveux central, à ce mécanisme

28 psychique de remémoration du passé vécu dont disposent les sujets leur permettant de conserver certaines informations. C'est à partir d'une sommation de ces remémorations individuelles que peut être élaborée, à la manière du Je me souviens de Georges Pérec, une mémoire collective, qui peut d'abord être définie comme la constmction sociale qui rassemble et traite les éléments du passé vécus par un ensemble d'individus, et qui leur donne la capacité d'interpréter les traces inscrites dans ce passé.

On se souvient que l'affaire, qui se déroule durant toute la décennie 1970 (le projet d'extension est abandonné en 1981, suite à la victoire électorale de François Mitterrand), a été marquée par un engagement intense des nouveaux courants de pensée de l'époque : autogestionnaires, écologistes, non-violents, régionalistes, en l'occurrence occitans (comme le rappelle la formule restée célèbre, utilisée comme titre du journal de la lutte, encore vivant aujourd'hui : Gardarem lou Lir^ac?). Le mot Larzac possède encore un pouvoir symbolique : le conflit s'est assimilé à l'espace jusqu'à en prendre le nom. . .

Aujourd'hui, près de vingt ans plus tard, la "communauté" du Larzac, même si le temps l'a

érodée, est toujours vivante, avec son penchant pour l'innovation, ses associations, son journal, qui continue régulièrement de paraître, ses personnalités, dont certaines militent à la

Confédération paysanne et chez les Verts. Le Larzac apparaît au premier rang de l'expérimentation sur le foncier: en 1981, l'A.P.A.L. est devenue l'Association pour l'Aménagement du Larzac ; en 1984 a été créée la S.C.T.L. (Société civile des terres du Larzac), chargée de louer les terres déjà acquises par l'Etat aux exploitants agricoles. L'articulation avec

Roquefort est toujours essentielle : en 1987 est créé le Comité Roquefort qui se transforme en

S.P.L.B. (syndicat des producteurs de lait de brebis). Le mouvement de solidarité avec les paysanneries du Tiers Monde a abouti à la mise sur pied de la Fondation Lanzac, qui a établi des liens privilégiés avec les Kanaks (pendant l'été 1988, une parcelle de terre du Larzac est donnée au peuple kanak), liens marqués par les visites, toujours vivantes dans les mémoires, de J.M.

Tjibaou...

La communauté larzacienne entend également maintenir et promouvoir, au travers de quelques lieux forts, le souvenir du combat qui l'a constituée : en bordure de la R.N. 9, entre

Millau et La Cavalerie, la Maison du Larzac, dite également h Jasse (gérée par l'A.P.A.L. (Assodation pour l'aménagement du Larzac) s'est installée dans une ancienne bergerie voûtée (autrefois laiterie pour Roquefort), Elle accueille les visiteurs sous la bannière d'effigies de brebis plantées sur de hauts mâts et a gardé avec émotion le souvenir des années de la lutte (affiches, photographies...).

Créée en 1982, elle s'est d'abord voulue un écomusée, doté de deux objectifs : mettre en valeur le patrimoine et présenter l'histoire récente qui en a permis la sauvegarde. Une exposition retraçait cette histoire au moyen de ces panneaux qui sont toujours présents sur les murs :

29 "à travers cette exposition on a voulu montrer le vécu de la lutte. Cela a été difficile, par exemple on n'a trouvé pratiquement aucune photo où on voyait des paysans et des " hippies " ensemble. Ils ont toujours été bien séparés sur les images (E. Bâillon)."

Des expositions temporaires ont eu pour thèmes successifs la vie pastorale, l'architecture caussenarde, le mouton, le paysage, les paysans du Larzac en 1789, les femmes en campagne...

C'est aujourd'hui devenu essentiellement un point de promotion des produits locaux, et les visiteurs qui fréquentent le " point-vente " ne regardent pas forcément les panneaux. L'histoire de la lutte a cédé le pas devant la commercialisation de produits fermiers ou artisanaux. Ce choix a été appelé "une deuxième jeunesse pour la Jasse du Larzac , développement d'une stmcture de promotion d'un pays et de ses produits ". Mais la Jasse continue, pour les résidents du plateau, et aussi pour les Millavois, à être un point de rencontre dédié à des manifestations " contre- culturelles "... Les soirs d'été sont ainsi organisés des concerts et une restauration mstique est proposée dans la bonne humeur

Autre animation dans la continuité de la résistance larzacienne : le marché de

Montredon, hameau du nord-est du plateau. Propriété de l'armée pendant la lutte, il avait été pris et occupé par les opposants à l'extension... Ce hameau en mine a depuis été restauré, il compte maintenant cinq habitations permanentes dont deux fermes en activité et quatre habitations secondaires, ainsi qu'un gîte d'étape de dix-sept places. C'est là que s'est installé José Bové, avec sa famille, et qu'il a développé son exploitation ovine... Le hameau est aussi le siège de plusieurs associations dont la S.C.T.L (Sodété Civile des Terres du Larzac), société foncière qui gère par affermage aux agriculteurs les terres qui avaient été acquises par l'Etat à l'époque du projet d'extension du camp, ainsi que le centre d'initiatives pour valoriser l'agriculture et le milieu mral.

Les habitants et vacanciers du hameau ont créé en 1988 une association "pour assurer la mise en valeur du patrimoine collectif. Chaque mercredi de la période estivale, cette association organise un marché paysan pour financer ses aménagements. Bien que le hameau soit situé dans un lieu isolé du plateau, ce marché est devenu un des must de l'animation estivale, fréquenté non seulement par les résidents permanents, mais aussi par les Millavois et les vacanciers.. On trouve sur ce marché un stand de la bibliothèque du hameau, de l'artisanat de cuir, deux marchands de légumes, un marchand de pain biologique, un boucher (qui vent, on s'en doute, essentiellement de l'agneau...), un point de vente de boissons alcoolisées fabriquées sur le causse (le fameux

" pastis des Homs " un autre point de vente de tartelettes salées et sucrées fabriquées par les habitants, une buvette, ainsi que des tables et un coin grillade. Le principe est de faire son marché, de consommer sur place et d'assister aux concerts (comme les prestations de Taxus

Baccata, le groupe de rock du plateau...), manifestations qui sont organisées en un lieu remarquable par l'impression de beauté austère qu'il dégage, celui constitué par l'aire en

30 contrebas du hameau, circonscrite par l'univers minéral des constructions de pierre et des toitures de lauzes. . . Ainsi " revit " un lieu qui aurait pu être définitivement annihilé si l'extension du camp avait eu lieu, et cette conscience du passé affleure à tous les instants. . .

La Jasse a mis en place, toujours à destination des visiteurs, toute une signalétique indiquant les principaux lieux de la résistance paysanne, comme le hameau de La Blaquière, avec son célèbre monument-bergerie, fmit de la passion résistante des agriculteurs en lutte, résolus à rester ancrés sur le Causse id et maintenant, et de leurs sympathisants venus de toute la France. En

1989 a pu être réalisée l'entrée des archives du Larzac aux archives municipales de Millau. Ces contenus mémoriels permettent, comme on peut le voir sur certains panneaux, ou le long de l'exposition permanente de la Jasse, la production d'un premier récit ordonné de ce qui s'estpassé.

Unpremier rédt de la Lttte

La lutte du Larzac eut l'originalité de se dérouler sur deux fronts : le légal et le symbolique... Pendant toute une décennie fut ainsi mis en un système symbolique fonctionnel, qui rendit possible cette résistance au long cours en inspirant toutes les actions successivement menées. Les paysans et leurs alliés firent preuve d'une étonnante capacité à créer une série sans fin d'actions spectaculaires leur attirant la sympathie. . . Le recours à une tradition inventée, qui installait une continuité imaginée avec le statut ancien de " paysan " fut particulièrement efficace. Cette recréation de la vieille paysannerie comprenait non seulement la redécouverte d'une identification avec la terre (bien illustrée par le choix de la cardabelle comme symbole de la lutte et de l'attachement à la nature du Causse) mais aussi d'une nouvelle identification avec les paysans du Tiers-Monde. La mobilisation d'un puissant mouvement politique populaire put jouer d'oppositions symboliques puissantes : démocratie de base/arbitraire de l'Etat; conservation/destmction du patrimoine... Et c'est parce que ces représentations étaient affectivement ressenties qu'elles étaient pleinement opérantes. Le moment était propice (juste après 1968) et le lieu favorable : au csur de l', les caractéristiques mêmes de l'espace (abondance des terres communales, présence de grands domaines ouverts, usage collectif des terres, même appropriées, pour la chasse, la cueillette...)

étaient à l'origine de la réaction viscérale des habitants devant une telle dépossession territoriale.

Ainsi peut être comprise l'articulation des réalités d'un espace et d'un imaginaire social, qui donna naissance à l'utopie " Larzac ", ce " lieu glissant de l'improbable " (G. Lapouge) et à la lutte du Larzac, " l'une des plus belles du XXe siècle " Q.P. Sartre).

L'un des paradoxes liés à l'image persistante de la lutte, c'est qu'il n'y avait donc pas au départ de population " traditionnelle " résolue à résister au rouleau compresseur du pouvoir

31 central. L'une des clefs du succès final, ce fut par contre (outre la détermination exteme de l'accession de F. Mitterrand à la Présidence de la République), l'engagement anti-camp de la profession agricole dans son ensemble avec, au premier rang, la puissante Confédération des producteurs de Roquefort... La réalité économique du Causse au début des années 70 n'était pas en effet celle qui était décrite par M. Debré : une transformation radicale, mais inaperçue, des conditions économiques dans le secteur agricole s'y était en effet produite dans les années 60 ; une minorité d'agriculteurs était en train de démontrer que le Larzac pouvait être une région agricole viable. Le coup d'envoi avait été donné en 1952, avec l'installation de Léon Burguière à la ferme de l'Hôpital et l'arrivée du premier tracteur sur le plateau. Les progrès avaient ensuite été obtenus grâce à l'emploi de la machinerie moderne (en particulier les concasseurs de pierre, permettant d'accroître les surfaces arables), le recours systématique aux engrais et l'adoption d'un

élevage plus sélectif permettant l'augmentation de la production de lait par brebis. Un nouvel arrivant, G. Tarlier qui avait décidé de s'installer sur le Larzac par choix esthétique (il devait tenir une place essentielle dans la lutte), avait même mis au point un système automatisé de traite, le rvto-lactor. . . Dans certains lieux précis, comme le nord-ouest du plateau qui était justement l'une des zones revendiquée par l'armée, le Larzac était donc le lieu d'une authentique "renaissance rurale", marquée par un rajeunissement de la population, une production laitière en progression, des rendements améliorés, l'adoption de nouveaux modes d'exploitation (G.A.E.C. ,

C.U.M.A ...). Cette insertion du Larzac dans un nouveau stade productif était aidée par la présence de la firme agroalimentaire de Roquefort, qui installait une collaboration efficace entre producteurs et industriels, évitant les problèmes de surproduction et garantissant un prix relativement élevé pour le lait.

La lutte du Larzac ne peut donc être comprise que par rapport à un ensemble complexe de relations qui se sont formées pendant les dix ans de conflit entre les paysans et ceux qui les soutenaient de l'extérieur, dont le symbole le plus évident fut la création des G.F.A ., par lesquels des sympathisants de toute la France achetaient des lots sur le plateau faisant partie des exploitations menacées afin de gêner au maximum les actions d'expropriation. Un choix fondamental, dans un pays profondément catholique, irrigué par la J.A.C . et les associations chrétiennes en milieu mral, fut celui d'imposer une action politique non-violente. L'influence de la communauté de l'Arche, installée sur le flanc sud-est du Larzac, et de son chef charismatique

Lanza del Vasto, fut à ce point de vue déterminante...

' G.A.E.C. : groupement agricole d' e.xploitation en commun. ' C.U.M.A. : coopérative d'utilisation du matériel agricole. ^ G.F.A. : groupement foncier agricole. J.A.C. : jeunesse agricole chrétienne.

32 Une simple chronologie sera utile pour saisir le sens des événements, et le dénouement final :

- 11 octobre 1970 ; allusion d'André Fanton au projet d'extension à une réunion du parti gaulliste à La Cavalerie. - création de l'Association de sauvegarde du Larzac (constime essentiellement de notables). - 9 mai 1971 première manifestation contre le camp. - premier comité de soutien à Millau (cent comités à la fin de la lutte, éparpillés dans toute la France). - été 1971 : arrivée des premiers militants extérieurs. - 28 octobre 1971 : annonce par Michel Debré de la décision définitive d'extension. - 6 novembre 1971 : manifestation massive à Millau (6000 personnes). - engagement de P. Laur, industriel de Roquefort. - printemps 1972 ; engagement de la classe ouvrière de Millau. - 28 mars 1972 : serment des 103 (nombre des exploitants expropriés). Cet engagement solennel devait devenir la charte du mouvement du Larzac. - Pâques 1972 : jeûne de 2 semaines de Lanza del Vasto. Soutien des évêques de Montpellier et de . - 14 juillet 1972 : manifestation à Rodez. L'orateur principal est R. Gastal, qui va devenir l'une des voix les plus autlientiques du Larzac. - 25 octobre 1972 ; 60 brebis sous la Tour Eiffel à Paris.

- 28 octobre 1972 : plantation de 103 pins le long de la nationale. - 26 décembre 1972 : déclaration officielle d'utihté pubhque du projet. - 7 janvier 1973 : montée à Pans en tracteurs. - janvier 1973 : création de l'A.P.A.L. (Association pour la promotion de l'agriculture sur le Larzac). - 10 juin 1973 : Début de la construction de la bergerie de la Blaquière. - avril 1973 : renvoi des hvrets militaires

- août 1973 : première manifestation massive au Rajal del Guorp. - 4 octobre 1973 : ouverture de la nouvelle école du Larzac, réponse aux allégations de déclin démographique... - été 1974 : plus grande manifestation de toute la lutte, drainant plus de 100 000 personnes au Rajal del Gorp... - octobre 1974 : début des squat.<: (les Truels). - janvier 1975 : opération commando sur la RN9 afin d'installer une conduite d'alimentation en eau. - février 1975 : destruction des dossiers d'expropriation à la Mairie de La Cavalerie. - création de Lan^yc Lhiiversités et de Gardarem ton Lar:^ac. - 10 mars 1975 : bombe à la Blaquière, dans la maison d'A. Guiraud... - 28 juin 1976 : invasion du bureau du camp, destruction de 800 kilos de documents. - décembre 1978 : marche sur Paris.

- décembre 1980 : campement sur le Champ de Mars. - 1980-1981 : tractations des notables pour une mini-extension... - 10 mai 1981 : élection de F. Mitterrand.

- 3 juin 1981 : annulation du projet.

Une volonté de commémoration

La mémoire du Larzac s'accompagne d'une volonté commémorative, dont plusieurs

événements récents sont porteurs... Pour beaucoup, l'histoire du Larzac était terminée: elle avait certes marqué une décennie particulière, celle des années 70, mais elle apparaissait pour cela même très éloignée de nos préoccupations d'aujourd'hui, quelque peu " ringarde ", renvoyant aux illusions du mouvement de " retour à la terre " de ces " éleveurs de chèvres " qui avaient choisi de quitter la ville. Nous avons constaté qu'il n'en était rien, et que cette histoire continuait grâce à la vitalité d'une communauté sachant rester fidèle à ses premiers engagements, en particulier au travers de sa solidarité avec d'autres luttes, notamment celles en cours à l'autre bout

33 de la terre : Nouvelle-Calédonie puis Tahiti (à l'époque de la reprise des essais nucléaires). Le bmit de ces engagements lointains ne dépassaient pas cependant, dans l'hexagone, le cercle proche du causse et du Millavois. C'est un événement externe qui devait contribuer à la reviviscence du mythe et de la mémoire larzacienne : la taxation du Roquefort sur le marché américain, en représailles du refus européen d'importer des Etats-Unis du veau aux hormones...

La décision américaine pénalisait lourdement toute la filière laitière de la région : c'est en cette circonstance que la Confédération paysanne, menée par son leader larzacien José Bové, procéda au démontage très médiatique du Mac Donald's de Millau, emblème local de la marchandisation du monde imposée par les U.S.A.. On connaît la suite des événements : l'emprisonnement de

José Bové, devenant du jour au lendemain l'une des personnalités les plus populaires de France, le succès du thème de la " mal-bouffe ", l'annonce d'un procès à venir au Tribunal de Millau. . .

Le 30 juin 2000 avait lieu le procès, alors que plusieurs dizaines de milliers de personnes avaient envahi la ville ; le soir un immense concert avec Francis Cabrel, Noir Désir, Zebda, réunissait au bord du Tarn près de 100 000 participants. Cet immense rassemblement, comme certainement

Millau n'en avait jamais connu, faisait immanquablement resurgir le passé larzacien, avec son sens de la fête et sa militance sans frontière. . .

La même année 2000 est sorti un document vidéo, produite par l'A.P.A.L., infitulé Larzac

1971-198, constitué par des extraits de films super 8 qui avaient été réalisés par des paysans et des militants. La singularité de ce document est d'avoir surajouté à ces images muettes une bande son composée de fragments de chansons, très soigneusement choisies et surtout d'une évocation, au fil des images, des événements de la Lutte par quelques uns de ses acteurs, qui en témoignent

" avec émotion et nostalgie ". Le début du document est saisissant, en ce qu'il nous montre comment peut être façonnée une image du passé : il confronte le discours de M. Debré, parlant de quelques paysans qui élèvent " vaguement " quelques moutons et vivent plus ou moins

" moyenâgeusement " à des images de tracteurs au travail, de moissonneuses-lieuses, de brebis en train de paître, d'agneaux nourris au biberon, d'enfants allant à 1 'école, bref tout un univers productif, se reproduisant dans l'harmonie... Les principaux événements resurgissent du passé, dans le tremblé des images aux couleurs pâles et aux contours brouillés, avec cet effet mêlé de réalité et de passé propre aux imperfections mêmes du support : manifestation du 14 juillet 1972

à Rodez, avec le discours inspiré de R. Gastal ; montée sur Paris en tracteurs, janvier 1973 ; pose de la première pierre de la constmction illégale de la bergerie de la Blaquière en juin de la même année ; rassemblement monstre d'août 1974, avec la moisson pour le Tiers Monde ; marche vers

Paris de novembre 1978, le tout assorti de chants révolutionnaires et surtout de la chanson la plus connue du chanteur occitan C Marti, qui revient à trois reprises : un païs que vol viure. . .

34 Ce dispositif particulier, où les participants d'un événement dissertent sur ses traces, peut servir d'illustration exemplaire à la réflexion fondatrice d'E. Halbwachs sur la mémoire collective.

On sait que l'extension de la notion de mémoire de l'individu au groupe est problématique, dans la mesure où, si on articule cette notion au phénomène physiologique de la réminiscence, elle ne peut faire figure, a dit récemment P. Ric que de concept analogique, Ricaur qui préfère en conséquence se poser la question du " quoi " de la mémoire avant de l'attribuer à un éventuel

" qui ". Il se trouve que c'est à Halbwachs que remonte l'audacieuse décision de pensée qui consiste à attribuer la mémoire à une entité collective. Pratiquant une auto-analyse, dans une perspective phénoménologique, il met en évidence combien cette mémoire collective est une mémoire partagée: pour se souvenir, on a besoin des autres... Il n'est pas de meilleure circonstance, pour la voir émerger, que ces expériences où l'on croise la mémoire des autres, en se livrant à un rappel en commun des souvenirs. C'est à une telle mémoire partagée que nous avons ici à faire : dans le discours qui se superpose à l'image, on reconnaît des figures dispames :

" tiens, c'est Pépé untel ", on se livre au jeu de reconnaître les acteurs, en lâchant des noms lorsqu'ils apparaissent dans le champ. Mais entre ce passé et le présent s'est installée toute la distance qui est certes comblée par la mémoire, mais dont on garde conscience : " on était jeune ", dit l'un, " ça a bien changé ", répond l'autre... Devant une " photo de famille " des

" paysans " en résistance, fuse cette réflexion : " on faisait un peu gaucho quand même... ".

Cette remémoration collective est également l'occasion de revisiter le passé, comme lorsque sont projetées les images de l'arrivée de Mitterrand au rassemblement de 1974, lorsqu'il fut victime de jets de pierres, de la part, avance-t-on souvent, de " gauchistes " extrémistes : " c'étaient des flics déguisés qui balançaient des pierres. . ." ; ou bien de le compléter en y ajoutant des détails inédits, comme ces réactions en sympathie des automobilistes, ou des gens qui saluaient des trains le cortège, lors de la marche de 1978... Une des caractéristiques de la lutte apparaît enfin clairement, c'est qu'elle s'appuya sur une gestion de la durée... Avec cette volonté de ne pas clore l'histoire, puisque le document se termine par un " à suivre. . . " plein de promesses.

Où l'on voit donc la capacité des entités collectives - ici la communauté " Larzac " - à consep>'er et à rappeler les souvenirs communs. Qu'il nous soit permis cependant d'ajouter ici - précision théorique - que rien n'autorise à suivre E. Halbwachs lorsqu'il en infère que sa propre mémoire individuelle s'étiole si elle n'est pas reliée à un groupe, dénonçant l'illusion d'une attribution du souvenir à nous-mêmes. " Dogmatisme surprenant " a dit Ricoeur ; s'il existe à l'évidence une mémoire partagée, chacun d'entre nous a son propre souvenir de son propre passé, qui peut être certes accroché - voire confronté - aux souvenirs partagés mais qui n'en demeure pas moins, du fait du sentiment même que nous avons de l'unité de notre moi, irréductible à l'expérience d'autmi. . .

35 Le 16 septembre 2001, dans l'édition locale du Midi-Libre à Millau, une double page est consacrée aux " vingt ans du Larzac ". Les fermes du causse accueillent, en cette joumée de dimanche, les visiteurs. Concerts, chants et danses du peuple kanak accompagnent la manifestation. L'opération est organisée par les principales associations larzaciennes, APAL GFA et SCTL en tête. . . C'est l'occasion, pour le journal, d'évoquer les figures disparues : Guy Tarlier, l'un des visages les plus emblématiques de la lutte (une photo le montre en train de parlementer avec le juge des expropriations, un José Bové jeune, cheveux longs émergents d'un bonnet de laine, à ses côtés..) ; Auguste Guiraud, " pur porc " par excellence, dont la maison de la Blaquière

fut plastiquée. C'est également l'occasion de se livrer à une réflexion sur les traces imagées de la lutte, qui vaut d'être citée in extenso :

' L'histoire du Larzac est parsemée d'images... le choix ne manque pas.... Aussi, en piochant au milieu des nombreux négatifs accumulés par notre photographe "maison" depuis 1974, en décelant au passage quelques visages naturellement plus jeunes et généralement moins glabres du landemau millavois- larzacien d'aujourd'hui, la sélection, draconienne, n'a pas été aisé... Notre rédaction a finalement prélevé deux images d'un même classeur : classeur relatant en l'occurrence les premiers kilomètres de la marche )à pied sur la capitale. Celle de 1978... (Ces images) se sont imposés : parce que le Larzac, une fois préservé son territoire, a su ne jamais rester assis... "

A côté de l'interview obligatoire de José Bové, qui met l'accent, lorsqu'il est interrogé sur ce qu'évoque pour lui le terme " Larzac ", sur la notion de résistance : " L'histoire du Larzac ne s'arrête pas : un pays existe par les gens qui l'habitent et le façonnent. . . ", une immense photographie couleur illustre la journée du 30 juin 2000 à Millau, assortie du commentaire suivant :

" Dans un intervalle de deux décennies, les images de rassemblement riment entre elles, le temps se contracte. Aux " grandes heures " de la lutte contre l'extension du camp viennent succéder désormais les deux joumées mémorables du vaste rassemblement anti-marchandisation de Millau. Le démontage du chmitier du .Mac Donald's... a remis en lumière l'effervescence contestataire d'un Larzac que d'aucuns, parce qu'ils l'avaient rangé dans leurs lointains souvenirs de jeunesse et négligeaient de se renseigner, croyaient en sommeil... Le Larzac lieu du passé ? Les événements de 1999/2000 ont infirmé ce cliché, montrant que le causse n'avait jamais cessé de se conjuguer au présent. . . "

Même si l'article refuse infine le terme de " commémoration ", préférant celui d' "anniversaire ", on voit combien le Larzac mobilise les notions de mémoire, de lien entre le passé et le présent, de contraction et de pliure du temps. Temps plies qu'il nous faut maintenant explorer le long d'une durée plus ample : de l'occupation du Causse par les moines-chevaliers, au Xlle siècle, jusqu'aux échos que cette occupation suscite aujourd'hui, d'abord chez les historiens, puis, mais ce sera l'objet d'un autre chapitre, chez les politiques. . .

36 Le Larzac templier et hospitalier : traces, récit, mémoire historique

Lapr'ésence obstinée des traces

Revenons au temps long du Larzac, et à la pierre souveraine, s'imposant en particulier dans les habitations des hommes. Il est des villages où les constmctions de pierre prennent un aspect monumental. Ainsi, à La Couvertoirade, au sud du plateau, le village est entièrement ceinturé de remparts, ponctués de tours d'angles, qui lui donnent l'aspect d'une petite citadelle, dans laquelle on ne peut pénétrer que par deux portes, situées aux deux extrémités de l'enceinte et dont l'une est surmontée d'une tour. A l'intérieur non loin de plusieurs maisons de noble apparence, c'est surtout un château à demi miné qui s'impose au regard : adossé aux remparts, il s'en démarque par un gros appareil en pierres de taille; ses niveaux supérieurs, aujourd'hui devenus des terrasses herbeuses, dominent le causse et procurent une vue plongeante sur la lavogne du village... Tout près, un escalier taillé dans le roc conduit au cimetière, où d'étranges croix discoidales s'élèvent au milieu des herbes folles, et à l'église voûtée, elle aussi accolée au rempart ; son mur gauche, constitué en fait par le rocher, porte des traces d'humidité : il jouxte les anciennes réserves d'eau du village, les conques, qui rassemblaient dans les anfractuosités de la pierre l'eau recueillie aux toits de l'église et du château. A partir de cette citerne un conduit traverse le rempart pour aboutir à un évier de pierre, situé à l'extérieur de l'enceinte, permettant le don de l'eau au voyageur...

A Sainte-Eulalie de Cemon, plus au nord-ouest, dans un vallonnement légèrement en dessous de la surface du Causse, mêmes murs d'enceinte, mêmes tours. Mais l'ensemble n'a pas

été conservé dans sa globalité comme à La Couvertoirade. On est par contre frappé par la place centrale, en surplomb par rapport à la route qui longe le village, avec sa magnifique fontaine. Sur cette place donnent à la fois l'église, au portail orné d'un encadrement avec armoiries, et un bâtiment de belle facture, orné sur l'arrière d'une échauguette. Autre vestige monumental au village du Viala du Pas de Jaux, où s'élève, à plus de vingt mètres de hauteur, une tour majestueuse, de base carrée. Enfin, au nord du Larzac, sur la route nationale, on peut trouver des traces similaires dans le bourg de La Cavalerie, largement enchâssées dans la gangue des constmctions plus récentes, elles-mêmes très dispersées : il s'agit essentiellement de fragments d'enceintes et de tours.

Mythe et rédt historique

Il est d'abord une mémoire vive, celle portée par les vivants, qu'elle trouve ses contenus dans leurs propres expériences ou dans la parole transmise par les ascendants. C'est cette

37 mémoire qui est à l'euvre dans le souvenir de la lutte des " paysans " du Larzac, et c'est en elle que s'inscrivent la plupart des entreprises de commémoration. Volonté commémorative qui peut également être discernée, au delà de la mémoire particulière de la récente lutte, ailleurs sur le plateau : ainsi, dans chaque commune du causse, ces monuments aux morts où sont pieusement inscrits les noms des enfants du pays dispams au combat et qui rappellent, comme dans toutes les campagnes françaises, une saignée démographique qui a du jouer un rôle majeur dans l'évolution du monde mral local ; ou bien, au sud du plateau, à la Pezade, juste sur la limite entre le département de l'Aveyron et celui de l'Hérault, ce bouquet de croix blanches, chaque année scmpuleusement honorées et fleuries, en souvenir d'un groupe de jeunes partis en liesse sur le

Causse lors du départ des troupes allemandes, en août 1944, et sauvagement abattus par une escouade en déroute.

Au delà du souvenir des expériences vécues, ou de leur transmission par des ascendants avec lesquels on a coexisté, ces contenus mémoriels perdent de leur netteté, et ont tendance à se fondre dans le légendaire... Au delà d'un siècle, et surtout au delà de la pénode révolutionnaire, dont les tensions et les affrontements ont laissé malgré le temps passé une trace persistante dans les esprits, les références s'estompent, les personnages évoqués peuvent se transformer en figures fabuleuses ; seuls demeurent les lieux et leurs appellations, qui peuvent garder le souvenir enfoui d'une ancienne présence, comme la Plaine du Temple, ou La Cavalerie, toponymes qui trouvent leur origine dans l'implantation sur le plateau des ordres militaires. Et, encore au delà, se profile le temps primordial du mythe, par la grâce duquel sont interprétés aussi bien les éléments naturels du paysage (le géant Gargantua, qui a façonné les rochers miniformes) que les vestiges du passé le plus lointain, comme ces étranges pierres levées, qui sont censées être la demeure des fées {oustalou de lasfadarellas)...

Lorsque la mémoire défaille, et que ses contenus deviennent évanescents, nous avons pris l'habitude, dans nos civilisations de l'écriture, d'avoir recours à un rédt du passé élaboré par une corporation spécialisée, celle des historiens, capables d'exploiter l'information fournie par les documents écrits et par là de rendre compte de la présence des traces du passé. Les historiens se sont dotés, durant les trois derniers siècles, de règles précises qui leur ont permis de prétendre à une certaine scientificité et de produire un récit qui, fondé sur une causalité narrative et soumis à la chronologie, se donne pour but ultime la véracité. On réserve souvent à ce récit, qui prend d'abord la forme d'un savoir savant, et qui peut dans un deuxième temps connaître une

éventuelle appropriation populaire, le nom d'histoire. Celle-ci apparaît donc, à côté de la mémoire, comme l'un des contenus de conscience au travers desquels le passé est appréhendé dans le présent... Ce récit peut être enrichi par une prise en compte des traces, visibles, et invisibles: l'historien peut en particulier s'appuyer sur une science "complémentaire", l'archéologie,

38 susceptible de lui révéler d'autres objets, jusque là enfouis à l'abri du regard, sur lesquels va être exercé un travail d'ordonnancement et de comparaison, permettant d'en inférer les usages originels et parfois de proposer une datation...

Du côté des historiens locaux

L'histoire locale, en tant que savoir et corps de connaissances, s'est ici constituée, comme c'est souvent le cas, depuis le début du XIXe siècle. On y repère, comme ailleurs, le rôle essentiel tenu par les historiens "amateurs" (l'une des premières muvres notables est celle du Baron de

Gaujal, auteur d 'Eludes historiques surle Rouergue), et la place importante des sociétés savantes.

Attardons-nous un instant sur la plus importante d'entre elles, la Sodété des Arts et Lettres de l'Aveyron, fondée en 1836 . Accordant sa primauté aux " Lettres " (sous-entendu à l'Histoire), elle entend (article premier de ses statuts) " concourir au progrès des lettres, des sciences et des arts dans le département de l'Aveyron " et " encourager toutes les initiatives relatives au développement des connaissances intellectuelles "... Elle s'appuie sur un éventail de professions, de classes sociales et de tendances politiques assez large (même si l'on peut remarquer que ses adhérents sont plutôt représentatifs d'une certaine catégorie sociale, que l'on peut qualifier d' "aisée " ), mais la sélection pour faire partie de la société est drastique. Sa vie est rythmée par des séances trimestrielles, où sont exprimés les résultats des recherches de chacun de ses membres à travers des communications : les séances donnent lieu à l'édition de procès-verbaux.

Ainsi se développe une " sociabilité émdite " (selon les termes de J.P. Chaline) qui semble dépasser la contrainte sociale : l'émdit local se profile par essence comme celui qui est, tout simplement, fermement attaché à son pays, à ses traditions, à son histoire... Remarquons cependant que les ecclésiastiques y tiennent une place de choix (en 1856, il sont 4, sur 15 membres) : le clergé, accepté par l'intelligentsia laïque, apparaît comme le témoin et le gardien de cette chrétienté qui forme l'identité du terroir, ainsi que du souvenir d'un ordre social dispam.

On note cependant une évolution vers une attitude plus " scientifique ", moins soucieuse de défendre un état social que la Vérité. . .

Symptomatique est, en 1907, la création de la Commission des archives historiques du Rouergue.

Filiale de la Sodété, elle a pour but exclusif la publication de textes et documents relatifs à l'histoire du Rouergue. Constituée de 12 membres, elle jouit d'une autonomie propre ; son

L'ensemble de ce développement sur la Société des Arts et Lettres de l'Aveyron, ainsi que sur le clergé érudit aveyronnais, est directement inspiré du mémoire de maîtrise de Thibault Corroyez, Le ctergé érudit et universitairt areyroiiiiais entre 1880 et 1965, Maîtrise d'histoire contemporaine. Université de Toulouse Le Mirail, 1999.

39 budget est indépendant.... Même si, dès l'origine, le clergé est fortement présent au sein de la

Commission, l'esprit revendiqué est celui du Comité des Travaux historiques fondé par Guizot

en 1833 : le travail se veut clairement scientifique ; a Commission se veut une vitrine scientifique

du Rouergue, et non plus le reflet à portée limitée de l'émdition aveyronnaise. Un pari est engagé au niveau de la qualité des ouvrages à publier, qu'on transmet à des revues comme la Retóte

historique, les Annales du Midi, dont on dépose des exemplaires dans des librairies parisiennes...

L'obstacle financier est de taille (du fait du public restreint pour de telles publicafions) : un

ouvrage comme les l'ajages àt Richeprey, prêt en 1937-38, attendra 1952 pour être publié... Les

documents publiés mêlent histoire religieuse, juridique et économique : cartulaires (Sylvanès en

1910 ; Bonnecombe en 1927 ; Bonneval en 1938, Nonenque en 1950) ; textes divers, comme les

Mémoires d'un calviniste de Millau (édité par Rigal) ou la Vente des Biens Nationaux du département de l'Aveytvn (édité par Verlaguet), ou les Documents sur la ville de Millau (édité par J. Artières), ou

l 'Inventaire des archives du château de llsins (lorsqu'est admis dans la Commission en 1924 Renaud

de Vésins, dont la famille est une des plus anciennes du Rouergue...). Le dernier volume publié

est k Journal des voyages en Haute-Guienne, de J.F. Wtnvy de Richeprey. " Nous aurons la satisfaction d'avoir travaillé pour la gloire de notre cher Rouergue " devait dire à propos du travail au long cours de la Commission J. Artières ; toujours est-il que celle-ci aura permis une

connaissance plus fine de l'histoire locale, et manifesté un souci de mémoire. Les sommes

engagées dans les publications témoignent d'autre part d'un souci de placer leur intérêt non

seulement au niveau local mais aussi national.

Nous avons noté la place importante des ecclésiastiques dans ces études historiques. Il faut noter chez eux, à côté du désir d'exprimer l'attachement au pays natal et d'illustrer la place de

l'Eglise dans la société locale, la volonté de faire scientifique, en s'appuyant sur une

critique des documents (même si, dans un premier temps, on est persuadé que la seule science

est cléricale, parce que seule l'Eglise détient la Vérité de par sa filiation divine...). Les vocations

erudites naissent dans les villages, au sein des écoles congréganistes. Puis c'est le Petit Séminaire,

qui fonctionne comme un collège, dispensant une éducation et une culture solide pour ceux qui

sont destinés à être de futurs dirigeants au sein de la société locale, et en même temps les

défenseurs des valeurs de l'Eglise... Pour les plus pauvres des élèves, le choix du sacerdoce est

quasiment obligatoire (c'est le seul moyen pour fiancer les études...). En Sud-Aveyron, il faut

noter la place singulière du Pefit Séminaire de Belmont-sur-Rance, marqué par l'identité

particulière de cette partie du département (qui a en particulier fourni un nombre important

d'émdits ecclésiastiques, souvent les éléments les plus à la pointe, vecteurs de modernité. . .), dont la renommée s'étendait jusqu'au Languedoc... C'est ensuite le Grand Séminaire à Rodez (5 ans d'étude, deux de philosophie et trois de théologie...). Une fois ordonné, le jeune prêtre est en

40 majorité affecté à un vicariat avant d'être nommé curé. C'est là la voie traditionnelle de l'émdifion ecclésiastique, lorsque les jeunes prêtres ont la chance de disposer d'un temps libre important lorsqu'ils sont nommés dans de petites paroisses, où ils peuvent mener la " vie paisible d'un ecclésiastique laborieux " (E. Renan) : des cures comme celles de Saint-Paul des Fonts ou de l'Hospitalet apparaissent à cet égard comme une carte blanche donnée par l'épiscopat à l'émdition ecclésiastique. D'autant que le célibat ecclésiastique est lui aussi une chance à exploiter, tout comme le font les émdits célibataires laïcs, qui participent eux aussi de l'existence d'une communauté émdite.

Citons quelques-uns de ces ecclésiatiques érudits qui se sont illustrés dans des travaux prtant sur le Sud-aveyron, ou plus précisément sur le Larzac :

-Joseph Rouquette (1818-1892) : professeur à Belmont de 1842 à 1844, il exerce ensuite son ministère à Millau (vicaire à Notre-Dame de l'Espinasse de 1860 à 1875, puis curé au Sacré-

Ccur et enfin aumônier de l'hospice en 1886. . .). Il a eu, du fait de son ministère urbain, proche des archives, véritablement le temps de travailler (mais aussi le goût...). Il publie son Rouergue sous les Anglais en 1869. Il est également l'auteur d'une monographie de sa paroisse (Notre-Dame de l'Espinasse) et a travaillé sur l'histoire locale millavoise ; Recherches historiques sur la tille de Millau au

Mo>w/-4gi (1888-1890).

- Frédéric Hermet (1856-1939) : né à Saint-Izaire, il est profondément marqué, alors qu'il est encore enfant (1866), par un événement déterminant: son père découvre deux pierres sculptées de forme ovale, aplaties sur les côtés. F. Hermet se tourne dès lors vers l'archéologie

(développée en Aveyron par l'abbé Cérès, décédé en 1887) : en 1888, il découvre la première

"statue-menhir" à Saint-Sernin. En 1900, il participe au Congrès international d'archéologie préhistorique et y y signale 22 statues. Mais son gros chantier consiste en la continuation des fouilles du site de la Graufesenque à Millau, qu'il entame dès 1901. Ses recherches sont couronnées par deux ouvrages : Poteries de la Graiifsenque, publié en 1930 et Vases céramiques omés de la Gaule ivmaine, publié en 1934 (ce qui montre au passage que F. Hermet ne se limitait pas à l'émdition locale...).

- Hippolyte Coste, le curé des fleurs (1858-1924) : scientifique reconnu dans le monde entier, auteur de la monumentale Flore illustrée de France, publiée entre 1901 et 1903, et de plus d'une cinquantaine d'articles dans des revues spécialisées Infatigable voyageur, il a arpenté la

France et l'Europe flanqué de ses fameuses boîtes à herboriser, il était dur pour lui-même en s'imposant un r)'thme de vie ascétique... Un buste commémoratif a été érigé par la Société des

Arts et Lettres de l'Aveyron à Saint-Paul des Fonts après son décès, et son herbier a été déposé au Jardin botanique de Montpellier.

41 H. Coste n'est certes pas un historien, mais l'analogie s'impose avec F. Hermet. Nés à deux ans d'intervalle, ils ont été officiers de la légion d'honneur la même année... Tous deux ont opéré, sur ou sous le Larzac, une .uvre profondément scientifique sans être inquiétés. Le soutien bienveillant de la hiérarchie leur était acquis, qui leur laissait une paix royale pour travailler : le profit pour l'Eglise locale était sans doute perçu comme substantiel. On pourrait

également mentionner, dans leur sillage, l'abbé Caubel à La Couvertoirade, confronté aux traces monumentales de son lieu d'apostolat, et qui a laissé une chronique qu'il dispensait régulièrement

à ses paroissiens sous le titre Echo des remparts de La Couvertoirade (récemment rééditée par les soins de l'association Sauvegarde du Rouergue).

Plus près de nous, l'exemple le plus intéressant d'ecclésiastique émdit est celui de Pierre-

Edmond Vivier. Son père, issu de la petite bourgeoisie millavoise, avait quitté l'école à 16 ans, en

1893, pour travailler dans l'atelier familial de peausserie. Ce qui ne l'avait pas empêché de développer un " capital " intellectuel, puisqu'il était entré à la Société des Lettres, et qu'il pratiquait de surcroît la poésie occitane. Son fils, Pierre Edmond (1921-1995), entre en 1942, après une licence en droit, à la Trappe de Bonnecombe. Dès 1943, le père tente de procurer à son fils (qui a demandé son admission à la société des Lettres en 1941 (" à l'appui de cette demande, je n'ai guère de titres à fournir, sinon l'amour de notre Rouergue et de tout ce qui le touche, amour tenu de mon père, qui est l'un des vôtres... ") des ouvrages nécessaires auprès de

L. Balsan (" le plus possible d'inventaires et de catalogues d'archives... "). Pierre-Edmond quitte

Bonnecombe en 1957 pour raisons de santé ; il est alors réintégré au clergé diocésain à Millau, où il devient émdit local et partie intégrante du monde associatif, mettant en euvre l'idéal du " bon prêtre ", autant saint que savant. P.E. Vivier était doté de réels talents paléographiques, et d'une capacité à rendre les textes vivants et intelligibles pour un public élargi. Ses interventions hebdomadaires dans le Journal de Millau lui ont permis de mettre à disposition du grand public de ses travaux d'histoire locale, dont il pensait qu'ils devaient être communiqués à tous.

Remarquons que l'histoire locale dans le Sud-Aveyron a eu tendance, tout du moins au

XXe siècle, à s'orienter principalement vers ce qui est spécifique au lieu : vestiges préhistoriques

(du fait de l'existence de nombreuses grottes habitées, mais aussi de l'abondance exceptionnelle d'un matériel de surface : dolmens et statues-menhirs) ; céramique antique (par suite de la localisation à Millau de la principale fabrique gallo-romaine de poterie sigillée, dite de la

Gr-aufesenqut, qui exportait dans tout l'Empire...). Elle a entretenu de ce fait des liens privilégiés avec l'archéologie... On peut citer ici la figure emblématique de L. Balsan qui, autodidacte, a commencé sa carrière par la spéléologie, l'a poursuivie par l'archéologie, préhistorique et antique

(animant de nombreux chantiers) et l'a terminée comme directeur des Antiquités de l'Aveyron

(avant d'être mis à la retraite par le Ministre de la Culture de l'époque pour des propos trop

42 intempestifs tenus pour la défense du Larzac...). Mentionnons enfin le rôle d'André Soutou,

professeur d'allemand aujourd'hui à la retraite, philologue et toponymiste eminent, remarquable

archéologue, qui n'a cessé de se pencher sur le passé du causse, de la protohistoire à l'époque

médiévale : c'est à lui que l'on doit les premiers travaux véritablement scientifiques sur les sites

templiers et hospitaliers du Larzac.

Aujourd'hui cette histoire locale se porte bien... L'ouvrage Millau à travers les siècles, de J.

Artières (qui avait comme activité professionnelle celle d'être imprimeur et directeur du journal

local...), vient d'être réédité par Jeanne Laffitte, avec une nouvelle préface écrite par J.

Frayssenge afin de remplacer l'ancienne aux relents trop vichystes... L'ouvrage a été aussitôt

épuisé, phénomène local de librairie qui en dit long sur la portée identitaire de l'histoire locale.

Une cohorte d'historiens amateurs et d'émdits, souvent en lien avec la Sodété d'études millavoises,

dirigée par le Majorai du Félibrige Georges Girard, ancien archiviste de la ville de Millau, travaille

à côté d'une poignée d'historiens professionnels qui, à l'instar de J. Frayssenge, actuel archiviste

de la ville de Millau, arpentent le local dans une perspective globale. De nouvelles associations

sont appames, qui témoignent de la montée de nouvelles préoccupations : éducation populaire

(essentiellement en direction des retraités), avec l'Université Populaire du Sud-Rouergue', passion

généalogique, avec le Cercle Généalogique du Sud-Aveyron ; défense du patrimoine, avec Sauvegarde du

Rjouergue... Ces associations proposent des activités intellectuelles, mais aussi à l'occasion festives.

Au delà de la sociabilité erudite, on assiste ainsi à la diffusion de nouvelles formes de

convivialité, à travers le développement d'une animation à base historique, le plus souvent

estivale, à destination des résidents et des touristes.

On peut constater que le thème templier et hospitalier prend une importance

grandissante, en particulier durant ces dernières années, dans cette production historique, faite

d'opuscules, de textes publiés de conférences, d'articles de revoies savantes locales, comme si

s'était produite une prise de conscience de l'importance patrimoniale des traces monumentales

léguées par les moines-chevaliers lorsqu'ils ont occupé le plateau. Occupation dont nous

pouvons maintenant proposer un premier récit, grâce à la somme de connaissances aujourd'hui

disponible...

Le Lir^c templier et hospitalier : un essai de rédt, du national au local

La première séquence de ce récit, nationale, voire internationale, s'inscrit dans l'épopée des

Croisades. Dès la fin du Xle siècle, avant même la Première Croisade, apparaît en Terre Sainte

un ordre essentiellement voué à la charité et aux tâches d'assistance envers les nombreux

pèlerins: l'Hôpital (une bulle du Pape érige en ordre indépendant l'Hôpital de Saint-Jean de

43 Jemsalem en 1113). C'est certainement en 1119 que naît le Temple, qui unit l'idéal du moine à celui du chevalier (la règle de l'ordre est composée en 1129 au Concile de Troyes), et dont la fonction est clairement militaire: assurer la protection physique des pèlerins. Il émane de la volonté d'un chevalier champenois, Hugues de Payns, qui devient alors le premier maître de ces

Pauvres Chevaliers du Christ, dont le local est situé sur l'esplanade de l'ancien Temple de Salomon à

Jemsalem, d'où leur appellation vite entrée dans les usages de Terfrpliers... Les deux ordres, au delà de leur vocation orientale, développent très rapidement une puissante emprise territoriale en

Occident.

Deuxième séquence, locale, au milieu du Xlle siècle: l'abbaye bénédictine de Gellone

(aujourd'hui Saint-Guilhem le Désert), qui est alors l'une des grandes puissances foncières du

Larzac, sur lequel elle organise ses transhumances estivales, cède en 1151 à l'Ordre du Temple, avec la bénédiction des évêques d'Agde et de Béziers, et pour une modeste rente, l'Eglise de

Sainte-Eulalie, dans la vallée du Cemon (au nord-ouest du plateau). Huit ans après, l'Ordre reçoit des mains du roi d'Aragon (alors vicomte de Millau) la ville elle-même, avec une bonne partie du Larzac et le village de La Couvertoirade, au sud du Causse, ancienne propriété du vicomte de Millau et de l'abbaye de Nant. En 1184, tous les droits de péage de la zone lui sont concédés par le Comte de Provence, de la maison d'Aragon. De nombreuses donations suivent, accompagnées d'achats ou d'échanges ; par là s'affirme une vigoureuse politique de mise en cohérence territoriale des localités nouvellement acquises: les Templiers finissent par se rendre maîtres d'une bonne partie du plateau, ajoutant une nouvelle pièce à l'empire militaro-

économique que l'Ordre a su se constituer, de la Méditerranée occidentale au Proche-Orient. La mise en valeur du Larzac, heureusement situé sur un important axe de communication nord-sud en direction du Bas-Languedoc, est désormais menée dans le cadre de vastes domaines agro¬ pastoraux, avec le regroupement de populations jusque là disséminées : il s'agit de participer à l'économie d'échanges et à l'immense effort d'accumulation de richesses requis pour que soit accomplie la vocation de l'Ordre.

Retour à une séquence nationale, pour l'année 1307, et la journée du 13 octobre: tous les

Templiers de France sont arrêtés dans leurs commanderies, sur ordre de Philippe le Bel, jaloux de leurs richesses et de leurs pouvoirs. Accusé d'hérésie et de blasphème, le maître de l'Ordre,

Jacques de Molay, périt à l'issue de son procès avec quelques autres dignitaires sur le bûcher.

L'Ordre est supprimé officiellement en 1312 au Concile de Vienne. Tous les biens des Templiers sont concédés aux Hospitaliers de Saint-Jean de Jemsalem.

Suite et fin, avec une nouvelle séquence locale: sur le Larzac les Hospitaliers poursuivent l'euvre agraire des Templiers; ils se coulent dans leur organisation territoriale: la commanderie de

Sainte-Eulalie fait ainsi partie du Grand Prieuré de Saint-Gilles et de la Langue de Provence... Par

44 suite de l'insécurité et de la dureté des temps, du XlVe au XVIe siècle, les principaux

établissements sont fortifiés, sur l'initiative de la communauté des habitants (la permission en fut accordée par Bernard d'Arpajon, Grand Prieur de Saint-Gilles, avec la somme de 400 moutons d'or pour aider à l'entreprise; ce fut un maçon de Saint-Beauzély, Daudé d'Alaus, qui se chargea de l'ouvrage, de 1439 à 1445 ; il fut à la même époque chargé de constmire les remparts de La

Cavalerie et de Sainte-Eulalie..). De la même manière, la Tour du Viala du Pas de Jaux apparaît comme un grenier fortifié destiné à la protection des habitants et de leurs biens, dans cette localité dépourvue d'enceinte. Nouveaux aménagements, de prestige, au XVIIe siècle : une magnifique fontaine d'inspiration provençale est constmite à Sainte-Eulalie, dont la commanderie est alors une des perles de la Langue de Provence; le Bailli de Mirabeau, ancien gouverneur de la Guadeloupe, est le dernier commandeur de la place... Mais il ne reste alors aux

Hospitaliers que quelques années de présence sur le Larzac. A la Révolution, leurs possessions sont confisquées; les chevaliers se dispersent ou gagnent leur dernier réduit, provisoire, de

Malte...

Une mémoire historique ?

L'heure est maintenant venu de nous interroger sur une nouvelle notion, celle de mémoire historique. Nous pouvons là encore remonter jusqu'à la réflexion novatrice d'E. Halbwachs, qui proposait une nette distinction entre mémoire collective et mémoire historique. Au départ, l'histoire, telle que l'apprend l'écolier dans ses manuels est extérieure et morte : la constitution d'une " mémoire historique " procède d'une véritable acculturation à l'extériorité, fondée sur l'articulation entre le passé historique, tel qu'il est établi par les historiens, et la mémoire transgénérationnelle, telle qu'elle est transmise par les ancêtres. Grâce à la lecture, à l'interprétation des monuments du passé que nous sommes amenés à côtoyer qui peut être avancée, émerge une nouvelle forme de mémoire, que s'incorporent les individus et les groupes.

Les matériaux des historiens (qui développent par là l'une des facettes de leur métier, liée à leur fonction mémorielle) sont récupérés, recyclés, fixés... Il ne s'agit pas pour autant d'histoire car elle n'y a plus là cette distance, cette discontinuité liées au caractère révolu, aboli du passé caractéristique de l'histoire : il y a au contraire, comme en toute mémoire, adhérence avec le présent, ce qui autorise l'irmption des affects et la particularisation de chaque incorporation, alors que l'histoire prétend être une. . .

Les travaux des historiens pourraient donc contribuer à l'émergence d'une nouvelle mémoire du Larzac, historique, celle des moines-chevaliers. Nous resterons sur ce point dubitatifs, dans la mesure où, s'il y a désormais chez les habitants du causse un savoir, celui de

45 l'occupation séculaire du plateau par les Templiers puis par les Hospitaliers, permettant de rendre compte de nombreux vestiges, ce savoir reste savant, sans revêtir cette adhérence affective qui caractérise les phénomènes mémoriels.

46 Chapitre 3

Brève chronique de l'entrée locale en patrimoine de quelques sites médiévaux du Larzac

La présence bien réelle des ordres militaires sur le Larzac explique qu'ils aient laissé derrière eux des traces monumentales, et un paysage mral fixé dans ses grandes lignes, et pratiquement inchangé depuis leur départ. Tout n'est pas templier, loin s'en faut, dans ces vestiges : seul, en fait, le château de La Couvertoirade semble être de constmction templière...

Ces traces, comme ailleurs, ont subi l'usure normale du temps, et l'action des hommes : conservées, de manière utilitaire, dans leur fonction première, ou bien remaniées, intégrées à de nouveaux ensembles, voire détmites ou délaissées, par indifférence à leur ancienneté... Ainsi le portail bas de La Couvertoirade s'est-il écroulé en 1912, avec la tour qui le surmontait. Mais, comme tout monument issu du passé, elles sont affectées, à partir d'une certaine époque, plus ou moins récente selon les lieux et les objets, par une rupture essentielle au terme de laquelle est opérée leur transmutation d'objet matériel en ressource symbolique, mpture qui met à la fois en jeu la reconnaissance esthétique de ce qui est normalement destiné à périr (la fameuse "beauté du mort") et le sentiment d'une nécessaire perpétuation, pour les générations futures, de biens collectifs qui risquent d'être abolis. Par là est acquise leur "entrée" en patrimoine, à laquelle correspond généralement une décision du pouvoir régalien installant une protection spécifique.

La prise de conscience de la valeur patrimoniale des traces templières et hospitalières larzacienne a traversé différents stades. Une chronologie des mesures officielles de protection est en elle-même instructive : à La Couvertoirade les remparts sont classés dès 1895 (les deux portes et les parties de la courtine appartenant à la commune, ce qui ne devait cependant pas empêcher l'écroulement du portail bas quelques années plus tard...); une maison "noble" à la porte renaissance, adossée au front nord des remparts, est "inscrite" à l'inventaire en 1934 ainsi que, dix ans plus tard, le site des abords de la commanderie ; il faut attendre 1945 pour le classement de l'église et de l'ancien cimetière, du presbytère, du donjon et des restes du château. A Sainte-

Eulalie les mesures de protection sont à la fois plus tardives et plus légères : inscription de l'église en 1927, et du site constitué par le bourg en 1963. Seul l'ancien bâtiment de la commanderie bénéficie depuis 1976 du statut de monument classé. Quant au Viala du Pas de Jaux, la tour n'a

été inscrite qu'en 1993, et ce n'est qu'en 1998 que les restes de remparts de La Cavalerie ont accédé à ce statut...

47 La concomitance du classement des remparts de La Couvertoirade avec la "mise en tourisme" des espaces caussenards (qui date de la fin du siècle dernier et du début de ce siècle) vaut d'être notée : à côté des sites relevant du registre du "sublime" comme les Gorges du Tam et des "merveilles" souterraines comme l'Aven Armand, il est certain que la présence d'une enceinte conservée dans son intégralité, a constitué un facteur d'attractivité non négligeable. Il s'agissait de plus d'un site relativement accessible (non loin de la route nationale de Millau à

Lodève), qui a pu commencer à drainer, principalement durant la saison estivale, des dizaines de milliers de visiteurs, attirés par l'origine templière alléguée des vestiges. On parle alors volontiers de la " cité " de la Couvertoirade (qui a réussi à gagner le label de l'association " Les plus beaux villages de France ") avec la nette volonté de la ranger dans la même catégorie que les grandes localités fortifiées du midi, la Cité de Carcassonne et la ville d'Aigues-Mortes.

Cette valorisation touristique, avec ses répercussions immobilières et économiques (des artisans commencent alors à s'installer à La Couvertoirade) cède le pas, vers la fin des années 60,

à la montée d'une nouvelle préoccupation patrimoniale, liée à la réactualisation de la question des identités et à une intervention grandissante des acteurs sociaux locaux, amenés à reconnaître des objets et des lieux comme étant leur bien propre. Par là s'effrite le vieux principe régalien ; de nouveaux objets s'affirment, parmi lesquels beaucoup relèvent de l'immatériel. Le passé lui- même entre dans le champ patrimonial, même lorsqu'il n'a pas laissé de traces physiques : l'essentiel est alors de le faire revivre, au travers de processus de re-création parmi lesquels figurent en bonne place les mises en scène et les spectacles historiques, qui ont pour but explicite de " réanimer " des places souvent endormies par suite de la perte de leur substance humaine, tout en contribuant à la " promotion " du patrimoine, qui passe éventuellement par sa marchandisation. . .

Cette " entrée locale en patrimoine ", liée à des inflexions générales de notre sensibilité par rapport à la nature et aux traces du passé, vaut d'être retracée pour chaque site. Changeons donc d'échelle et de focale, en examinant ce qui s'est passé pour quelques localités du Larzac - ou sur les flancs du plateau - que nous n'avons évidemment pas élues par hasard : ce sont celles qui, dans les années 90, vont être intégrées dans le projet Larzac templier et hospitalier. Il nous faut scruter le devenir de ces sites à ce moment d'inflexion particulier lié à une intervention grandissante des acteurs locaux, dans un contexte marqué par la prolifération des patrimoines

" propres " à chaque lieu ou à chaque groupe social, soit la fin des années soixante.

48 La Couvertoirade : 1968-1997

Signe du temps : ce devenir est marqué à La Couvertoirade, en 1968, par la mise sur pied d'une association dédiée à la conservation et à la promotion du patrimoine local, les Amis de La

Couvertoirade. Remarquons que le sigle même de l'association lui permet de regrouper autochtones et non-originaires, habitants permanents et résidents temporaires, voire même simples visiteurs. . . Selon son article 2, les buts de cette association sont de :

sauvegarder le patrimoine historique et humain, la faune et la flore de la Cité de la Couvertoirade restaurer les activités agricoles, artisanales ou autres pouvant concourir à la vie des habitants

Pour parvenir aux buts qu'elle poursuit, l'association se propose :

de provoquer l'exploitation de toutes les terres cultivables d'encourager toute activité artisanale de renseigner les pouvoir publics sur les menaces de dégradation et de demohtion.

Donnons d'abord la parole à l'un des acteurs locaux engagés dans la création de l'association, Pierre Bouloc. Originaire de La Couvertoirade, il a essentiellement mené sa carrière de professeur d'anglais à l'étranger: Mexique, Angleterre, Espagne... Mais il s'est toujours préoccupé du village, vers lequel il est régulièrement revenu. Il a même, dans les années 50, réalisé un film distribué dans les centres pédagogiques départementaux sur l'une des activités de

La Couvertoirade de l'époque, où vivaient et travaillaient encore de nombreux éleveurs : la collecte du fumier de brebis, lou migou, et son transport vers le bas-pays où il servait de fumier de brebis pour les vignes. Après avoir bêtement " manqué " l'achat du château templier à l'intérieur des remparts, il s'est replié vers une des rares maisons à l'extérieur de l'enceinte où il passe désormais l'essentiel de la belle saison (il est retraité depuis plusieurs années).

" Au début l'association a été la réaction à une autre association, fondée par des gens extérieurs à la Couvertoirade. Elle avait demandé à un vieux paysan qui habite près de chez Roussel de retirer ses pot de fleur en fer et de mettre de la poterie. Il est venu me voir et il me raconte ça. Je lui ai dit : ce n'est pas possible une association de défense qui ne défend pas les gens du village... Il m'a appris que le président était lyonnais et qu'il n'y avait personne de chez nous. Alors nous avons fait notre " mai 68 " (rire), nous étions trois Pierre : Pierre Roussel, Pierre Duteil, Pierre Bouloc et nous avons demandé à Madame Teisserenc d'être la présidente de la nouvelle association. Le choix de Mme Teisserenc n'était pas un hasard, on ne savait pas où était son mari et ils avaient la plus grosse ferme de la commune (700 hectares). Nous ne voulions pas que ces hectares ne soient pas exploités. Dans les statuts de l'association nous avions mis une clause pour la sauvegarde des exploitadons. Il n'y avait pas encore eu l'annonce de l'extension, mais on sentait déjà les choses. L'association de défense a disparu et ses membres ont pris la carte des Amis. Nous avons même chanté le chant de la réconciliation " il était un templier... " (George Girard de Millau en est l'auteur) : tout ça c'était en août 68... "

Il est fait allusion dans ce qui précède à un autre acteur qui va bientôt jouer un rôle important dans l'association, Jacques Teisserenc, originaire de Lodève, au pied sud du Larzac

49 mais marié à une descendante de l'une des grandes familles de la Couvertoirade, dont le blason aux corneilles {gralha en occitan) orne le fronton de la porte d'entrée de l'une des plus belles maisons du village, la seule à traverser les remparts, puisqu'elle jouit d'un beau jardin (qui évoque

étrangement ceux des propriétés viticoles du bas-pays), situé en dehors des fortifications.)

" Ici c'est toujours resté dans la famille... Le jardin a toujours été comme ça. Je n'ai fait que l'améliorer, le remettre en état. J'ai mis du temps à ce que les buis soient droits. Ce que j'ai transformé, c'est que la partie réservée au fermier a été récupérée, donc la maison et le jardin ont été agrandis. J'ai fait abaisser le mur de séparation et tout a été regroupé. "

C'est après nous avoir fait visiter le jardin que Jacques Teisserenc nous reçoit dans la salle d'apparat de la maison, tout à côté d'une cheminée majestueuse, avec un four à pain en état de fonctionnement (" autrefois ce n'était pas fermé, il y avait souvent un lit proche avec les pieds au chaud... "). Nul doute que nous sommes en présence d'un notable local, à la forte personnalité, dont l'apparence et le discours reflètent des origines urbaines et bourgeoises. Mais son parcours est étonnant et vaut d'être conté, en lui laissant la parole :

' C'est ma femme qui est originaire du village, que je n'ai connu qu'à mon mariage. Ma femme est originaire d'ici (famille de Grailhe). Ce sont ses ancêtres qui ont construit la maison où nous sommes. Je suis originaire de Lodève. J'ai passé mon enfance à Montpellier, où j'ai fait mes émdes (droit). Mon père étant mort quand j'avais 18 mois, ma mère s'est installée à Montpellier, fe revenais assez peu à Lodève, où la maison était occupée par ma slur, ce qui exphque que je n'étais guère monté sur le Causse et que je ne connaissais pas la Couvertoirade. Puis cela a été la guerre, que j'ai faite d'abord en France, puis en Indochine, où j'ai été prisonnier 8 ans, de 1946 à 1954. J'ai été hbéré au moment des accords de Genève, le 31 août 1954... Le traitement était très dur. . . l'ai vu des hommes pleurer de faim. Il y a eu des hauts et des bas. A certains moments, on n'avait qu'une boule de riz par jour. A d'autres moments, la ration de riz était plus importante, avec des légumes... On avait l'avantage d'avoir des femmes du pays qui étaient habituées au régime de là-bas . . , le suis revenu en 1954 et pendant 12 ans je me suis occupé de petits Eurasiens... Parmi les jeunes certains nés en captivité avaient abouti à la Fédération de l'enfance française d'Indochine. le suis allé voir ce qu'ils étaient devenus. Le résident m'a dit que nous étions obligés de rapatrier en France les enfants de pères français morts. Les petits Eurasiens ont été ramenés dans des camps. J'ai pris la direction d'un de ces camps en Touraine, et j'y suis resté jusqu'à ce qu'ils aient 18-19 ans. C'est après que je suis revenu dans le Languedoc où j'ai dirigé une école de secrétariat médical à MontpeUier. Les petits Eurasiens ont parfaitement réussi : ils ont monté une association, ils m'invitent tous les ans (certains sont devenus médecins, ingénieurs, d'autres ont des métiers manuels)... "

Sa prise en main de l'association est en fait le résultat d'une longue fréquentation des lieux, de la conscience d'une dégradation inéluctable et de la volonté de sauver ce qui peut encore l'être, en regroupant tous ceux qui aiment, selon les termes d'une lettre publiée dans le premier numéro du bulletin de liaison de l'association, les " pierres séculaires " de la Couvertoirade,

" tous les habitants de l'ancienne Commanderie, tous leurs amis, tous ceux qui estiment que nous avons le devoir de faire mieux connaître les joyaux hérités de nos ancêtres. . . ".

" Dès que j'ai vu la Couvertoirade, j'ai été pris par elle, avec la passion de réhabihter le village tel qu'il était autrefois. J'y remontais souvent mais c'était en piteux état... A cette époque, le village n'avait pas entrepris de sauvegarde. Les maires ne s'y étaient pas intéressés, alors que le village devenait un attrait pour

50 les touristes... Je reprochais à la municipalité d'alors d'avoir permis aux gens de construire contre les remparts. Car ici il n'y a rien à l'extérieur : les remparts sont restés tels qu'ils étaient au Moyen-Age. J'ai commencé à m'en occuper. . . "

Il ne s'agit pas pour autant, bien au contraire, de tomber dans une muséification du village.

Dès le départ, la volonté de l'association (qui compte, dès août 1969, 100 membres, et 169 membres l'année suivante, et qui se dote d'un instrument efficace de communication inteme, son bulletin de liaison, à pamtion très régulière sur plusieurs décennies) est de le dynamiser en favorisant le maintien de ses activités économiques tout en en promouvant de nouvelles, de contribuer à son animation en s'appuyant sur une équipe de " jeunes " {Bulletin de liaison n° 2, du

1" trimestre 1970):

"Au cours de l'année 1969... notre équipe de jeunes, particulièrement dynamique, a restauré complètement la cave de l'ancien presbytère, mise gentiment à notre disposition par M. Seryeis, maire de La Couvertoirade (. . ). Tous nos amis sont invités, quand ils passeront à La Couvertoirade, à visiter cette salle, devenue le siège de notre association. Elle a été inaugurée officiellement le 20 août, au cours d'une manifestation qui a groupé la totalité des habitants de La Couvertoirade et de nombreux amis venus de toute la région. (Après un grand méchoui) un très bel embrasement des remparts - encore une réalisation des jeunes - a clôturé cette soirée. L'Association a également organisé, le 23 et 24 août, la grande fête annuelle de La Couvertoirade [...] Pendant deux jours, les très nombreux visiteurs trouvèrent, dans la vieille enceinte fortifiée, de quoi s'instruire, s'amuser et se restaurer selon ses goûts : musée, échoppes, jeux et attraction diverses, bals, stands de merguez et sandwiches, concours de pétanques, etc. "

Pour 1970, les réalisations consignées dans le bulletin de liaison continuent à se situer dans le double registre de l'animation et de la réhabilitation :

- Rallye suivi d'un méchoui et de l'embrasement des remparts le 9 août

- Participation au " Son et Lumière " le 14, 15 et 16 août.

- Organisation de la fête de la Couvertoirade les 23 et 24 août

- Travaux à la chapelle de Saint-Christol

- Récupération à Canal, par l'intermédiaire de M. Dutheil de la Vierge en bois appartenant à l'église de la Couvertoirade.

La même année 1970, lors de l'assemblée générale de l'association, la présidence passait de

Madame Teisserenc (qui avait assuré cette charge, quelque peu à son corps défendant, pendant deux ans) à Monsieur Teisserenc, qui devait rester à ce poste pendant 30 ans... Signe d'une

" naturalisation " désormais accomplie et d'une reconnaissance de la légitimité du combat d'un homme étranger au village, même s'il est originaire de la région ? Suit, dans le bulletin où figure le compte rendu de l'assemblée, cette étrange notation :

" Profitant de la présence du maire de la Couvertoirade, le Président remercie M. SERIEYS de son inlassable activité en faveur du développement touristique de la Commune et émet le souhait que, à l'avenir, la Municipalité, avant d'entreprendre des travaux concemant la mise en valeur du site de la Couvertoirade, prenne l'avis du bureau de l'Association. Cette suggestion est particuhèrement applaudie ... ".

51 Cette mise en cause à peine voilée des actions qui peuvent être irréfléchies de la municipalité du

moment est éclairante sur la nouvelle stratégie qui alors se dessine : il s'agit désormais, pour

Jacques Teisserenc, d'investir l'espace même du pouvoir local, afin de mieux agir. C'est chose

faite avec les élections municipales de 1971 :

" G. Dupont, instituteur à Lodève, originaire de la Couvertoirade est devenu maire, je suis devenu son adjoint. Je souligne parfois qu'on peut avoir des maires et des adjoints n'ayant pas les mêmes idées, mais localement nous avions les mêmes points de vue et les mêmes objectifs à poursuivre. Pendant 15 ans, j'ai été maire-adjoint, chargé des monuments historiques. J'ai pensé qu'il ne fallait pas laisser à l'abandon ce village. Petit à petit on a réussi à réparer et à susciter chez les habitants des réparations. C'est moi qui ai suggéré d'acheter la Maison de la Scipione (nom que la femme avait pris de son mari Scipion... C'est comme ça que l'hôtel en question porte ce nom. . .).

L'une des premières initiatives de la nouvelle municipalité est de créer un musée en plein

air, rassemblant dans l'ancien cimetière des moulages de croix discoidales (copies des principales

pièces du gisement remarquable situé dans le Sud de l'Aveyron et le Nord de l'Hérault) .

" Entre le château et l'Eglise il y a le cimetière des Templiers, où on a regroupé des copies de stèles discoidales. Les deux seuls originaux sont dans le ccur de l'Eghse. On retrouve une croix et une fleur de lys de la Vierge (les Templiers ont toujours eu une grande dévotion pour la St Vierge), différente de la fleur de Ivs du roi de France. "

Juste auparavant, c'est une véritable commande qui est adressée par l'association, par

l'intermédiaire de Pierre Bouloc, à un historien local, André Soutou, pour qu'il travaille sur La

Couvertoirade. André Soutou qui est déjà le descripteur avisé d'une " fibule aux lions ", datant de

la première moitié du l"^ siècle avant notre ère, trouvée dans le gisement de Pioch (près du

hameau de la Pezade)... Signe des richesses que peut receler le sol de la Couvertoirade... tout

comme les baies de genièvre, dont il est fait, dans le même bulletin, l'apologie comme condiment

dans la cuisine traditionnelle du Causse. C'est A. Soutou qui édite la première brochure sérieuse

sur le site (1972), mettant en évidence, pour ce " site surprenant ", l' des Templiers et des

Hospitaliers. Deux ans plus tard (1974), il publie une brochure complémentaire sur le Larzac aux

alentours de la Couvertoirade, qui a pour but d'inciter le lecteur à prendre plus directement

contact avec le Causse et à découvrir, dans les environs immédiats, " au milieu d'un paysage à

première vue monotone et grisâtre, des vestiges humains bien conservés, qui, par delà l'époque

des templiers et des hospitaliers, témoignent d'une civilisation ancienne, profondément enracinée

dans un terroir original. . . ".

Mais, dès l'année antérieure, un post-scriptum prémonitoire avait été publié dans le

bulletin :

" Les bruits les plus divers - et les plus contradictoires, courent sur l'éventualité d'un agrandissement du Camp du Larzac et sa transformation en " camp international ". Nous ne manquerons pas de tenir les membres de l'Association au courant d'une situation qui les intéresse au plus haut point et, éventuellement, de l'action entreprise. "

52 L'un des objectifs de l'association était, on l'a vu, d'aider au maintien d'une activité agricole ou pastorale. J. Teisserenc, malgré ses opinions politiques initiales, s'est engagé, comme avec lui toute la commune, dans la lutte contre l'extension du camp militaire, qui prévoyait un pseudopode vers le sud, jusqu'à la Couvertoirade à la Blaquèrerie et à la Salvetat) . . . Mais laissons sur ce point la parole à Pierre Bouloc :

"Jusqu'en 1971 l'association n'a pas fait grand chose, mais quand on a appris l'extension du camp nous étions en Angleterre, l'ai tout de suite écrit à J. Teisserenc, en lui disant : attention, avec l'extension du camp la Couvertoirade ne survivra pas. Je me souviens lors de la manifestation à Rodez je lui tenais le bras pour qu'il ne quitte pas les rangs... Il avait des opinions plutôt favorables à l'armée et il avait aussi 700 hectares de terre qu'il aurait pu vendre au camp. Mais l'association était contre l'extension, d'ailleurs J. Teisserenc a écrit des articles sur ce thème dans le bulletin et nous avions alors une correspondance soutenue. A cette époque le maire était mon cousin G. Dupont, il a aussi toujours été contre... "

Vingt ans après sa création, l'Association est toujours là, et J Teisserenc fidèle à son poste.

Il continue à produire, dans le Bulletin, un discours où ont fait irmption les nouvelles pratiques des mises en scène du passé. Pratiques qui peuvent évidemment prêter à sourire pour qui les considère de l'extérieur mais qui, pour qui les vit de l'intérieur, revêtent une portée symbolique de première grandeur, tout en exprimant l'amour de la petite patrie et de ses paysages :

" Marché Médiéval, route du sel, son et lumière : [...] ces trois appellations peuvent ne représenter pour le prophane que quelques aspects différents d'une même tendance actuellement à la mode : la reconstitution plus ou moins heureuse, mais avec des moyens de plus en plus sophistiqués, d'une période de leur histoire qui fait rêver les Français : celle du Moyen Age. Mais pour les initiés, pour ceux qui se sont laissés prendre au jeu, comme l'ont fait les habitants de la Couvertoirade, l'aménagement d'un marché médiéval sur la place du village, là où se trouvait autrefois la lavogne, la réception des participants à la Route du Sel arrivant par les mêmes chemins historiques qu'empruntaient autrefois les caravanes chargées de sel, le montage, enfin, d'un nouveau Son et Lumière illustrant les grandes heures de notre histoire locale, représentent beaucoup plus : une manière à nous de manifester notre amour pour notre petite patrie, pour une terre que l'on dit ingrate mais à laquelle nous tenons, pour des paysages peut-être rudes, mais si beaux... " (Editorial de 1987)

J. Teisserenc, fidèle en cela aux objectifs initiaux de l'association, plaide pour un " tourisme intelligent " à l'opposé de la muséification, à condition que puisse subsister sur place une population permanente :

" [...] Le tourisme reste souvent la seule solution de survie de ces villages, le seul moyen d'éviter le délabrement progressif de leur patrimoine et, à terme, la mort de la commune. Mais le tourisme, si l'on en a une conception simphste, peut se révéler la pire des choses. C'est le cas des localités composées presque uniquement de résidences secondaires ou d'artisans et de commerçants n'y séjoumant que pendant la belle saison. De telles cités ont perdu la vie, au sens propre et au sens figuré, et leurs monuments, si beaux soient-ils, ne sont plus que des pierres froides. Il faut donc, avant tout, que nos villages ne deviennent pas des musées, c'est-à-dire des lieux où sont présentés au public uniquement des édifices ou des objets d'intérêt historique. Comment y parvenir ? En trouvant le moyen [...] d'y conserver une population permanente. Alors seulement le village retrouve son âme, dont il faut facihter aux touristes la découverte en les incitant à chercher l'invisible derrière le visible.

53 C'est ce qu'à fort bien exprimé Max Rouquette, l'écrivain occitan bien cormu , en notant : " La beauté n'est pas enfermée dans les vitrines des musées. Elle est partout. Mais elle nous est souvent cachée par les rideaux de l'habitude. " C'est donc à nous d'aider les touristes à déchirer ce rideau. Si nous arrivons à donner à nos visiteurs : " l'envie de s'asseoir sur la place du village pour en écouter, religieusement, la respiration ", comme le souhaite Patrick Francés dans un article du joumal " Le Monde " consacré aux PLUS BEAUX VILLAGES DE FRANCE, nous aurons réussi à rendre au tourisme ses lettres de noblesse en lui restituant le rôle avant tout culmrel qui avait été le sien à l'origine. " (Editorial, 1989).

L'association multiplie les actions de protection, mais aussi d' " embellissement " du site : camouflage par de vieilles pierres de parties de bâtiments restaurées avec du béton, prêts aux particuliers pour remplacer les toitures en zinc par des toitures en lauze, intervention pour l'enterrement de lignes électriques, pavage des mes, installation programmée d'une antenne de télévision collective pour supprimer les antennes individuelles... Mais l'objectif de maintien d'une vie productive locale peut-il être maintenu ? Dix ans encore plus tard, soit en 1998, le constat de J. Teisserenc paraît quelque peu désabusé :

" Tous les gens originaires de la Couvertoirade ne pouvaient pas gagner leur vie ici. Autrefois il y avait 18 agriculteurs, aujourd'hui il n'y en a plus que deux. Les deux qui restent cultivent la même superficie que les 18 autres. Dans la bergerie qui est derrière le jardin, j'ai moi-même tenu à ce que soit maintenue une activité pastorale : il y a 1200 moutons transhumants, qui viennent du Gard. J'ai refusé de vendre les bergeries, car sans troupeaux ce n'est plus la Couvertoirade... Les autres agriculteurs sont partis vers l'extérieur, vers Millau, mais ils aimaient le village et ils ont gardé leur maison d'origine. Petit à petit, avec l'aide de l'association, ils ont réparé les maisons et y reviennent chaque été. Il y a quelques gens de l'extérieur, comme ce diplomate anglais qui cherchait à trouver une maison et qui n'y arrivait pas... Finalement il en a trouvé une ! Ses enfants sont si bien acceptés que sa fille est aujourd'hui la femme d'Augé (le maire de l'époque, note de JLB) ; son fils, artisan, est diplômé d'Oxford, il s'en va l'été car il trouve qu'il y a trop de monde... "

La Couvertoirade victime de son succès ? J. Teisserenc ne peut passer sous silence, dans le discours qu'il tient en 1998, l'envahissement du village par les boutiques, ouvertes seulement durant la période estivale : " les habitants originaires de la Couvertoirade trouvent qu'il y a trop de boutiques, que le seuil de saturation a été dépassé. . . ". Ce que confirme Pierre Bouloc :

" Le maire avait pris un arrêté pour que ne s'installent que des artisans. Pendant longtemps il y a eu seulement 4 ou 5 artisans et puis il y a quelqu'un du village qui a ouvert une boutique et ça a été le départ... C'était le début des années 80. L'arrêté municipal n'est pas appliqué. Tant qu'il y a eu M. Teisserenc à la tête de l'association pour promouvoir le village mais pas le défigurer, ça marchait bien. Maintenant. . . "

Un autre regret, exprimé tout aussi bien par J. Teisserenc et P. Bouloc : que le château ait

échappé aux originaires de La Couvertoirade ou à la commune. Par suite de 1' "aberration d'un maire antérieur ", le bâtiment est tombé entre les mains de quelqu'un d'extérieur au village, qui vient un mois chaque été durant lequel il ouvre ses portes pour des visites payantes. . .

Max Rouquette dont la famille est originaire de la Couvertoirade, apparentée d'ailleurs aux Grailhe...

54 Sainte-EulaUe : 1970-1997

Pas d'association d' " amis " pour Sainte-Eulalie, site qui n'a pas bénéficié d'un engouement touristique ancien comme la " cité " de la Couvertoirade. Mais le village a conservé, comme beaucoup encore l'affirment, une authentique " vie " à l'intérieur ou à l'extérieur de son enceinte, grâce au maintien d'une population permanente beaucoup plus importante.

" Ici, ce n'est pas comme à la Couvertoirade, parce qu'on a un village vivant, il y a du monde dedans. A la Couvertoirade, il n'y a personne, les gens ont loué aux commerçants. "

Parole de l'actuel maire, Jean Gêniez, qui pointe également l'absence de conscience patrimoniale qui a longtemps caractérisé le village :

" Tout partait de Sainte-Eulalie, et pourtant aucun instituteur ne nous l'a jamais appris. Personne ne nous a ouvert les yeux sur notre patrimoine, je trouve ça dommage. Il faut dire qu'avant c'était privé. Cela a été pubhc à partir de 1972. Et puis, on était près à démolir une tour pour faire un garage, on n'avait conscience de rien... "

Ce que confirme l'un de nos informateurs, historien local à ses heures et heureux propriétaire d'une partie de la commanderie, Germain Crouzat. Originaire de Sainte par sa famille paternelle, il a passé son enfance en Corse où son père, qui travaillait en " service commandé " pour Roquefort , avait connu sa mère lors de ses campagnes laitières (beaucoup dans la pays, ajoute-t-il, sont des " métis " Corse-Larzac). Enseignant à la retraite, ayant participé

à la direction du collège de Millau, c'est animé d'un fort patriotisme local qu'il a fait l'acquisition de sa résidence saint-eulalienne dans l'enceinte prestigieuse de l'ancienne commanderie :

" Avant il n'y avait que peu d'intérêt pour ce patrimoine : on utilisait de la pierre de récupération pour construire... le regrette que les instimteurs n'en aient pas parlé. Nous vivions à l'ombre de ces remparts sans savoir... Depuis la Révolution on les avait chassés (les Hospitaliers) et on avait oublié. "

C'est un groupe de personnes typiquement " du cm " qui apparaît à l'avant-garde de la prise de conscience patrimoniale : le Foyer mral. Quelques mois après la constitution de l'association des Amis de la Couvertoirade, cette institution, qui est déjà sur la place depuis environ une année, va jouer, sous la pression d'une décision qui doit être prise dans l'urgence, un rôle important dans la prise de conscience patrimoniale. Cela sous l'impulsion de sept de ses membres, en particulier de son président, Henri Baron, ingénieur des mines à Aies. Résidant dans la maison de famille de sa femme, originaire de Ste Eulalie, il peut être lui-même considéré comme un historien local, car il a produit un opuscule sur le dernier commandeur hospitalier de

Sainte-Eulalie, à savoir le bailli de Mirabeau..

55 L'événement déclenchant est la mise en vente d'une partie de la commanderie... Nous disposons d'un document de 12 pages, écrit par Henri Baron près de 20 ans plus tard, qui raconte comment le bâtiment a pu tomber dans le domaine public, en l'occurrence celui de la commune, par l'intermédiaire décisif du Foyer rural. Ce sont ses partenaires dans l'acquisition qui lui ont demandé d'écrire comment cela s'était passé, souhaitant que " au moment où la commanderie prend de plus en plus d'importance dans la vie de la cité... la manière dont elle fut acquise ne tombe pas dans l'oubli... ". Cela va de l'annonce de la mise en vente jusqu'à, placée en annexe, la photocopie du papier sur lequel sont consignés les noms des personnes qui ont participé financièrement au paiement de la première caution, avec le montant de leur apport. . .

Toutes (ou leur famille pour deux dispams) ont reçu un exemplaire de ce document.

On y apprend :

la date d'acquisition de cette partie centrale de la commanderie : fin août 1970 ;

le nom donné par la population locale au bâtiment : le château ;

les réunions internes au foyer mral, animé d'une ferme volonté de voir aboutir l'affaire, et les

négociations avec la mairie, qui apparaît beaucoup plus réticente ;

les modalités par lesquelles la décision finale a été prise, en un temps record ; puisque neuf

jours s'écoulent entre l'annonce de la mise en vente (le 14 août) et la signature du compromis

de vente, le 23 août. . . Il aura fallu pour y arriver que les membres concemés du foyer mral

mettent la main à la poche afin d'arrêter l'affaire par le versement d'une caution substantielle

(10 000 F, pour un prix de vente de 50 000 F...), le temps que la commune puisse s'assurer

des financements nécessaires. Il aura également fallu que le foyer mral, qui n'avait alors qu'un

an d'existence, s'engage, en devenant locataire des lieux, à rembourser de fait les annuités

afférentes à l'empmnt contracté par la mairie, permettant à celle-ci d'entrer en possession

d'un bien sans qu'il lui en coûte un centime. . .

le détail des parties acquises, en particulier la salle capitulaire ;

les travaux effectués immédiatement par le Foyer mral, en particulier l'abattement des

cloisons et des planchers qui compartimentaient l'espace de cette salle...

Les raisons de cette acquisition sont nettement exprimées par H. Baron : il s'agit de prendre possession d'une partie essentielle du " patrimoine historique " du village. Ce sont alors les membres du Foyer mral qui ont conscience de l'importance de ces biens, à la différence de la mairie, qui se révèle effectivement difficile à convaincre. D'autant que ce groupe avait également conscience que le foyer mral n'était pas une entité éternelle mais qu'en revanche la mairie de

Sainte-Eulalie, représentante officielle et habilitée de la communauté du village, devait être propriétaire de tout ce qui pouvait concourir à sa survie et à son renom, et donc en particulier de cette composante fondamentale de son "patrimoine historique et archéologique...". C'est

56 également l'époque de la première charte liant la commune avec le département et l'Etat, pour la réfection de la Tour qui menaçait de s'écrouler, réfection très onéreuse par suite des contraintes techniques du chantier. . .

" N'oublions pas de souligner que l'acquisition de cette salle dans laquelle se déroulent actuellement tant de manifestations, de galas, de cérémonies familiales, etc., n'a pu être réalisée que grâce en la foi en l'avenir touristique du village et la générosité de sept amis qui, en vingt-quatre heures, ont constitué les dix mille francs d'acompte nécessaire... N'oublions pas surtout que cette équipe a réussi à forcer une décision difficile amorçant, par ce geste désintéressé, un renouveau de la cité médiévale axé sur la remise en valeur de son riche patrimoine... "

Mais le foyer perd de son dynamisme, comme en témoigne la participation de plus en plus faible aux réunions, même s'il a joué un rôle dans l'organisation des visites (G. Crouzat lui-même s'y est livré pour financer des restaurations. . .). Laissons lui la parole :

" Le foyer mral s'est effiloché parce que les gens sont partis... Le bénévolat dure un certain temps mais pas un sacerdoce... Il s'est endormi, il avait fait ce qu'il avait pu ; il fallait une autre stmcture, avec de l'enthousiasme, de la créativité pour relancer le processus. . . "

C'est alors qu'entre en scène un couple particulièrement entreprenant, étranger au village et porteur d'une évidente idéologie " moderniste " de développement local. La famille Chapuis, voulant quitter Paris, aurait écrit à divers villages en France où elle aurait pu être accueillie : seule

Sainte-Eulalie leur aurait répondu, car à ce moment là l'école manquait d'élèves et les Chapuis avaient trois enfants. Eté 1987 : après plusieurs années d'implantation, l'heure semble venue de l'action, avec le lancement d'une feuille locale intitulé Les Cristoulis . Dans l'un des premiers numéros est proposé un sondage sur le développement touristique du village. Les résultats publiés dans le numéro suivant sont, on s'en doute, très nettement favorables à cette perspective. . . Suite à ce sondage, et " encouragés aussi par les résultats " , on apprend que " des

Cristouliens travaillent sur un projet ambitieux puisque son but est la mise en valeur de notre village [...j Tous les cristouliens intéressés seront associés à l'affaire, mais, pour l'heure, il faut obtenir l'aide de la Région et de l'Etat. Les Cristoulis sera l'organe d'information auprès de la population... ".

Le 4 septembre 1987 a lieu une réunion regroupant 15 personnes qui met au point les statuts de l'association, au nom qui fleure bon la technocratie : Horizon 2000... L'association a pour but " l'animation locale de la vie sociale culturelle, économique et professionnelle au bénéfice de la population de Sainte-Eulalie de Cemon, par l'étude et le développement de tous moyens licites susceptibles de sauvegarder le patrimoine historique et de faire vivre le village ".

L'association a également pour objet " la mise en valeur du site communal et la promotion de toutes manifestations populaires et culturelles ". Le " projet ambitieux exige des adhérents ayant

sumom collectif des habitants de Sainte-Eulalie, ci. supra chapitre 1.

57 foi dans l'avenir du village et dans le développement des relations humaines...". Six commissions sont prévues : architecture ; aménagement du territoire ; activités annexes ; finance et gestion ; promotion et information ; animation historique et culturelle. . .

La vie de l'association apparaît en fait étroitement liée à la pamtion régulière du bulletin, assurée sur place par Carmen Chapuis, qui rassemble les informations, et à Paris par son époux

Jean-Pierre Chapuis, qui tire grâce aux moyens de sa société (Trilog audio-visuel) chaque numéro en 150 exemplaires tous les 15 jours. L'association regroupe une bonne quarantaine d'adhérents.

Les originaires sont dans un premier temps séduits par cet activisme, comme en témoigne cet article enthousiaste de G. Crouzat publié dans le bulletin :

UNE CHANCE POUR STE EULALIE - HORIZON 2000 Les fortifications de notre beau village ont cinq siècles d'existence et les murs de la Commanderie vivent leur huitième siècle. La population diminue, vieilht...... Au heu d'attendre d'être chenus à l'ombre de remparts en mine, des bonnes volontés qui ne veulent pas se résigner ont voulu réagir et, en prenant sur leur temps, se mettre au service de la collectivité et envisager l'Avenir avec plus d'optimisme. Nous avons un capital touristique énorme qui dort. Depuis quelques années, de gros travaux, réalisés avec l'aide importante des Monuments Historiques ont permis de préserver au mieux ce que le temps aurait irrémédiablement détmit. Il faudra continuer à trouver les moyens de sauvegarder ces richesses, mais surtout, il est temps de les mettre en valeur et de les exploiter dans l'intérêt du village. ... Il faudrait que chacun se mobilise et apporte son enthousiasme à une équipe qui veut susciter un élan et prendre des risques calculés pour redorer le blason de l'ancienne capitale au Larzac, et permettre son développement, afin que, jeune ou vieux, au travail ou retraite, nous puissions vivre à Sainte-Eulalie. Levez-vous habitants de la Cité templière, votre village est menacé !... "

Parmi les éléments du programme de l'année 1988-1989, pointons l'aménagement d'un circuit pédestre " par adjonction de 6 statues de templiers en fer forgé fabriquées par les artistes du village " et le projet de création d'une bibliothèque spécialisée dans les ordres militaires et religieux. Autre initiative dont se fait l'écho la même année le bulletin, celle de Paul Lacombe qui, dans le journal de Millau du 1er juillet demande à tous les villageois, conseil municipal en tête, de se mobiliser et d'entreprendre les démarches nécessaires pour que le village retrouve son nom médiéval de Ste-Eulalie de Larzac, perdu le 3 février 1889 au bénéfice de la dénomination de

Ste-Eulalie de Cernon. Revenons sur ce point au témoignage de G. Crouzat :

" M. Lacombe, sorti de la Cavalerie, avait la conviction sincère qu'il fallait parler de Ste Eulalie de Larzac. Mais il nous semblait qu'on était plus partie prenante du Cemon , qui est une vallée plus riante, plus riche, avec de l'eau... D'ailleurs mon père préférait le Cemon. Chaque fois qu'il parlait de son pays il disait " chez moi il y a de l'eau... ". Lorsque le Tour de France est passé, G. Briquet a dit " nous traversons une région aride, sans arbre. . . ". Mon père en était chagriné, comme un menteur pris en défaut. . . "

Un sondage, effectué dans le bulletin, donne une très nette majorité pour le maintien de l'appellation de Cernon, ce qui témoigne peut-être d'une certaine perte d'intérêt, à ce moment-là, de l'appellation Larzac. Mais un point cmcial semble déjà poser problème : quelles peuvent être les relations de l'association avec la commune ?

58 " La presque totalité des points du programme ne peut être réalisée qu'avec l'aide ou tout au moins l'accord de la municipalité. Un mois après, nous attendons toujours la réponse... La cohérence entre les actions de rénovation menées par la mairie et celles envisagées par Horizon 2000 est indispensable puisque ces actions sont complémentaires. Cette cohérence nécessite la mise en place d'une véritable pohtique de concertation, nous sommes prêts à tenter ce partenariat ".

En novembre 1988 est publiée une " plaidoirie pour une liste unique " (" Tous ceux qui se sentent portés vers ces responsabilités et voulant les vivre non par intérêt personnel mais comme un apostolat, devraient pouvoir se présenter aux électeurs sur une seule et unique liste... ") qui se heurte à une fin de non-recevoir de la municipalité sortante. Ce qui entraîne, en février 1989, la candidature solitaire de Carmen Chapuis :

" Si je me présente seule, ce n'est pas par opposition au maire actuel, mais parce qu'il a réfusé, pour des raisons que j'ignore) de me prendre sur sa liste. Cela fait treize ans maintenant que je suis fi.\ée à Ste- Eulalie, village que j'ai appris à aimer, à respecter et dans lequel je me sens bien. "

Les résultats ne sont pas à la hauteur de l'attente, ce qui provoque l'intervention quelque peu désabusée et à double sens, sous son unanimisme de façade, de Jean-Pierre Chapuis :

" La liste complète du maire est passée au premier tour et tout le monde est content. C'est une équipe unie et pleine de ressources. Des jeunes sont arrivés et ils bénéficient des sages conseils et de l'expérience considérable des anciens. Le maire, homme de rassemblement et d'ouverture, supervisera l'ensemble et le village est promis à un avenir brillant pour les 6 ans à venir. II est temps pour nous de passer le relais à cette équipe dynamique. C'est ainsi que nous leur remettons l'avenir du bulletin " Les Cristouhs " et les clefs du projet Horizon 2000. II est évident que le projet municipal va plus loin que le nôtre : 8000 visiteurs payants cet été alors que nous n'en envisagions que 2000 au mieux. Nous sommes dépassés par l'objectif de ces hommes volontaires et, n'ayant pas leur clairvoyance, nous ne pouvons que leur laisser la place en leur souhaitant bon vent. "

L'heure est pourtant encore à la conciliation et une convention est signée entre la mairie et l'association :

" Le Conseil municipal ayant manifesté sa volonté de s'appuyer sur les associations du village pour atteindre ces objectifs, décide de confier à Horizon 2000 la gestion de la Commanderie et la conduite d'opérations de nature à favoriser l'attraction touristique et la mise en valeur du patrimoine. "

La commune met à disposition d'Horizon 2000 les locaux de la Commanderie en vue de :

- l'organisation et l'accueil d'expositions relatives au passé historique de Sainte-Eulalie et à l'ordre du Temple, ainsi que toutes expositions présentant un attrait touristique (Musée de Rouergue par exemple).

- l'organisation de visites guidées.

- l'exploitation d'une salle de vente

- l'organisation de manifestations culturelles et artistiques.

Mais la commune s'entoure cependant de précautions significatives : tous les travaux d'agencement immobilier et modification de stmcture ne pourront être effectués sans l'accord de la mairie ; la convention est conclue pour la durée d'un an, renouvelable par tacite reconduction ;

59 la Mairie aura la faculté de résilier de plein droit le contrat, sans indemnité ; Horizon 2000 s'engage à présenter chaque année, à la mairie, le résultat financier de son exploitation ; s'il est positif. Horizon 2000 reversera à la Mairie une partie de l'excédent, qui sera affecté à la restauration du patrimoine historique du village.

Forte de cet accord, l'association propose un programme ambitieux, essentiellement tourné vers l'histoire locale, avant tout templière. . .

1) Mise en place d'une exposition identique à celle de l'été 1988...

2) Exploitation d'une salle de vente avec produits personnalisés " Commanderie templière ".

3) Réalisation d'un film vidéo sur la mémoire du village.

4) Mise en place d'une exposition sur le Temple de Paris à la Révolution...

5) Réalisation et diffusion d'un diaporama fondu-enchaîné sonorisé sur l'histoire des chevaliers

du Temple.

6) Nettoyage général de l'ensemble des bâtiments pour un meilleur accueil ; nettoyage des

abords et fléchage de l'aqueduc hospitalier.

7) Organisation d'une journée de travail pour dégager l'arquebusière de la place de l'église

8) Prise en charge des visites et de la salle expo-vente-accueil par du personnel formé et sous la

responsabilité de l'Association.

9) Reconduction de 2 soirées musicales en août.

10) Réalisation, édition et diffusion d'une affiche 40 X 60 pour la promotion de l'été à Ste-Eulalie

Jean-Pierre Chapuis joue d'ailleurs la carte de l'apaisement, en écrivant dans le bulletin :

" On a reproché au bulletin de se politiser, de devenir anti-Conseil Municipal, de vouloir étabhr un pouvoir parallèle... Au-delà des conflits, des mésententes et des incompréhensions qui, hier encore, nous séparaient, nous avons parlé chacun dans ses termes, mais d'un seul c de notre petit village [au cour d'émissions radio, 2 avec le maire et 1 avec Michel Viala]. Alors, que faire pour continuer à positiver ? D'abord, renforcer l'Association Horizon 2000... " {dans un numéro de 1990) Depuis 1987 Horizon 2000 fait parler dans les chaumières. Mais si, il y a trois saisons, les commanditaires étaient plutôt acerbes à son endroit, aujourd'hui, ils sont de plus en plus bienveillants. C'est que, semble-t-il, on juge l'arbre à ses fmits et que le bilan de l'Association est largement positif Nous sommes en train, au fil des jours, de créer un label Qualité doublé d'un label Pugnacité et cela se remarque. Les bonnes relations que nous entretenons désormais avec le Maire et ses principaux conseillers sont à l'origine de la reconnaissance d'Horizon 2000 par l'extérieur... "

Arrêtons nous un instant, en 1994, sur les activités marchandes de l'association. En plus de la vente d'assiettes décoratives, " l'association a fait fabriquer un service de table complet et résistant au lavage, avec le motif crée par Claude Morin pour la commanderie. Ce service superbe sert aux repas des groupes de touristes ayant opté pour la journée complète dans nos murs ". On trouve également des livres d'histoire dans la salle des ventes, dont la seule enumeration est significative d'une nette orientation médiévale et templière.

- " Vie et mort de l'Ordre du Temple " de Alain Demurger.

60 - " Les Croisades " (Que sais-je PUF)

- " Le Rêve Cistercien " de Leon Pressouyre

- " Les croisades vues par les arabes " de Amin Maalouf

- " La première Croisade " de Fiori

- " Cathares et Templiers " de Raymonde Reznikoff

- " Compostelle : le grand chemin " de Xavier Barrai

- " Les Croisades " de Ridley Smith

- " Chevaliers de Rhodes " de Pouthiers

- " La vie au Moyen Age " de Robert Delors

On constate également que la " société " vient de traiter un accord de partenariat avec la société

Fabre de Millau qui se livre toujours à l'activité traditionnelle la fabrication de gants. Dès fin avril, la " boutique H 2000 proposera un rayon ganterie ".

1996, soit un an après les élections municipales de 1995... Les ponts sont désormais rompus avec la municipalité de Jean Gêniez. L'association a été priée de quitter les locaux de la commanderie. Certes le bulletin réagit avec une certaine crânerie, affirmant que " l'association garde force et vigueur ", et que " les travaux annoncés par la Présidente prennent une belle allure

(de nouvelles boutiques doivent être ouvertes). Cette opération engouffre tous les fonds disponibles mais notre immeuble s'en trouvera valorisé d'autant [...] par ailleurs, H. 2000 conquiert sa liberté. " Mais Carmen Chapuis doit cependant se résoudre à arrêter son activité de café restaurant, et Jean-Pierre Chapuis finit par déverser son trop-plein de rancuur :

" L'empereur des promesses non tenues, c'est-à-dire le maire a, dans son nouveau plan bidon de développement de la politique touristique, supprimé à notre association la salle d'accueil de ladite place et prétend désormais nous taxer pour l'accès à la commanderie. Nous reviendrons dans un prochain bulletin sur cette politique municipale qui surpasse le syncrétisme pour aboutir à un nouveau concept : le " Saint- Crétinisme " et qui doit entre autre ravir le " chantre pommandant de l'exploit dérisoire " du Journal de Millau. En effet - comprenne qui pourra - la mairie a décidé de remplacer, pour l'accueil estival et les visites guidées. Horizon 2000 et ses huit ans d'expérience , par un CES à 20 heures par semaine. "

(14 airil 1996) " La Mairie fait naufrage, c'est le triomphe des " babas-coule " Comme nous l'annoncions dans le n° 199, la mairie faisant table rase de l'expérience de H. 2000, se lance, en gestion directe, dans l'aventure touristique... "

( 29 septembre 1996) "L'estocade fut donnée lorsqu'elle décida de nous racketter en ponctionnant 10 francs par personne sur chacune de nos visites fixée à 15 francs... La mairie de Sainte-Eulalie, par incapacité à élargir l'horizon de sa commune, prisonnière d'un magma léthargique que certains se plaisent à entretenir, a brisé un bel outil culturel, promotionnel et économique [...] La mairie... assistée par le Département â hauteur de 50.000 francs, accuse tout de même un déficit que nous porterons à votre connaissance. Après maintes conversations avec des bénévoles responsables, engagés dans des associations diverses, je m'aperçois que le même schéma de mise sur la touche existe, dès lors que leur structure prend de l'importance et dérange l'immuable statu quo imposé. Nous retrouvons donc, sur le plan local, une distorsion qui existe aussi sur le plan national. Le discours de l'autorité est d'encourager les associations,

61 mais lorsque celles-ci prennent de l'ampleur et veulent, à partir de leur savoir faire, s'asseoir aux tables des négociations pour participer activement et opérativement à l'avenir de leur eco-système, on les congédie avec plus ou moins d'égards. Preuve que nombre d'élus n'ont en tête que leur carriérisme personnel, appuyé sur un électorat craintif, passif ou désabusé ; ces élus ont la simple volonté d'utihser leur situation comme rente personnelle où toute forme d'innovation, de dynamisme est exclue. " (1 jantier 1997) " Meilleurs voeux aux 36 adhérents qui sont restés fidèles à Horizon 2000 malgré les coups reçus par notre association. A tous ces pugnaces... nous nous rassemblerons bientôt (nous l'espérons), pour un voyage d'étude que H 2000 offrira aux vaillants adhérents... Pourquoi cette invitation au voyage ? Tout simplement parce que... son capital vient d'être mis à la vente. Le premier qui l'achète l'emporte et les sous de la transaction serviront à financer un voyage d'émde d'une semaine à Rhodes. CA MARCHE AU POIL ... et ça se passe à la Couvertoirade depuis juin demier. Merci Jeannot. "

Il est permis de s'interroger sur le pourquoi d'un tel scénario digne de Clochemerle. Jean-

Pierre Chapuis a son interprétation personnelle :

Imaginez de plus que la discrimination est aisée lorsque, dans nos petits villages, elle s'appuie sur une vielle tradition qui fait que " l'estranger ", celui qui n'est pas du terroir, est par définition différent, donc dangereux et perturbateur pour l'ordre social étabh. . . "

Il est certain que la municipalité saint-eulalienne reste encore dans les mains des " natifs " et des ruraux, d'accord pour accueillir les " estrangers " mais à condition qu'ils ne revendiquent pas le pouvoir. D'autant qu'Horizon 2000 est devenu une association qui regroupe essentiellement des membres qui ne vivent pas au village. L'apostrophe énigmatique " merci Jeannot " s'adresse au maire. Elle enregistre le départ définitif des Chapuis, qui se replient dès lors sur l'autre cité templière, la Couvertoirade. . .

Il nous faut enfin signaler que, parmi les éléments du passé qui peuvent assurer la renommée de Sainte-Eulalie, figurent d'autres ressources. D'abord grâce à la récente découverte d'un important gisement protohistorique au Pech de Mus, dont on pressent tout de suite l'atout qu'il peut représenter en terme de fréquentation et des possibilités qu'il offre de

" reconstmction " de passé. Reportons nous à l'article pam dans le Midi Libre du 19 août 1998, qui concentre en un florilège ce type de représentations, assorties d'une proclamation identitaire

quelque peu anachronique - relevant d'un patriotisme départemental :

Fouilles archéologique.!: à Sainte-Eulatie de Cemon. An Pnech-de-Mus, ib ont extrait k " celte " de la terre. Près de deux cents mètres de fortifications ont été découverts et, derrière ces massifs murs de pierre plus ou moins éboulés, toute une série d'habitations regorgeant de - parfois minuscules - trésors protohistoriques [grosso modo, les Ages du bronze et du fer] : tessons de poteries méditerranéennes, fibules ouvragées, boutons gravés, attaches de fourreau d'épée, talons de flèches... " Si la chose est possible [exphque Philippe Gmat, le directeur de l'Association pour la sauvegarde du patrimoine archéologique aveyronnais], nous redresserons les remparts de bois qui s'élevaient naguère au-dessus de fortifications de pierre et le site sera ouvert au public. Un " plus " évident pour la commune de Sainte-Eulalie. " [...] Les Aveyronnais pourront ainsi découvrir la v^e quotidienne de leurs ancêtres. Des Gaulois... non déjà des Aveyronnais. "

Mais Sainte-Eulalie a une autre ressource, plus récente, grâce à laquelle elle participe de l'épopée de Roquefort, qui a façonné toute la région au cours des derniers siècles, en imposant le primat presqu'exclusif dans la vie productive locale de l'élevage des brebis laitières... C'est en effet le

62 village d'origine de Maria Grimai, qui y moumt en 1941. Est pâme dans le Joumal de Millau, il y a quelques années, une série d'articles qui retrace son destin étonnant : héritière d'une cave

" bâtarde " non loin de Sainte-Eulalie (est en particulier mentionné comment, à cette époque, elle savait falsifier l'origine de son produit en l'amenant nuitamment à Roquefort pour le réexpédier le lendemain : " Là où tant d'autres n'auraient vu que du bleu... des Causses, par un opération blanche, son saint esprit donnait ablution à sa marchandise après un baptême de l'air des fleurines" ! "), elle sut accéder au monde fermé des grands industriels de Roquefort, après une vie de labeur entièrement consacrée à la fabrication du fromage (une des caves les plus importantes portait son nom...). Des extraits de ce texte, dû à la plume de G. Crouzat, valent d'être cités in extenso dans la mesure où on y retrouve étroitement enlacés les épisodes de la vie de Maria Grimai et la thématique des Pauvres Chevaliers du Christ. . .

" Née à Sainte Eulalie le 18 juin 1857, Maria Grimai reçoit du frère de sa mère " une cave à fromages située de l'autre côté du vieux Moulinou, l'ancienne possession des Templiers, puis des Hospitaliers... La demoiselle est toujours demoiselle [...] Le fromage est devenu sa vocation et le roquefort son destin. Elle est rentrée à la cave comme d'autres sont rentrés au couvent, par vocation. . . Au XII siècle, lors de l'installation des Templiers à Sainte-Eulalie, sous l'influence d'un christianisme renaissant, on assiste à une sorte de remords de conscience, à un abandon de formes de violence et de domination du siècle passé. Les seigneurs locaux, dilapidant leurs biens, sans doute mal acquis, se donnent corps et biens, au Temple, à Dieu, à Sainte Marie et aux chevaliers du Temple de Jemsalem, pour le salut de leur âme et afin de racheter leurs fautes... Longtemps après, comme si notre histoire locale était un étemel recommencement, on en arrive à avoir l'étrange impression que Maria Grimai n'a cormu dans sa longue vie que les satisfactions que procure le travail accompli [...] La boucle se bouclait Sa vie, commencée dans les vignes du Seigneur, aux caves du roi des vins, sur une terre où les Templiers avaient vu naître leur ordre et où son père était venu pour des rails (allusion au fait qu'elle était née dans l'Aube, suite aux déplacements de son père engagé dans la constmction des chemins de fer, note de JLB), s'achevait au pays du roi des fromages, dans un heu où les pauvres chevaliers du Christ avaient bâti une forteresse et où les ouvriers des chemins de fer avaient élevé sa demière station à l'image d'un Temple... ". Comme le Temple, on l'avait d'abord détrônée avant de la critiquer et de la décrier. Mais, comme le pauvre chevalier du Chnst, sous sa robe de bure, elle portait sa croix et cachait son secret (qui ne sera pas ici dévoilé, note de JLB). Désormais, la légende de Maria Grimal s'attache à nos forteresses abandonnées, conquises, démantelées par nos aieux, puis, reconquises et restaurées par leurs descendants et qui aujourd'hui resurgissent d'un passé ressuscité en ressassant de sombres souvenirs toujours imprécis, mais auxquels la splendeur de l'histoire prête un étrange rehef Les châteaux et les êtres d'exception appartiennent à nos premiers contes de fées, à nos plus anciens souvenirs ancestraux et aux légendes étemelles. Heureux sont les villages comme le nôtre, qui possèdent encore une forteresse [...] Ses ombres pleines des âmes nostalgiques qui ont habité ces lieux, planent tragiques et démesurées dans les moindres melles. [...] Devenue personnage de légende [" le fantôme de Maria Grimai "] va, en trébuchant parmi les soubassements de pierre du Temple en pierre hospitalière, à la recherche de la lumière étemelle. C'est un moment d'exception où Maria Grimai, en enrichissant la légende de nos monuments, rentre dans notre histoire locale par la grande porte dérobée des caves. "

Rappelons que seules les grottes de Roquefort, douées de propriétés exceptionnelles, peuvent donner la quahté et donc un label authentique.

63 Les autres sites

Les autres sites ont connu une entrée en patrimoine plus tardive et limitée. La Cavalerie, avec ses constmctions nombreuses du XXe siècle, son camp militaire et la route nationale qui la traverse est restée pendant toute cette période à l'écart du mouvement, alors à l'écart de ce

mouvement, encore engluée dans la gangue de bâtiments récents et souvent disgracieux...

Penchons nous donc uniquement sur les cas de Saint-Jean d'Alcas et du Viala du Pas-de-Jaux.

La citadelle de Saint-Jean d'Alcas

Saint-Jean d'Alcas, l'une des deux localités qui composent la commune de Saint-Jean et

Saint-Paul, n'est pas, rappelons-le, située sur le plateau, mais sur ses flancs sud-ouest, très en

contre bas, non loin de la vallée de la Sorgue. Deux personnalités ont présidé à la

patrimonialisation des vestiges de sa " citadelle " - qu'on appelle également le " fort ". Précisons

d'emblée que ces restes bâtis ne sont en aucune manière templiers ou hospitaliers... C'est à une historienne locale, mais cependant professionnelle, puisqu'elle a, en tant qu'agrégée de

l'université, enseigné la discipline historique pendant toute sa carrière, que revient le mérite d'avoir attiré l'attention sur l'importance et la singularité de ces vestiges. Ginette Bourgeois, originaire de Roquefort (qui n'est qu'à quelques kilomètres de distance à vol d'oiseau), a professé

à Paris, mais elle est revenue toutes les vacances d'été dans la maison familiale.

" J'ai fait mon mémoire d'histoire sur Saint-Jean d'Alcas. Vous savez, avant les années cinquante, on faisait de l'histoire générale, puis, on s'est aperçu qu'il n'y avait de l'intérêt pour l'histoire générale qu'à travers l'histoire locale... J'ai étudié le cartulaire de Nonenque, j'ai fait des recherches sur Saint-Jean d'Alcas. Pour vous parler de Saint-Jean, Saint-Jean remonte à l'origine des hommes dans la région, on trouve des objets néolithiques, des scories de la période protohistorique... Saint-Jean apparaît dans le cartulaire de Nonenque puisque l'abbaye dont nous dépendions était l'abbaye de Nonenque [...] L'abbaye de Nonenque a été vendue sous la Révolution. Elle a végété dans les mains de particuliers, on pouvait la visiter [...] Entre 1927 et 1931, des religieuses, chartreuses du nord de la France qui étaient en surnombre dans leur monastère, ont fait acheter Nonenque. Elles s'y sont installées, mais leurs règles étaient aussi dures que celles des cisterciens. Evidemment, on n'a pas le droit de visiter. Je peux vous dire aussi que Oleas veut dire 'terre labourable', c'est le nom ancien. Je ne trouve Saint- Jean dans les textes qu'après l'an mil [...] Dans tous les domaines cisterciens, la servitude a été abohe [...] Cela se trouve dans les domaines cisterciens, la distriburion de lopins de terre pour fixer les gens. C'est ainsi que les hameaux, les villages se sont créés [...] Sur et autour du Larzac, il n'y avait pas que les Templiers, il y avait nous (i.e. les Cisterciennes. . .), les Hospitaliers et, aussi, les Bénédictins, à Nant "

Bien que sa présence n'ait pas été continue à Saint-Jean d'Alcas, sa pédagogie militante a créé sans nul doute un effet d'entraînement. Ginette Bourgeois, qui est à la retraite depuis de

Abbaye de femmes, située en fond de vallée, à quelques kilomètres de Saint-Jean d'Alcas.

64 nombreuses années, a vécu la transformation d'une localité isolée, strictement agricole, en une place où le tourisme tient une place grandissante, ainsi que la distanciation esthétique avec les lieux que cette modernisation installe :

" Cette vie du pays, je trouve qu'elle s'est améliorée considérablement [...] Un des compUments qui m'a fait le plus plaisir, après une petite intervention de mes paires et de moi-même, des gens de l'assistance ont dit : " Et dire que nous vivions autour de toutes ces beautés et que nous ne les voyions pas. Nous les avions sous les yeux, mais, justement, on les voyait trop et on n'en saisissait pas la beauté. " Et bien, je crois que, maintenant, les gens se rendent compte, ne fût-ce que par les contacts avec les touristes qui viennent et s'émerveillent souvent. "

La deuxième personnalité qui a présidé à ce mouvement est celle de F. Barascud, maire depuis 1976. Conscient de la valeur historique, mais aussi esthétique du fort de Saint-Jean, il s'est lancé dans une tâche de longue haleine de restauration, faisant participer sa commune à des concours nationaux de réhabilitation de " chefs d'oeuvre en péril ". Il a dans le même temps fait très attention afin que ne s'installent pas à l'intérieur du village des " marginaux " ou des commerçants, faisant référence à La Couvertoirade comme à l'exemple à ne pas suivre. . . Citons

à ce propos un article de presse pam en 1997 à propos de l'ouverture dans le fort d'un nouveau restaurant :

" En 1981, ce qui est aujourd'hui un village fortifié splendidement restauré, n'était en fait qu'un tas de mines... Jusqu'au jour où le maire de la commune, Femand Barascud, a initié une pohtique de remise à niveau du site [...] Au fil des ans, le village a retrouvé son visage ancestral [...] son visage du XIXe siècle.

Par ces restaurations, F. Barascud entend lutter contre la désertification, impulser l'économie en milieu mral, développer la vente de produits locaux. Cette politique de réhabilitation s'est accompagnée d'une volonté de réanimation du lieu qui s'est appuyée, à partir de 1981, sur une association locale, Renaissance de Saint-Jean d'Alcas. L'article de presse sus cité poursuit en ces termes :

" Une fois les pierres remises au goût du jour, il fallait également faire vivre le village. En s'appuyant sur les associations locales et sur les habitants du village, des salles d'exposition ont été ouvertes, un festival de théâtre mis en route. Et pour finir, depuis l'été demier, fonctionne un restaurant, Li Pourtanetk. "

Un autre article de l'été 1997 insiste sur le nouveau statut du fort, désormais monument historique :

" .'Kujourd'hui, ce petit chef d' de restauration nous replonge au Moyen Age [...] En effet, grâce à la persévérance des amoureux de vieilles pierres et à l'aide de l'association Renaissance, active depuis la fin des années 80, le village a repris sa splendeur d'antan. Classé monument historique depuis cette année, Saint- Jean d'Alcas collectionne titres et médailles... "

On a donc avec Saint-Jean d'Alcas le cas d'un village qui a développé, de manière autonome et depuis un nombre d'années appréciable, sa politique d'animation qui n'est pas

65 forcément axé, loin s'en faut, sur la mise en scène de l'histoire. C'est en effet avant tout de théâtre, de musique, de sociabilité festive dont s'est alimentée la chronique estivale. . .

" Au départ, en 1992, ce fut une affaire entre amis [...] François Sayad [...] propose chaque année à l'association pour la renaissance de Saint-Jean d'Alcas, l'une de ses demières adaptations ou créations. [...] Rappelons que ce 6' Festival de théâtre de Saint Jean d'Alcas, intégré cette saison, dans la programmation des " Estivales du Larzac, est soutenu par Midi Libre (Midi Libre, 20/08/98). "

Le l lala du Pas-de-Jaux

Le seul vestige apparent au Viala du-Pas-de-Jaux est une tour grenier fortifiée d'allure imposante. Ce n'est pas la mairie qui s'en est occupée mais une association, créée en 1981 pour l'achat et la restauration de la tour. Cette tour - qui, comme le précisent les membres de l'association et les guides, n'est pas templière mais hospitalière - s'était effondrée en 1959. En

1981, la mairie voulait prendre un arrêté de mise en péril et faire démolir ce qui en restait... La volonté de " sauver la tour " de la part de deux associations {Sauvegarde du Rouergue, Assodation des amis du château de Montaigut) donne naissance à une troisième association : les Amis de la tour de l lala du Pas-de-Jaux. La particularité du site est donc d'appartenir à une association. Les restaurations ont été possibles grâce aux subventions et au soutien d'une autre association nationale : REMPART, laquelle organise des chantiers de bénévoles ou de professionnels pour restaurer des monuments inscrits sur la liste des monuments historiques. Les Amis de la tour de l lala du Pas-de-Jaux sont partie prenante d'une association englobante dite la Route des Seigneurs du

Rouergue, association qui, financée par le conseil général, la région et la communauté européenne, rassemble des châteaux médiévaux de l'Aveyron pour favoriser leur promotion touristique.

Parmi les personnalités qui ont dynamisé l'association locale, citons Nicole Chaudesaygues, qui a été d'abord adjointe au maire (elle est devenue maire aux dernières élections). Laissons-là brosser un historique de la patrimonialisation au village :

" L'association des Amis de la tour de Viala-du-Pas-de-Jaux a été créée pour le sauvetage de la tour, sans le but de travailler sur le thème Tempher et Hospitalier. L'association est propriétaire de la tour et des maisons à côté, sauf les maisons secondaires... On a du mal à être reconnu. On se sent petit par rapport aux autres. On a pas les mêmes ressources que les communes. Les subventions ne sont pas équitables. Lorsque l'association a voulu acquérir une auberge, on n'a pas voulu nous aider, parce qu'on était une association. Si c'était la commune, pas de problèmes ! Sur les autres sites, les associations ne font que de l'animation. Ce sont les maires qui se chargent des travaux. Comme à Saint-Jean d'Alcas. . . Au début, il n'y avait rien dans le coin à part La Couvertoirade. Avant 1986, on travaillait chacun dans notre coin. Nous n'avons pas de relations avec les autres associations, sauf avec celle de Saint-Jean d'.\lcas. Je travaille beaucoup avec Mme Foulquier. Les situations ne sont pas les mêmes. Les autres associations, elles ont les mairies. Ici, nous sommes seuls. Moi, je venais en vacances tous les ans ici. Je voyais la mine et c'est tout Alors, quand ils nous ont expliqué qu'on pouvait la sauver, j'ai tout de suite dit : " Allons y ! ". Au départ, c'étaient des bénévoles. Puis, après, il y a eu des professionnels. Plus tard, on a eu le projet touristique... Au départ de l'association, on était peu nombreux du village. On s'est fait jeter. . . Les habitants ne voulaient pas être

66 dérangés et, surtout, ils avaient peur que ça coûte cher. Il y avait quelques membres du village et beaucoup de vacanciers qui ont des maisons secondaires ici. Ce qui a fait connaître le Larzac, c'est la lutte. Mais ici, on n'était pas vraiment concerné. C'est la RN9 qui partage le Larzac. Nous, on est plus toumé vers Roquefort et Saint-Affrique, alors qu'à La Couvertoirade, c'est plus Lodève, le Caylar. La Couvertoirade a été plus touchée par l'affaire du Larzac. "

Cette patrimonialisation a donc pris le visage exclusif de la restauration d'un bâtiment.

L'isolement extrême du village, à l'une des extrémités du plateau, n'a pas suscité, comme ailleurs, de vie associative intense ni favorisé les animations estivales . . .

Non loin du Larzac, un site apparaît particulièrement exemplaire des mutations de fonction et d'usages liés à cette nouvelle conscience patrimoniale. Il s'agit de l'abbaye cistercienne de Sylvanès, désaffectée depuis la Révolution et récupérée pour les besoins de l'exploitation agricole. Au milieu des années 70, les salles du rez-de-chaussée servaient d'étables ou de granges: le Père Gouzes, qui visite alors les lieux, est sensible à leur étrange beauté,

émanant de la présence d'une végétation amoureuse des pierres (notamment les giroflées poussant dans les anfractuosités des murs...). Il existait certes une conscience émergente de la valeur des bâtiments, puisqu'ils avaient été rachetés par la commune 20 ans auparavant. Mais aucune intervention publique ne s'était encore déployée pour procéder à leur sauvetage. Le Père

Gouzes, originaire de la région, séduit par les qualités sonores de la grande nef de l'Eglise, monte alors un projet de réfection des bâtiments et de création d'un lieu culturel dédié à la musique sacrée. En 1978 est signée une charte culturelle avec le département, qui permet le coup d'envoi des travaux. Vingt ans plus tard, il est possible d'affirmer que le pari a été gagné, au delà des espérances : Sylvanès est devenue un centre internationalement reconnu de musique sacrée qui accueille sans relâche des stagiaires; son festival draine chaque été des milliers de visiteurs. Tout cela a redynamisé la vie économique de la commune, qui a gagné dans l'affaire plus d'une dizaine d'emplois induits...

Si nous avons suivi exclusivement le devenir patrimonial de ces quatre sites, c'est, rappelons- le, parce qu'ils vont être intégrés dans le projet, impulsé par le Conseil général de l'Aveyron, du

Lar:¿ac templier et hospitalier. Projet préparé depuis le début des années 1990 mais qui ne commence

à se réaliser sur le terrain qu'à partir de 1997. Nous entrons désormais dans une nouvelle phase, où le nouveau pouvoir départemental devient véritablement le maître d'iuvre des opérations, reléguant les associations préexistantes au second plan et faisant surgir d'autres acteurs locaux.

67 Chapitre 4

Un projet de développement local et sa réception

Tout au début des années 1990, le Conseil Général de l'Aveyron et son Président, Jean

Puech, suite à quelques études préalables, décident de lancer une opération dite "Larzac, pays templier et hospitalier", de manière à mettre sur pied un "produit" - l'emploi d'un terme de marketing est significatif du terrain marchand où l'on entend avant tout se placer - susceptible d'impulser le développement local.

Genèse d'une opération

Une grosse étude est commandée à deux cabinets d'études spécialisés. Parallèlement, un

Comité scientifique est mis sur pied, présidé par un Professeur de la Sorbonne, spécialiste mondialement reconnu de l'histoire de l'art médiéval et membre du Comité du patrimoine mondial de l'UNESCO. La liste des membres de ce comité vaut d'être brièvement présentée : on y trouve, outre Léon Pressouyre, des personnalités qui sont là " es qualité " :

MM. Louis Causse, Chef du Service départemental d'Architecture de l'Aveyron ; Jean Delmas, directeur des Archives départementales de l'.^veyron ; Gabor Mester de Paradj, architecte en chef des Monuments Historiques ; Charles Schoettel, conseiller pour les Musées de la DRAC Midi-Pyrénées ; M. Georges Tsoanos, chef de l'Unité Tourisme de la Commisssion des Communautés Européennes ; des élus : MM. René Quatrefages, Vice-Président du Conseil général de l'Aveyron et Président du Parc namrel Régional des grands causses ; Jean Monteillet, lui aussi Vice-Président du Conseil Général et Président de la Commision des Affaires Culturelles ; un représentant de l'ordre de Malte, le Bailli Comte Géraud de Pierredon ; des spécialistes et des universitaires enfin :

.Mme .Marina leronymidou, de Chypre ; Mlle i\nne-Marie Legras, de l'IHRT ; MM. Benoit Beaucage, du Québec ; Noël Coulet, de l'Université de Provence ; Robert Favreau, de l'Université de Poitiers ; Lucein Gerbeau, de la Société d'histoire de l'Ordre de Malte ; Michael Gervers, de l'Université de Toronto ; Anthony Luttrell, de Bath ; Michel .Miguet, de l'Université de Paris I ; Jacques Miquel, Jean-Marc Roger, des Archives de la Vienne ; Francesco Tommasi, de Perugia.

On perçoit nettement la volonté de situer le projet, par la composition même de ce conseil, sur la base la plus internationale possible. Ce comité, qui se réunit deux fois, en juin 1993 à Paris et en octobre 1993 sur le terrain, rassemble lui aussi ses recommandations, voire ses mises en garde, dans un rapport de synthèse. Une étude d'évaluation financière et de faisabilité est, dans les mois qui suivent, menée à bien par la SEM 12, société d'économie mixte dévolue aux opérations

68 d'aménagement menées dans le département de l'Aveyron. Les communes concemées sont au nombre de cinq : Sainte-Eulalie de Cernon, La Couvertoirade, Le Viala du Pas de Jaux, La

Cavalerie (il s'agit de profiter du projet pour promouvoir le développement touristique de ce gros bourg resté jusqu'alors à l'écart de toute valorisation patrimoniale) ; on envisage également d'intégrer dans l'opération, bien qu'il ait été fondé par les religieuses cisterciennes de l'abbaye de

Nonenque, le beau village de Saint-Jean d'Alcas.

L'opération se veut d'abord explicitement patrimoniale: le recours au terme de

"patrimoine", dans les titres mêmes des études, est sans ambiguïté. Le projet est d'abord de protection, de conservation, voire de restauration, de deux ensembles d'éléments: d'une part des monuments ou des sites déjà inscrits ou classés, et bénéficiant donc déjà d'un arsenal juridique de protection ; d'autre part d'un "patrimoine de caractère" qu'il s'agit de reconnaître et de mettre en valeur. De manière à "conserver au legs des moines chevaliers toute sa valeur d'authenticité et de lisibilité", il est pré\'u de lui inclure, à côté des monuments, des éléments urbains ou paysagers: maisons villageoises, granges, traces d'établissements agraires, réseaux de routes et de drailles, fontaines et lavognes...

Ce souci patrimonial se double d'une volonté de mise en communication, à des fins d'exploitation touristique. Ce qui se veut l'atout majeur du projet réside dans le rapport privilégié des sites avec l'espace, doté d'une grande lisibilité historique. Le Larzac constitue en effet l'une des rares régions d'Europe où l'on puisse saisir la réalité domaniale des commanderies et des maisons dans un paysage inchangé : le bâti et l'environnement y gardent de très fortes caractéristiques de l'époque médiévale, témoignant de l'impact des ordres dans la mise en valeur

économique des domaines agro-pastoraux caractéristiques du Causse ; on peut encore y saisir la réalité de la gestion agraire d'une commanderie, en particulier la complémentarité qu'elle impliquait entre vallée et plateau (rendue par exemple lisible dans un bâtiment comme le moulin de Sainte-Eulalie). Il s'agit d'autre part de jouer sur l'imagination et le rêve: comme l'évoque dans une belle formule le Président du Comité scientifique, "les paysages du Causse, par leur étendue, leur luminosité, leur couleur rappellent avec insistance ceux de la Terre Sainte; le Larzac est un peu l'Orient de la France".

Car le "concept" veut se déployer à une double échelle, locale, mais aussi internationale: il entend se situer, d'emblée, dans une dimension européenne et méditerranéenne, du Portugal au

Moyen-Orient. Il constituerait ainsi la partie permanente d'un produit touristique méditerranéen fondé sur les traces encore visibles d'un ancien "empire" militaire, économique et financier. Dans cette perspective, un centre d'interprétation doit être mis sur pied, qui, du fait de la dimension méditerranéo-proche-orientale du projet, et de la volonté d'offrir un "produit touristique de rang international", se spécialiserait dans la connaissance et la valorisation des vestiges templiers et

69 hospitaliers dans leur globalité, l'accent étant mis sur la mise en valeur des milieux. Des thèmes locaux pourraient évidemment y être développés (écologie et vie matérielle caussenarde,

économie agro-pastorale, rôle des ordres dans la mise en valeur du milieu larzacien), auxquels viendraient se joindre des thèmes plus généraux (les domaines larzaciens dans l'économie globale des ordres, la création et le développement de ceux-ci...). Ce centre pourrait élargir sa vocation à la recherche et à la documentation, sous l'égide de l'Ordre de Malte : les archives de l'Ordre, aujourd'hui dispersées, pourraient y être rassemblées, à côté d'une bibliothèque et d'un musée.

Les retombées économiques attendues sont de taille : une étude de marché, qui prend en compte les futures caractéristiques du réseau routier et autoroutier irriguant la zone, notamment la future autoroute A 75, qui traversera le Larzac de part en part en direction de la Méditerranée et qui devrait grandement faciliter l'accès au plateau, surtout si un jour est constmit le désormais fameux Pont de Millau, qui enjambera la vallée du Tarn à hauteur de causse et qui devrait constituer un élément attractif de première grandeur. L'autoroute elle-même est censée devenir un élément architectural de prise de conscience de l'Histoire : " Cette autoroute va constituer le deuxième grand axe français porteur des échanges entre le Nord et le Sud de l'Europe. Elle soulignera d'autant mieux le cheminement des ordres militaires et religieux à l'échelle de l'Occident " (p 8. du Document de contrat de site majeur). L'autoroute n'induit pas l'arrêt, mais elle

étend considérablement la zone de chalandise : on table sur des centaines de milliers de visiteurs en provenance des départements méridionaux voisins (essentiellement l'Hérault, le Gard et la

Lozère). Mais on attend aussi une clientèle nationale et européenne, déjà en visite ou en séjour dans le sud de la France. Il est calculé que 1% de chalandise à partir de l'autoroute suffirait à rendre ce " produit touristique " rentable... Pour satisfaire cette clientèle potentielle, il est prévu,

à partir d'un recensement des infrastmctures existantes, de développer les possibilités d'hébergement et de restauration. Il est convenu d'autre part de favoriser l'accueil et l'animation sur les sites. Une signalétique spécifique doit être mise en place à partir de l'autoroute, assortie de l'indication d'itinéraires routiers et de circuits de randonnée.

Afin de mener une telle opération à son terme une stmcture ad hoc a été mise sur pied, dépendant directement du Conseil Général de l'Aveyron: le Conservatoire du Larzac terrrplier et hospitalier (cette dénomination témoigne de la prééminence d'une logique patrimoniale, ce qui vient contrebalancer la dimension "marketing" mise en avant dans les attendus du projet). Il s'est d'abord agi d'une association loi 1901 à laquelle ont adhéré tous les acteurs impliqués

(communes, syndicats de communes, département, services déconcentrés de l'Etat, Ordre souverain de Malte, personnes morales et physiques), qui a laissé la place en juin 1999 à un syndicat mixte (gardant l'appellation de conservatoire) destiné à être l'outil opérationnel assurant la mise en oeuvre du programme, avec des compétences en matière d'urbanisme, d'aménagement

70 et de gestion de l'espace, ce qui devrait permettre la maîtrise du foncier et la protection du patrimoine (ZPPAUP - une telle procédure est déjà en cours à la Couvertoirade -, P.O.S., règlements d'urbanisme...). Un tel programme ne va évidemment pas sans la mise en oeuvre de moyens financiers considérables (l'enveloppe globale, à l'exclusion du centre d'interprétation, s'élève à 45 millions de francs environ), rassemblés grâce à des recettes en provenance de l'Europe, de l'Etat et de la Région, le département, à l'initiative du projet, assurant avant tout les dépenses de fonctionnement.

C'est là une étape très ir>iportante pour un dossier que je qualifierais volontiers de locomotive pour le

Larzac en particulier, le Sud-Aveyrvn en général" a commenté Jean Puech. Aux côtés de ce circuit templier et hospitalier , pointons également l'investissement majeur du département dans les projets " Micropolis " à Saint-Léons, et " Noria ", maison de l'eau, à Saint-Jean de Bmel. Un programme de coopération transnationale (Tomar, Chypre, Malte) est prévu, sous la houlette du

Comité scientifique, auquel est également confié la rédaction du cahier des charges relatif au centre d'interprétation. " C'est à la gestion d'une vraie ressource locale que nous sommes désormais assodés.

C'est une chance inespérée pour le Sud-Aveyron et sa population qui doit trouver là matière à se motiver pour reconquérir et valoriser son patrimoine. "

Ces choix ont été confirmés dans le programme " Aveyron 2001 " dont le but est de financer des projets prioritaires dans les différents secteurs de l'économie départementale, et qui confirme la vocation touristique du Sud-Aveyron. Financement et objectifs ont été réaffirmés dans un contrat de site majeur ^2.ssé., sur la base d'une fréquentation touristique massive (en fait celle qui existe déjà pour le site de La Couvertoirade), entre la Région (Midi-Pyrénées), le département et les communes concernées. Ce contrat prévoit la sauvegarde du patrimoine architectural, la mise en valeur des cinq sites choisis et doit aboutir à l'ouverture d'un centre d'interprétation, doté d'une reconnaissance internationale, ayant pour thème l'histoire des ordres religieux et militaires. Le Conservatoire Ear-^c Templier et Hospitalier doit être "l'orchestrateur" de l'ensemble

"des partitions pour le développement d'une économie touristique sur le Larzac ..."

Dirigé par une chargée de mission recrutée sur concours s'est ainsi assuré les services d'une personnalité très compétente en matière de conservation des monuments (issue d'une formation en histoire de l'art) -, installé dans des locaux situés dans l'ancienne gendarmerie de

Millau, le Conservatoire assure la gestion de l'ensemble du programme, des acquisitions foncières

à la programmation des animations estivales... II entend également mettre en place les conditions d'un approfondissement scientifique du thème. Son conseiller scientifique (recmté lui aussi par concours : c'est à un spécialiste de l'architecture militaire du Rouergue qu'est échue cette responsabilité) doit veiller au respect des données historiques en relation avec le Conseil

Scientifique ; à cette fin, il a mis sur pied une remarquable base de données bibliographiques,

71 générale et locale, qui devrait permettre le développement de recherches, menées par des

étudiants ou des spécialistes du domaine.

S'intéresser à une opération impulsée par les pouvoirs publics nécessite une ethnographie d'un type particulier. Il faut d'abord scmter l'énorme volume de " littérature grise " produite pour la circonstance, certains textes émanant d'organismes para-publics, d'autres de cabinets d'études privés, suite à appel d'offres. Voici ci-dessous les principales études réalisées au début de l'opération soit de 1988 à 1994, avec une mention succincte du contenu de chacune.

- 1988. Mission d'identification des projets d'exploitation touristique du patrimoine architecturiU et urbain du Sud-Aveyron ^at le CA..U.E. Cette étude analytique rassemble tous les thèmes qui auraient pu être mis en valeur dans le Sud-Aveyron. Cette émde place le thème templier en tête.

- décembre 1993. Larzac : Pays des Templiers - Mission pour la création d'un produit touristique dans le Sud-Aveyron, nom du rapport, par Odiphile. Cette étude a été financée par le SIVOM de Comus, elle ne présente aucun projet basé sur l'histoire malgré son titre.

- 1988/1989. Etude de valorisation du patrimoine hospitalier et templier du Sud-Aveyron par Protourisme et Public c~ communication. C'est un rapport de synthèse, première préfiguration officielle du projet.

- mars 1993. Etude surla valorisation des cités Templières et Hospitalières ^ Trilog Audiovisuel {ksç. M. J.P Chapuis). C'est aussi un rapport de synthèse. Cette étude, contrairement â la précédente, ne semble pas avoir été transmise au comité scientifique. Ce bureau d'étude était au départ associé aux deux ci-dessus mais par la suite a produit son propre rapport dont nous n'avons que le dossier annexe, consultable au conservatoire. Il a proposé un comité scientifique comprenant M. Alain Demurger et cinq autres membres. Ces personnes ne font pas partie de l'actuel comité scientifique.

- mars 1994. Rapport du Comité sdentifique. Le Larzac Templier et Hospitalier (comportant une consultation générale par correspondance à l'aide d'un questionnaire de 6 pages). Il est riche en informations sur ce que les historiens pensent de la mise en valeur des sites. C'est à partir de ce rapport que nous avons pu savoir que la majorité des conseillers scientifiques avait rejeté du projet Saint-Jean d'Alcas. C'est aussi suite à ce rapport que le Comité scientifique a demandé que le terme de "pays" soit enlevé de l'appellation. L'ancienne appellation "Larzac, pays templier et hospitalier donnait la fausse impression que ces deux ordres étaient originaires du Larzac alors qu'ils avaient des possessions partout en Europe ; il y avait d'autre part des risques d'interférence avec le nouvel usage administratif du terme.

Cette prolifération documentaire, singulièrement répétitive, notamment sur le scoring des visiteurs attendus à partir d'une déflnition d'un bassin de clientèle circonscrit en temps de déplacement (et empreinte souvent d'une grande banalité, en particulier lorsque, rituellement, des experts

étrangers au lieu précisent - pour les élus ? - la situation géographique du Larzac et son appartenance administrative...), demeure un sujet d'étonnement pour le profane, ainsi que les sommes en jeu lorsqu'il s'agit de rétribuer des cabinets d'études privés. . .

Il est également possible d'assister aux réunions officielles du Conservatoire, du moins les séquences ouvertes au public. Les discours des élus, même s'ils sont parfois convenus, témoignent de leur intérêt pour l'exploitation d'une ressource historique en phase avec leur identité territoriale. Les moments les plus intéressants sont ceux où " planchent ", devant les élus

72 mais aussi devant le Conseil Scientifique les représentants des bureaux d'études venus défendre leur projet. Nous avons ainsi pu assister, dans la salle capitulaire de la commanderie de Sainte-

Eulalie, aux exposés de l'atelier Mehl'usine, portant sur la déclinaison des thématiques prévues pour chaque site, et du bureau C.E.R. Programmation pour la définition du contenu du futur centre d'interprétation. Une analyse, en termes de choix muséographiques, serait évidemment la bienvenue. Le caractère virtuel des propositions nous a cependant incités à y renoncer, en attendant la mise en ouvre d'une véritable programmation. D'auttes appels d'offres ont eu lieu depuis, pour d'autres phases opérationnelles, portant en particulier sur la " faisabilité " des premières propositions...

Un été sur le Larzac (1998)

Saluons d'abord le pouvoir performatif d'une opération publique. On peut certes dire que le Conservatoire " surfe " sur une vague porteuse de " réanimation " du passé, mais il a su, par une politique de subventions, fédérer et promouvoir les nombreuses manifestations locales consacrées au thème des moines-chevaliers (avant tout templiers !), voire même en susciter certaines. L'impression de foisonnement festif qui se dégagera peut-être à la lecture ne doit pas faire illusion : les sentiers du vieux causse restent solitaires, mais les localités tiennent à ponctuer leur été par des manifestations dont elles espèrent qu'elles vont drainer les foules...

Mais avant d'aborder ces événements, parlons d'abord du quotidien de chaque site, scandé par les visites. Sur chacun des sites un point d'accueil a été ouvert. Il est tenu par une ou deux personnes embauchées sous contrat emploi-jeune comme agent de développement du patrimoine. Ces personnes servent de guide, sauf à la Couvertoirade, où les visites restent gérées par l'association des Amis de la Couvertoir'ade , assurées par les personnes qui en avaient précédemment la charge.

Horaires et modes de fonctionnement témoignent d'une hiérarchie des sites, ainsi que le nombre de visites guidées par jour... Pour constmire leur visite les guides ont suivi plusieurs journées de formation auprès de l'historien-conseiller du conservatoire. Ils se sont aussi appuyés sur les ouvrages des historiens locaux, avec une bibliographie fournie par le Conservatoire. On leur a également offert l le et la mort de l'Ordre du Tenple, de A. Demurger. En général, les visites débutent par un rappel historique sur les ordres religieux et militaires et sur les Croisades. Elles s'appuient ensuite sur le patrimoine architectural visible. A la Couvertoirade, le discours des anciens guides développe davantage l'histoire générale de l'Ordre du Temple.

Les animations estivales ont été rassemblées par le Conservatoire derrière le label "Les

Estivales du Larzac", qui a édité à ce propos un dépliant. Comprises dans le programme

73 d'actions du contrat de site majeur, un budget spécifique leur a été attribué ; les communes sont donc tenues de les mettre en place avec le soutien du Conservatoire. Le document " programme et budget 1998 ", élaboré par ce dernier, présente les animations des sites en cinq groupes différents : les concerts, les fêtes locales avec animations historiques, les repas médiévaux, les visites nocturnes des sites sur un thème particulier, les animations culturelles.

A La Couvertoirade

Rappelons que la Couvertoirade, bien qu'elle soit constituée de plusieurs hameaux, se réduit dans les discours à son village fortifié qui n'abrite que 10 habitants permanents et 33 boutiques, en majorité ouvertes seulement pour les deux mois d'été. C'est le site le plus anciennement fréquenté par les touristes. L'association les Amis de la Couvertoirade a toujours proposé des animations : repas, spectacles son et lumière... En 1997, la mairie et l'association ont signé une convention pour cinq ans, renouvelable. Pour les animations développées dans le cadre des Estivales, la mairie est maître d'ouvrage et l'association maître d'oeuvre. En ce qui concerne les Esrivales 1998, l'association a choisi d'engager une ttoupe équestre pour un spectacle programmé tous les vendredi soirs, " la légende de Saint-Christol ", ainsi que pour des animations de me tous les matins pendant deux mois et pour un spectacle pour enfants tous les après-midi sauf le vendredi. En ajoutant la fête votive de la Saint-Christol (fin juillet) et la fête du mouton (début août), La Couvertoirade est le site qui a bénéficié, de loin, du plus grand nombre d'animations...

La légende de Saint-Christol

Si l'on s'en tient à la classification du Conservatoire, la légende de Saint-Christol devrait

être versée dans la catégorie "visites nocturnes des sites sur un thème particulier au site". Saint-

Christol est le saint patron de la Couvertoirade. Le spectacle a pour but de retracer la vie d'un certain chevalier Ophéms et sa transfiguration en Saint-Christol. Le bâti du village n'est dans ce scénario qu'un simple décor. La directrice du Conservatoire, qui a assisté à la première représentation (particulièrement longue), est partie avant la fin, en soulignant qu'on ne comprenait rien et que cela ne parlait même pas de l'histoire de la Couvertoirade.

Les acteurs du spectacle, pour leur majorité, étaient payés, sauf deux figurants, des habitants de la Couvertoirade membres de l'association (le trésorier dans le rôle de Joseph, le co¬ président dans celui du roi). Les costumes n'évoquent pas les chevaliers du Temple ou de l'Hôpital : il y a simplement deux acteurs en armures.

74 L'histoire débute à l'entrée nord du village, à l'extérieur des remparts, où les visiteurs sont accueiUis en musique. Les musiciens sont en costume plus proche du style tzigane que médiéval... Le conteur est costumé en ermite, il présente la stame de Saint-Christol logée au-dessus de la porte nord, il est accompagné d'un autre moine (habitant du village) et d'un bouc. Ophéms arrive sur son cheval à la recherche d'un maître plus fort que lui. L'ermite invite alors le pubhc à suivre Ophéms. Le tableau suivant est composé de deux scènes. Au cours de la première un menuisier est en compagnie d'une femme et d'un âne, de façon â représenter la scène biblique de la crèche (le spectateur doit faire lui-même le rapprochement...). Dans la deuxième Ophéms rencontre un roi, mais celui-ci fuit devant une chèvre ensorcelée. La peur du roi déplaît à Ophéms, qui s'en va, suivi par le pubhc. Le tableau suivant présente Ophéms en compagnie du diable, avec, en arrière plan, un forgeron qui suit le rythme d'une musique macabre. Le diable donne à Ophéms des pouvoirs sur les hommes et les animaux, comme l'annonce l'ermite. Ces pouvoirs sont illustrés par des démonstrations de jonglerie et de cracheurs de feu, ainsi que par une démonstration de dressage de chevaux. Mais la Vierge passe sur son âne : le diable prend peur, Ophéms s'en va cette fois sur un char romain. L'ermite emmène les spectateurs à la porte sud, où il raconte que lui-même a rencontré Ophéms, qui lui a enseigné la sagesse, mais un jour Ophéms est parti. Une vieille femme lui a dit qu'elle avait vu le char d'Ophéms abandonné près d'une nvière. L'ermite invite les spectateurs à aller auprès de la lavogne. Là un enfant habillé de blanc, avec un bâton de berger, s'avance vers Ophéms assis près de la pièce d'eau. Dans le même temps un texte préenregistré raconte aux spectateurs qu'Ophéms aidait les voyageurs à traverser les eaux tumulmeuses de la rivière; un jour, il a rencontré un enfant qui sur ses épaules pesait de plus en plus lourd... Musique douce.... Ophéms (l'acteur) prend la main de l'enfant ; en arrière plan se déploie, derrière un nuage de fumée, un panneau représentant Ophéms avec le Christ sur son épaule, figuration de Saint- Christol. C'est la fin du spectacle. Comme tout le public n'a pas compris, l'ermite invite les spectateurs à se retrouver autour d'un verre de vin et d'un morceau de fouace en compagnie des acteurs, au son de la musique tzigane. Le spectacle dure environ une heure.

Ce spectacle a connu un certain succès. A la quatrième représentation, il y avait 110 spectateurs, population locale et touristes. Ce nombre a été stable jusqu'à la dernière représentation. Certains habitants ont assisté à toutes les représentations et sont restés très critiques envers le spectacle : " La dernière sera la bonne ", " je ne voudrais pas avoir payé pour voir ça, les gens ne sont pas exigeants " (le prix du spectacle est de quarante francs), " cela manque de metteur en scène ", " on n'y comprend rien "... Ces dernières répliques ont été entendues aussi parmi les spectateurs, dont beaucoup avouent ne pas avoir tout compris de l'histoire contée et restent perplexes. Heureusement un morceau de fouace et un petit verre de rosé sur un air de musique tzigane leur redonnent le sourire.

spectacle équestre dc 18h 00

La même troupe a donné tous les soirs à 18h 00 auprès de la lavogne un spectacle, essentiellement équestre, gratuit, qui a rencontré un certain succès auprès des touristes accompagnés d'enfants. Cette animation quotidienne n'était pas inscrite au programme des

" Estivales Larzac 98 ". Par contre la Couvertoirade a édité son propre prospectus " Estivales 98, la Couvertoirade " qui annonçait des animations gratuites journalières à propos de " la vie mrale au Moyen-Age ". Le co-président de l'association s'est expliqué en ces termes :

"On ne fait pas de spectacle avec des batailles et tout cela, parce qu'on retombe dans la reconstitution historique, on n'a pas les moyens de faire ça. Il y en a beaucoup qui le font, nous on préfère retrouver la vie au Moyen-Age plutôt que des chevaliers qui guerroient, il vaut mieux faire du bon Moyen-Age. Les gens

75 pensent que le Moyen-Age c'était tout marron alors qu'il y avait des couleun, c'est cette image que l'on veut donner de la vie quotidienne. "

25 et 26 juillet, la Fête de la Saint-Christol

La Fête de la Saint-Christol est la fête votive de la Couvertoirade. L'association essaie de la faire revivre. Un marché des produits du terroir, des animations médiévales (par la même troupe), un repas médiéval ont pris place le samedi soir. Le lendemain dimanche a été représentée la pièce de théâtre La Révision du Procès du Tenrple, qui a été jouée à plusieurs reprises durant l'été.

La Révision du procès du Temple

Cette pièce de théâtre a été écrite par cet habitué de la Couvertoirade et de Sainte-Eulalie qu'est Jean-Pierre Chapuis. Elle a été jouée pour la première fois en 1991 à l'occasion d'une étape de la Route du sel, à Sainte-Eulalie de Cernon.

Elle est jouée par les habitants du village : le potier dans le rôle de Guillaume de

Beaujeu ; l'ancien Maire dans le rôle de Jacques de Molay ; la libraire du village, animatrice des visites guidées et femme de l'auteur (Carmen Chapuis) dans le rôle de Hugues de Payns ; 1'" hôte d'accueil " dans le rôle du premier témoin ; l'hôtesse d'accueil dans le rôle du deuxième témoin ; la fille de l'auteur, étudiante et également guide à la Couvertoirade dans le rôle du deuxième greffier ; un informaticien dans le rôle du premier greffier ; le coutelier dans le rôle du roi

Philippe I\" et enfin l'auteur dans le rôle du juge... Bien que les acteurs lisent leur texte, ils sont très applaudis...

Cette pièce de théâtre n'est pas à proprement parler une mise en scène de l'histoire locale, puisque le procès du Temple relève d'une scène nationale, et la Couvertoirade n'est que le décor de la pièce. Il s'agit plutôt de la mise en scène d'un événement historique non pas tel qu'il s'est déroulé mais tel qu'il aurait dû se dérouler. La pièce fait référence au livre de A. Demurger sans le citer. Pour nous signifier "qu'il ne racontait pas n'importe quoi" l'auteur nous a d'ailleurs informé que A. Demurger avait lu cette pièce et donné son approbation. Les templiers-acteurs justifient les actes pour lesquels ils sont accusés. Par exemple, ils avouent cracher sur la croix et expliquent ce rimel en arguant qu'être dans le péché les rendait plus forts au combat Le texte de la pièce est surchargé de dates, de personnages et de faits historiques qui à notre avis le rendent incompréhensible dans son ensemble au spectateur néophyte. Nous pouvons nous-mêmes avouer ne pas avoir tout compris de cette pièce, même après deux représentations. Nous avons cependant retenu de la pièce que les Temphers étaient innocents ; c'était là certainement l'essentiel du message. Certains spectateurs regrettaient ne pas avoir eu la possibihté de juger eux-mêmes, comme pour le Procès de Marie-Antoinette mis en scène par Robert Hossein.

76 8 et 9 août : fête du mouton

Quinze jours après la Saint-Christol qui n'a pas eu le succès attendu sauf pour la pièce de théâtre, la Couvertoirade fêtait le mouton. Toutes les animations n'avaient pas pour thème le

Moyen-Age. Les démonstrations de dressage de chiens de berger, de tontes de moutons, ont eu du succès. Par contre la conférence sur " l'eau sur le Larzac " et le diaporama sur la transhumance ont rassemblé à peine une dizaine de personnes. L'embrasement des remparts a constitué le point final de chacune des deux fêtes.

Nous pourrions aussi évoquer une autre forme d'animation, spécifique pour l'instant à la

Couvertoirade : les boutiques, qui attirent énormément de visiteurs. Cette animation commerciale est un sujet délicat à la Couvertoirade. La distinction est faite entre les artisans et les commerçants. Ces derniers sont accusés de profiter de la Couvertoirade le temps de la saison touristique, sans rien apporter à la commune. Ils sont parfois appelés " les marchands du temple ". Les autres sites redoutent ce type d'évolution : " surtout on ne veut pas devenir comme la Couvertoirade ", " si on développe trop l'activité touristique, ça fera comme à la

Couvertoirade "...

A Sainte-Eulalie de Cernon

Il n'y a plus aujourd'hui, avec la disparition d'Horizon 2000, d'association locale, et il semble que les habitants ne sont pas prêts à en remonter une autre... Par contre certains approuvent la mise en place des activités autour du point d'accueil ; ils ont d'ailleurs participé volontiers à l'animation " A la découverte des trésors de Sainte-Eulalie de Cernon ".

A la découverte des trésors de Sainte-Eulalie

Cette animation organisée par les agents de développement du patrimoine de Sainte-

Eulalie (en collaboration avec le Conservatoire) a eu lieu tous les mercredis soir en juillet et en août. Elle n'a connu aucun succès le soir de la demi-finale de la coupe du monde, mais, à part cette soirée exceptionnelle, au minimum une vingtaine de personnes, habitants du village et touristes, y ont participé. La capacité d'accueil de quarante personnes a été parfois dépassée. Au départ de l'animation, un buffet froid composé de produits de pays dans la salle capitulaire...

Puis des équipes de trois ou quatre personnes se constituent pour répondre à un questionnaire sur l'architecture ou l'histoire du village. Les participants peuvent chercher les éléments de réponse dans le village ou dans les ouvrages présents au point accueil. Des équipes n'hésitent pas

à demander aux habitants des renseignements. Les premiers ayant répondu à toutes les questions gagnent le premier lot composé de tickets gratuits pour différents musées ou activités sportives

77 de la région. Même l'équipe arrivée en dernier gagne quelque chose... Un questionnaire différent est donné aux enfants. Avant la remise des lots, la guide donne les éléments de réponse dans une visite guidée non pas de la commanderie mais du village. Cette animation a été approuvée par les habitants, la mairie et le conservatoire. Elle entre parfaitement dans la catégorie " visite noctume du site " pré\Tje par le conservatoire.

Des concerts

A côté de cette animation à destination d'un large public, l'église de Sainte-Eulalie a

accueilli des concerts :

- Le récital de la Schola d'Aix en Provence.

- les " Polyphonies sacrées des XIXème et XXème siècle ", le choeur des Petits Chanteurs de Chaillot.

- Atmosphère et Mosaica, jeux de lumière accompagnés de musique médiévale.

Pour les journées du patrimoine, le 19 et le 20 septembre 1998 a été proposé un spectacle appelé Arabesque . Ce spectacle n'a pas été organisé par la mairie mais directement par le

Conservatoire, à l'initiative de sa directrice. Il a été financé par neuf organismes dont le Conseil

Général, la Région, la Mission départementale de la Culture, mais aussi le Crédit agricole et

Roquefort société. Plusieurs conseillers municipaux, lors d'une réunion autour du tourisme, se sont étonnés de ne pas avoir été prévenus, ni de l'organisation, ni du thème du spectacle, certains allant jusqu'à la réflexion que le Conservatoire s'imposait à eux qui n'avaient rien demandé.

Certaines personnes n'ont pas compris comment un tel spectacle aussi subventionné pouvait avoir lieu alors que l'idée d'un habitant de faire un festival de musique avait été refusée faute de financement...

C'est une troupe installée depuis quelques années à Nant (bourg voisin dans la vallée de la Dourbie, chef-lieu de canton) qui a été choisie pour créer un spectacle de qualité avec l'idée qu'il pourrait l'été suivant être joué sur tous les sites. La responsable de la troupe a décidé d'évoquer l'Orient et l'Occident à travers des extraits de l' d'Averroès et de poètes arabo- andalous. Seule comédienne accompagnée de deux musiciens, l'un au luth, l'autre à la vielle, elle a

évolué sur une scène couverte de tapis orientaux, dans un décor réalisé par un artisan ferronnier.

Les spectateurs étaient placés de chaque côté de la scène. Dès la générale, à laquelle ont assisté les bailleurs de fond, ce spectacle a été apprécié pour sa qualité technique, mais a aussi été jugé trop " élitiste ". Lors des représentations, certains spectateurs sont tout simplement partis avant la tin... alors que d'autres étaient enchantés. Certaines personnes, qui ont admiré la prouesse théâtrale, ont aussi estimé que ce n'était pas le genre de spectacle à présenter en milieu mral...

78 A La Cavalerie

Durant l'été 1998, au point accueil de la Cavalerie, le Conservatoire exposait une collection de monnaies des croisades, collection privée du conseiller scientifique. La Cavalerie a

été choisie comme lieu d'exposition " parce que c'est la plus pauvre en pattimoine architectural, parce qu'ils font beaucoup d'efforts, alors il faut bien les aider" Q.Miquel). De plus le thème que l'on pensait pouvoir être développé sur ce site, dans le cadre du futur centre d'interprétation,

était celui des " routes et échanges pendant les croisades ".

Ce site, au bord de la Nationale 9, voit défiler beaucoup de voitures et de visiteurs. En général, ils ne s'arrêtent pas plus d'un quart d'heure. Il y a donc ttès peu de visites guidées qui durent une heure. Il n'y a eu aucune animation à part la fête votive organisée comme chaque année par le comité des fêtes, qui s'est déroulée le week-end des 11 et 12 juillet 1998, avec pour thème le médiéval...

Un repas médiéval a été organisé le samedi soir. Au menu il y a eu, en entrée, du taboulé, suivi de mouton farci à la broche accompagné de semoule, et en dessert un fmit (on peut donc noter une certaine influence orientale...). Les personnes qui servaient ce repas portaient des costumes de style médiéval. Pendant le repas a été retransmis la "petite finale" de la coupe du monde. Vers minuit, un feu d'artifice a eu lieu au stade avec la projection d'un diaporama sur les cinq sites, suivi d'une retraite au flambeau et de l'embrasement des

remparts. Une troupe médiévale, " la bannière d'Odilon ", originaire de Camargue, a animé la fête. Elle comptait beaucoup plus d'acteurs que celle recmtée à la Couvertoirade : six hommes en armures, quelques femmes portant des cosmmes médiévaux. Les chevaux eux aussi costumés accompagnaient la troupe. Mais ce qui a le plus impressionné les spectateurs a été la panophe d'armes médiévales exhibées pour l'occasion : des épées, des bouchers, des lances, des arbalètes, et même une catapulte... Le dimanche matin cette troupe a mené le défilé des enfants du village, costumés eux aussi sur le thème du Moyen-Age, dont une perite troupe de garçons en chevaliers de l'Ordre du Temple. En fin de matinée et durant l'après-midi, les acteurs de la bannière d'Odilon ont fait des démonstrations de combats â pied et équestres en exphquant le rôle des armes utilisées et en proposant aux spectateurs de les soupeser. Parmi le public se trouvaient quelques mihtaires attentifs aux démonstrations. Ce jour-là il y a eu également une animation avec l'ours du film [Ours de Jean-Jacques .Annaud...

Comme pour toute fête votive, dès le vendredi soir, la place des Templiers au centre du village a accueilli un orchestre pour le bal, qui s'est poursuivi les soirs suivants. Le comité des fêtes avait aussi pré\ai la retransmission de la finale de la coupe du monde sur écran géant le dimanche soir. Ces festivités ont drainé un public local, fidèle des fêtes votives et des bals populaires. Rien de spécifique donc à ce type d'animation, si ce n'est la "touche" médiévale, et les allusions sans cesse renouvelées aux Templiers. Notons par exemple que la fanfare du village porte le nom de la fanfare des Templiers, dont les membres ont porté la tenue pour la fête.

79 Au I lala du Pas de Jaux

Les animations sur ce site ont été peu nombreuses : un repas médiéval, et un concert du chanteur basque Benat Achiary. La priorité financière est donnée aux restaurations : " Le

Consen-atoire, avec leur animation, ils veulent mettre la charme avant les boeufs. Notte pnorité est de finir les restaurations. On ne fait que deux animations cet été, mais on a choisi la qualité par rapport à la quantité ..." ( propos de la présidente de l'association).

Le repas médiéval de la Tour du Viala a eu la particularité d'être réellement fondé sur des livres de cuisine médiévale. C'est le cuisinier de l'association du Château de Montaigu, spécialisé dans cette activité, qui est venu préparer ce repas de fête. Les habitués de ce repas sont nombreux : la salle de la tour a accueilli cent vingt personnes qui avaient réservé et on a du refuser du monde. . .

Avec la subvention réservée aux animations attribuées par le conservatoire, l'association a organisé le concert de Benat Achiary, chanteur basque qui était déjà venu sur le Larzac pour donner un concert au moment de la lutte, comme il l'a évoqué au cours de son concert. Malgré la qualité de la prestation, seulement une trentaine de personnes étaient présentes. Une prévision qui avait été faite par une des guides de la tour : "c'est un super concert mais je suis sûre qu'on ne va pas toucher grand monde. Il n'y a pas le public pour cela... "

A Saint-Jean d'Alcas

Les animations à Saint-Jean d'Alcas existaient avant même la mise en place des Estivales du Lii-^^ac 98, elles se sont développées grâce au réseau de connaissances de la présidente de l'association. On trouve ici cependant des animations du même type que sur les autres sites : concerts, diaporamas, pièces de théâtre (mais sans référence à la période médiévale). Nous avons choisi d'en présenter trois, parmi les plus signiticatives.

La soirée sous le signe de la Provence

En 1997, les Estivales du Lari^ac se résumaient à l'organisation sur chaque site d'un

" cinésite ". Le principe de Cinésite est de lier dans une même manifestation patrimoine et cinéma. En 1997, 80 sites en France avaient participé à cette opération nationale, dont les cinq sites du Larzac Templier et Hospitalier. En 1998, seule l'association Renaissance de Saint-Jean d'Alcas a choisi de renouveler l'expérience en choisissant d'organiser un repas provençal suivi de la projection du film Un Hussard sur le toit.

80 Cette animation a connu un franc succès puisque deux cents personnes se sont attablées dans la me principale du fort pour un repas préparé par les bénévoles de l'association. La projection du film a connu le même succès. La population locale (habitants permanents et vacanciers en résidence secondaire) composait l'essentiel du public ; il n'y avait par contre que peu de touristes.

VI*"" Festival de théâtre de Saint-Jean d'Alcas

Il s'agit d'une animation qui existe depuis 1992. Elle repose sur l'amitié entte des habitants du village et le metteur en scène François Sayad. Elle ne figurait pas dans le dépliant

Estivales du Lar-a^ac. Sans aucun rapport avec l'histoire locale les deux pièces proposées en 1998 ont été deux comédies : Le médedn malgré lui de Molière et L'omelette fantastique de Duvert &

Boyer. Comme pour le cinésite, ce sont les habitants de la commune qui ont assisté nombreux à cette manifestation. La présidente de l'association a d'ailleurs fait un mini-sondage auprès des gens qu'elle connaissait pour savoir quelles animations ils avaient choisies parmi toutes celles proposées. Le cinésite et le théâtre étaient en tête du sondage.

Concert Antiphonia

Ce concert de musique liturgique organisé dans le cadre du Festival de Sylvanès a connu,

à la surprise de la présidente de l'association, un énorme succès auprès d'un public extérieur à la commune. Pour expliquer ce succès, rappelons que l'Abbaye de Sylvanès est un centte de réputation internationale pour la Musique Sacrée. De plus le choeur d'hommes Antiphonia a une réputation internationale.

Ce concert s'intégrait aux cérémonies de la commémoration de la fondation de Citeaux.

Avant le concert, deux historiens locaux, Mme Bourgeois et M. Aussibal, ont donné une conférence sur " l'Abbaye de Nonenque et les Cisterciens en Rouergue." L'histoire de Saint-Jean d'.Mcas n'est donc pas évoquée par des reconstitutions costumées, mais dans le cadre de conférences données par des historiens. Cette conférence sur l'Abbaye de Nonenque (fondatrice de l'établissement de Saint-Jean d'Alcas) a attiré environ cent personnes, des auditeurs de l'extérieur mais aussi des habitants de la commune et des environs connaissant les deux historiens locaux.

Nous donnons juste le titre des autres animations : aucune n'avait pour objectif de mettre en scène l'histoire locale.

- ic diaporama sur la transhumance, également présenté à la Couvertoirade.

- le diaporama sur les Grands Causses, également présenté à Sainte-Eulalie.

- Cabaret de l'Acte Chanson, chansons de Languedoc.

81 Manifestations non répertoriées. . .

Nous avons pu assister ou avoir connaissance d'autres animations sur le thème

" templier " non liées au Conservatoire. Nous avons ainsi rencontte deux colonies de vacances qui avaient intégré le thème des Templiers dans leur activité.

Pour la première, l'histoire des Templiers est ttansformée en conte où ceux-ci sont les

"méchants" vaincus par des enfants saltimbanques sur le Larzac. Pendant leur séjour, les enfants de la colonie se déplacent en roulotte et font du cirque. Le demier jour, ils donnent une petite représentation sur la place du village étape. Une reine, avec à son service Merlin le magicien (un enfant fait des tours de magie) et un escadron de chevaliers appelé les Templiers (un groupe de garçons avec des épées en bois), convoite la terre des paysans du Larzac. Alors que les paysans sont au travail (un petit groupe d'enfant imite le ttavail aux champs), ils sont attaqués par les

Templiers. Ces paysans font appel au "Père la misère" pour se défendre. Les Templiers sont endormis et, pour qu'ils ne se réveillent pas, les enfants doivent être des saltimbanques (les enfants jonglent ou jouent les acrobates pour la scène finale). Nous avons pu discuter avec la responsable du groupe. Le thème des Templiers n'est qu'un prétexte pour faire du cirque. Le but n'est pas de faire de l'histoire avec les enfants, au contraire : " on leur bourre assez le crâne comme ça à 1 'école. Nous on essaie qu'ils rentrent chez eux avec l'histoire qu'on a inventé." On peut cependant remarquer l'inscription de ce scénario dans ce qu'on peut appeler un "contte- courant" hostile aux Templiers...

Nous avons rencontré les enfants de la seconde colonie à une représentation de La

Révision du procès du Temple. Venus costumés dans le style médiéval, ils étaient très intéressés par la pièce parce qu'ils devaient eux aussi jouer le procès lors du Spectacle des Templiers à Sainte-Eulalie de Cernon (organisé par l'association Aladiii). Nous avons aussi discuté avec la responsable de ce groupe. Pendant le séjour des enfants, c'est la vie quotidienne des Templiers qui est mise en avant. "Les enfants mangent comme les Templiers, ils fabriquent de gros pains qui leur servent d'assiette, ils ont inventé une prière avant le repas. Et à la fin du séjour plusieurs groupes se retrouvent pour donner un spectacle. Ceux-là, ils ont décidé de jouer le procès : c'est à eux de monter la pièce qui dure dix minutes."

Le Spectacle des Templiers auquel il est fait référence a eu lieu deux fois cet été, une fois au mois de juillet et une fois au mois d'août. Ce spectacle d'enfants est aussi un spectacle équestre.

Non connu du Conser\'atoire, il a été programmé deux mercredis soirs, alors qu'il y avait déjà l'animation La découverte des tr-ésors de Sainte-Eulalie. Une des préoccupations majeures du

Conser^'atoire est d'ailleurs de faire en sorte que les animations ne soient pas programmées le

82 même jour. Le principal argument est que "le potentiel de public n'est pas assez important pour nous permettre de réaliser deux événements le même soir ..."

Nous avons suivi la Route des Templiers à travers les articles de presse. A pied, à cheval ou en \'TT, 95 enfants ont parcoum pendant une semaine un circuit entre Nant et Millau en passant, entre autres, par le Viala du Pas de Jaux, Saint-Jean d'Alcas, la Cavalerie. Cette animation sportive s'appelait avant la Route du sel des erfants : le choix du changement de nom résulte de l'idée que "les templiers sont plus porteurs " (propos de J.P Raynal, organisateur, in

Midi Ubre du 30/07/1998).

Même les manifestations sportives se sont mises au diapason, comme la Course des Templiers

, cette "nouvelle épopée" qui "marque de son sceau les vieux chemins du Causse", citation de la presse locale pour évoquer la plus grande course de trail en France (fondée sur un parcours, aux forts dénivelés, de 65 km à partir de Nant, gros bourg de la vallée de la Dourbie en dessous du

Larzac, elle regroupe chaque année plus d'un millier de participants)...

Communiquer le passé

Laprvsse locale

On constate donc que la réception du projet dans le public s'inscrit avant tout dans les nouvelles formes de convivialité fondées sur des animations proposant de "revivre" le passé aux résidents et aux touristes. Fêtes, banquets villageois, chasses au trésor se placent résolument sous le signe d'un Moyen-Age stéréotypé, qui fait la part belle aux Templiers. Les mises en scène du passé se sont multipliées. Citons, à titre d'e.xemple local, l'événement unique qu'a été en 1994 le transport solennel en char à boeufs des tuiles destinées à la nouvelle couverture de la Maison

Carrée à Nîmes, en provenance de l'atelier de terres cuites de RaujoUes, au pied du Larzac

(destiné à célébrer les anciennes exportations de la céramique de la Graufesenque) ; ou bien l'événement répétitif de la Route du Sel qui, pendant un certain nombre d'années, a conduit en chaque début d'été une troupe de cavaliers harnachés à l'ancienne, bannières au vent, d'Aiguës

Mortes au Rouergue par le Larzac et qui n'a jamais manqué de faire étape dans les cités templières et hospitalières...

.\u-delà, la résonance du projet induit une mise en allusion permanente, une imprégnation de tous les instants qu'assure la presse locale (au premier plan le quotidien Midi Libre, le journal régional le plus lu - publié à Montpellier, il comporte des pages locales dans son édition millavoise - ainsi que l'hebdomadaire Le Joumal de Millaii), qui constitue donc un matériel ethnographique de premier ordre, qui a été systématiquement utilisé (voir en annexe un extrait

83 de la base de données " dossier de presse "...). Sont ainsi systématiquement utilisées, pour tout

événement prenant place dans les villages concemés, des appellations telles que la "cité templière", le "village médiéval". Le commentaire de la photo des mariés du 1er août 1998

évoque " E. et G., un couple au coeur du village templier ". Pour l'arrivée du gaz naturel, un gros titre barre la page de La Cavalerie: "le gaz naturel en pays templier"!

Emissions de télévision

Le 22 et 23 avril, l'émission " Demain c'est dimanche ", sur France 3, a été consacrée au

Larzac templier et hospitalier. Contentons-nous de faire appel au compte rendu de presse :

2/04/2000 Midi Libre - Millau : Sur France 3, le 22 et 23 airil "Le Lar^'^c historique seni sur uu plateau. " Le Larzac templier et hospitalier ouvre ses remparts aux caméras de la petite lucarne pour hvrer ses secrets aux téléspectateurs de l'émission : " Demain c'est dimanche " [...] Mais au delà des aspects ludiques et gustatifs, les promoteurs du projet ont souhaité mettre l'accent sur l'histoire et la culture dont sont chargés les murs épais des cités temphères et hospitalières. Et si le territoire du Conservatoire sera présenté dans son ensemble pour la première fois, les animations proposées sur les cinq sites s'appuieront sur une thématique spécifique à chacun d'entre eux. A la Cavalerie, carrefour historique, un marché de pays regroupant des producteurs locaux ainsi que diverses expositions seront mis en place. Pour coller à son architecture défensive, à la Couvertoirade, seul site à posséder un château-fort en son sein, les animations tourneront autour des remparts. [...] A Sainte-Eulalie de Cemon, siège de la Commandene et du pouvoir religieux, le public pourra assister à une célébration pascale avec chants occitans. L'après-midi, Riquetti-Mirabeau, demier commandeur de l'ordre, sera évoqué lors d'une conférence. Grenier fortifié ancré dans la tradition agncole, le Viala-du-Pas-de-Jaux accueillera un berger et son troupeau avec dégustation de Roquefort et de recuite. Enfin [...] Saint-Jean d'Alcas fera la part belle à la flore caussenarde. [...] Cette émission doit montrer que le tourisme et l'environnement sont des ressources importantes pour le Sud Aveyron.

La Lettre du Conservatoire

Le Conservatoire, ttès régulièrement, informe les habitants des cantons de Cornus et de

Nant de ses activités, présentes et à venir, par une lettre luxueuse imprimée sur un papier cartonné, avec son logo... Volonté de transparence, qui en même temps marque d'un sceau officiel ce qui pourrait apparaître spontané ou informel dans les diverses manifestations et montre bien que tout obéit à une programmation précise...

Les dépliants touristiques

Nous avons accumulé tous les dépliants de promotion touristique... Suivant en cela sa politique d'harmonisation des sites, le Conservatoire a édité un dépliant commun à tous les sites, intimlé "les remparts du Larzac", s'ajoutant à des dépliants particuliers à chaque site mais avec le même format. Nous avons aussi récupéré le dépliant proposé par la Jasse : "Voyage à l'intérieur

84 du Larzac". Une comparaison est d'ores et déjà possible entre Les Rsftrparts du Larc^c et \ 'oyage à l'intérieur du Lar:;ric.

Le dépliant Remparts du Larzac signale La Jasse sous la mbrique "Comment visiter ? Que voir ?" mais pas sous la mbrique "à ne pas manquer"... On la reconnaît comme point de vente de produits de pays mais pas comme lieu de mémoire : l'histoire récente du Larzac n'est pas à visiter... Le dépliant Voyage à l'intérieur du Larzac n'ignore pas la richesse historique des sites : il présente le Larzac comme "une forteresse de calcaire sur laquelle les Templiers et les Hospitaliers ont construit une ar'chitecturefortifiée d'une puissance rare". Chacun des deux dépliants présentant les sites à visiter, il sera possible de comparer le contenu de ces présentations.

Le fait que le Conservatoire ait édité un dépliant commun aux cinq sites ne veut pas dire que les sites eux mêmes ne se chargent pas de leur promotion touristique. La Couvertoirade a

édité ses propres dépliants. Le Viala du Pas de Jaux, inclus dans l'association La Route des Seigneurs du Roueigiie, bénéficie de leur dépliant. A travers les dépliants, nous pouvons envisager à quel ensemble territorial appartient un site. Nous avons trouvé La Couvertoirade dans plusieurs dépliants concernant le Larzac méridional (Hérault). Saint-Jean d'Alcas se rattache à

Roquefort. . . L'ensemble territorial créé par le Conservatoire est pour l'instant artificiel.

La signalisation

Aujourd'hui une politique d'harmonisation des sites est réalisée par le Conservatoire. Elle passe par la mise en place d'une signalétique commune.

A l'entrée de chaque site on retrouve la même banderole avec le nom du village et le logo de l'opération de contrat de site majeur. A l'intérieur, de grands panneaux, identiques dans tous les sites, expliquent le contrat de site majeur et ses actions. Un panneau du même type présente le site. Toute cette signalisation veut souligner l'unité de l'ensemble des communes et l'étendue de la présence templière et hospitalière. Le site de Saint-Jean d'Alcas bénéficie de la même signalisation alors qu'il n'est ni templier ni hospitalier. Sur le même principe, des plaques

émaillées explicatives, en plusieurs langues (dont l'occitan), ont été posées aux différents endroits qui avaient une importance historique ou architecturale dans chacun des sites.

Ces bannières et ces plaques ont un but précis, exposé dans le programme d'actions du contrat de site majeur . En ce qui concerne les 20 panneaux (4 par site), "il s'agit de créer l'information visuelle nécessaire à l'ensemble des visiteurs des sites afin qu'ils sachent que ces différents sites coopèrent à un programme commun et particulier de développement touristique par la mise en valeur du patrimoine. Il faut qu'ils soient conscients que ce programme est en cours de réalisation". Ainsi, cette information doit avoir un double effet : celui d'expliquer aux

85 visiteurs que l'état actuel des sites est temporaire ; leur faire prendre conscience que des transformations importantes vont êtte opérées et qu'ils doivent penser à revenir... Les 28 plaques d'information historique, en lave émaillèe, sont elles "destinées aux touristes pour leur proposer une information succincte mais précise qui leur permettra une meilleure lisibilité du pattimoine".

Nous avons pu réunir le texte pour "une information succincte" de toutes les plaques émaillées, qui ont donné lieu à des commentaires. Au Viala du Pas de Jaux, suite à la mise en place de cette plaque sur la tour, les guides ont remarqué que les visiteurs lisaient la plaque et enttaient moins dans la tour. . . Les plaques ont été placées par l'architecte des bâtiments de France et le conseiller scientifique du conservatoire de façon à ne pas entter dans le champ de vision des photographies des visiteurs. Résultat : ces plaques sont parfois à des endroits où les visiteurs ne vont pas, par exemple derrière le rocher près de la lavogne à la Couvertoirade... Des particuliers ont refusé que ces plaques soient apposées sur leur habitation. C'est le cas pour le château de La Couvertoirade, et à Saint-Jean d'Alcas où une historienne locale a refusé cette plaque sur sa belle maison du

XVème siècle, au nom de la vérité historique...

Nous avons déjà fait allusion aux panneaux autoroutiers incitant les automobilistes à sortir de l'autoroute. . . Un circuit reliant les différents sites a été mis en place. Pour se rendre sur chaque site il sutflt de suivre les panneaux de couleur bmne indiquant "circuit Larzac Templier et

Hospitalier". Ce circuit passe par tous les sites, et il n'est pas indiqué vers quel site on se dirige.

Ainsi en partant de Saint-Jean d'Alcas, on passe par la vallée de la Sorgue, Cornus : le but est de faire atteindre la Couvertoirade à 30 kilomètres, alors que le site le plus proche se trouve à dix kilomètres (le Viala du Pas de Jaux...). Il est pratiquement impossible de faire tout le circuit dans la journée si l'on veut s'arrêter à chaque site. Ce parcours évoque l'étendue du territoire géré par les Templiers et les Hospitaliers, même si celui-ci ne comprenait pas Saint-Jean d'Alcas (alors que

Saint-Félix de Sorgue, tout proche, a été une possession hospitalière, mais n'a pas été intégré dans le projet...).

Ces nouveaux panneaux n'ont pas remplacé les anciens, ils sont venus s'y ajouter. Chaque site avait sa propre promotion, qui insistait exclusivement sur son passé templier : Sainte-Eulalie capitale templière, La Cavalerie cité templière... Aucun des anciens panneaux ne fait référence aux Hospitaliers... La volonté du Conservatoire est de faire enlever tous ces panneaux avec les anciennes appellations, mais la décision relève des communes. . .

On peut rapprocher ces panneaux de la signalétique mise en place par la Jasse, lorsqu'elle avait la volonté d'être un écomusée, afin d'orienter sur un circuit des lieux de lutte, mais aussi architectural et paysager... Ces panneaux, aujourd'hui quelque peu délavés, n'ont bien-sûr ni la forme ni les couleurs officielles des panneaux du Conserv^atoire... Le nom du site est en noir sur fond blanc ; l'écriture est calligraphiée de façon manuscrite ; on y retrouve la référence à

86 l'Ecomusée du Larvae : "un pms que vol viure..." . C'est toujours des panneaux de ce type qui signalent les bouyssières de Potensac ou de Saint-Martin, le hameau de la Blaquière, ou la ferme des Brouzes.

Cette ferme fortifiée du 17ème siècle est classée monument historique depuis quatte ans, mais aucun panneau du Conservatoire ne la signale. . .

Les supports de promotion touristique et leur contenu sont donc révélateurs de la représentation et de l'image que chacun souhaite donner du Larzac. Ils participent à des constmctions de symboles qui ne s'appuient pas sur les mêmes références historiques. Notons que leur cohabitation sur le terrain est facilitée par le fait que les passés allégués s'ancrent sur des parties géographiques du Larzac qui ne se chevauchent pas véritablement.

Un Conservatoire à plein régime...

Par son intervention grandissante sur le terrain, le Conservatoire est amené à côtoyer les anciens acteurs de la promotion patrimoniale des sites. Comment ceux-ci jugent-ils son entrée en scène ? Jacques Teisserenc, à La Couvertoirade, considère le projet départemental d'un bon :

" c'est une bonne chose par rapport à l'isolement. Il n'y avait avant que peu de contacts avec Ste

Eulalie.. ". Mais cela ne risque-t-il pas d'induire le développement d'un tourisme de consommation ? " Il ne faudrait pas que cela se ttaduise par une arrivée trop importante d'artisans et de touristes. Les gens qui sont du coin commencent à le voir d'un mauvais ail... ".

Et le projet ne s'inscrit-il pas trop dans une logique territoriale aveyronnaise, alors que la

Couvertoirade est située à la frontière avec les départements du Gard et de l'Hérault et que, à bien des égards, elle peut être considérés comme faisant partie du Larzac méridional ?

"* le pense que La Couvertoirade devrait être dans l'Hérault. Il y a beaucoup de gens qui pensent qu'on n'est pas ici dans l'Aveyron. Vers Lodève se monte un syndicat de communes qui n'inclut pas la Couvertoirade ! On dirait qu'il y a une limite infranchissable entre les deux départements ..."

L'avis de Germain Crouzat, à Sainte-Eulalie, est franchement positif, même s'il est assorti de quelques réser\-es tíñales :

" le suis parti, d'autres ont abandonné. Heureusement que le Conservatoire est arrivé. Quand on croit que tout est perdu tout recommence... Même si c'est une stmcture qui est mise en place de l'extérieur, c'était peut-être le moment Chacun a repris ses billes. Horizon 2000 toumait sur un petit groupe. Le Conservatoire était la meilleure solution. Il s'agit avant tout de redorer le blason du Sud-Aveyron de relancer le tourisme, de permettre aux fermes de rester. Ceux qui venaient de Chypre, de Grèce (allusion aux membres du Comité scientifique...) ont trouvé qu'ici peu de choses avaient changé. Il y a des gens agréables au Conservatoire, tout neufs, qui essayent de faire leur travail le mieux possible. Ils essayent de regrouper l'ensemble ; ils ont les moyens financiers du département. Maintenant la critique qui est apportée par les gens du cm c'est qu'ils ne sont pas au conservatoire. Ces gens (à part le maire) qui se réunissent en secret dans la commanderie comme les Templiers... Attention au secret! Et puis il y a les 10 % apportés par la Mairie, cela fait beaucoup. Il faudrait arriver à mettre en place une stmcture associative mais beaucoup ne veulent plus de cette galère pour l'instant. "

87 Carmen et Jean-Pierre Chapuis, on l'a vu, ont déployé leurs activités à la Couvertoirade, après

leur désillusion saint-eulalienne... Dans le cadre des Amis de la Couvertoirade - l'association a

conser\'é la maîtrise des visites, Carmen Chapuis s'est occupée de guider les visiteurs, individuels

ou en groupe. Elle a ouvert dans le village une librairie tournée essentiellement vers le Moyen

Age et l'histoire des ordres chevaliers, dont l'appellation utilise un remarquable jeu de mot, que

nous lui devons lorsque nous y avons eu recours : le tentps plié. . . Mais leurs relations avec le

Consen-atoire, tout comme avec l'ensemble des autres acteurs, ne semblent pas au beau fuxe.

Peut-être faut-il voir là l'un des facteurs d'explication de l'étonnant épilogue qui a concerné

La Couvertoirade lors des élections municipales au printemps 2001. Deux listes étaient en

présence, l'une orientée à droite, dans la ligne majoritaire du canton et du département, l'autre, axée plutôt à gauche, menée par P. Bouloc. Après la pamtion, entre les deux tours, d'un tract anonyme (aucune des deux listes n'ayant pu s'imposer...), c'est finalement un outsider,

important militant au niveau national des Verts, qui a été élu ! (cf annexe sur le dossier de presse

pour l'année 2001).

Le Conservatoire a depuis 1999 poursuivi son chemin, poursuivant sa politique

d'animation et auvrant à la programmation des " thématicjues " et du " centre d'interprétation ".

Les thématiques par site devraient être ainsi établies :

Sainte-Eulalie : la vie d'une commanderie

La Couvertoirade : l'architecture défensive

Le Viala du Pas-de-Jaux : l'agropastoralisme

Saint Jean et Saint Paul (l'intms !) : le chanoine Costes, curé de Saint Paul des Fonds à la

fin du siècle dernier et explorateur botanique infatigable (auteur d'une Flore de France). Son

herbier est conservé au Jardin Botanique de Montpellier. Thématique on le voit quelque peu

plaquée au thème général du Conservatoire ...

La Cavalerie : pas de thématique particulière, mais la commune sera le siège du futur centie d'interprétation et pourra servir d'exemple pour la mise en valeur du patrimoine. . .

30/04/2000 Midi Libre - Millau Ce passé qui se recompose... Hanmniser le cachet des localités. Accompagné dès sa gestation par un conseil scientifique veillant dc façon pointilleuse [...] à la rigueur historique de son progr:imme, le projet Larzac templier et hospitalier pose peu à peu ses jalons et ses croix griffues dans ce pentagone de karst.../ Déjà par le biais d'animations d'été [...] les fantômes des Commandeurs ont laissé affleurer leur présence au milieu de pierres parfois oublieuses. Des initiatives culturelles que le duo responsable du Conservatoire Larzac templier et hospitalier [...] déchue en saison d'hiver sous la forme de rencontres, exposés, soirées contes, sur les lieux mêmes des faits et gestes des pauvres chevaliers du temple. [..,] Les thématiques de chacun des villages (comprenez la valorisation touristique s'accordant le mieux avec leur identité) a Jont] été arrêtéejs]. La juxtaposition de ces thématiques contribuera en somme à constituer f...] " un vaste musée en plein air " P'expression est de Delphine LapeyreJ Et à éclairer davantage l'empreinte des templiers et hospitaliers sur un plateau bmissant d'histoire..

88 14/06/2000 Mich Libre - Millau. Conservatoire Larvae templier et hospitalier : Le centre d'interprétation sera édifié à la Cavalerie. D'un coût de 40 MF, les travaux devront être achevés dans quatre ans. [...] Espace de plus de deux mille cinq cents mètres carrés, entièrement dédié aux chevaliers de cet ordre pan-européen. Une véritable porte d'entrée pour les autres sites. Un centre de gravité essentiel pour un aussi vaste territoire historique jusqu'alors sans véritable colonne vertébrale. A plus perite échelle, le centre d'interprétation (terme d'origine canadienne marquant la différence entre les collections originales propres aux musées et un heu à vocation pédagogique) aura pour mission de s'intégrer à la vie du village économiquement et architecturalement.J...] Et selon l'émde de marché, plus de cent mille personnes devraient effectuer chaque année ce voyage dans le passé, que ce soit au centre d'interprétation mais aussi, par répercussion, dans tout le bassin templier...

On remarquera l'expression utilisée dans le marketing ou la gestion de " bassin "... La Cavalerie, doit donc être édifié le futur Centre d'interprétation, non loin d'une sortie autoroutière, est certainement le site où prennent place les transformations matérielles les plus importantes. Nous avons pu mettre l'accent sur sa pauvreté en termes d'attrait visuels et son manque apparent d'authenticité... Des destmctions de bâtiments ont d'ores et déjà eu lieu, destinées à une meilleure mise en valeur des vestiges. La municipalité s'est engagée avec dynamisme dans une politique de restauration du patrimoine architectural et d'acquisitions foncières. L'ancien chemin de ronde a même pu être reconstitué :

27/02/2000 Midi Libre - Millau : La Cavalerie : le chemin en met plein la vue. Comment à cet instant ne pas songer que depuis plusieurs siècles sans doute aucun regard humain n'a plus scmter l'horizon depuis ce chemin de ronde qui renaît peu à peu de ses pierres [...] IL'évidence de la reconstitution de la maçonnerie à l'identique du rempart s'opère peu â peu...

Une nouvelle scénographie du passé a été proposée par le Conservatoire : il s'agit du spectacle

Eriaid des Bâties, écrit et mis en scène par Bmno Seillier, qui avait déjà fait ses armes depuis plusieurs années sur le spectacle /fi7// le Fol à. Sévérac-le-Château (directement inspiré du spectacle du Puy du Fou. . .). Bmno Seillier a été par ailleurs directement recmté par le Conservatoire pour gérer et réaliser sa politique d'animation. On peut remarquer que ce spectacle, qui a été présenté sur chacun des sites, ne concerne en aucune manière l'histoire locale, puisqu'il évoque la figure d'un des grands maîtres du Temple, qui décida par vocation mystique de finir sa vie à l'abbaye de

Citeaux.

19/07/2000 Journal de Millau - Spectacle. Au temps des templiers avec " Eirard des Barres "...La présence des Templiers sur le Larzac est inscrite dans ces vieilles pierres dont on redécouvre la beauté depuis quelques années déjà, après une période bien triste de destmction. Aujourd'hui, Sainte-Eulalie de Cemon, siège de leur commanderie, tout comme La Couvertoirade, Saint-Jean d'Alcas, le Viala-du-Pas-de-Jaux, la Cavalerie ont mené à bien des travaux de restauration qui associent la rigueur de l'architecture cistercienne à la beauté des pavsages du Causse. Restauration des pierres, mais aussi restauration de la mémoire avec le Conser\-atoire pour mieux connaître l'histoire de cet ordre du Temple... Une histoire enrichie par sa part de légende, pour conserver avec passion l'héritage... Hier mercredi, " Evrard des Barres " était à Sainte-Eulalie de Cemon. Demain... il sera à La Couvertoirade. Ce sera sa demière apparition de l'été. Mais il y aura à sa suite d'autres illustres personnages qui poursuivront, dans les étés à venir, sur les pierres qu'ils ont dressées, la grande fresque historique des Ordres mihtaires. Et comme le dit l'auteur, " de ces Ordres miliaires, certains connaîtront la maturité, lagloire el lapaix apportée par lafidélitépremière ; d'autres la mort et les ntystères de l'histoire. "

89 En novembre 2000, le Conservatoire a organisé, à Sainte-Eulalie, un colloque intemational sur la « commanderie » , sa place et sa stmcture dans le fonctionnement général des ordres chevaleresques. Ce colloque, placé sous la responsabilité du Comité scientifique, a réuni des spécialistes venus du monde entier. Les actes de ce colloque doivent paraîtte aux Editions du

Comité des travaux historiques et scientifiques... On saisit bien là la volonté de se démarquer d'une histoire locale dont nous avons pu voir qu'elle n'avait aucun représentant dans le Comité scientifique... Preuve supplémentaire de la part du pouvoir départemental, s'il en était, de bien faire saisir le « sérieux » de sa démarche, et son niveau élevé de référence et de collaboration, qu'on pourrait facilement oublier dans les diverses scénographies ou chasses au trésor qui composent l'essentiel des animations estivales...

90 Chapitre 5

Les enjeux d'un passé recomposé

Mythe et histoire au pays des Templiers

L'opération Larzac templier et hospitalier, on l'a vu, a deux faces : proposer un "produit" rentable, susceptible en tout cas d'impulser le développement local; conserver et sauvegarder des vestiges, dans le respect de la vérité historique. D'un côté, il ne peut que tenir compte, dans l'espoir d'attirer un grand nombre de visiteurs, de toute une gamme de représentations largement répandues, essentiellement liées, à l'aura mystérieuse des Templiers, qui ne sont restés qu'un siècle et demi sur le plateau, alors que les Hospitaliers, dont la présence est longue de cinq siècles, sont laissés dans l'ombre... Mais, d'un autte côté, le projet se veut scmpuleux de la vérité historique, et le Comité scientifique dont il s'est doté y veille, en particulier les représentants de l'Ordre de Malte ! Le représentant officiel de l'Ordre souverain auprès de la France regrette à juste titre que le panneau de signalisation autoroutière représente un templier en armure, et que le terme "pays templier" demeure prépondérant dans la plupart des sigles: "chacun ne jure que par les Templiers" et "on vend du mystère"... Le représentant de la Société de l'Histoire et du

Patrimoine de l'Ordre de Malte, s'élève contte le danger de "falsification de l'Histoire" (alors même qu'on lui transmet amicalement le conseil de ne pas trop malmener ce qu'on a fait croire jusqu'ici aux élus et aux populations locales...) et de "dérapages incontrôlés", comme avec un projet de logo qui doit comporter la superposition d'une croix du Temple et d'une authentique croix de Malte !

"Le fou, tôt ou tard, met les Temphers sur le tapis... Il y a aussi les fous sans Temphers, mais les fous à Temphers sont les plus insidieux... Aucune preuve... vous comprenez ? Comment est-il possible que le Marquis de Carabas n'existe pas puisque même le Chat Botté dit qu'il est à son service ?" (Eco, 1990)

Ces propos, qu'Umberto Eco met dans la bouche d'un des personnages du Pendule de

Foucault, illustrent à merveille le rapport de l'histoire des Templiers à la vérité... On sait que le récit historique est censé relater des "événements" vrais, c'est-à-dire qui ont réellement eu lieu

(ce qui dispense l'histoire d'être captivante, à la différence du roman, qui ignore cette conttainte).

Mais cette prétention à la vérité ne vaut que par les éléments de preuve qui fondent ce récit, par ce que les historiens dénomment les "témoignages" ou les "sources", ce que Paul Veyne subsume sous l'appellation de tekmeria (les traces). Ce qui implique qu'il est nécessairement un récit à ttous, qui ne peut êtte élaboré qu'à partir de ce qu'a bien voulu laisser la fameuse "dent

91 des rats": l'histoire est fatalement connaissance mutilée (Veyne, 1971). L'illusion de reconstitution du passé vient de ce que "les documents, qui nous foumissent les réponses, nous dictent aussi les questions; par là, non seulement ils nous laissent ignorer beaucoup de choses, mais encore ils nous laissent ignorer que nous les ignorons ..." (Veyne, 1971). Lorsque l'imaginaire est convoqué afin de remplir les zones d'ombre, lorsqu'est perdue la nécessité de la production de la preuve, se profile le mythe. Non plus ici le mythe issu d'une mémoire volontiers fabulatrice, ni le mythe fondateur du temps primordial, mais le mythe éttoitement enttelacé au récit historique, un récit historique qui en est par là en quelque sorte corrompu, ayant perdu son lien essentiel à la véracité.

Or l'imaginaire et ses "gaspillages visionnaires" (Eco, 1990) se sont emparés de l'histoire des Templiers: "le Temple alimente, avec les Cathares et Jeanne d'Arc, l'un des filons inépuisables de la pseudo-histoire, celle qui n'a pour but que d'offrir à des lecteurs avides leur ration de mystères et de secrets. Il y a l'histoire du Temple et l'histoire de sa légende..."

(Demurger, 1989). Depuis leur procès spectaculaire s'est mobilisée toute une foule de chasseurs de mystères, conduits à interpréter leur histoire sous le signe du secret et à élaborer, dans la même ligne, l'idée d'une survie de l'ordre sous la forme de sociétés secrètes, qui se perpétueraient en particulier dans la franc-maçonnerie, héritière de la sagesse antique des constmcteurs du Temple de Salomon justement grâce aux Templiers (Partner, 1981). Certaines loges allemandes, à partir de la fin du XVIIIe siècle, revendiquent une filiation: c'est le début du templarisme; en face, certains milieux conservateurs vont développer l'idée d'un complot maçonnique, les maçons- templiers s'intégrant dans une longue chaîne de conspirateurs contte l'ordre social chrétien

(Demurger, 1989)... Le mythe, prêt à l'emploi, a été ensuite récupéré, au XIXe et au XXe siècles, par d'innombrables sectes, dont certaines ont pu tragiquement défrayer la chronique .

Une littérature surabondante en a surgi, largement en réponse au goût du lectorat pour le secret et le mystère. Elle a contribué à nourrir la culmre populaire, principalement autour du thème du trésor enfoui. D'où la tentation, pour les localités où les Templiers ont séjourné, de jouer sur la fibre templière pour assurer leur promotion. Ainsi, à Gréoux les Bains, le château est-il attribué aux Templiers (alors qu'il date du XlVe siècle...), on y ttouve, comme dans d'auttes lieux en Provence, une me des Templiers; la tradition veut que le château y soit hanté par un templier enseveli dans un mur (Bertrand, 1979)... Une discothèque d'Aix-en-Provence porte le nom des Templiers, et a pu jouer de leur image stéréotypée lors de ses campagnes de publicité.

Le Larzac n'échappe pas à cette tendance: on constate, d'évidence, que les innombrables

' En 1987 s'est tenu à Poggibonsi, petite ville de Toscane, un coUoque scientifique intemational sur le thème "I templari, mito e storia", colloque organisé par l'université de Sienne, mais aussi par une Associat^one dei Cavalieri del Templo, fondée en 1979...

92 opuscules et ouvrages sur les mystères templiers se vendent particulièrement bien aux touristes

dans les librairies locales. Rien d'étonnant à ce que le roman historique, en particulier celui qui a

le Larzac pour cadre, fasse appel au mythe templier, l'entrelaçant volontiers avec le thème du

catharisme et de l'Occitanie médiévale: l'un des meilleurs exemples est certainement la trilogie de

P. Barret etj. N. Gurgand, Le Templier de Jemsalem, dont le héros, au nom évocateur de Guilhem

d'Encausse, est un jeune chevalier issu d'un château de la vallée de la Dourbie, et qui consacre sa

vie à l'Ordre... On peut également citer Arnaud des Ra/als et le secret du Templier, dont l'inttigue se

déroule à l'automne 1307, entre Montpellier et la commanderie de La Couvertoirade...

A la fin de ce voyage, où nous nous sommes aventurés dans les "lieux mytliiques du

plateau ", dans cette "terre où la légende est chez elle"", mais où c'est à "l'histoire locale des

Templiers et des hospitaliers" de recomposer "l'histoire particulière de ce territoire ", s'il y a un

mystère que nous voudrions éclairer c'est celui de l'agencement entte histoire et mythe. Certes, la

tâche pourrait paraître plus ambitieuse encore que celle de certains chevaliers partis vers des

terres inconnues. Mais c'est, justement, la familiarité du terrain, acquise tout au long de ce périple,

qui nous permettra de ne pas nous égarer.

Commençons par baliser le domaine de l'histoire, et quittons pour cela le Larzac pour le

pays voisin de Haute-Provence... Dans un article intitulé "Les Templiers à Gréoux ? Avatars

d'une légende ", l'historien Régis Bertrand montre comment, à partir du début du XVIir siècle,

le mythe templier, profondément enraciné dans la ttadition orale de ce village, a été affirmé par

des sources écrites, en acquérant par là une nouvelle légitimité. "A la fin du XIX' siècle, le mythe

est suffisamment attesté par la documentation imprimée pour que des émdits consciencieux ne

le remettent pas en cause". Pourtant : "Aucun historien n'a produit à ce jour la moindre preuve

d'archives de leur éventuel séjour dans cette cité." En 1959, après une recherche d'archives

approfondie, J.A. Durbec déclare : "On a voulu faire de Gréoux une importante place du

Temple. Nous savons qu'il n'y a rien à tirer des archives sur ce point..." Mais si, pour l'historien,

l'absence de preuves est, en elle, une preuve de la non existence des Templiers : "Il paraît de fait

presque impossible que toutes les preuves de l'existence d'une commanderie aient dispam", pour

l'émdit local, en la personne de Bernard Falque de Bezaure : "il n'y a pas de fumée sans feu ".

Posant ce proverbe en principe méthodologique, ce dernier soutient que : "les Templiers

possédèrent Gréoux durant 164 ans sur les 194 que dura l'ordre du Temple ! N'en déplaise à

certains !" et il faut lui démontrer qu'il a tort pour avoir le droit le contredire : "Ce que nous

- L'expression est dejean Gêniez, dans un entretien. ' 22/07/2001, .Midi Libre - Lhie histoire de Roc et de résistance. Larzac, une légende. Il s'agit de l'un des " objectifs fixés " par le CLTH dans sa brochure. 5 Bertrand R., \919, Annales de la Haute-Provence à Digne, n° 285, pp. 159-170. ° Falque de Bezaure, 1996, Sur ks traces des Templiers de Gréoux-les-Bains, Mallemoisson, Editions de Provence.

93 disons sur les Hospitaliers et Templiers de Gréoux peut êtte contesté. Nous l'acceptons, mais attention ! Qu'on nous démontre documents d'époque en mains, la preuve du conttaire." Dès lors, l'argumentation historiographique se ttouve renversée : au lieu de rechercher les preuves de l'authenticité d'une légende dans l'histoire, mieux vaut, selon Falque de Bezaure, "remonter à l'origine précise de la ttadition", ce "vestige archéologique" qui authentifie le passé.

Ce faisant, l'émdit local reprend à son compte les arguments des historiens de Gréoux pour qui : "Le château devient le plus sûr garant de la présence templière ".A entendre Régis

Bertrand :

apparaît nettement en effet que les Temphers furent considérés en Provence dès l'époque modeme - donc bien avant la diffusion de leur mythe par les écrivains préromantiques, puis les manuels scolaires et le roman historique, comme des constmcteurs légendaires d'éghses et de châteaux dont l'origine exacte était oubliée ou ne pouvait être reconstimée faute de documentation accessible [...] La tradition temphère ne fait donc que pallier l'absence d'informations précises sur le passé des monuments anciens [...] C'est g une défaillance de l'historiographie locale que la tradition s'efforce alors de voiler ."

Le mythe comme masque apte à combler les vides de l'histoire ? Bien qu'historiens et archéologues n'aient plus l'ombre d'un doute : "son château est du XIV siècle et ne peut donc

être Templier ", il n'en reste pas moins que : "les Templiers sont solidement installés dans la culture historique des habitants de Gréoux " :

" Les panneaux à bordure bleue des Monuments Historiques signalent le " château des Temphers " ; la " me des Templiers " y conduit, le touriste peut déjeuner à 1' " Auberge des Temphers ", consulter un rayon Templier assez foumi dans les librairies locales, acquérir une croix templière en céramique ou en cuivre émaillé ; on vendit naguère des confiseries templières, voire des faïences décorées de l'emblème de la Mihce très librement interprété ; en 1978 alors que le mythe est désormais ouvertement contesté, un restaurant vient de prendre pour enseigne " la Commanderie ".

Le lien que l'histoire entretient avec le mythe semble plus complexe. Il faut interroger les communautés locales elles-mêmes, en identifiant le jeu des différents acteurs - les représentants institutionnels, les populations autochtones et les visiteurs étrangers - prêter attention à leur discours, enregistrer leurs pratiques pour y jeter une lumière nouvelle.

L'exemple de Gréoux n'est pas un cas isolé. A Saint-Jean d'Alcas, une même insouciance pour la "vérité historique" chagrine Gisèle Bourgeois, qui a mené des recherches d'archives sur son village d'origine :

vous disais que l'on prend davantage conscience, mais que l'on veut aussi faire rentrer dans les appellations qui ont cours maintenant plus de choses que l'on peut y mettre. Par exemple, le Larzac Tempher et Hospitalier, c'est le Larzac de La Couvertoirade, la Cavalerie, Sainte-Eulalie de Cemon. Or, on y met Saint-Jean d'Alcas. Alors je crie et je rouspète. Ma voix ne porte pas aussi loin que cette terrasse. Nous sommes dans le pays Tempher, je trouve très bien l'e.xpression de pays Templier et hospitalier [...] Mais, à Saint-Jean d'Alcas, nous avons toujours été cisterciens et je me bats pour ce mot 'cistercien'. Pour notre dépendance, je récuse les Templiers et hospitaliers [...] Nous, les cisterciens sommes de 1098. Nous

'' Bertrand, op.dt. ^ Ibidem. ^ Demurger, 1 989, I 'ie et mort de l'ordre du temple, Paris, Editions du Seuil. 10 Ibidem.

94 avons neuf siècles derrière nous. Saint-Jean n'est pas devenu aussi célèbre que les autres, mais, qu'importe, Saint-Jean n'a rien à voir avec les Templiers, sauf que l'abbesse était en perpétuelle altercation avec eux, à Saint Paul, dans la vallée de la Sorgue. [...] Nous mettre Saint-Jean parmi les Temphers, c'est une faute inadmissible. Je suis historienne et je râle, je grince des dents, je ne peux pas supporter ça. L'intérêt qu'ont trouvé les hauts dirigeants, c'est de nous inclure dans le pays Templier. D'abord, c'était une gloire [pour] qui ne connait les Templiers, mais, également, un moyen de recevoir des subventions plus élevées. Le Larzac Tempher et hospitaher est un ensemble beaucoup plus touristique qu'autre chose. "

Ce qui vaut pour Saint-Jean d'Alcas, peut également s'appliquer aux auttes villages. André

Soutou, historien local, constate :

certaine tendance à attribuer aux Templiers des monuments qui leur sont étrangers. Par exemple, à La Cavalerie, le mur d'enceinte du village est qualifié... de " Rempart des Templiers ". De même, sur des panneaux tounstiques officiels, l'admirable ensemble fortifié de La Couvertoirade est baptisé de " Cité des Templiers " Or [...] aussi bien le rempart que la prétendue cité ont été bâtis plus d'un siècle après la suppression de l'Ordre ."

Néanmoins, ces monuments, signes ambigus d'un passé reco/fiposé, sont tenus pour garants de l'histoire : "Monuments et vieilles pierres sont les témoins d'un riche passé'^", "les murs épais des cités templières et hospitalières '" sont "chargés d'histoire". La Couvertoirade est appelée : "témoin vivant de l'épopée des Templiers ".Et l'on regrette que, témoins muets, les pierres de l'église de Sainte-Eulalie ne parlent pas (tout de même !) pour en témoigner :

11/08/1998 Midi Libre - Musiques et lumières envahissent l'église. Si les pierres de l'église de Sainte Eulahe pouvaient raconter leur histoire, elles pourraient narrer que depuis leur pose au XI' siècle de nombreux moines soldats firent le long voyage vers la Terre Sainte défendre le tombeau du Christ [...] Il est fort probable que les voûtes et piliers de I'éghse de la commanderie de Sainte-Eulalie, la plus riche du monde occidental, ont vécu des épisodes terribles de notre histoire et ont, en quelque sorte gardé en mémoire ces chants, cris et lumière du pourtour méditerranéen.

De la "tradition" comme "vestige archéologique", nous voilà passés aux monuments comme preuve :

25/08/2001 La Dépêche du Midi - Le passéprestigieux, du Larzac. Sous des dehors austères, le plateau du Larzac renferme les vestiges du glorieux passé des moines-chevaliers ...Derrière son apparente aridité, le Causse du Larzac recèle un passé glorieux à côté duquel l'on peut passer en l'ignorant totalement, celui des ordres Templiers et hospitaliers. Le plateau en garde aujourd'hui des vestiges admirables. Mais qui sont ces mystérieux chevaliers ? [...] Pour mieux les connaître, partons à la découverte des vestiges qu'ils nous ont légués. Quatre sites sont recensés sur le Larzac, particulièrement bien conservés et, qui plus est, dans un paysage préservé, presque en l'état où l'on laissé les demiers moines chevaliers...

Là réside "le caractère féerique et mythique du Larzac ", dans son êtte hors du temps, dans un temps autre, à l'abri de l'histoire. Là où cette dernière a provoqué des mptures, la politique territoriale du Conservatoire intervient pour faire l'unité d'un espace segmenté. Une

11 Soutou A., 1977-1978 " Le Larzac Templier et hospitalier ", Ménestrel, n° 16, pp. 6-12. 1- 24/07/1998, .Midi-Libre Rûde~: L'hjpocras, des sauveurs et un goût du Moyen Age. 1^ 2/04/2000 .Midi Libre - Millau : Sur France 3, le 22 et 23 avril Le Lar^^vc historique servi sur un plateau. i-* 12/08/98 Midi-Libre - Leplateau du Lar^c "àla recherche du tempsperdu ". 1^8/11/1999 Midi Libre - Li Larzac, une terre d'expérience.

95 signalétique commune, d'abord, indique aux visiteurs de la région les villages qui font partie du " circuit du Larzac Templier et hospitalier " : Saint-Jean d'Alcas y est inclus, alors que Saint Felix de la Sorgue, possession hospitalière, mais ne faisant pas partie du Conservatoire, n'est pas signalé. La signalisation brouille les pistes de l'histoire, malgré les remontrances du représentant de l'ordre de Malte, L. Gerbeau, qui, s'adressant à Mme Thibault, la responsable d'un bureau d'étude : " ...lui faisait courtoisement remarquer que ce n'était pas l'histoire qui devait s'adapter aux panneaux, mais que c'était à ces derniers de s'adapter à l'histoire . " Toujours sur les traces des chevaliers - ceux qui, jadis, remontaient de la Méditerranée pour apporter du sel dans l'arrière-pays - la Route du Sel, une initiative de Jean-Yves Bonnet, parcourt les villages Templiers et hospitaliers les reliant les uns aux autres.

Mais l'unité de ce territoire placé sous le signe de la croix est assurée par toute une série d' "animations" à thème moyenâgeux et/ou chevaleresque. Nous en donnons, ici, quelques exemples :

1988, Editorial de l'Association "Les Amis de La Couvertoirade" Du 6 au 15 août, la Couvertoirade sera en fête : marché médiéval organisé par le syndicat d'initiatives, animation de mes. Sons et lumières, spectacles de danse se succéderont. Nous aurons pendant dix jours les danseurs de la compagnie TOP DREAMS [...] Les évolutions originales de ces danseurs transportent le spectateur [...] dans un monde différent, comme la visite de notre village fortifié entraîne l'homme du 20° siècle dans un merveilleux voyage hors de son temps. Alors, n'hésitez pas ! Venez, â la mi-août, rêver du passé et d'un autre présent â La Couvertoirade

1/08/1998, Midi Libre -Musiques et lumières en choeur à l'église. L'association Atmosphère propose un concert spectacle [...] Ce groupe musical qui vit son art avec intensité viendra à Sainte-Eulalie de Cemon le 12 août â 21h pour faire voyager le pubhc dans le temps et dans l'espace avec des musiques du Moyen Age et de la Renaissance, issues aussi bien de l'Occitanie que de l'Espagne, d'Italie ou d'ailleurs. [...] Sonorité anciennes, airs traditionnels occitans, musiques arabo-andalouses ou judéo-espagnoles, mélodies de Grèce ou de Turquie évoquent les pérégrinations des Troubadours et des bâtisseurs autour du bassin méditerranéen, convoquent l'histoire et la légende.

1 1/07/1998 Midi Libre - Causse et l 'allée. UneJète à la sauce médiévale [A La Cavalerie] Concocté dans le plus grand secret, le programme de la fête des 11 et 12 juillet s'annonce réjouissant [...] L'apéritif musical avec la batterie fanfare des Templiers et un repas médiéval agrémentent l'après-midi. [...] Feu d'artifice sur le tlième " Les Templiers " [...] Le dimanche s'ouvrira par le marché médiéval [...] Le défilé médiéval est prévu à 11 heures J...] Un repas avec jongleurs et cracheurs de feu, le concours de boules, et des animations de me compléteront le tableau.

2/07/98 Joumal de Millau - Animations Estivales. Les animations de l'été proposées par l'association le Tour du Viala-du-Pas-de-Jaux sont les suivantes : spectacle médiéval [...] animation gratuite par la troupe des Mandragons (combats historiques, jongleries, saynètes) [...] A 20h30, repas médiéval. Cette année encore, nous pourrons apprécier la cuisine médiévale avec ses spécialités aux épices, aux saveurs étranges, très colorées [...] Tout en écoutant de la musique et des chants médiévaux exécutés par les Mandragons...

"Animer ces lieux historiques au rythme des Estivales" était l'un des "objectifs fixés" par le Conservatoire Larzac Templier et Hospitalier :

19/07/2000 Joumal de Millau - Spectacle. Au temps des Templiers avec "Evrard des Barres" Restauration des pierres, mais aussi restauration de la mémoire avec le Conservatoire pour mieux connaître l'histoire de cet ordre du Temple [...] Une histoire enrichie par sa part de légende, pour conserver avec passion l'héritage [...] Hier mercredi, " Evrard des Barres " était à Sainte-Eulalie de Cemon. Demain [...] il sera à La Couvertoirade. Ce sera sa demière apparition de l'été. Mais il y aura à sa suite d'autres illustres

1'' Lettre de .Mr L. Gerbeau dans le rapport du comité scientifique. 1" Brochure du CLTH.

96 personnages qui poursuivront, dans les étés à venir, sur les pierres qu'ils ont dressées, la grande fresque historique des Ordres militaires.

"Animer" les "lieux historiques", toile de fond de toutes ces mises en scène du passé, signifie ranimer leurs anciens habitants, comme ce chevalier qui apparait, d'une ville à l'autte, et

" remémore " son temps. " Spectacle historique ", " Evrard des Barres " se veut une remémoration, comme les autres activités proposées par le Conservatoire : "en saison d'hiver sous la forme de renconttes, exposés, soirées contes, sur les lieux mêmes des faits et gestes des pauvres chevaliers du temple " "au c du patrimoine architectural restauré ", dans des villes elles-mêmes ressuscitées :

25/08/2001 La dépêche - Le passéprestigieux, du Larzac. La Couvertoirade [...] village qui semble tout droit surgi du passé. La cité est entièrement préservée, le paysage envirormant figé [...] beauté des paysages et des bâtiments et sentiment d'être transporté dans le temps...

Avec Evrard des Barres, spectacle conçu et réalisé par le Conservatoire Larzac,

"l'histoire revient hanter des lieux qui lui sont familiers ", mais cette histoire, c'est le rite qui la produit, en suscitant l'illusion de son existence par un double mouvement. Premièrement, il faut, par tout moyen, ranimer le passé :

26/07/2001 Joumal de Millau - Echos des remparts. Un beau spectacle. Une troupe d'acteurs et... de chevaux de bons poils, sous la direction de l'auteur Bmno Seillier, ont fait revivre dans l'ombre et les lumières, la grande épopée des Croisades et évoqué l'histoire du Temple.

8/08/1997, Jounal de Millau - Millau. Le sacre de la musique par les Croisés du Larzac Christian Galzin veut faire revivre la musique oubliée des Templiers [...] L'univers sonore des Templiers : l'oubhé de l'histoire.

17/08/1998 Midi Libre - Millau. Troubadours en lumière en plein choeur de l'église. L'ensemble Mosaica à Sainte- Eulalie de Cemon. Sonorités de luths, vieilles et clarinettes en roseau au village Tempher. Les instmments de musique anciens exhument du silence des sonorités revenant de loin [...] Mosaica a ainsi ravivé les partitions de l'époque des troubadours.

09/01/1999 Joumal de Millau - Sainte-Eulalie de Cemon. Les Templiers partent en croisade. Dimanche 17 et mercredi 20janvier 1999 [à propos de l'émission : " C'est pas Sorcier ", dont une séance a été toumée dans le "Larzac Templier et Hospitalier"] Sur la place du Touat-del-Mary régnait une agitation étonnante et une ardeur d'autrefois brillait dans les yeux de la Commanderie. Quelque chose, étrangement, semblait avoir ramené l'ordre des anciens jours. [...] Subitement, de 800 ans l'âme de la cité avait rajeuni. C'était sous Philippe le Bel [...] et l'on croyait entendre dans la Commanderie, les voix des moines chevaliers qui s'étaient endormies [...] C'étaient des voix très vieilles, longtemps ensevelies, mais qui n'avaient rien de funèbre. Sans doute celles des Templiers qui, pour leurs ennemis jurés, cachaient tant de secrets. [... ] Je rentrais, m'asseyais [...] Un château que dans une autre existence peut-être il me semblait déjà avoir vu et dont étrangement je me souvenais : il était une fois sur le Larzac, des moines Templiers qui vivaient dans un profond secret. [...] Aujourd'hui, le cinéma et sa magie vont dans une sorte de rêve, les ressusciter en leur rendant justice et raison.

1^ Brochure du spectacle "Evrard des Barres" 19 Brochure du CLTH. -0 10/04/2000 Midi Libre - Millau Ce passé qui se recompose... Harmoniser le cachet des localités. ^1 Brochure du CLTH.

22 Brochure du CLTH.

97 A lire ces extraits, on a l'impression que ce passé n'est convoqué que pour prouver son existence. Ces animations servent à raviver la mémoire "de pierres parfois oublieuses^^" que les notes de l'ensemble Mosaica semblent avoir le pouvoir de réveiller : "D'une certaine manière, les pierres de l'église livreront leurs secrets après des siècles de mutisme^"*". Tout est bon pour témoigner de ce passé'.

27/08/1998 Journal de Millau - Des trésors sous vosyeux. Deux expositions distinctes proposent des objets originaux du temps des croisades : - Les monnaies des croisades à la Cavalerie - Les poteries de la commanderie d'Avalleur à La Couvertoirade [...] Ces fragiles témoins des XII, XIII et XIV siècles ont été recueilhs par le Conser\'atoire Larzac Templier et Hospitalier [...] Chaque exposition est un condensé d'histoire, un pas vers la reconnaissance d'un passé que l'on rend présent.

Rendre le passé présent signifie le rendre tangible par ces objets arrachés à l'histoire. Le même souci anime ces tentatives, désespérées, de reproduire à l'identique "la vie quotidienne du

Moyen Age", comme par exemple celle de "remettte au goût du jour" l'hypocras, une boisson du

Moyen Age :

24/07/1998 Ahdi-Libre Rode~: L'hypocras, des sauveurs et un goût du Moyen Age. Certains diront que les pierres restent toujours des pierres et qu'il est toujours difficile d'en faire ressusciter un souffle de vie et une chaleur. [...] Il n'est pas toujours facile d'apprécier les saveurs de l'époque, la façon de vivre au quotidien, d'en partager la vie...

Tout comme, également, ces "marchés du Moyen Age", ces "joutes" et ces "repas médiévaux" qu'on aurait tort de considérer comme des simples manifestations du folklore :

25/07/1998 Midi Libre Aujourd'hui et demain, fîtes de Saint-Christol à La Couvertoirade... Au programme samedi marin, un marché régional [...] L'aprés-midi verra le village revivre au rythme du Moyen Age, avec des animations médiévales. Enfin le soir, â l'occasion du trentième anniversaire de l'association, les personnes intéressées pourront prendre part à un repas médiéval.

12/08/98 Midi-Libre - Leplateau du Larzac " à la recherche du temps perdu ". [La Couvertoirade] Un spectacle mettant en scène saltimbanques, acteurs et chevaux est offert quotidiennement Ces représentations gratuites [...] retracent des scènes de la vie quotidienne mrale au Moyen Age.

19/08/98 Midi libre - Ce soir à 21 heures à Sainte-Eulalie de Cemon. Un retour vers le passé féodal La cité templière revient ce soir sur les grandes heures de son histoire [...] Le public a pu apprécier la qualité des joutes qui étaient effectuées par des cavaliers chevronnés [...] Cette manifestation permettra de renouer avec le passé chevaleresque de la cité templière et hospitalière...

"Renouer avec le passé chevaleresque", c'est annuler le travail de l'histoire pour revenir à un Moyen Age mythique, temps ancestral que les habitants des villes larzaciennes revivent au présent : " dans la célébration de la tradition templière ". C'est ainsi que "l'invention de la tradition" cautionne un passé tout aussi inventé c^'elle. Mais, "renouer avec le passé" signifie aussi revenir en arrière et une autre manière de produire le mirage d'un passé présent est celle d'effacer les signes de la modernité de ces cités moyennageuses ou, tout au moins, de les dissimuler. Voici quelques-uns parmi les "buts

-^ 10/04/2000 Midi Libre - Millau Ce passé qui se recompose... Harmoniser le cachet des localités. - Ihtdem.

18/07/1998 Midi Libre Les Templiers battent en retraite... auxflambeaitx.

98 principaux" de l'association "Les Amis de La Couvertoirade", tels qu'ils apparaissent dans l'Editorial de 1988:

- Financement du camouflage, par de vieilles pierres, d'une voûte en béton de la Tour Auglan. - Prêts à certains habitants pour permettre le remplacement rapide de leur toiture en zinc par une toiture en lauze. - Remplacement, dans la montée de I'éghse, d'une croix en fer sans valeur par une croix de pierre. Intervention auprès de la mairie et de l'EDF pour qu'un projet de hgne électrique aérienne avec poteaux de béton prévue à proximité des remparts soit remplacée par une ligne souterraine. - Installation d'une antenne de télévision collective permettant la suppression de si laides antermes individueUes, et au pavage, au moins partiel, de certaines mes.

Dans l'Editorial 1992, Jacques Teissereinc annonce :

De nouveaux travaux et aménagements vont être réalisés d'ici l'ouverture de la prochaine saison touristique : l"' tranche de la réfection des mes, prévoyant des gaines souterraines pour l'électricité et le téléphone, camouflage en bois du plafond bétormé de la maison de Scipione, placement de plaques en altuglass permettant aux touristes de mieux s'orienter et de ne pas oublier dans leur visite quelques-uns des plus beaux vestiges de notre passé, réflexion en pierres de l'escalier du ^te d'étape si malencontreusement réparé avec du béton, etc..

Renversant la logique séquentielle au fondement de l'Histoire comme discipline savante, les acteurs sociaux reconstmisent le passé, et en vérifient par là l'existence, à partir d'un présent qui en aurait gardé la mémoire. Cette mémoire que l'on veut "historique", on le sait bien, est elle même le fruit d'une illusion entretenue par la politique patrimoniale du Conservatoire. Vivifiée par des rites qui prennent l'apparence trompeuse de la "tradition" ou de l'héritage", c'est un ordre mythique qu'elle produit à son tour. Le mythe comme masque d'une histoire défaillante ? On dira plutôt, à la lumière de tout ce qui précède, que l'histoire est le masque que revêt le mythe... au pays des Templiers.

Politique du passé et territoire

L'intmsion du politique - dans sa version départementale - dans le mouvement de patrimonialisation installe de nouveaux enjeux pour le lieu dont il s'agit désormais de gérer le passé. La réalisation du projet du Conseil Général de l'Aveyron implique d'abord l'inscription d'une nouvelle symbolique au coeur d'un territoire qui en a déjà été saturé. Deux histoires locales sont désormais amenées à coexister en un même lieu (même si leur cohabitation sur le terrain est facilitée par le fait qu'elles sont reliées à des parties du Larzac qui ne se chevauchent pas véritablement: d'un côté le nord du plateau, de l'autre les "cités templières et hospitalières", plus

à l'ouest et au sud). L'histoire récente du Larzac, qui a été "faite" par des acteurs toujours présents, agriculteurs autochtones mais aussi, largement, néo-mraux, et qui relève essentiellement de la mémoire, doit se confronter à une histoire plus ancienne, en quelque sorte "réactualisée" par le pouvoir notabiliaire départemental, et qui se fonde sur l'argument patrimonial... Par là

99 mémoire et patrimoine apparaissent comme deux formes sociales d'appropriation et d'interprétation du passé qui peuvent être antagonistes.

Il faut cependant dire que le passé caussenard, dans la continuité d'une histoire plus longue, n'a jamais été évacué par le Larzac de la lutte. Lorsque la Jasse avait la volonté d'êtte un

écomusée, elle a organisé des expositions temporaires sur des thèmes divers, liés à la culture traditionnelle, au patrimoine architectural ou au milieu naturel (comme, à la fin des années 80, l'exposition intitulée "un paysage nommé Larzac"...).Elle a également mis en place, à côté du circuit des lieux de lutte, un circuit des habitations témoins de l'architecture caussenarde. Parmi elles, la somptueuse ferme fortifiée des Brouzes, rêve de pierre échoué à l'angle nord-ouest du plateau (classée en 1990). Certains éléments paysagers remarquables ont également été signalés, comme les bouyssières, qui permettaient autrefois, pour les habitants du Causse, un cheminement à l'abri de la neige lors des hivers rigoureux ou des ardeurs du soleil pendant les étés brûlants... Un colloque a même été organisé, pour le Bicentenaire, sur le Larzac pendant la Révolution.

Un panneau (qui comme tous les autres panneaux mis en place par la Jasse, est calligraphié en noir sur fond blanc) vaut d'être analysé : celui mis en place à l'enttée du hameau de La

Blaquière. La préhistoire, ainsi que l'occupation médiévale du sol, y sont soigneusement

évoquées. Il est fait mention de la présence templière et hospitalière, mais c'est surtout le versement d'une rente au commandeur qui est mis en avant... Puis c'est le thème de l'exode mral et de la dépopulation qui constitue la trame de cette histoire du lieu. Les années de la lutte prennent alors le relais, ce qui se traduit par un extraordinaire bourgeonnement du récit, qui prend l'aspect d'une chronique annuelle, voir parfois journalière: incursion des militaires, actions de "commando" des Larzaciens en lutte dans le camp, explosion de la maison d'un agriculteur, constmction de la bergerie "illégale, mais légitime", finalement inaugurée en 1982 par Michel

Rocard, tout nouveau Ministre de l'Agriculture...

Certains acteurs militants du Causse, héritiers de la lutte larzacienne justifient cette place faite à l'histoire récente, sans laquelle " on n'aurait jamais parlé de l'histoire ancienne...

L'extension du camp militaire aurait fait de ce secteur un vrai désert et la partie centrale du

Larzac n'aurait pas pu faire partie d'un projet touristique. C'est à partir du fait qu'il y a des gens y qui vivent, qui veulent défendre leur territoire, qu'on peut parler de l'histoire de ce territoire...".

Certains pointent même le risque d'une certaine instmmentalisation de l'histoire. Dans un contexte comme celui du Larzac, le fait de constituer les moines-chevaliers en porte-étendards du causse, au détriment d'une histoire récente marquée par une lutte politiquement ttès connotée, n'est peut-être pas neutre, permettant de promouvoir une autre image du Larzac, capable d'occulter celle actuellement répandue. Pourquoi avoir décidé d'insister sur l'héritage templier et hospitalier, qui procède en définitive d'une domination d'origine extérieure au causse,

100 au lieu de choisir des traces plus représentatives des créations de la population indigène, comme par exemple les mégalithes, dont la densité sur le Larzac est l'une des plus fortes de France (il est certain qu'en terme de généalogie, les moines-chevaliers s'inscrivent dans une impossible ancestralité...) ? Voudrait-on légitimer une présence militaire ancienne sur le plateau ?

"Par ce moyen là (i. e. le projet du Conseil général), on peut donner au Larzac une image autre, plutôt que celle de la résistance contre l'armée. Cela permet aussi de dire que l'histoire récente n'a pas existé et que c'était un accident... Mais en même temps c'est une chose grave de ne pas inscrire le Larzac dans une dynamique d'aujourd'hui. Il est plutôt pris comme un vestige du passé. Il y a une autoroute qui le traverse et on va voir dans trois ou quatre coins une espèce de Disneyland moyenâgeux et une histoire terminée. On va faire du Larzac un hors-sol historique. C'est foireux, des tmcs moyenâgeux il y en a partout. N'importe quel bled de France fait son marché moyenâgeux, c'est n'importe quoi. Un jour les gens, ils en auront marre parce qu'ils se sentiront fmstrés... (José Bové, été 1998).

Au delà de cette imposition d'une représentation du passé, peut-êtte est-il possible de repérer les modalités par lesquelles les mêmes pouvoirs locaux entendent insuffler de l'identité aux espaces administratifs qui constituent leur assiette électorale. En Aveyron comme ailleurs, le

Larzac templier et hospitalier "doit être compris comme l'une de ces multiples présentations du passé destinées à provoquer l'attention des touristes, à cristalliser une identité régionale..."

(Martin et Suaud, 1996). Mais cette identité qu'il s'agit d'imposer ne concerne pas le Larzac dans sa globalité. Il est facile de constater que le projet, alimenté par des fonds départementaux et régionaux, se coule en fait dans les limites administratives, qui partagent le Larzac entte une partie aveyronnaise et une partie héraultaise, qui sont en même temps une partie "midi- pyrénéenne" et une partie "languedocienne". Le thème templier et hospitalier ne sert même pas

à illustrer les liens qui unissaient le Larzac des ordres chevaliers au Midi méditerranéen : la commanderie de Sainte-Eulalie disposait de possessions dans ce qui est aujourd'hui le département de l'Hérault, elle était elle-même dans la dépendance à l'égard du Grand Prieuré de

Saint-Gilles...

L'opération est par contre plus " coulante " lorsqu'il s'agit d'intégrer au projet des sites non templiers et hospitaliers, comme Saint-Jean d'Alcas. on pourra objecter que le village de

L'Hospitalet a été dans un premier temps exclu du projet, alors qu'il est spatialement au centre du territoire concerné. Le village vient de doter d'un musée archéologique, en phase avec le souvenir de son curé F. Hermet, découvreur des statues-menhirs et inlassable analyste de la poterie de la Graufesenque... En phase également avec l'une des découvertes majeures sur son territoire de l'archéologie gauloise de ces dernières années : le Plomb du Larzac, plaque funéraire sur laquelle sont consignées les invocations d'une confrérie de sorcières du l" siècle de notte ère et premier texte écrit qui ait pu êtte exhumé en langue celte. Mais son intégration au projet ne saurait désormais tarder.

101 Le Larzac méridional reste définitivement à l'écart... De part et d'autre de la frontière départementale, les deux collectivités ne souhaitent pas collaborer à des projets communs...

Ainsi une Maison du pastoralisme va-t-elle voir le jour, dans le cadre de la charte Lodévois-Larzac et de l'Association des Causses méridionaux, certainement sans aucun rapport avec ce qui sera monté au Viala du Pas-de-Jaux dans le cadre du Conservatoire. . .

Ces clivages territoriaux et ces manques de continuité sont certainement contte-productifs pour le développement touristique : il semble en effet avéré que leur fréquentation des lieux obéit essentiellement à une attractivité différentielle des paysages selon les publics : les "Causses, canyons et cavernes" (vieille formule touristique), qui s'étendent par ailleurs largement dans les départements voisins du Languedoc-Roussillon, n'attirent certainement pas, du fait de leur sauvagerie, le même tj'pe de visiteurs que les verts pâturages de l'Aveyron aquitain ou mténois...

Le Conservatoire Larzac templier et hospitalier, conscient de ce problème de la structuration des flux touristiques, a finalement décidé d'intégrer ses sites à l'association "Causses-Cévennes-

Méditerranée" du réseau touristique Evasion plus, regroupant, selon la vieille territorialisation du guide Michelin, toujours valide quant à sa définition de parcours touristiques cohérents, une quinzaine de sites majeurs, de la montagne à la mer.

Peut-être est-il possible également de percevoir les reflets de ces contradictions territoriales dans certains jeux politiciens (plutôt que politiques), à l'intérieur même de la majorité départementale, qui tient solidement en main le pouvoir à cet échelon local, enjeux cristallisés autour des principaux personnages publics et des institutions qu'ils ont mis en place pour le contrôle du territoire. Car ces enjeux ne peuvent que s'articuler à la vieille opposition entre le

Sud-Aveyron et le reste du département (opposition naturelle et culturelle, mais qui peut prendre

à l'occasion une tournure politique). Il n'est un secret pour personne que le Conservatoire Larzac templier et hospitalier a été voulu par la tête de l'exécutif départemental, imposant une décision prise au centre du département à ses marches méridionales...

102 Conclusion

Qu'il nous soit permis d'abord d'exprimer quelques idées force, en revisitant quelques concepts fondamentaux auxquels nous avons eu recours . . .

1/ Qu'entendons-nous par le mot histoire ? Pourquoi ne pas se fonder sur les acceptions populaires du terme, et en tirer tous les bénéfices ? Notamment en employant l'histoire au pluriel. On se propose donc d'appeler histoire, parmi les contenus de conscience au ttavers desquels le passé est appréhendé dans le présent, tout rédt du passé qui installe une causalité narrative... L'une des formes particulières de ce récit pouvant prendre la forme d'un savoir savant, savoir qui peut en retour connaîtte une éventuelle appropriation populaire. La notion de rédt collectif, semble particulièrement efficace pour dépasser un certain nombre de difficultés, dans la mesure où elle sert à désigner toute relation d'événements organisés selon une logique séquentielle (succession des événements) et configurationnelle (sens attribué aux événements considérés. Ce récit est produit au travers d'éuvres et selon des modes d'énonciation ou de réalisation divers : productions orales et écrites, images, médias, spectacles, rituels. Chacun participe à sa production (en fonction de sa position singulière d'énonciation) comme à sa réception. Dans une société complexe, les récits collectifs multiples s'entrecroisent ou s'emboîtent, selon les divers horizons d'appartenance des individus qui la composent. Sur le

Larzac, deux grands récits collectifs se juxtaposent dans les mobilisations contemporaines du passé : le récit de la Lutte et le récit des moines-chevaliers.

2/Histoire/passé La définition de l'histoire comme récit permet de l'isoler d'autres formes de présentations du passé dans le présent, dont nous avons pu repérer différentes figures sur le terrain. Celles-ci s'inscrivent dans un appel généralisé aux sens : l'écrit laisse la place à d'auttes formes d'évocation (images, objets, spectacles, qui permettent à l'occasion, pour les acteurs impliqués, de rettouver une véritable expérience physique du passé). Un passé dense, compact, source d'émotion, où le cadrage chronologique cher à l'histoire importe moins que la valeur bmte d'ancienneté, voire d'usure (la fameuse " patine " de l'antiquaire, garantie de l'authenticité) : on retrouve là les propositions si novattices de Riegl, lorsqu'il livrait ses réflexions sur le " culte moderne des monuments. . . "

103 ?)/Une autre mémoire ? Nous avons souvent conçu la mémoire comme pratique sociale, procédant d'un lien symbolique qui unit les agents sociaux autour d'une représentation partagée d'événements passés, avec l'idée d'une relation sensible et affective au passé, résultant de ce que nous avons appelé, à la suite de P. Ricoeur, l'adhérence au présent. On peut alors concevoir la mémoire comme une mattice susceptible de perdre ses contenus, d'en recevoir de nouveaux, en usant des effets de l'extension métaphorique du concept de mémoire (biologie, informatique...).

Une nuance est alors à introduire entte la mémoire comme forme et le souvenir comme contenu, souvenir qui relève in fine, même s'il peut avoir une dimension collective, des psychismes individuels, et dont le contraire est l'oubli, alors que la mémoire, partielle et partiale, peut être volontiers oublieuse, même si elle se donne pour finalité ultime la fidélité... Mémoire qu'il est possible, en poursuivant la métaphore informatique, de " charger " de nouvelles données. Sur ce point précis, la conttibution d'E. Hobsbawm sur la " ttadition inventée " apparaît décisive : elle permet en particulier de s'interroger sur les matériaux livrés au public par les historiens eux-mêmes, et leur incorporation dans une mémoire qu'on peut dès lors qualifier d' "historique ". L'élément d' " invention " est là particulièrement évident, car le passé mobilisé n'est pas celui qui a été préservé dans la mémoire populaire, mais celui qui a été sélectionné, mis en forme, popularisé par ceux dont c'est le métier de le faire...

4/ Les phénomènes de "patrimonialisation" figurent parmi les modes collectifs d'expérience et contenus de conscience au travers desquels le passé travaille notre présent, et peuvent mettre en jeu le matériel et l'immatériel. On a souvent mis l'accent sur l'importance d'une matérialité, d'un espace, d'une trace : la temporalité se subordonne alors à cette permanence du lieu comme objet physique, et c'est à cette matérialité que peut s'accrocher une emblématisation des lieux

("citadelles du vertige" pour les Cathares, Ellis Island pour l'immigration aux USA, Gorée pour la

Traite atiantique...). Mais il y a aussi un rapport à l'immatériel, à l'invisible, où est en jeu notre relation avec ce qui est, par définition, évanoui, définitivement soustrait à l'existence. A la limite, il ne peut rien y avoir, ou rien à voir... Des bureaux d'étude ont été ainsi chargés de concevoir les nouveaux produits du tourisme culturel et sont parfois confrontés au vide. Lorsqu'il n'y a pas véritablement de trace matérielle, lorsqu'il n'y a que le lieu, on assiste alors à des tentatives de reconstitution du passé, comme le montrent bien l'exemple des centres d'interprétation à l'américaine, ou les actuelles scénographies du passé. On peut ainsi profller des catégories de patrimoine qui ne seraient pas simplement déflnies des objets /;/ situ, mais comme le produit d'élaborations intellectuelles. On peut souligner en ce domaine l'importance d'une histoire comme récit du passé, capable de légitimer de tels objets.

104 5 / Le prindpe de localité nous a servi de cadre de référence, car, nous le voyons bien, tout ce dont nous parlons est lié, dans une configuration particulière, aux lieux. "Rien n'aura jamais eu lieu que le lieu" (Mallarmé) : nous partons de l'hypothèse que la catégorie du local n'est pas préexistante, qu'elle doit êtte constmite, et que toute histoire, en tant que récit du passé, décrète sa propre localité. Revenons à l'histoire, en lui accolant cette fois-ci, de manière délibérée, le qualificatif de locale. Nous nous sommes heurtés au problème du partage, ou du non partage, entre cette histoire et celle des professionnels. Il réside pour l'essentiel dans un rapport différent

à la localité : l'historien savant, même lorsqu'il arpente les chemins locaux et vicinaux, le fait en embrassant un horizon général et comparé, ce qui l'amène à un questionnement très spécifique

(la micro-histoire apparaissant comme l'aboutissement actuel d'une telle posture..). Alors que l'émdit local cherche avant tout, par sa production, à épuiser la substance même du lieu, dans un désir éperdu d'appropriation et d'identification.

Un demier mot sur le "Lañarte ". Avant de correspondre à un espace, c'est un morceau d'histoire qu'une génération d'habitants a partagé de manière très affective. Marysette Tarlier, l'épouse d'un des leaders de la Lutte aujourd'hui dispam, a coutume de dire : "Je le répète souvent, je suis fière de nous ". Territoire symbolique renvoyant à de nombreux sentiments, il a contribué à une réflexion sur le problème de la terre, sur le rapport entre le respect de la biosphère et la gestion de la société. Par là, le Larzac n'est plus seulement un territoire, il génère des valeurs et cette terre devient représentante de ces valeurs à travers le monde. Cette

" extraterritorialisation " du Larzac préfigure en fait les événements actuels de la

" mondialisation ". Plus qu'une identité territoriale, le Larzac apparaît comme une identité idéologique puisque son réfèrent correspond moins à des objets liés au plateau qu'à son histoire qu'il exporte... Dans la boucle rétro-active de la lutte de 70-81 que nous connaissons depuis

1999, le Larzac militant semble évoluer au travers de combats perpétuels ; infatigable, il porte cette énergie comme bannière identitaire. Plus que la défense d'un territoire, il semble lié à la défense d'une conception de la vie.

Arrivés au terme de cette exploration, il est temps de nouer ensemble certains fils, en jetant un regard rétrospectif sur les voies que nous avons essayé d'empmnter, à savoir celles d'une anthropologie du passé et des " usages publics de l'histoire ", selon la formulation d'Habermas. Nous avons constaté l'existence de plusieurs figurations du passé concurrentes.

D'un côté un fort môle mémoriel, construit par un groupe héritier d'un combat singulier ; de l'autre un projet porté par le pouvoir local, dans sa version départementale, mobilisant une histoire locale ancienne. Une telle opposition n'est pas propre au Larzac, car souvent désormais

105 s'affrontent, en divers lieux, des mémoires particulières, qui servent d'ancrage ou de refuge à tel ou tel groupe ou secteur de la société, et des projets conçus par le politique, soucieux de conjuguer le passé au futur, puisque cette conjugaison doit générer une valeur ajoutée, tant symbolique qu'économique. Car à qui sont finalement destinés ces projets qui mobilisent de façon plus ou moins factice l'histoire locale (ce qui ne préjuge pas de leur impact, souvent appréciable, sur le public), ces opérations dont on voudrait qu'elles revitalisent des places assoupies par le recours à une " ressource " historique ? D'abord aux gens du cru, désormais installés en position de spectateurs par rapport à leur propre passé, qui ttouvent dans ces mises en scène matière à un enracinement et à une territorialité qu'on voudrait leur insuffler (l'un des moindres paradoxes de notte époque étant de saturer les lieux d'identité, au moment même où les individus deviennent de plus en plus nomades...). Mais aussi au visiteur virtuel, d'ici ou d'ailleurs,

à ce fantôme du futur, personnage potentiel, interchangeable, éminemment exploitable, butinant d'un lieu à l'autte à condition qu'on lui en garantisse la singularité... Or l'histoire locale est une grande pourvoyeuse d'identité et de distinction, fournissant justifications et légitimations aux appartenances et aux différences. Elle apparaît dès lors comme un instmment de première grandeur pour les nouveaux pouvoirs locaux, soucieux à la fois de légitimer leur emprise face aux divers particularismes et irrédentismes et de promouvoir, pour le plus grand bénéfice de leur image, les territoires dont ils ont la charge. Par une politique de régulation de la mémoire, par le recours à un récit du passé, par la mise en patrimoine, il s'agit de replacer l'institution administrante au centre d'un processus de reproduction sociale et symbolique dans les lieux qui pourraient lui échapper. L'enjeu étant, aussi bien pour l'institution que pour les acteurs sociaux, de s'assurer du contrôle de la re-présentation du passé dans le présent. Ce qui confirme à l'ethnologue, lorsqu'il aborde ces thèmes, que la fabrique du passé est éminemment politique.

106 Bibliographie

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109 Romans

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110 ANNEXES

Annexe 1

Exemples d'enttetiens.

Informateur: Gisèle Bourgeois Commune : Saint-Jean d'Alcas Date de naissance : 1911. Lieu de naissance ou origine : Roquefort, Saint-Jean d'Alcas. Profession : professeur d'histoire agrégée à la rettaite. Histoire de vie : Veuve, elle vit pendant l'année scolaire à Paris et vient avec ses enfants à Saint-Jean d'Alcas uniquement pendant les grandes vacances. La maison de Madame B. est à l'extérieur du Fort, mais la famille a aussi deux maisons à l'intérieur. Madame B, originaire de Roquefort, a eu ses enfants entre 1941 et 1950. Pendant la seconde guerre mondiale, elle n'est pas revenue à Saint-Jean. Elle a fait avec son mari de la résistance dans la région parisienne. Son mari était professeur de lettres classiques.

Entretien n° 1. Lieu : Saint-Jean d'Alcas Date: 07/08/1998. Contexte : L'enttetien a eu lieu dans le jardin de Madame B., dans sa maison à l'extérieur des remparts.

Je n'habite ici que pendant les vacances. Par mon mari parisien j'ai fait ma carrière aux alentours de Pans ou à Paris. Mais par ma famille paternelle et maternelle, j'ai des souches ici même : toute la famille jusqu'au 19e siècle se trouvait rassemblée dans un rayon de 19 km... Les plus hardis, un par famille, montaient à Paris mais les autres restaient cultiver la terre ancestrale. J'ai fait mon mémoire d'histoire sur Saint-Jean d'Alcas. Vous savez, avant les années cinquante, on faisait de l'histoire générale puis on s'est aperçu qu'il n'y avait de l'intérêt pour l'histoire générale qu'à travers l'histoire locale. Ma notoriété, elle n'est pas grande je ne l'ai pas cherchée, j'ai cherché plutôt les joies familiales plutôt qu'autte chose puisque j'ai six enfants. A Paris, c'était compliqué avec les enfants et les activités professionnelles, mais les vacances c'était sacré, soit on faisait un voyage, soit on venait ici et on lisait. Mon mari était un helléniste vraiment très fort et nous passions des heures à lire des archives. En licence d'histoire, de mon temps, on faisait un certificat de latin-grec pour pouvoir traduire les textes anciens. J'ai émdié le cartulaire de Nonenque. J'ai alors fait des recherches sur Saint-Jean d'Alcas. Pour vous parler de Saint-Jean, Saint-Jean remonte à l'origine des hommes : on ttouve des objets néolithiques, des scories de la période protohistorique. Saint-Jean apparaît dans le cartulaire de Nonenque puisque l'abbaye dont nous dépendions était l'Abbaye de Nonenque. Il y a, à l'intérieur du fort, à l'angle sud-est, une très belle maison qui s'appelle la maison de Madame, ou plus exactement la salle de Madame, c'est-à-dire l'abbesse. L'abbaye de Nonenque a été vendue sous la révolution. Elle a végété dans les mains de particuliers, on pouvait la visiter. Il y a des plafonds de bois sculpté, des plafonds

111 à la française superbes. Entte 1927 et 1931 des religieuses chartreuses du nord de la France qui étaient en surnombre dans leur monastère ont racheté Nonenque. Elles s'y sont installées mais leurs règles étant aussi dures que les cisterciens, évidemment on n'a pas le droit de visiter. Je peux vous dire aussi que Oleas veut dire terre labourable : c'est le nom ancien, je ne trouve Saint-Jean dans les textes qu'après l'an mille. Quand l'abbesse est arrivée, toute servitude a été abolie. Dans tous les domaines cisterciens la servitude a été abolie car le Christ a dit que tout les hommes étaient frères. Un lopin de terre était donné pendant ttois ans au tenancier, on ne payait pas d'impôt mais si la terre ne produisait pas suffisamment on la reprenait pour la donner à d'auttes ; cela se ttouve dans les domaines cisterciens cette distribution de lopins de terre pour fixer les gens. C'est ainsi que les hameaux, les villages se sont créés ainsi que notte fort, qui est le modèle de la bastide. Sur et autour du Larzac il n'y avait pas que les Templiers, il y avait nous (sic, i.e. les Cisterciens), les Hospitaliers et aussi les Bénédictins à Nant.

- Qite pensez-vous du conservatoire Lanzac Templier et Hospitalier, cette stmcture de mise en valeur du patrimoine lancée par le Conseil Général ?

Je le connais ttès mal, je connais Monsieur M., je connais quelques autres personnes mais je ne suis pas assez souvent ici. Quand on me demande de faire une conférence je la fais mais je ne peux suivre les efforts journaliers de confrères, consoeurs ou des gens qui sont chargés de promouvoir ce patrimoine. Je trouve que l'idée est excellente, que les premières réalisations sont prometteuses mais je n'ai pas d'opinion personnelle. Je trouve que c'est bien, mais je ne peux pas l'analyser véritablement. D'abord, j'ai 87 ans passés, deuxièmement je traîne les jambes, et troisièmement je ne conduis pas, ce sont des handicaps pour me mêler à la vie actuelle. En plus, je ne suis accrochée que par périodes à la vie du pays. Cette vie du pays je trouve qu'elle s'est améliorée considérablement. Les gens étaient durs au travail, le travail était souvent difficile et on ne voyait plus que cela. Un des compliments qui m'a fait le plus plaisir : après une petite intervention de mes pairs et moi- même des gens de l'assistance ont dit : "et dire que nous vivions autour de toutes ces beautés et que nous nous ne les voyions pas ; nous les avions sous les yeux mais justement on les voyait trop et on n'en saisissait pas la beauté. " Et bien je crois que maintenant les gens se rendent compte, ne serait-ce que par les contacts avec les touristes qui viennent et s'émerveillent souvent. Ils commencent à voir ce qu'ils ne voyaient pas avant c'est à dire la beauté de la nature, et à se rendre compte de la chance qu'ils ont. Alors qu'avant c'était la malchance parce qu'on envoyait un membre de la famille à Paris pour que les autres arrivent à se nourrir ou à vivre sur le pauvre lopin de terre que l'on avait. A mon avis la confection si je peux dire d'une entité Larzac Templier et Hospitalier c'est très bien. Mais de notre côté, eh bien cela limite ! Dans le désir de rester dans le sujet on arrive à faire des erreurs. Par exemple vous avez vu notre village, notre fort, il est en tout point superbe. J'ai fait mon mémoire dessus, j'ai fait des études qui ont pam dans les Annales du Midi. Et bien je vous disais donc que l'on prend davantage conscience, mais que l'on veut faire aussi rentrer dans les appellations qui ont cours maintenant plus de choses que l'on peut y en mettre. Par exemple le Larzac Templier Hospitalier, c'est le Larzac de la Couvertoirade, de la Cavalerie, de Sainte-Eulalie de Cernon. Hors on nous met Saint-Jean d'Alcas, alors je crie et je rouspète : ma voLx ne porte pas plus loin que cette terrasse. Nous avons ici à cinq km, la grosse commanderie hospitalière d'avant la Révolution (Saint-Félix de Sorgue). Nous avons près de Saint-Rome du Cernon, Sainte-Eulalie du Larzac. Autrefois on disait Sainte-Eulalie. du Cernon parce que le Cernon y était presque à sa source maintenant pour la ranger dans le Larzac on l'appelle Sainte-Eulalie du Larzac. Mais à Saint-Jean d'Alcas nous avons toujours été cisterciens, et je me bats pour ce mot

112 cistercien. Le cartulaire de Nonenque qui est un ttès gros volume en fait amplement la preuve. Les Cisterciens ont joué leur rôle ici, il y avait tout de même six abbayes cisterciennes dans l'Aveyron. L'une était la fameuse abbaye de Nonenque, une autte était Sylvanès. Alors vous comprenez, nous les Cisterciens sommes de 1098, nous avons neuf siècles derrière nous. Saint-Jean n'est pas devenu aussi célèbre que les auttes mais qu'importe Saint-Jean n'a rien à voir avec les Templiers sauf que l'abbesse était en perpétuelle altercation avec eux à Saint-Paul, sur le plateau de Mascourbe, dans la vallée de la Sorgue. Dans la brochure de Monsieur M., il n'est pas dit que Saint-Jean est cistercien. Dans les affiches que l'on donne aux touristes, Saint-Jean est en demière position ce qui est normal parce que moins important que la Cavalerie, que la Couvertoirade. Mais nous mettre Saint-Jean parmi les Templiers, c'est une faute inadmissible. Je suis historienne et je râle, je grince des dents je ne peux pas supporter ça. L'intérêt qu'ont trouvé les hauts dirigeants, c'est de nous inclure dans le pays templier, d'abord c'était une gloire (qui ne connaît les templiers ?) mais également un moyen de recevoir des subventions plus élevées. Le Larzac Templier et Hospitalier c'est un ensemble beaucoup plus touristique qu'autre chose...

Vous avez ^^^ contactée par le Conservatoire ?

J'ai rencontré Monsieur Miquel, on m'a demandé de faire des conférences. J'en fait une pour la commémoration de la fondation de Citeaux. Monsieur Pressouyre (Président du Comité scientifique du Conservatoire), c'est un professeur de l'Université de Paris, il doit être à la retraite maintenant, mais il n'y connaît absolument rien, il est venu pour la première fois ici il y a trois ans.

-Certains membres de ce comité avaient exclu Saint-Jean du circuit..,.

Moi, je le veux bien que Saint-Jean ne soit pas dans le circuit templier, évidement cela risque de faire une ponction dans les crédits qui nous sont alloués mais moi je préfère la vérité historique au reste et ça c'est la vérité historique. La réalité historique ce n'est pas encore le tourisme, c'est Roquefort. Les troupeaux de brebis ici ont toujours fait du lait pour Roquefort. Toutes les femmes ici y allaient travailler comme cabanières. Roquefort est à 6 km, en descendant ce chemin, (il est goudronné jusqu'à notre maison puisque la loi fait au maire obligation de goudronner jusque devant la porte de la dernière maison du village) on allait à Roquefort en une heure de temps. Vers 1920, il y avait des religieuses qui avaient installé une sorte de cantine et de dortoir pour recevoir les jeunes filles du lundi au samedi et elles revenaient passer le dimanche. Mais il y avait des femmes qui allaient travailler chaque jour en rentrant matin et soir. Pour les hommes ils sont allés sur des grands centres comme Montpellier, Toulouse. La pression de Paris existe mais elle est moins importante que dans le nord de l'Aveyron.

- vous avez ^^^ relations avec d'autres historiens locaux ?

Je connais Monsieur A., vous pouvez le contacter de ma part, mais alors il est plus bavard que moi. Lui, sur les questions modernes, il s'y connaît plus que moi. Moi je suis médiéviste, on ne peut pas tout faire, je n'ai pas une vision d'ensemble. Je me suis occupée de mes enfants, j'ai été professeur et je ne me suis remise à la recherche qu'à la retraite. Il y a aussi le directeur du collège de Millau qui s'intéressait aussi à l'histoire locale, il est maintenant à Sainte-Eulalie, je le connais mais je ne me rappelle plus son nom. Il y a aussi

113 à Millau le groupe qui s'occupe des antiquités gallo-romaines avec A. V.. Vous avez plusieurs livres sur le Larzac, dont celui du Larzac terre méconnue, avec une bonne bibliographie. Maintenant je crois qu'on est dans une période de stabilité, au niveau de la production de ttavaux sur l'histoire locale.

- vous pensez 1"^ les gens de Saint-Jean ontpris consdence de leur histoire ?

Ici l'agriculture est assez importante pour qu'il n'y ait pas besoin d'autre chose pour l'instant cela leur paraît plutôt un divertissement. Nous sommes un village de paysans par excellence.

Informateur: José Bové Commune : Hameau de Montredon Âge : 45 ans Origine : Bordeaux Profession : Agriculteur Histoire de vie : voir début d'enttetien.

Entretien n° 1.

Lieu : Montredon Date : 06/08/98 Contexte : J'avais rencontré la première fois José B. lors d'un des marchés de Montredon. Nous avons pu avoir un entretien une semaine avant son départ pour Papeete. En effet José B. ainsi que ttois autres " larzaciens " comme les appellent les coupures de presses ont été convoqués par le juge d'instmction de la préfecture tahitienne pour "entrave à la navigation ou la circulation des aéronefs " sur l'aéroport de Faa'a le 6 septembre 1995 en manifestant contre les essais nucléaires français.

Je suis installé à Montredon depuis février 1976. On s'est installé ici avec mon épouse Alice M. et notre fille aînée qui avait deux mois. On s'est installé dans le cadre de la lutte contre l'extension du camp militaire sur un secteur du Larzac qui était la propriété d'un spéculateur. Il avait acheté en 1970, il avait connaissance du projet d'extension. Il a acheté ici, sachant qu'il allait vendre à l'armée. On s'est installé ici, il a effectivement vendu à l'armée en multipliant par plus de 10 le prix d'achat donc de trois cent mille francs il a revendu plus de 4 millions de francs. Au départ on avait un élevage ovin-viande et rapidement on est passé à un troupeau ovin-lait-transformation fromagére avec après la lutte constitution d'une exploitation agricole avec ma voisine. Alice M. était animatrice au CIR (Centre d'Initiative Rurale) et à la CIVAM, donc elle a quitté l'exploitation pour faire cette activité salariée. En 1994, il y a eu l'association de l'exploitation de Montredon avec le GAEC de Saint-Sauveur : maintenant on est six associé sur deux exploitations réunies. J'ai quarante-cinq ans.

- Comment êtes-vous arrivé sur le Lanzac?

Je suis arrivé sur le Larzac avec la lutte contre l'extension du camp. En 1971, on faisait partie d'un réseau de soutien aux objecteurs, d'un groupe de lutte contre la militarisation et contre les essais nucléaires. C'est par ce biais là que dès 1971 on a été au courant et participé aux actions. On a participé entre auttes sur le terrain à la constmction de la Blaquière en 1974 et ensuite à toutes les activités du comité Larzac. Dans l'année 1975, on nous a proposé de nous installer à Montredon, dans le cadre de la lutte en collaboration

114 avec les paysans. On n'avait pas de grande formation, on s'est installé, on avait 22 ans, cela s'est fait sur le tas avec les gens du pays. Je suis originaire de Bordeaux ( sa fille fait ses études à Bordeaux en maîttise d'histoire sur les relations du port de Bordeaux avec l'esclavage).

-Pensez-vous que les différentespériodes historiques du Lanzacpeuvent s'articuler entre elles?

Moi, je pense qu'il n'y a pas d'incompatibilité. Je pense que s'il n'y avait pas eu l'histoire récente on n'aurait jamais parlé de l'histoire ancienne. L'extension du camp militaire aurait fait de ce secteur un vrai désert et la partie centtale du Larzac n'aurait pas pu faire partie d'un projet touristique. L'extension telle qu'elle était prévue comprenait les deux côtés de la nationale 9 du côté de Millau et descendait jusqu'à la Couvertoirade. Il n'y aurait jamais eu de projet touristique Templier-Hospitalier si le camp militaire s'était fait. Sans l'histoire récente, il n'y aurait pas eu de prise en compte de l'histoire passée, je crois que c'est la première chose. La deuxième chose, c'est l'histoire récente qui a fait que des gens se sont intéressés au Larzac. Avant c'était peu connu, à part les gens de la région. Hors l'histoire contre l'extension militaire pendant dix ans avec toute la symbolique qu'il y a eu autour, il y a des milliers de gens qui sont passés depuis pour voir ce que c'était. Je crois au conttaire qu'il y a nécessité d'articuler les deux choses. C'est à partir du fait qu'il y a des gens qui vivent, qui veulent défendre leur territoire qu'on peut parler de l'histoire de ce territoire et comment il s'est constmit petit à petit et ce qu'il y a eu. Je pense que les deux devraient s'imbriquer l'un l'autre. D'ailleurs c'est ce que nous avions fait avec nos petits moyens. Avec l'association, à la Jasse, on avait fait il y a quelques années une exposition sur le patrimoine architectural qui faisait effectivement allusion au passé. Et on avait aussi fait un travail sur le Larzac pendant la Révolution pour le bicentenaire. Pour ceux qui ont vécu la lutte, après cette période de lutte terminée, on a toujours cherché à l'inscrire dans la continuité d'une histoire plus longue. On ne s'est jamais contenté de parler du Larzac que sur ces dix ans là. On ne peut pas dire que ce soit la même chose pour les auttes inter\'enants. En fait la période récente ne nous fait pas peur, elle n'est pas porteuse de quelque chose de négatif En tout cas pour la majorité des gens qui viennent sur la région, ils sont demandeurs de ça, d'une vision positive. On n'est pas dans une vision : "ah quel gâchis c'est dommage que l'armée ne l'a pas eue." En plus acmellement on voit que l'armée vend tous ses biens, heureusement qu'on a gagné parce que le camp se serait agrandi pour rien.

l ""ous II' avezpas été contactépar le conservatoire?

Nous avons demandé qu'ils viennent nous expliquer ce qu'ils avaient l'intention de faire. Les deux responsables sont venus, mais c'est tout. Nous n'avons aucun contact avec le Conseil Général et avec la Mairie de Millau pareil, le Parc ce n'est pas beaucoup mieux... Tous cela ce sont des gens qui pour des raisons politiques ne veulent pas avoir affaire au Larzac {José Bové assode ainsi le Larzac à la lutte mais aussi à la communauté issue de la lutte. Construction d'une identité à partir d'un événement historique récent..^. Ils auraient l'impression de vendre leur âme. Donc le but est, par tous les moyens, d'empêcher le Larzac. Les activités qui peuvent être faites par les gens qui ont gagné ne doivent pas se développer... C'est aberrant, c'est tout ce qu'on veut, mais il y a vraiment une volonté comme cela. Or certains sont obligés de passer sur d'autres formes d'activités, comme les marchés d'été à Millau organisés par les producteurs. Au fur à mesure ils sont obligés de reconnaître qu'une dynamique économique a été créée. Cela a pris un certain développement et effectivement on ne peut pas passer outre. Donc, de fait, petit à petit, les choses se passent mais dès qu'il y a un projet institutionnel tout est fait pour écarter tout ce qui est associatif, et le Larzac

115 en particulier. Cela a été comme cela pour la constitution du parc régional, pour le tme templier et hospitalier, c'est systématique. L'histoire récente a été faite par des acteurs qui ne doivent pas êtte mis en avant de quelque manière que ce soit, surtout qu'ils sont toujours des acteurs... et pas dans un écomusée. Si les gens avaient arrêté leur combat, on aurait pu les intégrer mais comme ce sont des acteurs actifs, "ils" ne supportent pas...

-D'après vous quels sont les objectifs du Conservatoire?

Je pense qu'il a plusieurs objectifs. Il y a un objectif de politique politicienne déjà dans les guerres entre Rodez et Millau ou entre UDF et RPR, ça c'est clairement cela. C'est pour cela que l'on voit P. se pointer. Millau est écarté pour que G. n'y soit pas. C'est en même tant une relation plus complexe avec le parc régional, c'est à dire la relation P / Q. Donc c'est d'abord un enjeu de politique politicienne à droite, avec une reprise en main de la majorité départementale sur le Sud-Aveyron : c'est un problème d'ancrage de la droite. La deuxième chose c'est que si par ce moyen là on peut reparler du Larzac, on peut alors donner au Larzac une image autre, c'est à dire "Templier-Hospitalier" plutôt que celle de la résistance contre l'armée. Cela permet aussi de dire que l'histoire récente n'a pas existé et que c'était un accident... Mais en même temps c'est une chose grave de ne pas inscrire le Larzac dans une dynamique d'aujourd'hui, il est plutôt pris comme un vestige du passé. Il y a une autoroute qui le traverse et on va voir dans trois ou quatre coins une espèce de Disneyland moyenâgeux et une histoire terminée. On va faire du Larzac un "hors-sol" historique. Alors que l'histoire, on peut très facilement la lier aux activités agricoles pastorales... Lorsqu'on a fait l'exposition sur la Révolution il y avait des choses ttès intéressantes sur les conflits entte gens établis et ceux qui se sont installés sur la gestion du patrimoine. Il y a plein de chose, par exemple il y a un plan qui a été fait par la direction régionale de l'agriculture au niveau patrimoine pour classer des fermes, des exploitations, des hameaux en activité. Montredon a été choisi ainsi qu'une autre ferme. A partir de là, on a retrouvé des tmcs, des actes de vente, on est remonté jusqu'au treizième, quatorzième siècle. Ce sont des choses très intéressantes. Bon c'est complètement évacué alors que tout cela pourrait parfaitement s'intégrer dans un projet global où on allie le passé et le présent. Mais c'est clair qu'il n'y a pas cette volonté du tout. Si on allie le passé au présent cela veut dire que le présent et ceux qui sont là ont eu raison d'être là, alors que normalement ils ne doivent pas exister. C'est caricatural mais c'est quand même vrai, je sens ça au fond de moi.

- L'Histoire récente est évacuée mais aussi l'histoire avant les tenpliers, ily a vraiment sélection d'une période...

Oui parce qu'il y a l'aspect architecture, c'est facile les remparts parlent tout seuls, et en même temps curieusement c'est des ordres militaires que l'on parle. A la limite, c'est un pied de nez, c'est rigolo. On pourrait en faire justement un tme rigolo, par exemple sur les croisades en comparaison avec les croisés d'aujourd'hui (ceux qui se sont battus contre le camp et qui continuent la lutte). On pourrait arriver à confronter les époques et faire quelque chose de très intéressant. Voir comment en fonction de l'esprit du temps le lieu s'est inscrit dans l'histoire, cela peut être intéressant. Le problème de ce tme c'est qu'il y a plein de superpositions et il n'y a pas de vision globale du territoire à travers tous ses aspects. D'un côté il y a le parc, de l'autre le conservatoire, il y a le département... donc il n'y a pas de projet global, chacun y va de son côté ça n'a pas de sens. Et tout cela vient beaucoup déjà des conflits institutionnels entre les gens, ça ne peut pas avancer. C'est foireux, des tmcs moyenâgeux il y en a partout. N'importe quel bled de France fait son

1 Sur les mots "croisés", "croisades" une des chansons écrites pour la lulte dit : " l'enquête d'utilité publique nous a fait marcher sur Paris. Et nous voilà comme aux croisades, 26 tracteurs ont démarré... "

116 marché moyenâgeux, c'est n'importe quoi. Des tmcs comme la Couvertoirade c'est aberrant. Un jour les gens, ils en auront marre parce qu'ils se sentiront fmsttés.

117 Annexe 2

Extraits de la base de données " revue de presse ", année 2001

27/02/2001 Midi Libre -/. Gêniez " ^" <^'"¡lon solidaire "; Jean Gêniez, conseiller général sortant : " Les réalisations ont été nombreuses pendant ces six dernières années... Tout ceci est à mettre au crédit d'une équipe d'élus, socioprofessionnels, associatifs que j'ai su mobiliser autour de moi... Même s'il est fragile, le solde démographique du canton est positif et porteur d'espoir... Je noterai toutefois les effets sensibles perçus : le désenclavement, les communications routières, l'enttée de l'A 75 dans le canton et ce que cet équipement amène : zone d'activité départementale à la Cavalerie... Je crois beaucoup aussi à l'agro-tourisme avec la création de plus en plus visible de stmctures d'hébergements privées, publics, chambres d'hôtes, visites à la ferme... Dans ce domaine aussi, la mise en réseau de projets tels que les sites templiers et hospitaliers avec le circuit routier Sylvanès, Roquefort, la route des Seigneurs, le château de Latour-sur-Sorgue... Les manifestations culturelles et sportives et les événements majeurs dans la région contribuent aussi à l'allongement des saisons... Les associations cantonales, ADMR-AFR, chacune de leur domaine font un travail remarquable, avec dévouement. Je proposerai une réflexion sur la création de lieux de vie dans nos communes pour personnes âgées : de même dans le domaine de la famille envers les jeunes et adolescents.

28/02/01 Midi Libre - Alain Desjardin (l 'ert) sur le canton de Comus " Un élu ne doitpas penser à tout à la place des autres. "L'écologiste entend reconquérir la confiance durable des administrés. " L'élu... il doit tisser du lien, interpeller les gens sur ce quifait - ou nefaitpas - leur vie, organiser le débat d'idées... en établissant avec eux des rapports ordinaires etpermanents. " / Alain Desjardin, responsable de la commission agriculture des verts [...] " Je préfère penser que croire" commente-t-il, trouvant l'illustration à son propos dans la confrontation qu'il a habilement suscitée afin de solutionner la pollution de la pisciculture de la Sorgue. / Toujours dans cet esprit, le candidat des Verts ... suggère que les vallées de la Sorgue et du Cernon soient ouvertes aux visites ... " de façon douce, non agressive. " Par le biais des sentiers de pays jalonnés de haltes gastronomiques, artisanales, culturelles [...] Alan Desjardin entend impulser là aussi : " une prise de consdence et une responsabilisation citoyenne ". Et d'affirmer : " La loi sur l'eau doit être appliquée sur l'ensemble de la vallée... " // Lors d'une conférence de presse, Alain Desjardin a estimé que Jean Gêniez, conseiller général sortant, avait laissé partir à la Couvertoirade, le Centre d'interprétation du pays templier et hospitalier initialement prévu sur Cornus. " On est dans une logique de concentration des emploies et des richesses. Jean Gêniez "^ 'estpas battu. Sije suis élu, ce sera mon combat de revenir sur cette dédsion. "

14/03/2001 Midi Libre - La dté aux deux poumons à laquelle manque un c L'équilibre entre dté et hameaux, commerçants et agriculteurs, au caur de la campagne. " A La Couvertoirade, tout sefét dans la contestation et la douleur " ... dans cette commune du Larzac méridional qui, avec quelque 13000 visiteurs par an, est la seconde du département en matière de fréquentation touristique [...] 2 listes : " Pour l'avenir et la vie de la commune " et " Pour aujourd'hui et demain tous ensemble " / 166 électeurs / sept hameaux. / D'un côté, un gérant de société à la retraite. De l'autre, un enseignant retraité, émdit d'histoire locale, conseiller municipal sortant natif de La Couvertoirade... ses colistiers : militants associatifs et syndicalistes [...] Du côté de la liste " Pour la vie et l'avenir de la commune : " Nous ne souhaitons pas que le tourisme évohie dans des proportions que nous ne pourrions plus maîtriser. Nous sommes partisans... d'un tourisme respectueux du site qui... diffuserait plus vers les autres richesses naturelles du secteur, ainsi que vers ks hameaux qui doivent être intégrés au projet touristique de b dté... Cela redonnerait du lien sodal, de la solidarité et de la coniivialité à une commune qui a deuxpoumons... mais pas de caur. "

118 21/04/2001 Midi Libre - Tourisme. Avec k Conservatoire templier et hospitalier: des projets mis en ordres. Sur k Larzac, le conseil général se donne les moyens de ses ambitions. Le Conservatoire templier et hospitalier créé en 1997 s'est doté hier matin d'un nouveau conseil syndical. [...] Le président Puech a annoncé les principales évolutions que le Conservatoire templier et hospitalier allait enregistrer a court et à moyen terme. A commencer par la programmation des thématiques... l'ouverture du centre d'interprétation des ordres militaires (prévue pour l'été 2005) ainsi que le classement, sous l'égide de l'Unesco, de l'itinéraire templier et hospitalier au patrimoine mondial de l'humanité. / Le Conservatoire a pré\ai d'investir 100 MF dans la réhabilitation et la valorisation du patrimoine templier et hospitalier, y compris la réalisation du centre d'interprétation, ce qui a fait dire au président Puech : " Ce dossier fait partie des dossiers "locomotive" de l'Aveyron. Après "Micropolis" et "Noria" c'est l'une des grandes ambitions pour le département. "

27/04/2001 Centre Presse - Aveyron : Le templierfera toujours rêver... Un centre d'inetrprétation des ordres militaires et religieux sera créé sur le Larzac d'id 2005. ... Cet espace aura vocation a irriguer en terme touristique les cinq communes satellites signataires, en 1997, avec l'Etat du contrat de site majeur [...] Le temple comme locomotive... " Les gens vont forcement se raccrocher aux tenrplien parce que le temple reste un grand mythe. C'est la quête du Graal ; c'est kur fameux trésor. Parce qu'ils étaient à Jemsalem , ily a aussi une dimension ésotérique " Jacques Miquel, conseiller technique et scientifique du Conservatoire Larzac Templier et Hospitalier... " On va en quelque sorte démythifier, expliquer k pourquoi et le comment de ces ordres, donner au visiteur des pistes de réflexion, ; parce qu'il ny a pas de mystère ", nuance Jacques Miquel. / Difficile d'expliquer pourquoi les templiers prennent dans l'inconscient collectif cette part prépondérante au regard des quelques quinze grands ordres à vocation similaire étudiés par les historiens. ... L'ordre de Malte... est représenté au sein du CLTH : histoire de prévenir toute confusion... Le procès du Temple instmit au XlVe siècle ... Si les templiers sont alors accusés de renier le Christ, de pratiques magiques et sexuelles déviantes, les motivations sont plutôt à rechercher dans les besoins d'argent du roi de France et dans sa volonté d'affirmer la primauté du pouvoir monarchique sur le pouvoir pontifical. Jalousé par les autres ordres dans une période de très basse activité sur le front des croisades, l'ordre du Temple a, selon Jacques Miquel, fait l'objet d'une véritable campagne de dénigrement sur le mode : " A quoi servent les templiers ? " [...] Au-delà du grand public, le CLTH table aussi sur une clientèle de spécialistes ou d'universitaires et n'a pas exclu l'hypothèse de voir son centre d'interprétation fréquenté par des adeptes de l'ésotérisme : " Ce public ne s'est pas encoie manifesté à nous, mais il n'y a aucune chance que nous soyons noyautés... " Il n'en reste pas moins que le Temple fera toujours rêver...

27/04/2001 Centre Presse - Héritage templier et hospitalier. L'ordre de Malte veille au grain... En 1994, le comte de Pierredon et plusieurs autres personnalités de l'ordre [de Malte] avaient fait le déplacement à Sainte-Eulalie pour célébrer, en tenue d'apparat, le bicentenaire de la mort du Bailli Jean-Antoine de Riqueti-Mirabeau, dernier commandeur de la cité larzacienne.

28/04/2001 Midi Libre - Lanzac templier et Hospitalier: un avant-goût des "Estivales " 2001 [Recherche de figurants pour le spectacle historique : " Evrard des Barres, maître du Temple ". Les réunions d'information se tiennent dans toutes les " cités templières "]

22/07/2001, Midi Libre - Jacky lllacèque : Une histoire de Roc et de résistance. Larzac, une légende... Si l'on est sensible aux mmeurs du vent, au silence des pierres, c'est une terre où la légende est chez elle. Toutes les légendes, les plus vieilles. Les plus actuelles aussi... " Voici

119 le Larzac, la terre abandonnée. Les aubes y sont sans espoir, le crépuscule désespéré. (...) Enormes rochers pensifs, aux épaules lourdes, aux têtes de lion ou de philosophes, votte échine s'est accoutumée au mauvais temps. " C'est ainsi que Max Rouquette a décrit son Larzac [...]Le roc, le squelette de la terre partout affleurant, les silhouettes pétrifiées des grands fantômes de calcaire : [...] images telluriques. Le Larzac... un sas à franchir entte deux mondes, une sorte de seuil, plat comme la désespérance. [...] Une voie. Les templiers y sont venus bien sûr mais, moines hospitaliers, comme on vient en pénitence [...] La mémoire a pieusement recueilli le passage des chevaliers au lourd manteau et les hameau du plateau gardent en reliques ces fermes puissantes, ces murs austères et ces tours sans apprêt., levées de pierre de main d'hommes parmi les autres qui le sont de nature. / Et puis ? Et puis l'histoire s'arrête là. Celle qui met un H majuscule à ses chapittes. Le reste des siècles, la longue nuit des années appartient à ces hommes, à ces femmes âpres au travail comme tous les paysan de France [...] Roquefort, seule bénédiction du phte'àu...Labor improbus omnia vindt. Le travail opiniâtre triomphe de tout. Ainsi va Virgile sur ce plateau... / Touzçlles : k bU qui /èi^f Jadis, le Larzac fut terre à blé. La culmre reprend sous le no (déposé) de touzelle [...] Les paysans .. ont... resemé ce blé perdu. Belle histoire larzacienne (photocopie de l'article dans l'annexe suivante)

26/07/2001 Journal de Millau - Echos des remparts. Un beau spectacle. Une ttoupe d'acteurs et... de chevaux de bons poils, sous la direction de l'auteur Bmno Seillier, ont fait revivre dans l'ombre et les lumières, la grande épopée des Croisades et évoqué l'histoire du Temple.

28/07/2001 Journal de Millau - La Couvertoirade s'essaye à la démocratie partidpative. 120 jours après son élection à la tête de La Couvertoirade, Alain Desjardin fait le point sur l'action du nouveau conseil municipal. Une période marquée par la mise en place d'une méthode de " dialogue approfondi ". Alain Desjardin est militant " vert " de longue date [...] " Mal gérée, la Couvertoirade était une commune endormie , sans projets, sans politique. " D'une seule phrase, Alain Desjardin enterre le passé pour ne plus y revenir. C'est l'avenir qui le motive. " Ces 120 premiers jours, nous les avons occupés à faire l'inventaire de l'activité de la commune, gérer l'urgent et mettte en place une méthode et des stmctures en phase avec le concept de démocratie participative qui nous est cher. " ... le " nous "... une équipe composée de cinq femmes et de cinq hommes. / Les stmctures chargées de mettre en musique cette volonté sont traditionnelles : le conseil municipal, les commissions : " mais un conseil municipal qui a entrepris la visite de tous les villages et hameaux... / Mise en place de trois comités consultatifs composés de trois élus et de trois autres personnes de la société civile. Chaque comité travaille sur un secteur : environnement, agriculture ou tourisme.

3/08/2001 Midi Libre - Millau. Mercredi 8 août à Sainte-Eulalie de Cemon : Une immersion au Moyen Age. Sainte-Eulalie de Cernon arbore fièrement les couleurs de son prestigieux passé grâce au concours précieux du club de l'âge d'or et aux doigts de fée de ses membres qui ont su, en confectionnant des oriflammes aux croix savamment brodées, redonner à la capitale templière et hospitalière du Larzac un peu de son éclat d'antan. Un éclat toujours brillant, animant encore ses habitants qui se préparent à nous faire revivre le temps d'un jour tout le rayonnement de Sainte-Eulalie d'autrefois... Les plus endurants pourront se voir enseigner comment se prenait " la tostée " au temps des chevaliers qui arboraient fièrement le rouge et le blanc.

8/08/2001 Midi Libre - Millau, Aujourd'hui, de 10h30 à 22h, à Sainte-Eulalie de Cemon : La dté templière jongle avec son brillant passé Les melles du village médiéval rettouvent leur prestige d'antan. Sainte-Eulalie de Cernon, plus importante commanderie du Midi de la France. Un

120 passé que les habitants du village nous feront revivre toute la joumée d'aujourd'hui, à l'occasion de la journée médiévale. Au hasard des melles de la cité templière, le public découvrira des démonstrations diverses de savoir-faire anciens (forge, taille de pierre...) et s'amusera des pitreries des saltimbanques qui animeront de leurs jongleries et de leurs acrobaties flambantes, les vieilles artères de Sainte-Eulalie de Cemon. [...] les gourmets dégusteront les saveurs de la gastronomie locale (confimres, fromages) du marché d'artisanat.

9/08/2001 Midi Libre - Millau. Ce soir, à 21 heures, à l'église de Sainte-Eulalie de Cemon : "Métisser les voies et ks styles pour atteindre la perfection ", AB Joy : de l'amour et de la femme au Moyen Age " réunit des artistes hétéroclites. Une histoire où l'amour, la solitude, la violence, la guerre, la mort mais aussi l'espoir sont évoqués à travers des textes chantés et sélectionnés parmi les oeuvres des plus grandes poétesses du temps comme Hildegard von Bingen ou Beatriz de Die, mais aussi de plusieurs troubadours occitans et des Carmina Burana. / Le Moyen Age qui constitue une période longue de notre histoire est pris ici comme toile de fond [...] " Ce n'estpas de la musique de conservatoire [.,.] ni une reconstitution de musique d'époque, ni une quête d'hypothétique exactitude historique mais une création musicale d'aujourd'hui [..f C'est un spectack métissé avec dix instmments difféients qui se rencontrent pour offrir au public un voyage au perys des troubadours vers l'Orient et l'Ocddent, "

25/08/2001 La Dépêche du Midi- Le passé prestigieux, du Larzac. Sous des dehors austères, le plateau du Larzac renferme les vestiges du glorieux passé des moines-chevaliers. Derrière son apparente aridité, le Causse du Larzac recèle un passé glorieux à côté duquel l'on peut passer en l'ignorant totalement, celui des ordres templiers et hospitaliers. Le plateau en garde aujourd'hui des vestiges admirables. Mais qui sont ces mystérieux chevaliers ? ... Pour mieux les connaître, partons à la découverte des vestiges qu'ils nous ont légués. Quatre sites sont recensés sur le Larzac, particulièrement bien conservés et, qui plus est, dans un paysage préservé, presque en l'état où l'on laissé les derniers moines chevaliers. / Avec la commanderie, Sainte-Eulalie était le centre névralgique du territoire templier. Dans ce vallon bocager, le village clos de murailles a conservé ses ruelles étroites, une église romaine et le château du commandeur. Trois expositions enrichissent la visite du village. La première retrace l'histoire de l'ordre de Malte, descendant des Templiers. Une seconde sur les commanderies du Rouergue, et enfin, une présentation d'objets originaux datant du Xlle au XlIIe siècle. A la Cavalerie, on découvre un patrimoine que l'on pensait dispam avec la restauration de l'enceinte fortifiée érigée au XVe siècle... Une exposition unique en France présente des monnaies originales datant des croisades. [...] Au Viala-Pas-de-Jaux... une tour de dimensions impressionnantes... offre un panorama exceptionnel sur le Larzac. / Enfin, le site le plus connu et le plus visité, La Couvertoirade... le village qui semble tout droit surgi du passé. La cité est entièrement préservée, le paysage environnant figé... Un site majeur et un patrimoine exceptionnel. / Chacun des sites présente, outre un intérêt historique et patrimonial, un plaisir pour les sens : beauté des paysages et des bâtiments et sentiment d'être transporté dans le temps.

121 Annexe 3

Exemple d'article de presse

Midi Libre 22 ]uillet200\

122 Une histoire de roc et de resistance arzac, une légende

jacky VILACEQUE ré%'oltés avant lui. Mais ils avaient le nombre | la tradition d'une résistance que la mémoire c m s'en tient aux seuls chiffres, lective faisait tenir aux Cathares Mais le 1 t un désert : cinq habitants au zac ? Mais ces paysans qui, toujours, d'appa ce, avaient courbé l'échiné comme sous le > , 1 00 000 hectares et presque les grands rochers de Max Rouquette ? int de brebis. Mais si l'on est En peu de mois, le Larzac de\'int d'Etat, symbole, lieu de luttes, de fêti ibie aux rumeurs du vent, au ripailles. Les paysans n'étaient pas seuls J avait rejoints tout ce que la France pn ice des pierres, c'est une terre post-soixante-huitarde comptait d'utopist< " a légende est chez elle. Toutes changez-la-vie, de gauchos à guitares, aurait pu y avoir rejet, endémique méfiand Îegendes, les plus vieilles. Les ceux de la terre pour ceux des villes. Mais i actuelles aussi. Visite rêvée. c'est dans cette victorieuse lutte de années que se révéla cette race de payi peut-être sans autre exemple en France : i " é ans doute est-ce par lui qu'U faut com- r * mencer. Par ses mots à lui qui jamais comme ses béliers mais accueillante, majs| "' n'y vécut et qui, pourtant, en porte si ne d'tme espèce de fantaisie donquichott dont Léon Maillé, à cheval sur sa motocyd jî ,: fort la marque : * Voici le Larzac, la l¿ terre abandonnée. Les aubes y sont rouge, est l'incarnation quasi-physique. le crépuscule désespéré. (. . .) Enor- n va d'une ferme à l'autre, rigolard, invei ochers pensifs, aux épatâes Iourtes, aujc fauchant les prés de sa voisine par solid de lion ou de philosophes, votre échine prêtant la main à un démontage de McDol iccoutumée au mauvais temps ». C'est conviction, acceptant sans sourciller, luij vieux paysan, les innovations que les nouvfc [lue Max Rouqjjgtte a décrit son Larzac, de ses peres, palans qui, peu à peu, ont venus du plateau ont instaurées : les brelj lé au soi de quoi construire une maison par exemple, ne sortent plus que la nuit par c J moins fruste que les autres. N'en subsis- temps de canicule parce qu'elles mangent de ourd'hui que quelques murs et au linteau meilleur appétit Son voisin, à cent pas, s'appel¬ sorte, un étrange blason : deux corneilles le José Bové et quand il s'agit de refaire le mon¬ ées sur un arbre enraciné dans un dragon de le soir à l'heure de l'apéritif, lui l'ancien à grande barbe et l'autre le "nouveau" Larzacien agripé à même le roc... à grandes mous¬ taches, le refont Le roc, le ague- lette«dfija_terre vraiment. Ou r^aiiniit afflPii- tentent. Hier c'était . Des rant. les silhouet- Ainsi va Virale tes pétrifiées moutons pas des grands fantô¬ des canons -, mes de calcaire : aujourd'hui « A il semble que bas la malbouf¬ tout soit dit fe "OM* Le mon¬ ont quand on a dit de n'est pas une marchandise .. des raideurs ces images tellu¬ riques. Et que le ' On a toujours de stoïcien - Larzac, sec com¬ eu un peu le me l'est ce nom sens de ce qu'il claquant, ne soit fallait dire, îla : un sas à franchir entre deux mondes, explique LéoiL >rte de seuil, plat comme la désespéran- Et puis de la chance aussi : des cochons pas 0 000 hectares posées à 750 mètres d'alti- des canons, c'aurait été moins bien ». Méditerranée à ses nves sud. Massif Cen¬ Car s'il existe quelque part, à Davos ou à ses berges nord. Seattle, une ofTicine où se décident des OGM à vrai que le Larzac n'a rien laissé de planter, des mondialisations à décréter, des nt. de gracieux moins encore, au souve- hamburgers à décongeler, on aurait dû s'y méfier de cette tache blanche sur la carte où s hommes. Les Romains n'y ont construit ' voie comme s'ils avaient voulu le traver- une poignée de paysans et leurs 80 000 brebis us vite. Pas de villas aux douces mosaj- avaient déjà fait capituler l'armée française en pas de théâtres, pas de thennes, rien, rase campagne. On aurait dû y comprendre que rivoles sans doute à l'aune de ces paysa- de ce creuset jamais éteint allaient jaillir de HiLïoie. Les Templiers y sont venus bien nouveaux éclairs. Bové, malbouffe, roquefort ais, moines hospitaliers, comme on vient « Enormes rochers pensifs, aux épaules lourdes, aux têtes de lion, votre échine contre bigmac, bio contre OGM, Millau en juin avec ses 70 000 manifestants contre Davos en litence ou, ordre secret et opulent, com- s'est accoutumée au mauvais temps ». phoio d ur se garder derrière la rudesse du paysa- novembre avec sa poignée de Pdg et de minis¬ 1 ambitions du roi de France. La mémoire tres -sur-protégés... Ce ne .sont pas les symbo¬ bis sur les pelouses sèches pour que, un peu de qu'ailleurs, pas moins saignés par les grandes les qui manquent sur ce plateau. iscnient recueilli le pas.sage des clteva- vent, un peu de champignon bleu, se fasse re [U lourd manteau et les haineaûx du pla- levées des guerres - un homme sur neuf ne Et s'il y a un esprit des lieux qui se met à souf¬ fromage de K(H]uefon, seule bénédiction du revint pa.s de la Grande - plus résignés fler passé le Pas de l'Escalette, il est bien là, iinW'MI {'H fclKiijt'S t es tenues puissantes, plateau et seul hommage que les Romains, peut-être à l'ordre des choses... Peut-être... iiîrs ausiéres ei oes tours sans apprêt, dans cette cabocharde, joyeuse résistance au sous le stylet de Pline, rendirent à cette terre. Ainsi le croyait-on sous les ors des ministères I (le pierres de main d'honune parmi les fric, au toc, au prêt-à-penser, au prêt-à-planter Pas de beaux meubles à leurs femies, pa.-! de là-haut, loin, si loin dans ce Paris qui se disait Alors abandonnez la grande saignée de rA75, qui le sont de nature. sourires de pierre au fronton de leurs mai.sons. qu'il y aurait toujours assez de brebis pour que nouvel avatar de la voie romaine et de sa fréné¬ )uis ? Et puis l'Histoire s'arrête là. Celle Parfois un forgeron, oomme ici à Saint-Sau¬ le roquefort arrive sur ses tables. Alors l'armée sie à aller vite et empruntez les minuscules rou¬ *t un H majuscule a ses chapitres. Le res- veur, offrait à sa rampe d'escalier une extrava¬ prit ses aises sur le plateau. En bon voisinage tes que pointent des panneaux Fermes de l'est, slèfles, la longue nuit des aimées appar- gance de fer forgé mais c'était pour l'orner aus¬ d'abord. Puis avec de plus en phis de brttsque- fermes de l'ouest. Vous y croiserez les Larza¬ ces hommes, à ces femmes âpres au tra- sitôt d'une rigide formule latine : ÎMbor imj/ro- rie. Ju.squ'à ce que, en 1963, elle armonce que ciens en perpétueUe mouvance, vous y trouve¬ tmme tous les paysans de France, simple- bus omnia vincit. Le Iravail opiniâtre triom¬ désormais elle serait chez elle dans ce désert et rez des bosquets de pins et peut-être quelques plus qu'ailleurs rudoyés par la nature. phe de tout. Ainsi va Virgile sur ce plateau : que le camp, de 3 000 hectares, en engloutirait unes de ces quarante variétés d'orchidées sau¬ 4ui avaient la chéince de poser leur ferme même ses bouts de Georgiques ont des rai- 17 000. Alors il se passa quelque chose d'inima¬ vages que le plateau abrite. Car, oui, le Larzac a d'une doline de calcaire y faisaient pous- deurs de stoïcien. ginable : le plateau se souleva. Certes les voi¬ aussi ses fragiles beautés. Simplement, plus blé ; les autres laissaient paître leurs bre- Alors oui, des paysans. Plus pauvres sins du sud. viticulteurs au désespoir, s'étaient qu'ailleurs, ici elles se méritent

Au marché Touzelle : Pu ^B de Montredon le blé qui iève l-">- .;*''»>'--^ ^^^^^H ^^^^^^^H r '"'->.-^.7i Hm^^H ^^^H Nulle part peut-on mieux Jadis, le Larzac fut terre i blé. '' ^"'í ^^^^^K éf'*^ ;^^H sentir le c du Larzac La culture reprend sous le :'*^ 't-S,.. m ^^^H k^>..-. ^^mt qu'au marché de Montredon. .-^ PBq nom (déposé) de touzelle. r :C*^JUfJ m:im 1 Longtemps ce hameau fut Cela a l'intuative ae i inra, le foyer de la lutte. Tous les de la Chambre d'agriculture. mercredis, de 1 8 i 20 heures Mais aussi d'une artiste, ? ' "'.M ÛÂ s'y tient un marché qui est Edwige Koziello qui a p plus qu'un marché : toujours intégré le blé i ses Larzaciens et touristes sculptures. Les paysans l'ont êi s'y retrouvent autour accueillie, ont vu ses expos -^-fir*j de barbecues qui deviennent et resemé ce blé perdu. Belle W^ forums et lieux de fête. histoire larzacienne. Annexe 4

Exemple de récit historique local (André Soutou)

Menestral L'art des pays d'oc, décembre 1977

123 Tart des pays d'oc LE LARZAC DES TEMPLIERS

ET DES HOSPITALIERS

par André SOUTOU

Les Templiers ont depuis longtemps exercé une étrange attirance. Leur destinée tragique, les accusations monstrueuses portées contre eux, les richesses fabuleuses qu'ils auraient accumulées en ont fait des personna¬ ges légendaires, mystérieux et fasci¬ nants, dont la renommée a traversé les siècies. C'est ainsi qu'un écrivain anglais contemporain, auteur de nom¬ breux romans policiers, a appelé ¿i- mon Templar, alias Le Saint, le héros central de ses ouvrages : il s'agit, comme le fait pressentir le choix de /. son nom, d'un invincible redresseur de torts, pourvu de pouvoirs surhu¬ mains. Il semble que l'histoire des Templiers ait été déformée par des sentiments contradictoires. Les uns, frappés par l'injustice de leur sort mais naïvement réceptifs aux Calomnies de leurs bour¬ reaux les considèrent comme des hprgtiqiip.'; masqiióg pratiquant des rites ésotériques et se proposant de saper les fondements de l'orthodoxie catholique. Pour eux l'ordre du Tem¬ ple est une sorte de francjjnaçonnerie héroïque, en avance sur son temps. Pour d'autres, qui ne mettent pas en doute le bien fondé de leur procès, les Templiers sont des schismatiaues. et des pervertis, d'autant plus dangeu- reux qu'ils étaient puissants et dispo¬ saient de vastes richesses.

(Rgure 4). Le Viala-du-Pas-de-Jaux. Grenier Fortifié. L'Espérance. Fraaque du XVllô siède. (Chiteeu de Ste-Eulalle-de-Cemon).

des ennemis farouches ct incondition¬ nels des Templiers, elle se manifeste aussi dans le département de l'Avey¬ ron. Il y a quelque décades les chevdiers du Temple étaient présentés comme d'impitoyables seigneurs qui n'hésitaient pas à précipiter du haut des falaises du Larzac les malheureux bergers entrés par mégarde dans le domaine de la commanderie. Plus récemment, cn 1970, un rédacteur dc \ la Revue du Rouergue est même allé l ^ jusqu'à accuser «les sinistres Tcm- I ' pliers» d'être à l'origine de la dépopu- I ' iation du Larzac «en ruinant définiti- / vement le pays pour des siècles» (sic) . ' En réalité, comme le montre l'étude des documents historiques et des vestiges archéologiques, les Templiers du Larzac ne méritent, pour reprendre un mot célèbre, ni cet excès d'hon¬ neur ni cette indignité. Comme leurs confrères ct futurs successeurs les En ce qui concerne le territoire du même, sur des panneaux touristiques Hospitaliers qui se sont installés dems Larzac, la première école se manifeste officiels, l'admirable ensemble fortifié la même région en même temps par une certaine tendance à attribuer de La Couvertoirade est baptisé «Cité qu'eux, ils ont accompli tout simple¬ aux Templiers des monuments qui des Templiers» : or, comme nous~Te ment, conformément aux statuts par¬ leur sonTérrSñgers. Par exemple, à La verrons plus loin, aussi bien le rempart faitement clairs de leur ordre, une Cavalerie, ie mur d'enceinte du village que la prétendue cité ont été bâtis positive dont les effets bienfai¬ est qualifié par un écriteau municipal plus d'un siècle après la suppression sants se font encore sentir de nos de «Rempart des Templiers». De de l'Ordre. Quant à l'autre école, celle jours.

(Figure 1). Les Templiera (cercles vidée) et les Hospitalier: (cercles pleins) du Larzac.

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rtnt fcv CijLtlK»- t\\n t* m^inhtrr ïVn^jc , "Kittc oiitS íñi^'fi ~i tññ? %"!* 4flpetÍ«|.rAC---^ ^^|v^ -^¿m^^^^' Charte en ancien provençal. Grandeur nature. (Photo Archives de la Haute-Garonne).

carte-partie (figure 7) rédigée le 5 Ce mas, que tu as reçu et tiens de la dite janvier 1257 à Ste-Eulalie-de-Ccrnon commanderie, est compris dans les (Aveyron), siège de la Commanderie des confronts suivants, délimités par des Templiers du Larzac (Fonds de Malte des bornes : le four des Mourguettes, le archives départementales de la Haute- chemin qui mène de Ste-Eulalie à la Garonne, Ste-Eulalie, liasse 3, pièce Couvertoirade jusqu'au croisement du n" 97). chemin des pèlerins, le lieu nommé Lissorzil, les Courtettes, la limite du domaine que la famille Molière tient de la commanderie, Le Figairol, Puech Bri- dou, et le four déjà nommé. En plus de ce mas, de ses dépendances et de ses servitudes obligatoires, je te donne un devois limité par les lieux suivants : le lavagnol de Caubel, la grotte de Caussenuéjouls, la limite du terrain de B. Ricard, le chemin qui va au Faucon¬ nier et au Puech Bridou susdit.

Transcription Je te donne tout pour vingt sous de Melgueil que j'ai reçus et perçus de toi à Notum sit omnibus hominibus quod (22) ni n metías per amparamen ni per titre de bail, de telle sorte que je me anno dominice incamationis. M° CC L° demandament que bom ni femena te déclare bien payé et satisfait. Sans VII° Scilicet. Nonas Januarii. Eu (2) fezes en cort o deforas cort que (23) la compter l'impôt du quint, portant sur les fraire Peire Ramuns Comandaire que so dicha maisos e I fraire d ela I o redesso e I céréales récoltées dans les terres labourées de la maiso dei Temple de .Santa, eulalia o emendesson tot ses lot plach al teu de ce même terroir, à verser à la e per nom d ela. (3) ab cosseill dels fraires somoni- (24) ment. E done I o en totz los commanderie; ainsi qu'un setier de d eussa la maiso. Zo es assaber de fraire bes de la dicha maiso. E renuncie froment, à la mesure de Ste-Eulalie, qui y .B. de bordas preire. e de (4) fraire .W. scientalment a tot benifizi de me- (25) nor sera apporté à tes frais, comme cens aigii. e de fraire .P. gran, e de fraire .P. o de major près d acapte el de non avulz annuel, à la St-Julien. Plus une taxe d'un de la balma do per titol d acapte ver (5) deniers e de non receubutz. e a tot altre denier par sou, perçu sur toutes les ab aquesta carta publica per totz temps (26) dreg escrich e non escrich que contra ventes, à titre de droit de seigneurie. valedoira a te .Uc. trenquier e als teus per re de tot aquest fach sobre dich pogues Si la valeur de ce mas était ou pouvait far (6) totas tas voluntatz per aras e per pro tener a me (27) ni a la dicha maiso per être supérieure au montant du bail, la totz temps lo mas matfrezenc de Cassa- qual que maneira. E eu sobre digs .Uc. plus-value te serait accordée à titre de nuejol que la mai- (7) sos davant dicha a trenquiers. e eu .R. trenquiers (28) sos don. Et si jamais quelqu'un faisait en Larzac. Lo qual mas tenias e tenes de filis nos amdui essems per nos e per opposition ou présentait une réclamation la maiso sobre dicha. Lo (8) qual mas si nostres successors sabem e ab aquesta devant un tribunal ou ailleurs, la com¬ confronta e te del fom de las morguetas presen carta cofessam (29) a te davant manderie se porterait garante en ta tro el cami que eis de Santa Eulalia que dich .P.r. comandaire receben per la faveur. Et si pour ces deux raisons il dicha maiso nos esser home de la davant (9) va ves la Cobertoirada que fer el cami arrivait que tu subisses des pertes et qu'il romeu e tro en lissorzill e tro e las cortetas dicha (30) maiso e esser fizel ad ela. per te faille fournir quoi que ce soit, la aissi co s (10) part ab aquo deis moleiras totz temps. Actum in ecclesla sánele commanderie et son personnel te le que teño d eussa la maiso e tro el figairol Eulalie. In presentía magistri .P. cota. rembourseraient sans discuter, à ta e tro em puecb bnidol (11) e tro en eus lo (31) Alexandri. P. rubei sacerdotis. demande, en prélevant la somme sur Guillemi de fonte. J. de fonte, el fralnim fom según que va de bola em bola. Tot l'ensemble de leurs biens. Et je renonce aquest mas sobre dig ab totz sos (12) predictoram. El mei .R. carelli public! sciemment à toute taxe portant sur la pertenemens e ab totas sas servitutz no- (32) tarii Sánete Eulalie qui de valeur plus ou moins grande du montant degudas ab son deves que t done el mandato predictoram banc cartam scri¬ du bail et sur le non-paiement effectif de terrador dins las co- (13) frontatios que ps! et meum signum apposai, (seing la somme prévue, ainsi qu'à tout autre après si dirau contengut. Zo es assaber manuel) droit écrit ou non, qui pourrait favoriser dins lo lavainbnol de Calvel e dins la (14) d'une manière quelconque la commande¬ balma de Caussanuejol aissi co s part ab rie et moi-même en tout point de cette .B. rícart. e dins lo cami que va ves lo transaction. falchonier (15) tro en eus lo pueg ti do per Et moi, Hugues Trenquier déjà nom¬ .XX. sois de melgoires. que n ai avutz e mé, et moi, R. Trenquier son fils, nous receubutz de te per nom d acapte (16) si Traduction deux ensemble, en notre nom et en celui que m en tenc per be pagatz e aundos. E de nos descendants, nous déclarons et per lo quint que n deves donar a la dicha Avis à tous : en l'an du Seigneur 1257, proclamons par cette présente charte, maiso deis (17) biau que issirau de las le 5 janvier, moi, frère Pierre Raymond, devant le commandeur Pierre Raymond terras lacradas . en eus lo terrador. E per commandeur de la maison du Temple de déjà nommé, agissant au nom de la dite .1. sestier de froment que n deves donar Ste-Eulalie, au nom de la commanderie et maison de Ste-Eulalie, que nous prêtons (18) cadan cessai a la dicha maiso a la San en accord avec les autres frères, à savoir hommage à la commanderie et que nous jolia a mesura de Santa Eulalia, aportat a B. de Bordes, G. Alglin, P. Cran et P. de lui serons à jamais fidèles. la dicha maiso a lota (19) ta messio. E la Balme, je donne à titre de bail Acte passé dans l'église Ste-Eulalie en vendas per nom de seinhnoría per razo de véritable, par cette charte publique à présence de maître P. Cota, d'Alexandre, quec sol J. denier. E se plus val o plus jamais valable, à toi, Hugues Trenquier, de P. Roux, prêtre, de Guillaume de la pot valer (20) d aquest près sobre dig per et aux tiens, à ton entière disposition, Font, de J. de la Font, des frères nom d acapte done ti la mais valensa per aussi bien pour le présent que pour mentionnés plus haut, et de moi-même R. nom de do. E qui re ti ampa- (21) rava ni l'avenir, le mas Maffre de Caussenué- Carrel, notaire public de Ste-Eulalie, qui, ti demandava prometí ti que la dicha jouls que la commanderie de Ste-Eulalie à la demande des parties susdites, ai écrit maisos t en sia guirens. Si que re n perdías possède sur le Larzac. cette charte et y ai apposé mon seing. C'est ainsi qu'en 1152 ils se sont installés dans une région qui non seulement est placée au centre géo¬ COMMENTAIRE DU TEXTE DE LA CHARTE graphique du Larzac (cf. la carte de la figure 1), mais encore en constitue le lieu de -ieira et -ieu dons maneira ei La charte concetne ¡a ferme appelée cöur historique. C'est en effet aux ¡e Mas Trinquié (commurie de Ste- romeu) et des formes nouvelles qui se environs immédiats de Ste-Eulalie-dc- Eulalie-de-Cernor\) , située à 2,5 km du généralisent au cours du XlIIè siècle Cernon - dont l'ancien nom est Ste hameau de Caussenuéjouls (commutée ( uejol et - ier, au lieu de ojol et - eir, Eulalie de Larzac - qu'à l'Age du Fer de Cornus). En laissant de côté dans les deux toponymes cités plus (VI siède avant J.-C.) fut bâtie ia l'analiise détaillée des divers noms de haut). Il en est de même dans le grande fortification du Puech de Mus, lieu mentionnés dans le texte, remar¬ domaine grammatical -. si l'ancienne le seul ouvrage défensif de structure quons seulement sur le plan toponiimi- distinction du cas-sujet et du cas-régime préromaine que l'on rencontre sur que que cette ferme tire son nom actuel subsiste encore {opposition entre lo l'ensemble du Causse, en dehors des de celui du locataire indiqué dans l'acte quais et Io qual aux lignes 7 et 8), éperons barrés de la périphérie. Et de 1257 (Uc Trenquier) et que Causse¬ l'expression a te comandaire {ligne 29) c'est dans ces mêmes environs qu'a nuéjouls se présente sous une double n'est plus sentie comme une incorrec¬ été édifié au début de l'ère chrétienne forme : tantôt Caussanuejol (ligne 14), tion, alors qu'il aurait fallu écrire, en le .temple de Puech-Caut dont les tantôt, plus exactement et conformé¬ bonne règle, a te comandador. grandes dimensions indiquent qu'il ment aux mentions plus anciennes ainsi Enfin, sur le plan historique, il est était le plus important du plateau. qu'à son éti^mologie gauloise, Cassa- intéressant de constater que le village Avant les Templiers, le Larzac nuejol {ligne 6), c'est-à-dire 'défriche¬ de Ste-Eulalie était déjà assez peuplé médiéval formait une mosaïque hété- ment dans les bois de chênes". pour compter un notaire parmi ses roclite de possessions morcelées rele- On notera aussi, sur le plan linguisti¬ habitants et que le personnel de la vant de nombreux seigneurs laïques que, que la langue emplo\jée dans ce commanderie était composé de cinq ou religieux. D'un côté, des prieurés frères : nous savons par d'autres textes document présente un mélange de dépendant d'abbayes souvent lointai¬ traits phonétiques qui indiquent qu'elle que le frère Pierre Gran s'occupait de nes : c'est ainsi que la Panouse, a été écrite à une époque de transition : l'ensemble des troupeaux (comandaire l'Hospitalet, la Salvage et La Couver¬ del bcstiari), tandis que le frère Guillau¬ on y trouve en effet à la fois des formes toirade appartenaient respectivement anciennes, caractéristiques du Xllè me Aigtin soignait plus spécialement les aux monastères St-Martial de Limo¬ siècle {maintien de -eira ei de -eu, au juments (comandaire de las eguas), ges, Notre-Dame de Cassan (près de Roujan, dans l'Hérault), Le Loc-Dieu

UN REMEMBREMENT RATIONNEL dépenses qui leur incombaient de (près de Villefranche-de-Rouergue), et DU LARZAC valent être entièrement financées par Nant ; sans compter Ste-Eulalie elle- les ressources de leurs domaines pro¬ même dont l'église avait été fondée pres. C'est pourquoi ils ont multiplié par l'abbaye de Gellone, ancien nom de Comme on le sait, l'ordre militaire dans toute la Chrétienté leurs com¬ St-Guiihem-le-Désert. D'autre part, des Templiers a été crée au début du manderies dont les revenus étaient une vingtaine de châteaux-forts, tous Xlle siècle pour protéger les pèlerins d'autant plus élevés que leur gestion situés sur la bordure escarpée du se rendant en Terre Sainte et les était meilleure. Causse : parmi eux les plus redoutables (Figure 2). Sainte-Eulalie-de-Cemon. Château des Templiers (à gauche) et enceinte des Hospitaliers (à droite). avaient pour maître l'aggressif seigneur leurs pâturages, une population toujours Comme les Templiers, les Hospita¬ de Roquefeuil dont l'ancien md d'aigle plus nombreuse. Ces centres d'activité liers avaient bénéficié de nombreuses se dressait sur le rocher dit de St-Guiral se sont maintenus jusqu'à notre époque. donations ; comme eux, ils avaient - du nom de la chapelle qui en Sur le plan archéologique, les vesti¬ arrondi peu à peu leur domaine et dépendait-, dans le massif de l'Aigoual, ges matériels des Templiers n'ont été fondé des centres de peuplement à 1365m d'altitude. conservés que dans deux localités. durables. Malheureusement, pour la Pendant un siècle et demi les D'abord à Ste-Eulalie où le bâtiment de période antérieure à la suppression dc Templiers vont organiser méthodi¬ la conimanderie a gardé sa structure l'ordre du Temple, en 1307, peu dc quement leur commanderie en englo¬ primitive, c'est-à-dire un quadrilatère vestiges sont parvenus jusqu'à nous. bant peu à peu à leur établissement fermé, défendu aux angles par quatre St-Félix-de-Sorgue a été ravagé par initial les nombreuses terres qui leur tours dont l'une est formée par l'abside les guerres de religion, tandis qu'à La seront cédées par de pieux donateurs de l'église romane, tandis que l'entrée Bastide-Pradines le seul monument et en procédant par divers échanges - principale, face à l'est, est protégée par qui ait résisté aux vicissitudes dc notamment avec leurs voisins les des mâchicoulis sur arcs, comparables à l'histoire est légèrement postérieur à Hospitaliers de La Bastide-Pradines - ceux que l'on voit encore à l'abbaye de cette date. à un remembrement rationnel de leur Lagrasse (Aude) et qu'il serait possible C'est en effet vers le milieu du domaine. de restaurer (figure 2 ). Ensuite à la XlVe siècle que fut élevé dans cette Finalement, au début du XlVe Couvertoirade, où le château, de dernière localité un grenier fortifié siècie, la commanderie de Ste-Eulalie dimensions plus modestes, enferme destiné à conserver en lie« sûr le contrôlait une très grande partie du encore son ancienne chapelle à chevet produit des impôts en nature perçus Larzac. En plus du chef-lieu, elle plat. par le commandeur. Placé à l'extrémi¬ comprenait les membres de La Cava¬ té d'un éperon rocheux dominant la lerie, du Frayssinel (dont le siège sera vallée du Cernon (figure 3), il se plus tard transféré au village voisin du LES ENCEINTES DES présente comme une tour rectangulai¬ Viala-du-Pas-de-Jaux) et de La Cou¬ HOSPITALIERS re entourée par une grande muraille vertoirade. ovale et défendue aux deux angles Aiors que les abbayes se trouvaient nord-est et sud-ouest par deux échau- souvent en proie à des difficultés En même temps que les Templiers, guettes dont on distingue encore financières - tei fut le cas, par c'est-à-dire vers le milieu du XIIc l'emplacement. Ce système de fortifi¬ exemple, de celles de Gellone et du siècle, l'ordre des Hospitaliers avait cation, antérieur à l'apparition des Loc-Dieu-, les Templiers, grâce à leur aussi pris pied sur le Larzac. Son mâchicoulis sur corbeaux, se retrouve meilleure connaissance de la vie prati¬ principal établissement était situé en au château de St-Izaire (Aveyron), que, tiraient de leurs possessions de bordure du plateau, dans la vallée dc construit par l'évêque de Vabres dès substantielles ressources qui leur per¬ la Sorgue, à 12 km environ au la création de son nouveau diocèse, mettaient non seuiement d'augmenter sud-ouest dc Ste-Eulalie. Et c'est à en 1317. A l'intérieur, le rez-de- sans cesse leur patrimoine, mais enco¬ partir de cette commanderie de St-Fé- chaussée, entièrement voûté, et dont re d'attirer autour des nouveaux ch⬠iix qu'il avait crée au début du XlIIe la porte était spécialement gardée par teaux qu'ils avaient bâtis en plein siècle la maison de La Bastide-Pradi¬ une bretèche, servait d'entrepôt. Pour Causse, au milieu de leurs champs et de nes. accéder à l'étage où se trouvait la salle (Figure3). La Bastide-Pradineset son grenier fortifia (à gauche). -

11 (Figure 5). La couvertoirade : enceint! iKi^xtalien.

Contrairement aux ordres mona; ques contemplatifs qui vivaient retir dans leurs monastères, les Templit et les Hospitaliers étaient en conte- direct et permanent avec leurs comp triotes : paysans qui travaillaient à it côté ou seigneurs locaux qui aidaient de leurs donations et c venaient se retirer auprès d'eux à fin de leur vie. De telle sorte qu moitié par igrwrance - iis connaissaie mieux les métiers de la terre et d- LE DEVELOPPEMENT principale il fallait monter par un armes que le latin - , moitié p ET LA FIXATION escalier extérieur, de telle sorte que nécessité, ils avaient été amenés DE LA LANGUE D'OC l'entrée des appariements proprement employer dans les transactions juric dits se trouvait à plusieurs mètres ques qui constituaient la trame au-dessus du sol. Ainsi, les deux grands ordres mili¬ leurs relations sociales le lanjga. Un second grenier fortifié fut cons¬ taires de la Chrétienté médiévale ont quotidien de leurs partenaires les pT truit un siècle plus tard au Viala-du- donné au Larzac l'essentiel de son proches. Pas-de-Jaux (figure 4). De même visage actuel, tant au point de sa Ces chartes provençales, dont structure que celui de La Bastide-Pra¬ structure démographique que da sa plus grandes partie - qui date -du XI. dines, il en diffère cependant par sa parure architecturale. Toutefois il est siècle - n'a pas encore été publié couronne de mâchicoulis dressés au¬ un domaine moins apparent rnais constituent d'ailleurs, pour les gens . tour d'une plate-forme portée en beaucoup plus important dans lequel pays, abstraction faire de la mise par une vouîe à quatre pans, alors l'suvre indissociable des Templiers et valeur touristique des vestiges archiff que dans ie cas précédent le toit était des Hospitaliers mérite d'être admirée, turaux ou picturaux, le patrimo: en charpente, et aussi par son état non seulement dans le cadre géogra¬ spirituel le plus précieux et Ti p. complet d'abandon, à tel point que sa phique où elle s'est manifestée, mais fécond que ieur aient legué les Te: visite est dangeureuse. aussi à un échelon que l'on peut pliers ct les t-lospitaliers ou Larzac. i Mais l'héritage monumental le pius qualifier d'européen, dans la mesure effet, par delà leur intérêt historique spectaculaire de l'ordre des Hospita¬ où l'on reconnaît la profonde in¬ même philologique - il s'agit de pièc liers est constitué par les trois encein¬ fluence exercée par la civilisation originales qui dans la plupart des c tes fortifiées que l'on peut admirer de provençale du Moyen Age sur l'en¬ sont exactement datées et localisées nos jours encore dans les trois bourga¬ semble des pays occidentaux. elles enferment un immense trésor c des qu'avaient développées ies Tem¬ En effet, parallèlement aux trouba¬ noms dc lieu dont l'étude scientifiq'. pliers, leurs prédécesseurs. Construites dours qui ont consacré l'essor littéraire permettra, en complément aux reche toutes les trois au milieu du XVe du Midi de la France, les Templiers et ches archéologiques, d'approfondir ju siècle, elles offrent le même dispositif les Hospitaliers du Larzac, à un que dans les moindres détails topogr défensif. De longues courtines rectili¬ niveau plus terre à terre, ont joué un phiques la connaissance d'un très ancie gnes, défendues par un chemin de rôle décisif dans le développement et tertoir que les deux ordres ont consid-' ronde aménagé sans surplomb au la fixation de la langue d'oc telle rablement enrichi et embelli, sommet de la muraille, s'appuient à qu'elle était employée dans Ta vie André SOUTO chaque changement de direction sur courante, en particulier dans les très des fours pourvues de mâchicoulis sur nombreux documents historiques qui corbeaux. Elles s'ouvrent à l'extérieur ont été rédigés à cette grande époque par des portes pareillement fortifiées. (Xlle et Xllle siècles). Comme on le N.D.L.R. A titre bibliographiqu Les meurtrières qui protègent le circuit sait, ia grande majorité des chartes signalons les publications antérieures c des remparts sont prévues à la fois provençales qui nous sont parvenues même auteur sur les Templiers et ie pour les traditionnelles arbalètes et sonf^ônginaires de la region qui nous Hospitaliers du Larzac : Trois charte pour les nouvelles armes à feu. Si occupe. C'est là que la langue^des occitanes du Xlllè siècle concernant le l'enceinte dc La Cavalerie n'a conser¬ chancelleries, grâce à des institutions Hospitaliers de La Bastide-Pradine vé qu'une partie de ses courtines et sa efficaces" - telles que l'organisation (Aveyron), Annales du Midi, 1967; L porte Est, les fortifications de Ste-Eu¬ corporative des notaires de Millau - , a Couvertoirade, 1972; Le Larzac autoo lalie et de La Couvertoirade (figure 5), atteint peu à peu son plus haut degré de La Couvertoirade, 1973; La Corr grâce à l'action persévérante des com¬ de perfection, comme le montre, à manderie de Ste-Eulalie de Larzac munautés locales, ont maintenu pres¬ titre d'exemple, le texte inédit publié 1974; Les Templiers et l'ancien pre que entièrement leur aspect originel. en annexe. vençal. Annales du Midi, 1975.

12 00

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rt I-) Annexe 6

Tract appelant à la manifestation de Millau 30juin 2000

124 '^Se^^ 30 juin/ r juillet Ê mmMBm

Bienvenue à Millau

Le comité de soutien aux inculpés compte sur votre participation active et pacifique.

le 30 juin, âe 19 'h à 2 h. STEV0'snEN«J0ëi FAVREAU ZARAGRAF*Francis CARREL

n»np nAlff Oucuvraa Ma^lié fermier, forums, débats, RUDE BUY oYSTeIVI spectacles de rue ^ ^^i^l Annexe 7

La marche du Larzac de 1978 : couverture du document vtdéo produit en l>an 2000

LA LUTTE DU LARZAC 1971 - 1981

^v^cttt 7 10 Km URIAC ¥ n Annexe 8

Scènes du spectacle : La Révision du procès du Temple à La Couvertoirade. Annexe 9

Mythe et spectacle templier dans le Hurepoix

1 . Couverture de l'opuscule de présentation du spectacle : Le secret des secrets

2. Auto-ethnographie d'une participante, Ariette Hamon. . .

3. Photographies du spectacle

125 PROGRAMME LES TEMPLIERS À JANVRY ou quand un village s'invente une légende

J'ai un ami, maire d'un village de quelque 560 âmes, qui s'évade de ses activités politiques - il est également conseiller général et président de la communauté de communes - en écrivant presque chaque année une pièce qui s'inscrit dans la grande saga des "contes et légendes de Janvry", inaugurée il y a 1 8 ans. Ces textes sont ciselés sur mesure pour mettre en valeur tel ou tel trait des villageois-acteurs. Les dialogues, courts et vivants, contribuent, autant que le décor soigné et très réaliste de la "Petite Ferme", la bonhomie de la mise en scène et la naïveté des costumes, à recréer une vie de communauté médiévale. La trame, en revanche, est volontiers ésotérique. Soyons clair : notre maire-auteur est totalement mégalo. De pièce en pièce, Janvry se retrouve au centre d'un cercle magique, protégé par les initiés, passage obligé de toute quête.

C'est ainsi que durant cinq soirées de juin 2000, quelques 3 000 spectateurs furent transportés au soir de la Saint-Jean 1 307. Moment privilégié où leur fut confié "Le Secret des Secrets". Ce secret, quel était-il ? Peu de temps avant d'être arrêté, jugé et exécuté, Jacques de Molay, Grand Maître des templiers, passe par Janvry, déguisé en bateleur. Son but : vérifier si les villageois sont dignes d'être dépositaires du trésor des Templiers, ni plus ni moins ! Pour cela, il ne ménage pas ses provocations, les incitant tour à tour à la lâcheté, à la méfiance, à la xénophobie. Tous pièges que nos valeureux paysans, en ce jour de Saint-Jean et de noces campagnardes, déjouent avec une belle candeur. Bien entendu, ledit trésor n'est pas constitué de pièces sonnantes et trébuchantes ; il ne faut quand même pas pousser trop loin la tentation, même pour nos Janvrissois. C'est Arcana Arcanorum : la connaissance suprême qu'ont traquée les hommes, des bords du Nil à Jérusalem, du Mont Athos à la Sainte-Beaume... et dont Janvry sera désormais dépositaire.

Et si tout ceci était vrai ? Notre maire-auteur mégalo - appelons-le désormais par son nom : Christian SchoettI - n'a pas choisi cette histoire de templiers au hasard. Janvry, aime-t'il rappeler, se trouve au centre d'un triangle de présence templière. A l'ouest, la commanderie des Troux (futur Boullay-les- Troux), à l'est, la commanderie du Déluge, au nord, les moines de Montfaucon (actuel Saint-Jean-de- Beauregard), qui leur sont très proches. II était tentant d'aller plus loin que ce simple hasard géographique.

Une chose est sûre : les Janvrissois ne sont pas loin de croire à la réalité de leur légende. Ceux d'entre eux, les plus nombreux, qui ont choisi de s'installer récemment dans ce village à quelques 30 kilomètres de Paris, pour concilier au nom du bien-vivre résidence à la campagne et vie professionnelle à la ville, sont souvent les plus acharnés à la défendre. A Janvry, on participe davantage à la vie collective, on fait davantage la fête, on a davantage d'idées que dans les communes environnantes. C'est ià, à n'en pas douter, un authentique trésor !

Aussi, ceux qui, comme moi, ont été accueillis en voisins pour participer à l'aventure, ont-ils eu un sentiment mélangé de reconnaissance et d'envie. J'étais, dans "Le Secret des Secrets" l'une des quelque vingt lépreux qui, en route pour Compostelle, font halte au village durant la nuit fatidique et qui montrent, durant un bref instant, leurs visages ravagés aux villageois et au public, avant d'être guéris grâce au fameux trésor. Annoncés, bien avant d'être visibles, par notre chant de marche - hymne lancinant à la douleur humaine - nous avons, paraît-il, ajouté par nos voix et par notre laideur une certaine émotion à la verve Brueghellienne de cette noce paysanne.

Oserai-je l'avouer, même lorsque les trois chevaliers traversaient la scène en silence, même lorsque le coffre magique avançait tout seul (on ne vous dira pas le truc) entre deux haies de flammes jusqu'à la source miraculeuse, je n'ai pas été touchée par la grâce ; je n'ai pas cru à la légende. Tant pis pour moi ! Au bout du compte, dans cette époque sans racines, nous avons sans doute autant besoin de mythe que d'histoire.

Ariette Hamon '.Ml,^i^m Annexe 10

Comment « effacer le passé » et transformer le paysage : réalité et image publicitaire du domaine de la Barraque (auberge et gîte d'étape près de Sainte-Eulalie). Annexe 11

Le Larzac des Templiers sur la toile mondiale : une plate-forme interactive.

126 r«i 3 OCtom 2001 PUtc-form* mtaractive n* 2 > : Tamp'Mn du Larzac (Languadoc) aa X

accwM Pl.ilt'-ronni; n''

Thème Templiersdu I jr/jc (l,angucd(xl au .Xllf"* siècle ^ IcProiM Lancév par civesrcr.fMiionlpcllic.infopdinl.lr , ,' B«aucéanl Lc 2: Airll l'Wà I I h2h

t.'durrjer recii le 22 A> ril I9VS ,à 1 1 h 26. df cñyyyyf'q montpellie.infopoinl.fr :

Jl- it^liLTchcilcs inlonnaliorii *iii les Tcmpiicrsdu Uii/,k i 1 .anyuedtKi leurs implanialions, leurconipt>siliori leur role dans laeniisadedcs Alhipeois leur atliiudt face à linquisnion el au calhansmeau xnimit sleek

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VaM'WI.^MjIM"^*'' C:iiiirrier reçu lc 12 Mai IWS it 5 h 12, dc l'lillipp<- Cdntal :

.' plate*.fonne* Bonjour. HHeracUve*

\ oicile^ rereienee>d'iif) li\ietjui de\ rail \ on s intéresser; «Arnaud des RhjhK cl le seci'cldu Templier* de Christian Rwh an\ edilionx l.ouhaliercs.Tüulousí' 16

II s'agil d'un roman donl le eixurde l'histoireesl 1res lica IXJrdrc du Temple dans le Ijr/.nc I 'hisioirese- déroule a l'automne l.^(>7 entre MonIpi-llK ret la commanderie de la Comcrloirade. L'aspect romance de ee livie n'allete pa-- les recherches historiques el j;eojraphii|Ucs de l'auteur cl bien que l'hypothèse du trésor sott purement fictif d'auteur le pieeise lui -même i la lectuicdc cc livre esl passionnante. Ln paiticulicr.il replate tres bien les Templiersa une position que l'on a trop tendanceà oublier ilsctaienta\anttouidcs hommes ...

Bonne lecture '

|-'hilipwt.'oriitl

Counler i-ecu le 1.1 Septembre l'WS à 20 h 4X. dc konrad" cluh-liitemcLfr : ijî:tialem,'ni posu- .utr l.' fyrinl"!^

I'hihppc Contal en confiant au\ commanderies templières me remeten memoMcqucju.stement|xndantmes vacanccsj'ai visite <|iiclques silc^ templiers er hospitaliersdan- I .We} ron pies di Millau, l'eut-étrecetl.'un connaissent ces iicus ilss<.int indiques sui lanationalcqui \ade Millau a kvxic/ el tont l'objet dun eircuittouiistii|ue intitule chemin^ templiers cl ho%piiaUers du Ixirr.df^ ["les que l'on quitte Millau la riiute escarpée nous conduit sur un plateau désole ou ne fxiusse que de m.iigies herbes lascs ct pas mal de caillouv t"cst une Icire aride et descilec qui ne doit une cenaine renommée qu'au\ nianilesiaiionsqu"\ si tinrent il \ a queU|ues années contre LeMension d'un tettain militaire. Depuis les pavsans imiI gagne'S et le I.ai7acest redevenu une terre oii les moutons paissi'nt en pai\. Lapicmiereetafxtemplieiesc nomme la cavalerie Je ne my >iits pas arrête J'ai préfère prendre une petite route siniicusi- sur la üauchcqui descends doucement dans une valleepaisiblc\cisle v iHayede si I-.ulaiie du cerdan. Cest un ma Lini fique petit \ il laite lortifie 1res pittoresque plante sur une petite butte. Il faut laisser s^i voi ture et rentrera pieds quelques pas vous conduisent sur une petite place oil se tient en face de vous une petite cj;lise et la cominandencC est simple cl c est bc^iti. li faul taire un e.floit d'imapinati^m pour se représenter tes moines thev allers habitant ici. Qui ctaient-iis '' ((lie faisaicnt-ils '' mes pas tcsimncnt d.ms les leurs |c crois entendre des bniits dc l'cj cc n'est qu'une canelle qui loule au sol .'e saisi comme le chant d une pnere te n'est que le vent qui siffle dans les pierres .le cherche des veu\ une trace, un sijine de leui passade un symbole qui mc parle. Rien. Ils seint partis en ne laissant a nos mc'moiresavidesquc ces bàlimentsde pier.a's

A bientôt.

kwrinl'TvliiMinvimi.ff

Courrier reçu le 14 Dêceiiihiv l"WS à 1.5 h ?1. ladrfss» non cnmmuniquñl ^"'ï^^ ^ ^ J Je vous indique le livre de Ihierry I.erov «Hugues de l'ayns, chevalier chiimpemiis el fondateur de !'< )rdredes Templiers» editions >?» dc lamaison du Ijoulangei.l roves 1W7

Pour tout rcnsetjinenienl londation lluj;ues de l'avns 10f,íiíi Payns

C'ourrier reçu le 2(1 l-'éviier IVW à l'> h ^A. de Henri Culhlol (adrevsr non communiqué*! : ..' ;

J'ai sous les yeiiv copie d'une tians;Ktion passet le 1^ janvier 129.^ entre Jacques, roi dc Majorque. scii:ncur de Montpellier et du château dc Mirevaus (aujourd'hui Miieval dan> l'ileiaulli et d'autres inlcneiiants l'i.\ant les limites entre .Mircvau\et Maureillan lacliiellementsur la Cl immune île \ ic-la-i lardiolei

I^n voici un exliail : "ia prfinuTt' bonn- dudu chiUfau cninmcticiTa t'fi uni' hiirtw dc pierre plantee au coin de lu muraille enjcnrumi lu po.vvcv.v/o/i du 1/u.v .hleuj de lu .\1ili(e du temple en ....

la description des limites se poursuit avecpiéciston. II est inlercs.sanidc noterque les limitcsactuellcseiure4des comm unes de cette zone seïnt encore aujourd'hui fondees sur cette lepartition

Aussi, avec une simple carte au 5o iKXi'""'-' estil possible de se transporter aujourd'hui avec une relalivepiecision sur le site même de cctteancienne possession de la milice du femplc qui utilis;ut a l'évidence une position strateyiquc sur unt penetrante remontant du littoral vers l'inténeur.

líelas, aucun veslij;en'est visible sut place, pas même de simples ruines .\bsolumentrien. l'ne maigiei:arnj.'ue[xvussc sur un platcaucalcairepresque dcfKHinu dt terre végétale .. On a peine a imaginer que cc pavsage lunaiie ait pu abriter une aclivitt- humaine quelconque.

Henn Calhiol

lmp-y/www.Iempltan.org/plM«lfltTM«CI02l Jitml «01 3 octofira zool naw^loniM muraetiw* it' 2 1 : TampHan du uaTSC (unguâdocl «u nam* IMCM

Coorrier reçu le 2 1 Fé\ rler 1999 à 1 1 h 27. de Michel B«.slin :

Saiut Konrad

Nous aeons visite le même endroit. I j pi-pulation dc 1 j Couveitoiradecl des alentoursi ne connait pas tres bien le p.^sse de s;i repion Par conlre. la Mairie de l'endroit organise la visite guidée du petit village templier Musée etdiapositivessont il la disposition des visiteurs. Le site est fabuleu\ qiKLSi magique. Les gorges du Tam ne sont pas loin. J'y suis allé 2 années dc suite (^jamais 2 sans .H).

S;dut

Michel Baslin

Courrier reçu le 10 Mai l')99 i 22 h .18. de Edward K.l)ude>oir :

My name is Wvvard 1.. Dudevoir 1 reside in Svvampscotl.Mass(t.'S.\) I Ix'lievethe first DudevoiKCIaiidejcamcfrom . Haute Loire, U^ Puv cn \ elav (\'ic-ct-Maureillani, His fathet was Jean Dudevoirand his mothervvas .Xgathctiattc Hc iirrivcdin Canada in Ki'-ki Their dit name was Bon vouloir rx> you have any information" I el me know if you can

Thanks

Courrier reçu le 20 NLii 1999 à 1.1 h 1.1. de ylDleiS cluh-interneLfr :

Je fais une étude sur l'clev agcequin en Causses el Cévennes. J'aurais donc bestiin de rcnscignemenlsur les chevaux des templiers. Merci

Courrier reçu le 12 .Iuin 1999 ii 17 h 0.1, ladrrese non communiquai

II c.\istedans le Sud .\veyronisur le Ljr/ac)cinq sites templierset hospitaliers : I .a Cavalerie la CouveiIoiradcSainl Jean Saint Paul. Sainte I ulaliedc Cemtm et le V'ialadu Pas dc Jau\ rX'puis l'W5 le Conseil Creneral de l'.Xvcyron trav aille pt>ur valoriser ce patrimoine exceptuwncl Ln comité scientifique comptvse de perstvnnalites fiaiieaist^'. et étrangères a la corn pctencerectmnue dans le monde mcdievisteaélé misen place .Aujourd'hui des travau\de rcsiauralion sont cn cours sur chacun de ces site^ et des projels siMil à l'eludc

un centre d'inteipretationimusée sans collection )qui permettra l'accueil d'un large public mais servira egalementde centre de recherche pt nir les historiens ct les medicv isie^ l'inslallationd'espaces themaliquessur chacun de ces sitt-s el leur mise en réseau. l.es templiers sont à la base, sui ce causse du l.ar/ac.ttcs acti viiespasttvrales qui perdurent aujourd'hui Les lavtvgnes qui stmt des cuv elles en piene implantées dans le stil ct qui servent encore d'abreuvoirau\ moutons, ont cte imagines pai ies templiers pal exemple t "e^l ci'ù ciiv emenuine hi-.toire Ires riche cl peu connue pal les habitantsde la légion.

Courrier reçu le I" .juin I9W à 19 h 59. de habar'" cybercablc.fr :

le lar/ac n'avait-il pas aussi une géographie et un climat Ituit a lait propice ;i l'entrainement dc ceux i|ui devaient partir en terre Sainte',' ^

Courrier reçu le 19 .Iuiliet l')99 à 15 h ,*î, de socpsoni'" coiiipuser^ :

\ ous oublie l'église de sainttîregoircéglisique tcnaicntles templiers elapc sur la roule de Composiclleau frtvnton dc lat|uclle figurent deu\ croiv templières \ ous l'oublie/ terr.iincnienuar elle lut ruinée lors des guerres dc religions et tevintensuite tians le giron

l,e lar/ac fut de Uvus les mouvements ctvnlestataircs ,\iicieiificf'laifi ades, affide des vvisigolhs ariens, on y voyaitenctiredes chameaux au XIII 'I erre rude ct contiasiée je ne s.us pa^ si elle servit de base d'eiitiaiiicmcnt, concept bien moderne, mais elle était rétive ct pariante dans ti.ius les coups s'op!x,>sant a Koine \ ass^ilede 'foult>useetd'.\Ktgon. s.'i ptisition lut toujtiur^ liiaillceenlrt: 1 ranee et l.spagne Plus a l'est le gev.iudan fief des t'hateauiicul de Randtin. destciidant tlu loi Raoul s'en remis atl vicairedu pape pt>ur obtenir une semi indépendance. jusqu'au .WT'""

I c» Icmpliersquc je rappriKhe des Chiites.au sens ou iniliesa la present'ed'un siirvivanidesccndanl de Jésus eurent des relations très Imuhles avec le cathaiisnie. dins la mesure ou leur secret les amenaient a re.lativiserla coiisubientialitedu |)èie et du flls. ce qui poi iitinie Icsappareiilaienlpluti'itaus arieiis ce qui leur valut un excel lent accueil dans ccv v lel leste lies de conleslation.

(..'oiirrier reçu le 10 Décembre 19**9 à 14 h OH. de ^ asininc :

P.onjoiir. Je SUIS journ.iliNie et je piepao- un cvcle de conferences sur le theme du lar/ac. son histoire, stin econtimie, ses habitants,,. Je dois piistnici un diapoiamaa dc^ quclx'cois étudiants professeurs... etje suis â laiccherchca la l'ois d'inl'oiniatioiishisioi iques, géographique,, el tic diaptis » peiU-etre pouvez vous in'aidel'

vasnune.

(. ourrier reçu le 10 Décembre 199<) à 14 h OX. de C\rí\ Kousjiel :

HonjiMir je m'apcllccyril ct j'habite depuis peu à .MesCDi passionne par les l'empliersel leur histoire je sais que méctwn us tians cette régit>n leur presence était ptiurùnt bien réelle pour celaje lecheiche ttiutes infoimalionsqui (xiunaientlaiieavancerma quête. merci d'avance

t ourrier reçu le 01 1 enier2tKHi à (Kl h 47. de Michel Bastin :

Salut bt'auv Sires je ne peux que vous recommandei la lecluredes 3 livres "/.i-v 'J'oumoù, de Dieu" de lUerre fiarret et .lean-Noi'l i¡ur\^uííd toui édiiuvi^ "/./vre de Poche'i . Ces .Í btvuquins stvnt rcsfx-ctivemeiitiiitilules ; "/-*' Templier de Jèruuilem" " tji pttrt des pauvres" et "nous irons au hout du monde " ( "esl du roman, son Cependant les auteurs citent leurs sources histonques a la fin de^ bouquins I lie hems de ce beau roman est un chevalicrdu Lar/ac. le preux (luilheni d'I.ncaussc. l.e (XMSonnage e-l authentique II dcvinl Tcmplicrei il était le filleul du celébieCiilbcrt firail .Maître du TcmplecI originaire égalementdu I.ar7ac HrcI l'ame dc telle mapnilique icgitvn esl omnipresente tout au long de ce roman en trois livres dc .'.So pages chacun. C'esl bien cent le lecii ticnl la toute vou- emmené dt lj Ctvuverttiiiadea Jerusalem ptvur .se terminera St Jacques de Compt^stelle II y est également tiueslitiii dc la cnvisade des enlants l-.nfin l'ignoble t'ierard dc kidefoid (le mauvais Maitie) y est si bien décrit, que le lecteur attentifcomprend ti>ute l'ainbiguitedu cracbementsur la cioix La these de l'auteui est Ires plausible Personnellement Je suis tente de mc rangci de son av is Rideftiid tnivaillaitbel et bien pour Saladin Hn prime. vous ave/ droit a une page de hrav oure. concemant la fin hertvique du .Maréchal du Temple. Jacques de Maillé que les Sarra/ins pnrcnl pour St ( ieorges a la btdaillcdc ( reissiin yuste avanti lattinj

tinp7/www.lemffl*ara.qiy/pljt«luinn002 1 .html radl 3 octom 2001 Ptate-fomic mt«setiv« n' 2 1 ; Tampiivi du L«zK (Unguadoc) J

Quel panache ce Jacques de Maillé. tt>ut (je blanc vêtu (même son heaume) avec une superbe ci oi\ rouge pattéesur l'épaule gauche) Fn une seule charge eta lui seul il tncaiiiatoutle'lemple OELXTiE INCOSnjLRNABLE Bien à v nus Michel BASTIN

Coiiriier reçu le 01 Fivrier 2(Km à m» h 47. de Avt Odzjll :

Tramjére sur in phic ¡orme n'-

Ctiurrler reçu le 19 Fév rier 2(KKI à 0.1 h .17. de Pierre :

Piene taillcui de pierre recherche vieux moulin iXlIci d'ongine templière dan' votre région poui achat et restauration llabitani Pans J'igmirc les possibilités existantes. Si vous ave/ des informations meici de repmdrc sur cette boite, ou au : iXi S7 10 7.» lô Merci d'av ancc. Pierre. .

Courrier reçu le 06 Mars 2000 à 19 h 41. ladrKsr non communiquer) :

Bonjour. Je travaillea StcT^ulalie-de-L'cmon c'est lacfiminandeiielamieux préservée du sud de la I-rance. hlle est superbe et va faire l'objet tie tiavaux 1res prexhainemcnl. Des visite- stmt organisées toutes l'année ainsi que des animations tout l'ete Je ctinscilleun livrcqui vienide stirtir ilsagitde " Templiers des Pays d'Oc et du Roussillon" de Simon Jean «u\ éditions Louhalièrrs Concernant l'installaUon des lïinjjlJEIs sur le f.,\r/ac il existe un ouvrage concis el tres agréable "Sifcs Templiers du Ijiruu" de .larqiies Miquel. .A bicntévt

Courrier reçu le 09 Mars 2fKK) à K. h 4.1. de Jjjja. : jf^ r (Jui pourrait me dtmner des renseignements des pistes de recherche, sur l'implantaticvnd'un mas templier au lieu-dit "X ille\ leille'sur la f> ctimmuncde SURfiS i.'4) pie«du Caylar ' Merci d'avance. JiBo

Courrier reçu le 1 1 Avril 2000 à II) h 04, de Eric ladrcsw non communiquer! :

Réptinst a la queslitvn du W mars Je Ile VOIS que le mas de \ilaveill.iou villaveilladans les textes, cite en 1247 lies archiv esde lacomniandenede Sainlc-l.uUUiesc Iivuveaux .'irchivesdcparlementalcsdc la Hautc-Ciaronne a Toulouse) IcsTemnliersv ¡xissedaientdes biens (honneur). \ illaveilltJaisaitparliede la Couvertoirade. r.nc

(Jourrier reçu le 20 Avril 2000 à 1,1 h 27. de Michel ladmse non communiquM)

Bonjour a tous Je SUIS a la recherche de renseingnemenlshistoriques (PatnntMnect Itineraircslsur La rtnile áü Sel. D'.yigiies Mortes a Rode/.

Merci á ceux qui peuventeclaiiermon Chemin

Michel

Courrier reçu le 1.- Mai 2(KK) i 19 h ,19. de patrimoine découvertes'" fairesuivre.fr ;

LL LAK/ACTL.MI'LinRS F.X HOSPIT AI.ILRS t .\ss,Kiation P.\TRI\K iIX'L F-n' \1V:C<. )I Al-RTl.S Site en travaux www i france corn nat-dea so\e/ indulgents i in vacantesl'étedeiTtiersur leplateaudu ! ai/.u. ntnis poiivousajouteit|Uflijue- mot-a cette plate forme I. n inventanelEnutoaetepiiblie. /.A'.S SITE TEMI'l.tKRS DU FK.A:\CK '. .//. AltARIVI.R el Si HINLl edition le grand livre du inoiy .Xous tcntvns tout dc même a souligner que certaines alii rmations publ ices doi vent être sciieusementvt'iiliees. Quoiqu'il en soit voici les quelques informatie'nsque ncius avons pu recueillir

! I.ACOlAERroïKADE " \ illage mediev aide fondation tcmplierequi a su ilélier le temps et les hommes " Sur le plateau du L.\R/,\C le village loitilie de la t-'tiuvcnoirade reste le temtvignage emouviuildu moyen âge ct des ordres de nuvines chev aliei sen I ranee, Ln el lel il est Ion rare de rencontierun siie aussi bien conservé Le villageest cerclé de remparts construits au .\I\'''spai les Hospitaliers de Sl Jean de Jenjsalein dt même que l'eglisi' ( dans K cimetière on rcmaïquera les moulages de steles médiévalesi, l.Hiam au chale.ai il a ele consuuit a la demande du commantlcurdc Ste I .ulalie de t 'enioii dtint dependan la (^ ouv crtoiiade par les Templiers aux Xll el XIII's il a nialheiiieusemenlpiTdu ses deux étage-, l .a plupart des visiuiiis -t- eontenlent de cet inventaire succinct mais les passitinnés dc l'Orda' du 'l'cmple sertint intéresse de savoir qu'à tjueti)ues tt niâmes dt: nielles du v illage-ubsi>te au miiicudes bcMs les vestigesd'une chapel le lem plierepreiomane,( li est regrettablcde vtvirics tiommagcscaiist's par des itiiiillestlande-linesi,

2 Sle ELI. M.IE DE CEKSI )\ Siege de ta commandene tempi leiedont de{X-ndaicnt la ("av aleiieel la t 'iniveiloirade. L'église romane esi d'ongine templière, ,Mais son accès sumionte d'une vieigedu WILS a ete inverse nar les Hospitaliers pnui donner sur une place ornee d'une ftMiIame, Ix's rem part- el les tout- construits par le- lltispitaiicrssonl lies biencttnscnes

.V i.aca\ai.i:rie .\ncienne vue commandene de lempliers puis d' Htvspitaliers Le gtos bouig conserve encore de vieux remparts.

4 MALA Dl l'ASDE.IALX imfxisanie loin greniei des chcvaliersHospitaliersau .X\''''s,en ctxirs de restauration

.> SLIEAN D'AI.C.\S IX' vaut rinsfcuntedes temps lusa- avant la fin dc la guerre de cent an- vers le milit'u du .X\ "s une abKtssc du couvent dc Noneni|ue dc la inaistm de t'a-ilhac ( blason sur la façade de la salle de justice i, vaaiilonst:r les habitants du villagel et d'autres ) aelcverune enceinlefortifiéc. Le V illagcappartenaitd'ailleuisaux cisiL-rciensdc Nonenque

fl SVI.X ,\NF>i .Ancienne abhave Cisierciennc fondee en I L'H I.glise cousu uile en J_m dans lestvlecistercienmeridionaI.se proltingeau sud par les b.ati ments abbatiaux icliiitrc. salle capitulan cet ancienne sacnslie) Le sciipttirium v titile sur croisée d'ogives csl di viseen 2 nefs pai une rangée de coltinncs tics dépouillées.

Pour des informations supplémentaires: CCNSL.R\ .\Tv iIR!; l...\K/AC TL.MPLILR IT HOSPrr.XLIFR Place Bitin Marlav agile 121ooMll.L.\L Iph o.s-ii5-,S9. 12-22 fax :(i.S-('ô-Wl-(i.V24

lmp://iaww.tarw|iwan.drg/p«jleftji iiia002 1 . html adi 3 octotre 2G01 Plata-ivanna ifitarjcova ft' 21 : TaffipiiT dg imae (Uiniwaduc) ay vfjiiii a«deia

Courrier reçu le 13 .Iuin 2000 à 23 h 36, [admac non commuaiquM| :

btinjour. je rechert hc des objets, bijoux, scupitures. bibelots ii l'effigie du sceau des templiers! les deux cavalicrssur un cheval ipour le- mettie en vente dans un commercese situant sur le circuilTemplieret Ht>spit.ilierdu Larzac.

Courrier reçu le 14 .Iuin 20(K) à 02 h 01, d' Heloise Temple :

Bonjour je in 'ap(X.lleHeloise Temple elje suis nce a Mont[X'llier, mats ma famille vienten partie d'.Avey rtm ct en partie de .Mont Blanc (village aco'tcdc Bc/iers), J'ai l'ail des recherches sur ma famillecar je voulais sav oir si mon nom avaiiun rapix^n av ecles templieisi ou s'ii avaitplutot des origines Judaïques itani donne l'importance de la Kabale dans la region du sud île la Prïince au moment tic la fuite d'Lspagne, et j'ai trtMive qu'un de mes ancêtres, Ciuilhem del Temple avail ete excommunie, mai.- Je ne mc sctuviens plus de la date precise (au Heme siècle, c'est ttiut ce que je saisi, Pense/-v ous que ce st^il ptiur fait templier '/

Merci de me repeindre,

Heltii se Temple

Courrier reçu le 10 .Iuiliet 20(MI à 20 h 20. d' Henri Calhiol :

(^ui pounait mc renseigner sur une possession des'fempliersa X lireval i Hérault i anciennement Mirev aux en 1 295 '' \ oirpour plus de detail mon interventionsur cette plate-lonnea ladatedu 2(1 fevnerl9sw. Henri Calhiol

Courrier reçu le 1 1 .Iuiliet 2lK)o à IX h 16, de larkv Minier :

Heltvise ttvn ancêtres'appelaiuiuillaumedti Tcm pic au XI Ile siècle, et tu demandes pourquoi i! a été excommunié " C a paiail ptiurtanl ev ident ' Xlai- demande-loi surttiul ce que fai.soitton ancêtre ou ce qu'il availpu faire [X>ui mentcrcett-

Transfert interrompu!

ais pas par hasard un .\belardqui saurait te renseigner'.' :oi Jacky Mimer

Courrier reçu le 05 Septembre 20(K) à 10 h 01. de v iv iengslaller" voila.fr : Jf^

Je travaille depuis deux ans dans ii. -ud aveyron près dc Sainte Hulalie. ia Couvcrttiiradc ic Viala cl la Cavalerit ' Je peux donc v tins renseigner sur ces sites Par contre je rechcrchedes informations sur d'autres implantalionsdcs tempi iers dans le monde. .Merci de me contacter

Ciiuriicr ri-çu le 07 Septembre 2000 à 02 II 39. de Michel Uaslin :

Salul X'ivicngstaller. Ce site me semble assez nche cn informalitins sur ks iniplantalHms des Templiers dans le monde. Il te suffit de ctmsulter la liste tics nombieuses plaies-formes sui le sujet II) oulie a la fm du liviede (ieonieslkirdonoxe "/..Ci Templiers ou les Chevidiers du Christ" . tu v tiouverasie cartulaiieetablisstintla liste des . vOiHj Maisons de l'Ordre du l'empleltiu commanderiesqui est un tenne artificiel )en I ranee, Cordialemcnl ,MichelB,\STI\

Courrier reçu le 1 5 Septembre 2000 à 02 h (il, de larkv 'Vlinier :

,.\vanide post-i tes questions relati ves aux implantations ttinpiieres de votre département allez tltme vcnfierccqui est répertorie dans la base "s|xciale commandci les- ihltp: vvwvvrovalement-vtvlre com Beauceant plate-forme comm, hUnl \ ous V Irtiuveie/la plupart de- leponse- a vo- que-iioii- d'iinplanlalions|(ii,ales \ tius ptnivezaussi laïunurii de lenscignenit niscoin|)lementaircs,.. .lackv

Courrier reçu le 23 Novembre 2tHMI à 1 1 h ,16. de Chchauvcl'" aol.com :

i'eisonne ne parle de- Templicrsde l..\Sl:LVl-( Aveynvn acoté de RI(,)LIST.\ )... Quelqu'un )X'Ul-ilinedtiiinei des icnscignementssur celle place'

Courrier reçu le 02 Décembre 2000 ii 16 h 15, de inlertinous" aolcom : 0f^

Rtcherehe deses(x;iemeiit inio- sui ki commandene de Montpellier (ct sui Lunel. .Marsillargues i:t i-ahregues qui en dépendaient) W Lntvmie merci

Ciiurrier reçu le OS Décembre 2tHM) à 23 h 50, de l'iavie de Sauniiac :

Je voulaiss;i\oir SI I iiiillaiimede Sonnac avaitctecominaiitleurde lai omandenede Ste Luialiede Ccrntin dans les années \2t)0

Courrier reçu le 12 IK-ceinbre 2000 à 06 h 16. dr Michel Bastin :

Lou I.ai/.ac.. . .Ah I.;uzac terre féconde des revuUes du htm sens comme je voudrais échanger ma bclgitudc contre un arpent de ton sol ! In cieantle monde Dieu s'est attarde dans les Causses et a pri- sim bain dans le fam. Récemment 120 (» m perstvnnes viennent de fctci la ctindamnationde José B(. )\'l,a .Millau en chanlant le "chant du parlis:in". !>« gensdc tous âges ctimmuniaicntdans la joie de ctvmbattre conlre la '.sale txiulfe" cl la mtindialisalioncapilaliste .(> fut un W txx|sUK:k a la fiançaise de l'an 2(K)0 ou l'on poiivaitscnei la mainti'un grand Monsieur eommeC.\\'.\NN.\. 1:11 ctoulanlle disctturs des orateurs inv ilesa la tnbune dont les '/ condamnes qui levendiquaienlleurs peines de pnstin comme une décorationet dont le seul aequitea fait appel par solidan le a vec ses Ircre- )'ai lesst-nli un chaud sentiment dc rierlcde penseï comme eux l-.l justement, ils étaient neuf. C'a ne vtnisdit rien '? Jost Bfi\ .AV et les siens am-i que tous les fuies canaques autres partici|)antsveiius de partout se sont com|X>rtesen Templiers Le savent-ils'.' Jc l'ignore mais jf pense que non i^lutii tpi'il en suit, k l..\R/,\Cest le pèlerinage obi ige tie ttuile personne qui s'intéresse dc près t>u dc loinâ l'epopcedes Chcvalicrsau blanc manteau. U' pantvrama est féenque el l'almtispheie v est magique, le Roquefort se laisse déguster accompagné d'un délicieux vin de pay.s. Ntm je ne travaille pas pour une agence de tourisme mais tout y est si beau ct si bon que je ne peux m'emptchcr de l'écrire. \ji Cavalerie, Ste f-.ulalie, la Couvertoirade, etc, sont des lieux divins ou les âmes des lempliers viennent prentJrc des vacances. Disparus les Templiers'' Mon ixmI ! Ils s<,int toujours la, ils montent la garde sur les remparts de laCouverltiiradc Ils surveilleiilla valleeelatlendentles renl'orts Ceux-ci sont anivés conduits par Jtise Bi^\ P. et ses amis Certes l'avais cent précédemment t|ue malgré le- informations largement diffusées par la mairie dc l'endroit, les habitants ignoraient qu'ils vivaienlsur la ntiblc terre des Templiers Je ne me suis pas pnve d'aider les édiles poui expliquer Cependant, le Larzac est probablement la seule légion où les éleveurs el agriculteurs sont conscientises en fav eur du lieis-inonde, Ost au Liivac que v ous pouvez 'casser la graine' en compagnie d'un élcv ciirde moutons ou d'oies qui vous ex|iliqueia son combal pour sauver les baleines (le gars el sa l'emme simt membres de "(iRLI-.N'IT-.,\(T;'') Oui, ça existe en plein Lar/xiciJans les Causses Je n'étais pas dcpayst', car en plus de l'epnl des Templiers la région compte aussi de nombreux Belges installes depuis des décernes,

hnp;//m>w.tampM«ri,arp/|iMdtannaû02l .html Puta-tarma intaracnwa ii* ZI : TamdMra du Ljnac tunfluadoc) au Keanva aiicli

J'y suis allé piusieurs fois et j'v retournerai encore, car je sais que les Templiers, les VTaissi>ni la Non nobis.. Michel BASTIN

Courrier reçu le 1 2 Décembre 2000 à 2 1 h 45. de Eric :

Pour Chchauvei.caol.com f.n I \4H eul heu la donation pai tiuiltaume. Maman de l'église eldu v illagcde Bégon ainsi que de ntvm breux mas avoisinanlsiCetiedimalion fut reçue pai Helia- de Monhiun -Maistre dc la maiso de Sancta Lulalia-el Jean de I .ti Set ve -futur ci»inniandeur- 1 C'est ainsi que les Tcm nliers prirent med dans la région de I.aSelve. Ln 1 172 en leglise dt Sainte Xlaiiede I..;i Selvcltiujouis lleliasde Mtmbrun. assista a ladonalitmavecHugues dc ijtiinil icominandcurdc l.;vSclvei de- biens que ptvsscdait .\dcmardc Catlarsii i.a Sclve. l ne sentence de I2K7 reconnait entière la seigneunedu 'Temple, avec tous les droits de justice. L.aSelvedominailau Icmptiiel.-Oo masel.s villages.el au spinluel 1 1 églises ou paroisses.

.A Tongine 1 j Selv celait forme de quatre ctvrps de logis joints ensemble avec une cour au milieu des tours canees aux quatre angles exteneurs une aichileeture lourde massive et sans reliefs ni t>mement.s. des murs épai.s. perces par dc |x'tites fenêtres canees inegalemenidislribuecs une porte cintrée s iniviant sur un somhie vcsnbule des escaliersctiivits cl tournants en pierre. Voilalatfcscriptitjnd un édiriceque le- teinplicrseleveienlen Trancedans les premiers temps. Ce ne fut qu'au reUnir des croisades vers le milieu du .Xlle qu'ils embclliientleurs demeures après que Icurgoiit se fui [X'rlectiouneeu Oncnl... (H. de Barrau) La chapelle était placée dans Taile septentrionale Cette chapelle dev int par la suite église partiissiale ellcaétéreeonstruilcsur ses anciens fondements U ne subsiste de lacommanderiequ une enorme tour restaurée, demiei reste du domaine des lempliers

Liste des Coinmandeurs sous-ct>in mande urs et precepteursdc I.a Seive. -Provenant du cartulaire de Ui Sclve édile cn P./H5 jiar MM. ( Huliacet Magnt>u livre du plu- haut intçi*èt)X)ui sa richesse et la vaiicledecesdtvuincnls presentes . -Tableau des Maisons du lemple en liante et dt leurs commandeurs (ILs(i-L!|7i L.C I couard traduit du latin par Manon .Melville

Jean de U Sclve 1 148. I L^l. I Kvfi I. c de Saint Chiistofol. cl LUI. I |r/l Hugues del luirai ll.S.í-lli)2 1 171 | ISO Aldeivrt 1177 Raymimd det ombret 1 17(,. l I7'i 1182. I1S4. 118.^11S6 .Ximericde ï anco. 1 19(1 S Kic.art 12' Kl Anlheline.1201' I2ix. Bertrand de Cardaillac (Cardalac). 121(1 B Aimeric 1214 121.'; Hugues Daudreld'Aude'i 122(1 AndrcseCastelnou, 1222-1227 12.'2 Bertrand dc Jales, 1 22y P dcRosciP del Host), 1229 B de Sales, 1 2,ii i- ! 2.í4 LsUehalPeiie. 12.^2. 12.s(i Welhelm Arnal,12.ííi R dc la Sere iR. del Cen 1247 B Ademar. 1247-1 24,S Pons de Magalas 12.'iil- I2.sl l2.S.1-i:.^ B. dei)a.sc. 12.Ñ4 (sous-commandeuii Hugues de Rodez. 12.Ï2 Hugues de V aloldu \'alon)ld'.\valoni 12.M. 1 2.'^>- 1 2.'í7 tiuillaumedcCardaillat 12.'s9-l26(i CiuillaumedeRtxiuelortiRtKhelort). l2.V)-l2i.il. I262-126.V 1266-1267 Hugues dc Revel 1265 RavmonddcPasquicres(Posqiievies). 126^ 1267-127') l2S9-12'«i B deCasiclnouii'aslelnaui I2"i-I27t.i 12») Ravmondde Plaiizolcsiplan-ola'inanzolesi 12Hi). 12S.i I2S4 He'maiddeRup^idelaRtxhci 12SI-1282 Ravmtmdde laBtHc. 1281 Bel naid de Salv agriad 284 ( iuillaumedc TolàquieriI-auliquierKToliquicroilT-orcalquicrKTorhalquicn 1287 iSwiii!,CCTiiii..iyUiir. B dc Revelloltle Rcvel) 1292-129.' Hugues de i rav ssinct (Iiavssmcri 12'i()-l2''7 Hugues tic Salvanhac.12X.S- 1287. 1297 ( iuillaumedc Jouctui, I2'-W' Ravinondde I rav ssi net 12''7-I298 (s

Maïc de (iozon fut le piemiei coinmandeui des Hospitaliers a La Sclve après l'ancstation des Templiers el la dissolutnui tic ces derniers. LklC

Courrier reçu le 16 lévrier 2(HII ii Oii h 52, dc f.dcvalon " wunadoo.fr : ^^ Bivnjoui. Í je rechcrchedes infonnations sui Hugues de \ aloncommandcurdc I.a Selveen I2.-M. I2.v>- 12,^7 \leici d'avance

(."ourrier reçu le 26 Février 2(H)1 à 12 h 46. de Eric : ..-

Refxin-e a i Devalon " l'icspcii tie chose lliigue- d'.\v alon (Hugo de \ alo) il lugo d'.Xv alo iule .Xvalonifiil aussi coinniaiideur: de 1 .u apelle I. IV ioni 2'4-l26.s de Penéis et I .es Brezines ( I leraulli ^69-1272 d'TspalioiiÜiL dt 1 ,a Selv e (12.M l2.^vl2.S7)

Sui les difféients actes de I2.Ñ4 ;i l2-'s

Courrier reçu le 17 Février 2001 à 09 h 4,V de cieryerie " fr,fm :

radiesthésie aicheologiquedu Périgord. notre but : ladecouvertedu Patrimoincdisparu sur pian. phi.>tos . caries et sur pl3t:e nous stimules a voiredisptisnion p(.vur touîes rechert hes ce que je v icnsdc faire sur L.AC.\\'.\T.LRIiJc 1.1 .Avril2(Kil Tlaiictil- tll' la t'lel.i)elle site W'W'W eler'.!en'e.frfm

Courrier reçu le 28 Av ril 200 1 à (Kl h 24. de Philippe Contai :

Bonstvir.

htTp-y/www.t8niv4ian.«rg/|datatanna

Introduction

Chapitre 1 L'espace et le temps long du Larzac

La fabrication d'un paysage adapté au pastoralisme ovin Les travaux et les jours Corps et âmes Communautés et espace Terres et hiérarchies Terres et familles Le basculement d'un monde

Chapitre 2 Les deux grands motifs des passés du Larzac

La Lutte des « paysans » du Larzac : une mémoire en aaion, ou la force du souvenir Le Larzac templier et hospitalier : traces, récit, mémoire historique

Chapitre 3 Brève chronique de l'entrée locale en patrimoine de quelques sites médiévaux du Larzac

La Couvertoirade : 1968-1997 Sainte-Eulalie : 1970-1997

Les autres sites

Chapitre 4 Un projet de développement local et sa réception

Genèse d'une opération Un été sur le Larzac (1998) Communiquer le passé Un Conservatoire à plein régime...

Chapitre 5 Les enjeux d'un passé recomposé

Mythe et histoire au pays des Templiers Politique du passé et territoire *

Conclusion

Bibliographie

Annexes