Etudes et Travaux

n°106

Hamani Oumarou Assisté de Gambo Oumarou

Le Cash Transfer à Tébaram () Les perceptions ambivalentes autour d’une innovation importée

Mai 2013

Le Cash Transfer à Tébaram (Tahoua)

Sommaire

INTRODUCTION ...... 5

L’ENVIRONNEMENT DU CT DANS LA COMMUNE DE ...... 10 L’EVOLUTION DE LA METHODE DE CIBLAGE...... 10 LE DISPOSITIF D’INTERVENTION DE CONCERN ...... 11 LES MODALITES DU CIBLAGE ...... 14 CIBLER LES VILLAGES, ENTRE LE « MACRO ET LE MICRO » ...... 14 CIBLER LES MENAGES VULNERABLES, « TOUT LE MONDE SE DIT VULNERABLE » ...... 15 L’ASSEMBLEE DU VILLAGE, INSTANCE DE DECISION PARTICIPATIVE ...... 16 LES ASSEMBLEES DES QUARTIERS...... 18

LE CIBLAGE ET L’IDENTIFICATION DES BENEFICIAIRES ...... 21 LE PROCESSUS DU CIBLAGE DES MENAGES BENEFICIAIRES ...... 21 L’ASSEMBLEE DE VALIDATION DES MENAGES CIBLES ...... 22 LA PRISE DES PHOTOS, IDENTIFICATION DES BENEFICIAIRES ...... 23 LES OPERATIONS DE DISTRIBUTION DU CASH ...... 25

L’UTILISATION DU CT : «CE N’EST PAS PARCE QUE TON NOM EST INSCRIT…C’EST L’ARGENT DU MENAGE » ...... 26 L’UTILISATION DES FONDS DANS LES MENAGES BENEFICIAIRES ...... 26 TEMOIGNAGE DES NON BENEFICIAIRES...... 28

LES CT ET LES REALITES SOCIALES LOCALES ...... 30 AU NIVEAU DU MENAGE ...... 30 LA SANTE DU MENAGE ...... 30 REDUCTION DES DEPARTS PRECOCES EN MIGRATION ...... 30 AU NIVEAU DU VILLAGE ...... 31 LE RENFORCEMENT DE LA SOLIDARITE AUTOUR DU CASH TRANSFERT ...... 31 L’ACCES AU CREDIT ...... 31 UNE AUBAINE POUR LES COMMERÇANTS DU VILLAGE ...... 32 LE RENFORCEMENT DE L’ACCESSIBILITE AUX BANQUES CEREALIERES DU VILLAGE ...... 32 AU NIVEAU DE LA COMMUNE ...... 33 LE CT ET LES STRATEGIES D’ADAPTATION DES MENAGES ...... 34 L’ARGENT DES MIGRANTS ET L’RAGENT DU CASH ...... 34 LE RECOURS AU RESEAU FAMILIAL ...... 35

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LES PERCEPTIONS AMBIVALENTES AUTOUR DES TRANSFERTS MONETAIRES » ...... 36 LE CASH AFFECTE LA COHESION SOCIALE ...... 36 LE CASH TRANSFER, LE CASH FOR WORK… ...... 37 LA STIGMATISATION ET LA PHOTO ...... 38 LE DEVELOPPEMENT DES ESPACES DE SOUPÇONS ...... 38 QUELQUES SEMIOLOGIES POPULAIRES AUTOUR DU CASH ...... 39

CONCLUSION ...... 40 ANNEXE 1: LISTE DES PERSONNES RENCONTREES ...... 41

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Le Cash Transfer à Tébaram (Tahoua)

Les sigles utilisés

ASB : Arbeiter-Samariter Bund CCA : Cellule Crises alimentaires CECI : Centre canadien d’étude et de coopération internationale COGES: Comité de gestion CSI : Centre de santé intégré CT : Cash Transfer DDP/AT/DC: Direction départementale du plan, de l’aménagement du territoire et du développement local HEA: Household Economy Appraisal LUCOP: Lucop contre la pauvreté PDM : Post Distribution Monitoring SAP: Système d’alerte précoce

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Le Cash Transfer à Tébaram

Hamani Oumarou

Introduction

Le contexte des cash Transfer à Tébaram

En réponse au plan de soutien élaboré par l’Etat du , l’ONG Concern a mis en œuvre des actions d’atténuation afin de venir en aide aux populations très vulnérables du département de Tahoua. Au cours du 1er trimestre 2012, Concern a mis en place un programme similaire visant à transférer du cash (par la téléphonie et par le manuel), pour une durée de trois mois. Ensuite, de juillet à octobre 2012, Concern a mis en œuvre un programme de transfert manuel pour une durée de 4 mois. Au total, les actions de Concern ont touché 6.500 ménages issus des aires de santé des CSI du département de Tahoua et de la liste des villages déficitaires du SAP de 2010 à 2012, ainsi que des villages évalués par Concern ayant les mêmes niveaux d’insécurité alimentaire. On dénombre deux types de transfert de fonds : le transfert manuel (par lequel les bénéficiaires reçoivent directement les fonds) et le transfert par téléphone (par lequel l’argent est reçu via un téléphone portable). Le programme de transfert a fait l’objet d’évaluations qui ont porté pour l’essentiel sur la pertinence du ciblage géographique et celui des ménages, les mécanismes de suivi- évaluation des activités sur le terrain, les impacts du programme et l’efficacité du programme1. Les évaluations ont utilisé les techniques classiques de collecte des données, basées sur un « questionnaire ménage et un guide focus group adressé aux communautés bénéficiaires » (CESAF, 2012: 7), même si théoriquement les consultants brandissent le label de l’enquête qualitative.

1 Post Distribution Monitoring (PDM), Cash Transfer, rapport final, déc.2012

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Notre démarche méthodologique

Alors que ces études mettent l’accent sur les aspects techniques de l’intervention de Concern (ce qui est légitime), on remarque qu’elles se sont peu intéressées aux dynamiques qui émergent de ces interventions. De plus, on peut déplorer le fait que ces études occultent le pan entier des non bénéficiaires qui, en raison de leur mise à l’écart, peuvent donner des témoignages intéressants pour la compréhension du processus de mise en œuvre des activités. Il reste entendu que le CT, en tant que processus porteur d’innovation, n’intervient pas en terrain vierge. Il introduit des ‘’nouveautés’’ en termes de comportements, en termes de règles (ou encore normes sociales) qui tentent de se substituer ou se combiner à des « manières de faire » locales. De plus, dans un contexte général de pauvreté et d’insécurité alimentaire chronique, le CT apparaît aux yeux des populations comme une « fenêtre d’opportunité à saisir. Elles vont donc mobiliser des stratégies pour se faire enregistrer d’abord, et ensuite pour faire partie des populations bénéficiaires. A l’interface des interventions de l’ONG qui délivre un bien (de type monétaire) et une population pauvre, s’opère un « jeu ». Alors que les populations tentent de contourner les règles de l’ONG », celle-ci essaie de mieux contrôler leur application. Ce jeu donne du sens aux pratiques. Il fait émerger notre fil conducteur: comment se mettent en œuvre les processus de transferts monétaires dans une commune rurale considérée comme chroniquement en insécurité alimentaire ? Notre analyse débordera le cadre des dispositifs de transferts monétaires pour aborder la question des acteurs qui gravitent autour de ces dispositifs (ciblage, mécanismes de distribution, etc.), de leurs interrelations, de la catégorie des populations bénéficiaires, des perceptions construites autour des transferts monétaires, des usages faits des fonds reçus. Au-delà du dispositif, c’est aussi le monde social dans lequel il s’insère qui nous intéresse. Il s’agira de comprendre « la gouvernance du cash transfer » en tant que mode émergent de gestion de la vulnérabilité. Ces différents indicateurs constituent, pour nous, des entrées pour rebondir sur la question générale du changement social induit par les transferts monétaires qui participent du « processus de reconfiguration de l’aide » (Atlani- Duault, 2011). En tant que nouvelle forme d’intervention les CT ont partout été précédés par d’autres types d’interventions qui ont importé des normes dans les contextes locaux d’intervention. Les règles rattachées aux CT se combinent parfois à celles qui les ont précédées ou s’y substituent. Dans la commune de Tébaram, les opérations de transferts monétaires de Concern ont été conduites en 2010, en 2011 et en 2012. Le tableau ci-dessous montre que 20,79% des bénéficiaires du département de Tahoua se trouvent dans la commune de Tébaram en 2010. Ces taux passent à 20,51% en 2011 et à 22,84% en 2012.

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C’est d’ailleurs à ces dernières distributions (de 2012) que nos interlocuteurs se réfèrent dans nos différents entretiens, parce qu’elles sont relativement plus récentes.

TEBARAM Maifarin kai haoussa 76 Ajaga 25 Bilingue 65 TEBARAM Tarjamatt 65 Ijali 109 Intakana 27 TEBARAM Maifarin kai zarma 74 Adoua 128 Ajaga 18 TEBARAM Chiguinawane 140 Intakana 61 Innelou 79 TEBARAM Inélou 122 Bilingué 87 Ijali 91 TEBARAM Ijali 126 Inélou 107 Adoua 98 TEBARAM Laham 19 Seyell 44 Inkachewane Hidima 86 TEBARAM Maïssoungoumi 79 Toudouni Farfarou 116 Guidan Meli 66 TEBARAM Saraé 210 Ahandress 24 Intadena moge 67 TEBARAM Kouka kamé 111 Intadeina Mogé 69 Toudou Foulakaoua 103 TEBARAM Tébaram 279 Toudoun Foulakaoua 122 Tebaram 195 TEBARAM Zarboulé 52 Koukatalla 53 TEBARAM Dan gari 25 Kouka Kame 180 TEBARAM Toudounni farfarou 196 Saraye 101 TEBARAM Ahandress 57 Mai Farin Kaye Zarma 142 TEBARAM Ahandress 9 TEBARAM Seyelle 26 TEBARAM Toudouni Farfarou 78 TEBARAM TOTAL TEBARAM 2010 1631 TOTAL TEBARAM 2011 892 TOTAL TEBARAM 2012 1484 Villages bénéficiaires des opérations de transferts monétaires à Tébaram (source: Concern) Les enquêtes se sont déroulées du 17 janvier au 19 février 2013. Elles ont consisté en des séries d’entretiens ouverts et des observations dans le village de Tébaram, chef lieu de la commune du même nom. Contrairement à notre habitude, nous avons délibérément évité l’enregistrement des entretiens, compte tenu de la sensibilité du sujet. Les entretiens ont été, dans leur majorité, conduits au domicile des enquêtés ou sur un lieu désigné par ceux-ci.

Le site d’enquête

Les enquêtes intensives se sont déroulées dans le village de Tébaram, chef-lieu de la commune qui compte 32 villages, 27 hameaux de culture et 11 tribus touareg récemment intégrées. La commune de Tébaram s’étend sur une superficie de 3.258 km², avec une population estimée de 47.200 habitants. Un recensement administratif réalisé en 2009 fait ressortir une population de 36.972 habitants. Cette position géographique donne à la population de Tébaram un caractère composite. On a les Gubawa, les Gobirawa, les Adarawa, les Touaregs, les Peuls, les Arawa et les Zarma. Les populations les plus importantes sont les Adarawa, les Gobirawa et les Gubawa. Située dans le département de Tahoua, la commune de Tébaram est frontalière avec cinq communes : au Nord, à l’Est, Bambey au sud-Est ; au Sud et Sanam à l’Ouest. La commune est relativement pauvre, en termes d’interventions extérieures. Les difficultés d’accès à la commune sont le plus souvent avancées pour expliquer cette faible présence. En effet, pour se

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rendre à Tébaram, il faut arpenter 80 km de piste cabossée ou 190 km par un détour vers et Illéla. Les difficultés d’accès sont accentuées en saison des pluies, notamment dans la partie nord de la commune. Ironiquement, les agents de terrain Concern à Tébaram se considèrent plus proches du Mali que du Niger : « Comment vont les gens au Niger !», ont-ils l’habitude d’ironiser pour montrer le caractère enclavé de la localité. Les timides interventions extérieures visibles sont le fait de CECI (ONG canadienne) qui a réalisé deux puits maraîchers notamment dans le village de Innelou. Il y a également le Lucop (Allemagne) qui investit dans l’encadrement des maraîchers. Parmi les intervenants, c’est assurément Concern qui est le plus connue et le plus visible. Ses interventions concernent l’accompagnement technique et l’encadrement des maraîchers, l’appui en intrants (semences, engrais, matériel aratoire) et les transferts monétaires. Les opérations de transferts monétaires ont été mises en œuvre également par CECI et Care International dans le cadre des programmes de résilience en 2012. Dans le cadre de l’intervention de Concern, Tébaram a bénéficié du CT et du cash for work. Cette situation a parfois rendu complexe les entretiens dans la mesure où certain enquêtés, ayant bénéficié des 2 formes de cash ne faisaient pas de différence dans les réponses qu’ils nous donnaient. Il nous a fallu ‘’creuser’’ les questions pour comprendre le type de cash auquel ils faisaient allusion et, ensuite, recentrer les interviews autour du cash transfer. Une autre complexité vient du fait que « les populations sont habituées aux questions », comme nous avait prévenu la responsable de Concern, préfigurant ainsi les écueils liés au ciblage des ménages. Les potentialités de la commune sont, elles aussi, faibles. Elles sont constituées de la rente migratoire (matérielle et financière) en provenance d’Abidjan, du Nigeria, du Cameroun et accessoirement du Tchad, du Mali et du Burkina Faso. Les échanges commerciaux se font dans 5 marchés dont 3 importants (Tébaram, Maïssoungoumi et Inkashewan). Les ressources en eau sont constituées de 8 mares dont 3 permanentes (Innelou, Tudunni Farfaru et Tarjamat). L’agriculture est la principale activité des habitants de Tébaram. Elle a contribué à fixer les populations, y compris les Touareg qui s’y sont reconvertis. Dans le cadre de l’appui à la sécurité alimentaire, le village a un dispositif de quatre banques céréalières mises en place par les ONG (Care International, Caritas, Care et CECI) et l’Etat (CCA). Ces banques céréalières contribuent à renforcer l’accès des habitants de Tébaram aux vivres. Le village de Tébaram, site intensif de notre enquête, compte 786 familles réparties dans 7 quartiers. L’accès à l’eau est assuré grâce à 3 puits cimentés et un forage en gestion déléguée incapable de satisfaire les besoins des habitants. La qualité de l’eau du forage ne répond pas aux normes requises. L’eau du forage se vend à 30 FCFA les 2 bidons de 25 litres et à 25 FCFA les 2 bidons de 20 litres. En saison sèche, les activités de résilience sont dominées par confection et la vente de briques (35 FCFA l’unité). Pratiquée par les jeunes, cette activité génère des ressources utilisées pour le financement de la migration. Il y a également le

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ramassage et la vente de paille. La botte de la paille se « vendait autrefois à 300 FCFA ; maintenant elle coûte 500 FCFA », nous fait remarquer le chef de village qui se plaint du coût jugé élevé de la paille. L’offre de paille est de plus en plus dépassée par une demande qui ne cesse de s’accroître. Stockée, cette ressource est revendue parfois à 1.500 FCFA, en saison des pluies. Tébaram étant situé dans un couloir de passage, les éleveurs transhumants constituent l’essentiel de la clientèle pour les habitants de ce village.

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L’environnement du CT dans la commune de Tébaram

La première expérience de Concern en matière de CT intervient en 2010, dans le cadre d’un programme d’urgence qui couvre (4) communes rurales du département de Tahoua (Afalla, , Takanamat et Tebaram). Le « temps court » a considérablement affecté le mode de ciblage. Pour le ciblage des ménages vulnérables, Concern utilise la méthode HEA qui se base sur l’économie des ménages. Le processus de ciblage a connu trois principales phases avant de se stabiliser.

L’évolution de la méthode de ciblage

En 2010, le ciblage réalisé par l’équipe de Concern selon l’avis de S. K., un agent de Concerne, a donné lieu à une large liste de bénéficiaires et des doublons : ‘’Deux femmes bénéficiaires au sein même ménage…. des bénéficiaires en migration’’ (Entretien du 18-01-2013). Le coût de ce travail était énorme, mais le résultat laisse à désirer. L’inexpérience de Concern conjuguée au contexte d’urgence dans lequel le programme était mis en œuvre ne pouvait pas permettre d’obtenir les résultats attendus. En 2011, Concern passe de l’urgence au développement. Elle procède à la révision de la liste élaborée en 2010 et à l’intégration de nouveaux villages. A l’intérieur même de l’équipe de Concern, une nouvelle équipe de ciblage a été mobilisée dans le but d’éviter les erreurs commises lors de l’opération de 2010. La liste des bénéficiaires a été partiellement validée, c’est-à-dire que a validation ne s’est pas faite dans tous les villages d’intervention de Concern, mais de nombreuses erreurs ont pu être évitées. La non validation des listes est totalement contraire aux principes du CT qui exigent que toute liste de bénéficiaires doit faire l’objet d’une validation en assemblée villageoise. En 2011, le processus de ciblage s’est caractérisé par l’introduction du système de prise de photo d’identité « ID FLo ». Ce système permet à Concern d’avoir un meilleur contrôle sur la liste des bénéficiaires : confirmer la liste des bénéficiaires (en évitant les doublons) et vérifier réellement les bénéficiaires (s’assurer de la présence physique des bénéficiaires). .

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Les « ID FLo » est un mécanisme implicite d’identification des bénéficiaires. De plus, avoir une carte donne également un statut officiel aux bénéficiaires. La phase de prise de photos a permis aux agents de Concern de déceler et de procéder séance tenante au remplacement des doublons. Elle a aussi permis d’éliminer des personnes fictives : « La prise de photo permet d’identifier les bénéficiaires. Cette phase a permis de voir que parfois, les chefs de village remplaçaient les gens au moment de prendre les photos », (L.B., coordinatrice de Concern, janvier 2013) La prise de photo des bénéficiaires a contribué ainsi à mettre fin à ce que les responsables de Concern ont qualifié de « deal des chefs de village ». On remarquera ainsi que les chefs de village étaient fortement impliqués dans le ciblage des bénéficiaires aux premières heures du CT. Dans certains villages de Tébaram, font remarquer les agents de Concern, les chefs ciblaient uniquement leurs administrés. La liste des administrés ne correspond pas toujours à celle des vulnérables du village. En 2012, Concern va sous-traiter le contrôle du ciblage des bénéficiaires en confiant l’opération à des structures privés. Dans un premier temps, Concern passe un contrat avec le CESAF, un cabinet privé basé à . Pour cibler les vulnérables, le cabinet s’est contenté de la liste des imposables en lieu et place de la procédure du porte à porte qui permettait de mieux apprécier les critères de vulnérabilité des ménages. Jouissant d’une autonomie totale dans l’opération de ciblage, le CESAF n’a pas jugé utile d’impliquer les agents de Concern qui, malgré tout, avaient acquis une solide expérience en la matière. La liste issue de l’opération de ciblage faite par le CESAF révèle des biais. En effet, à l’issue du ciblage, Concern procède à une vérification de l’exactitude des informations, à partir d’un échantillon de 15-30% de l’ensemble des ménages ciblés. Non satisfait des résultats produits par le cabinet CESAF, Concern va reprendre en main le processus de ciblage. Tout en confiant l’opération à Reme Africa, un autre cabinet d’études, Concern gardera un droit de regard en impliquant ses agents de terrain. L’équipe de Concern a assuré l’information et la formation des agents enquêteurs, la sensibilisation et la supervision du ciblage.

Le dispositif d’intervention de Concern

A l’échelle communautaire, le dispositif d’intervention de Concern s’appuie sur deux types d’acteurs que sont « les agents de terrain de Concern » et les assistants communautaires.

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Les « assistants communautaires », les équivalents de « relais communautaires » dans d’autres types d’intervention, sont recrutés dans la communauté. Ils ont un certain niveau d’instruction. A Tébaram, un assistant communautaire explique comment il a été recruté : « Avant, j’aidais les agents d’état civil de la mairie. Concern cherchait des assistants communautaire et en a exprimé la demande à la mairie. Nous étions 2, mais le second a désisté comme c’est un commerçant. Il n’a pas toujours le temps », (M.S., entretien du 19 janvier 2013) L’assistant communautaire joue le rôle d’interface entre les agents de terrain de Concern et la communauté des bénéficiaires. Dans la commune de Tébaram, quatre assistants communautaires ont été recrutés. Ce rôle leur donne un statut social non négligeable puisqu’ils perçoivent une rétribution mensuelle de 83.700 FCFA qui les maintient au village : « Je suis un ancien ‘’exodant’’ [migrant]. J’ai été en Libye, au Togo, au Bénin et en Côte d’Ivoire. Mais j’ai cessé la migration depuis 2008. Mais il faut dire que sans ce travail [d’assistant], je serais parti. », (Ibid) Les assistants communautaires sont répartis en zones. Ils constituent un maillon important du dispositif d’intervention de Concern. Ils font le suivi des prix des céréales et des animaux sur les marchés hebdomadaires, qui est important parce qu’il détermine le taux des fonds à transférer aux bénéficiaires : « Dès qu’on a les prix, on informe les agents de Concern à Tahoua, à travers ‘’Frontline’’ », (M.S., Ibid) Les montants octroyés aux bénéficiaires ne sont pas statiques ; ils évoluent avec les fluctuations des prix des denrées de base (mil, sorgho, niébé) : « Par exemple, à la première tranche, on a commencé avec 30.000 FCFA et à la seconde, on donné 25.000 FCFA. A la première tranche, le sac de mil de 50 Kg coûtait 18.000 FCFA. A la deuxième tranche, il coûtait 17.000 FCFA », (M.S.,Ibid). A côté du suivi des prix des céréales sur le marché, l’assistant communautaire est impliqué dans le processus de distribution des fonds. Dans cette perspective, ils jouent un rôle de mobilisateurs. Ils se rendent dans les villages relevant de leur zone d’intervention pour informer les bénéficiaires de la date de la distribution. A défaut de pouvoir s’y rendre, l’assistant communautaire « appelle les chefs de village pour qu’ils passent l’information aux bénéficiaires ». Les assistants communautaires font des visites mensuelles de suivi post distribution. Dans chaque village de leur zone d’intervention, ils animent des séances de sensibilisation sur l’hygiène, l’assainissement, la malnutrition, l’utilisation des formations sanitaires, lavage des mains. Ces « activités d’accompagnement » sont adressées prioritairement aux femmes bénéficiaires :

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« Les bénéficiaires sont obligées d’être à la sensibilisation », (M.S., Ibid) ; L’obligation faite aux bénéficiaires d’assister aux séances de sensibilisation est plutôt formelle ; les absences sont tolérées sinon ‘’comprises’’. C’est le cas des femmes bénéficiaires qui résident sur des hameaux de culture : « Les femmes qui sont dans des hameaux de culture ne participent pas tellement aux sensibilisations. Nous n’allons pas dans les hameaux de culture parce qu’on ne nous a pas autorisés à le faire…C’est peut-être parce qu’il n’y a pas beaucoup de bénéficiaires. », (M.S., Ibid) Il y a un accès inégal aux séances de sensibilisation, qui profitent davantage aux bénéficiaires vivant des les villages qu’à celles habitant sur des hameaux de culture. Les assistants communautaires reconnaissent volontiers qu’il est difficile de prendre des sanctions à l’encontre les bénéficiaires absentes : « On nous a demandé de prendre les noms de celles qui seront absentes aux séances de sensibilisation. Mais on ne l’a jamais fait. On leur dit seulement qu’on va rayer leurs noms de la liste….. », (M.S., Ibid) Les séances de sensibilisation sont un moyen de mobiliser les femmes bénéficiaires, qui se fait parfois sur le mode de la menace. Mais cette menace n’est pas suffisante pour contraindre les femmes à assister aux séances de sensibilisation. Il y a des coûts indirects associés aux déplacements (pour les femmes vivant dans des hameaux) ; il y a aussi le fait que le système de sanction (rayer les absentes de la liste des bénéficiaires) prévu n’a jamais été effectif. Les assistants communautaires ne participent pas au processus de ciblage des ménages vulnérables ; cela ne les met pas à l’abri des critiques proférées par ceux qui ne sont pas ciblés dans le village : « Ils disent que c’est nous qui ciblons nos gens ! », (MS, Ibid) Les assistants communautaires, du fait qu’ils sont quotidiennement en contact avec les populations, sont les plus exposés aux critiques. Enfin, les assistants communautaires sont tenus de dresser des rapports mensuels qu’ils envoient à leurs superviseurs basés à Tahoua. Ils assument les responsabilités des comités de plainte. Quand ils sont saisis pour une plainte, les assistants communautaires « tranchent quand ils le peuvent…sinon, ils saisissent par téléphone leurs superviseurs ». Alors que les principes des transferts monétaires exigent la mise en place de comités de plaintes, instance de conciliation attachée au programme de transfert monétaire, à Tébaram, ce rôle est dévolu aux assistants communautaires. Le dispositif du CT mobilise une diversité d’acteurs communautaires et départementaux. Ce sont le comité sous-régional de prévention et de gestion des catastrophes et des crises alimentaire, le représentant de la mairie de Tébaram qui assiste aux séances de distribution des fonds et de validation du

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ciblage, les chefs traditionnels (de village et de quartier) et la communauté villageoise. Dans le cadre du CT, le comité sous-régional est censé être impliqué dans le processus d’intervention de Concern, notamment dans le ciblage des ménages vulnérables. Dans cette perspective, parfois le comité sous-régional « met à la disposition de Concern un certain nombre d’agents qui participent au ciblage des ménages », (C.Y., agent de la direction départementale de l’aménagement du territoire et du développement communautaire, entretien du 17 février 2013). Dans la même perspective, les membres du comité sous-régional sont parfois impliqués dans la formation des agents de ciblage recrutés par Concern. Mais la pratique est toute autre car les membres du comité sous-régional sont rarement associés aux interventions de Concern. Ce fut le cas en 2012 où aucun membre du comité sous-régional n’a été associé au processus du CT. On remarque que tout le tissu communautaire n’est pas concerné par les transferts monétaires, comme l’illustre l’absence des leaders religieux (imans et boka) qui jouent un rôle déterminant dans la construction de l’opinion villageoise.

Les modalités du ciblage

Cibler les villages, entre le « macro et le micro »

Le ciblage des villages vulnérables se situe entre une approche ‘’macro’’ mise en œuvre dans le cadre du système d’alerte précoce (SAP) et une démarche ‘’micro’’ située au raz des réalités socio-économiques des populations. L’approche macro a un caractère général et vise à produire des données standardisées à parti d’indicateurs généraux. Le ciblage des villages vulnérables est officiellement du ressort de l’Etat à travers le SAP. Pour cibler les villages bénéficiaires du CT, Concern passe par le comité de sous régional de la gestion de crise alimentaire. Chaque année, le SAP dresse la liste des villages déficitaires. Cette liste est censée servir de base au ciblage des villages pour toute intervention. L’actualisation de la liste permet d’extraire certains villages et d’en inclure d’autres, selon leur niveau de déficit. A Tébaram, ce principe ne fonctionne pas toujours. Des villages entiers demeurent chroniquement déficitaires, d’une année sur l’autre. C’est pourquoi, « pour rester plus proche de la réalité », Concern ne se fie pas toujours à la liste du SAP : « Certains villages sortent de la liste du SAP d’une année à l’autre. L’année passée [2012] nous avons décidé de ne pas suivre cette liste puisque nous savons pertinemment que certains villages restaient toujours vulnérables… », (L.B, entretien de février 2013)

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Le fait de produire « sa propre » liste, témoigne d’un manque de confiance à la liste du SAP qui, parfois ne tient pas compte des dynamiques socio- économiques des villages. On voit également transparaître dans le discours de ce responsable de Concerne un souci de « corriger par le bas » les imperfections éventuelles que comporte la liste établie par le SAP. Parmi les imperfections, ce responsable de Concern souligne : « Avec le comité sous-régional, le choix des villages est aléatoires et vise…parfois à satisfaire tout le monde », (entretien avec un responsables de Concern, février 2013). La commune est impliquée dans le processus de ciblage des villages : « Ils font le ciblage avec nous et le service technique de l’agriculture de Tahoua. Au niveau de la mairie, c’est l’agent de l’Etat civil qui les accompagne », (maire de Tébaram, le 17 février 2013) La commune participe à l’élaboration de la liste des villages vulnérables, opération qui se fait chaque année à l’issue de la campagne agricole et pastorale. Le ciblage des villages vulnérables auquel est associée la commune est moins complexe, puisqu’il se base essentiellement sur les données officielles du SAP. Il s’opère à partir d’indicateurs macro et standardisés qui ne prennent pas en compte les spécificités de chaque village. Ce ciblage de type géographique précède le ciblage des ménages à l’intérieur des villages retenus.

Cibler les ménages vulnérables, « tout le monde se dit vulnérable »

Ce constat que fait le maire nous introduit en un sens dans la complexité qui caractérise le ciblage des ménages vulnérables. Le comportement des populations qui y est mis en exergue trouve quelque part son origine dans les modalités de distribution auxquelles sont habituées les populations. En effet, on se souviendra qu’à la suite de la crise alimentaire de 2005, l’Etat et ses partenaires, privilégiant la distribution gratuite généralisée, avaient permis à tout le monde de bénéficier des vivres. Les habitudes ayant la vie dure, les populations ont du mal à admettre une nouvelle modalité de prise en charge qui soit sélective. Dans un tel contexte, il n’est pas surprenant qu’elles aient développé des stratégies pour faire partie des bénéficiaires. Pour identifier les ménages vulnérables, Concern procède par un recensement exhaustif des ménages du village. Le recensement est précédé d’une phase d’explication de la procédure en assemblée villageoise ayant pour but d’avoir une compréhension commune de la technique du ciblage. En fait, il s’agit pour l’ONG de faire « adopter » la technique de ciblage conformément aux principes de la HEA.

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L’assemblée du village, instance de décision participative

L’assemblée villageoise a plusieurs fonctions. Elle est située en amont et en aval du processus de distribution.

Définir les critères de ciblage

En amont, avant d’entreprendre le recensement et le ciblage dans les villages, Concern procède par une assemblée villageoise qui consiste à expliquer l’objectif de la mission et le choix des « informants clés ». Au cours de cette rencontre sont définis par les populations « leurs propres critères de vulnérabilité » des ménages. Dans les faits, les populations étant habituées au ciblage, ont fini par maîtriser les objectifs de l’assemblée villageoise. Il arrive que cette phase ne soit pas véritablement observée : « Cette phase n’est pas toujours respectée, parce que « les populations savent pourquoi nous sommes là », (I.Y., enquêteur de Concern). Les critères de ciblage sont dynamiques d’un village à un autre. Ce qui peut apparaître comme un critère de vulnérabilité pour un village A ne l’est pas forcément pour un village B. Ainsi, par exemple, à Tébaram, la propriété foncière n’est pas considérée comme un critère de vulnérabilité pertinent. Les ménages disposent, dans leur majorité, de vastes champs de cultures ; la différence pouvant apparaître au niveau du rendement. Néanmoins, un certain nombre de critères servent de référence : « Au niveau du ménage deux critères sont mis en avant : la taille du ménage, c’est-à- dire le nombre de personnes à charge ; et le critère économique, i.e. nombre de têtes de gros ruminants, la superficie cultivable, les petits ruminants… », (I.Y., enquêteur de Concern). La définition collective des critères de ciblage se fait en référence aux critères de pauvreté ou de richesse dans le village comme l’entendent les habitants du village : « Dans chaque village, il est demandé à l’assemblée villageoise d’indiquer « le plus riche du village, ce qu’il possède (superficie et production, têtes d’animaux, etc.). Le moyennement riche, qu’est ce qu’il possède ainsi de suite jusqu’au talaka talak », (I.Y., enquêteur de Concern) Un des principes de la HEA, d’ailleurs le plus mis en avant par les responsables de l’ONG, consiste à répartir les ménages en 4 catégories selon leur degré croissant de vulnérabilité : A, B, C, D ; les catégories D et C étant considérées comme les plus vulnérables. En aval, c’est encore en assemblée villageoise que sont cités les noms des chefs des ménages ciblés conformément aux critères définis par la communauté. Il s’agit par cette opération de rendre public la liste de ceux qui seront les futurs

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bénéficiaires du cash. C’est donc un processus de légitimation du travail effectué par les agents de ciblages. Pour le cas précis de Tebaram, les critères de vulnérabilité définis par les populations sont les suivants:

Proposer des catégories émiques de vulnérables

A : les nantis du village ou ‘ « masu hali »’ou « attajirai » Cette catégorie regroupe les habitants du village qui possèdent 6 à 7 vaches, 10 brebis ou plus. Parfois une partie de leur bétail est confié à des éleveurs. Leurs greniers sont suffisamment pleins de mil. La fumée de la cuisine se dégage chaque jour, signe de la préparation des repas. Ils consomment régulièrement de la viande dans la sauce. B : la classe des moyennement nantis ou « masu dama-dama » Leur cheptel comprend trois à 5 vaches ou 5 brebis. Leur production agricole est suffisante jusqu’aux prochaines récoltes. Ils ne travaillent pas dans le champ d’autrui en contrepartie d’un salaire. Ils utilisent la main-d’œuvre agricole dans leurs propres champs. Comme chez les nantis, la fumée de la cuisine témoigne de la préparation quotidienne d’un repas. C : les pauvres ou ‘’tallakawa’’ Le produit de leur récolte dure trois mois (elle se termine en décembre). Ils survivent grâce à des activités extra-agricoles telle que la vente du bois de chauffe, le ramassage et la vente de paille ; la fabrication et la vente de briques en banco, la cueillette et la vente de feuilles sauvages (feuilles de ‘’jiga’’). Leur cheptel se limite, au meilleur des cas, à deux chèvres à eux confiées, « kiyyo » ou obtenues par le jeu du « habbanayé ». Dans ces ménages, les repas sont irréguliers, deux à trois fois par semaine. D : les très pauvres ou « tallaka-tallak » Cette catégorie constitue une main-d’œuvre agricole exploitée par les autres catégories. Ils ne disposent pas de champs, ni de poule dans leur ménage. Les femmes issues de ces ménages sont utilisées dans le pilage du mil contre une petite mesure ou le son. La notion de « talaka-talak » n’est pas une émanation de la communauté de Tébaram ; elle a été importée par Concern et s’est imposée dans le processus de ciblage des ménages. A Tébaram, « talaka-talak » la population utilise la notion emique de « gajiyayu » pour désigner les vulnérables. Bien qu’elle soit l’instance de décision villageoise, l’assemblée villageoise reste toujours partielle puisqu’une partie de la population du village n’y assiste

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pas. Aussi, les critères de ciblage et la validation des ménages ciblés sont-ils ‘’authentifiés’’, non pas par l’ensemble du village mais une partie de celui-ci.

Les assemblées des quartiers

De façon normative, les informantsclés du village sont élus ou désignés lors des assemblées des quartiers. En ce sens A. B l’un des informant clé de Tebaram souligne qu’ : « On nous a élus informants clés lors des assemblées du quartier Madina pour le recensement des ménages vulnérables. Par la suite, avant d’entrer en fonction, nous avons bénéficié d’une formation rapide de la part de Concern sur le système de codage des différents ménages recensés »

Le choix des informants clés

Il se fait par quartier. Chaque quartier étant autonome pour désigner ses « informants clés ». Mais c’est en assemblée villageoise que sont déterminés les critères de choix de ces informants. Ils sont évidemment membres du quartier, ont un degré d’objectivité reconnu « adalci », connaissent les réalités du quartier et ont un certain niveau d’instructions. Les informants clés sont choisis par quartier à la demande du chef du village. Dans les sept (7) quartiers de Tebaram 28 informants clés ont été choisis soit 4 par quartier (2 femmes et deux hommes). Il y a bien un souci de représentativité des femmes parmi les informants. Ces informants clés sont en général des déscolarisés qui ont souvent le niveau secondaire. Ils doivent être honnêtes et censés donner toutes informations recherchées sur les ménages. Les informants clés sont choisis parce « qu’ils connaissent mieux les vulnérables ». L’accès au statut d’informants clés donne accès à d’autres types de responsabilité dans le village. Selon le directeur de l’école primaire de Tebaram : « Les informants clés sont choisis à l’issue d’un vote ou par désignation des différents quartiers. Ils sont aussi utilisés par les autres partenaires au développement qui interviennent dans le village ou même la commune » Par ailleurs, certains témoignent que les informants clés sont des personnes ayant un lien de parenté avec le chef du village ou des quartiers. Ainsi, I. S, enseignant à l’école primaire de Tébaram affirme que « Les chefs des quartiers proposent leurs gens en fonction du profil recherché. Dans la plupart des cas, les personnes proposées sont absentes dans l’assemblée villageoise. Les chefs des quartiers les utilisent pour jouer leur jeu ». Dans cette même perspective, I. M. S avance ces propos :

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« Les informants clés du village sont des gens qui ont un lien avec le chef du village ou des quartiers. Ils sont impliqués dans la plupart des interventions des ONG ou associations intervenants dans le village. C’est un circuit fermé… » (I.M.S enseignant au collège de Tebaram). L’introduction du choix des informants clés ouvre ainsi un nouvel enjeu de représentation des autorités coutumières dans le dispositif du CT. Si elles sont officiellement « neutres », les faits montrent que ces autorités, de par le fait qu’elles « proposent des gens », s’y trouvent impliquées. Parfois, leur simple présence dans l’assemblée villageoise suffit à influer sur le choix des informants clés. La mise à l’écart des chefs de village prônée par les interventions me paraît utopique dans des contextes sociaux où, par le jeu combiné des liens de parenté (les habitants descendent presque du même ancêtre) et des alliances matrimoniales, les chefs de village ont des rapports avec presque tout le monde. Cette assertion est d’autant plus vraie que les villages sont petits. Tous les informants clés de Tebaram ont bénéficié d’une journée de formation légère sur le système de codage et sur les « techniques de remplissage » des supports de collecte des données, par les agents de Concern et les membres du comité sous-régional. Jusqu’en 2012, les membres du comité sous-régional de Tahoua avaient toujours été impliqués dans le processus de ciblage. Ainsi, A. M explique le processus de codage : « J’étais membre du comité de ciblage en 2012. On nous a classé le village en 4 groupes (A, B, C et D) avec des cailloux. Si un chef de ménage se présente chez le chef de quartier pour le recensement, nous l’écoutons d’abord expliquer sa situation du ménage. Ensuite, le chef d’équipe demande de placer un caillou au code qui lui convient » (A. M., membre du comité de ciblage au quartier Madina de Tebaram). Cet extrait d’entretien lève un coin de voile sur la démarche appliquée pour le ciblage des ménages. On constate que les chefs de ménage sont « convoqués » chez les chefs de quartier et non visités dans leurs propres ménages. Il faut préciser qu’en 2012, le comité de ciblage ‘’communautaire’’ n’a pas été associé par le cabinet sous-traitant sollicité par Concern. Alors que, dans le village, émergeaient des compétences endogènes en matière de ciblage, le cabinet a préféré ‘’faire cavalier seul’’ dans le processus de ciblage des ménages vulnérables.

Les recensements et la codification des ménages

Pour le recensement des ménages deux méthodes ont été utilisées par Concern dans le village de Tebaram. La première consiste à faire du porte à porte pour le recensement. Ainsi, C.Y affirme que :

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Le Cash Transfer à Tébaram (Tahoua)

« Les informants clés faisaient du porte en porte le recensement des ménages. Ils ne posent aucune question aux membres du ménage. C’est juste une simple observation qui permet de codifier le ménage » (C. Y membre du comité sous régional). Les agents de services techniques impliqués dans le ciblage sont conscients que « le porte à porte » reste la meilleure approche pour identifier les ménages, même si elle est beaucoup plus fatigante. La simple observation dans les ménages suffit-elle à apprécier et à les classer dans une catégorie définie ? Sur quoi porte l’observation ? « Arrivé dans les concessions, on observe les animaux…, le nombre de têtes d’animaux. Et c’est facile, il suffit de compter les piquets…On préfère demander à l’informant clé, parce que si nous demandons au chef de ménage, il nous dira que les animaux ne lui appartiennent pas », (C.Y, agent du DDP/AT/DC) Quant à la seconde, les chefs des ménages se regroupent dans un endroit du quartier pour le recensement. A ce niveau, A.B un informant clé de Tebaram explique : « Dans le cadre du dernier recensement, nous n’avons pas fait de porte à porte. On nous a juste regroupé chez le chef de quartier et les chefs des ménages passaient l’un après l’autre ». Le rôle confié aux informants clés se limite au recensement et à la catégorisation (ou encore codification) des ménages selon leur degré de vulnérabilité. Une fois la liste des ménages élaborée, le processus de ciblage évolue vers un second niveau auxquels ne sont pas impliqués les informants clés.

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Le ciblage et l’identification des bénéficiaires

Le processus du ciblage des ménages bénéficiaires

Après le recensement exhaustif des ménages et la codification, les agents de Concern se retirent pour le ciblage de ménages bénéficiaires du cash transfert. Ainsi, les informants clés sont remerciés à la fin de la codification des ménages, comme l’expliquent A.B.: « Notre rôle s’est limité à la codification des ménages. Nous ne sommes point impliqués dans le ciblage » (A.B informant clé de Tebaram. Le ciblage et l’auto-ciblage sont combinés dans le processus d’identification des ménages vulnérables. Même si elle porte en elle quelques limites, cette combinaison permet de minimiser les niveaux de fraude. Le fait que les chefs de ménages s’auto-classent dans l’une des quatre catégories permet de limiter les plaintes d’exclusion. En revanche, cette démarche est contradictoire avec l’observation et la recension faites par des personnes tierces. Le ciblage des ménages ne se fait pas ex-nihilo. Il tient compte « d’un quota » attribué préalablement à chaque village. Dans chaque village il y a un nombre précis de ménages vulnérables à identifier: « En fonction de chaque village, un quota des ménages est donné par Concern qui précise le nombre exact de ménages à retenir. On peut dire par exemple, qu’on a besoin de 38 ménages, ou de 20 ménages dans ce village. Les ménages sont prioritairement ciblés dans la catégorie D. lorsque le quota n’est pas atteint, on remonte à la catégorie C, ainsi de suite jusqu’à atteindre le nombre de ménages souhaités», (I.Y.). Nos enquêtes ne nous permettent pas de préciser comment ces ‘’quotas’’ sont attribués pour chaque village. Certains habitants du village ne comprennent pas toujours qu’ils ne soient pas ciblés alors même qu’ils ont été recensés. A l’inverse, il arrive que les mêmes ménages soient ciblés au bout de plusieurs opérations : « On cible parfois les mêmes personnes sur plusieurs opérations de distribution ; alors que dans un gros village comme celui de Tébaram il y a toujours des vulnérables qui restent à la touche », (chef de village) Concern a mis en œuvre des programmes de Cash transfer en 2010, en 201 et en 2012. Certains villages ont bénéficié du cash sur les trois années. Le ciblage des ménages bénéficiaires n’est pas exempt de critiques, provenant notamment du chef de village : « Dans tous les cas, on trouve toujours des recenseurs qui ne sont pas très honnêtes »

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Le Cash Transfer à Tébaram (Tahoua)

Au niveau des autorités communales également ; il y a des doutes sur la neutralité des informants clés laissant penser qu’il existe toujours des cas de fraude: « Vraiment… les sentiments jouent parfois, de la part des informants clés », (maire de Tébaram) De son côté le maire de la commune, en sa position d’observateur du processus fait remarquer : « Le temps consacré au recensement est très court. En cas d’erreur, ça ne permet pas de corriger les éventuelles erreurs de ciblage. C’est comme….en hausa on dit an ci kasuwa an wace (lit. le marché est terminé). De plus, le moment du ciblage est parfois mal choisi. En 2011, il a été réalisé pendant la saison des pluies. A cette période de l’année, une part importante de la population a déjà regagné les hameaux de culture. Il convient également de relever l’élasticité de la catégorie des vulnérables. Parfois, les personnes ciblées théoriquement sont éliminées de la liste lorsqu’on découvre qu’elles ne font pas partie des vulnérables. Sur le champ, elles sont remplacées en assemblée villageoise. C’est par ce mécanisme que Shambi, un aveugle du village, a pu bénéficier de la distribution des fonds en 2012. Enfin, il y a aussi le cas de femmes divorcées qui en bénéficient parce qu’elles ont des enfants à charge. On remarque ainsi que les vulnérables constituent une catégorie à géométrie variables. Aux critères économiques basés sur ‘’les biens’’ dont disposent les ménages, s’ajoutent localement des critères composites qui renvoient au statut (veuves, femmes divorcées) ou au handicap.

L’assemblée de validation des ménages ciblés

A l’issue du ciblage, une assemblée villageoise est convoquée à la cour du chef du village pour une communication publique par les agents de Concern des noms des ménages ciblés, c’est-à-dire le nom du chef de ménage et celui de son épouse qui doit recevoir les fonds. Souvent, la radio communautaire « Bango » de Tebaram, qui émet sur un rayon de 50 km, est mise à contribution pour diffuser les noms des personnes ciblées. La validation donne ainsi un caractère officiel au ciblage et devait permettre de dissiper toutes les suspicions qui entoureraient le choix des ménages. Elle permet d’éviter les éventuels doublons qu’il pourrait y avoir au moment du ciblage. Un représentant de la mairie prend toujours part à cette opération de validation : « Une fois que le ciblage est fait, les agents de Concern nous amène la liste des bénéficiaires. Ensuite nous retournons chez le chef de village pour confirmer que ce

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sont ces derniers qui vont bénéficier des fonds…ainsi les bénéficiaires se connaissent. On nous ramène la liste ici à la mairie pour archivage », (maire de la commune rurale de Tébaram) Une fois la validation terminée, la liste est ensuite envoyée à Tahoua, au siège de Concern pour y subir un traitement informatique. A chaque ménages vulnérable ciblé, il sera affecté un coefficient afin d’identifier les plus vulnérables des vulnérables, nous a-t-on fait savoir.

La prise des photos, identification des bénéficiaires

A la fin de l’assemblée de validation, l’équipe de Concern retourne pour quelques jours dans les villages pour procéder à la prise de photos. D’ordinaire, toutes les femmes dont les noms figurent sur la liste doivent normalement bénéficier d’une photo qui permettra l’identification de la bénéficiaire le jour de la distribution. Dans les faits, la phase de prise de photos donne lieu parfois à des frustrations, comme en témoigne l’expérience vécue par D.M, père d’une fille ciblée dont le nom a été par la suite rejeté: « J’ai entendu le nom de ma fille Hassana D. à la radio « Bango » parmi les bénéficiaires du cash transfert lors de la première distribution et plusieurs personnes nous ont félicités après le communiqué. Mais, à ma grande surprise, le jour de la prise des photos, on nous a chassés de l’endroit en nous disant que tout est fini. Nous avons rebroussé chemin en nous lamentant sans porter plainte à qui que ça soit…. ». Un non-bénéficiaire M.Z. témoigne avoir entendu au moins trois noms lors de l’AG de validation qu’on n’a pas retrouvés le jour de la prise des photos. C’est le cas entre autres de ‘’Nanou Boubacar’’, ‘’Ta Bizo Bawa’’ et ‘’Haoua Kaleni’’. Il relate : « Le jour de la prise de photo, Nanou Boubacar a passé toute la journée au niveau de la Mairie,…Elle est rentrée la tête basse et me raconta que son nom ne figurait pas sur la liste. Je lui ai dis de s’en remettre à Dieu…. », (M.Z., habitant du village) En plus, certaines personnes ciblées sont remplacées par d’autres qui ne figuraient pas sur la première liste. Selon F. G, une non bénéficiaire, « J’ai été ciblée lors de la première distribution de Concern car le nom a été prononcé publiquement lors de l’AG. Pourtant, le jour de la prise de photo, mon nom a été remplacé par Arziki qui ne figurait pas sur la première liste. Chose étonnante, trois personnes (sa mère, sa sœur et elle) dans le même ménage ont bénéficié du cash transfert de Concern ». Ces propos sur fond de dénonciation expriment des sentiments de frustration vécus par certains habitants du village. Ils témoignent également d’une certaine incohérence entre la phase de validation et celle de la prise de photos. Ils expriment l’idée que la liste des personnes ciblées ayant fait l’objet de validation est toujours susceptible d’être manipulée. Ces discours dévoilent, en creux, l’existence de possibilités de substitution de noms.

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Le Cash Transfer à Tébaram (Tahoua)

Les sentiments de frustration construisent une série de perceptions autour du ciblage. Des discours tendent à indexer certains acteurs comme étant à l’origine des manœuvres. Ils considèrent que le ciblage n’atteint pas toujours le vulnérable, contrairement à l’esprit dans lequel cette opération s’inscrit : « Ba talaka Kadai ba yake samun kundin concern » (Mantou K.), (lit. « les pauvres ne sont pas les bénéficiaires exclusifs de l’argent de Concern »). Ceux qui s’estiment avoir été victimes de manipulations lors du ciblage optent pour le silence pour ne pas tout remettre en cause le processus, « kal in bata tsari » (lit. j’évite de gâter l’organisation). Les perceptions négatives autour du ciblage se construisent à partir de cas flagrants publiquement connus : « Hadjia, la femme d’un riche du , a bénéficié de l’argent de Concern sous le regard impuissant de la population. Son mari dispose de magasins ici à Tébaram et un peu partout ; ses enfants ont des véhicules de transport », (M.K., Ibid). Certains acteurs sont le plus indexés par la population. Au niveau du recensement, ce sont les « informants clés » et les chefs de quartiers qui sont le plus accusés. Dans le dispositif de Concern, ces deux catégories d’acteurs sont également les plus en contact avec les communautés. Pour M. K. : « Les informants clés accomplissent leurs tâches à 65%. Il y a quelques cas de dérapages. Le ciblage réalisé en 2012 a été beaucoup boudé par la population, car au quartier Ardji presque la majorité de ménages a bénéficié du cash transfert et de surcroit ils appartiennent à la « classe moyenne » (dama-dama) » (M.K.Ibid.). Les agents de Concern ne sont pas exempts de toute critique de la part des communautés. On les accuse de manipulations, comme en témoigne le propos de M. K. : « A la première distribution du cash transfert, j’avais bien entendu mon nom communiqué à la radio parmi les personnes ciblées. Le jour de la prise des photos, on m’a fait savoir que mon nom ne figure pas sur la liste. Comme prétexte, ils nous disaient que c’est l’ordinateur à Tahoua qui fait le tirage alors que nous savons concrètement tout se passe à Concern Tebaram. Ils accusent toujours le ‘’courant ‘’ ou l’ordinateur qui efface certains noms » (M.K., Ibid.). Les accusations proférées par la population (du moins une partie de celle-ci), révèlent le malaise ambiant dans lequel s’opèrent les transferts monétaires. Elles lèvent le voile sur les interactions souvent difficiles entre les communautés et les agents de terrain de Concern.

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Les opérations de distribution du cash

Les distributions se font sur un lieu public et facile d’accès. A Tébaram, elles se font chez le chef de village. Le jour de distribution est un jour particulier. Selon le chef du village, « Dès qu’on convoque, tout le monde sort, y compris les femmes vivant en claustration. D’ailleurs, les femmes sont en tête de la mobilisation », (chef de village de Tébarama) La mobilisation des femmes se fait par le crieur public, « shela », sur ordre du chef de village. Elles se rassemblent chez le chef de village. Lorsqu’on les appelle, elles reçoivent leur argent, apposent leurs empreintes digitales, comptent l’argent qui leur a été remis pour s’assurer que le compte est bon et se retirent dans la foule. En principe, seules les bénéficiaires doivent recevoir en mains propres les fonds. Mais la pratique instituée à Tébaram est que des ‘’mandataires’’ peuvent percevoir au nom des bénéficiaires reconnus : « A deux reprises, j’ai reçu l’argent pou une cousine qui est absente. Une fois sur place, je réponds au nom de ma cousine…C’est d’ailleurs S. qui m’a toujours proposé d’aller toucher l’argent de ma cousine », (L.A., bénéficiaire du cash à Tébaram) « Au début, il y avait une rigueur. On ne remettait l’argent qu’aux femmes. Mais par la suite, ils admettent de remettre l’argent aux maris dont les femmes sont absentes. Mais ils [les responsables du projet] reconnaissent que ce n’est pas normal », (chef de village de Tébaram) En 2012, quatre opérations de distribution des fonds étaient prévues. Dans les faits, il y a eu trois opérations, chacune avec un montant variable. La première distribution de 30.000 FCFA est intervenue le 18 juillet 2012, la seconde de deux fois 35.000 FCFA le 25 août. Enfin la troisième opération de distribution de 25.000 FCFA est intervenue le 21 septembre 2012. Au total chaque ménage ciblé a reçu 125.000 FCFA en 2012 au titre des transferts monétaires. Le volume d’argent injecté dans les ménages est donc important. Ainsi, ce sont 24.375.000 FCFA qui ont été répartis entre les 195 bénéficiaires du village de Tébaram ! A l’échelle de la commune, le montant est plus impressionnant : 185.500.000 FCFA pour l’ensemble des 1.484 ménages bénéficiaires. Ce montant représente plus de cinq fois le budget de la commune de Tébaram en 2012.

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Le Cash Transfer à Tébaram (Tahoua)

L’utilisation du CT : «ce n’est pas parce que ton nom est inscrit…c’est l’argent du ménage »

Le CT redéfinit les rapports de genre à l’intérieur des ménages. Des expériences relevées sur d’autres sites montrent les incompréhensions autour de l’utilisation des fonds reçus. A Tébaram, il a été unanimement admis que l’argent appartient au ménage et non à la femme. Sans doute, une telle précision a énormément contribué à désamorcer les potentielles tensions intra- ménage liées à l’usage des fonds. La femme ne devient qu’un ‘’intermédiaire’’, jouant un rôle d’interface entre le ménage et l’ONG.

L’utilisation des fonds dans les ménages bénéficiaires

Cas 1: Mantou affirme avoir bénéficié de 3 distributions en 2012.

Distributions

Postes de dépense 30.000 50.000F CFA 20.000F CFA FCFA

Biens alimentaires Achat d’un -achat sac de mil à -10 mesures de mil à ½ sac de mil 40.000 5.000F CFA à 20.000 -3000F Cfa de viande FCFA et condiments

Redistribution -5000 FCFA -5000 FCFA à sa -500 FCFA à sa première première fille ; -accueil des agents de fille ; -2000 F CFA à sa 2ème Concern -2000 F CFA fille à sa 2ème fille

Biens non -3.000F Cfa -5.000F Cfa : achat de alimentaires de savon 3 pagnes - une paire de chaussures ; -achat de fournitures scolaires, habits pour enfants, chaussures

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L’achat de vivres et la redistribution constituent les principaux postes de dépense des sommes perçues par Mantou. Ces dépenses évoluent en fonction de la période de distribution. En juillet et août, périodes difficiles de l’année qui correspondent à la soudure, c’est l’accès aux vivres qui constitue la priorité du ménage. L’investissement dans les biens non alimentaires (non-food items) devient important à la 3ème opération de distribution (septembre). Inversement le volume des dépenses affectées aux vivres décroît au bout de la 2ème et 3ème distribution. La 3ème opération de distribution (septembre) coïncide avec les préparatifs de la rentrée scolaire et de la fête de Ramadan. On comprend alors que l’achat des effets vestimentaires (pagnes, habits et chaussures) soit la principale préoccupation.

Cas 2: famille feu Ahmada Le ménage est très vulnérable. Il compte 8 filles toutes orphelines de père et de mère. L’aînée fait office de chef de ménage. Ce ménage a bénéficié de trois opérations de distribution dont les dates et les montants sont consignés dans le carnet de bénéficiaire. On peut lire : 1ère distribution : 18 juillet 2012 ; 2ème et 3ème distributions : le 25 août 2012 ; 4ème distribution : le 21 septembre 2012

Distributions

Postes de dépense 30.000 FCFA 70.000F CFA 25.000F CFA

Biens alimentaires Achat de 2 sacs de -achat sac de mil à Non déclaré riz de 25kg à 16.500F CFA 22.000FCFA

-Huile à 5000 FCFA - Ravitaillement en eau potable et achat de thé.

Redistribution -1000F CFA -1000F CFA -1000 FCFA

Biens non Non déclaré Non déclaré Non déclaré alimentaires

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Le Cash Transfer à Tébaram (Tahoua)

Pour AI, une autre bénéficiaire :

« Lorsque j’avais reçu la somme de 50.000F, j’avais confié le tout à mon mari. Il m’a remis 1. 00 FCFA dans lesquels j’ai pu remettre 500F à ma coépouse. C’est lui qui a acheté les vivres pour tout le ménage. J’attendais les prochaines distributions pour donner à mes voisines, mais hélas, je n’ai plus reçu »; Certaines femmes cotisent un peu d’argent pour acheter des œufs dans le but d’accueillir les agents de l’ONG Concern en guise de remerciement. La grande majorité des femmes bénéficiaires remet les fonds à leurs maris. En retour ceux-ci redonnent une partie à leurs épouses.. Les femmes redistribuent une partie des fonds qu’elles reçoivent de leurs maris entre une voisine, une sœur ou une amie. De son côté, le mari procède à une redistribution dans son cercle restreint d’amis, « en hulda », (lit. ceux avec qui l’on s’entend). Ainsi, la somme reçue par les bénéficiaires subit plusieurs ponctions pour des motifs de sociabilité.

Témoignage des non bénéficiaires

L’achat des vivres constituent l’essentiel des dépenses des ménages bénéficiaires. La préférence pour les vivres s’explique par la période de la distribution qui intervient au pendant la soudure. A cette période, les greniers sont quasi vides et les prix des denrées alimentaires sur le marché connaissent des hausses qui dépassent les capacités financières des ménages. Assurer la sécurité alimentaire des ménages constitue la principale préoccupation des chefs de ménages. Subsidiairement, les bénéficiaires achètent des habits aux enfants, des pagnes pour leurs épouses, des chaussures et rarement de petits ruminants. Un habitant du village, non bénéficiaire du CT, fait remarquer : « L’obligation pour la femme, chez nous, est de couvrir son corps [s’habiller] ou celui de sa fille », (Abdoulahi, commerçant du village). « L’argent de Concern » procure aide aussi les femmes à faire face à leurs obligations, à savoir l’achat de vêtements pour leurs filles, comme l’exige la norme socialement admise à Tébaram. Ainsi, grâce aux transferts monétaires, les femmes retrouvent une certaine dignité dans leur milieu social. Par ailleurs, le directeur de l’école primaire témoigne des différents usages de transfert monétaire de Concern. « Nos bénéficiaires investissent dans les vivres, assurant le repas au quotidien, ce qui réduit sans nul doute le retard et l’absence de certains élèves. Elles assurent aussi les tenues des enfants et les cotisations des COGES. Certaines payent aussi l’impôt et distribuent quelques pièces à leurs proches ».

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Fatchima Gado raconte :

« Ma voisine, bénéficiaire du cash transfert de Concern a acheté des vivres, des tasses (samira), un cache-mur, une moquette en matière plastique. Ça a servi aussi à réparer son lit. Certaines, de mon quartier, ont acheté des chèvres ou des brebis. » (F.G, enseignante au jardin d’enfants). L’argent du CT sert également à s’offrir quelques commodités dans le ménage, à améliorer leur bien-être, à côté de l’achat de vivres qui reste la priorité.

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Les CT et les réalités sociales locales

L’introduction du cash transfer contribue à transformer les réalités sociales. Ces transformations s’observent aussi bien au niveau des ménages, au niveau des villages et au niveau de la commune.

Au niveau du ménage

La santé du ménage

Il est difficile d’établir un lien direct entre les transferts monétaires et la santé des ménages, mais il y a bien sûr des dépenses de santé effectuées sur l’argent du CT. « Le cash transfert a permis à beaucoup de femmes à se faire soigner. Les femmes s’engagent volontairement à se faire soigner au niveau du CSI parce que la gratuité concerne uniquement les enfants de 0 à 5 ans. En temps normal, certaines ont des difficultés pour mobiliser les 900 FCFA pour le carnet de consultation» (chef CSI).

« Mon mari ‘’dan dangana sanda2’’ réside à Telemsess. Nous sommes trois à partager le même mari et chacune d’entre nous vit de son côté. La distribution du cash transfert a coïncidé avec le retour de la Côte d’Ivoire de l’enfant de mon mari malade. Son papa étant absent, je l’ai évacué à Tahoua avec cet argent » (S.G., bénéficiaire).

Réduction des départs précoces en migration

La migration masculine est une pratique très ancienne à Tébaram. Elle s’inscrit dans le schéma classique des départs massifs après les récoltes (septembre- octobre) et des retours au moment des premières pluies (juin-juillet). Les départs en migrations constituent pour les ménages une stratégie de sécurité alimentaire, puisqu’en partant les hommes et les jeunes garçons enlèvent des bouches à nourrir, en période difficile, abandonnant aux mains des femmes et des enfants la responsabilité s’occuper des récoltes. Nombre d’enquêtés considèrent que le CT a eu un impact sur l’émigration, en contribuant à maintenir plus longtemps les migrants dans leurs villages.

2 C’est un polygame dont les femmes vivent dans des ménages séparés imposant à ce dernier des déplacements entre ménages.

30 ETUDES ET TRAVAUX DU LASDEL N°106 Le Cash Transfer à Tébaram (Tahoua)

« Le cash transfert a réduit le départ des personnes en migration pendant la saison d’hivernage, mais aussi la durée de séjour. Par le passé, les gens passaient 2 à 3 ans ailleurs, mais aujourd’hui [février 2013], certains n’ont pas quitté le village…. » (K.S.B., entretien du 03-02-2013). Les populations de la partie septentrionale de Tébaram redescendent aussi massivement vers le Sud (Illéla et Konni). Le maire fait remarquer que ces dernières années cette tendance s’est inversée : « Avec le CT là…on a remarqué que les gens restent sur place. Avant, les villages du Nord se vidaient et les gens allaient vers le Sud où ils ont des parents… » Le maire fait remarquer que le Nord de Tébaram est la zone la plus exposée aux aléas climatiques et à l’insécurité alimentaire. Il estime que l’intervention de Concern a été efficiente puisque : « C’est surtout le Nord de la commune qui a bénéficié du CT. Dans la partie nord, je pense que 8 villages sur les 9 ont bénéficié du CT »

Au niveau du village

Le renforcement de la solidarité autour du cash transfert

Les bénéficiaires du CT distribuent quelques pièces à leurs proches : en ce sens Moussa Zamnao affirme : « chez nous, ce n’est pas la somme qui compte, mais plutôt le geste ». Par ailleurs, il souligne que cette solidarité n’est pas généralisée en disant que : « Wasu in suka dauki kudin, ko a wata biyu ba ka ganin su » (lit. « il y en a qui disparaissent durant 2 mois dès qu’ils perçoivent l’argent »). Le CT de ce point de vue contribue à maintenir et renforcer les liens de solidarité villageoise. Il faut néanmoins souligner que cette solidarité n’est pas généralisée dans la mesure où nombre de bénéficiaires ne s’adonnent pas au jeu de la redistribution.

L’accès au crédit

Le ciblage d’une femme par l’ONG Concern lui donne la garantie d’accéder aux crédits chez les commerçants du village. Il faut le noter, aucun commerçant n’est désigné par l’ONG pour servir de référence aux achats. Les bénéficiaires s’approvisionnent auprès du commerçant qui a l’habitude de leur vendre certains produits à crédit. Ainsi, pendant la période de soudure, les commerçants du village font de l’usure en donnant un sac du mil ou sorgho à crédit contre 2 après les récoltes. « ….J’ai pris un sac de sorgho à 14 000 FCFA juste après avoir été ciblé. Ce ciblage est une garantie pour moi parce qu’il m’a évité de rembourser doublement mon crédit » (K.G., bénéficiaire).

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Le Cash Transfer à Tébaram (Tahoua)

Une aubaine pour les commerçants du village

A Tébaram, certains commerçants augmentent leur chiffre d’affaire suite aux distributions du Cash manuel de Concern. « Je suis colporteur qui vends du gari, souchet, arachide et les épices. Après une séance de distribution de CT, j’écoules au moins dans chaque marché de 2 à 3 « mana » (lit. sac de 50 kg) de gari. En effet, mon chiffre d’affaire augmente de 20 à 30 %. Pourtant, après 2 ou 3 semaines, les choses changent, à peine j’arrive à écouler un mana. » (Abdoulahi Noma, commerçant du village et trésorier de BC). « D’ordinaire, certaines personnes commandent un plat à crédit sans nous avertir d’avance, après avoir été servi, ils s’éclipsent. Le jour de la distribution de Concern, ils nous remboursent »(H. restauratrice de rue). Certains signes caractérisent la distribution de CT de Concern à Tebaram : « Les billets craquants de banque qui circulent dans le village, l’augmentation de la clientèle au niveau des commerçants et l’animation comme le jour de la fête » (F.G, enseignante au jardin d’enfants de Tébaram). Les opérations de distributions donnent toujours lieu à une forte circulation monétaire dans le village qui contribuent à ‘’booster’’ l’économie locale.

Le renforcement de l’accessibilité aux banques céréalières du village

Le village de Tébaram dispose de quatre banques céréalières. Elles fonctionnent sur un modèle quasi identique qui facilite l’accès des vivres aux habitants. Elles définissent une quantité de vivres autorisée (5 mesures par achat), l’obligation de présenter un carnet de famille. Selon les responsables de banques céréalières de Tébaram, le CT de Concern a beaucoup contribué au flux de la clientèle au niveau des banques céréalières, notamment celle de la CCA. L’appui de Concern a contribué au maintien de la population sur place. L’existence des « mangaza » (magasins), terme générique utilisé pour désigner les banques céréalières, a favorisé la disponibilité des vivres dans le village. Les bénéficiaires du CT peuvent s’y approvisionner au détail (achat de quelques tiya), à défaut d’acheter des sacs sur le marché ou auprès des commerçants qui appliquent des prix élevés par rapport à ceux des banques céréalières. La présence sur place de banques céréalières et de commerçants de céréales permet aux ménages de minimiser les coûts indirects liés au transport pour l’acheminement des vivres dans les ménages et fait gagner du temps aux chefs de ménage qui peuvent s’approvisionner sur place en vivres.

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Au niveau de la commune

Les élus locaux ne sont pas impliqués dans le post distribution monitoring , c’est-à-dire le suivi de l’utilisation des fonds distribués aux ménages; ce qui soulève le problème de l’appropriation du CT par les autorités locales. « Ce n’est pas satisfaisant au niveau de la commune parce qu’il n’y a pas d’impacts visibles ! On a une certaine limite puisque la stratégie a déjà été ficelée depuis le ministère et nous on ne fait qu’appliquer » (maire de Tébaram). Les programmes de transfert monétaire laissent la commune à la touche. Les autorités communales s’en plaignent parce qu’elles s’attendent à des retombées en termes d’infrastructures ou d’appuis financiers. La notion de « visibilité » évoquée par le maire laisse penser à la réalisation d’infrastructures. De plus, le discours du maire traduit la faible marge d’action des autorités municipales dans la mise en œuvre des programmes de transferts monétaires. Ils se considèrent comme des exécutants de décisions et de stratégies conçues sans eux. On voit émerger également l’idée que les programmes de transferts monétaires ne sont pas une émanation des bénéficiaires, et n’ont pas une réalité endogène. Ils sont ressentis comme des programmes ‘’importés’’. L’introduction des transferts monétaires a accentué un processus de fragmentation des ménages, processus apparu depuis 2005 avec les opérations de distribution des vivres. « Dès qu’on se marie, il faut avoir son carnet de famille. On a concassé les ménages puisque les distributions se font sur la base de la taille des ménages… » (maire de Tébaram) L’autonomisation vis-à-vis de la grande concession familiale en tant que stratégie d’accès à l’aide est une hypothèse soutenable. On crée son propre ménage pour avoir un entier contrôle sur l’aide qu’on reçoit alors que dans la grande concession, cette aide est contrôlée par le patriarche. Le CT n’explique pas, à lui seul, le fractionnement des ménages à Tébaram, certes. Mais il en accentue le phénomène. Pour mieux comprendre le phénomène, il est utile de le replacer dans une dynamique plus large touchant même à la création de nouveaux villages comme le décrit le maire de Tébaram : « Depuis 2005, on assiste à la création de nouveaux villages», (maire de Tébaram)

« Jusqu’en 2003-2004 il n’y avait que 27 villages dans la commune. En 2005, il a y eu l’intervention de l’ONG Care International. Les intervenants ont fait du

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Le Cash Transfer à Tébaram (Tahoua)

recensement, mais les agents ne sont pas allés dans les hameaux de culture. Les populations vivant sur ces hameaux se sont senties délaissées accusant les chefs de village…en 2009, les gens ont profité du Tazarce pour s’autonomiser », (maire de Tébaram). Le fractionnement des villages apparaît comme une stratégie d’autonomisation vis-à-vis des villages-mères afin de bénéficier des avantages humanitaires ; il s’agit aussi d’une stratégie d’accès à la distribution des vivres qui a eu lieu avec la crise alimentaire de 2005. Le nombre de villages passera de 27 à 32. Au phénomène de fractionnement des villages, s’ajoute celui de rattachement à la commune de Tébaram de 11 tribus touareg: « Ce sont les Touaregs qui étaient, à l’origine, rattachés à Tillia et à Tlemsès. Avec les distributions gratuites de 2005, ces tribus s’étaient senties marginalisées puisque, bien qu’elles étaient sur le territoire des Tébaram, elles ne pouvaient pas bénéficier des vivres dans la mesure où elles payaient l’impôt dans leur commune d’origine. Elles étaient aussi marginalisées par rapport à certaines activités de projets tels que les banques céréalières et les food for work. Ils sont venus me voir et j’ai été rencontrer leur chef de groupement afin de les faire dégréver du registre de Tillia et de Tlemsès. Aujourd’hui, ils sont sous l’autorité du chef de canton de Bambey…», (maire de Tébaram). La dynamique de peuplement dans la commune de Tébaram tient aussi à l’accès aux distributions de vivres, renforcée aujourd’hui par la distribution de fonds dans le cadre des transferts monétaires.

Le CT et les stratégies d’adaptation des ménages

L’argent des migrants et l’ragent du Cash

L’argent des migrants joue un rôle déterminant dans l’économie des ménages et dans les stratégies résilience des ménages face aux chocs. Avoir un membre de la famille en migration est une source potentielle de revenus qui aide à faire face à certaines dépenses : « J’ai trois 3 enfants en exode dont deux en Côte d’Ivoire et l’autre en Libye. Ils m’envoient de l’argent chaque trois à quatre mois. Ils ont l’habitude de m’envoyer 30.000 FCFA. Mais si je suis dans des difficultés, je les contacte directement » (D.M, bénéficiaire). L’expérience migratoire n’est pas toujours satisfaisante. Lorsque le migrant ne soutient pas ses parents, ceux-ci doivent inventer des stratégies pour faire face aux besoins de la famille. « Je ne cultive pas la terre depuis le décès de mon mari. J’ai deux enfants, un au Cameroun, l’autre à . Le premier a quitté la maison il y a 5 ans. Il a d’abord séjourné au Nigeria puis il a continué sur le Cameroun. Mais depuis lors, je n’ai rien reçu de sa part. (…..). On a juste communiqué avec lui, il nous a transmis ses condoléances relatives au décès de son beau-frère et s’est excusé pour le long

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silence.’’ Mon 2e enfant est un militaire nouvellement affecté …’’ Ma principale activité au début était la vente de cola, mais ça ne marchait pas ; j’ai changé de métier pour vendre de la viande de bœuf ‘’ langabu ou malku’’. J’ai des proches à Maissoungoumi qui m’ont envoyé deux (2) sacs de mil » (M.K, bénéficiaire ). « Je cultive chaque année la terre bien que ces deux dernières années ’’tashi ban honsa ne’’(« les déficits céréaliers sont chroniques. ») (…) En plus, j’ai deux enfants qui partaient en exode l’un en Côte d’Ivoire et l’autre en Libye. Celui de la Libye nous a envoyé 30.000 FCFA à l’occasion du baptême de sa sœur et l’autre a été rapatrié par la crise ivoirienne de Laurent Gbagbo » (T.A., bénéficiaire).

Le recours au réseau familial

« J’ai un enfant qui partait autrefois en migration et m’assistait à travers des envois de fonds. Mais, il a été rapatrié avec la crise du mouvement Boko Haram du Nigeria. En ce qui concerne l’habillement, mes sœurs et belles sœurs m’assistent avec ‘’Kunce mu sa’’ (lit. les vêtements de seconde main). Je cultive mon champ et pratique un peu la vente des feuilles de jiga. Pendant la période de soudure, je faisais la cueillette de anza (boscia senegalensis) » (K. G., chef de ménage bénéficiaire). On remarque que les migrations et les rentes qu’elles génèrent n’éliminent pas le recours des parents à des stratégies variées de survie. Le CT n’a pas la même place selon que le ménage dispose de ressources de la migration ou non. Dans les ménages qui ont un migrant, le CT apparaît comme une ressource complémentaire mais plus sûre. Les populations font la différence entre l’argent de la migration et l’argent du CT. Ils pensent que l’argent du CT est « plus régulier », « qu’il arrive tous les moyens dès qu’on est ciblé » et qu’il permet de faire face aux « besoins quotidiens, c’est à dire l’achat de vivres » ; « c’est du consommable », dit le maire de la commune de Tébaram. L’argent des migrants, quant à lui est « incertain » et une partie est utilisée pour « acheter des animaux afin qu’à son retour le migrant voit comment son argent a été utilisé » (chef de village de Tébaram). Les modalités d’utilisation des fonds varient selon qu’il s’agit des l’argent des migrants ou des fonds provenant du CT, mais aussi selon la période à laquelle ils parviennent aux ménages. Pour le CT, la dépense est immédiate (réponse à un besoin) alors que, dans certains cas, l’argent des migrants est investi dans le moyen et court terme (constitution d’un capital bétail).

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Le Cash Transfer à Tébaram (Tahoua)

Les perceptions ambivalentes autour des transferts monétaires »

Une ambivalence caractérise les perceptions des populations autour des transferts monétaires, à commencer par le maire de la commune rurale de Tébaram qui considère que : « ça règle des problèmes au niveau ménage et ça crée des problèmes au niveau village ! ». En fonction de dimensions spatio- temporelles, les transferts monétaires sont différemment perçus.

Le cash affecte la cohésion sociale

A Tébaram, la norme sociale relative à l’usage des fonds consiste pour les femmes à remettre l’argent à leurs maris lorsque ces derniers sont sur place. Cette règle qui fait de l’homme le ‘’responsable du ménage’’ est relayée par les assistants communautaires lors des séances de sensibilisation. Le principe du CT qui consiste à mettre la femme au devant de la scène n’est pas toujours bien perçu, notamment pas les leaders religieux du village : « Namiji shine a gaba ga guida ; namiji shine a da nauyin guida » (lit. « c’est l’homme qui supporte les charges du ménage ») (M.S.M., imam de la mosquée de vendredi) Le principe de la remise des fonds aux maris n’est toutefois pas systématique chez toutes les femmes bénéficiaires. Ce qui amène certains habitants à penser que le CT crée la mésentente, la méfiance, la moquerie et le soupçon. « Cet argent de CT est à la base de divorces chez nous. Certaines femmes refusent de donner l’argent à leurs maris qui jouent aux jeux du hasard. Ces hommes jouent dans des maisons en fermant le portail. Ce n’est pas aisé de le remarquer. C’est lors des jugements ou médiations entre les couples qu’on découvre toutes ces raisons cachées » (E.M., commerçant). Le refus de certaines femmes de remettre l’argent à des maris ‘’irresponsables’’ paraît a priori légitime. La légitimité d’un tel refus provient du risque que le mari n’utilise l’argent à des fins autres (jeu de hasard) que celles pour laquelle il a été remis (soutien au ménage). Mais, dans une société dans laquelle les normes sociales liées au mariage font de l’homme le responsable du ménage, ne pas remettre l’argent au mari expose la femme à des risques de brimades. « Ba’a san mata nawa ba aka ba kashi sabo da kudin Concern. Wata macen ba taba mijinta kudin balle baranya…. » (lit. « On ignore le nombre de femmes ayant été battues à cause de l’argent de Concern. Certaines femmes refusent de remettre l’argent à leur mari, a fortiori leur coépouse)( chef de quartier Maoudé).

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Les cas de femmes battus sont rarement portés sur la scène publique parce qu’ils relèvent du secret du ménage. Il faut souligner que, dans leur grande majorité, les femmes obéissent la norme sociale qui consiste à remettre l’argent au mari: « Moi personnellement, quand mon épouse a perçu 20.000 FCFA, elle m’a remis l’intégralité de l’argent. Et nous avons acheté des vivres. Mais je lui ai donné quelque chose en retour pour satisfaire ses besoins », (un membre de la cour du chef de village, entretien de groupe). L’usage du pronom personnel ‘’nous’’ témoigne de la complicité entre le mari et son épouse par rapport à l’utilisation des fonds reçus de Concern. Par ailleurs, à l’intérieur de cette entente, transparaît l’idée que c’est le mari qui prend l’initiative dans la gestion des fonds. C’est le cas par exemple, lorsqu’il décide de « donner quelque chose à son épouse ». Comme le souligne notre interlocuteur, « tout dépend de l’entente entre la femme et le mari. De fait, les relations intra-ménages sont déterminantes dans le mode d’utilisation des fonds reçus.

Le cash transfer, le cash for work…

Dans certains discours, le cash transfer n’est apprécié pour lui-même ; il est comparé à d’autres modalités de transfer de fonds, à savoir le cash for work. Dans le village, certains estiment que le Cash for Work présente plus d’avantage que le Cash transfer qui a des effets pervers. « C’est vrai, le cash transfer aide les pauvres, mais ça développe la fainéantise parce que c’est de l’argent facile. Personnellement, j’encourage le cash for work car cette activité développe la terre et l’argent acquis a plus de valeur », (E. Bazo, commerçant) D’autres mettent le doigt sur l’absence d’impacts visibles du Cash Transfer : « Si Concern ferme ses portes aujourd’hui, les gens l’oublieront très vite. Au contraire ils n’oublieront jamais CECI qui a plus d’initiatives pour le développement local. Les activités menées par ce projet sont visibles dans le village… », (entretien el.Issoufou Riba, commerçant du village) Ce commerçant du village soulève l’épineuse question de l’après-Concern. Son point de vue rejoint celui du maire de la commune qui s’interroge sur les acquis matériels et visibles de l’intervention. L’expérience de la distribution est perçue comme évanescente et non pérenne. La question du développement locale est absente des CT. Le point de vue d’une notabilité de quartier (chef de quartier Kabbi) rejoint celui du commerçant cité en exemple ci-dessus. Pour lui, le cash for work a plus de valeur que le cash transfert :

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Le Cash Transfer à Tébaram (Tahoua)

« Les voisins attendent toujours quelque chose de la part de bénéficiaires du cash transfert alors que l’argent du cash for work relève de la souffrance ; personne ne peut espérer une redistribution », ( M. B., chef de quartier)

Mettant l’accent sur l’idée selon laquelle le Cash for Work profite à toute la communauté, un autre chef de quartier souligne : « Les 2/3 du village bénéficient des bienfaits du cash for work. Les femmes et les hommes y participent sans distinction de sexe ou du groupe d’âge. L’essentiel, c’est d’avoir la force pour travailler. Alors que le cash transfer est très sélectif », (K. M., chef du quartier Kadri). Cette variété de points de vue témoigne du caractère très ambigu et très complexe du CT dans les campagnes. Les communautés font la différence entre l’argent acquis sans « se fatiguer » et l’argent gagné à la sueur du front.

La stigmatisation et la photo

Par ailleurs, certaines bénéficiaires se moquent de celles qui n’ont pas reçu le CT. « ……..il y a une bénéficiaire de la toute première distribution qui m’a collé sa photo sur le front par raillerie parce que je n’ai rien reçu » (M.K., bénéficiaire). L’introduction de la photo, simple moyen d’identification des bénéficiaires du CT, confère un statut symbolique aux femmes. C’est également un élément de différenciation sociale. « Rabon kudin Concern na fari, wasu suna mana kumbura, suna gwada mana hoto, har da gwalo. Sai in ce musu abin na Allah ne », (lit. a la première opération de distribution, certains nous narguaient, exhibaient leurs photos, nous chahutaient. Je leur répondais en disant que c’est de la volonté de Dieu) (D.M., bénéficiaire du cash).

Le développement des espaces de soupçons

Certains agents de recensement et les informants clés sont perçus complices des erreurs du ciblage, laissant passer les gens par crainte de mésentente dans le village. Ainsi, Ai mai Dadji, bénéficiaire en 2010 et membre du comité de recensement en 2012, témoigne : « Les populations du village nous (agents de recensement des ménages vulnérables) traitent d’hypocrites si nous dévoilons la vérité. Ils disent que l’argent du Blanc appartient à tout le village. Il faut donc laisser tout le monde profiter de cette gratuité ». Elle ajoute plus loin : « In mun je taro mutane suna cewa Allah ya tsinewa yan rubutu » (lit. lorsque nous nous retrouvons en assemblée villageoise, certains disent ouvertement : qu’Allah maudisse les agents de ciblage)..

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Des expressions locales sont fréquemment utilisées pour exprimer la méfiance vis-à-vis des informants clés considérés comme partiaux dans le ciblage des ménages. Le chef de quartier de Zoulanké souligne à cet effet : « Muna tsammani adilai yan rubutu, ashe kura ba ta bar ba tamna kasai. Mun san dokin karya baya gudu », (lit. « Nous pensions qu’ils étaient justes, mais l’hyène n’a pas cessé de mordre dans l’os3. Nous avons la conviction que rien ne peut être bâti sur du mensonge »). Cette expression traduit le désenchantement des chefs de quartiers qui ont le sentiment que leur confiance a été trahie par les informants clés, ces derniers n’ayant pas été aussi justes que les chefs le croyaient. Il ajoute un autre proverbe hausa exprimant la méfiance : « Zakara ya cewa kaji, ko muzuru ya je haji, in kun ganshi, to kuyi ta kanku »,(« Le coq conseille aux poules d’être prudentes face au chat, même lorsqu’il fait le pèlerinage ») (chef de quartier de Zoulanké).

Quelques sémiologies populaires autour du Cash

L’introduction des opérations de transferts monétaires dans le village de Tébaram a généré des expressions populaires. Les bénéficiaires du CT sont appelés ‘’Yan konsern’’ (lit. « les bénéficiaires de Concern »). L’argent distribué est appelé localement « kuddi konsern », (lit. l’argent de Concern). Des expressions moins valorisantes sont utilisées pour désigner l’argent reçu. On parle souvent de « na banza », (lit. argent reçu gratuitement, sans effort, sans contrepartie ; banza= gratuit). Cette expression dévoile la perception qui entoure le CT à Tébaram et s’oppose à « hakki », (salaire) obtenu après un travail, « kwadago,ou aiki ». « Na banza » est souvent remplacé par le terme plus général de « taïmako » (lit. aide, appui). « Le « taïmako » n’est pas une bonne chose. C’est gênant, mais nous n’avons pas le choix… le CT gâte les gens parce que les bénéficiaires ont tendance à ne pas se débrouiller… », (un notable du chef)

3 Les agents de ciblage sont considérés comme cupides.

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Le Cash Transfer à Tébaram (Tahoua)

Conclusion

Les transferts monétaires font désormais partie du paysage des interventions en milieu rural nigérien. En tant qu’innovations, ils contribuent à introduire des dynamiques sociales nouvelles qui se structurent autour de règles d’accès aux cash et des acteurs qu’il fait émerger. Ces règles et ces acteurs tantôt se combinent avec l’environnement social préexistant, tantôt se démarquent de ceux-ci. Le processus en cours est encore à ses débuts puisque les expériences en matière de transferts monétaires sont encore récentes. Le processus d’institutionnalisation associé aux transferts monétaires est marqué par des contestations, le développement d’espaces de soupçons, des critiques proférées par une majorité des populations du village. Ces formes de contestation ne sauraient en aucun cas être considérées comme des rejets ; elles renvoient plutôt à une faible adhésion populaire au mode de régulation des transferts monétaires. Les critiques portent pour l’essentiel sur le principe et les modalités du ciblage et la légitimité des acteurs chargés d’y procéder. Si certaines critiques peuvent sembler non fondées ou excessives, nombre de biais peuvent être soulignés. C’est le cas, à titre d’exemple, de l’accès aux ressources de la migration, qui ne semble pas avoir été retenu comme critère de ciblage des ménages, alors même qu’à Tébaram, l’accès à la ‘’rente migratoire’’ est un critère discriminant du niveau de vulnérabilité. Enfin, il faut relever que les transferts monétaires ont parfois contribué à une légère redéfinition des rôles au sein des ménages, avec une plus grande attention accordée à la femme dans les prises de décisions touchant à la vie du ménage.

Bibliographie

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Annexe

Annexe 1: Liste des personnes rencontrées

N° Nom et prénom Profil Date 1. Souleymane Karidjo et Agent de concern Tahoua 18-01-2013 Omar Djibo 2. Ibrahim Issoufou Agent de recensement des 18-01-2013 ménages vulnérables 3. Mahamadou Salaou Assistant communautaire de 19-01-2013 concern à Tebaram 4. Goumour Bawa Chef du village de Tebaram 20-01-2013 5. Safiatou Gado Bénéficiaire du cash transfert à 21-01-2013 Teb. 7. Bénéficiaire du cash transfert à 21-01-2013 Teb. 8. Mantou Katama Bénéficiaire du cash transfert à 22-01-2013 Teb. 9. Daba Moussa Bénéficiaire du cash transfert à 22-01-2013 Teb. 10. Ai Mai Dadji -Bénéficiaire du cash transfert 23-01-2013 à Teb.

-Membre du comité de ciblage 11. Amadou Bakabé -Membre du comité de ciblage 23-01-2013 12. Kassoua Gayya -Bénéficiaire du cash transfert 24-01-2013 à Teb. -Membre du comité de ciblage 13. Ta-allah Afoda Bénéficiaire du cash transfert à 24-01-2013 Teb. 14. Damana Manou Non bénéficiaire à Teb 25-01-2013 15. Fatchima Salifou Non bénéficiaire à Teb 25-01-2013 16. Mantou Adoungué Présidente de la BC 25-01-2013 CARITAS

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Le Cash Transfer à Tébaram (Tahoua)

17. Laraba Boubacar Gérante de la BC CARITAS 26-01-2013 18. Aminatou Guéro Présidente BC /CCA 27-01-2013 19. Hassia Alzouma Secrétaire de la BC/CCA 27-01-2013 20. Hassana Namata Trésorière de la BC/CCA 27-01-2013 21. Elhadj Maâzou Ibrahim dit Commerçant de teb. 27-01-2013 « BAZO » 22. Oumarou Riba SG de la BCVD 29-01-2013 23. Elhadj Issoufou Riba Commerçant de teb. 29-01-2013 24. Amadou Bakabé SG stock tampon 30-01-2013 25. Habsou Hadiya -Restauratrice 31-01-2013 -Non bénéficiaire 26. Abdoulahi Noma -Commerçant des épices à Teb 01-02-2013 - trésorier de la BCVD 27. Illiassou Maman Sani Enseignant du français au 02-02-2013 collège de Teb 28. Kadri Saidou Basso Directeur école primaire Teb 03-02-2013 29. Maoudé Basso Chef de quartier Kabi ou 04-02-2013 Maoudé de Teb 30. Moussa Zamnaou Non bénéficiaire à Teb 04-02-2013 31. Maman Sani Namata Chef de quartier Ardji 06-02-2013 32. Ali China Bako Chef du quartier Ali China de 07-02-2013 Teb 33. Oumarou Bako Non bénéficiaire du cash 07-02-2013 transfert à Teb 34. Namata Sallah Chef de quartier Dan Bazanga 07-02-2013 35. Kadri Mallan Chef de quartier Kadri 07-02-2013 36. Mahamadou Samari Chef de quarier Zoulanké 08-02-2013 38. Fatchima Gado Enseignante jardin d’enfants 09-02-2013 de Teb 39. Gadjéra Mallam Enseignante jardin d’enfants 09-02-2013 de Teb 40. Illiassou Salifou Enseignant école primaire 09-02-2013 Teb 2.

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41. Gado Daga Ancien de la famille Adarawa 11-02-2013 de Teb 42. Abdou Oussa Major du CSI de Teb 11-02-2013 43. Indadou Daga Ancien de la famille Adarawa 13-02-2013 de Teb 44. Malam Mahamadou Zanké Imam de la 1ère mosquée de 15-02-2013 vendredi de Teb 45. Malam Souleymane Manou Imam de la 2ème mosquée de 15-02-2013 vendredi de Teb 46. Sani Issa Maire de la commune de Teb 17-02-2013 47. Chaïbou Yacouba Membre du comité sous 18-02-2013 régional

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Le Cash Transfer à Tébaram (Tahoua)

QUESTIONNAIRE CIBLAGE PHASE I

I. Recensement du ménage

Q1.1. CODER LE NOM DU VILLAGE OÙ SE DÉROULE L’INTERVIEW.

L’INTERVIEW DOIT SE RÉALISER AVEC LA FEMME DU MÉNAGE, LA PRINCIPALE INTERLOCUTRICE AU SEIN DU MÉNAGE. DANS LE CAS DES FAMILLES POLYGAMES, LE QUESTIONNAIRE DOIT ÊTRE ADMINISTRÉ À CHACUNE DES FEMMES.

Q1.2. Prénom de la femme : |______|

Q1.3. Nom de la femme : |______| Q1.4. Nom de l’époux : |______| Q1.5. Nom de la mère de la répondante : |______| Q1.6. Ethnie de la répondante : Haoussa….1 Peulh……2 Touareg……3 Zarma……4 Autres….5 Q1.7. Depuis combien d’années habitez-vous dans ce village ? |___|___| Q1.8. Faites-vous partie des administrés du village, autrement dit vote carnet de famille est-il enregistré au niveau du chef du village ? OUI……….1 NON………2 Q1.9. Existe-t-il au sein du ménage un membre souffrant d’un handicap quelconque ? OUI……….1 NON………2 Q1.9-1. Si Oui quel type d’handicap ? |______| Q1.9-2. Si Oui, quel est le lien de cette personne avec le chef du ménage ? Lui-même…………..…1 L’épouse………………..2 Autres (exp : fils, filles)…………………..3 Q1.10. Type de ménage : Monogame…………1 Polygame…………2  Nbre d’épouses |___|___| Q1.11. Statut matrimonial : Célibataire……1 Mariée…..2 Veuve……3 Divorcée…….4

II. Caractéristiques socio-économiques du ménage Q2.1. Quelle est la taille de votre ménage ? (Nombre de personnes du ménage, y compris répondant) |___|___| Q2.2. Type d’habitat : Semi-dur………….1 En banco…………2 En paille…………3 Autres……….4 Q2.3. Combien y’a-t-il de bras valides au sein de votre ménage ? |___|___| Q2.4. Quel est le nombre total d’enfants au sein d votre ménage ? |___|___| Q2.5. Combien y’a-t-il d’enfants de moins de cinq ans au sein de votre ménage ? |___|___| Q2.6. Combien y’a-t-il d’enfants de moins de deux ans au sein de votre ménage ? |___|___| Q2.7. Répartition des membres du ménage par tranches d’âge Tranche d’âge Masculin Féminin Combien vivent avec vous dans le ménage ? 0-2 ans |___|___| |___|___| |___|___| 2-5 ans |___|___| |___|___| |___|___| 5-12 ans |___|___| |___|___| |___|___| 12-18 ans |___|___| |___|___| |___|___| 18-55 ans |___|___| |___|___| |___|___| >55 ans |___|___| |___|___| |___|___| Total |___|___| |___|___| |___|___|

Q2.8. Parlons maintenant des champs. Quelle est la superficie des terres (en ha) que vous possédez pour la culture ? (Y compris les terres non effectivement cultivées) |___|___|

Q2.9. Quelle est la superficie de vos terres réellement cultivées (en ha) ? |___|___| 44 ETUDES ET TRAVAUX DU LASDEL N°106 Le Cash Transfer à Tébaram (Tahoua)

Q2.10. Statut de propriété des terres cultivées : Terres vous appartenant (propriété personnelle)……….1 Terres louées…………………………………………………………………2 Terres mises à votre disposition……………………………………3 Terres mises en gage…………………………………………………….4 Autres (précisez)…………………………………………………………..5

Q2.11. Quelle est la quantité de semences que vous avez semée en 2012, c’est-à-dire la présente saison ? Types de semences Quantité en tia (la mesure locale)

Mil |___|___| Sorgho |___|___| Niébé |___|___| Arachide |___|___| Autres (précisez) ______|___|___|

Q2.12. Répartition d’animaux possédés au sein du ménage par type d’espèce (y compris les animaux en pension) Caprins : |___|___| Ovins : |___|___| Bovins : |___|___| Autres : |___|___|

Q2.13. Combien de volaille possédez-vous au sein de votre ménage ? |___|___| Q2.14. Quelles sont vos principales sources de revenu au cours des 12 derniers mois ? Vente des produits agricoles 1 Don d’un proche parent 8 Élevage / vente ou commerce d’animaux 2 Emprunts 9 Revendeur / Petit commerce 3 Vente bois de chauffe/paille /produits 10 Culture de contre saison 4 Mendicité 11 Activité artisanale 5 Cueillette 12 Exode / transfert d’argent de l’extérieur 6 Vente de main d’œuvre 13 Transferts (d’un projet) 7 Autres sources (précisez) 14

Q2.15. Sources de revenu et revenu mensuel moyen par membre de ménage (mettre les codes encerclés à Q2.15) Membre de la famille Source de revenus Revenu mensuel moyen Femme |___|___| |___|___| |___|___| Mari |___|___| |___|___| |___|___| Autres ( eg : fils non marié vivant dans la maison) |___|___| |___|___| |___|___|

Q2.16. Quel est le montant que vous avez reçu de l’extérieur en 2012 (en FCFA) : |___|___|___|___|___|___|___|___|

Catégorie sociale selon Assemblée villageoise Q2.17. Dans quelle situation socio-économique positionnez-vous le présent ménage ? A- Très bien nantis………….……….1 B. Un peu nantis………………………2 C. Un peu pauvre…………………….3 D. Très pauvre…………………………4

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Le Cash Transfer à Tébaram (Tahoua)

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Ce rapport est issu de la recherche qualitative sur Les dispositifs de transferts monétaires au Niger et leurs effets locaux, financée par l’Ambassade de France, Concern Worldwide et ASB.

Le LASDEL (Laboratoire d’études et de recherches sur les dynamiques sociales et le développement local) est un centre de recherche en sciences sociales implanté au Niger et au Bénin), dont les principaux axes de travail portent sur la délivrance des services publics, la mise en œuvre des politiques publiques et les interactions avec les usagers (santé, hydraulique, pastoralisme, éducation, justice, etc.), les pouvoirs locaux et la décentralisation, et l’intervention des institutions de développement. Le LASDEL recourt à des méthodes qualitatives fondées sur les enquêtes de terrain approfondies. Il met à la disposition des chercheurs et doctorants son Centre de Documentation de Niamey. Il contribue à la formation de jeunes chercheurs, en particulier avec son Université d’été.

La collection « Etudes et Travaux du LASDEL » propose des rapports de recherche issus des travaux menés par le LASDEL. Ils sont disponibles en ligne (www.lasdel.net) ou en vente à son secrétariat. Derniers numéros parus : n° 105 Le « bien public sécurité » dans trois communes (Guidan Roumdji, Balleyara et Say). Des logiques de l’Etat aux logiques locales, par Aghali Abdel Kader (2013) n° 104 Les pratiques familiales essentielles au Niger. Socio-anthropologie d’une intervention à base communautaire, par Hamani Oumarou (2013) n° 103 « Sai Ka Yi » ou comment se faire élire au Niger. Analyse des stratégies électorales d’un candidat aux législatives de 2009, par Oumarou Makama Bawa (2012)

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