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UN COIN DE LA NORMANDIE
LES DEUX-AMANTS
Il y- a quelques années, un Normand, président honoraire de la Société normande de géographie, nous faisait faire, dans le Bulletin de cette Société, une promenade délicieuse à travers le Eoccage, cette Suisse nor- mande, hélas! trop peu connue qui, si elle n a pas les masses imposantes des Alpes, n en est pas moins pittoresque et est aussi fertile en paysages charmants et inattendus. Dernièrement, c était près de l embouchure de la Seine qu il nous guidait. Le coloris de ses descriptions, la magie de son style, nous faisaient voir les lieux qu il décrivait, nous y étions, nous les parcourions avec lui. Ses réflexions humoristiques, ses aperçus remplis de justesse nous charmaient et nous donnaient l envie de les visiter réelle- ment. Il aimait d amour la Normandie, cette petite patrie, fraction si intime de la grande, il voulait la faire aimer en la faisant connaître. Normand nous-n-iérne, aimant notre chère province, nous som mes animé des mêmes sentiments, et, pour, dans la mesure de nos moyens, contribuer à la faire connaître, nous venons parler d un des coins de cette Normandie, de l un de ses plus beaux, de la pointe de cette riche contrée qu on appelle le Vexin, pointe connue sous le nom de côte des Deux-Amants. Le Vexin est un grand plateau dont les pentes sont, dans la moitié de leur développement, très raides, quelquefois presque abruptes. Sa forme
Commune d Am&eville-sous-les-Monts, canton de Fleury-sur--Andelle, arrondisse- ment des Andelys, département de l Eure. 4 UN COIN DE L.& NORMANDIE est à peu près triangulaire. Il est borné par les vallées de la Seine, de 1 Epte et de l Andetle. Ces deux rivières prennent leurs sources dans le massif où se trouve Forges-les-Eaux, mais s échappent dans des directions presque opposées pour aller se jeter, l Epte, dans la Seine, en amont de Vernon, entre Port-Villez et Giverny. l Andelle, également dans la Seine, entre Pitres et Amfreville-sous-les-Monts, en face de Poses, auprès du grand bar- rage. C est sur le versant de l Epte, à Saint-Clair-sur-Epte, qu en 912, fut signé par Charles-le-Simple, le traité qui donnait à Rollon la Normandie et la main de la princesse Gisle ou Giselle. Les ruines du donjon de ce château existent encore. Au confluent de l Andelle et de la Seine, le Vexin est terminé par une pointe dont les pentes sont très raides et dont, en certains endroits, l ascen- sion est très difficile, pour ne pas dire impossible. Cette pointe, dénudée sur près des quatre cinquièmes de sa hauteur, est couronnée-d un bosquet et de hauts arbres au milieu desquels émergent les bâtiments de l ancien prieuré, devenu aujourd hui le château des Deux-Amants. C est de ce coin de la Normandie qu il est question dans cette notice. Si, partis de Paris par le chemin de fer de Rouen, nous avons traversé le tunnel de Gaillon et sommes sortis de la tranchée à \tenables , nous aper- cevons, à droite, la vallée de la Seine bornée par les pentes plus ou moins raides du plateau du Vexin. Presque devant le train, à environ quatorze kilomètres, les coteaux cessent tout à coup, c est l entrée de la vallée de l Andelle. Au bord de cette coupure, à son sommet, surgit d une masse de verdure un vieux château. Le train continue sa route, traverse le bas des communes d Heudebouville et Vironvay, décrit presque une demi-circon- férence, arrive à la gare de Saint-Pierre-du-Vauvray, aux embranchements de Louviers et des Andelys; malgré les huit kilomètres parcourus, le voya- geur ne paraît pas s en être rapproché. Dans toute la traversée de la large boucle de la Seine, qui va d Andé à Pont-de-l Arche, toujours ce sommet attire les regards. Ce n est qu un peu au-delà de la halte de Léry, environ à sept kilomètres de Saint-Pierre, qu on le voit franchement à sa droite. A partir de ce point il faut regarder en arrière. Le pont du manoir est traversé, la station de Pont-de-l Arche est dépassée, huit autres kilo- mètres sont encore parcourus, ce château et la verdure l environnant appa- raissent toujours aux yeux du voyageur étonné de cette persistance pendant près de vingt-cinq kilomètres! LES DEUX AMANTS 5
Si l on part de Rouen pour Louviers, par Elbeuf, la ligne après avoir traversé le viaduc des Longs-Vallons, arrive sur le bord des falaises d Ori- ral. Tout à coup, elle sort de la forêt, le paysage se creuse, s éloigne à une grande distance. Au premier plan, au pied de la falaise, la Seine qui vient de Pont-de-l Arche et de Poses, sur la gauche, l espèce d épine dorsale qui part des Authieux et va s abaissant jusqu à Saint-Aubin.jouxte-Boulleng, et, dans le lointain, à environ vingt kilomètres, presque dans la brume, le mme cap aux pentes dénudées, au sommet boisé, avec son vieux château. Êtes-vous à Louviers, dans la vallée de l Eure, à trois lieues se montre encore cette côte et son sommet. Vous transportez-vous au-delà de Fleury- sur-Andelle, à plus de vingt-quatre kilomètres de Louviers, encore cette même pointe avec sa chevelure de verdure. Dans toute cette contrée sur des centaines et des centaines de kilo- mètres carrés, l oeil peut l apercevoir. Et cependant ce n est pas un pic isolé dont la tête altière se perd dans les nuages. Ce n est pas une haute mon- tagne comme les Alpes ou les Pyrénées. Non, ce n est qu une petite colline d environ cent vingt mètres de hauteur, ]e château n est qu à quatre-vingt- seize mètres à peu près. Mais sa situation presque unique en fait un des points les plus remarquables du département de l Eure, je dirai même de la Normandie. Cette humble colline a un nom c est la côte des Deux-A ,nants. Son sommet embrasse un horizon immense et présente un merveil- leux spectacle au touriste qui n a pas craint de faire cette petite ascension. Elle n est pas bien dangereuse, car nous ne la ferons pas à l angle même, endroit où la pente est la plus raide et surtout nul n aura sa belle sur ses épaules. Pour gagner le château ou ancien prieuré, et c est nécessaire d entrer dans ses dépendances pour jouir de tout le point de vue, quatre voies peuvent être prises, deux sont carrossables, les deux autres ne sont que des sentiers. L on peut descendre à la gare de Pont-Saint-Pierre, et, de là, en voiture, par Flipou, on arrive près du village du Plessis, au chemin du Plessis à Cantcloup, qui, à travers bois, passe devant la grande grille du château. Ce trajet peut être fait en automobile, mais, à la jonction des deux chemins, chauffe I rs, attention! tournant brusque et dangereux. L autre route part, à volonté, de la gare de Romilly-sur- Andelle ou de la hiltc de Pitres, contourne la base de la pointe du Vexin prend le chemin 6 UN COIN DE LA NORMANDIE de Pjtjes à Connclles, traverse le village de Canteloup, suit le bas de la côte jusqu à l église d Amfreville-sous-les-Monts, tourne à gauche devant cette église et commence à gravir la côte allant au Plessis. Bientôt, au deuxième tournant, on est tout près du coq du clocher, l église étant au bas du talus de cette partie de la route. Cette dernière revient encore sur elle-même. Après un troisième tournant commence la vue splendide d un vaste pano- rama qui se déroule au fur et à mesure de l ascension, et cette admirable perspective n est qu une fraction de celle dont on jouira bientôt aux Deux- Amants. Après être parvenu au Plessis et traversé ce village, on retrouve le chemin dont il vient d être parlé. Il faut environ trois quarts d heure de voiture pour faire ce trajet. L un des sentiers part du bas de la côte, en face, le chàteau de Gante- loup, et arrive également à la grande grille. C est la continuation du chemin partant du Plessis. Mais êtes-vous amateur d émotions? Le vertige, surtout, vous est-il inconnu? Vos jambes sont elles solides? Eh bien, n hésitez pas, prenez le chemin des Amourettes. En sortant de la gare de Romilly-sur-Andelle, revenez vers la Seine pendant une ou deux minutes. A gauche, sur la base dénudée de la côte, existe un petit sentier montant à flanc de coteau, qui était, il y a peu de jours, dans certains endroits, à peine assez large pour y mettre les deux pieds. Bientôt la vue commence à dominer la vallée, avec, dans le lointain, les côtes au-delà de Léry. Montez encore, la vallée de l Andelle se découvre dans toute sa largeur, les bois, couvrant les pentes, se montrent de plus en plus, la Seine s argente et miroite au soleil. Regar- dant au bas du coteau, la route et la voie ferrée diminuent et s enfoncent graduellement. Pas de vertige, car un faux pas pourrait occasionner une effroyable chute. Il est vrai qu aujourd hui le (langer est bien moindre depuis que (février 1903) le Touring-Club à élargi la sente et rectifié divers coudes. A mi-hauteur, pour diminuer la longueur du trajet, on trouve une sorte d escalier très glissant, coupant les divers lacets du sentier. Laissez ces marches aux gens pressés et continuez votre ascension en zigzag et gagnez Je banc que le Touring-CLub vient d installer. Bientôt l aridité de la côte va cesser, un bosquet avec ses allées fraîches et ombreuses se montrera devant vous, niais entouré d une c lôture. La sente des Amourettes suit cette clôture. Hélas , ce n est plus qu une impasse. Une erreur incroyable de la Cour de Rouen, qui ne connaissait pas les lieux, l a à tout jamais fermée, LES DEUX AMANTS 7 de sorte, qu aujourd hui, on ne peut plus, de Romilly, gagner directement le haut de la côte. Seulement, le chiteau et le bosquet appartiennent, depuis plus d un siècle, à une famille hospitalière qui ne vous laissera pas faire l ascension en vain. Si le bosquet qui couronne la côte est clos, il y a cependant une ouverture dont la barrière n est jamais fermée et l on peut entrer se reposer dans une allée ombrée, ce qui est loin d être désagréable après une ascen- sion de plus de quatre-vingts mètres. En demandant, pour la forme, une autorisation qui n est jamais refu- sée, vous pourrez parcourir ce bosquet, contourner la pointe des Deux- Amants et jouir du splendide panorama qui se déroule d un côté et de l autre de cette extrémité du Vexin. Nous ne dirons rien du château, c est-à-dire de l ancien prieuré, et nous ne rapporterons que très succinctement la légende qui a donné à cette pointe et au prieuré son nom : les Deux-Amants. Cette légende est très ancienne, elle remonte au-delà du xLre siècle; elle est chantée au xuIe par Marie de France, elle peut se résumer ainsi s Un haut baron de la cour de Charlemagne avait une fille d une très grande beauté, appelée Caliste. A son service se trouvait, comme écuyer, Edmond, fils du seigneur de Canteloup; d autres disent fils d un simple serf affranchi. Edmond devint éperdùment amoureux de la fille de son maître. Dans une partie de chasse, s étant égarée, elle allait périr, attaquée par un énorme sanglier d autant plus furieux qu il était blessé. Mais Edmond qui s était attaché à ses pas, se précipita au-devant de l animal, et sans autres armes qu un simple épieu, parvint au plus grand péril de sa vie à mettre à mort son ennemi. Encouragé par Caliste, Edmond lui fit l aveu de son amour et en reçut l assurance qu il était partagé. Aussi osa-t- il demander sa main au baron de Pont-Saint-Pierre, son père s Celui-ci répondit suivant la légende
Beau mignon de trop mince sousche, Vartet de cour, simple escuyer, Dit le baron d un ayr farusche, D un ton tranchant comme l acier Si tu veux l avoir pour compaigne, Au risque d y laisser tes os, Te fault gravir cette montaigne Avec nia fille sur ton dos, UN COIN DE LA NORMANDIE
» Il espérait que sa fille effrayée par le péril renoncerait à son amour. Mais les deux jeunes gens acceptèrent et l ascension commença à l endroit le plus raide, à l angle même. Edmond parvint au sommet, mais en arri- vant, épuisé par ses efforts surhumains, il tomba comme foudroyé. Calistc fut tellement émue qu elle expira bientôt à côté de lui ». Daprès une autre version, Edmond glissa en arrivant au sommet, et tous deux furent broyés par leur chute, sous les yeux du baron de Pont- Saint-Pierre. Leurs corps furent réunis dans un même tombeau. Le baron, miné par le remords et le chagrin, fonda au sommet de la côte, un monas- tère pour que jour et nuit des prières fussent dites sur leur tombeau. De là le nom des Deux-Amants donné à cette pointe du Vexin. Cette légende inspira diverses miniatures et gravures et les cinq tableaux qui se trouvent dans le grand salon du château ne sont que la copie en pein- ture de vieilles images du xvlIe siècle communiquées, il y a une trentaine d années par un habitant des Damps. Quoiqu il en soit, il est certain que l existence d un prieuré remonte au-delà du Xe siècle. En t 1 5o, Hugues, archevêque de Ronen, lui octroie une charte. En 1250, Innocent IV le prend sous son autorité. Il en est question dans un brevet de Charles VI, en 1380. Détruit par les Anglais, reconstruit, il fut de nouveau brûlé en 1591, par les protestants. Le bâti- ment principal, aujourd hui le chàteau, date de 1685. Le 16 octobre 1790, il fut mis en vente comme bien national. Depuis, il est resté dans la même famille, et la propriétaire actuelle y est née. Arrivés à la grande grille toujours ouverte entrons, avec la permission toujours octroyée. Suivonsla longue avenue qui se présente, allons jusqu au mur d appui qui la termine et levons les yeux ou plutôt pour être exact, abaissons-les. Quel magnifique panorama se développe à nos yeuc A nos pieds, c est le château de Canteloup, du XVII e siècle avec ses tou- relles. Nous le voyons en dessus comme de la nacelle d un ballon, C est la Seine qui depuis Elbeuf jusqu audelà d Andé se déroule sur un parcours de plus de 3o kilomètres; la Seine avec ses îles verdo yantes jetées çà et là dans son lit, tantôt rétréci, tantôt élargi paur les enserrer dans ses bras, la Seine barrée par quatre ponts, le gigantesque barrage et les écluses de Poses, avec le continuel passage des vapeurs descendant ou remontant le fleuve, leurs syrènes se faisant bruyamment entendre. Rien n est plus facile à suivre que leurs manoeuvres pour entrer et sortir de l écluse. De l autre côté du fleuve, s alignent les maisons de Poses, inondées chaque hiver à tel point, que LES DEUX AMANTS 9
l église a été construite à plus d un kilomètre et se trouve complètement isolée. A Poses, tout le monde était marinier, mais le remorq nage à vapeur a beaucoup diminué l importance de cette commune. li y a quelques années, le passeur s appelait Ladvocat, et sur son enseigne il avait mis .4dvocatus sed non latro. Avocat mais pas voleur. Au-delà de Poses, s étend cette immense plaine, enserrée par la Seine dans sa boucle d Andé à Pont-de-l Arche, d une superficie de près de dix mille hectares, gigantesque damier aux mille cases, marquetterie aux cou- leurs de toutes nuances et de toutes variétés, changeant suivant la saison des bois, des taillis semblables à des taches foncées, le tout jeté pèle-mêle, borné par une longuelignc de collines couvertes de bois et de prés; à droite la grande forêt de Louviers s étend en fuyant jusqu à l horizon. Un peu vers la gauche, à environ deux lieues, l entrée de la vallée de l Eure, la ville de Louviers et ses usines; plus à gauche, les collines bornant la Seine et au- dessus pointant les clochers de nombreuses communes. Enfin, tout à fait à gauche, les côtes du Vexin, continuation Je la pointe des Deux-Amants avec leurs roches isolées, s alignant et présentant de loin comme les ruines de titanesques murailles enceignant la plaine élevée. Sur ces fonds, dans cette plaine, des réunions de dés presque microsco- piques. Ce sont les maisons d Andé, de Connelles, de Saint-Etienne-du- Vauvra, de Saint-Cyr, de Notre-Dame-du-Vaudreuil; c est Saint-Pierre- du-Vauvray, Léry et sa plaine, ce sont les I)amps, le Manoir, c est Pont- de-l Arche, et à droite, très loin, Elbeuf, la grande cité industrielle, ss clochers, ses usines et ses maisons ; enfin , dans une échappée, les falaises d Oriva] et la ligne de Rouen à Orléans, etc. Les toits d ardoises réfléchissant la lumière du soleil, parsèment l espace d étincelles brillanies, l air échauffé miroite sur la plaine, rien ne peut lasser l oeil émerveillé. Tout à coup, une fumée blanche paraît, se détachant sur la verdure de la côte de Venables, près du tunnel de Gaillon. C est un train venant Je Paris, il est à 13 ou 14 kilomètres. C est une immense chenille noire, et vous le voyez s arrêtera Saint-Pierre-du-Vauvray, d où d autres trains vont s élancer vers Louviers ou vers les Andelys. Il grandit, s arrête à l.érv, se présentant dans toute sa longueur, continue sa route diminuant de plus en plus jusqu à ce qu il disparaisse à la courbe de Sotteville-sous-le-Val. Sur un parcours de plus de cinq lieues, sa marche a été visible. Il y a tant â voir que l on ne sait plus oh regarder. Plus on examine.
L, 10 UN COIN DE LA NORMANDIE plus on s aperçoit que l immense diversité du spectacle amène de nouvelles découvertes. Et cependant malgré son immensité, ]e panorama vu de ce point, ne montre pas tout ce qui est visible des Deux-Amants. Abandonnant le bout de la terrasse, on s engage dans le bosquet en contournant la côte. Au tra- vers des éclaircies du feuillage, des échappées merveilleuses laissent aper- cevoir des coins de paysages, coins changeant continuellement, et d autant plus remarquables qu ils paraissent plus lumineux par suite du contraste venant de l ombre de la verdure. Il faut traverser rapidement car le temps passe. La route suivie par Edmond est coupée et l on parvient au balcon, petite esplanade fi la sortie du bosquet, où le Touring-Club vient d installer un banc. C est un autre point de vue, moins immense peut-être, mais plus accidenté. A nos pieds, le chemin de fer de l Andellc, dont la ligne s arrête à Alisav-Pont .de-l Arche, à 6 kilomètres et dont on peut suivre les trains au moins par leur fumée jusqu au-delà de Fleury-sur-Andelle, c est-à-dire sur une longueur de près de cinq lieues. Un peu à gauche, Pitres, l antique cité romaine. Plus loin, les divers bras de l Andelle, des jardins, des usines, entr autres, celle de Romilly, autrefois fonderie de canons, actuellement verrerie, des prés, des champs; de l autre côté de la vallée, les coteaux d Y- mare, des Authicux, de Preneuse, et dans une échappée, un coin de la forêt des Essarts, près de Grand-Couronne. Les communes de Saint-Aubin, Fieneuse, Criquebeuf, Sotteville-sous-le-Val, Ygoville, Atizay, se montrent entièrement. A droite Pont-Saint-Pierre, Radepont avec les ruines de la plus grande filature de la contrée, ruines semblables à celles d une immense cathédrale, Bouville, Fleurv-sur-Andelle, les coteaux boisés de la Neuville, de Bourg-Beaudoin, de Charleval. Des bois, des prés, des masures cà et là sur le plateau opposé. On peut dire que, si de l autre côté le tableau est plus grandiose, est plus celui de la vie des champs, de celui-ci il est plus industriel, moins uniforme. Néanmoins, des ceintures boisées encadrent toujours les deux sites. Malgré sa situation, la pointe des 1)cux-Amants, ou plutôt le château, ne jouit d aucune vue sur le Vexin. Se trouvant à une cote inférieure, il lui manque plus d un tiers de l horizon. Malgré cela, il domine encore dans beaucoup de directions le plateau entre la Seine et l Eure, le plateau de la forêt de Louviers, celui des Thuit, les collines entre Bedanne et Frencuse,
LES DEUX AMANTS FE
le plateau d Ymare, etc., mais à cause de l éloignement, la perspective ne permet de voir que les objets d une certaine hauteur, et de plus, il West pas facile d apprécier les distances existant entre les divers points. Pour qu on puisse s en rendre compte, rien ne sera plus frappant que la listé des clohcrs visibles du haut du châtau des Deux-Amants. Ces clochers ont été identifiés, il y a quelques années, par un architecte distingué habitent Rouen. Mmc Lccœur, l aimable et hospitalière châtelaine des Deux- Amants, a bien voulu nous remettre un exemplaire de ce travail, cc qui a permis d établir le tableau suivant
TABLEAU DES CLOCHERS VISIBLES DES DEUX-AMANTS
ARRON- z N NOMS DES (ILO.\IMUNES CA NiONS -cl L.. Dl SSLM LNTS C
K il. I Anifreville-sur-les-Monts ...... 1: leury_s,r_A IoIelle. Les Andelys. Eure 2 2 Saint- Vincent-des-Bois ...... Vernon. Evreux. - 29.5 VilIcrs.sur-je-Roule ...... (tSUlolI. Louviers. - 14.5 4 Saint-Aubin-sur-Gaitton ...... - 20 Venabic ...... 6 Connelles ...... Pit-dc-lArlic. - -
7 Colon ic- des-Doua ites ...... — 9 8 Herquevitle ...... - s
9 Poses ...... - 2.5 so Font.ne-Bct1engcr ...... Caillou. - -. 14.5 il Porteoie ...... Pont.de-l Arclie. - - 8 12 Ailly ...... Gaillon. - - 17.5 53 Heudebouvillc ...... - 13
14 Andé ...... - 9.5 55 Vironvay ...... J.ueiers. - - 12 iG Saint-Pierre-du-Vauvr,,\ ...... 17 Saint-Esienne-du -Vauvray ......
18 Notre-Damc .du .Vaudrci,il ...... Font.do-l Ard,e. - —7 19 Saint-Cyr-du -Va udreuil ...... - 7.5 lim UN COIN DE LA NORMANDIE
z 0, ARRON- z No, I NOMS DES COMMUNES CANTONS DISSEMENTS
K).
20 Louviers ...... Louviers. 1 ouvicrs. Eure 13
25 3d...... - - 12
22 Incarville......
23 Canappeville...... Ncubourg, - - 25
24 Le Mesnil-Jourdain ...... Louviers.
25 Survillc...... - - 17
26 Léry...... Pont-de-l Arche. - - 4.5
27 Crasvillc ...... Louviers. - - 17.5
28 Surtauville ...... - -
29 Montaure...... Pontde-1 Arche.
3° La Harciigêre...... Amfrsvillc-la-C.ampag. - 20.5
31 Tourville-Ta-Campagne...... - - 26.5
32 Sai nt-Pi erre-des-Cercus ils ...... - - 21.5
33 Les Darnps...... - - 20.5
34 Le Thuit-Auger...... Pont-de-l Arche. - - 5.5
35 Le Thuit-Signol...... Amfreville-la-Campag. - - 23 Le Thuit-Sinier...... - - 25
37 Caudebec-lès-Elbeuf...... Elbeuf. Rouen. S-111f 16
38 Elbeuf (Irnrn..Conception1...... - - 7 39 j Pont-de-l Arche ...... Pont-de-l Arche. Louviers. Eure 6.5
40 Martot...... -. - 13.5
41 Bos-Normand...... Bourgthcroulde. Pont-Audemer - 25.5
42 Elbeuf (Saint-Jean) ...... Elbeuf. Rouen. S.-l If 17.5
43 3d. (Hospice) ...... - -
44 3d. (Saint-Eticnnc ...... - - 18
45 Le Manoir...... Pont-de-l Arche. Louviers. Eure 3.5
46 Saint-Ouen-du-Tilleul...... Bourgeheroulde. Pont-Audemer - 22
47 Criqueheuf-sur-Seine...... Pont-de-I Asclse. Louviers. - Ii
48 Saint-Aubin-jouxte-Boullrng ...... Elbeuf. Rouen. S.-Inf 17
LES DEUX AMANTS 13
z L) ARRON- z N NOMS DES COMMUNES CANTONS DISSEMENTS 1/)
Kil. Rouen -In 25 49 La tonde...... El bcuf-sur-Sin.
50 Orival ...... i8.ç
12 SI Frerieuse......
52 Sotteville-sous-le-Val ...... 9 Pont-de-l Arche, Louviers, Eure 53 Igoville ...... 7
54 Alizay ......
55 Pitres ...... I.; Le Grand-Essart - Gd-Couronne., Grand-Couronne. Rouets, 57 S 57 Saint-Aubin-Celloville ...... Bous. Qu&vrcvillc-la-Poterie ...... 5.5 14.5 59 Bloss,villc-Bonsecours ......
60 Mesnil-Esnard ...... 3.5
6, Boos...... 8
62 La Ncuville-Champ-d Oisel...... 6
63 Romilly-sur-Andelle ...... Fleury-sur-Andelle. Les Andelys. Eure 2.3
64 Bourg-Baudouin ...... 8
6 SaintNico1as_du_Pont-St-Pierrc...
66 Radepont ...... 7
6 Fleury-sur-Andelle ...... 9
68 Douviile ...... 4.5
En tout soîxante-huit clochers! Deux chiffres feront ressortir l immensité du paysage : la distance entre les clochers de Blosseville-Bonsecours et de Saint. Vincent-des-Bois est à vol d oiseau de 43 kil. 5, le tiers de la distance de Paris â Rouen, et une ligne joignant ce même clocher de Saint-Vincent-des-Bois à celui de Bos- Normand mesure cette même longueur de 43 kil. 5! Près de soixante kilomètres de lignes ferrées sont visibles, de Fun ou de l autre côté du château, et la Seine déroule sous les yeux trente kilomè- tres de son cours. t4 UN COIN DE LA NORMANDIE
Y-a-t-il beaucoup d endroits, en dehors des hauts sommets, où l oeil puisse embrasser une pareille distance et surtout i une si petite altitude?
Pour d un seul coup d oeil, faire autant que possible ressortir l en- semble du panorama, nous avons dressé la carte géographique ci-jointe contenant entr autres la position des clochers indiqués dans le tableau ci-dessus.
Puisse ce modeste aperçu donner l envie de connaitre ce coin de la Normandie, faire aimer davantage notre vieille province, et prouver que nous pouvons, sans courir à l étranger, trouver des sites magnifiques et faire d agréables et intéressantes excursions sans sortir de notre belle patrie, la France.
P. F. (un vieux normand). Membre de ta Société normande de Géographie.