Les foursautour du lac à du pain Bourget

La Rubrique des patrimoines de HORS SÉRIE ■ JUILLET 2002 CONSERVATION DÉPARTEMENTALE DU PATRIMOINE Avant-propos

Le four à pain était autrefois l’un des lieux essentiels de la vie domestique et villageoise. Avec l’avènement de la bou- langerie professionnelle, qu’elle soit industrielle ou artisanale, la cuisson fami- liale du pain s’est faite plus confidentielle au cours du XXe siècle. De nombreux fours ont disparu après la deuxième guerre mondiale faute d’entretien. Aujourd’hui, certains tombent en ruines sous les ronces et le lierre et d’autres ser- vent de débarras ou d’abri pour les pou- belles. Quelques-uns, inutilisés comme outils de cuisson, sont mis en scène : photos anciennes, vieux outils, massifs fleuris, jardinières et suspensions débor- dantes de géraniums. Alors… Les fours à pain, un patrimoine en voie de disparition ? Faire son pain, une pratique exceptionnelle réservée à quelques agriculteurs âgés attachés à Maquettes leurs habitudes ? Les fêtes du four, des manifestations folkloriques ? de Clément Simon, Bien au contraire… Que de fours debout et en bon état, utilisés régulièrement ; que Drumettaz-Clarafond. de familles qui n’ont jamais cessé de faire leur pain ; que de jeunes et de moins jeunes, rassemblés autour du pétrin ou de la voûte en chauffe ; que de fêtes, fami- liales, privées, conviviales, associatives, pour les amis, les villageois, les touristes, ou simplement les gourmands… Les fours à pain, de par la volonté des habitants, des communes, des associations, sont bel et bien un patrimoine vivant en pleine trans- formation, un lieu contemporain de sociabilité. Ce numéro hors-série s’inscrit dans le cadre de l’inventaire cantonal du patrimoine bâti en cours sur le territoire du projet Grand-Lac, en partenariat avec la Région Rhône-Alpes. Il a été élaboré grâce à l’amicale participation de particuliers, de pro- fessionnels et d’associations patrimoniales.

Les fours à pain autour Jean-Pierre Bulteau, Association FRANÇOISE CANIZAR Nous remercions tout du Lac du Bourget Les Fascines (p. 7, 8, 19 et 20) rédacteur particulièrement les membres du Hors-série n°1 de Société Fayol (p. 8, 11 et 17) NICOLE DUPUIS groupe Patrimoine de Chautagne, La rubrique des Patrimoines Chantal Somm, CDP adjointe administrative ceux de l’association Kronos, et de Savoie (p. 9, 10, 12, 19 et 21) HERVÉ FOICHAT tous les habitants sans qui Conseil Général de la Savoie Cedrik Valet, CDP emploi-jeune (NTIC) ce travail n’aurait pas été possible Conservation Départementale (p. 8, 9, 10, 12 14, 15 et 18) CAROLINE LANFANT du Patrimoine Jean-Louis Calland (p. 18) agent administratif (secrétariat) En couverture, four de La Thuile Hôtel du département – BP 1802 (photo J.-F. Laurenceau, CDP) 73018 Chambéry cedex Conception graphique ont collaboré à ce numéro Tél. (00-33-4) 04 79 60 49 36 et réalisation Editions Comp’Act JEAN-PIERRE BULTEAU Fax(00-33-4) 04 79 60 49 01 Association Les Fascines, E-mail cdp cg73.fr Dépôt légal JEAN-PIERRE COUREN 2ème trimestre 2002 DAVID CURTET () Directeur de la publication Tirage 1500 exemplaires HERVÉ DUBOIS, CAUE de Savoie JEAN-PIERRE COUREN ISSN 1288-1635 JEAN PIVARD Rédacteur en chef Société Fayol, Tain l’Hermitage PHILIPPE RAFFAELLI (Drôme) Secrétariat PHILIPPE RAFAELLI CAROLINE LANFANT Conservation départementale SANDRINE PHILIFERT, CHANTAL du Patrimoine de la savoie SOMM et CÉDRIK VALET, Crédit iconographique direction chargés de mission à la CDP Archives départementales JEAN-PIERRE COUREN de Savoie (p. 7) conservateur en chef du patrimoine Médiathèque de Chambéry FRANÇOISE BALLET (p. 3 et 5) conservateur du patrimoine Musée savoisien (p. 10) PHILIPPE RAFFAELLI Jean-Pierre Couren, CDP conservateur du patrimoine (p. 4, 15, 16 et 17) JEAN-FRANÇOIS LAURENCEAU Paul et Fernande Bord (p. 4 et 16) assistant qualifié de conservation Jean-François Laurenceau, CDP VINCIANNE NEEL (p. 5, 14, 15 et 22) assistante de conservation

2 Notre pain quotidien

Le pain est à l’origine de nombreuses inventions techniques : sélection de variétés de céréales, technologie des fours, techniques de minoterie ou de pétrissage. Innovations, façons de faire et modes de consommation modifient conjointement l’aspect, la texture, le goût de cet aliment toujours lié à des codes culturels. Petite histoire du pain...

Le goût et l’apparence du pain ont pro- Très tôt, le pain est un signe de recon- la composition ne diffère du premier qu’en fondément changé au cours des siècles. naissance sociale. Le froment, céréale ce qu’on n’emploie pas la plus belle farine, La culture des céréales, base alimen- fragile et exigeante, est réservé aux ne coûte environ qu’un sol et demi : et le taire universelle des humains, a plus de riches depuis l’Antiquité romaine. gros pain, à la farine duquel on laisse tout dix mille ans. Dès le Néolithique, les Longtemps, le pain de froment va le son, se vend un sol la livre. Il n’y a que hommes consomment régulièrement servir de référence-étalon au prix du le peuple, les artisans et les pauvres qui engrain, épeautre, orge et millet grillés pain, tous les autres devant être moins mangent de ce dernier ; les gens aisés se et concassés, en bouillies ou en galettes. chers. Plus le milieu social s’appauvrit, nourrissent de l’une ou l’autre des deux Suivant les pays et les époques, ces der- plus la proportion de froment s’atténue, premières espèces ; et chez plusieurs par- nières sont cuites sur des pierres plates, plus augmente la consommation de ticuliers on fait encore, comme on le fai- sous la cendre, sur des grils... Ancêtre céréales non panifiables. sait autrefois, le pain à la maison ; ce n’est de nos fours, la cloche d’argile utilisée Dans son ouvrage Chambéry en 1787, le pas le moins bon, puisque plusieurs per- par les Assyriens était chauffée sur les docteur Daquin écrit : « La livre du pain sonnes le préfèrent à celui que font les braises, que l’on enlevait avant de poser blanc coûte communément de deux sols à boulangers. Les habitants de la campagne les galettes, elles-mêmes recouvertes de deux sols et demi ; celle du pain bis, dont composent le leur avec de l’orge et l’avoine la cloche, le tout étant ensuite enveloppé des braises chaudes. L’invention du four est intimement liée à celle du pain levé, que l’on attribue généralement aux Egyptiens, 5000 ans avant notre ère. Pour qu’il y ait pain Depuis la cueillette levé, il faut une céréale panifiable, une de l’engrain farine de bonne qualité, la maîtrise du (Triticum boeoticum), levain et de la panification, un four graminée sauvage adapté. Le résultat dépend de l’action ancêtre des blés conjointe de ces différents facteurs. actuels, les hommes ont sélectionné au cours des Les millénaires de bleds multiples variétés de Une céréale est panifiable si sa farine froment, adaptées contient une proportion suffisante de aux usages gluten, substance élastique à base de culinaires souhaités protéines qui permet à la pâte de lever. tout autant qu’aux conditions C’est le cas du froment, de l’épeautre, d’exploitation. du seigle et dans une moindre mesure Weinmann de l’orge. Dès le Moyen Age en Occi- Phytantoza dent, de nombreuses céréales, panifia- iconographia Sive bles ou non, sont consommées sous le Conspectus aliquot millium plantarum, terme générique de bleds. Le mot arborum, etc. désigne le blé, l’orge, le seigle, l’avoine, Ratisbonne, le millet, le riz, le sorgho, plus tard le 1737 à 1745, maïs, ainsi que des végétaux tel le sar- tome IV. rasin (crucifère appelée communément « blé noir ») ou des légumineuses (pois et fèves). En Savoie, quatre céréales dominent depuis des siècles : l’orge, l’avoine, le seigle et le froment.

3 de 50 % des apports caloriques journa- liers (contre 5% actuellement) et près du quart du salaire moyen journalier d’un ouvrier. A l’inverse, ce goût s’at- Panification ténue dans les classes nobles ou bour- e familiale à Vimines. geoises dès le XVI siècle. Le pain Paul Bord. mollet, légèrement salé, mêlant lait, farine de froment et levure de bière, En bas, fort prisé de la noblesse, doit son succès la fournée des Julliand, à une profonde modification des goûts Drumettaz-Clarafond. alimentaires. A la Renaissance, ceux-ci s’orientent vers des saveurs plus douces, des textures plus légères et mettent à l’honneur la blancheur, tant dans l’ali- mentation que pour le maquillage des dames de la cour... Les modes de pré- paration des levains vont dès lors beau- coup se tranformer, ainsi que les tech- niques de minoterie et de pétrissage.

Les levains Le terme de levain recouvre des réalités très différentes au niveau microbiolo- gique. Les premiers levains utilisés étaient issus d’une fermentation lactique. Pour obtenir ce type de fermentation, le mélange initial ne doit contenir que de l’eau et de la farine, parfois un produit laitier (yaourt, fromage...), mais jamais et le bled-noir et ce sont les plus pauvres, y déposait la viande avec sa sauce. Ce de sucre, ni de jus de fruit ou de boissons qui le font de cette dernière manière ; tranchoir, partagé par deux personnes, alcoolisées. Cette fermentation développe quelques uns enfin mêlent du seigle avec est à l’origine des termes copain, des bactéries lactiques en grande quan- l’un ou l’autre de ces différents grains. » compagnon. On imagine mal une tité et des levures dites « sauvages » de Dans les campagnes environnantes, on baguette viennoise tenir ce rôle... multiples sortes. Ces levains donnent un mange plus souvent du pain de seigle ou Quant au mot soupe, dérivé du fran- pain à la mie relativement serrée, qui lève d’orge, surtout en montagne. Dans la cique, il désignait au XII e siècle la lentement (4 à 5 heures minimum à plaine autour de Chambéry, la préfé- tranche de pain trempée dans du 25°C), à la saveur légèrement acide, et rence va aux galettes épaisses de sarrasin. bouillon, avant de nommer par exten- qui se conserve sans rassir deux à trois L’obligation de saler légèrement le pain sion le liquide lui-même. semaines. Très employés jusqu’au XIX e date du milieu du XVI e siècle. Elle n’est Le goût des pains denses perdure long- siècle, ils perdurent dans certaines pas respectée partout vu le prix élevé temps chez ceux pour qui le pain est un familles et sont à nouveau utilisés par de du sel, mais semble de mise à Cham- aliment de base : la consommation quo- rares professionnels. béry : « On y ajoute du sel en pétrissant, tidienne d’un adulte est estimée au Très tôt, la fermentation alcoolique a ce qui le rendant encore plus savoureux minimum à 700 grammes de pain à la fait son apparition : les Gaulois met- en facilite la digestion : les étrangers sont fin du XIX e siècle, cela représente plus taient de la cervoise dans leur pâte, les d’abord affectés et surpris de ce goût légè- rement salé, mais ils s’y accoutument aisé- ment au bout de quelques jours, le trou- vent bon et le mangent avec plaisir ».

Le goût et la couleur du pain Le mode de consommation du pain influe sur sa forme, sa texture et son goût. Le Moyen Age appréciait les saveurs acides, fortes, les mies serrées. Les pains très denses, trempés dans des soupes à base de pois, lentilles ou châ- taignes, devaient être suffisamment fermes pour ne pas s’émietter. Jusqu’à la Renaissance, dans les classes aisées, le pain coupé en tranche épaisse servait d’assiette commune à deux convives, on

4 sanaux, diminution de la consomma- tion de pain vont entraîner une dispari- Vimines. tion progressive de la panification fami- La fournée de David Curtet. liale dès la première guerre mondiale. Les années 1950 marquent un tournant dans la boulangerie professionnelle. La clientèle apprécie des pains plus petits, allongés, à la croûte fine, brillante et croustillante. Progressivement, les fours en terre cuite ou en pierre sont rem- placés par des fours à projection de vapeur, semi-métalliques ou métal- liques. Acide ascorbique, malt et autres adjuvants accompagnent le développe- ment d’un pétrissage automatique de plus en plus intense. Dès ce moment, les produits se standardisent : il faut attendre les années 1980 pour voir réap- paraître dans la profession le souci d’un pain sans adjuvants à base de ces élé- ments essentiels que sont la farine, l’eau, le sel et le levain... flamands faisaient usage de levure de Le pétrissage mécanique intense, qui bière dès le Moyen Age. Dans ce mé- accentue cette blancheur, apparaît au lange initial à base de farine, d’eau et milieu du XIX e siècle. A Chambéry, d’une culture de levure de type alcoo- une boulangerie l’utilise dès 1854. La lique (levure de bière ou levures appa- minoterie industrielle impose les cylin- Parce que le levain se reproduit et qu’il fait rentées issues de la fermentation du dres métalliques qui permettent une gonfler la pâte, parce que le four est un lieu sucre, de jus de fruits etc), les levures complète élimination du son. La bou- de transformation qui mêle l’obscur et les prennent le pas sur les bactéries lac- langerie professionnelle se développe flammes, tout ce qui entoure la panification tiques. Elles donnent un temps de levée également en milieu rural. Le pain apparait comme une métaphore de la vie plus court, une saveur plus douce, une blanc de froment du boulanger devient humaine et de la reproduction. Ainsi, le terme placenta désigne dans la Rome mie bien alvéolée, plus de volume, mais la friandise des jours de fête pour les antique une pâtisserie en forme de galette un pain qui sèche plus vite et s’émiette familles qui cuisent encore au four du bien avant de nommer l’élément nourricier quand on le trempe. village leur pain, dont la farine moulue du bébé en gestation. Dans un cas comme dans l’autre, le à la meule de pierre restait légèrement En voici la recette d’après Caton l’Ancien levain-chef (communément appelé « le bise. Dès la fin du XIX e siècle, le corps (234-149 av. J.-C.) : “ Dans un plat circulaire allant au four, sur levain ») est constitué d’un morceau de médical va accuser le pain blanc d’être une abaisse de blé tendre posée sur une pâte prélevé après chaque fabrication, à l’origine de divers maux, il n’est plus feuille de laurier, alterner par couche des et nourri la veille de la panification avec cet aliment de référence qui « donne galettes de blé dur et une farce faite de fro- de la farine et de l’eau, dans une pro- des forces » et affirme une position mage de brebis frais égoutté, additionné de portion d’au moins un dixième du sociale. Développement de la boulan- bon miel et de crème lisse. Recouvrir d’une autre abaisse de blé tendre, souder les volume final de pâte. gerie rurale, apparition des industries, bords et porter au four chaud. ” Dès le XIXe siècle, la levure de bière va modifications profondes des goûts ali- De Agricultura, réédité par Les Belles Lettres, très rapidement supplanter les levains mentaires, fermeture des moulins arti- Paris, 1975. lactiques chez les boulangers profes- sionnels : elle réduit leur temps de tra- vail et correspond aux goûts de la clien- tèle bourgeoise. La blancheur du pain est de plus en plus recherchée, ainsi que la légèreté de la mie et le volume final. Des fraudeurs ajoutent dans la pâte du plâtre, de la craie, de la fécule de pomme de terre...

Le fournil. Encyclopédie Diderot et d’Alembert, d’après une gravure du XVIII e siècle.

5 De la terre, des pierres et du feu

Le terme four désigne à la fois l’outil de cuisson et le bâtiment qui l’abrite. Autour du lac du Bourget, les fours à pain présentent une très grande diversité : matériaux de construction, formes architecturales variées, statuts. Aucun n’est identique, mais tous fonctionnent sur le même principe : ce sont des fours à chauffe directe, le bois brûle dans le foyer dont on retire les braises avant la cuisson.

La construction des fours Certains fours comportent des ouras (du siècles : au milieu du XIV e siècle, deux Le four comprend plusieurs parties. La latin aura : vent), conduits d’aération fours sont reconstruits au château de base en maçonnerie isole le four du sol qui partent de la bouche et rejoignent Thomas II (Le Bourget du Lac), l’un et constitue un premier accumulateur la cheminée ou le devant du four. Le en brique et terre, l’autre en molasse. de chaleur. On y pose la sole, appelée dessus de la voûte est entièrement Les éléments nous manquent pour aussi âtre ou plancher. Le cordon, cein- recouvert de sable. Comme l’inertie apprécier l’importance de chaque maté- ture circulaire d’une vingtaine de cen- thermique dépend de l’épaisseur de riau jusqu’au XIX e siècle. Dans d’au- timètres de hauteur, soutient la voûte, matériau sous la sole et au-dessus de la tres régions, les fours en terre crue sont ou chapelle, composée de voussoirs de voûte, cette masse doit être suffisante fréquents, mais aucun n’existe à notre tailles diverses et d’une clé de voûte. Il pour assurer une bonne accumulation connaissance autour du lac. Un docu- faut y ajouter la brasière, assemblage de de chaleur et une restitution lente pen- ment d’archives datant de 1700 évoque pierres qui entourent la bouche, le dant la cuisson. la « voûte en terre » d’un four, à Méry, banchet ou autel, tablette de pierre Autour du lac, les fours sont construits dans une maison-forte dépendant de montée devant le four, et fréquemment en molasse et en brique réfractaire, Hautecombe. Cette dénomination im- un cendrier, construit sous la bouche. matériaux employés ici depuis des précise peut désigner tout autant un four en terre crue qu’un four en briques. Le tuf, dont Serrières possédait une immense carrière, est très utilisé pour Four à pain, Lachat, la maçonnerie extérieure ou l’entrée . voûtée des fours. Il est rarissime dans la construction des fours eux-mêmes : c’est en effet un matériau isolant, qui accumule peu la chaleur. La molasse abonde aux alentours du lac du Bourget. Ce grès tendre, argileux, Oura est largement utilisé en construction (linteaux, piédroits...), ainsi que pour les foyers de cheminée et les fours du fait de ses qualités réfractaires. Il est Brasière plus ou moins tendre et sensible à l’hu- midité suivant sa provenance. Les Voûte molassières du Forezan à et de ou chapelle Porte Vars à Chindrieux fournissaient des pierres de grande qualité, commercia- lisées au-delà de leur lieu de produc- tion. A la fin du XIX e siècle par exemple, la molasse de Vars était exploitée en

Sole Suisse. Autel ou Banchet

Cendrier

6 Extrait du compte de Guy de Baldisset, châtelain et receveur des revenus du Bourget-du-Lac, opera furni. 1362-1363. ADS SA 8493, peau 17.

jusqu’au dit four. De même trois hommes qui ont enlevé les vieilles pierres du dit four et la terre, et de même posé le sable susdit, travaillant à celà pendant un jour, recevant chacun par jour, dépenses comprises, 1 denier gros tournois. Et cinq hommes qui ont aidé les dits maçon à placer et remonter les pierres dans le four, remettre le sable et tout ce qui était nécessaire, travaillant à cela pendant un jour, recevant chacun par jour, dépenses comprises, 1 denier gros tournois. Compte de Guy de à cela pendant un jour et employées pour le dit four, Pour l’achat de 2 livres de Baldisset, châtelain et recevant chacun par jour, travaillant à celà pendant chandelles de suif qui ont receveur des revenus du dépenses comprises, 10 jours, recevant chacun été employées dans le four, Bourget du Lac 3 deniers obole gros par jour, dépenses une fois qu’il a été remonté, Il a été payé à André de tournois. comprises, 3 deniers et sans compter les chandelles Grand Champ et ses De même trois hommes qui demi de gros tournois. prises à l’hôtel de la associés pour l’achat de ont aidé les dits coursiers à De même quatre hommes, comtesse, 12 deniers fort. deux quintaux de pierres de charger et décharger les qui ont porté le sable depuis De même Michelet et molasse pour faire la six du dites pierres, travaillant à les rives du lac jusqu’au dit Hugonin, forgerons, dit four : 3 sous 4 deniers cela pendant un jour, et four, cela pendant un jour, aiguisant les marteaux gros. recevant chacun par jour, recevant chacun par jour, des maîtres [maçons] De même pour trois dépenses comprises, dépenses comprises, 1 à plusieurs reprises, coursiers apportant les dites 10 deniers fort. denier gros tournois. 4 sous 7 deniers fort. pierres du lieu où elles ont Deux maçons-tailleurs de De même cinq hommes,

été faites jusqu’au petit pierre qui ont scié les dites portant les pierres susdites, TRADUCTION DU LATIN MÉDIÉVAL : pont de la Leysse,travaillant pierres, les ont préparées et du petit pont de la Leysse SANDRINE PHILIFERT

7 Taille d’un four en molasse par Laurent Martin, à Curienne.

Extraction à l’ancienne L’extraction de la molasse se faisait d’un bloc de molasse, autrefois à l’aide de broches fixées à de association Les Fascines. longs manches et projetées avec force. A l’occasion de la réfection de l’un des fours de Curienne, Jean-Michel Etienne et Laurent Martin, tailleurs de pierre en Chartreuse, ont tenté une extraction selon cette méthode avec les membres de l’association Les fascines. Relatif succès, qui a mis en évidence les diffi- cultés liées au manque de transmission de ce savoir-faire... L’extraction a fina- n’est pas complexe pour un profes- lement mobilisé des outils plus contem- sionnel expérimenté, elle n’est certes porains pour obtenir les quatre mètres pas à la portée du premier venu, ce que cube nécessaires. Le bloc refendu en confirment différents documents du plusieurs parties a ensuite été taillé sur Moyen Age : la taille est alors confiée à place. des lathomi (maçons tailleurs de pierre), La sole du four est constituée de plusieurs alors que démontage et montage sont dalles de tailles plus ou moins grandes assurés par une main d’œuvre sans qua- selon les fours. Soumise à l’usure, elle lification explicite. Nous ne savons pas est fréquemment restaurée par simple comment était montée cette voûte ajout d’une sole neuve posée sur l’an- autrefois : moulage de sable ? Gabarit cienne. Les voûtes en molasse sont com- de bois ? posées de deux à trois rangées de Les fours anciens en brique réfractaire voussoirs, maintenues par une clé circu- procèdent de deux techniques diffé- laire. Les voussoirs doivent être taillés rentes. La première consiste en une d’autant plus précisément que la voûte voûte montée sur coins, donnant une est basse. Si la taille d’une voûte de four hauteur de plus de 0,50 m, la seconde en une voûte sur sommier, briques de formes particulières donnant le départ de l’inclinaison. L’avantage de cette dernière technique est de faciliter le montage de la voûte. Celle-ci est ensuite jointoyée avec un mortier réfractaire. Ce dernier doit contenir de la chaux pour une adaptation aux dilatations successives.

Ci-dessus, voûte en briques réfractaires. A droite, montage des voûtes en coins (en haut) ou à sommiers (en bas).

8 Une architecture variée L’architecture des fours varie d’une commune à l’autre, d’un village à l’autre et parfois à l’intérieur d’un même village. L’enquête a porté essentiellement sur les fours maçonnés et extérieurs. Quel- ques fours intérieurs existent. Ils sont bien évidemment privés, même si un « droit au four » subsiste parfois pour les habitants du village dans la mémoire orale. Le plus souvent situés dans l’habi- tation, rien ne permet de les déceler de l’extérieur. Quelques-uns se devinent pourtant à la saillie du mur recevant le cul du four et à la protection des auvents. La plupart du temps, les fours de village sont des édifices indépendants. Certains comportent une chambre de panification, dite « gloriette », un local de stockage, un bûcher (Serrières, Drumettaz-Clarafond). Ouverts ou fermés, tous les fours se pro- longent d’un grand auvent. Les fours De gauche à droite fermés, nombreux, sont généralement et de haut en bas : à ouverture frontale, moins souvent à Serrières, Apremont, ouverture latérale. Ils passent parfois Le Bourget-du-Lac, Motz, inaperçus, rien ne les distinguant d’une Saint-Offenge-Dessus (four privé à l’intérieur simple remise, d’autant plus que la che- d’une maison) minée est parfois absente. Le four suit les modalités de construc- tion des autres bâtiments agricoles, dont les matériaux varient en fonction des diponibilités locales et des circuits de dis- tribution. Ils sont généralement réalisés en tout venant, jointoyés et crépis gros- sièrement d’un mortier à la chaux. Mais on trouve aussi des édifices cons- truits en moëllons de molasse (Le Entretenir et restaurer L’enquête de terrain CAUE La connaissance des modes a mis en évidence le bon Conseil d’Architecture, Bourget-du-Lac, Chindrieux...) ou de de construction des fours état relatif d’un grand d’Urbanisme et de tuf (Serrières). est indispensable pour leur nombre de fours du l’Environnement, restauration. L’intervention territoire grand Lac Anciennes Archives, de professionnels (66 % contre 14 % en Hôtel du Département, compétents est d’autant mauvais état). Bien BP 1802, plus nécessaire qu’une souvent, seules des 73018 Chambéry Cedex. restauration mal faite peut, réfections partielles sont Tél. 04 79 96 74 16 à terme, entraîner une à envisager : ici un toit, là détérioration du four. Ainsi, une maçonnerie, parfois le le ciment est un matériau à changement d’une ou deux SDAP éviter, car il manque de pièces de la sole ou Service Départemental souplesse et maintient un simple recalage de d’Architecture et du l’humidité. Il vaut mieux la voûte. Patrimoine, utiliser des mortiers à base Avant travaux, il est 1 rue des Cévennes, de chaux hydraulique fortement conseillé de BP 1131, naturelle, que ce soit pour la consulter le CAUE de la 73011 Chambéry Cedex. réfection des maçonneries Savoie ou le SDAP pour Tél. 04 79 71 74 99 ou pour le jointoiement choisir les meilleures

de la voûte. techniques de restauration. HERVÉ DUBOIS, CAUE 73

Thoiry.

9 Epi de faîtage Cheminée en pierre

Pignons à redents, témoins d’une précédente Chambre couverture en chaume de panification ou gloriette Bûcher

Four avec voûte d’entrée en ogive exceptionnelle

Vimines. Buidé (soue du cochon)

Four à pain, Lachat, Chindrieux.

Les systèmes de fermeture sont extrê- chaume, comme l’attestent quelques mement variés. Les fours construits par pignons à redents ( Serrières, Motz) ou la Société Terrassier à la fin du XIX e des gravures anciennes. Le risque d’in- e Serrières. siècle ou au début du XX siècle ont cendie justifiait la position fréquente parfois de superbes portes en fonte du bassin à proximité immédiate. moulée à contrepoids, à glissières ou à Plusieurs fours sont encore couverts de vantaux montés sur charnière. Les tuiles dans des secteurs où celles-ci anciens fours en molasse sont le plus n’étaient pas couramment utilisées sur souvent fermés par une simple tôle les maisons (Curienne, Thoiry). On munie d’une ou deux poignées. peut imaginer que le choix de ce maté- Curieusement, il ne semble pas exister riau était lié au souci de limiter le d’orientation préférentielle, liée par risque d’incendie tout autant qu’à des exemple aux vents dominants ou à la circuits commerciaux spécifiques. Le topographie. Si, à Vimines, tous les four se démarquait ainsi des autres Apremont. fours sont orientés au sud-est, ou si bâtiments environnants par sa toiture ailleurs ils tournent le dos à la pente, rouge, en lien direct avec le feu. aucune règle ne se dégage pour l’en- semble des communes. La toiture de certains édifices était autrefois en

Four à toit de chaume, Viviers-du-Lac. Aquarelle et crayon de Laurent Isidore Coulon, 1833 (coll. Musée Savoisien).

10 La terre de Larnage

À la fin du XIX ème siècle, la société Terrassier (Tain l’Hermitage, Drôme), aujourd’hui Fayol, restaure en terre réfractaire de nombreux fours à pain en Savoie, comme en attestent dates et marques gravées sur la brasière ou moulées sur les portes de fonte.

riaux réfractaires crée de nouveaux mar- d’autres provenances. Fayol est aujour- chés pour la terre de Larnage. Broyée et d’hui la seule entreprise française de tamisée, celle-ci donne un mélange de fabrication de fours à pain en terre cuite kaolin et feldspath bien adapté à la fabri- et la seule propriétaire-exploitante de la cation des fours alimentaires, car sa dernière carrière de terre blanche à teneur en fer évite aux aliments d’atta- Larnage. Depuis 1990, à la recherche de cher sur la sole pendant la cuisson. nouveaux marchés, l’entreprise amorce Jusqu’en 1992, seule une autre carrière une exploitation optimale de la terre de similaire existait, dans la région de Larnage. Elle a mis au point une nou- Tours, où les usines locales étaient spé- velle gamme de fours faciles à monter, cialisées dans la fabrication de chau- le Panyol®, à destination de profession- dières pour la construction navale. nels ou de particuliers, faisant appel a la Au début du XX e siècle, la société même matière première. Les successeurs Terrassier exploite dix hectares de car- de l’entreprise Terrassier sont de ce fait rière à Larnage. Spécialiste de la fabri- partenaire privilégié tant dans la cons- cation des fours à pain, elle diffuse tout truction que dans la restauration des En 1864, les prédecesseurs d’Alfred le matériel du fournil. Fortement anciens fours en terre réfractaire. Terrassier ouvrent une carrière à implantée dans le Sud-Est de la , Larnage, ainsi qu’une usine de maté- elle s’impose aussi au niveau national et riaux réfractaires située à proximité dans à l’exportation. Elle commerce avec la la commune de Tain l’Hermitage Suisse, l’Algérie, la Syrie, la Tunisie, (Drôme). Les carrières de Larnage ont Madagascar... La seconde guerre mon- été exploitées dès l’Antiquité pour la diale, puis la chute du marché des fours Terrassier : un monopole fabrication de la poterie culinaire. Ce en terre cuite fragilisent l’entreprise, de la construction grès kaolinique, à forte teneur en alu- rachetée en 1954 par Jacques Fayol. La des fours en briques dès la mine et exempt d’oxyde de fer, respecte clientèle boudant la couleur blanche des fin du XIX e siècle. le goût des aliments et résiste aux tem- briques de Larnage, la Société Fayol pératures élevées. Lors de la Révolution s’oriente vers la fabrication de produits Vue des carrières de Larnage industrielle, l’utilisation accrue des maté- réfractaires colorés utilisant des argiles vers 1930.

11 Les fours du bassin versant du lac du Bourget

La carte ci-contre reprend les données Les banalités pour la cuisson au four, peut être établi sur une parcelle privée. recueillies auprès des mairies. Le terme c’est-à-dire les redevances versées aux Dans ce cas, même si la communauté a actif désigne les fours allumés au moins seigneurs par les habitants afin d’obtenir assuré depuis des décennies l’entretien de une fois par an : 65 % des 293 fours ce droit, ont en fait disparu dès le milieu l’édifice et son activité, le propriétaire de recensés sont dans ce cas. du Moyen Age. Les fours de propriété la parcelle obtient parfois la pleine pro- Ce recensement n’est pas exhaustif. Seuls seigneuriale et religieuse furent très vite priété du bâtiment en l’absence d’acte les fours maçonnés extérieurs sont pris albergés (loués) à des fourniers, des bou- officiel établissant le droit collectif… Ce en compte. langers ou des fermiers. Cet albergement droit coutumier, mal connu, persiste dans Dans plusieurs communes, les mairies est en quelque sorte l’ancêtre de nos bails la mémoire orale et dans les pratiques. ne citent que les fours communaux. commerciaux. Ainsi, récemment, plusieurs fours col- Ailleurs, elles mentionnent également La propriété collective est déterminée lectifs sont devenus communaux à la les fours de propriété collective. Nombre par l’usage : les fours appartiennent à suite de restaurations financées par les de fours privés restent à découvrir, ils ceux qui les utilisent et les entretiennent. communes. Mais le droit coutumier sont souvent mal connus des municipa- Droits, obligations et règles d’usage perdure en Savoie, où de nombreux lités et parfois peu faciles à repérer. étaient parfois établis devant notaire et fours restent communiers. La relative méconnaissance de ce patri- les membres de la communauté du four moine semble résulter de la complexité étaient cités nommément dans l’acte. des statuts de propriété. Les droits étaient acquis à perpétuité et transmis aux descendants en ligne directe. La non utilisation du four ou la Un statut peu banal transgression des règles entraînaient la La dénomination usuelle de four banal, perte du droit de cuire au four collectif, héritée du vocabulaire médiéval, désigne également à perpétuité. La multiplica- aujourd’hui des bâtiments de propriété tion des fours privés trouve probable- collective (appartenant à un groupe d’ha- ment en partie son origine dans des bitants ou de familles) ou communale. conflits de communiers. Le four collectif

Ci-dessus, four alsacien. Constitués d’un châssis métallique monté sur roulettes et d’un foyer en briques réfractaires, ces fours portatifs privés se multiplient au début du XXe siècle, à l’occasion parfois de conflits entre communiers.

A gauche, pignons à redents, four de Landernier, Motz.

12 En gras, figure le nombre de fours existant dans la commune, suivi du nombre de fours utilisés au moins une fois par an (renseignements donnés par les mairies). Aix-les-Bains 1–1 Albens 8–7 Apremont 13–9 0–0 Barby 0–0 Bassens 0–0 2–2 Brison-Saint-Innocent 1–1 Cessens 6–4 Challes-les-eaux 0–0 11–3 Chambéry 8–3 Chindrieux 12–5 Cognin 2–1 3–2 Curienne 14–12 Drumettaz-Clarafond 7–7 Epersy 1–0 Grésy-sur-Aix 2–2 Jacob-Bellecombette 0 La-Biolle 7–4 La-Chapelle-du-Mt-du-Chat 6–4 La-Motte-Servolex 11–2 La-Ravoire 0 La-Thuile 8–7 Le-Bourget-du-Lac 14–12 Le-Montcel 5–2 Les-Déserts 4–3 Méry 4–2 Mognard 7–2 5–3 Motz 8–6 3–3 2–2 Pugny-Chatenod 7–3 6–5 6–4 Saint-Alban-Leysse 3–3 Saint-Baldoph 2–1 Saint-Cassin non renseigné Saint-Germain-la-Chambotte 5–1 Saint-Girod 3–1 Saint-Jean-d’Arvey 7–6 Saint-Jean-de-Couz 1–1 Saint-Jeoire-Prieuré 1–1 Saint-Offenge-Dessous 1–1 Saint-Offenge-Dessus 3–0 Saint-Ours 3–3 Saint-Pierre-de-Curtille 6–3 Saint-Sulpice 4–2 Saint-Thibaud-de-Couz 9–4 Serrières-en-Chautagne 7–2 2–1 Thoiry 7–6 1–1 Trévignin 3–3 Vérel–Pragondran 3–2 Vimines 22–8 5–3 Viviers–du–Lac 0 2–2

Nombre total de fours 293 Nombre total de fours utilisés au moins une fois dans l’année 170

13 “ Faire au four ”

A chaque famille sa journée, à chaque et habitudes se teintent d’innovation, jour sa fournée : autour du lac, la s’enrichissent ou s’appauvrissent, tant ce cuisson du pain est familiale depuis le qui est transmis ne l’est jamais à l’iden- Mettre la main à la pâte… siècle dernier. Ici, pas de traces de tique. David Curtet, Vimines. cuisson collective, chaque chef de famille est maître de son pain. La Faire son pain réservation du four se révèle plus ou Commençons par le levain. Autrefois moins formelle suivant les hameaux : conservé dans un pot en terre à la cave, planchette nominative, ardoise où l’on saupoudré de sel ou sous une feuille inscrivait son nom ou son surnom et la d’oseille, d’épinard, de blette..., il est date, calendrier publicitaire… Ailleurs, aujourd’hui la plupart du temps mis au on déposait une fascine devant l’âtre, ou congélateur en attendant la fournée on prévenait les voisins au gré des ren- suivante, ou encore gardé au frais et contres, nombreuses au fil de la journée. nourri de temps à autre d’un peu d’eau Ici et là, le levain était commun à tout le et de farine. Certains utilisent le même village. Le dernier à avoir cuit au four levain « depuis plus de 100 ans » ; d’autres en portait la responsabilité et le trans- ont réalisé un levain sur levure, ou ont mettait la veille à celui qui devait faire ensemencé un ancien levain avec un son pain : le four était ainsi réservé d’of- peu de levure de bière ; d’autres encore fice. Parfois, une seule famille de com- utilisent des levains déshydratés que muniers est dépositaire du levain. Toutes l’on achète dans le commerce, ce qui ces pratiques se côtoyaient dans une règle le problème de la conservation ; même commune, sans apparemment d’autres enfin ont pris leur levain chez poser de difficultés. un boulanger. Jusque dans les années 1920, « faire au Toutes les familles font du pain de fro- four » était chose courante. La panifica- ment, peu utilisent le seigle. La plupart tion domestique a progressivement s’approvisionnent chez les minotiers diminué au fur et à mesure de l’arrêt de locaux en farine de type 55 de bonne la céréaliculture familiale, de la ferme- force boulangère. Quelques-uns se ture des moulins artisanaux et de la pro- fournissent dans les coopératives de gression des boulangeries rurales. Mais produits biologiques, à la recherche de aujourd’hui encore, près d’un quart des farine semi-complète de type 70 ou 80. fours autour du lac cuisent au moins une Hier comme aujourd’hui, les quantités fois par mois le pain de plusieurs familles. réalisées correspondent essentiellement Pratiques d’hier et d’aujourd’hui, gestes à la taille du four utilisé, entre 25 et 50 kg de pain. L’essentiel est de remplir le four, et seul le temps entre les fournées varie suivant la consommation. Entre deux cuissons, les pains sont conservés dans un congélateur parfois réservé à cet unique usage. Autrefois, le pétrissage s’effectuait tou- jours à bras, dans le pétrin de noyer ou de chêne qui servait de table au quoti- dien. C’est encore le cas de plusieurs familles. « C’est un travail qui demande de la force physique » dit-on pour justi- fier la quasi exclusivité des hommes à mettre la main à la pâte, mais de temps à autre, une dame âgée murmure que « les autrefois », c’était les femmes qui Ardoise de réservation du four, étaient dans le pétrin… le Bourget-du-Lac.

14 Depuis la veille, le petit morceau de crème, à la surface élastique, vivante, être façonnée en boules ou en miches pâte de la fournée précédente, nourri déjà... Certains la laissent reposer une sur une planche ou une table bien de quatre à cinq kilos de farine et de heure, puis la repétrissent une dizaine farinée. Gestes répétitifs, rapides, deux litres d’eau, a gonflé toute la nuit, de minutes. Aujourd’hui, le pétrin précis : aplatir le pâton, rabattre les bien au chaud, couvert d’un linge : il est mécanique remplace parfois la force bords dans un ordre bien défini, poser devenu le levain ou le chef. Le pétrin de musculaire. Encore faut-il trouver un le pain dans son récipient, la clef ou bois sombre accueille la blancheur des ancien pétrin de boulanger, ce qui n’est tourne vers le haut. Une heure ou deux 25 kg de farine, à laquelle vont se pas chose aisée, tant sont nombreux les d’attente encore, juste le temps de ter- mélanger le levain et une dizaine de amateurs... Il faut aussi emprunter au miner la chauffe du four... litres d’eau froide ou tiède additionnée professionnel ses savoir-faire. La force de sel. Gestes du pétrissage, amples, physique n’est alors plus essentielle, Eclairer le four ronds, généreux, énergiques... Savoir- pourtant, là encore, l’homme reste bien Le temps de la levée, c’est aussi le temps faire transmis d’un parent, d’un ami, souvent en charge du pétrissage. de chauffer le four. Chaque édifice a ses affiné tout au long des expériences Puis vient le temps de la levée, plus ou particularités, que le fournier doit par- répétées, réussites et échecs. Près d’une moins long selon les habitudes familiales, faitement maîtriser. Car si le four peut heure d’efforts intenses à se démener les courants d’air, la chaleur de la pièce, attendre la levée, l’inverse n’est pas pos- avec une bonne trentaine de kilos d’une la pâtiéré à l’abri ou non d’un linge sible... Nul doute à entendre les témoi- substance collante, ingrate... Vient un épais… Deux à cinq heures plus tard, gnages que les mésaventures étaient moment où la pâte tiède se détache, tendue par l’air emprisonné, la pâte s’est aussi fréquentes hier qu’aujourd’hui... matière homogène d’une belle couleur approchée du bord du pétrin, prête à Pains brûlés car enfournés dans un four trop chaud parce qu’ils ne pouvaient attendre plus, ou galettes indigestes car ils avaient au contraire trop patienté... Boulanger et fournier sont souvent deux personnes différentes, peut-être parce que la responsabilité de la réussite ou de l’échec doit être partagée... Autrefois, les fours restaient secs et tièdes d’une fournée à l’autre. Mais quand le four ne chauffe qu’une fois ou deux par mois, il se refroidit et s’humi- difie, la chauffe doit être très progres- sive pour ne pas abîmer le four : c’est le dérhumage.

Une fournée haute en couleurs, Drumettaz-Clarafond.

« Eclairer » le four. David Curtet, Vimines.

15 Autour du lac, rares sont les communes où l’on fait cuire autre chose que du pain ou des tartes. Cuire de la viande ou du poisson est souvent considéré comme une hérésie : “c’est un four à pain, on n’y met pas des cochonneries ! ”. Certains craignent la transmission des odeurs, d’autres expliquent que le four serait trop chaud le poisson, ou encore qu’on ne peut pas l’ouvrir pour arroser la Le jour même, avant de commencer à se succèdent au moment des grandes viande. Ici ou là, pourtant, il était fréquent pétrir, un fagot enflammé tiédit le four. fêtes, à brûler des palettes d’épicéas. de cuire du poisson, des gratins, de laisser un morceau de viande mijoter Il faudra sept à huit fascines suivant la Généralement, on utilise des fascines dans un bouillon, casserole en fonte hauteur de la voûte, le diamètre de la de hêtre et de charmille, plus rarement bien close… Quiches et pizzas cuisent sole, le matériau (la molasse chauffe d’épicéa, pour démarrer le feu, puis des généralement avant le pain, quand le four plus difficilement que la brique réfrac- branches de diamètre un peu plus est trop chaud. Les tartes aux fruits sont taire), mais aussi la qualité de cons- important pour la montée en tempéra- enfournées en même temps que le pain, voire après la cuisson de ce dernier, selon truction : hier comme aujourd’hui, il y ture. les habitudes locales. Certains mettaient avait de mauvais artisans, et parfois de Le four doit atteindre environ 800 °C dans le four tiède des fruits à sécher très mauvais fours ! On brûlait au four pour que la chaleur accumulée soit suf- (poires, pruneaux…), de la paille de maïs, ce qui ne présentait guère d’intérêt dans fisante. Aux alentours de 500 °C, la ou, plus surprenant, les édredons et les les cheminées, fagots de brindilles, voûte devient brutalement blanche : oreillers de plume protégés d’une housse de tissu léger, “ pour les purifier et leur petits branchages, sarments de vigne tous les déchets caramélisés des cuissons redonner du gonflant ”… nés de la taille des ceps, coquilles de précédentes sont détruits par pyrolyse, noix issues des gremailles... Certains laquelle garantit l’absence de trans- fourniers font très attention aux mission d’odeurs d’une fois à l’autre. essences de bois : pas d’osier parce qu’il C’est le moment où le fournier répartit rend le pain amer, ni de résineux. l’ensemble des braises sur le centre de D’autres au contraire font feu de tout la sole pour finir la chauffe de la voûte. bois, n’hésitant pas, quand les fournées Puis, à l’aide des râcles, crochets de fer fixés au bout de longs manches, il sort de l’âtre les braises et les vide dans le cendrier, souvent construit sous la bouche même du four. Certains font cuire dans ces cendres brûlantes des pommes de terre ou des saucisses... Le pana, grande pièce de tissu accrochée à un long manche, est abondamment mouillé, puis rapidement passé sur

“ Et puis le four enfin ouvert voilà ce qu’on a découvert j’étais entré en toile blanche je sors tout en habit doré.”

En haut, porte à contrepoids en fonte moulée, marquée A.Terrassier à Tain-Drôme. (Drumettaz-Clarafond).

A gauche, le temps du défournement, Vimines.

16 toute la surface de la sole dans un nuage de vapeur. Si la chauffe a été bien menée, l’ensemble du four apparaît blanc. Pour apprécier la température, le fournier jette une poignée de son ou de farine, un morceau de papier journal : l’œil, au fil du temps et des erreurs, reconnait le moment idéal. Tout alors s’accélère. Pour enfourner, il faut être deux : l’un tient la pelle posée sur l’autel du four, le manche appuyé contre un crochet ou une pierre en débord de la maçonnerie du mur ; l’autre renverse le pain sur la pelle, le premier fend rapidement la surface d’un ou deux traits de couteau, puis enfourne, et ainsi de suite jusqu’à ce que le dernier pain ait pris sa place. La porte aussitôt refermée est souvent garnie de braises chaudes. Pendant dix à vingt minutes, tout se passe dans l’obscurité, puis la porte à peine entr’ou- verte laisse deviner les pains gonflés mais encore blancs : s’ils sont déjà dorés, cela signifie que le four était trop chaud, il faut baisser la température en ouvrant les ouras. C’est le temps de l’attente, celui de la discussion car aujourd’hui comme hier, d’autres se sont rassemblés autour du fournier, des hommes essentiellement... C’est parfois l’occasion de goûter un petit verre de vin blanc, dans la chaleur du four et l’odeur généreuse. Un peu plus d’une heure plus tard, la bouteille est finie, les pains prêts à sortir sont testés un à un : retournés, frappés de la main fermée, s’ils rendent un son creux, ils sont prêts à s’aligner debout sur les étagères ou sur les bancs prévus à côté du four, leur croûte dorée crépitante. Les autres se laissent désirer quelques minutes encore dans l’alcôve...

Souvent, le fournier offre quelques-unes des boules encore fumantes aux amis de passage et aux proches voisins.

17 Du laboratoire au four de Boigne

Itinéraire quotidien du boulanger de Chanaz

A Chanaz, le four de Jean-Louis Galland, l’ancienne Maison de Boigne, Chanaz. tombé en désuétude depuis des décennies, revit depuis plusieurs années grâce à la passion d’un boulanger.

Aux alentours du lac du Bourget, Monsieur Calland est à ce jour le seul boulanger qui cuit au bois dans un four de village. A son installation, en 1989, La municipalité le soutient et lui propose ajout de levure de bière. Le pétrissage boulangerie industrielle et artisanale un bail commercial pour l’utilisation du mécanique introduit quelques varia- proposaient des produits très similaires. four, devenu communal. Après quelques tions dans les façons de faire. La pre- Bannissant les adjuvants devenus cou- restaurations, ce dernier reprend du mière étape, le frasage, consiste à mélan- rants, tels la farine de féverolles ou le service en 1994. Depuis, il cuit tous les ger à vitesse lente la farine, le levain, et malt, Monsieur Calland décide rapide- matins la fournée de boules au levain l’eau jusqu’à consistance pâteuse, pen- ment d’affirmer le caractère artisanal et de couronnes, préparées dans un dant dix minutes environ. Un pétris- de sa fabrication en confectionnant du laboratoire qui n’a rien de passéiste. Si sage à vitesse plus rapide suit, de même pain au levain cuit au bois. L’objectif les ingrédients sont identiques à ceux durée. Le sel fin est incorporé à vitesse est double : assurer la survie de l’entre- utilisés en panification domestique, la rapide pendant trois à cinq minutes au prise dans cette petite commune de 400 mécanisation s’est imposée pour les maximum, en fin de processus pour ne habitants et compléter l’offre touristique soixante kilos de pâte préparés quoti- pas chauffer la pâte. Après deux heures en proposant un produit de qualité en diennement. Le levain-chef, transmis à de piquage (levée dans le pétrin), les cohérence avec d’autres démarches Monsieur Calland par un confrère bou- boules façonnées sont mises en place patrimoniales. langer, est régulièrement renouvelé par dans les paillas, la clé ou tourne vers le haut, puis transportées au chef-lieu après la deuxième levée. Le four a été chauffé « rien qu’avec du bois dur, le rési- neux donne des odeurs et chauffe mal ». Entre dix heures et midi, les curieux, par l’odeur alléchés, viennent assister à la cuisson et au défournement. Nombre d’entre eux repartiront avec une boule odorante aux formes rebondies, à la croûte croquante et à la mie moelleuse encore fumante… Notre boulanger rêve de remettre en état tous les fours à pain de la commune de Chanaz, dont certains apparaissent bien malades, en créant une association conviviale, une fête au cours de laquelle habitants et touristes se promèneraient d’un four à l’autre, dégustant ici le pain, “ Qui mal enfourne, fait ses pains cornus. ” là les diots, un peu plus loin les tartes Autrefois considéré comme un défaut de panification, le baiselu (baiser des pains et les épognes… Il fournirait bien sûr qui se touchent dans le four) est désormais la pâte à pain bénévolement… recherché par la clientèle des boulangers qui cuisent au bois comme une “ marque de l’authentique ”.

18 Restaurer et se restaurer

L’association Les Fascines, de Curienne , regroupe des amateurs passionnés par la sauvegarde du petit patrimoine rural. Depuis 1994, plusieurs de ses membres fondateurs se sont construit une réputation dans la restauration des fours à pain. Jean-Pierre Bulteau, président de l’association nous fait part de cette aventure.

Les fours à pain, nombreux dans nos villages, sont source de plaisirs incom- parables. Plaisir de se retrouver ensemble, entre copains (étymologiquement ceux qui partagent le pain), autour de tout ce que le four peut cuire. Pour faire moderne, disons que nous possédons là un merveilleux outil créateur de lien social. Il ne reste plus qu’à ajouter que c’est con… vivial. Tout est dit. Le four, la fontaine, le lavoir, bâtiments partagés en commun dans chaque hameau, sont souvent associés. L’eau sert à nettoyer la sole avant l’enfourne- ment mais elle peut aussi éteindre un début d’incendie. Cette trilogie cons- titue l’emblème d’un lieu dont on est fier. Voilà pourquoi il n’est pas si diffi- cile de trouver des bras pour remettre en état ces vieux serviteurs et les gens encore en bon état. Deux voûtes ont été En quelques week-ends, le travail est du cru se sont toujours débrouillés pour changées avec de la brique de Larnage, fait. Les curieux se donnent rendez- tenir en état leurs fours, mettant en toujours produite par les successeurs de vous, les enfants s’égaient tout autour commun les compétences et l’énergie la maison Terrassier: utiliser le même du chantier. Et quand celui-ci est ter- de chacun. Notre démarche de restau- matériau, c’était notre exigence. Enfin, miné, il faut bien faire la fête. Car si nos ration des cinq fours communaux de le dernier four restauré en 2001 a retrou- fours sont restaurés, c’est surtout par Curienne a procédé de ce constat. Nous vé sa voûte en molasse, taillée par deux respect du patrimoine… culinaire… La nous sommes attelés à la tâche en utili- professionnels de Chartreuse. Mais c’est pâte qui gonfle, la croûte qui se fendille sant le savoir faire local et toutes les nous qui avons extrait la pierre et effec- et qui dore, l’odeur indéfinissable qui astuces pour limiter le coût des factures. tué le montage. vous assaille les narines... Et les pizzas, Pour les deux premiers toits, une partie le sanglier rôti... les épognes et les brio- du bois prélevé en forêt communale a ches... Tous les prétextes sont bons pour payé le scieur. Les pannes et les che- allumer le four. vrons des deux toits suivants ont été Reprenons nos esprits : un peu de dé- juste équarris dans les sapins brisés par brouille, de l’huile de coude, quelques la neige du 18 novembre 1996. Le cin- aides financières des collectivités, une quième four a gardé sa couverture fête du pain organisée chaque année pour régler le reste des factures et le tour est joué. Vous savez presque tout. Je pourrais En haut, réfection d’un toit. encore vous parler du blé qu’on a semé, Curienne. des épouvantails fabriqués par les éco- En bas, montage d’un four liers, des épis fauchés puis battus avec Panyol en terre de Larnage. une machine hongroise et du mariage Curienne. qui en résulta... Mais ce serait une très longue histoire…

J.-P. BULTEAU, ASSOCIATION LES FASCINES

19 Fours en fête

Un four qui fonctionne régulièrement est signe de convivialité dans un village. A l’inverse, un four en bon état qui n’est jamais allumé peut être le signe d’une mauvaise entente ou d’un manque de relations entre voisins. La remise en route dépend parfois d’un nouvel habitant, elle suscite alors un intérêt mêlé de scepticisme, qui laisse rapidement la place à l’enthousiasme.

Depuis une vingtaine d’années, la remise en activité de nombreux fours donne lieu à de multiples réunions. Beaucoup sont uniquement familiales ou réservées aux seuls habitants du hameau : il faut y être invité pour avoir le droit de déguster tartes, gratins, pains et gâteaux odorants... Dans certaines communes, seuls ces rassemblements maintiennent en état les fours : c’est le cas à Apremont, où nombre de familles mettent en route le four à la fin des vendanges. Bien sûr, ces fêtes intimes ne peuvent être répertoriées, mais elles sont fréquentes. Toutes se déroulent le jour de la chauffe et à proximité du four. L’édifice apparaît bien comme un lieu de rassemblement entre gens d’horizons multiples, de générations différentes : à Drumettaz, les jeunes du Fêter la fin d’un chantier. Curienne centre Sports et Vacances qui font l’en- tretien des chemins fêtent la fin du D’autres manifestations ont lieu à l’occa- village abandonné, loin des routes car- stage avec les habitants du village ; dans sion de la restauration du four. La chauffe rossables. Au mois de juin, une centaine plusieurs communes, ce sont les ado- réunit tous ceux qui se sont mobilisés de personnes monte à pied ou en tracteur, lescents qui se retrouvent, avec l’aide pour les travaux, soucieux d’en vérifier pour déguster pains, tartes et pizzas cuits au four le jour-même. d’un ou deux anciens ; ailleurs, c’est le bon résultat, puis de déguster ensem- Ainsi, le petit bâtiment, remis en état, l’occasion de saluer l’arrivée d’un nouvel ble la récompense méritée d’un travail peut aujourd’hui encore tenir une place habitant... d’équipe. Le succès et l’affluence inat- tendus de ce jour apparaissent souvent particulière, au-delà de sa simple fonc- comme une source de financement tion d’outil de cuisson : celle de patri- possible pour les associations locales, la moine vivant, d’un lieu qui fait lien, paroisse, le sou des écoles... d’un temps de fête et de convivialité. Dans les 61 communes du territoire, 30 organisent des fêtes publiques. Rares sont celles qui se déroulent le jour même de la chauffe ou autour de l’édi- fice. Une équipe de bénévoles en charge La tarte à l’oignon (Motz) de l’organisation fabrique et fait cuire Etendre la pâte à pain pas trop finement. pains, tartes et pizzas pendant les jours Emincer les oignons et les répartir. précédant la fête. Les produits seront Ajouter la crasse de l’huile de noix (ce qui se dépose au fond des bouteilles vendus sur la place du village, devant était autrefois mis de côté et utilisé dans l’église, sur le parking du supermarché la cuisine), saler, cuire une quinzaine de local, ou encore à côté du chapiteau minutes à four chaud. Certains habitants installé pour l’occasion, parfois très loin ajoutaient des noix, d’autres des lardons. de l’emplacement du four, éteint et déserté. Parmi ces fêtes, le cas de Razerel, à Saint-Alban Leysse, est exceptionnel. Le four, restauré depuis quelques années, est situé dans un

20 Autour des fours en 2002

Albens Motz Les tartes au tatou juillet – fête du village 9 juin – foire aux cochons de Vimines Manifestations ponctuelles association Loisirs et mairie 04 79 54 17 59 Culture de Chautagne Cette recette, qui fait l’unanimité lors de 04 79 54 52 54 la fête paroissiale du 15 août à Vimines, Apremont est une œuvre collective : une cuisinère 27, 28 avril – fête Mouxy fait la pâte, une autre la crème, une d’Apremont, Téléthon Fête patronale troisième confectionne les tartes et mairie 04 79 28 33 09 de la saint Jacques l’homme de l’équipe cuit au four... juillet – fête des épognes Le tatou, bouillie à base de farine, Bourdeau mairie 04 79 61 47 68 de lait et de sucre, n’était autrefois 21 juin – fête de la musique enrichi d’œufs que dans les familles octobre – fête du pain Puygros aisées ou les jours de fête. Il était Manifestations ponctuelles 13 mai – fête communale - consommé seul, ou cuit sur de la pâte mairie 04 79 25 03 41 mairie 04 79 84 70 65 à pain. Aujourd’hui, ce dessert, à l’image Brison-saint-Innocent Ruffieux de notre société, s’est enrichi. août – fête du four juillet – fête annuelle Serrières-en-Chautagne Plus sucré, il compte 3 à 6 œufs mairie 04 79 54 33 60 dite des 4 fours dernier dimanche d’août par litre de lait, et la pâte à pain est alternativement à Rojux, fête du pain remplacée par une pâte brisée. Conjux La Loi, Montagnet, association Loisirs et • Pâte : 2 kilogrammes de farine, juin – fête du four Chaussepaille Culture de Chautagne 800 grammes de beurre, 200 grammes association Loisirs et association Loisirs et 04 79 54 52 54 de sucre, 5 à 6 cuillers à soupe d’huile, Culture de Chautagne Culture de Chautagne 6 verres d’eau, sel fin. Mélanger sucre, 04 79 54 52 54 04 79 54 52 54 Sonnaz farine et sel, faire un puits, ajouter le 1er dimanche d’août beurre en petits morceaux, l’huile et Curienne Saint-Alban-Leysse mairie 04 79 72 00 32 l’eau, travailler du bout des doigts jusqu’à 9 juin – fête du pain juin – fête du four obtenir une boule qui se tient, sans et de l’eau mairie 04 79 33 13 57 Thoiry travailler la pâte ! Mettre au frais 48 h, mairie 04 79 84 71 60 été – fête au four sous un linge humide. Sortir la pâte Saint-Baldoph septembre – fête du quelques heures avant de confectionner Drumettaz-Clarafond août / septembre patrimoine les tartes. Sou des écoles vogue des Couardans, mairie 04 79 28 40 89 • Le tatou : 6 litres de lait, 36 œufs moins mairie 04 79 63 64 60 Ballouria du Mollard 12 blancs, 1 kilogramme de sucre, mairie 04 79 28 30 05 Tresserve 800 grammes de farine, 8 paquets de Grésy-sur-Aix 21, 22 septembre sucre vanillé, une gousse de vanille. fin juin – fête du four Saint-Girod fête du four Faire bouillir le lait avec le sucre vanillé et de Droise 2ème dimanche d’octobre mairie 04 79 61 45 20 la gousse de vanille fendue. Mélanger le mairie 04 79 34 80 50 vogue du vin nouveau sucre, 36 jaunes et 24 blancs, ajouter la mairie 04 79 54 17 65 Trevignin farine. Verser le lait bouillant en remuant La Chapelle Fête du pain bien. Remettre au feu et donner deux du Mont du Chat Saint-Jean-d’Arvey (sou des écoles) tours de bouillon, retirer immédiatement 15 août – fête Les Failles mai – fête du pain mairie 04 79 61 42 04 du feu sans cesser de remuer pendant mairie 04 79 25 20 34 mairie 04 79 28 40 61 Vérel-Pragondran quelques minutes, puis laisser refroidir. Le Bourget du Lac Saint-Ours dernier dimanche d’août Mettre au frais 12 heures. 27 avril – fête des fours 1er dimanche d’août Fête du pain Les tartes au tatou sont confectionnées mairie 04 79 26 12 12 fête de la batteuse mairie 04 79 70 39 52 juste avant la cuisson. Cuisson variable mairie 04 79 54 91 87 suivant la chaleur du four, Les Déserts Saint-Pierre-de-Curtille Vimines entre 20 et 30 minutes. 14 juillet – fête du village fêtes communales 15 août – fête paroissiale Les chefs des tartes tatou de Vimines : mairie 04 79 25 81 42 association Loisirs et mairie 04 79 69 07 69 Madeleine Veugle, Marthe Duisit, Culture de Chautagne Fernande et Paul Bord. Méry 04 79 54 52 54 Vions Fête du village et alambic 20 mai – fête du four mairie 04 79 63 60 00 mairie 04 79 54 29 05

21 Les mots du pain

« Un four à pain, c’est un peu la cha- Nombre d’expressions évoquent le pain et son univers : avoir du pelle de la moisson. Avec son porche en pain sur la planche, être au four et au moulin, être dans le pétrin, ogive gothique, sa pénombre de confes- manger son pain blanc le premier, casser la croûte, un jour long sionnal, l’autel de la sole, son odeur comme un jour sans pain, sans oublier contes, devinettes, envolées d’encens des céréales et cette croûte lyriques des écrivains. Jésus lui-même est né à Bethléem, toponyme joyeuse et pure qui chante comme des enfants de chœur. Dans le mysticisme traduit en français par “ maison du pain ”, et l’allégorie se poursuit de la farine, le païen se fond au reli- lorsqu’on se partage le corps du Christ sous forme de pain béni ou gieux. Un pain, c’est toujours un ciboire d’hostie. La chapelle, l’autel désignent autant des parties du four sauvage. » que des éléments d’édifices religieux. Morceaux choisis au fil des Paul VINCENT, 1989, Cuisine traditionnelle de Savoie, J.-P. Guisserot lectures et des rencontres...

« Pour bien couper le pain à la manière Paroles d’habitants Une devinette d’autrefois, il faut le prendre sous le « Mange les petits nègres, ça va renou- « Ça remue sous la couverture bras gauche en le maintenant contre veler ton sang. » (Bourdeau) et pourtant ça n’a ni corps ni âme » la poitrine et de la main droite, avec « Mange la croûte, ça te donnera du réponse : la pâte à pain dans le pétrin l’opinel, pratiquer une entaille nette et sang. » (Le Bourget) Adam MAURIZIO, Histoire de l’alimentation franche qui le coupe sur toute la largeur, « Cé qué n’sâ copâ l’pan, n’sâ l’afanâ végétale depuis la préhistoire jusqu’à nos jours, sans le hacher. » Paris, Payot, 1932 M.-T. HERMANN, La cuisine paysanne (celui qui ne sait pas couper son pain de savoie, 1982, P. Sers ne sait pas le gagner) ». Conte sur le penchant au vol du meunier « Il paraît que pour monter au ciel, chacun doit grimper une corde. Un jour, deux artisans se présentent : un huilier et un meunier. Le meunier passe en second mais n’arrive pas à grimper parce que le premier, avec ses mains pleines d’huile, a rendu la corde glissante. Un voisin, farceur et com- patissant, crie au meunier : – Si tu ne peux pas grimper, vole! Depuis lors, le meunier et ses confrères suivent ce conseil... » Almanach du Vieux savoyard, 1972

A Vimines, une habitante du lieu a composé un long poème, affiché sur un four de Pierre Rouge régulièrement en activité, dont voici un très court extrait.

C’est alors le grand mystère Sueur de l’eau, moiteur de l’air Bien malin qui pourrait savoir Ce qui se passe dans le noir

Et puis le four enfin ouvert Voilà ce qu’on a découvert : J’étais entré en toile blanche Je sors tout en habit doré.

En 1863, un poème, Los mitrons, est chanté sur un air connu, dix ans à peine après l’ouverture à Chambéry d’une boulangerie mettant en œuvre les premiers pétrins mécaniques. La chanson reprend des termes franco-provençaux.

22 Livres

Les vieux fours à pain Construire son four, faire son pain Pierre Delacrétaz « La connaissance du passé, non pas tant dans l’histoire comme on la trouve dans trop d’ouvrages, mais les faits et Une vie de pain. Penser, les gestes quotidiens d’autrefois peu- faire et dire le pain en Europe vent aider chacun à assumer le pré- Claude Macherel sent. » Façons de faire le pain, façons et Renaud Zeebroek de cuire au four : Pierre Delacrétaz, au « Des siècles durant, la quête du pain travers de nombreux témoignages quotidien a hanté des générations nombreux et de conseils pratiques, nous entières, qui ont exprimé leurs angoisses fait partager son expérience accumulée dans la prière. A l’image du vin aux quatre coins du globe pendant plus d’ailleurs, l’histoire du pain se confond de vingt ans. Un ouvrage de référence Les pains des quatre saisons avec celle de l’humanité. Le pain qui pour tous ceux qui s’intéressent à l’his- « L’odeur du pain qui sort du four. L’air garnit les tables est l’aboutissement d’un toire des fours à pain et à leur réhabi- de fête dans la maison le jour où l’on long cycle où interviennent la généro- litation. fait son pain. L’inimitable saveur du sité de la terre et le labeur des hommes. » Editions Cabédita pain maison. Il faut avoir vécu cela Publié en accompagnement d’une expo- Yens-sur-Morges, 1993 pour être pris par cette nouvelle pas- sition réalisée à Bruxelles en 1994-1995, sion. Avec ses 150 recettes, ce livre – cet ouvrage superbement illustré est œuvre collective des lecteurs et lectrices une mine d’informations tout autant de la revue Les quatre saisons du jardi- qu’un voyage au cœur de la symbolique nage – donne envie de mettre la main liée au pain. à la pâte. » Editions Martial Crédit Communal, Bruxelles, 1994 Editions Terre Vivante

Construire un four à pain Cuisiner à l’ancienne Pierre Delacrétaz Devant l’intérêt de nombreux particu- liers désireux de construire leurs pro- pres fours à pain, ce livre, qui explique par le menu la manière de les réaliser, Revue l’Alpe est une bible de renseignements et de Le dernier numéro de la revue L’Alpe conseils techniques. L’amateur y trou- est consacré à la cuisine alpine. Riche vera de nombreuses idées, des trucs de en saveurs, il nous livre tout chaud un fabrication et beaucoup de savoir-faire, bel article sur le pain… ainsi que de succulentes recettes réunies Revue L’Alpe, A table ! Saveurs et savoirs par l’auteur avec la collaboration de Glénat/Musée Dauphinois Georges Wenger, cuisinier de renom. Editions Cabédita Yens-sur-Morges, 2000

23 Avant-propos Restaurer et page 2 se restaurer Les fours du Notre pain quotidien page 19 bassin versant du pages 3 à 5 Fours en fête lac du Bourget De la terre, des pierres page 20 pages 12 et 13 et du feu Autour des fours Faire au four pages 6 à 10 page 21 pages 14 à 17 La terre de Larnage Les mots du pain Du laboratoire page 11 page 22 au four de Boigne Livres page 18 page 23