LES AMÉLIORATIONS FONCIÈRES DANS LA VALLÉE DE 1993-2018 Copyright© Syndicats des améliorations foncières de Court, Centre-Vallée, -Tavannes

Rédaction Kurt Ryf, Jacques Simonin, Samuel Winkler

Impression et mise en page Juillerat Chervet SA, Rue de la Clef 7, CH-2610 Saint-Imier

Extraits de cartes et plans Office fédéral de topographie swisstopo, 3084 Wabern Archives de l’Etat de Berne, 3001 Berne Sigeom SA, Géomatique et gestion du territoire, 2740 Le Foyard Sàrl, Études en environnement, 2503 Bienne Atlas géologique de la Suisse pour RWB groupe SA, Ingénierie, Porrentruy MFR Géologie-Géotechnique SA, 2500 Bienne LES AMÉLIORATIONS FONCIÈRES DANS LA VALLÉE DE TAVANNES 1993-2018

CourtValbirse Reconvilier Tavannes

Editeurs : Syndicats des améliorations foncières de Court, Centre-Vallée, Reconvilier-Tavannes Remerciements

La réalisation de la plaquette exposant la longue histoire des améliora- tions foncières réalisées dans la Vallée de Tavannes lors de la construc- tion de la N16-Transjurane a sollicité de nombreuses personnes. Notre chance fut de rencontrer des personnes bien disposées. Nous avons connu des personnalités épatantes : une agricultrice, des agriculteurs, des ingénieurs, des conseillers communaux. Témoins privilégiés d’une transformation spectaculaire du paysage agricole régional, tous ont accepté nos dérangements, nous ont accordé du temps, ont répondu à nos questions. Sans leur collaboration bienveillante nous n’aurions pas réussi à saisir les aspects si divers de ce que fut l’amélioration foncière intégrale entreprise et menée à bien chez nous. Nous leur adressons nos très sincères remerciements. LES AUTEURS

Le groupe de rédaction mandaté par les syndicats a réuni trois personnes qui ont ceci en commun d’être tous les trois retraités.

Jacques Simonin est enseignant. Ancien directeur de l’école secondaire du Bas de la Vallée il s’est établi comme écrivain public depuis sa retraite. Des demandes variées, parfois originales, parfois délicates, lui ont permis de rencontrer des personnes très diverses. Pour son compte, il a publié quelques ouvrages, notamment des récits qui ont été bien accueillis.

Kurt Ryf est ingénieur en génie rural diplômé de l’EPFZ. Jusqu’en 2013 il a travaillé dans le Service des améliorations structurelles et de la production du canton de Berne, un organe qui supervise, entre autres activités, la réalisation des améliorations foncières. Kurt Ryf est un technicien compétent qui dispose de vastes connaissances acquises dans la conduite de plusieurs projets de cette sorte réalisés sous sa responsabilité dans tout le canton de Berne.

Samuel Winkler est agro-ingénieur. Fin connaisseur et inlassable défenseur du monde paysan, il a évolué pendant de nombreuses années dans l’univers agricole. Comme conseiller agricole, président du syndicat des AF de Reconvilier-Tavannes ou conseiller communal, son expertise a permis d’aménager et de faciliter les relations entre les agriculteurs et certains des acteurs d’un projet qui allait modifier profondément le paysage agricole régional. TABLE DES MATIÈRES

PRÉFACE ...... 09

1 SURVOL GÉOLOGIQUE, GÉOGRAPHIQUE ET ÉCONOMIQUE DE LA VALLÉE DE TAVANNES ...... 11

1.1 Quelques aspects géologiques et géographiques ...... 11 1.2 Quelques données économiques de l’industrie et de l’agriculture ...... 14

2 LA SITUATION AVANT LE REMANIEMENT ...... 16

2.1 Un paysage agricole hérité de l’histoire ...... 16 2.2 La dispersion et la parcellisation des terres agricoles ...... 17 2.2.1 Un tableau figé 2.2.2 Le statut de l’agriculture et des agriculteurs 2.2.3 Commentaire

3 LES ORIGINES D’UN BOULEVERSEMENT ...... 19

3.1 Le constat d’une situation inconfortable ...... 19 3.2 Les changements qui touchent le monde agricole ...... 20 3.2.1 La diminution des exploitations et des exploitants 3.2.2 Les innovations technologiques 3.2.3 L’agriculture suisse dans le tourbillon du marché mondial 3.2.4 Les politiques agricoles 3.2.5 Commentaire 3.3 Vous avez dit améliorations foncières ? ...... 26 3.3.1 Définition, historique 3.3.2 Commentaire 3.4 Quelques réussites encouragent la démarche ...... 28 3.5 L’effet déclencheur de la N16-Transjurane ...... 29

4 LA RÉALISATION ...... 31

4.1 Les bases légales ...... 31 4.1.1 Lois, ordonnances et règlements 4.1.2 Les règles du jeu 4.2 Les acteurs et leurs compétences ...... 34 4.3 Les étapes obligatoires pour réussir ...... 37 4.3.1 Chronologie des événements 4.3.2 L’avant-projet 4.3.3 La mise à l’enquête publique de l’avant-projet 4.3.4 Les assemblées publiques d’information 4.3.5 La création de trois syndicats et leurs statuts 4.3.6 Moments choisis de la vie des syndicats, entretiens avec les présidents 4.3.7 Chef de projet, notaires 4.3.8 Estimation des terres et recensement de l’ancien état 4.3.9 Analyse des exploitations agricoles des trois syndicats au départ du remembrement 4.3.10 Commentaire 4.3.11 Recensement des vœux 4.3.12 Projet d’une nouvelle répartition des terres et dépôt public 4.3.13 Prise de possession des nouvelles parcelles 4.3.14 Réalisation des ouvrages 4.3.15 Répartition des frais restants 4.3.16 Echange des plus-values et des moins-values 4.3.17 Dissolution des syndicats 4.3.18 La valse des décisions, des oppositions, des recours 4.4 Des pilotes aux commandes ...... 68 4.4.1 Le rôle du directeur technique 4.4.2 Le rôle de l’ingénieur du SASP 4.4.3 Les entreprises 4.4.4 Les principaux acteurs en image

5 LES DIFFICULTÉS SUR LE CHEMIN DE LA RÉALISATION ...... 76

5.1 De quelques problèmes et de la stratégie pour les résoudre ...... 76 5.2 Entretien avec les acteurs du terrain ...... 77

6 LA COLLABORATION AVEC L’ÉCOLOGIE ...... 80

6.1 Les obligations légales et les souhaits des protecteurs de l’environnement ...... 80 6.1.1 Des lois protègent l’environnement 6.1.2 Les particularismes de la Vallée 6.1.3 Une mode ? Des politiques et des lobbies s’invitent dans les projets 6.2 Une nature requinquée ? Remodelée ? Réconfortée ? ...... 83 6.2.1 Quelques considérations 6.2.2 Exemple d’une taxation écologique 6.3 Entretien avec l'expert en écologie ...... 90

7 UNE MODIFICATION PÉRENNE DES PAYSAGES ...... 92

7.1 Un patrimoine rural modifié pour une nouvelle image ...... 92 7.2 Le tracé de la Transjurane ...... 93 7.3 Quelques bénéficiaires inattendus ...... 94

8 LES TÉMOIGNAGES DE CINQ AGRICULTEURS ...... 96

9 ANNEXES ...... 102

9.1 Organigramme des multiples acteurs ...... 102 9.2 Lexique, un vocabulaire spécifique ...... 103

10 BILAN ...... 106

11 SOURCES ...... 109

09

PRÉFACE

Domiciliée à Tavannes, Christine Bühler est Présidente de l’Union suisse des femmes paysannes et rurales. De plus, avec deux collègues, elle partage la vice-présidence de l’Union suisse des paysans. En dehors de ces mandats gourmands en temps mais stimulants en intérêts, Christine Bühler co-exploite avec son mari Jean-Pierre le domaine des Cerisiers. Christine Bühler aime son métier de paysanne. Elle dit avec enthousiasme : « C’est ma vie ! ». En février 2018, elle a reçu à Saint-Gall le prix Agrostar qui rend hommage à une personna- lité se consacrant de manière particulière à l'agriculture suisse. Désignée en 2013 femme suisse de l'année.

Dans le texte que je propose au lecteur, j’ai choisi d’élargir le champ de ma réflexion en m’éloignant quelque peu du seul thème des améliora- tions foncières pour exprimer, présentées en de courts paragraphes, quelques considérations personnelles.

Pour commencer. Quand on m’a proposé de rédiger la préface de cette plaquette, j’ai été surprise mais aussi très honorée que l’on ait fait appel à une femme. Je profite donc de la tribune qui m’est offerte pour exprimer ma conviction quant à la place que doit occuper la femme de l’agriculteur dans une exploitation. Pour moi, c’est une affaire de couple. Il faut bien entendu que le mari l’accepte. Trop souvent, l’épouse est encore considérée comme une main-d’œuvre gratuite avec une tâche de soutien moral pour son mari qui porte tous les problèmes. Il est évident aussi que la femme paysanne ne peut pas revendiquer un changement de statut sans acquérir la formation requise.

Ce qui traite des politiques agricoles m’intéresse. J’observe que, globale- ment, à toutes les époques, l’agriculture est dépendante de la politique des pays en la matière. Le pays qui ne protège pas son agriculture la perd. C’est le cas de la plupart des pays d’Afrique qui n’arrivent pas à nourrir leur population ; là-bas, les terres sont fréquemment vendues pour un bénéfice immédiat et elles disparaissent ainsi du paysage de l’agriculture vivrière. En Suisse, on a évité cette dérive. La loi sur le droit foncier rural est le parfait exemple d’un instrument efficace qui permet de pérenniser l’agriculture et de garder les terres chez les pay- sans. Malgré ce garde-fou, il est nécessaire de rester vigilant car les produits agricoles servent fréquemment de monnaie d’échange ou de contrepartie dans les contrats ou les accords passés avec des banques ou des pays.

Le consommateur d’aujourd’hui, est bien informé ; il veut la qualité et la traçabilité d’une production respectueuse de l’animal et de l’envi- ronnement. L’agriculture suisse est très qualifiée pour répondre à ces exigences. Toutefois, ceci a un prix et, devant les gondoles, c’est sou- vent le produit le moins cher, venu d’ailleurs, que le client emporte en oubliant que les conditions de production en Suisse ne sont en rien com- parables à celles de pays concurrents, notamment en ce qui concerne le bien-être des animaux et la protection de l’environnement. Cependant, si la grande distribution continue à offrir des produits suisses, c’est bien parce qu’elle y trouve son compte. 10

Une part importante de la population de notre pays, généralement urbaine, est nostalgique de l’agriculture d’antan. Comme l’écrivain Jeremias Gotthelf en son temps, ces personnes regrettent l’impact négatif de la modernisation sur la société paysanne. Déconnectées de la réalité, elles oublient que l’agriculture a la mission de produire de la nourriture. Soutenues par des associations militantes, elles véhiculent l’image des paysans heureux du « Heidiland » en camouflant celle d’une agriculture moderne, fonctionnelle, rentable mais durable. Elles oublient aussi de rappeler que nos paysans exploitent leurs terres depuis une éternité et qu’elles sont toujours fertiles.

On peut toujours faire quelque chose avec ce qu’on a. Contrairement à ce qu’on entend souvent, les agriculteurs de notre région ne sont pas oubliés ou défavorisés. Ils ont une influence sur la vie économique, sociale et politique de ce coin de pays. On les trouve dans les exécutifs communaux, à la tête de diverses associations. Ce qu’ils produisent anime le paysage de manière concrète : troupeaux de bétail, cultures, prairies sont bien visibles. D’autre part, certains ont bien compris que la présentation et la vente des produits du terroir est une manière élégante de manifester son existence. D’ailleurs le succès est tel qu’il n’est pas toujours possible de satisfaire l’importance de la demande.

Pour terminer. Quand la vaste entreprise des améliorations foncières dans la Vallée de Tavannes s’est annoncée, j’ai eu la chance de savoir comment les choses iraient. Voici pourquoi. Mon grand-père maternel, agriculteur à Riedtwil, commune de Seeberg, joua un rôle important de négocia- teur dans les améliorations foncières réalisées dans ce coin du canton. Enfant, j’étais très souvent dans sa ferme et je me souviens des rencontres quasi quotidiennes qu’il avait avec les paysans du village. Comme j’étais chargée de servir les boissons et les petits encas lors de leurs longues discussions, j’ai compris l’importance de la patience dans la négocia- tion et découvert, qu’à chaque niveau, il fallait faire du bon travail pour que la construction tienne. Une seule défaillance aurait entraîné la chute de l’édifice. Si les réalisations techniques exigent indiscutablement de grandes compétences, on y arrive. Il en va autrement avec les hommes qui viennent avec des émotions, des frustrations, des intérêts, des craintes. Il faut alors rassurer et convaincre. C’est ce travail qui conduit au succès. C’est aussi ce que nous avons vécu chez nous avec la réalisation des améliorations foncières.

Pour conserver une agriculture de qualité, il est indispensable de protéger les paysans et le paysage dans lequel ils travaillent. C’est dans ce couple qu’interviennent depuis quelques décennies les protecteurs de l’environ- nement, parfois de manière confuse et avec des moyens financiers consi- dérables. Chez nous, j’ai le sentiment qu’il aurait été possible d’obtenir l’effet souhaité en dépensant moins d’argent. Je reconnais cependant que le paysage a embelli et que, malgré les reproches précités, la colla- boration avec ces personnes a été positive. Je retiens qu’un message a passé : si on ne prend pas soin de son environnement, on est puni. Il est indispensable de ne pas l’oublier.

Je suis une personne pragmatique ; pour moi l’agriculture doit suivre le chemin qui apporte quelque chose. La réalisation des améliorations fon- cières dans la Vallée de Tavannes a indéniablement beaucoup apporté aux paysans en facilitant leurs tâches grâce, notamment, à la concentration des parcelles et à l’amélioration des dessertes. Ces nouvelles commodi- tés permettent aussi de dégager du temps pour d’autres activités pro- fessionnelles ou de trouver du temps pour sa famille et ses hobbies. Et surtout, elles renforcent la volonté des paysans et de leurs familles de continuer à exister.

Christine Bühler 11

1.1 QUELQUES ASPECTS GÉOLOGIQUES ET GÉOGRAPHIQUES Notre coin de pays est récent géologiquement parlant même si le plis- sement du Jura date de cinq à sept millions d’années. A cette époque, sous l’effet de poussées orientées en gros du sud-est au nord-ouest, les couches rocheuses empilées et solidifiées au cours de dizaines de mil- lions d’années se ployèrent, se froncèrent, se plissèrent. C’est ainsi que naquirent des plis saillants, les anticlinaux et des creux, les synclinaux. La Vallée de Tavannes s’inscrit dans l’ensemble des chaînons et des vallons parallèles orientés est-ouest et qui donnent au paysage jurassien son caractère régulier. Les calcaires résistants et compacts et les marnes plus friables sont les roches les plus caractéristiques. Les molasses, moins connues, tapissent le fond de la vallée sur de larges espaces. Dès le début, ces roches sédimentaires furent soumises à une forte érosion. Deux sites 1 remarquables sont les témoins de son action : le tunnel de Pierre-Pertuis et la cluse de Court. Plissement et érosion sont les principaux ouvriers des paysages que nous connaissons. SURVOL La Vallée de Tavannes longue d’une douzaine de kilomètres est baignée GÉOLOGIQUE, par la Birse et quelques affluents et dominée par le Montoz et le Moron qui culminent à un peu plus de 1 300 mètres. Elle est fermée à ses extrémités, GÉOGRAPHIQUE là où les chaînons se resserrent, par les cols de Pierre-Pertuis et de la Binz. Les territoires communaux situés transversalement par rapport à l’orien- ET ÉCONOMIQUE tation de la vallée présentent des paysages bien diversifiés. Cultures, prai- ries, forêts, pâturages boisés, pâturages se développent entre le fond de DE LA VALLÉE la vallée et le sommet des monts. Les neuf localités qui la peuplent rassemblent environ 12 000 habitants DE TAVANNES répartis sur 8 509 hectares. Depuis quelques années le nom Orval est à la mode même si tous ses résidents ne se rangent pas derrière cette ancienne appellation. La densité moyenne de la population sur ce terri- toire de 85 km2 est de 140 habitants/km2. Elle est supérieure à celle de l’ensemble du district de Moutier.

Vallée de Tavannes vue d’ouest en est depuis les hauteurs de Montbautier, avec les chaînes du Moron et du Montoz.

Vallée de Tavannes vue d’est en ouest avec Court à l’avant-plan et les chaînes du Montoz et du Moron. 12

Figure 1 Coupe géologique du synclinal de la Vallée de Tavannes.

Figure 2 Carte géologique de la Suisse (GK500 – Geol). Limites communalesetpérimètres desaméliorations foncières. Figure 3 230000 232500 LEGENDE

577500 577500 Périmètres des améliorations foncières communes de d'arrondissements Limites communales Limites «Source : Office fédéral de topographie» fédéral «Source Office : 1:25'000) nationale carte la de (Extrait Tavannes

580000 AF Reconvilier-Tavannes 580000

582500 582500 Reconvilier Loveresse

585000 585000 AF Centre Vallée

587500 587500 Bévilard

590000 590000 AF Court

592500 592500 Court

595000 595000

597500 597500 230000 232500 14

Tabelle 1 Nombre d’habitants des communes de la Vallée de Tavannes, situation en 2015

Champoz Court Loveresse Reconvilier Sorvilier Tavannes Valbirse Total 161 1'404 317 2'286 270 3'544 3'946 11'928

Tabelle 2 Affectation du sol dans les communes de la Vallée de Tavannes, relevés 2004/2009

Habitat et Surfaces Surfaces Surfaces Surfaces en % Communes infrastructures agricoles boisées improductives totales en hectares 21 334 363 1 719 8.4 Court 114 844 1'476 24 2'458 28.9 Loveresse 26 220 227 5 478 5.6 Reconvilier 106 369 346 1 822 9.7 Sorvilier 24 315 337 8 684 8.0 Tavannes 161 712 606 1 1'480 17.4 Valbirse 181 851 833 3 1'868 22.0 Totaux 633 3'645 4'188 43 8'509 100.0 en % 7.4 42.8 49.2 0.5 100.0

1.2 QUELQUES DONNÉES ÉCONOMIQUES DE L’INDUSTRIE ET DE L’AGRICULTURE La région fourmille d’entreprises remarquables qui sont, pour plu- sieurs d’entre elles, connues mondialement. Dès la fin du XIXe siècle des entrepreneurs audacieux se lancèrent dans l’aventure industrielle. La machine-outil, le décolletage, la mécanique, l’horlogerie, la fonderie, les instruments de mesure occupent près de 50 % de la population active. La précision, l’innovation, le dynamisme, les compétences figurent au palmarès de sa renommée.

Tabelle 3 Activités économiques, relevés 2014

Nombre Equivalents EEPT en Relation EEPT / Emplois par EEPT par d’établisse- Emplois emplois plein moyenne par emplois en % secteur en % secteur en % ments temps (EEPT) établissement Secteur 107 283 187.2 66.1 5.4 4.5 1.7 primaire Secteur 202 2'502 2'268.4 90.7 47.6 54.2 11.2 secondaire Secteur 499 2'472 1'732.8 70.1 47.0 41.4 3.5 tertiaire Totaux 808 5'257 4'188.4 79.7 100.0 100.0 5.2

Avec un peu plus de cent emplois à plein temps, l’agriculture n’occupe guère plus que 2 % de la population active. En fonction de la topographie, de l’exposition, des voies de communication la surface agricole exploitée est divisée en zones de production. La surface agricole utile, SAU, se situe entièrement en zone de montagne : zones I et II pour le fond de la vallée, zone III pour les terres exploitées à plus de 1000 mètres d’altitude sur Montoz ou Moron. Les pâturages, propriétés 15

des communes bourgeoises ou mixtes et classés en zones d’estivage, ne sont pas comptés dans la SAU. Le secteur primaire concerne la collecte et l'exploitation directe des ressources naturelles, par exemple l'exploitation forestière ou l'horticulture appartiennent au secteur primaire.

Tabelle 4 Exploitations agricoles par zone de production, relevés 2015 GZRNQKVCVKQPUCWDÅPÅƂEGFGRCKGOGPVUFKTGEVU 

Zone de montagne I et II Zone de montagne III Communes Exploitations SAU en hectares Exploitations SAU en hectares

Champoz 10 178.72 Court 17 398.40 3 63.34 Loveresse 5 159.57 Reconvilier 7 190.58 Sorvilier 6 202.67 Tavannes 21 626.53 Valbirse 14 411.61 4 142.54 Totaux 80 2'168.07 7 205.88

La taille moyenne des 80 exploitations est de 27 hectares. 12 ont une SAU inférieure à 10 hectares et 7 dépassent les 50 hectares. Avec plus de 1 800 hectares les prairies et les pâturages représentent plus de 80 % de la SAU. Quant aux terres ouvertes, elles produisent essentielle- ment différentes variétés de céréales (orge, blé, triticale, avoine, engrain, épeautre) et du maïs. Suivent la pomme de terre et le colza. En ce qui concerne l’élevage, on compte une majorité d’exploitations avec plus de 10 vaches laitières, soit 45 exploitations sur les 80 recensées. Jusque dans les années 1980, plus de 90 % des exploitations produisaient du lait qui était commercialisé. La chute régulière de son prix ainsi que les contraintes quotidiennes attachées à la traite et aux soins expliquent la dimi- nution de ce type d’exploitation. Celles qui subsistent cherchent à agrandir leur cheptel ce qui entraîne, le plus souvent, de coûteux investissements qui fragilisent davantage les domaines et leurs exploitants confrontés à une sur- charge de travail, à l’endettement, à l’érosion de leurs revenus. Quelques-uns se diversifient avec l’élevage de porcs, de volailles ou d’œufs. Le reste des exploitants qui détiennent des animaux consommateurs d’herbe travaillent de manière plus extensive ; la plupart d’entre eux pratiquent une activité professionnelle accessoire pour obtenir un revenu suffisant.

Tabelle 5 %QORQUKVKQPFWEJGRVGNFGUGZRNQKVCVKQPUƂIWTCPVFCPUNCVCDGNNG

Unités de gros bétail-UGB Nombre d’animaux

Vaches laitières 1’280 1’280 Autres vaches 315 316 Autres bovins 785 2’249 Chevaux 158 222 Mulets, bardots, ânes, poneys 9 35 Moutons 48 280 Chèvres 4 24 Porcs 159 1’023 Poules et poulets 108 16’912 Totaux 2’866 22’341 16

2.1 UN PAYSAGE AGRICOLE HÉRITÉ DE L’HISTOIRE

La Bible signale déjà l’importance de la propriété foncière : « Maudit soit celui qui déplace la borne de son prochain ». Avant 1 800, la propriété foncière était une condition nécessaire pour être admis dans une bourgeoisie ou une communauté villageoise. La plupart des gens, paysans, artisans ou commerçants possédaient et cultivaient un terrain dont leur survie dépendait. La propriété foncière déterminait le rang social, en ville comme à la campagne. Dès le XVIe siècle le partage réel entre héritiers était la règle, principalement dans les régions où des activités accessoires permettaient de survivre sur de petits domaines de 1 à 5 hectares. Dans les zones où les activités acces- soires faisaient défaut, la ferme revenait à un seul héritier, par exemple le plus jeune fils. Le partage réel entraînait le morcellement des terres et l’apparition d’unités toujours plus petites. Parfois, les mariages et les rachats de parcelles permettaient la reconstitution de grands domaines. 2 e Chez nous, le cadastre initié par le prince-évêque de Bâle au XVIII siècle puis repris par Napoléon au début du XIXe permit de constituer la garantie de la LA SITUATION propriété individuelle. Avec l’adoption du code civil en 1912, l’enregistrement au registre foncier de la propriété foncière devint obligatoire ; un enregistrement AVANT LE basé sur le plan cadastral. Cette obligation permit d’avoir une image bien plus précise de la propriété foncière que les estimations en usage antérieurement. REMANIEMENT Dans la propriété foncière rurale les parcelles étaient limitées par des haies,

Figure 4 Le parcellaire de Court en l’an 1800.

des fossés, des murs, des barrières. Certaines limitations restreignaient le libre usage du bien, au profit d’intérêts publics ou privés. Un bien-fonds pouvait être grevé de servitudes : droit de passage, alignement, droit d’abreuvement, écoulement des eaux. Si le XIXe siècle apporta la libre disposition de la propriété foncière, par exemple en supprimant l’assolement obligatoire, le XXe siècle imposa, au nom de l’in- térêt public, des restrictions en matière de vente ou d’usage. Notamment en délimitant des zones agricoles soumises à des règles spéciales. D’autres res- trictions furent apportées pour des motifs variés : police sanitaire, police du feu, routes et forêts, améliorations foncières, remaniement parcellaire, protection de l’environnement. Au début du XXe siècle les familles paysannes devinrent un réservoir important de main-d’œuvre pour une industrie en plein développement. Cette nouvelle activité créait des emplois qui permettaient aux ouvriers de vivre sans posséder de terres à cultiver. Cependant, souvent, les familles qui abandonnaient l’agriculture restaient propriétaires ; la pro- priété foncière étant un gage de sécurité pour d’éventuels temps difficiles. Ce qui fut le cas lors de la grande crise des années trente. Dans la Vallée, aujourd’hui encore, la moitié environ des terres agricoles appartiennent à des propriétaires fonciers qui ne les exploitent pas. 17

2.2 LA DISPERSION ET LA PARCELLISATION DES TERRES AGRICOLES

2.2.1 UN TABLEAU FIGÉ

L’image de la propriété foncière n’a pratiquement pas évolué entre le milieu du XIXe siècle et la mise en œuvre des améliorations foncières à la fin des années nonante. Les parcelles inscrites au cadastre étaient aussi inscrites dans la mémoire des agriculteurs qui se succédèrent sur ces terres. Par contre, ce qui a bougé, ce sont les arrangements intervenus entre exploitants. En fonction des avantages, des humeurs ou des diffé- rends, des parcelles passaient d’un agriculteur à un autre. En général par l’intermédiaire d’un simple contrat oral.

Figure 5 Chemins de desserte à Chaindon en 1827.

2.2.2 LE STATUT DE L’AGRICULTURE ET DES AGRICULTEURS

Dès le début du XXe siècle de grands chamboulements touchèrent le monde agricole. La recherche agronomique permit d’améliorer la pro- ductivité des cultures et la sélection ; celle des animaux de rente, notam- ment par la tenue du herd book. La rigueur scientifique prit le dessus sur les connaissances empiriques. Le tracteur et des engins mécaniques de toutes sortes permirent d’exploiter plus rapidement et plus facilement de plus grandes surfaces ; la machine se substitua à la main d’œuvre agricole. Le progrès technique était alors synonyme de progrès tout court. Des clichés circulaient, à l’époque, sur la condition des agriculteurs. On les dépeignait comme des acteurs privilégiés de la société économique, bénéfi- ciant d’un soutien financier généreux. En ce temps-là déjà, le monde paysan était bien représenté dans les autorités politiques cantonales et nationales. Par ailleurs, le souvenir d’un monde paysan qui avait épargné à la popula- tion la disette pendant la deuxième guerre mondiale était encore très vif. L’agriculture restait encore une composante de notre système de défense nationale. La Confédération avait mis en place des mesures de protection contre les importations et un système de prise en charge de la production agricole à des prix garantis mettant l’ensemble du secteur à l’abri de l’écono- mie de marché. Cette politique coûteuse conduisit à des surproductions et à un déséquilibre entre les prix du marché des pays voisins et ceux qui étaient payés aux producteurs suisses. Bientôt, cette politique interventionniste suscita du mécontentement, puis des oppositions. En votation populaire, les projets de politique agricole ne trouvèrent plus de majorité. Un constat amer émergea : dans la population l’image de l’agriculture s’était détériorée. 18

Durant cette période troublée des années 1980, arriva l’idée d’affecter les agriculteurs à l’entretien de l’environnement plutôt que de les encourager à produire ce qu’on pouvait acheter moins cher à l’étranger. Il s’agis- sait donc de remplacer les mesures de soutien des prix par des paie- ments directs indépendants de la production. C’est aussi à cette époque qu’émergèrent, activées par la Confédération et le Canton, les premières idées ou recommandations en matière de protection de l’environnement lors de la réalisation d’améliorations foncières. C’est sous la pression de l’Organisation Mondiale du Commerce, l’OMC, que la Suisse s’engagea à abolir les prix garantis et les subventions à l’exportation. Au tournant des années 1990, la politique agricole suisse subit une profonde mutation. En 1996, le peuple accepta le contre- projet à l’initiative populaire fédérale « Paysans et consommateurs pour une agriculture en accord avec la nature ». Cette décision ancra dans la Constitution le principe d’une production répondant à la fois aux exi- gences du développement durable et à celles du marché. Dès lors, les agriculteurs bénéficièrent des paiements directs ; une disposition accep- tée par l’OMC. Sans cette mesure éclairée, que seraient-ils devenus ? On peut comprendre qu’à peine sortis de ces turbulences les agricul- teurs aient hésité avant d’accepter le projet des améliorations foncières. En quelques années, ils durent renoncer à des pratiques ancestrales ou à des reconnaissances obtenues difficilement. Bien que la politique agri- cole ne concerne directement qu’une partie très minoritaire de la popu- lation elle intéresse l’opinion publique parce qu’elle est liée intimement à l’alimentation et au paysage, parfois à des conceptions idéologiques. La mésestime dont souffrait l’agriculture dans les années 1980 s’est résorbée ; aujourd’hui elle est mieux considérée. Dans ce domaine rien n’est définitivement gagné. L’agriculture du pays est encore bien proté- gée par la volonté de ses habitants qui exigent des produits alimentaires de qualité mais la pression exercée par les supporters de la libéralisa- tion des échanges place l’agriculture dans une situation inconfortable. La vigilance s’impose.

2.2.3 COMMENTAIRE

Pour y voir plus clair, voyons la chronologie des faits. Elle nous renseigne sur le bouillonnement intense des années nonante, une période durant laquelle de nombreux acteurs déterminés ont occupé le devant de la scène agricole.

1990 Initiative populaire fédérale lancée par l’Union suisse des pay- sans « Pour une agriculture compétitive et respectueuse de l’environnement ». 1991 Initiative populaire fédérale déposée par le WWF suisse soutenu par plusieurs organisations « Paysans et consommateurs pour une agriculture en accord avec la nature ». 1994 Retrait de l’initiative « Pour une agriculture compétitive et respec- tueuse de l’environnement » en faveur du contre-projet élaboré par les Chambres fédérales. 1995 Echec en votation populaire du contre-projet des Chambres fédérales et élaboration d’un contre-projet amendé. Retrait de l’initiative déposée en 1991 par le WWF « Paysans et consommateurs pour une agriculture en accord avec la nature » en faveur du nouveau contre-projet des Chambres fédérales. 1996 Succès du nouveau contre-projet en votation populaire accepté avec 77.6 % des voix. 1998 Une nouvelle initiative lancée par certains milieux agricoles et des groupements alternatifs avec le soutien de Denner est largement refusée.

Ces années agitées produiront cependant une réforme en profondeur de la politique agricole avec, on l’a vu, l’abandon du système des prix garantis et l’introduction en 1993 des paiements directs. La loi distingue 19

les paiements directs complémentaires destinés à soutenir le revenu agri- cole (toutes les exploitations qui remplissent les conditions les reçoivent) et les contributions pour des prestations écologiques particulières (ces programmes facultatifs intéressent la culture biologique, la production intégrée ou l’élevage en liberté contrôlée du bétail). Pour les familles paysannes cette démarche a représenté le changement le plus concret et le plus important de ces septante dernières années. C’est aussi le fil rouge qui guide la politique agricole actuelle.

3.1 LE CONSTAT D’UNE SITUATION INCONFORTABLE Dans l’ancien état on recensait 3 257 parcelles dans la superficie cou- 3 vrant les trois syndicats. Par exemple, la commission d’estimation du syndicat de Centre-Vallée constatait, dans un rapport sorti en 2000, que dans le périmètre défini pour les améliorations foncières on comptait LES ORIGINES D’UN 1 414 parcelles pour 26 exploitations soit, en moyenne, 54 parcelles par exploitation. Certaines d’entre elles n’étant que des confettis. La com- BOULEVERSEMENT mission remarqua encore que le nombre de parcelles exploitées était inférieur au nombre des parcelles du cadastre. Cette particularité était le résultat d’échanges et regroupements faits à l’amiable. Si cette spécificité était confortable pour les exploitants, elle l’était moins pour les teneurs du cadastre. Plusieurs bornes avaient été ôtées, recouvertes ou dépla- cées par les passages des machines. Après deux ou trois générations de cette pratique, les propriétaires eux-mêmes étaient dans l’incapacité de déterminer les limites de leurs biens. La situation devenait particulière- ment délicate quand un agriculteur sollicitait une aide pour assainir ou construire un rural. Extrait d’un courrier adressé par le Service cantonal des améliorations foncières aux Conseils municipaux de Malleray et de Bévilard en 1981.

« Dans le cadre de la demande de subventionnement qui nous a été sou- mise pour le projet de construction de M. … nous nous permettons d’attirer votre attention sur les aspects problématiques du morcellement actuel des terres, ainsi que sur les conséquences très regrettables que ce phé- nomène de démembrement entraîne à longue échéance pour l’agriculture de l’endroit. Comme vous le savez sans doute, il s’impose dans le cas de M. …, de même, certainement, que pour beaucoup d’autres agriculteurs de votre commune, de procéder à l’assainissement de leur bâtiment d’ex- ploitation. Bien souvent, une telle mesure de rénovation est la condition première d’une exploitation vraiment rationnelle du domaine à l’avenir. Et il n’est plus un secret pour personne, aujourd’hui, que seules les exploi- tations agricoles disposant d’une surface bien regroupée et de bâtiments modernes et rationnels, peuvent garantir à une famille un revenu suffisant.

Or, il est de plus en plus fréquent que le subventionnement du projet de construction soumis se révèle irréalisable à cause du trop grand morcel- lement des terres et aussi en raison de l’impossibilité de conclure des contrats de fermage à longue échéance. Depuis assez longtemps, en effet, l’Office fédéral des améliorations foncières conditionne systémati- quement l’octroi de ses contributions à fonds perdu, à l’existence d’une certaine surface d’exploitation minimale, et cela en considération de l’im- portance des investissements que Confédération et canton consentent dans le domaine des bâtiments agricoles. Si le requérant ne possède pas assez de terre en propre, la Confédération se contente également d’attestations certifiant qu’il dispose d’une surface suffisante prise à bail et dont la sécurité est garantie par un contrat de fermage d’au moins 6 à 12 ans. Malheureusement, la pratique nous a démontré que dans une commune aussi fortement morcelée que la vôtre – comme en bien d’autres d’ailleurs dans notre canton – les propriétaires fonciers maintenant étran- gers à l’agriculture ne tiennent guère à se laisser lier les mains par des contrats de fermage de plusieurs années. […] Pour l’agriculteur pleinement 20

engagé dans sa profession, c’est une situation très désagréable, une lourde entrave au bon développement de son exploitation ; et elle aboutit de plus en plus souvent à l’abandon de domaines agricoles qui étaient en fait encore parfaitement viables. Du point de vue de la commune éga- lement, une telle évolution nous paraît malsaine et même inquiétante.

D’autre part, vu que le réseau routier dont votre commune dispose en dehors de la zone de construction ne répond plus aux exigences actuelles, nous nous permettons de vous demander de reconsidérer sérieusement, en votre qualité d’autorité compétente, la question d’une réalisation pro- chaine du remaniement parcellaire nécessaire. Si vous le désirez, notre office vous aidera volontiers à étudier et à résoudre tout problème qui se poserait dans ce contexte ».

La petitesse des parcelles ou leur étroitesse étaient devenues une entrave pour une exploitation rationnelle avec la nouvelle génération des engins agricoles. Les infrastructures qui dataient de l’époque du tout-cheval étaient maintenant insuffisantes pour supporter le poids et les passages de machines toujours plus imposantes. Pour cette seule raison, il aurait certainement fallu, tôt ou tard, entreprendre des remaniements autres que les ententes faites à l’amiable entre exploitants. A cette évolution technique, il faut ajouter une modification des mentalités : la population est devenue moins tolérante envers les agriculteurs. A l’intérieur des localités les gens ne s’accommodent plus des nuisances, encombrements et salissures résultant de l’exploitation agricole.

Les anciens chemins de finage ne suffisent plus.

3.2 LES CHANGEMENTS QUI TOUCHENT LE MONDE AGRICOLE

3.2.1 LA DIMINUTION DES EXPLOITATIONS ET DES EXPLOITANTS

Dans la Vallée de Tavannes, comme ailleurs en Suisse, années après années, l’agriculture perd des surfaces et des personnes. C’est ainsi que de 424 exploitations agricoles en 1939 on est passé à 94 en 2014 et, durant la même période, le nombre de personnes travaillant dans cette économie a diminué de près de 90 %. Par contre, depuis cette date, la SAU par exploitation a triplé pour atteindre en moyenne plus de 24 ha. On explique la perte des surfaces par l’extension des zones à bâtir et des voies de communication mais aussi par l’abandon de régions peu favo- rables à l’exploitation qui ont été rapidement colonisées par la forêt. La perte des personnes résulte du renoncement de nombreux petits paysans et par la forte demande en personnel de l’industrie et des services. 21

Tabelle 6 Evolution du nombre d’exploitations et d’exploitants dans la Vallée de Tavannes

1939 1996 2014 0QODTGFoGZRNQKVCVKQPU UGNQPNCFÅƂPKVKQP 424 136 94 OFS) *

SAU, surface agricole utile en hectares 2'883 2'514 2'312

SAU moyenne en hectares par exploitation 6,80 18,49 24,60

Emplois à temps plein 1'003 224 117

Emplois à temps plein en moyenne par 2,4 1,6 1,2 exploitation * Selon les sources on applique des critères différents pour définir ce qu’est une exploitation agricole.

3.2.2 LES INNOVATIONS TECHNOLOGIQUES

A partir des années cinquante le tracteur et des engins mécaniques de toutes sortes permirent d’exploiter plus rapidement et plus facilement de plus grandes surfaces ; la machine se substitua à la main d’œuvre agricole. La petite taille des parcelles devint un obstacle. La mécanisation qui demandait de pouvoir travailler sur des surfaces plus étendues fut à l’origine des premiers remaniements parcellaires ou d’ententes entre agriculteurs. Pour les éleveurs, l’accroissement des cheptels entraîne l’agrandissement des étables et des bâtiments pour le stockage des fourrages. Malgré des conditions favorables de prêts, les charges financières des agriculteurs sont considérables. Comme certains le disent très justement, « c’est un métier dans lequel il ne faut pas tomber malade trop souvent ! » Les politiques, les mentalités, les modes changent, évoluent. En face, les agriculteurs doivent avoir la capacité de s’adapter en permanence aux modifications qui touchent leur activité. Sans cette qualité peut-être bien qu’ils auraient disparu.

Nouveaux chemins, égali- sation des talus, remise en culture des anciens chemins non utilisés. 22

3.2.3 L’AGRICULTURE SUISSE DANS LE TOURBILLON DU MARCHÉ MONDIAL

Quand on est grand, on bouscule les obstacles. Quand on est petit on apprend à se faufiler entre eux pour arriver au but qu’on s’est fixé. La Suisse ne fait pas partie des grands. La réforme intégrale de l’agriculture suisse a été élaborée au terme d’un processus souvent difficile, parfois douloureux. Pour rappel, le grand cham- bardement interviendra en 1993 avec des dispositions légales provisoires qui mèneront à la nouvelle loi sur l'agriculture de 1999, remplaçant celle de 1951. Elle a introduit des changements d’une importance très considérable : la sup- pression des garanties de prix et d’écoulement, la réduction du soutien au marché, la suppression des organisations semi-étatiques, la subordination du droit aux paiements directs à la fourniture de prestations écologiques.

Prairie extensive à l’est de Court en 2015.

Ces mesures radicales étaient obligatoires pour trouver une place à la table des négociations avec un partenaire difficile à infléchir : l’Organi- sation Mondiale du Commerce (OMC). Grâce à des accords durement négociés l’agriculture suisse entra dans les marchés européen et mondial mais, en même temps, elle s’exposa aussitôt à une rude concurrence. En Suisse, les seuls frais de production sont supérieurs aux prix des pro- duits agricoles payés sur le marché mondial. Les conditions de produc- tion sont ingrates en raison de la topographie ou du climat, les salaires sont plus élevés, les exigences de la protection de l’environnement ont un coût que les concurrents des autres pays n’ont pas à supporter. Comment s’en sortir quand le prix du litre de lait passe de CHF 1.07 à moins de CHF 0.60, comment résister quand le prix du quintal de blé dégringole de CHF 112.– à CHF 53.– ? Comment limiter l’engouement des consom- mateurs pour les produits exotiques ? Les gens voyagent et ils s’amou- rachent de recettes venues de pays lointains ; ils détournent ainsi des bouches des productions indigènes. Pour s’extraire de cette situation d’une grande complexité les agriculteurs font preuve d’un esprit d’entre- prise remarquable. L’idée première est de se distinguer de la concurrence étrangère par des produits labellisés AOP ou IGP, des produits du terroir, des produits reconnus de haute qualité. Pour d’autres, la vente directe ou en circuit court permet d’augmenter la marge. Des réserves se trouvent aussi dans une meilleure efficacité : la productivité par unité de main d’œuvre augmente régulièrement, les infrastructures sont adaptées ou modernisées, la coopération entre 23 exploitants donne de bons résultats. Des campagnes sont menées pour faire connaître et reconnaître l’agriculture suisse. Ce sont plus particuliè- rement les populations urbaines qui sont visées. On organise des ventes directes à la ferme, des visites d’étables, des brunches. Des affiches pro- clament : « Proches de chez vous. Les paysans suisses. ». L’objectif d’une agriculture concurrentielle, durable et multifonctionnelle se poursuit.

Les produits du terroir du Jura bernois, un moyen de promouvoir l'agriculture régionale.

3.2.4 LES POLITIQUES AGRICOLES

Les politiques agricoles appartiennent à l’élite des conflits jamais apaisés. Les débuts de la politique agricole fédérale se situent dans les années 1870 et 1880. Après plusieurs recherches du modèle idéal, c’est la loi de 1951 qui allait repenser la place de l’agriculture dans l’économie du pays. Elle mettait l’ensemble du secteur à l’abri des lois de l’économie de marché, sans toutefois abolir la concurrence entre producteurs. Elle permettait la promotion d’une paysannerie forte et d’une production abondante. Malheureusement les prix à la production ne suivirent pas le renchérissement général. Pour combler cette différence les paysans réagirent ; ils rationalisèrent, ils augmentèrent leur production. Quelques mesures maladroites prises par les autorités, les progrès de la mécanisa- tion et l’accélération des modifications structurelles conduisirent l’agricul- ture vers un statut sans issue. Surproduction (la montagne de beurre), prix élevés et insécurité chez les paysans en furent les conséquences. A ceci il faut ajouter les problèmes environnementaux révélés par la production intensive. L’idée d’affecter les paysans à l’entretien de l’environnement plutôt que de les encourager à produire ce qu’on pouvait acheter moins cher à l’étranger faisait son chemin. Certains se demandèrent alors, avec raison, si l’agriculture conçue ainsi ne glisserait pas du domaine écono- mique vers le domaine social.

Dans les années 1980, l’opposition paysanne à la politique agricole offi- cielle et des critiques fondées sur des arguments économiques (ça coûte trop cher) et écologiques (ça tue la nature) changèrent la donne. En vota- tion, les projets de politique agricole ne trouvèrent plus de majorité : arrêté sur le sucre, arrêté sur la viticulture, initiative des petits paysans, etc. A l’extérieur, les pressions exercées par l’OMC et l’UE, en supplément au malaise ambiant, obligèrent la Suisse à lancer des réformes. Depuis les années 1990, la situation s’est complexifiée ; l’agriculture suisse bataille sur trois fronts : la Suisse, L’Union européenne, le Monde. Pour y faire face, on lança un processus qui allait renverser les pratiques antérieures. A quoi il faut ajouter la votation du 24 septembre 2017 sur la sécurité alimen- taire. L’article 104 de la Constitution fédérale est le socle de la nouvelle politique agricole. En 1996, le peuple et les cantons l’ont approuvé à une très grande majorité donnant ainsi à l’agriculture ses nouvelles missions : 24

« La Confédération veille à ce que l’agriculture, par une production répon- dant aux exigences du marché et du développement durable, contribue substantiellement à la sécurité de l’approvisionnement de la population, à la conservation des ressources naturelles et à l’entretien du paysage rural, à l’occupation décentralisée du territoire. En complément des mesures d’entraide que l’on peut raisonnablement exiger de l’agricul- ture et en dérogeant, au besoin, au principe de la liberté économique, la Confédération encourage les exploitations paysannes cultivant le sol ».

Le terme exploitation paysanne est utilisé pour désigner une entreprise agricole exploitée par une famille paysanne. Cette disposition exclut très largement des mesures d’aide les exploitations industrielles ou les groupes d’exploitants étrangers à l’agriculture. Il convient aussi de rete- nir que l’aide fournie par l’État est un complément qui n’est apporté que si l’effort principal est accompli par la famille paysanne. Depuis cette date, quelques dizaines d’accords, événements ou décisions maintiennent le fer au feu. Des adaptations continuelles déferlent sur le monde agricole et, parfois, démoralisent les exploitants. Sans répit pour les paysans, la politique agricole, la PA, est revue, révisée, approuvée ou imposée, contestée : PA 2002, PA 2007, PA 2011, PA 2014-2017. C’est avec cette dernière que les paysans suisses composent actuellement en attendant la suivante. Et que dit la PA 2014-2017 ? Elle veut promouvoir davantage l’innovation dans l’agriculture et la filière alimentaire, accroître la compétitivité et soutenir de manière plus ciblée les prestations d’in- térêt public. Les aides à l’investissement et le système développé des paiements directs associés aux mesures écologiques sont confirmés. Récemment, le 24 septembre 2017, le peuple suisse a plébiscité l’ins- cription de la sécurité alimentaire dans la Constitution consolidant ainsi l’orientation prise par l’agriculture ces dernières années. Les aides à l’investissement rassemblent les mesures destinées à encou- rager l’agriculture. La Confédération et les cantons, par des contributions à fonds perdus et des prêts sans intérêts, stimulent les améliorations structurelles. Il peut s’agir de projets individuels comme la construction de bâtiments ou l’acquisition d’installations mécaniques ou alors de Haie à Tavannes. projets collectifs comme les améliorations foncières. 25

L’élément central de la PA, depuis le début du siècle, est le système déve- loppé des paiements directs. La loi actuelle est complétée par plus de vingt ordonnances. La seule ordonnance sur les paiements directs ras- semble plus de cent articles réunis dans un document de plus cent pages. Les exigences de cette nouvelle loi suscitent de nombreuses critiques. L’une des mesures les plus discutées est la contribution à la qualité du paysage. Par exemple, pour toucher des aides, les paysans doivent, selon les dires de quelques-uns, diversifier les cultures pour obtenir un pay- sage harmonieusement coloré, entretenir des bosquets, protéger des prairies fleuries, etc. La crainte du monde agricole de voir de nombreux

Malleray, Les Orvales. Nouveau rural. paysans devenir jardiniers ou paysagistes est réelle. Les exigences des associations protectrices de l’environnement et des animaux n’ont jamais été aussi insistantes. En dehors de cet aspect charmant, il y a des réalités plus amères pour le monde agricole. Celles-ci ne sont pas directement héritées de la nouvelle loi. En Suisse, selon l’Office fédéral de la statistique, 1450 exploitations ont disparu en 2015 et on craint une aggravation de la tendance. Si le nombre d’exploitations fond, leur taille moyenne augmente car la plupart des terres abandonnées sont reprises par d’autres paysans. Quant à la surface cultivée, elle ne diminue que très légèrement. Enfin, grâce à de meilleurs rendements, la production se maintient.

3.2.5 COMMENTAIRE

L’agriculture est constamment tiraillée entre les deux forces que sont l’économie libérale et l’écologie. La première veut abolir l’intervention de l’Etat et ouvrir totalement les frontières aux produits agricoles, pro- mouvoir les structures industrielles en remplaçant celles de l’agriculture paysanne familiale. La seconde, parfois extrême dans ses exigences, n’est pas en reste quand elle veut imposer la culture biologique à toutes les exploitations ou le retour à la nature des surfaces non rentables. Bien relayés par leurs lobbies respectifs ces deux acteurs sont actuelle- ment très résolus à obtenir l’adhésion de la population à leurs projets. Les grandes enseignes et les géants de l’agro-alimentaire d’un côté et les organisations de protection de l’environnement de l’autre sont dans une opposition répétitive. Pour le citoyen, cette situation brouille la com- préhension des enjeux et pour l’agriculteur, elle installe la méfiance et l’incrédulité. A cette lutte d’influence, les « compléments » imposés par une réglementation tracassière ou l’intervention d’experts compliquent le travail du paysan plus que nécessaire. 26

Harmonisation entre une route nationale, un bâtiment agricole moderne, un paysage rural.

3.3 VOUS AVEZ DIT AMÉLIORATIONS FONCIÈRES ?

3.3.1 DÉFINITION, HISTORIQUE

Les améliorations foncières agricoles sont des mesures ou des ouvrages destinés à moderniser les structures et à faciliter l’exploitation, à préserver ou améliorer la fertilité des terres, à protéger le sol contre l’érosion ou les ravages des phénomènes naturels, à augmenter la valeur écologique des paysages, à permettre l’utilisation économique de terres affermées ou à maintenir l’occupation décentralisée du territoire (cf. art. 33, al. 1 de la Loi cantonale sur l’agriculture). Jusqu’au XIXe siècle elles visaient avant tout à gagner des terres agricoles par la lutte contre les inondations, l’assèchement des marais, la canali- sation des torrents ou des ruisseaux, la correction des eaux, l’irrigation. Par exemple, la correction des eaux du Jura débutée au XIXe siècle, permit non seulement de gagner de nouvelles terres mais aussi d’éradiquer le paludisme, une maladie réputée tropicale, dans l’Entre-Trois-Lacs. Durant la deuxième guerre mondiale les améliorations foncières furent intensi- fiées afin d’augmenter la production de denrées alimentaires : ce fut la mise en œuvre du Plan Wahlen. Dans l’après-guerre, les améliorations foncières consistèrent essentiellement en remaniements parcellaires. A ces aménagements s’ajoutèrent des mesures collectives comme l’amélio- ration de l’alimentation en eau ou la construction d’un réseau de chemins. Par la suite, une philosophie nouvelle, établie en Suisse dans les années nonante, élabora le concept des « améliorations foncières modernes ». Dès lors, ces dernières devinrent des instruments de transformation structurelle de l’agriculture, d’aménagement du territoire, de protection de la nature et du paysage. C’est à cette époque aussi que la notion de durabilité, si fréquemment invoquée aujourd’hui, débuta sa carrière. En dehors de la voix officielle, quelques analystes ou praticiens publient leur crédo. Parmi ceux-ci, la réflexion de l’ingénieur EPFL Joseph Frund est particulièrement intéressante. Dans son étude « Les améliorations foncières modernes : une chance et une nécessité pour des populations rurales », parue en 1994, l’auteur recense diverses observations faites en la matière. 27

Extraits : « Les améliorations foncières favorisent la réhabilitation des villages dont elles améliorent les conditions économiques car l’agriculture est le sup- port d’autres activités de la construction, de la mécanique, des transports, du commerce local, des assurances, du tourisme. Les bénéficiaires des subventions ne sont dès lors pas en premier lieu les agriculteurs mais les fonctionnaires, les ingénieurs, les entrepreneurs, les commerçants et, en dernier lieu seulement, les agriculteurs… Il y a une vingtaine d’an- nées l’objectif agricole était encore le premier à diriger cette activité. Aujourd’hui il est en passe d’être relégué au dernier rang, au profit des objectifs de protection de la nature, de protection du paysage et d’amé- nagement du territoire… La multitude des contraintes et des dispositions légales sont sécurisantes mais elles étouffent l’imagination et l’esprit d’initiative. Les acteurs se confinent dans l’application de recettes au détriment de l’indispensable esprit de création… On a trop souvent fait l’expérience des bienfaits de certaines planifications dont les sceptiques donnent cette définition : C’est l’art qui consiste à remplacer le hasard par l’erreur ou le jeu du hasard par la certitude de l’erreur ».

3.3.2 COMMENTAIRE

Dans la réalité, on ne peut pas affirmer définitivement que les objectifs agricoles ont été relégués derrière les objectifs de protection de la nature. Il s’agit plutôt d’un recentrage, c’est-à-dire d’une meilleure harmonisa- Ruisseau et desserte rationnelle près du village tion entre l’exploitation des ressources agricoles et la préservation de de Pontenet. l’environnement. 28

Chemin multifonctions avec desserte agricole et itinéraire pour marcheurs et cyclistes.

3.4 QUELQUES RÉUSSITES ENCOURAGENT LA DÉMARCHE Le processus qui allait conduire à la vaste entreprise des améliorations foncières dans la Vallée de Tavannes n’est pas sorti d’un univers tota- lement méconnu. Précédemment, on avait déjà procédé à des remanie- ments, essentiellement pour des raisons agricoles : à la Montagne de Moutier, à Crémines, sur le , à Grandval et, plus près de chez nous, à Saules, à Sorvilier, à Champoz. C’est le grand morcel- lement des terres et l’insuffisance des dessertes qui avaient provoqué leur mise en œuvre. Dans le Jura bernois de nombreuses entreprises avaient été achevées depuis le début du XXe siècle. Alimentations en eau, drainages, nouveaux chemins, remaniements parcellaires à des fins agricoles sont les principales causes qui initièrent ces projets. Il était donc parfaitement possible de s’inspirer des succès obtenus ailleurs même, si ce qui était à faire, avec la construction de la N16-Transjurane, était d’une autre envergure.

Tabelle 7 Quelques succès de remaniement parcellaire dans le Jura bernois

Site 5WRGTƂEKG Date de la réalisation

Montagne de Moutier 105 hectares 1915-1926

Crémines 235 hectares 1955-1971

Saules 110 hectares 1960-1974

Plateau de Diesse 2’108 hectares 1961-1993

Champoz 205 hectares 1971-1983

204 hectares. Remaniement partiellement Sorvilier et Bévilard lié à la construction d’un pont enjambant 1980-1994 la ligne CFF et la route cantonale

Grandval 254 hectares 1991-2008

1'624 hectares Remaniement engagé Vallée de Tavannes avec la construction de la N16-Transjurane 1995-2019 (CO 384 ha, CV 633, RT 607) 29

On admit aussi que les seuls arrangements entre exploitants étaient devenus insuffisants car ils apportaient trop d’incertitude, notamment en ce qui concernait les contrats de fermage. Les règles du jeu arrêtées par les textes légaux garantissaient le bon déroulement des opérations et parlaient en faveur du lancement de l’entreprise ; même si le projet développé dans la Vallée de Tavannes était beaucoup plus ambitieux que ce qu’on avait fait précédemment chez les voisins. Il s’agissait de réaliser une amélioration foncière intégrale sur une superficie de 1624 hectares dans 5 communes et regroupant 736 propriétaires (Court 228, Centre- Vallée 317, Reconvilier-Tavannes 191).

3.5. L’EFFET DÉCLENCHEUR DE LA N16 – TRANSJURANE

La N16-Transjurane est une route nationale qui relie, du nord au sud, la frontière franco-suisse à Delle-Boncourt à Bienne. D’une longueur de 85 kilomètres, elle a été intégrée dans le réseau des routes nationales par décision des Chambres fédérales le 1er octobre 1984. Sa construction est financée par la Confédération à raison de 95% dans le canton du Jura et 87% dans le canton de Berne. C’est dans la loi fédérale sur les routes nationales que sont formulés les procédés pour l’acquisition du terrain nécessaire au tracé de la future route. « Si le terrain nécessaire à la construction des routes nationales ne peut pas être acquis de gré à gré, il le sera par une procédure de remembrement ou d’expropriation. La procédure d’expropriation ne sera applicable que si les efforts faits en vue d’acquérir le terrain de gré à gré ou par un remembrement ont échoué ». A la lecture de cet article on comprend immédiatement, même si les voies de recours existent, que c’est la volonté d’aboutir qui commande. Au début des années 1980 l’idée d’un remaniement parcellaire inté- ressait déjà quelques exécutifs communaux, bourgeoisies et institu- tions cantonales. Mais c’est bien la construction de cette section de la N16-Transjurane qui allait déclencher le processus. Avant cette époque, aucune initiative ne fut introduite dans ce sens par les milieux agricoles même si la plupart des exploitants vivaient une situation inconfortable. Est-ce la force de la tradition ou la crainte du changement qui explique cet immobilisme ? Il faut comprendre qu’une telle entreprise est l’affaire d’une génération. Mais pas seulement ; dans un emploi du temps déjà très chargé, les exploitants devaient encore trouver assez de temps et d’énergie pour s’en occuper. Dans cette aventure, du moins dans la phase initiale, les agriculteurs n’ont pas agi comme une corporation défendant un bien commun mais plutôt comme des acteurs craignant de perdre pour eux-mêmes quelque avantage. La construction de la N16-Transjurane a logiquement éloigné la défense d’intérêts uniquement privés. In fine, la grande majorité des agri- culteurs reconnaissent que les améliorations foncières qu’elle a entraî- nées permettent de travailler dans de meilleures conditions. Tracé delaN16etpistecyclable. Figure 6 230000 232500

577500 577500 LEGENDE Piste cyclable couvertes) (tunnel/galeries N16 la de Tracé communes de d'arrondissements Limites communales Limites «Source : Office fédéral de topographie» fédéral «Source Office : 1:25'000) nationale carte la de (Extrait Tavannes

580000 580000

582500 582500 Reconvilier Loveresse

585000 585000 Pontenet Valbirse Malleray

587500 587500 Bévilard Sorvilier

590000 590000

592500 592500 Court

595000 595000

597500 597500 230000 232500 31

4.1 LES BASES LÉGALES

4.1.1 LOIS, ORDONNANCES ET RÈGLEMENTS

CC, OPD, OFAG, LPAF, OPAF, AS, PAE, CAB, OAS, OAN, REP, CI, LPN, OPN, LAgr, SASP, OCCEA, EIE et consorts vous étourdiront par l’étendue de leurs prestations. Pour les protagonistes intéressés il n’est pas toujours aisé de trouver sa place au milieu de toutes ces célébrités. Dans le chapitre qui suit vous trouverez une sélection de lois, ordonnances et règlements. On peut dire qu’en raison de l’importance de l’entreprise, les améliora- tions foncières modifient foncièrement la propriété foncière ! C’est pour- quoi, en 1907 déjà, on inscrivit dans le code civil suisse, un des textes fondamentaux de notre législation, un article qui réglemente cette pro- 4 cédure. C’est l’article 703. Extraits du Code civil suisse du 10 décembre 1907, article 703. L’Assemblée fédérale de la Confédération suisse décrète : LA RÉALISATION Lorsque des améliorations du sol (corrections de cours d’eau, dessèche- ments, irrigations, reboisements, chemins, réunions parcellaires, etc.) ne peuvent être exécutées que par une communauté de propriétaires, et que les ouvrages nécessaires à cet effet sont décidés par la majorité des intéressés possédant plus de la moitié du terrain, les autres sont tenus d’adhérer à cette décision. Les propriétaires intéressés qui ne prennent pas part à la décision seront réputés y adhérer. L’adhésion sera mention- née au registre foncier. Les cantons règlent la procédure. Ils doivent, en particulier pour les réu- nions parcellaires, édicter des règles détaillées. La législation cantonale peut alléger les conditions auxquelles le présent code soumet l’exécution de ces travaux et appliquer par analogie les mêmes règles aux terrains à bâtir et aux territoires en mouvement permanent.

Dans le canton de Berne, l’article 703 du CCS est soutenu par la LPAF, la Loi sur la procédure des améliorations foncières et forestières en vigueur depuis le 1er janvier 1998. Cette loi détaille pas à pas, étape par étape, la procédure. C’est comme une recette qu’il faut suivre à la lettre si l’on veut satisfaire les invités au banquet des AF.

Extraits de la Loi sur la procédure des améliorations foncières et fores- tières (LPAF), version du 01.01.2016. Le Grand Conseil du canton de Berne, vu l’article 703 du Code civil suisse… sur proposition du Conseil-exécutif arrête : Dispositions générales L’organisme responsable de l’amélioration foncière peut être le syndicat d’améliorations foncières, une commune, une association agricole, une autre collectivité, un ou plusieurs particuliers.

Préparation du projet La superficie totale sur laquelle porte le projet constitue le périmètre. Le périmètre s’étend sur une superficie de terre dont les limites sont naturelles… La mise en œuvre d’un projet est décidée lorsque la majorité des pro- priétaires à qui appartiennent plus de la moitié des terres constituant le périmètre y sont favorables. Les personnes ayant le droit de vote qui ne prennent pas part à la décision sont réputées y adhérer. Le projet et les statuts requièrent l’approbation de la Direction de l’éco- nomie publique. Le projet est inscrit au registre foncier.

Réalisation du projet En donnant son approbation la Direction de l’économie publique concède à l’organisme responsable du projet les droits fonciers nécessaires à la mise en œuvre. Les immeubles concernés par une amélioration foncière doivent faire l’objet d’un nouvel abornement. 32

Les projets achevés requièrent l’approbation de la Direction de l’écono- mie publique lorsqu’ils ont pour effet la modification de droits réels ou la constitution de droits réels nouveaux. L’approbation du projet a pour effet le transfert de la propriété, des droits réels… et des restrictions…

Frais et garantie du projet Les propriétaires supportent les frais de réalisation non couverts en pro- portion des avantages qu’ils retirent… Les propriétaires ont l’obligation d’exploiter le sol ou la forêt améliorés conformément à leur affectation, de veiller à l’utilisation et à l’entretien des équipements construits…

Dispositions particulières sur les remaniements Les immeubles concernés par un remaniement doivent faire l’objet d’une nouvelle répartition conforme à l’affectation de la zone dans laquelle ils se trouvent… Après le marquage des limites des immeubles… le service compétent de la Direction de l’économie publique ordonne le transfert de la possession par voie de décision. Lorsque toutes les oppositions ont été réglées, la nouvelle répartition acquiert force obligatoire pour toutes les parties concernées.

Exécution, mise à l’enquête publique obligatoire et voies de droit Les plans et les décisions… qui confèrent aux propriétaires fonciers des droits ou leur imposant des obligations… doivent être mis à l’enquête publique. Opposition peut être formée contre l’objet de la mise à l’enquête publique et contre les décisions individuelles de l’organisme responsable. La Commission des améliorations foncières statue sur les oppositions formées contre la définition du périmètre. La Commission cantonale des améliorations foncières statue sur les recours dirigés contre les décisions sur opposition… Le Tribunal administratif statue sur les recours formés contre les décisions de la Commission des amélio- rations foncières. Ont qualité pour former opposition et pour recourir les propriétaires des immeubles ou d’autre… qui sont particulièrement atteints par le projet et peuvent faire valoir un intérêt digne de protection. Le même droit revient aux organisations et autorités…

La LPAF est consolidée par son ordonnance, l’Ordonnance sur la procé- dure des améliorations foncières et forestières, l’OPAF. Il est intéressant de remarquer avec quel soin et avec quelle précision sont exprimés tous les aspects qui peuvent toucher les différents partenaires. La loi ne procède pas par le système des décrets qui entraîne souvent les ressentiments. En soignant la relation avec les parties concernées, la loi cautionne la réussite de cette délicate entreprise.

D’autres lois, ordonnances ou directives apportent également leur contri- bution. On retiendra la Loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage (LPN) et son ordonnance (OPN) ainsi que les directives établies par l’Office fédéral de l’environnement. Pour compliquer, la loi impose une EIE, c’est-à-dire une étude de l’impact sur l’environnement quand la superficie d’une amélioration foncière intégrale dépasse 400 hectares.

La loi cantonale sur les routes (LR) vient en appui des autres lois ; notam- ment en ce qui concerne l’acquisition de terrains pour la construction de routes d’importance. La régulation en cascade est le principe fondamental qui s’applique en la matière : acquisition de gré à gré sur le tracé routier projeté, achat au profit du remaniement parcellaire à venir (n’importe où à l’intérieur du périmètre) et, seulement en ultime recours, l’expropriation. La loi précise en outre que les frais supplémentaires occasionnés dans une situation de remaniement parcellaire de ce type sont à la charge de cette construction. Chez nous il n’y a pas eu d’expropriation. L’amélioration foncière intégrale effectuée dans la Vallée de Tavannes s’est développée selon ce modèle. C’est principalement le deuxième échelon qui fut activé. 33

Tabelle 8 Acquisition de terrains

Reconvilier- Types d’acquisition Court Centre-Vallée Tavannes

Achats en ares par la N16 1'899 1'921 1'967

Achats en ares par le syndicat* 395 381 779

Expropriations 0 0 0

* Ne sont pas comprises les déductions générales effectuées sur les valeurs.

4.1.2 LES RÈGLES DU JEU

Comme dans une partie de football pour jouer (le terme jouer employé dans le cadre de la mise en œuvre des améliorations foncières donne à l’action une légèreté qui ne colle pas à la réalité mais gardons-le pour ima- ger le propos) il faut rassembler des joueurs, des arbitres et des règles. Dans cette partie les joueurs étaient facilement identifiables : proprié- taires, exploitants, communes, bourgeoisies, syndicats, associations. Les arbitres, représentés par les autorités cantonales et fédérales, avaient la tâche de veiller au bon déroulement des opérations et au respect des règles. Ces dernières sont rangées dans un assortiment qui rassemble des lois, des ordonnances, des directives. Une fois engagés dans la partie, les différents acteurs ont développé des stratégies pour communiquer, conseiller, construire, protéger, défendre. La grande différence avec la par- tie de football citée précédemment est qu’ici, idéalement, il ne doit y avoir que des vainqueurs. Le win-win réalisé a augmenté les gains de chacun.

Une équipe de football n’est pas isolée, elle est intégrée dans une ligue. On peut se risquer à voir une similitude avec la position occupée par les AF auxquelles on a réservé une place dans la stratégie du canton de Berne pour les améliorations structurelles. Celles-ci contribuent à l’amélioration des conditions de vie du monde rural grâce à des contributions à fonds perdus et à des crédits d’investissement sous forme de prêts sans inté- rêts. Elles contribuent également à pérenniser l’agriculture bernoise dans un contexte de concurrence accrue et de cohabitation avec des exigences sociétales et écologiques toujours plus strictes. Sont concernées par cette générosité : les améliorations intégrales, les dessertes de fermes, la rénovation ou l’aménagement de systèmes d’alimentation en eau et de bâtiments d’exploitation.

C’est aussi un projet de développement régional. Pas seulement pour les pendulaires qui, avec la construction de la N16-Transjurane, appré- cient de pouvoir rejoindre rapidement Bienne ou Delémont. La réali- sation du projet, on parle toujours des améliorations foncières, devait permettre aux agriculteurs de stimuler une production régionale de qua- lité. Enfin, il devait montrer de meilleures prestations pour le paysage et l’environnement.

C’est encore un projet qui a ranimé le vaste débat opposant l’agricul- ture productiviste et l’agriculture protectrice. Chez nous, comme ailleurs, les agriculteurs revendiquent d’abord un salaire pour le travail effectué comme agriculteurs ou éleveurs avant une rémunération versée par le système des paiements directs.

L’objectif de la partie était de réussir le match parfait qui satisferait tous les protagonistes. Un objectif ambitieux qui nécessita, comme le disent les compétiteurs, la mobilisation d’énergies positives et l’instauration d’un esprit conquérant. 34

On questionna : « Alors, que doit-on attendre d’une amélioration foncière intégrale ? Une simplification de l’exploitation des terres ? La mise à disposition de ter- rains en vue de l’aménagement d’ouvrages publics ? La préservation de la fertilité du sol ? La revalorisation écologique et esthétique du paysage ? »

On répondit que c’était tout cela à la fois !

On demanda : « Et pour y parvenir quelles mesures faut-il mettre en œuvre simultanément ? »

On précisa qu’on réorganiserait la propriété foncière en remaniant les parcelles, en regroupant les terres affermées. A quoi il faudrait ajouter l’épurement des servitudes, l’acquisition de terrains pour des infrastruc- tures collectives, la construction d’un réseau de chemins champêtres, la revitalisation des cours d’eau, la reconstruction d’installations de drai- nage, l’acquisition de terrains en vue des compensations écologiques, les travaux de mensuration relatifs aux remaniements parcellaires et aux plans cadastraux.

Pour conclure, on ajouta : « Alors, on terminera le siècle prochain ! »

4.2 LES ACTEURS ET LEURS COMPÉTENCES

L’amélioration foncière intégrale réalisée chez nous fut une construction complexe qui a mobilisé plusieurs niveaux de compétence et de décision.

Le Grand Conseil du canton de Berne qui, sur proposition du Conseil- exécutif, avec la Loi sur la procédure des améliorations foncières et fores- tières (LPAF), a précisé les droits et les devoirs des différents partenaires.

La Direction de l’économie publique du canton de Berne qui, avec l’Ordonnance sur la procédure des améliorations foncières (OPAF), a déterminé les règles d’application de la loi.

Extrait d’un rapport de la Direction de l’économie publique adressé au Conseil exécutif à l’intention du Grand Conseil le 14 février 2000. « Le projet d’amélioration foncière a pour but d’accroître la compéti- tivité de l’agriculture et de permettre la concrétisation du projet de la N16-Transjurane. Le projet comprend le remaniement parcellaires de tous les biens-fonds inclus dans le périmètre, la construction d’un réseau de chemins agricoles, la délimitation du tracé de la route nationale, la mise en pratique des mesures de compensation écologique, la rénovation des anciennes conduites de drainages et l’aménagement de nouvelles ins- tallations, l’exécution de la nouvelle mensuration officielle au sein du périmètre ». « Le remaniement parcellaire facilitera l’exploitation agricole et accroîtra ainsi la compétitivité des entreprises paysannes concernées. Des chemins appropriés et des champs dûment arrondis permettent aux agriculteurs de travailler de manière plus rationnelle et de réduire d’autant leurs frais de production. Par contre, il ne faut pas s’attendre à une intensification importante du rendement agricole étant donné que les exploitations tra- vaillent selon les directives de la production intégrée ».

Avec le Service des améliorations structurelles et de la production (SASP)*, qui est le service compétent de la Direction de l’économie publique pour les améliorations foncières on accédait à la phase des travaux pratiques. Après avoir examiné l’étude préliminaire, ce service a pu garantir la par- ticipation des pouvoirs publics pour un projet rationnel, économique et * Le SASP a intégré dans son office l’ancien SCAF qui conforme au droit. Il s’est également chargé de l’organisation, de la direc- était le Service cantonal des améliorations foncières. tion et de la surveillance des améliorations foncières et de leur entretien. 35

Les communes compétentes entrèrent dans le jeu quand elles mirent à l’enquête publique, pendant trente jours, les divers documents que sont le plan du périmètre, la liste des propriétaires des immeubles inclus dans le périmètre, le projet de statuts et le devis du coût total estimé. Chaque commune mit sur pied une séance d’information destinée aux personnes habitant dans le périmètre avant de convoquer à l’assemblée constitutive du syndicat les propriétaires ayant le droit de vote.

La direction technique, représentée par le bureau d’ingénieurs Sigeom SA, assura l’organisation, le développement et le suivi du projet.

L’Assemblée de votation. C’est cette assemblée, convoquée par la com- mune, qui prit l’importantissime décision de lancer le processus des amé- liorations foncières. En cas de refus rien n’aurait été entrepris. Cette assem- blée présente la particularité de réunir deux types de majorités : la majorité des propriétaires et la majorité des surfaces. Autre singularité : le projet est accepté si l’une des majorités l’accepte et les absents sont comptés comme acceptants. Le lecteur trouvera, ci-dessous, les protocoles des trois assemblées de votation.

Tabelle 9 Résultats obtenus dans les assemblées de votation

Syndicat Court Centre - Vallée Reconvilier - Tavannes

Date de la votation 8.12.1997 10.12.1997 26.10.1995

Surface du périmètre 384.31 ha 633.02 ha 607.25 ha

Nombre de propriétaires 228 317 191

RÉSULTAT DES VOTES

Court Centre - Vallée Reconvilier - Tavannes Vote des propriétaires en voix absolu en % absolu en % absolu en %

Présents OUI 69 30.3 104 32.8 29 15.2

Absents OUI 120 52.6 187 59 76 39.8

Total des OUI 189 82.9 291 91.8 105 55

Présents NON 39 17.1 26 8.2 86 45

Total des voix 228 100 317 100 191 100

Court Centre - Vallée Reconvilier - Tavannes Vote en termes de surfaces en hectares absolu en % absolu en % absolu en %

Présents OUI 236.62 61.6 429.71 67.9 134.26 22.1

Absents OUI 77.86 20.3 143.67 22.7 78.84 13.0

Total des OUI 314.48 81.8 573.38 90.6 213.10 35.1

Présents NON 69.83 18.2 59.64 9.4 394.15 64.9

Total des voix 384.31 100 633.02 100 607.25 100 36

Si Court et Centre-Vallée ont dégagé des majorités confortables, on constate qu’il s’en est fallu de peu pour que l’Assemblée de votation de Reconvilier-Tavannes refuse le démarrage du projet. On peut voir aussi le rôle décisif joué par les propriétaires absents ; ces derniers ont considérablement renforcé le OUI.

Cette première phase réussie, on poursuivit, dans chaque circonscrip- tion, par une deuxième phase de l'assemblée qui créa un syndicat. Chaque propriétaire disposait d’une voix quelle que soit la surface qu’il possédait. Au cœur du système, le syndicat devint le moteur de cette importante opération. Il se mit à l’ouvrage, il coordonna et stimula les instruments à son service. Intéressons-nous aux tâches des uns et des autres :

– Le Comité du syndicat. Il administra toutes les affaires qui n’étaient pas réservées à l’Assemblée du syndicat. Plus clairement exprimé, il organisa tous les dépôts publics. Avec la direction technique, il fut responsable de la réalisation des projets de construction, il signa les contrats passés avec les entreprises et réceptionna les ouvrages. Il nomma le directeur technique et le ou les notaires.

– La Commission d’estimation. Elle fut formée d’experts qui ne pou- vaient pas être membres du syndicat. Elle procéda aux évaluations et estimations en rapport avec le projet et fixa les indemnités. Elle conseilla la direction technique dans les questions agricoles. Elle col- labora pour fixer le nouvel état de la propriété. Elle établit la clé de répartition des frais. Elle détermina les évaluations et les estimations après l’achèvement du projet. Elle statua sur les oppositions lors de mises à l’enquête publique et rendit des décisions, exception faite des oppositions contre le périmètre. A la lecture des compétences de la commission, on comprend aisément le rôle central qui fut le sien. Pour ces experts, des agriculteurs, l’expérience ne suffisait pas ; ils durent aussi montrer des qualités d’analyse, d’anticipation, d’argumentation, de conciliation.

– Les vérificateurs des comptes. Ils accomplirent les tâches habituelles de la fonction.

Les propriétaires fonciers purent proposer des modifications du péri- mètre, présenter leurs désirs, sous certaines conditions obtenir une indemnisation en espèces, déposer par écrit une opposition motivée. Ils ont pu être impliqués contre leur gré dans le projet.

L’Office cantonal des Ponts et Chaussées qui a fourni une part impor- tante du financement de l’opération.

Les protecteurs de l’environnement, confortés par la Loi sur la protec- tion de la nature et des paysages (LPN) et les directives précisées dans le guide « Reconstitution et remplacement en protection de la nature et du paysage » éditées par l’Office fédéral de l’environnement, s’appli- quèrent à obtenir des compensations écologiques et une amélioration globale des milieux naturels.

Le CFVA, Le Centre de Formation et de Vulgarisation Agricole, acquis à la cause, se mobilisa pour un travail de vulgarisation et d’information.

Divers services cantonaux furent aussi intéressés au projet. 37

4.3 LES ÉTAPES OBLIGATOIRES POUR RÉUSSIR

C’est l’arrivée de grands travaux, en l’occurrence la construction de la N16-Transjurane allait déclencher le complexe et long processus des amé- liorations foncières dans la Vallée de Tavannes. Avec la réalisation de l’avant-projet pour Reconvilier et Tavannes, 1993 est considérée comme la date historique du démarrage de l’entreprise. Dans cette phase déjà, on décelait la volonté forte, d’associer les différents partenaires afin d’ob- tenir, au bout du processus, une réelle amélioration. Le processus décrit dans ce chapitre correspond à la démarche classique suivie lors de la construction d’une route nationale.

4.3.1 CHRONOLOGIE DES ÉVÉNEMENTS

Tabelle 10 Procédure de constitution

Etapes de la procédure Court Centre-Vallée Reconvilier-Tavannes

Avant-projet 08.08.97 08.08.97 29.01.93

Assemblée publique d’information 21.08.97 19.08.97 17.03.94

Mise à l’enquête publique du dossier AF 11.08.97 11.08.97 08.08.94

Liquidation des oppositions contre le périmètre 02.10.97 06.10.97 19.04.95

Assemblée constitutive du syndicat AF 08.12.97 10.12.97 26.10.95

Approbation des statuts du syndicat par 02.11.98 04.01.99 14.02.96 le Canton Décision de principe concernant la participation 12.04.00 15.06.00 04.09.96 ƂPCPEKÄTGFW%CPVQPGVFGNC%QPHÅFÅTCVKQP 29.06.01 12.06.01 23.01.97

Tabelle 11 Ancien état

Etapes de l’établissement de l’ancien état Court Centre-Vallée Reconvilier-Tavannes

Programme des travaux AF et de la mensura- juin-sept. juin-sept. juin-oct. VKQPQHƂEKGNNG FCPUNGECFTGFGNCUQWOKUUKQP 1998 1998 1995 publique des travaux de la direction technique)

Préparation des données et des plans de base 2000-2001 2000-2001 1997-1999

Estimation des terres 2001-2002 2001-2002 1999-2000

Formulation des vœux des propriétaires 2002 2002-2003 2001

Mise à l’enquête publique de la taxation 19.05.03 14.04.03 15.10.01 des terres

Liquidation des oppositions 2003 2003 2002 38

Tabelle 12 Projet général

Etapes Court Centre-Vallée Reconvilier-Tavannes

Elaboration du projet général des travaux AF, 1999-2000 1999-2000 2000-2001 des mesures écologiques et du rapport EIE Dépôt public du projet général des travaux AF, 05.06.00 22.05.00 15.10.01 des mesures écologiques et du rapport EIE

Liquidation des oppositions 2000 2000/2001 2002

Approbation par le Canton 12.03.01 12.03.01 27.08.02

Réalisation des travaux de construction 2001-2018 2001-2018 1998-2016 (chemins, ruisseaux, drainages)*

* Pour les travaux exécutés avant la date d’approbation, le syndicat a organisé un dépôt public spécial.

Tabelle 13 Nouvel état

Etapes Court Centre-Vallée Reconvilier-Tavannes

Elaboration du projet de la nouvelle répartition, adaptation des mesures écologiques et du 2004 2005 2002 rapport EIE Dépôt public du projet de la nouvelle réparti- tion, des adaptations des mesures écologiques 09.10.06 08.10.07 19.08.04 et du rapport EIE

Liquidation des oppositions janvier-avril 2007 2008-2009 janvier-mai 2005

Prise de possession des nouvelles parcelles 15.10.07 15.10.09 15.10.05

Approbation par le Canton de la nouvelle TÅRCTVKVKQPFÅƂPKVKXGFGUOGUWTGUÅEQNQIKSWGU 20.03.12 23.07.13 28.01.10 et du rapport EIE Inscription au registre foncier de la nouvelle 2012-2013 2013-2014 2010-2011 TÅRCTVKVKQPFÅƂPKVKXG

Tabelle 14 6TCXCWZƂPCWZ

Etapes Court Centre-Vallée Reconvilier-Tavannes

Dépôt public du règlement et de la clé de répartition des frais restants selon le principe 26.10.09 25.05.11 10.09.07 des avantages et dépôt public des plus-values ou moins-values

Liquidation des oppositions mars 2010 oct. 2011 avril 2008

Remise des installations aux communes muni- après 2018 cipales Abornement des nouvelles limites et mensura- 2008-2020 2008-2020 2003-2017 VKQPQHƂEKGNNG

&ÅEQORVGUƂPCWZGVFKUUQNWVKQPFGUU[PFKECVU après 2018 39

4.3.2 L’AVANT-PROJET

L’avant-projet servit de base pour la constitution des syndicats. Déjà en 1988, une séance d’information présidée par M. René Eicher, alors conseiller municipal à Tavannes, rassembla une quarantaine de conseillers municipaux et bourgeois des communes de la Vallée de Tavannes ainsi que des responsables cantonaux de l’Office des ponts et chaussées et du Service des améliorations structurelles et de la production. Lors cette présentation qui s’est tenue au Centre de Formation et de Vulgarisation Agricole de Loveresse on discuta des importantes conséquences pour l’agri- culture occasionnées par la construction de la nouvelle route nationale. Notamment la perte de terres agricoles, les modifications des chemins ruraux, les remaniements parcellaires. L’aspect financier ne fut pas oublié.

Chargé par la Confédération de réaliser la route à construire, l’Office cantonal des ponts et chaussées a initié l’avant-projet. Un avant-projet de ce type expose la proposition d’un périmètre avec la liste des parcelles et des pro- priétaires fonciers, l’estimation du coût des ouvrages à construire comme les dessertes, les chemins, les drainages, les mesures écologiques à prendre sur la base d’une étude d’impacts, l’estimation du coût total du projet compre- nant les travaux effectués par la commission d’estimation et la direction tech- nique, le projet de statuts du syndicat, la hauteur du financement probable par la Confédération, le canton, les communes, les propriétaires fonciers.

Après de laborieux pourparlers entre la division Routes nationales de l’Office cantonal des ponts et chaussées, les communes de la Vallée de Tavannes et l’Office cantonal de l‘agriculture et de la nature, les conseils municipaux ont confié au bureau d’ingénieurs Auer & Waelti, actuellement Sigeom SA, le mandat d’élaborer les avant-projets pour des améliorations foncières intégrales. Trois secteurs ont été définis : Court (CO), Centre Vallée avec Malleray, Bévilard, Loveresse, Pontenet (CV) et Reconvilier-Tavannes (RT). La commune de Sorvilier qui avait déjà effectué un remaniement lors de la construction du pont qui passe par-dessus la voie de chemin de fer à l’ouest du village fut dispensée.

La construction de la N16-Transjurane entraînait obligatoirement une inter- vention dans le périmètre restreint de la route nationale. Mais, l’effet de ce remaniement originel touchait, par la force des choses, un territoire plus étendu. On a donc, dans un premier temps, élargi le projet de remaniement au secteur sud de la Birse situé à l’Envers et dans lequel allait être construite la future route nationale. En raison de l’impact important généré, on vit rapidement l’absolue nécessité d’élargir ce périmètre en y ajoutant aussi le versant nord de la rivière, le Droit. Pour les villages de Tavannes, Reconvilier, Malleray, Bévilard et Court, la limite intérieure du périmètre s’arrête aux zones de construction. Quant aux villages de Pontenet et de Loveresse qui présentent encore un aspect rural très marqué, ils furent inclus entièrement dans le projet d’amélioration. Les principes à respecter pour la délimitation du périmètre sont définis dans la Loi cantonale sur la procédure des amélio- rations foncières et forestières, la LPAF et son Ordonnance, l’OPAF.

Les travaux de génie civil incluant le réseau des chemins et des cours d’eau, les drainages agricoles ainsi que les mesures écologiques indispensables ont été planifiés dans un partenariat regroupant les communes munici- pales, les communes bourgeoises, les représentants des milieux agricoles et différents services cantonaux. L’importance des projets Reconvilier-Tavannes et Centre-Vallée qui por- taient sur plus de 400 hectares a entraîné l’obligation de procéder à des études d’impact sur l'environnement (EIE).

4.3.3 LA MISE À L’ENQUÊTE PUBLIQUE DE L’AVANT-PROJET

L’avant-projet est mis à l’enquête publique pendant trente jours. Si plu- sieurs communes sont concernées, c’est la commune ayant la plus grande 40

surface incluse dans le périmètre qui est responsable de sa publication. L’avant-projet est complété par une proposition de statuts du futur syn- dicat d’amélioration foncière. Dans cette phase, les propriétaires fonciers ont la possibilité de faire opposition quant à l’intégration de leur bien dans le périmètre. A l’époque, le préfet était l’autorité de recours de pre- mière instance. Depuis 1998, c’est l’affaire de la Commission cantonale des Améliorations Foncières.

4.3.4 LES ASSEMBLÉES PUBLIQUES D’INFORMATION

Pendant la première quinzaine de la mise à l’enquête, la commune a l’obli- gation d’organiser une séance d’information dans laquelle sont présentés et expliqués les différents aspects d’une amélioration foncière intégrale : avantages produits par l’entreprise, personnes et organes responsables, coût, sources du financement, procédures, principes applicables, difficul- tés et inconvénients. Ces séances sont ouvertes à tous les habitants des localités concernées par le projet.

4.3.5 LA CRÉATION DE TROIS SYNDICATS ET LEURS STATUTS

Les syndicats associent différentes catégories de personnes : agriculteurs, propriétaires non agriculteurs, bourgeoisies, communes municipales. Ce n’est donc pas une affaire uniquement agricole. Pendant le déroulement des opérations, une complication particulière s’est révélée en raison du remplacement de plusieurs conseillers communaux au sein des comités des syndicats. Le maintien du cap, malgré ce désagrément, est un des succès à mettre au crédit des présidents. 41

Tabelle 15 Comités des syndicats

Sont mentionnées toutes les personnes ayant siégé dans les instances respectives

Court Centre - Vallée Reconvilier-Tavannes

Présidence Eicher René Leuenberger René Winkler Samuel Buchser Daniel

Vice-présidence Leuenberger Bernard Charpié Eric Allemann Frédy

Lenweiter Thierry Secrétariat Zwahlen Céline Fiduciaire Segeca : Griggio Weibel Nathalie Trésorerie Zwahlen Céline Beuchat Charles-André Risler Pierre Schütz Marcel Kratzer René Horisberger Monique Chopard Madeleine Membres Buchser Frédéric Affolter Marc-Alain Bangerter Richard Burkhalter Henri Annoni Paolo Buchser Daniel Burkhalter Jean-Pierre Blanchard Francis Devaud Michel Kaser Stève Bögli Jean-Pierre Fankhauser André Lardon Serge Carnal Georgine Gerber Tom Rossé Michel Garraux Fabrice Grossenbacher Stéphane Rossé Pascal Garraux Stève Guerne Philippe Rossé Pierre Gerber Christophe Luder Erwin Gigon Aimé Lüthi Marcel Girod André Neukomm Béat Grosjean Frédy Siegrist Heinz Horisberger Philippe Hostettler Roland Mornod Bernard Némitz Pierre-Yves Rothenbühler André Sprunger Pierre-Alain Stork Hans Wahli Yves

Sont généralement représentés dans les comités : les communes municipales, les communes bourgeoises, les exploitants agricoles et les propriétaires non-exploitants. Du fait de la fusion des communes de Pontenet, Malleray et Bévilard, la composition du comité de Centre – Vallée a subi d’importantes mutations.

Tabelle 16 Commissions d’estimation

Court Centre - Vallée Reconvilier-Tavannes

Présidence Schwab Jean-Pierre Carnal Jean-Bernard Lardon Serge Beer Francis Wirz Jean-Daniel Vice-présidence Sulzmann Jean-Louis Lüthi Marcel Secrétariat Geiser Frédy Rohrbach-Walthert Marisa Rohrbach-Walthert Marisa Rohrbach-Walthert Marisa Membres Abplanalp Michel Abplanalp Michel Beer Francis Beer Francis Lardon Serge Oppliger Nicolas Ganguin René Oppliger Nicolas Tramaux Emmanuel Wirz Jean-Daniel 42

4.3.6 MOMENTS CHOISIS DE LA VIE DES SYNDICATS, ENTRETIENS AVEC LES PRÉSIDENTS

Fils d’agriculteur, René Leuenberger est un grand serviteur de la com- munauté. Conseiller communal, officier fédéral de tir, organisateur infa- tigable de manifestations, il préside, depuis sa fondation, le syndicat Centre-Vallée des améliorations foncières.

Il raconte :

Ça m’a servi de ne posséder aucun m2 de terrain dans la Vallée ! Un des problèmes a été le nombre élevé d’intervenants dans cette aventure. On peut les diviser en deux catégories. Il y a les « pleins de théorie », c’est-à-dire les fonctionnaires intéressés dans le projet et les « pleins de pratique », autrement dit les agriculteurs. Et puis il y a aussi la lenteur du processus en raison du zèle parfois exagéré de certaines personnes éloignées de la réalité du terrain. Je me souviens être allé à Berne pour y rencontrer un décideur. Comme je lui disais, qu’à mon avis, on pouvait boucler l’affaire en une dizaine d’années, le fonctionnaire se leva de son bureau et il parcourut de la main deux rangées d’une étagère en me lançant : « Vous croyez ça, regardez-moi tous ces classeurs ! »

René Leuenberger J’ai pu vérifier l’importance de savoir maîtriser son impatience car si on Président du SAFICV brusque trop son interlocuteur il fait opposition et pendant trois mois (syndicat des améliorations ou plus il ne se passe plus rien. foncières de Centre-Vallée regroupant Valbirse et Loveresse). J’ai été assez fréquemment interpellé par téléphone mais aussi plus directement dans la rue. Peu de temps après ma nomination à la tête du SAFICV, le syndicat des améliorations foncières intégrales de Centre-Vallée, un agriculteur s’approcha de moi et m’asséna sans trop de ménagement : « Avec cette nomination, tu vas finir millionnaire ! » J’attends toujours ! Cette remarque un peu abrupte donne tout de même un éclairage sur ce que pensaient certaines personnes concernant la rétribution des présidents des syndicats. Un jour, une citoyenne de mon village qui voyait que des chemins se construisaient à travers les champs me dit que l’argent dépensé serait bien plus utile pour amélio- rer l’état des routes à l’intérieur de la localité. L’exercice consista donc à expliquer qu’il n’y avait pas de corrélation entre ces deux espaces. Parfois, même des conseillers communaux faisaient des confusions en pensant que l’argent des améliorations foncières pouvait être utilisé pour aider au financement de projets communaux. C’est ainsi que l’un d’entre eux souhaita obtenir une aide du syndicat pour la construction d’un chemin destiné à viabiliser des parcelles constructibles.

Occasionnellement j’ai été désarçonné par la répartie de quelques- uns. J’ai pris comme habitude de commencer à l’heure les séances que je convoque. C’est ainsi que, lors de l’une d’elles, je demandai à un président de bourgeoisie qui arriva avec quinze bonnes minutes de retard s’il possédait une montre japonaise. Il ne se laissa pas démon- ter par ma question et me lança, sous les rires de l’assistance, que je n’arriverais pas à Nouvel-An avant lui. Voilà une manière malicieuse de ne pas s’excuser !

Je ne me laissais pas non plus intimider. Un matin, je reçus le téléphone courroucé d’un employé du service de protection de l’environnement qui s’insurgeait contre le dégrappage de terre végétale, qu’il jugeait excessif, pour la construction en cours d’un chemin. Le ton était désa- gréable et j’aurais dû, pensait-il, m’effacer. Il fut désemparé par ma réponse : « Voyez-vous, nous sommes tous les deux de grands malades ; mais c’est moi qui vais vous prescrire, pour la durée d’un mois, les médicaments… histoire de réaliser le chemin ». Quand il me demanda si je le prenais pour un fou je lui rétorquai que non mais que je le considérais comme un malade qui ne comprenait rien aux améliorations foncières. Je ne sais pas si mon patient est guéri ! 43

Quelques actions déplaisantes sont, hélas, à mettre au crédit de quelques- uns. Pour se venger d’une condamnation après une plainte, un agriculteur déversa sur la haie de son voisin un sac entier de rumex. Pas de quoi calmer le différend qui les opposa. Un autre agriculteur entreprit, sans aucune autorisation, des travaux de captage d’eau alors qu’il aurait pu se connecter au résultat communal. Son entreprise se solda par plus de 10 000 francs de dégâts occasionnés à un chemin construit dans le cadre des améliorations foncières. Un autre encore, propriétaire de damassiniers, refusa de couper les quelques branches qui gênaient le passage d’une machine utilisée pour le bétonnage du chemin contigu aux arbres. Le machiniste passa outre l’interdiction et il coupa les branches encombrantes. Pendant la nuit qui suivit, l’agriculteur propriétaire des fruitiers marcha sur le chemin fraîche- ment bétonné. Les marques de ses pas vengeurs sont toujours visibles.

Agro-ingénieur ETS, Samuel Winkler est un défenseur convaincu des pay- sans. Aujourd’hui retraité, il fut conseiller agricole au Centre de formation et de vulgarisation agricole de Loveresse et il siégea au sein du conseil communal de son village de Reconvilier de 1987 à 1994. Dans ses fonc- tions il s’intéressa, dès le départ, au projet de remaniement parcellaire des communes de Reconvilier et de Tavannes. Pour ces raisons on le sollicita pour qu’il accepte de présider le syndicat précité. Il occupera la fonction de 1995 jusqu’à son départ, pour des raisons professionnelles, en 2004. Il fut remplacé par M. Daniel Buchser.

Il se confie :

Comme je ne possède pas de terrain agricole, je n’ai pas participé à l’as- semblée constitutive du SAFRT. Je n’étais donc pas non plus directement concerné par le projet. Un avantage qui m’a servi par la suite dans la conduite des affaires du syndicat. Revenons à l’assemblée constitutive ; les choses s’annonçaient mal. Les propriétaires fonciers, agriculteurs compris, étaient majoritairement opposés au projet. Ce sont les absents, considérés comme acceptants, qui firent pencher la balance en faveur du Samuel Winkler oui. Le comité, quant à lui, confirma rapidement la décision irrévocable Président du syndicat de l’assemblée et affirma que la seule issue raisonnable était de réaliser de Reconvilier-Tavannes ce qui était prévu. De leur côté, malgré leur opposition initiale, les agri- (SAFRT) de 1995 à 2004. culteurs virent rapidement quels avantages ils retireraient de l’opération. Plus spécialement avec la rénovation des chemins de desserte.

La nomination des membres de la commission d’estimation a provoqué une situation délicate et embarrassé le président que j’étais. Les statuts prévoyaient une commission de quatre membres ; trois furent nommés lors de l’assemblée constitutive mais, dans le même temps, la commune de Tavannes obtint l’accord de deux agriculteurs qui acceptèrent d’entrer dans cette commission. Etant donné que le comité refusa de porter de quatre à cinq le nombre des membres de ladite commission, je reçus le périlleux mandat de démissionner l’un des deux experts recrutés par la commune de Tavannes. Tout s’est finalement arrangé puisque, par la suite, la personne écartée accepta de présider la commission d’estimation de Court.

L’aspect financier de l’entreprise fut une source d’inquiétude malgré les garanties données.

Le probable dépassement des coûts du projet, devisé à 10,4 millions de francs, représenta la crainte majeure du monde agricole. Un oubli de poids renforça cette appréhension ; la TVA, nouvellement introduite en 1995, n’avait pas été prise en compte dans l’avant-projet soumis à l’assemblée de votation. Ce qui signifiait un dépassement programmé ! La direction technique recalcula le coût estimé en tenant compte des derniers éléments connus, TVA comprise. Le nouveau devis passa à 11 779 000 francs, soit une augmentation de 13 %. Après de vives discussions, le comité refusa une 44

proposition qui demandait de limiter le coût total à la somme initialement budgétisée. C’est cet événement qui justifia la création d’une commission financière chargée de suivre au plus près l’évolution des coûts.

Dès la première année la N16-Transjurane versa des acomptes importants sur sa participation financière de près de cinq millions de francs. Par la suite s’y ajoutèrent les sommes payées par les membres du syndicat et par les deux communes. Notre tâche fut de gérer ces fonds de manière judicieuse en cherchant à obtenir les meilleurs rendements et la sécurité des placements. Notre caissier qui exerçait au sein de la SEGECA, une société fiduciaire spécialisée dans la comptabilité et le conseil fiscal pour les agriculteurs, fut la personne compétente pour nous conseiller. A cette époque il était encore possible de faire des placements rémunérateurs. Clairvoyant, le comité confia la gestion de ces capitaux au caissier et au président du syndicat avec la collaboration de la commission financière nouvellement créée. Malgré des rendements très intéressants, quelques membres du comité, très minoritaires heureusement, remettaient régu- lièrement en question la politique de placements des responsables. J’ai observé, avec un certain amusement, que si ce n’est pas facile de gérer des dettes c’est bien plus compliqué de gérer une fortune financière ! Par la suite, le syndicat accepta de prêter une somme importante au Foyer pour personnes âgées de Reconvilier dans le cadre d’un contrat à durée limitée. Le risque de perdre de l’argent dans cette opération était négli- geable car l’institution appartient à un syndicat de communes. Notre déci- sion qui consistait à prêter de l’argent à un établissement public se révéla être une solution gagnant-gagnant.

Comme l’argent était là, le syndicat décida d’anticiper la rénovation des chemins d’accès aux fermes dont les tracés ne seraient pas remis en ques- tion par le remembrement. C’est ainsi qu’entre 1999 et 2004, une dizaine de chemins ont été refaits. La conduite des chantiers se fit sous la surveil- lance experte du vice-président Frédy Allemann. Le choix du revêtement, béton ou bitume, rassembla le même nombre de partisans ; cette égalité m’obligea à trancher. Je choisis le bitume. Toutefois, à titre d’essai, nous décidâmes, en accord avec un agriculteur concerné, de construire un che- min en béton. A ma connaissance il constitue toujours l’unique exemplaire de ce type et l’un des seuls dans toute la Vallée de Tavannes.

Pose d’un tapis noir. 45

Un autre problème inattendu survint avec le retard du calcul de la cote des sols, un outil sans lequel la commission d’estimation ne pouvait pas travailler. L’ingénieur jurassien mandaté en 1996, ne put pas, en raison de problèmes personnels, fournir à temps cet élément indispensable. Finalement, pour avancer, il fut nécessaire de le dessaisir du dossier et de choisir un autre bureau d’ingénieurs. Ce n’est qu’en 1999 que la com- mission d’estimation put, avec plus d’une année de retard, commencer son travail. On ne soulignera jamais assez l’importance et la qualité du travail effectué par les membres de la commission d’estimation. Cette commission a fourni, en étroite collaboration avec la direction technique, les bases essentielles à la réussite du projet.

Toutes les mesures écologiques proposées n’étaient pas du goût du comité si bien qu’il s’opposa a certaines d’entre elles qu’il jugea exagé- rées ou inadéquates. Nous pensions aussi qu’il était important que nous soyons associés à la planification et à l’exécution des travaux. Nous nous sommes aussi opposés à la construction de l’aire de repos de Reconvilier étant donné qu’une autre était prévue, non loin de là, à Court. Finalement cette opposition fut retirée après l’abandon de l’aire de repos de Court. Une autre opposition fut également déposée ; elle concernait l’entretien des ouvrages de compensation écologique. Initialement il était prévu de payer une indemnité forfaitaire unique à chaque propriétaire du terrain concerné lequel n’était souvent pas un exploitant agricole. Notre action n’a pas été vaine puisque nous avons obtenu des services cantonaux compétents le réexamen de cette disposition et la garantie du finance- ment sur la durée de cet entretien en association avec les exploitants des terrains concernés.

Pour compenser les pertes dues à la construction de la N16-Transjurane et aux ouvrages de compensation écologique, le syndicat avait un besoin en terres estimé à six hectares. Sa bonne fortune fut qu’il put acquérir les surfaces de deux exploitants arrivés en fin de carrière. Cette aubaine lui permit de devenir propriétaire de 5,8 hectares, soit assez exactement les besoins estimés précédemment par la direction technique.

En raison de nouvelles attributions professionnelles, mon lieu de travail s’est progressivement déplacé de Loveresse à Zollikofen. Fréquemment absent de la région, j’ai dû me résoudre à abandonner la présidence du syndicat le 30 juin 2004. M. Daniel Buchser, conseiller municipal à Reconvilier et membre du comité du SAFRT, donc parfaitement informé, put reprendre la fonction dans les meilleures conditions.

En conclusion, je dirai que j’ai eu beaucoup de plaisir et de satisfaction à présider le SAFRT. Malgré des discussions parfois très vives et des enjeux souvent importants, je n’ai jamais été attaqué personnellement. Je suis très reconnaissant envers les personnes et les organismes qui, avec leurs qualifications respectives, m’ont apporté leur soutien dans la conduite de mon action. Je veux citer en particulier MM. Frédy Allemann, Pierre Risler, Serge Lardon, Jean-Daniel Waelti, Maxime Chappuis, le comité du syndicat, la commission d’estimation, la fiduciaire SEGECA. 46

Daniel Buchser habite Reconvilier depuis trente-cinq ans. Il est expert fiscal au service de l’administration cantonale bernoise, spécialisé dans la fiscalité agricole. Il a conservé un fond paysan en exploitant, à côté de sa profession, une petite exploitation d’estivage. Pendant vingt ans, il fut conseiller communal. Il mit aussi ses compétences au service de diverses institutions et commissions : le home La Colline de Reconvilier, le syndicat des eaux de SESTER (Sonceboz, Tavannes, Reconvilier), la commission de la piscine de l’Orval. Depuis 2004 il préside le SAFRT, le syndicat des améliorations foncières de Reconvilier et Tavannes.

Il parle de son expérience à la tête du SAFRT :

Quand, en 2004, Samuel Winkler se retira de la présidence du SAFRT, je repris la tête d’une association que je connaissais parfaitement car, avant d’occuper ma nouvelle fonction, j’étais déjà membre du SAFRT comme représentant de la commune de Reconvilier depuis sa création. Je me souviens qu’au début de la vie du syndicat les choses furent difficiles en raison d’une forte opposition au projet. Mais bientôt, avec la compréhen- sion de ce qui allait se passer, les mentalités évoluèrent et l’adhésion au projet se renforça. Dans mon travail, grâce à une très bonne collaboration Daniel Buchser avec la direction technique et avec les autres intervenants la tâche me Président du SAFRT (syndicat parut plus légère. des améliorations foncières de Reconvilier et Tavannes) depuis 2004. Bien sûr nous avons rencontré quelques problèmes mais, fort heureu- sement, tous ont pu se régler à l’interne. Nous n’avons pas eu besoin de recourir à la médiation ou à l’arbitrage d’instances cantonales. Ce fut par exemple le cas pour l’adjudication des travaux car une entreprise extérieure à la région proposait un meilleur prix que celui d’un consor- tium local. Finalement nous pûmes privilégier les entreprises de chez nous grâce à la règle des 3 % qui veut que quand l’offre la plus chère ne dépasse pas de plus de 3 % l’offre la moins chère on peut adjuger sur la base de la préférence. Cette décision apporta son lot de critiques venues de personnes extérieures au comité du syndicat. Nous avions considéré qu’en dehors du prix il fallait également apprécier les conséquences posi- tives d’une adjudication sur l’emploi de notre région. Nous n’avons jamais eu à regretter notre décision car le consortium a fourni un travail très professionnel à un prix intéressant et sans facturer de renchérissement.

La gestion du pactole financier de cinq millions de francs qui arriva dans nos caisses sitôt après la création du syndicat concentra toute notre atten- tion et notre prudence. Il n’y avait pas de place pour la légèreté ou pour la témérité dans les placements que nous avons effectués. Nous avons eu la bonne fortune de réaliser d’importants profits qui ont permis la réalisation de travaux supplémentaires.

La construction de la N16-Transjurane entraîna une perte importante de surfaces agricoles. Pour permettre aux exploitants de retrouver plus ou moins la même superficie nous avons entrepris la délicate démarche qui consistait à convertir des surfaces de pâturages en SAU. Malgré la réti- cence initiale des autorités cantonales et fédérales et le préavis négatif de la commune concernée nous avons réussi, en nous rendant sur place, à infléchir leurs positions. L’excellent dossier préparé par le bureau Le Foyard et notre ténacité furent récompensés par l’approbation complète et sans réserve de notre projet. Ce fut également une excellente nouvelle pour les agriculteurs.

C’est dans la même logique que nous avons acquis des terrains de masse principalement auprès de petits exploitants qui quittaient l’agriculture et de petits propriétaires privés. Avant l’attribution des terres nous avons établi une convention de location avec la paroisse de Tavannes, les bour- geoisies et municipalités de Reconvilier et Tavannes. Cette démarche a permis de faciliter le regroupement des parcelles nouvellement attribuées et d’obtenir une satisfaction pratiquement générale des exploitants agri- coles lors de la prise de possession des nouvelles terres. 47

Il arrivait que des agriculteurs cherchent à court-circuiter l’action du syndicat en s’approchant à notre insu de propriétaires dont ils espé- raient obtenir quelque avantage mais, fort heureusement, pratiquement sans succès.

Dans le catalogue des satisfactions, j’en retiendrai deux. La desserte de la nouvelle ferme Erb à Tavannes fut une réalisation qui supprima le danger du trafic agricole dans le secteur des écoles et les désagréments occasionnés aux habitants d’un quartier du village. Les travaux achevés, l’exploitant reconnaissant convia la population, le comité du syndicat et la direction technique à une fête champêtre qu’il organisa dans sa ferme. La ferme Scheidegger à Reconvilier était souvent inondée, ce fut notam- ment le cas lors des intempéries de 2007 quand le ruisseau en crue tra- versa le rural de part en part. Avec la participation des améliorations structurelles, de la commune de Reconvilier, de la N16-Transjurane et du SAFRT d’importants travaux de réaménagement du ruisseau et le dépla- cement du rural permirent de remédier à ce type de catastrophe et à la famille Scheidegger de ne plus redouter les orages.

Pour conclure ?

Le projet d’une amélioration foncière intégrale dans les trois syndicats était une opportunité qu’il fallait saisir. En cas de refus un remaniement aurait été de toute manière opéré dans le secteur de la N16-Transjurane. Mais comment ?

Quand on s’occupe d’améliorations foncières on devient subitement l’une des pièces d’une grosse machine. Tout fut harmonisé avec la direc- tion technique, la N16-Transjurane, les communes, les propriétaires, les exploitants, les bourgeoisies, les paroisses, les offices cantonaux pour que la machine avance. Aujourd’hui on aurait de la peine à se passer de ce qui a été réalisé. On est maintenant dans la phase où il faut terminer : remettre les ouvrages aux communes, payer les dernières factures, établir le décompte final.

Maître-agriculteur, ancien maire de Tavannes, membre du comité cen- tral de Suisseporcs, anciennement actif dans les organisations agricoles romandes, président des assemblées communales, membre du conseil de bourgeoisie, un des initiateurs de la Fondation rurale interjurassienne, président émérite du comité de la Fête des saisons pendant plusieurs années, actif dans des aides humanitaires à la Roumanie, René Eicher est une personnalité généreuse dont on réclame les compétences.

Ecoutons-le :

Pour des raisons d’équité et de clarté, je ne pouvais bien évidemment pas prendre de mandat dans le syndicat de Reconvilier-Tavannes où j’avais des intérêts en tant qu’exploitant. C’est à la demande du maire de Court de l’époque, Jacques Mistelli, que j’ai accepté de mettre mes connais- sances à disposition de ce syndicat. N’habitant pas le village, de nature conciliante, rompu à ce type d’exercice, je pouvais garantir une parfaite neutralité dans la conduite des affaires. Au départ, l’idée était de réunir Court et Centre-Vallée. Ce modèle fut rapidement abandonné en raison de la situation géographique particulière de Court et de la présence, entre les deux ensembles, du village de Sorvilier qui avait pratiquement achevé son remaniement avec la construction du pont qui chevauche la voie de chemin de fer. René Eicher Président du SAFIC (syndicat La commune de Court présente une position tout à fait particulière ; elle des améliorations foncières se trouve à l’extrémité est de la Vallée bloquée par la cluse qui conduit de Court). de Court à Moutier. Les terres agricoles y sont plus rares que dans les autres syndicats. Ce qui explique, selon mon appréciation, pourquoi les 48

Courtisans sont si fortement attachés à leur patrimoine. Autre particula- rité : le syndicat de Court est le plus petit des trois avec un nombre élevé de propriétaires qui possèdent surtout de petites parcelles. La majorité d’entre eux ne sont pas des agriculteurs.

Quand j’ai pris la charge, il fallait définir quelle serait ma philosophie pour mener à bien le mandat qu’on m’avait confié. Savoir écouter, être patient (il est urgent d’attendre), être un facilitateur, identifier les objectifs principaux et alimenter ma volonté de réussir conduiraient mon action.

Dans un premier temps et, d’entente avec mes collègues du comité, je me suis attaché à reconnaître et à protéger les exploitations qui avaient un réel avenir de durabilité. Indépendamment de mon analyse, pour établir cette évaluation, il était indispensable de connaître les intentions des agriculteurs et la vision qu’ils avaient de leur avenir.

J’avais aussi le dessein de limiter le plus possible les interactions entre les activités agricoles et les activités non-agricoles ; je savais que ces interactions occasionnent des conflits. Même si c’était ambitieux, il me tenait à cœur de maintenir l’harmonie entre les personnes vivant dans un même environnement. Dans ce domaine, l’extraction du village de la ferme Rossé a été l’entreprise la plus spectaculaire. J’y reviendrai.

J’avais observé que, dans cette localité, on trouvait ce que j’appelle des trous verts. Autrement dit des surfaces vertes, arborées ou non, qui entou- raient certaines villas. Pour freiner l’extension des constructions sur les terres agricoles, assez rares à Court, on pouvait, dans mon idée, utiliser ces trous verts pour y bâtir des maisons.

La grande aventure, si l’on peut dire, a été d’abandonner la ferme Rossé située au centre du village et d’en édifier une nouvelle, au droit, au lieu-dit les Ronds Peux, un emplacement où l’agriculteur exploitait une partie de ses terres. A l’origine de ce remue-ménage il y avait un projet de Michel Rossé qui voulait construire sur le site dont il était propriétaire. J’avais acquis la conviction que la proximité immédiate de deux autres proprié- taires et les nuisances du trafic agricole renfermaient les conditions d’un conflit potentiel. En concrétisant ce déménagement on élimina tous les problèmes qu’aurait immanquablement produits le projet initial. Avec, en prime, une solution inespérée et une situation très nettement améliorée pour l’exploitant.

L’aspect financier d’une telle entreprise pouvait conduire à des bagarres et à des désordres de toutes natures. Fort heureusement quand, après négociation, la Transjurane accepta de payer une part des frais, les choses se décidèrent plus facilement et on put avancer à un bon rythme. Et ceci sur l’ensemble des périmètres traversés par la route nationale.

Dans ma pratique, je ne voulais pas que les procédures ouvertes freinent l’avancement des travaux. Avec mes collaborateurs nous y avons assez bien réussi. Evidemment il reste toujours un cas difficile ou l’autre. Un conflit majeur est monté jusqu’au Tribunal fédéral où l’opposant-plai- gnant-recourant a finalement été débouté ; une perte de temps et d’argent qui était inutile. Aujourd’hui, on constate que cette œuvre a permis d’as- sainir plusieurs ouvrages vicinaux qui servent une agriculture qui s’adapte à la modernité.

4.3.7 CHEF DE PROJET, NOTAIRES

Pour la première fois, on lança des soumissions. Jusqu’alors, ce type de travaux était attribué par l’assemblée du syndicat qui nommait un ingénieur. En la circonstance les entreprises soumissionnaires reçurent un cahier des charges très détaillé. Le prix, les solutions proposées, les aptitudes du chef de projet et le calendrier furent bien évidemment des 49 facteurs prépondérants pour adjuger les travaux. C’est le bureau d’ingé- nieurs Sigeom SA de Moutier, spécialisé dans la conduite des améliora- tions foncières, qui fut mandaté par les trois syndicats, d’entente avec les conseils communaux concernés, pour mener à bien les projets. Sigeom SA bénéficia de la collaboration des bureaux ATB de Moutier et PAN de Bévilard pour les projets et la surveillance des travaux de construction des ouvrages. Les travaux d’étude et le suivi des mesures écologiques furent confiés au bureau Le Foyard Sàrl de Bienne spécialisé dans la recherche de solutions à des problèmes environnementaux. En confiant cette tâche à un nombre restreint d’entreprises on garantissait une même philosophie dans la direction des travaux et une vue d’ensemble sur l’affaire.

A l’époque, la mensuration officielle qui sert de base à toute la procédure d’une amélioration foncière était encore, pour l’ensemble des terres agri- coles des périmètres concernés, conservée sous la forme de plans cartons à des échelles variant du 1:500 au 1:2000. Leur adaptation par numérisa- tion, complétée par des prises de vue aériennes, a permis d’obtenir un ensemble cohérent d’informations selon la nature de la couverture du sol et la forme du paysage.

Dans le cahier des charges prescrit aux entreprises on trouve notamment les obligations suivantes :

– Etablir un projet général du réseau des chemins, des autres ouvrages, des assainissements, des mesures écologiques et arrêter un devis glo- bal de l’entreprise. – Collaborer avec la commission d’estimation lors des négociations avec les propriétaires et les organismes de protection de la nature et du paysage. – Fournir un appui technique à la commission d’estimation. Principalement dans l’estimation des terres et leur nouvelle répartition pour les exploi- tations agricoles établies dans le périmètre. – Procéder aux marquages des nouvelles limites pour l’entrée en posses- sion du nouvel état. – Avec la collaboration des notaires des remaniements, recenser les servi- tudes inscrites dans l’ancien état et procéder à leur épuration afin de les adapter aux nouvelles parcelles. Les servitudes, les charges foncières, les annotations et mentions furent adaptées à la nouvelle situation par les études de Me Pierre Comment, Me Boris Hunsperger et Me Bernard Stucki notaires à Moutier, Reconvilier et Tavannes. – Elaborer des dossiers relatifs aux déplacements des limites de souveraineté. – Etablir avec la commission d’estimation les tableaux de la répartition des frais restants à la charge des propriétaires selon les principes des avantages et de l’estimation des plus-values et des moins-values. – Procéder à l’abornement des nouveaux points limites et exécuter la nouvelle mensuration. – Informer et assister de manière optimale le maître d’œuvre et les organes du syndicat. 50

4.3.8 ESTIMATION DES TERRES ET RECENSEMENT DE L’ANCIEN ÉTAT

Figure 7

V 

G 8

5 48

2

   532 10 533 55 549 55  486 70   535 .B#TRKG 75  537 60 489 547 65 55  536 50 539 70 538 65 491 65  546

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(25) Travailterrain surle lesur terrainTravail De la cote du sol à l'estimation des terres des l'estimation à sol du cote la De 51

Les travaux qui conduisent à l’estimation des terres obéissent à une procédure bien rodée. Actuellement la précision scientifique permet une estimation des terres qui repose sur des bases solides et qui élimine les prétentions subjectives. C’est la cote du sol qui constitue la base de la valeur d’estimation des terres. Les bureaux Geotest (Werner Rohr) de Zollikofen, RWB de Porrentruy et Michel Friedli de Fontenais reçurent la délicate mission de fournir cet inventaire fondamental qui reflète la fertilité naturelle des sols et ses possibilités de rendement. Ce sont les particularités de l’emplacement et les profils des sols qui servent d’in- dices pour établir un classement : l’hydrologie, la profondeur, la structure, l’aération et la chimie furent notamment prises en considération dans une échelle de 0 à 100. Les meilleures cotes dépassent 80, les plus mauvaises sont inférieures à 30. C’est une valeur qui ne peut être comparée ni à la valeur de rendement, ni à la valeur officielle, ni à la valeur vénale.

Il s’agissait ensuite d’apprécier les autres éléments qui influencent l’ex- ploitation des terres au moyen d’un système de déductions apportées à la cote du sol. C’est ainsi que, par exemple, furent évaluées l’altitude, la pente, la praticabilité, l’ombrage, les zones gélives ou les servitudes des différentes parcelles. Ce fut le travail de la commission d’estimation. La valeur d’estimation des terres résulte des deux mesures précitées.

Pour garantir le principe d’une réelle compensation les valeurs d’estima- tion ont été fixées de manière à ce que des terrains de qualité semblable puissent être échangés entre eux. L’estimation des terres fait l’objet d’un dépôt public.

Ce travail accompli, on appliqua à l’ensemble des propriétaires inclus dans le périmètre une déduction générale de 2 % à 3 % des valeurs qu’ils possédaient. Cette déduction fut destinée à couvrir les besoins des syn- dicats pour la construction des installations communes comme les nou- veaux chemins ou les drainages mais aussi à permettre la création des compensations écologiques et à faciliter la nouvelle répartition des terres. Ce ne fut pas, comme on le dit parfois, une expropriation mais la consti- tution d’une réserve adaptée aux besoins des syndicats. Avec ce qui ne fut pas utilisé on constitua des parcelles de masse.

A noter que les plus-values et moins-values non comprises dans l’esti- mation des terres comme la présence d’arbres fruitiers, de bois sur pied, de lignes de téléphone ou de poteaux électriques furent calculées après Diversité de la structure des sols. la nouvelle répartition des terres. 52

4.3.9 ANALYSE DES EXPLOITATIONS AGRICOLES DES TROIS SYNDICATS AU DÉPART DU REMEMBREMENT

SAFIC pour syndicat d’Amélioration Foncière Intégrale de Court, SAFICV pour Syndicat d’Amélioration Foncière Intégrale de Centre-Vallée, SAFRT pour Syndicat des Améliorations Foncières de Reconvilier et Tavannes. Les chiffres mentionnés ci-après sont tirés des rapports agricoles établis par les commissions d'estimation.

Tabelle 17 Grandeur des exploitations et intégration dans le périmètre, situation en 2000

SAFIC SAFICV SAFRT

5WRGTƂEKGFCPUNGRÅTKOÄVTG 400 ha / 66 % 635 ha / 70 % 607 ha / 68 %

5WRGTƂEKGJQTURÅTKOÄVTG 230 ha 136 ha 285 ha

Nombre d’exploitations 15 26 19

SAU moyenne 32,09 ha 22,50 ha 24,84 ha

SAU > 30 ha 8 exploitations 5 exploitations 4 exploitations

SAU 20 – 30 ha 2 11 11

SAU < 20 ha 5 10 4

Les exploitants connaissaient des conditions d’exploitation bien diffé- rentes ; si les mieux lotis pouvaient se concentrer sur une dizaine de parcelles, d’autres, très désavantagés se dispersaient sur plus de 60 parcelles. Selon la situation, pratique ou inconfortable, on comprend aisément les gains ou les pertes en temps, en kilomètres, en rentabilité, en dérangement, en efficacité, en tout.

Dans les trois syndicats, le nombre de parcelles exploitées était inférieur au nombre de parcelles répertoriées dans le cadastre. Cette anomalie s’explique par les échanges à l’amiable opérés par les agriculteurs. Si ces arrangements ont facilité l’exploitation des terres, ils ont singulièrement embrouillés les teneurs du cadastre qui ne s’y retrouvaient plus avec des bornes déplacées, ôtées, enterrées. Les exploitants eux-mêmes patau- geaient dans ce désordre. Une mise à jour s’imposait !

Dans le SAFIC, la SAU moyenne de plus de 32 hectares est comparable à celle des exploitations du Jura bernois mais elle est nettement supérieure à celle des deux autres syndicats de la Vallée.

Production animale. La production laitière domine ; quelques exploita- tions élèvent des porcs, des moutons ou des volailles. Quelques-unes ont des vaches allaitantes ou gardent des génisses en estivage. Les contingents laitiers les plus importants dépassent les 300’000 kilos annuels.

Production végétale. Dans le périmètre, on recense globalement un tiers de terres ouvertes, un tiers de prairies artificielles, un tiers de prairies naturelles. Le gros des terres ouvertes produit des céréales panifiables ou fourragères et du maïs. La betterave et la pomme de terre restent des productions marginales.

Situation familiale. C’est parmi les 40-60 ans que l’on recensait le plus grand nombre d’exploitants, soit le 64%. Une partie de ceux-ci sont main- tenant retraités et, à l’époque, l’effectif de remplacement était inférieur aux besoins. C’est encore vrai aujourd’hui. A cet appauvrissement dû à l’âge il faut ajouter que près d’un quart des chefs d’exploitation étaient 53

sans successeur. Indépendamment des autres facteurs responsables, la diminution du nombre des exploitations était donc programmée par ce seul aspect successoral. La pérennité des exploitations si chère aux familles paysannes était déjà compromise, parfois perdue.

D’une manière générale, on a observé que la confiance dans l’avenir d’une exploitation était directement associée aux équipements et à la localisa- tion des exploitations. Les exploitants situés à l’extérieur des localités et possédant des bâtiments modernes et des équipements rationnels étaient optimistes quant à la survie de leur exploitation ; les autres paraissaient résignés face à une situation qui entraînerait leur disparition à court ou à moyen terme.

Condition de la propriété. Sur les 58 exploitations recensées dans les trois périmètres, 8 seulement étaient tenues par des fermiers. Dans le Jura plissé, les vallées présentent un versant au droit et un versant à l’envers. Il fallait veiller à ce que les exploitants retrouvent, après remaniement, une situation parcellaire semblable à celle qu’ils abandonnaient.

Etat des bâtiments. L’état des bâtiments est une image qui se lit de manière très concrète dans le paysage agricole. Ici et là, des installations modernes tranchaient avec des bâtiments mal entretenus et flanqués par- fois d’annexes improbables. Le mauvais état de ces constructions dégra- dées ou peu soignées n’était pas forcément lié à la fortune des exploitants mais plutôt aux perspectives qu’ils entrevoyaient. A quoi bon investir dans un bien appelé à disparaître ? Dans les insuffisances constatées plusieurs fermes vétustes ne disposaient pas de fosses à purin d’un volume suffi- sant, d’autres ne respectaient pas les prescriptions légales en matière de protection des animaux. Depuis, grâce à l’achèvement des améliorations Ferme du XVIIe siècle foncières et la construction de nouveaux bâtiments agricoles, la vision imbriquée dans un quartier s’est transformée et on est étonné de voir dans le paysage, en dehors d’habitation à Tavannes dont la partie rurale a été des villages, des ouvrages audacieux, flambant neufs, rationnels. Sans sortie du village. compter le confort qu’ils apportent aux familles exploitantes. 54

4.3.10 COMMENTAIRE

Indépendamment de l’impulsion donnée par mise en œuvre des amé- liorations foncières, le réaménagement global des entreprises agricoles était devenu urgent. Les fermes exploitées à l’intérieur des localités étaient étranglées par le manque de place et souvent mal acceptées par une population indisposée par des nuisances : trafic d’engins bruyants et imposants, souillure des routes par les animaux ou les véhicules.

La nouvelle politique agricole, celle de 2002, risquait de fragiliser encore plus le monde agricole. La situation économique des exploitations de la Vallée, comme celle des autres régions, allait se péjorer en raison, notamment, des coûts de production élevés et de la baisse des prix annoncés. A l’époque, on se risqua à imaginer l’évolution probable de l’agriculture dans notre région. On estima que le nombre total des exploi- tations diminuerait de moitié, que deux tiers de celles qui commerciali- saient le lait disparaîtraient et que la moitié des exploitants passeraient à une production animale extensive (élevage de jeune bétail, de vaches allaitantes, de chevaux, de moutons, de chèvres, etc.) et qu’ils diver- sifieraient leurs activités avec des accueils à la ferme, des prestations touristiques, des travaux pour des tiers, la recherche de revenus non agricoles. Qu’en est-il aujourd’hui ? Ces perspectives sont-elles devenues la réalité ? Si la tendance a été confirmée, la diminution du nombre des exploitations n’a heureusement pas connu l’effondrement redouté. Cette bonne nouvelle s’explique ; les exploitations familiales sont très flexibles et elles s’adaptent rapidement aux nouvelles habitudes. Elles cherchent et trouvent des sources de revenu à l’extérieur de la ferme.

On le voit, à l’époque, l’agriculture était prise dans une tempête qui allait bousculer ses habitudes. La politique agricole, les pressions politiques, la construction de la N16-Transjurane, les améliorations foncières, la libéralisation des échanges, l’évolution de la société s’étaient coalisés, sans le savoir, pour matérialiser cette réforme. Aujourd’hui, si le niveau d’alerte a été rétrogradé, il reste élevé. Bientôt, probablement, d’autres entreprises transformeront ou feront évoluer l’agriculture ; ici et partout.

En 2000, le bureau technique et la commission d’estimation prévoyaient que sur le total des 58 exploitations recensées dans les trois syndicats 31 avaient de vraies perspectives de durabilité ; les 27 autres avaient un avenir incertain ou disparaîtraient avant la fin du remaniement.

4.3.11 RECENSEMENT DES VŒUX

Les journées des vœux suivirent l’estimation des terres. On définit un vœu comme étant un souhait très vif de voir se réaliser quelque chose. Ce fut un facteur d’orientation non contraignant apporté au projet de nouvelle répartition des terres qui suivit. Ce furent des journées domi- nées par les émotions. On y sentait aussi de l’inquiétude ; quelque chose qu’on croyait immuable allait changer, on pensait qu’on allait y perdre probablement, y gagner peut-être. Il fallait donc, comme on dit, étu- dier la situation, savoir exactement ce que l’on voulait, avoir un plan B, accepter de ranger dans l’histoire certaines habitudes et d’en imaginer de nouvelles.

La commission d’estimation et la direction technique convoquèrent indi- viduellement chaque propriétaire. D’autres personnes intéressées telles que les conjointes ou les conjoints, les enfants susceptibles de reprendre le domaine, les fermiers purent s’associer à ces rendez-vous d’impor- tance. Les associations régionales actives purent également s’exprimer. Ces journées permirent en plus de procéder à une évaluation des besoins particuliers des propriétaires et de fournir à chacun des explications com- plémentaires quant au déroulement des opérations qui suivraient. 55

4.3.12 PROJET D’UNE NOUVELLE RÉPARTITION DES TERRES ET DÉPÔT PUBLIC

La direction technique (DT) et la commission d’estimation (CE) éta- blirent un premier projet d’une nouvelle répartition des terres sur la base des journées des vœux et sur les principes de la nouvelle réparti- tion. Un catalogue d’une quinzaine de règles permit de l’accommoder. Retenons celles-ci :

– Sauf accord du propriétaire, la surface nouvellement attribuée ne devait pas présenter une différence de plus ou moins 10 % par rapport à celle de l’ancien état. – Les vœux exprimés furent considérés comme un facteur d’orientation. – Le centre de gravité des terres de chaque propriétaire dans l’ancien état fut pris en compte. – On visa un regroupement maximum autour d’un centre d’exploitation. – On se préoccupa de la réduction du trafic agricole. – Des situations au 1:5000, au 1:2000, parfois aussi au 1:1000 furent éta- blies en fonction des projets à réaliser. – Le registre de l’état de propriété. – Les dispositions générales concernant les servitudes et le registre ad hoc. – Un rapport explicatif complété par des fiches de mesures. – Tous les baux à ferme furent résiliés. – Les compensations écologiques furent incluses dans les critères des nouvelles attributions. – La commission d’estimation présenta un prix de location souhaité des terres et demanda aux propriétaires de s’y conformer.

Cette première mouture fut discutée avec les propriétaires convoqués individuellement. Ensuite, la DT prépara le projet définitif avant de le pré- senter aux offices intéressés du Canton et de la Confédération. C’est après cette étape que les syndicats reçurent l’autorisation de mettre à l’enquête publique ce vaste dossier. On y trouve (exemple de Centre-Vallée) :

– Le registre de l’état de propriété sur l’extension du périmètre. – La modification de l’estimation des terres. – Les principes de la nouvelle répartition.

Après les émotions des journées des vœux, voici que se présentait l’épi- logue redouté par certains. Ce fut parfois le choc, occasionnellement la surprise ou la stupéfaction. Ce moment délicat dépassé, la discussion put s’engager pour adapter le projet ou s’y opposer. Et, dans ce cas, poursuivre une action harassante dans le labyrinthe des séances de conci- liation ou des procédures juridiques. 56

4.3.13 PRISE DE POSSESSION DES NOUVELLES PARCELLES

Figure 8

AF Court / Nouvel état

50.26

DS 182.02 244.01 192.01 104.01 59.01 235.01 78.01

44.04 174.01 5 128.01

51.47 187.03 238.10 187.02 51.48 202.01 51.45 185.01 163.01 13.01 26.01 154.02 58.01 138.01 156.02 51.43 154.01 110.01

126.04 156.01 44.02 223.02 51.46 71.01 51.42 89.01 51.11 54.01 51.44 245.02 245.01 143.01 246.01 152.01

19.01 90.01 90.02 50.3

23.01 51.18 227 51.05 51.06 51.10

51.07 3703.03 57.02 56.01 57.01 51.14 53.01 corr tax 197p 80.01 164.01 119.02

51.65 corr tax 278p 241.01 189.01 51.23 114.01 172.01 91.01 48.01 74.01 2 2 2 200.011 181.01 3 95.01 61.01 9 . 157.01 . 1 0 39.01 226.01 2 0 modif tax 8 1 0 1 70.01 44.01 1 194.01 232.01 7 191.01 0 131.01 4 . . 0 0 9 64.01 226.02 0 1 2 . 6 0 51.27 40.01 . 34.01 47.01 0 1 9 3 184.01 51.13 1 5 . 0 0 194.02 130.01 2 1 5 modif tax . 240.01 7 0 1 1 50.38 . 0 1 118.01 2 .0 6 218.01 9 51.22 239.01 49.01 51.26

modif tax 151.01 143.02 95.02 50.35 51.25

p 5 6 +

1 51.24 96.01 .0 51.57 1 0 1 : 5000 57

Figure 9

AF Centre Vallée / Nouvel état

85.26 88.31 85.25

116.02 88.32 6.03 251.07 7 24.02

251.09 5.01

117.01 8.05 3.17 151.01 7 650 167.01 3.16 1 650 3.05 6502.1 78.04 650 6503.04 6502.08 42.01 251.08 1 88.30 75.02 359.17 186.01 228.01

222.02 99.01

88.34 88.36 114.02

222.01 41.01

114.01 88.38

1

8

5

. 0

1 38.01 88.05 219.01 133.01

88.39 18 67.02 1 47.02 0 . 178.01

4 88.37 6

88.21 46.06 366.01

88.22 233.01 163.0 359.18 31.01

1 305.02 8 . 235.01 0 1 45.02 01 231.01 88.40 88.07 88

2 1 .4 8 359.19 132.01 101.01 8

235.03 88.41 328.01

277.01 6501.04 44.02 44.05 88.06 88.35

44.04

45.01

237.01 44.03 83.05 359.16

231.03 47.01 88 01 1 : 5000 58

Figure 10

AF Reconvilier-Tavannes / Nouvel état

1

136.21 57.01

218.01 167.01 166.01 .01 168.02

184.03 129.01

137.46 204.10 137.47

136.17 68.02 53.01 137.56 81.02 112.02 94.05

137.45 137.44

137.01 150.01 152.01 137.71 150.03 3 137.33

150.02 94.01

184.01 113.01 68.01 112.01 137.57 6.01 5.01 237.01 98.01 96.01 202.01 137.12 2 .0 137.31 94.03 94.02 5 199.01 189.01 237.02

138.02 1 0 149.01 187.01 4 . 137.32 0 1

136.01 137.34 137.10 138.01 108.01

184.02 234.01 137.59

137.35 137.43 54.01

108.02 137.65 35.01

109.01

3 0

02. 0 63.02 1

56.01

137.55

1 : 5000 59

Figure 11 Exemple du remembrement d’une exploitation agricole à Pontenet.                         1721                                                                           

         1719   

  

       1810                          1809          1811        1 : 50001 :                 1808       1718                  1807         1720          1806         1805                                                                          1803        1717 

           

 1804  

1734    



1754    1757                1756  1755         Ancien état - 48 parcelles étatAncien - parcelles 5 - état Nouvel d'exploitation Centre            1758  1715 1716       466  LEGENDE   1753 



 



 





 9 5 7 1714 1

 

   

1742

 1735

9 3 1733

 7 1

 



1713 



   

    

  0

 1752

  4



7 8  451 1760  479

452



 1 3    1751 1736 



 7



 1         450 1712     1790    1737

    

    454     

    

    

   453    1743     





449



 

 

      

448  476    475 

477       478

  

   1741    516  1750    474 473 447     480 444   

     466  441     472 446     

 515

443   1761 440 1784    471     445  1749   442  439             470    469 468             437 467      

  

 

1748

  438 

  



 

 





 

465 

 464

  

  

 

 511 



 

 

1762    432

 514   433

 

 1763   463  509

 

430

  1746  1778  436  462 





521 4 





3   508



 4  

   519 431 1745    435 

   

461   506

 539 

 538 460  507 520   

 510  

 





512

 513 

  

  

  429    426  459 517  427 422       457     496 543    518  456 495 500  493 458 

428    529  497  

   522

 492

   455 424 

  501   425 537   499   1747  423  



 494 

505  421  1744

 

536 542 540

 491     490 417

     

  541

 

 

420

545 

 

416

 1765



        414 535 

 488   504 489  498    7 413 2 415 5  1769        534 1764 







  3  



 



0   502   

5   

  528 544 419

  

     549 487 486  533 418 526    1766               485 484  1767     1768  523  548 

412



410  532

3

411 8  408 409  4              550   

 

 

  

 

     

 

  

  





525

 



 

 

 

 



   



   

482

    481 547   524   531  



 



    



            407  692



     691 530   546     

    



   

 696    731      732



 695 697 

 405  406   690     733 

 734         770        694  604  689 693  719

688 

     762    687 686  729 761  Remembrement

  684   03 5 602  18  6 8   7 60

La prise de possession des nouvelles terres fut organisée après la liquida- tion des oppositions. Le piquetage des nouvelles parcelles et des chemins à construire hérissa le paysage. Ce qui était relativement abstrait se matérialisait.

Quelques dispositions particulières s’appliquèrent avant la prise de pos- session du nouvel état de propriété. Elles concernèrent notamment la date de libération des champs et leur cession aux nouveaux propriétaires, les cultures en croissance, les récoltes à venir, les arbres fruitiers, les clôtures, les différents objets implantés dans le terrain et, très important, le marquage par des piquets de bois de couleur rouge les limites des nouvelles parcelles et de couleur bleu les axes des chemins.

On réserva la date du 15 octobre pour effectuer la prise de possession des nouvelles parcelles car le mois d’octobre est une période où l’activité agri- cole est moins soutenue. Les dates effectives furent le 15 octobre 2005 pour Reconvilier-Tavannes, le 15 octobre 2007 pour Court et le 15 octobre 2009 pour Centre-Vallée.

Pour les cas encore pendants devant les tribunaux, l’office compétent du canton décida, sur proposition du syndicat, d’une prise de possession anticipée avec le risque de devoir adapter les limites en fonction des décisions du tribunal.

Le transfert de propriété n’est devenu effectif qu’une fois la nouvelle répar- tition ratifiée par la Direction de l’économie publique du canton de Berne. Son inscription au registre foncier immatriculait définitivement le nouvel état.

Dans les trois syndicats la réduction du nombre de parcelles fut considé- rable ; elle atteignit même moins 65 % à Court.

Tabelle 18 Comparaison ancien état – nouvel état

Court Centre-Vallée Reconvilier-Tavannes Nombre de propriétaires – lors de la constitution des syndicats 228 317 191 – dans le nouvel état 213 313 190 Nombre de parcelles dans – l’ancien état 852 1457 972 – le nouvel état* 383 670 418 * sans les chemins

4.3.14 RÉALISATION DES OUVRAGES

Chemins, drainages, ponts, passages sous voie, revitalisation de ruisseaux, compensations écologiques sont les ouvrages considérés dans ce chapitre. Certains travaux furent des réaménagements ou des améliorations d’objets existants, d’autres furent réalisés pour faciliter les dessertes ou préserver des sites remarquables. Pour les loisirs on aménagea des pistes cyclables ou des sentiers pédestres. L’ensemble a été harmonieusement achevé et, on peut dire aujourd’hui, qu’il satisfait les différents utilisateurs de ce nouvel agencement rural.

Ce ne sont pas moins de 150 chemins pour une longueur totale de près de 60 kilomètres qui ont été construits ou améliorés ; chemins revêtus, gravelés ou avec bandes de roulement. Les drainages et les ruisseaux revitalisés se mesurent en quelques milliers de mètres. Une fois terminés les chemins seront remis aux communes qui assurent leur entretien et règlent les condi- tions de leur utilisation. Les ruisseaux existants ou revitalisés sont soumis aux mêmes prescriptions.

Quant aux coûts ils se déclinent en dizaines de millions de francs. Ils furent cinq à passer à la caisse ; la Confédération, le Canton, les communes, les propriétaires, la N16-Transjurane payèrent les factures selon une clé de répartition variable. 61

Figure 12

Tavannes - Le Fuet Le - Tavannes

route cantonnale route

(

é v a p / 1 1 ) 3 1

. 9 5 7 2 7 . 9 5 7 4 7 . 2 6 3 3 c c a r t n e e d r o

u s m t

r t n is a x e

6

6

% .

R= ¥ 0 0

0 2

.

5

. 9 5 7 . 8 5 7 7 3 4 0 . 4 5 7 9

buse Sytec buse

3%

8 5 7 1 2 . 9 5 7 4 3 . 5 3 . 4 6 -4.5 +4 . 5

75 6 . 9 0 75 8. 2 1

6

% 6

.

0

. 9 5 7 5 7 2 1 6 . 3 4 . 4 8 6 3

0

0

.

2

9 5 7 4 1 . . 8 5 7 2 5 4 . 2 1 4

5 chemin piétons chemin

5

758.71 5 7 5 1 . 9 7 5 . 8 5 8 . 1 4 7 6 téléphonique tv = 13.30m fv = 0.44m

% Rv = 200.00m 0 4 conduite .3 .2 8 4

3

7 9 5 1 4 . . 4 . 3 9 5 7 6 3 2 2

R= ¥

. 7 9 5 1 8 . 8 2 9 7 5 3 7 4 1 .

. 0 6 7 5 1 . 4 2 . 0 6 7 6 3 5 3467 0 existant

gravelé >< TN gravelé

0 6 7 8 9 . . 4 . 1 0 6 7 6 3 9

2 9

. 1 6 7 0 3 . 0 1 0 4 7 . 1 6 1 3

% 0 3 4

. .2

7 8 . 1 6 0 6 7 1 8 . 7 5 . 0 8 4 2

3

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1 Altitude projet Altitude Altitude terrain H=756.00 Distances cumulées Altitude terrain Altitude projet Altitude H=758.00 Distances cumulées Altitude terrain Altitude terrain Altitude projet Altitude projet Altitude H=758.00 Distances cumulées H=756.00 Distances cumulées

ùĊîĊ Projet - situation - Projet

Projet - situation Projet -travers profilsen enprofils travers- Projet Ouvrages - chemin du projet du à la réalisation - chemin Ouvrages 62

Figure 13

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F R Revêtement bitume Revêtement Bandes de roulement de Bandes Les types de chemins d'améliorations foncières d'améliorations chemins de types Les 63

Tabelle 19 %Q×VUGVƂPCPEGOGPV EQ×VUINQDCWZ

Coûts des projets Court Centre-Vallée Reconvilier-Tavannes (sans les frais d’administration)

Avant-projet (base pour la constitution 1996 1996 1993 des syndicats) 8’500’000.– 13’000’000.– 10’400’000.–*

Projet général (base pour le Canton 1999 1999 1996 et la Confédération) 6’980’000.– 11’960’000.– 11’800’000.–

Coûts effectifs 1997-2018 1997-2018 1995-2017 &ÅEQORVGUƂPCWZ 6'980'000.– 11'540'000.– 12'050'000.–

Contributions des pouvoirs publics Court Centre-Vallée Reconvilier-Tavannes

Participation forfaitaire de la 4’573’800.– 5’740’800.– 4’920’000.– N16-Transjurane

Subvention de la Confédération*** 14 % 21 % 22.4 %

Subvention du Canton de Berne*** 14 % 21 % 24 %

Subvention des communes municipales env. 6 % env. 7 % env. 6 %

* coût sans la TVA ** décomptes provisoires *** les coûts donnant droit à une contribution publique sont spécifiés dans l’ordonnance sur les améliorations structurelles dans l’agriculture (OAS).

Ancien et nouveau chemin. 64

Construction d’un chemin en pavés ajourés.

4.3.15 RÉPARTITION DES FRAIS RESTANTS

Les membres d’un syndicat participent aux coûts de l’entreprise selon les avantages qu’ils retirent de l’amélioration foncière (principe des avan- tages). Le détail est exprimé dans l’article 20 de la LAPF, la loi sur la procédure des améliorations foncières et forestières : « Les propriétaires supportent les frais de réalisation non couverts en pro- portion des avantages qu’ils retirent de la réalisation du projet. Les contri- butions aux frais sont présumées proportionnelles à l’avantage retiré. Si les équipements du projet servent également à des personnes dont la propriété est située hors du périmètre, ces propriétaires ont l’obligation de verser une contribution correspondant à l’avantage qu’ils en retirent. »

La répartition des frais restants concerne tous les frais du projet d’amélio- rations foncières qui restent à la charge du syndicat. Exemple de calcul :

Total des coûts (direction technique, commission d’estimation, notaire, compensations écologiques, remaniement parcellaire, chemins, drainages, etc.)

– Participation N16-Transjurane

– Subventions et contributions de tiers

+ Frais administratifs

+ Fonds d’entretien

= Coûts restants à la charge des propriétaires

La clé de répartition se base sur la comparaison du nouvel état avec l’an- cien état de chaque propriétaire enregistré dans le périmètre. Les données prises en compte et leur pondération sont décrites dans le document « Principes de la répartition des frais ». Le jour de la prise de possession des terres sert de date de référence pour le calcul des avantages.

4.3.16 ECHANGE DES PLUS-VALUES ET DES MOINS-VALUES

Il s’agit d’éléments implantés dans le terrain qui n’ont pas été pris en compte lors de la taxation initiale des terres. Les plus-values, par exemple les arbres fruitiers ou le bois sur pied et les moins-values, par exemple les poteaux ou les regards qui changent de propriétaire sont relevées, taxées et compensées en espèces entre les deux propriétaires. 65

Figure 14 66

Figure 15

Mesures compensatoires

1 : 5000 67

4.3.17 DISSOLUTION DES SYNDICATS

Les syndicats qui ont atteint leur but et rempli leurs obligations doivent être dissous. La dissolution obéit à une procédure qui doit être suivie scrupuleusement. Après la remise aux communes municipales des ouvrages et des fonds d’entretien, après le paiement de toutes les factures et la garantie des engagements financiers acquise une assemblée générale est convoquée par une annonce dans les publications officielles. La décision finale est prise par la Direction de l’économie publique. Une affaire qui a coûté des millions de francs ne peut pas être liquidée à la légère.

Mauvaise utilisation d’un nouveau chemin. Les communes sont responsables de l’entretien des chemins.

4.3.18 LA VALSE DES DÉCISIONS, DES OPPOSITIONS, DES RECOURS

A chacune des étapes de cette importante réalisation on put exprimer son mécontentement en s’opposant ou en recourant. Oppositions possibles contre une dizaine d’objets, recours contre les décisions de la commis- sion d’estimation. Ce ne sont pas moins de deux cents oppositions qui ont été traitées. Dix recours ont été transmis à la Commission cantonale des Améliorations Foncières et un seul recourant s’est aventuré jusqu’au Tribunal Fédéral.

L’article 33 de la LPAF, la loi sur la procédure des Améliorations Foncières et Forestières précise : « Ont qualité pour former opposition les propriétaires des immeubles ou d’autres titulaires de droits réels qui peuvent faire valoir un intérêt digne de protection. Le même droit revient aux organisations ou autorités dont la qualité est définie par le droit fédéral ou par la législation sur les constructions. Quiconque ne forme pas opposition durant le délai légal est réputé approuver les actes mis à l’enquête publique ». 68

4.4 DES PILOTES AUX COMMANDES

L’amélioration foncière intégrale réalisée chez nous fut une affaire com- plexe et longue avec un menu copieux proposé à de nombreux convives. La plupart d’entre eux ne disposaient que de peu de connaissances sur la composition du banquet qu’ils devraient digérer, parfois même pas du tout. En dehors de cet aspect culinaire ils furent appelés à prendre des décisions très importantes qui marqueront l’histoire de notre région. Fort heureusement ils ont bénéficié des connaissances de professionnels qui les ont guidés dans leur action. Deux personnalités ont prodigué leurs conseils et mis leurs compétences au service de ces personnes : Jean- Daniel Waelti et Kurt Ryf. Pour eux il ne s’agissait pas seulement d’ex- ploiter leurs connaissances professionnelles ; ils ont su mettre à profit les vertus de la bonne communication, de la souplesse, de la coordination, de la pédagogie. La relation entre les deux pilotes fut très professionnelle et sainement critique.

Jean-Daniel Waelti est ingénieur en génie rural et géomètre, diplômé de l’EPFL. D’abord associé dans le bureau Auer et Waelti, il fonda ensuite sa propre affaire qui deviendra plus tard Sigeom SA. Géomètre d’arrondis- sement, il aura des contacts privilégiés avec les autorités communales et il nouera avec elles une relation de confiance.

Kurt Ryf est ingénieur en génie rural diplômé de l’EPFZ. Il a passé l’es- sentiel de sa carrière comme ingénieur d’arrondissement dans le Service cantonal des améliorations foncières, devenu par la suite le Service des améliorations structurelles et de la production (SASP), au sein de l’Office de l’agriculture et de la nature du canton de Berne.

4.4.1 LE RÔLE DU DIRECTEUR TECHNIQUE

Le directeur technique ou directeur du projet est un mandataire nommé par le comité du syndicat suite à une procédure de mise en soumission publique des travaux techniques. Il assiste techniquement les organes du syndicat ; il a voix consultative lors des séances du comité.

Dans les directives qui accompagnent la mise en soumission des travaux du directeur du projet il est précisé que ce dernier dirige l’entreprise, qu’il est responsable de l’exécution utile et efficace des opérations de l’AF et qu’il coordonne les différents travaux.

Pour assumer ce rôle tout au long de la procédure le directeur du projet réalise différentes tâches et opérations techniques. Il est accompagné d’une équipe de professionnels de la mensuration qui forment ensemble la direction technique (DT).

La première tâche fut la mise à jour des éléments existants, une actuali- sation indispensable à la réalisation optimale d’une amélioration foncière Jean-Daniel Waelti intégrale. La mensuration officielle (MO), partie technique du registre fon- cier, fut, avec ses différentes couches d’information, à la base de toutes les opérations. Son intégration, incluse dès le début de la procédure, permit une réalisation efficace et de la meilleure qualité.

Avec l’établissement de la couche « points fixes » la DT réalisa un système de géo-référencement qualitatif sur lequel sont venus s’accrocher tous les autres éléments de l’édifice.

La mise à jour des couches « couverture du sol » et « objet divers/élé- ments linéaires » par la DT, accompagnée de photos aériennes (orthopho- tos) ont procuré les éléments indispensables pour déterminer la valeur d’échange des terrains. Cette couche détermina aussi, par la mise en évidence des limites naturelles dans le périmètre de l’AF, la position des futures nouvelles parcelles. Ces prises de vues aériennes servirent aussi 69

à l’établissement d’un modèle numérique de terrain qui permit à la DT d’élaborer la couche « altimétrie ». Cette information engendra la création de courbes de niveau qui furent utilisées pour définir la pente des terres agricoles et des nouveaux chemins à construire.

Les tracés des conduites existantes qui constituent la couche « conduites » furent également mis à jour. Ces informations conditionnèrent la réalisa- tion des mesures d’évacuation des eaux et des mesures de compensa- tions écologiques.

Avec la numérisation de la couche « biens-fonds » de l’ancien état, repré- sentés sur des plans carton, la DT apporta les bases cadastrales surfa- ciques nécessaires pour les traitements automatiques des données dans la suite des opérations.

Après une vérification technique de l’Office de l’information géographique (OIG) et une vérification administrative du Service des améliorations struc- turelles et de la production (SASP), les différentes couches précitées per- mirent à la DT de construire l’important édifice qu’est une amélioration foncière intégrale.

Dans cette première phase des travaux, souvent méconnue des membres du syndicat, la DT résolut des problèmes techniques importants. Dans cette étape elle ne fut pas encore confrontée aux multiples questions, réactions et interprétations des propriétaires fonciers face à une entre- prise qui allait modifier une partie de leur patrimoine.

La deuxième partie des tâches de la DT consista principalement à col- laborer avec la commission d’estimation (CE) pour la mise en œuvre de toutes les opérations du remaniement parcellaire. Elle dut également, en collaboration avec les autres organes du syndicat, réaliser un projet général et des projets détaillés des ouvrages et des mesures écologiques compensatoires. Ils permirent de cibler assez précisément le coût total de l’entreprise et d’obtenir la confirmation définitive du versement des subventions fédérales, cantonales et communales.

Dans le cadre des travaux de la CE, le rôle de la DT fut de mettre à dis- position les bases de travail techniques graphiques ou numériques. Elle apporta son aide à l’élaboration des règlements et directives qui fixent les principes adoptés pour chaque phase. Elle établit, géra et calcula tous les tableaux issus des travaux de la CE afin de pouvoir les utiliser de manière transparente lors des dépôts publics. C’est ainsi que, par ses calculs et ses connaissances techniques, la DT put soutenir la CE lors des séances de conciliation qui suivirent les dépôts publics.

Dans cette deuxième phase des travaux, le contact avec les propriétaires concernés devint plus concret et plus direct. L’écoute et la diplomatie, permettent toujours de trouver des solutions aux problèmes soulevés avec des taux de satisfaction variables. Mais toujours avec le souci d’une par- faite équité. C’est dans ces moments, parfois délicats et tendus, que l’ex- périence enrichissante des contacts humains prend pleinement son sens.

La dernière partie des tâches de la DT fut de concrétiser de manière durable tout ce qui avait été planifié. Le piquetage des nouvelles par- celles, en vue du transfert de propriété, reste un moment particulier car il montrait, sur le terrain, ce que les membres du syndicat n’avaient vu, jusqu’à ce jour, que sur des plans et des photos aériennes. Si parfois la surprise ou l’étonnement se manifestèrent, c’est majoritairement une grande satisfaction qui se lisait sur les visages des propriétaires et surtout des exploitants.

La construction des ouvrages projetés par des entreprises spécialisées couronna les opérations. Aujourd’hui ils permettent une exploitation rationnelle des nouvelles terres qui s’étendent dans le périmètre de l’AF. 70

A la fin de la construction de tous les ouvrages la DT procéda à la maté- rialisation des points limites et réalisa le premier relevé des nouvelles couches d’information de la MO. Après vérification par l’Office d’informa- tion géographique (OIG) de ces données mises à jour, l’œuvre cadastrale fut déposée publiquement. Une fois achevée la liquidation des opposi- tions, la mensuration fut approuvée définitivement par la Direction fédé- rale des mensurations cadastrales et inscrite au registre foncier.

Dès lors le rôle de la DT consista à assister et conseiller le syndicat jusqu’à la fin de la procédure AF, soit sa dissolution.

Dans une œuvre aussi conséquente les contacts avec les intervenants, que ce soit au niveau fédéral, cantonal, communal et avec les proprié- taires, ont été très intéressants et enrichissants. Ils ont permis de mener à bien les trois mandats dans des conditions parfois compliquées et ardues mais toujours empreintes d’un esprit constructif. Avec autant de prota- gonistes et d’intérêts en jeu il était inévitable que, dans des situations délicates, on passe par l’intervention d’une autorité juridique.

A quelques centimètres de la ligne d’arrivée de ce mandat de direc- Werner Schindler teur technique les résultats obtenus lui laissent globalement la bonne impression du devoir accompli. Lors des assemblées constitutives des trois syndicats le directeur technique a dit que son objectif serait que les mécontents soient le moins mécontents possible. Si tout ne fut pas parfait il pense pouvoir dire qu’à ce jour l’objectif a été atteint. Pour Jean-Daniel Waelti cela représente une grande satisfaction professionnelle.

Dans le succès obtenu, il ne faut pas omettre de relever l’excellence de la contribution de Werner Schindler, ancien collaborateur de Sigeom SA.

4.4.2 LE RÔLE DE L’INGÉNIEUR DU SASP

Kurt Ryf et son chef, Ueli Meier, ont participé avec les conseils munici- paux aux discussions initiales qui allaient lancer le long processus des améliorations foncières. C’est lors de ces contacts que furent esquis- sées les premières planifications. Kurt Ryf a aidé à la création des trois syndicats ; par la suite il les accompagnera dans toutes leurs activités. Son mandat exigeait qu’il veille au respect et à l’application des légis- lations cantonale et fédérale en la matière. Il le fit de manière éclairée. Il a organisé l’apport financier du Canton et de la Confédération. Avec ses collaborateurs il a préparé les décisions prises par les instances cantonales. Il a ainsi été en contact avec l’Office cantonal de l’agriculture et de la nature, la Direction de l’économie publique, le Conseil-exécutif, le Grand Conseil. Il fut le messager chargé d’informer les services can- tonaux ou fédéraux ; il coordonna avec aisance les échanges entre ces deux niveaux de décision. Il a travaillé en mode bilingue, français et allemand. Il s’assura que les documents étaient édités dans la langue adéquate ou que les traductions étaient fidèles.

Kurt Ryf Inlassablement Kurt Ryf a participé aux nombreuses séances des comi- tés des syndicats et souvent aussi à leurs assemblées. Il expliqua les procédures mais, surtout, il exposa les enjeux et les conséquences des décisions qui se prendraient. Fort de l’expérience acquise dans la conduite de projets semblables il savait ce qui se passerait selon que l’on déciderait ceci ou cela. Dans les séances de conciliation il sut proposer des solutions acceptables par les parties en conflit. Bien que le SASP disposât d’un pouvoir de décision considérable, Kurt Ryf n’en usa qu’avec modération. Son calme et sa discrétion, la clarté de ses propos ont contribué à une ambiance de travail favorable à la réussite. Il ne fut pas le fonctionnaire hautain et rigide qu’on caricature souvent. On peut sans aucun doute lui attribuer une belle part dans le succès des trois projets d’amélioration foncière conduits dans la Vallée de Tavannes. 71

En plus des tâches déjà décrites l’ingénieur ajoute à cet ensemble deux affaires. La première fut la mise en soumission du mandat de la direction technique. Elle s’est faite avec la collaboration des comités des syndicats et des communes municipales et avec le soutien de l’Office de l’informa- tion géographique du canton de Berne (élaboration du cahier des charges, définition des critères d’adjudication, évaluation des offres, proposition d’adjudications à l’adresse des comités et des conseils communaux). La seconde consista à préparer l’approbation par la Direction de l’économie publique du canton de Berne du projet de tous les ouvrages y compris ceux qui furent créés pour des compensations écologiques (suite à l’EIE, procédure gérée et approuvée par la Direction de l'économie publique). C’est ensuite que les syndicats reçurent l’autorisation de réaliser leurs projets, étape par étape, sans qu’il soit nécessaire de procéder à des dépôts publics supplémentaires.

Kurt Ryf se plaît à dire que sa participation aux séances de chantier et aux réceptions des ouvrages construits lui ont permis d’améliorer ses connaissances. Il apprécia beaucoup aussi les mesures concrètes qui permettaient d’éviter la lourdeur des paperasseries administratives.

Retraité depuis l’automne 2013, Kurt Ryf a été relayé d’abord par Mme Aude Bussard-Dessauges puis par M. Stefan Kempf.

4.4.3 LES ENTREPRISES

Les ouvrages construits ont nécessité un savoir-faire particulier pour lequel les entreprises de la région sont tout à fait qualifiées. Les syn- dicats ont attribué les travaux selon les règles de soumission publique. Routes, chemins, ponts, barrières, drainages, conduites, aménagement de ruisseaux, plantation de haies figurent au palmarès des travaux bien faits.

Si Sigeom SA coiffait l’ensemble du projet, sur place, la direction des travaux et le traitement des détails ont été confiés à d’autres spécialistes avec le concours des syndicats dans leurs secteurs respectifs.

Tabelle 20 Travaux et entreprises

Syndicat de Court (SAFIC) Groupement d’entreprises Batigroup SA et Mosimann SA, Implenia SA, Chemins GRGC SA et Colas SA dans différentes associations Conduites et barrières Frédy Nussbaum Court, Pierre-Henri Gobat Court Drainages Henri Burkhalter Sorvilier Plantation de haies Bourgeoisie de Court Aménagements de ruisseaux Frédéric Buchser Court

Syndicat de Centre-Vallée (SAFICV) Groupements d’entreprises Torti Frères SA Reconvilier et Pro Routes SA Tavannes, Chemins et conduites Batigroup SA et Mosimann SA, Huguelet SA Tavannes dans différentes associations Plantation de haies Frank Loosli Sàrl Le Fuet Pont en bois Houmard SA Malleray

Syndicat de Reconvilier-Tavannes (SAFRT) Groupements d’entreprises Huguelet SA Tavannes, Pro Routes SA Chemins et conduites Tavannes, Torti Frères Reconvilier dans différentes associations Plantation de haies 1HƂEGHQTGUVKGTFW,WTCDGTPQKUGVÅNÄXGUFGUÅEQNGU Construction de murs en pierre sèches Marti Lutz Belp 72

4.4.4 LES PRINCIPAUX ACTEURS EN IMAGES

Les trois syndicats ont organisé le 19 mai 2017 un repas de fin d’activité. Les membres des comités des syndicats et des commissions d’estimation, les représentants de l’administration cantonale et les experts des bureaux spécialisés furent invités. Le photographe Jean-Marie Jolidon a profité de l’occasion pour établir une galerie-souvenir des personnalités présentes.

Une partie des membres du comité du Syndicat des améliorations foncières de Court. De gauche à droite : Pascal Rossé, Céline Zwahlen, Frédéric Buchser, Henri Burkhalter, Serge Lardon, Jean-Pierre Burkhalter, Bernard Leuenberger, Michel Rossé.

Une partie des membres du comité du Syndicat des améliorations foncières de Centre-Vallée. De gauche à droite : René Leuenberger, Francis Voiblet, Fabrice Garraux, Eric Charpié, Cédric Berberat, Sébastien Schaer, Nathalie Griggio Weibel. 73

Une partie des membres du Comité du Syndicat des améliorations foncières de Reconvilier-Tavannes. De gauche à droite : Daniel Buchser, Samuel Winkler, André Fankhauser, René Kratzer, Frédy Allemann, Marcel Lüthi, Stéphane Grossenbacher, Pierre Risler.

Quelques membres des commissions d'estimation. De gauche à droite : Jean-Daniel Wirz, Frédy Geiser, Marisa Rohrbach-Walthert, Nicolas Oppliger, Serge Lardon, Marcel Lüthi. 74

Quelques représentants de l’administration cantonale. De gauche à droite : Stefan Kempf, Maxime Chappuis, Aude Bussard-Dessauges, Kurt Ryf.

Quelques représentants des experts mandatés. De gauche à droite : Jean-Daniel Waelti, Me Pierre Comment, Pascal Bélet, Werner Schindler. 75

Les auteurs de la plaquette. De gauche à droite : Kurt Ryf, Samuel Winkler, Christine Bühler (préface), Jacques Simonin.

Les acteurs du succès d’une entreprise de vingt années. 76

5.1 DE QUELQUES PROBLÈMES ET DE LA STRATÉGIE POUR LES RÉSOUDRE

Les problèmes qui concernent la production de plans ou de cartes, la construction d’ouvrages ou de chemins se résolvent d’une manière tech- nique et les ingénieurs ou les entrepreneurs savent comment s’y prendre. Il en va autrement quand on touche à la propriété ou quand on projette de redessiner un paysage. Ce sont alors des hommes qui sont touchés. La défense de ses intérêts, la crainte d’un changement qu’on discerne mal, l’attachement à une tradition peuvent conduire à des situations très conflictuelles. Fort heureusement il existe quelques bons outils, bien suisses, pour se sortir des difficultés. Le souci de bien informer, le droit de s’opposer et de recourir, les vertus de la conciliation et de la négociation, la recherche d’un juste milieu, la collaboration entre les 5 parties, l’indemnisation appropriée ont permis de trouver des solutions qui satisfont les uns et les autres. Idéalement, dans ces procédures, il ne devait y avoir que des gagnants. LES DIFFICULTÉS La réalisation des améliorations foncières dans la Vallée a été l’affaire SUR LE CHEMIN d’une génération. Sa longue durée, plus de vingt ans, a constitué un problème en soi. Durant cette période, des personnes en ont remplacé DE LA RÉALISATION d’autres, la conjoncture a fluctué, les mentalités ont changé, l’agriculture a évolué. Les responsables et, plus particulièrement les présidents des syndicats, se sont adaptés en permanence pour qu’il n’y ait pas d’inter- ruption dans la conduite du projet.

La liquidation des oppositions fut une opération chronophage, c’est- à-dire qu’elle demanda beaucoup de temps et qu’elle en fit perdre. Un recensement du nombre d’oppositions et du temps qui leur a été consacré montre que les choses ne s’arrangèrent pas toujours du pre- mier coup et parfois pas au deuxième non plus. Les journées de travail recensées représentent la quantité de travail effectuée par la direction technique. Environ la moitié de ce temps a été partagée avec les com- missions d’estimation.

Tabelle 21 Liquidation des oppositions

Court Centre-Vallée Reconvilier-Tavannes Procédure nombre de nombre de nombre de oppositions oppositions oppositions jours utilisés jours utilisés jours utilisés

Dépôt public PGO* et EIE* 10 3 18 5 25 8

Dépôt public ancien état 4 2 12 4 compris dans PGO et EIE* et estimation des terres

Dépôt public du nouvel état 28 30 59 60 46 50

Dépôt public de la 1567353 répartition des frais

Totaux par syndicat 57 41 96 72 76 61

* PGO, Projet général des ouvrages * EIE, Etude d’impacts sur l’environnement 77

A la lecture de la tabelle, on découvre que les 229 oppositions déposées ont nécessité 174 journées de travail.

La nouvelle répartition des terres et la gestion des oppositions ont été les problèmes majeurs. La topographie accidentée de la région a imposé un exercice farci de pièges et de difficultés. Des agriculteurs-propriétaires, des agriculteurs-locataires, des propriétaires non-agriculteurs ; tous se retrouvèrent en face d’une redistribution des terres. Et tous ne per- çurent pas de la même manière cette révolution. La situation des exploi- tants-locataires était la plus délicate en raison de l’incertitude attachée à leur statut. Heureusement, la bonne collaboration entre la direction technique, la commission d’estimation et les syndicats ont permis le succès final. Les membres des commissions d’estimation, eux-mêmes agriculteurs, étaient les mieux placés pour discuter avec leurs pairs. Cette complicité professionnelle a très certainement servi la cause.

La construction de la N16-Transjurane et son impact sur l’environnement exigèrent la compensation, à l’échelle 1:1, des surfaces perdues en prai- ries sèches, zones humides, forêts et autres biotopes. Cette compen- sation s’effectua pour l’essentiel sur les terres des agriculteurs qui ont perdu dans l’aventure quelques surfaces cultivables. Les choses s’ar- rangèrent grâce à la bonne volonté des uns et des autres qui a prévalu tout au long du processus.

Les réticences d’une partie du monde paysan face au bouleversement annoncé furent bien compréhensibles. On connaissait ce qu’on avait, on percevait encore mal ce qu’on aurait. En face, on proposait d’abandonner des terres et d’en recevoir d’autres, de redessiner un paysage que des générations avaient façonné, de modifier les pratiques d’exploitation, parfois de quitter sa ferme pour s’établir ailleurs. La lenteur du proces- sus et sa mise en œuvre en toute transparence furent des qualités qui permirent aux agriculteurs de digérer ce menu très copieux.

Les aspects financiers de l’entreprise firent débat et en inquiétèrent plus d’un. En ce qui concerne la répartition des frais, la question qui se posait d’entrée était connue ; elle tenait en cinq mots. Qui paie quoi et combien ?

5.2 ENTRETIEN AVEC LES ACTEURS DU TERRAIN

Entretien avec MM. Werner Schindler, Jean-Daniel Waelti, Francis Beer, Serge Lardon, Jean-Daniel Wirz.

Werner Schindler de Grandval est acquéreur de terrains auprès de l’Office des ponts et chaussées du canton de Berne, section construc- tion des routes nationales. Il fut responsable des améliorations fon- cières dans le bureau Sigeom jusqu’au 31 octobre 2014.

Jean-Daniel Waelti de Moutier est ingénieur rural et géomètre EPF/ SIA, directeur associé de Sigeom SA, une société spécialisée dans la mensuration officielle, la conception, l’étude, la réalisation et la direction de travaux d’améliorations foncières, de génie rural et de génie civil. Il a assuré la direction technique dans les trois syndicats.

Francis Beer de Renan. Cet agriculteur préside la commission d’es- timation du SAFIC, le syndicat des améliorations foncières de Court. Il est également membre de la commission d’estimation du SAFRT.

Serge Lardon de Court. Cet agriculteur préside la commission d’estimation du SAFRT, le syndicat des améliorations foncières de Reconvilier et Tavannes. Il est également membre de la commission d’estimation du SAFICV. 78

Jean-Daniel Wirz de Corgémont. Cet agriculteur préside la commission d’estimation du SAFICV, le syndicat des améliorations foncières de Centre- Vallée regroupant Valbirse et Loveresse. Il est membre de la commission d’estimation du SAFRT.

L’idée fut de réunir ces cinq personnalités liées par la responsabilité de mettre en œuvre pratiquement, dans le terrain et au contact des proprié- taires ou des exploitants, le vaste projet des améliorations foncières. Ils furent invités à raconter comment ils ont vécu cette « aventure agricole », à livrer des témoignages, à dévoiler quelques anecdotes, à exposer les problèmes, les difficultés et les satisfactions qu’ils ont connus.

– Pour commencer : vos ressentis, comment vous avez vécu l’entreprise ?

La confiance est un mot magique, une ressource prodigieuse. Quand elle est plus qu’un mot et qu’elle devient une véritable attitude elle soude les personnes appelées à travailler ensemble sur un projet malgré des différences de conception ou de philosophie. C’est bien elle qui s’est manifestée tout au long du processus entre les syndicats et les autorités de surveillance. Pour nous tous, acteurs de cette formidable entreprise, ce fut une expérience unique de laquelle nous avons retiré beaucoup de satisfaction. Notre succès c’est aussi le résultat d’une belle harmonie entre tous les niveaux de décision et du maintien d’une ligne de conduite identique avec tous tout au long du processus. Nous savions que d’autres expériences, ailleurs dans le Jura bernois, avaient été douloureuses. Nous ne voulions pas être pris dans les mêmes tourments !

Notre vécu fut différent selon qu’on était du côté purement technique comme le fut Jean-Daniel Waelti et son bureau Sigeom SA ou très proche des exploitants et des propriétaires comme le furent les trois présidents des commissions d’estimation. Différent encore dans une position mariant les deux aspects comme le connut Werner Schindler. Dans la première situation c’est le calcul qui dominait, il ne restait pas beaucoup de place pour le côté émotionnel.

Soigner ses relations, ne rien brusquer, connaître la vie et les attentes des propriétaires ou des exploitants (ils espéraient bien avoir un peu plus ou un peu mieux que ce qu’ils avaient) sont des ressources que nous avons exploitées. Il s’agissait aussi d’envisager tous les scénarios possibles et de s’y préparer. Certains exploitants avaient des vœux qui allaient dans le sens du remembrement, d’autres pas du tout. Dans une même journée on pouvait passer plusieurs fois de l’enfer au paradis ! Même si nous avions assez de bons arguments pour justifier notre position, honnête- ment, nous ne pouvions pas non plus refiler à un propriétaire quelque chose que nous n’aurions pas voulu. Il fallait qu’au final il y trouve son compte, faute de quoi…

– Des difficultés, des problèmes ?

Oui, de toutes sortes et d’importance inégale. Par exemple quand un propriétaire se présentait devant nous avec des sentiments, avec des émotions. Au moment où nous proposions un changement des sou- venirs envolés depuis longtemps refaisaient soudainement surface ! Malheureusement ou heureusement, nous ne pouvions pas entrer dans cette approche subjective. Notre travail était de nous centrer sur les aspects pratiques de la nouvelle parcellisation.

Faire admettre les mesures de compensation écologique fut parfois une tâche ingrate, notamment en ce qui concerne l’implantation des haies. Nous nous trouvions parfois dans la situation du représentant qui doit vendre quelque chose à quoi il ne croit pas ! Lorsque ce genre de désa- grément arrivait, nous étions heureux quand la journée se terminait. Pour sortir de l’impasse dans laquelle nous nous trouvions occasionnellement, la loi et l’argumentation financière sauvaient souvent l’affaire. 79

Les compensations écologiques ne sont pas destinées à se déplacer ; une haie, c’est pour la vie ! A de rares exceptions près, les autres implan- tations en faveur de l’environnement sont aussi installées pour durer ; un changement d’affectation n’est bon ni pour la faune ni pour la flore.

Sur une aussi longue période des changements sont intervenus. Il y a eu des modifications qui nous ont obligés à adapter le projet initial. Sans compter que les règles de la nouvelle politique agricole, en évolution permanente, compliquaient notre tâche. Et puis, lors d’un décès, il arrivait que des héritiers souhaitent modifier les vœux exprimés précédemment.

Ce sont environ 700 propriétaires qui furent convoqués. Certains ne sont pas venus. Nous avons déployé beaucoup d’efforts pour les rencontrer ; nous avons organisé une séance dans un EMS, nous avons écrit en Thaïlande et ailleurs dans le monde.

Dans les années septante, de petits industriels avaient investi de grandes sommes dans l’achat de terrains. A cette époque, il n’y avait pas encore de plans de zone. Tout terrain pouvait devenir constructible à plus ou long terme et apporter une plus-value très intéressante à son proprié- taire. Evidemment quand nous avons proposé de déplacer ces surfaces agricoles qui ne valent aujourd’hui que quelques francs du mètre carré, nous n’avons pas été bien reçus !

– Pour conclure.

Au départ, nous avons pensé que nous n’y arriverions jamais et aujourd’hui encore nous sommes étonnées d’y être arrivés. La très bonne collaboration entre les différents partenaires a été une des clés du succès. Sans oublier que les personnes impliquées dans cette affaire appartenaient au monde paysan ou en étaient proches ; toutes se connaissaient et elles parlaient un même langage.

Les améliorations foncières représentent une opération qui n’a pas apporté que des avantages ; il est plus exact de dire qu’elles ont apporté beaucoup d’avantages avec quelques désavantages. 80

6.1 LES OBLIGATIONS LÉGALES ET LES SOUHAITS DES PROTECTEURS DE L’ENVIRONNEMENT

6.1.1 DES LOIS PROTÈGENT L’ENVIRONNEMENT

La loi fédérale sur la protection de la nature, la LPN et son ordonnance, l’OPN, exigent que l’on prenne, quand des projets portent atteinte à des biotopes ou à des paysages protégés, des mesures de reconstitution ou 6 de remplacement adéquates. LA COLLABORATION AVEC L’ÉCOLOGIE

Construction d’un mur en pierres sèches à proximité de la halle des fêtes à Reconvilier.

On emploie généralement, sans trop de discernement, les termes recons- titution, remplacement et compensation écologique un peu comme des synonymes qu’ils ne sont pas. Compensation est un terme général qui n’est pas utilisé en tant que tel dans la législation fédérale. Dans son sens technique, le terme compensation s’applique à deux notions : la reconstitution et le remplacement.

On parle de reconstitution pour désigner le rétablissement de la nature, à l’échelle 1:1 sur le lieu même d’une atteinte temporaire inévitable à la nature et au paysage. On parle de remplacement quand il s’agit de com- penser les atteintes inévitables à la nature et au paysage en remplaçant les biotopes touchés par d’autres, aménagés dans un autre endroit, de même nature, à l’échelle 1:1. La mesure de remplacement intervient dans la même région que celle où les atteintes ont été faites. C’est bien cette acception qui concerne notre région.

Revitalisation d’un cours d’eau entre Loveresse et Pontenet dans le cadre des mesures de compensation écologique. 81

Ruisseau revitalisé entre En 1996, la mission multifonctionnelle de l’agriculture a été inscrite Court et Sorvilier, état en dans la Constitution fédérale. Depuis, les paysans suisses doivent non 2011 et en 2016. seulement s’engager en faveur de la production mais aussi au profit de l’environnement. En 2008, dans un rapport intitulé « Objectifs environne- mentaux pour l’agriculture » l’Office fédéral de l’environnement, l’OFEV et l’Office fédéral de l’agriculture, l’OFAG ont défini différents objectifs en se basant sur les bases juridiques existantes. La sauvegarde et la promotion des espèces indigènes ainsi que leur habitat furent déclarés prioritaires. En complément, on affirme que notre sécurité d’approvisionnement à long terme dépend du bon état de la biodiversité.

En imposant à son agriculture un visage écologique, la Suisse a accompli un travail de pionnier qui lui vaut d’être considérée comme un exemple.

6.1.2 LES PARTICULARISMES DE LA VALLÉE

On perçut, dès la première approche, la complexité des problèmes qui se posaient. La nouvelle autoroute traverserait une région à fort potentiel agricole avec des terres qui sont parmi les meilleures du district. La Vallée est riche en eau : on y rencontre des ruisseaux tous les cent mètres, les sources et nappes aquifères devaient être préservées.

Dans le cas qui nous occupe, le suivi écologique fut assuré par LE FOYARD de Bienne, un bureau indépendant spécialisé dans la résolution des pro- blèmes environnementaux. Pour mener à bien la tâche, ses responsables ont considéré les agriculteurs comme des partenaires et pas comme des subordonnés auxquels on impose ses exigences. Même si la loi est plutôt du côté de l’écologie.

Si une amélioration foncière intégrale, comme ce fut le cas dans la Vallée de Tavannes, permet de réorganiser le territoire agricole elle donne aussi l’opportunité d’organiser les mesures environnementales. Cette réalisa- tion a permis, en y associant tous les acteurs, de dégager de manière efficace un réseau écologique couvrant plusieurs sites. Les mesures de remplacement se sont concrétisées avec la revitalisation de cours d’eau, le creusage d’étangs, la création de zones humides, la préservation de lisières, la plantation de vergers, de haies et de bosquets, la constitution de prairies extensives et de pâturages. 82

6.1.3 UNE MODE ? DES POLITIQUES, DES LOBBIES S’INVITENT DANS LES PROJETS

Jusque dans les années soixante on ne s’embarrassait guère des dérègle- ments induits par le progrès. Mais, à partir des années septante, l’écolo- gie devint une partie centrale des politiques nationales, du moins dans les pays les plus développés. Dans l’idée d’accroître les connaissances sur les relations entre l’homme et la nature, diverses études et mesures correc- tives ont été activées. Par exemple, des mesures appropriées furent prises contre l’utilisation abusive de produits chimiques, contre la destruction de sites naturels ou contre le rejet dans l’atmosphère de fumées toxiques. L’écologie est devenue très tendance et ils sont nombreux ceux qui reven- diquent leur attachement à cette actrice incontournable de la société. Partis et personnalités du monde politique, organisations officielles ou non-gouvernementales, institutions diverses, contestataires et idéa- listes ; tous veulent s’afficher avec cette vedette qui prône le respect des équilibres naturels, la protection de l’environnement, la lutte contre les nuisances, le développement durable. Comme d'autres vedettes elle est parfois capricieuse ou mal inspirée quand elle présente des exigences extravagantes. Ses supporters donnent de la voix pour chaque projet nouvellement initié, souvent aussi pendant et après sa mise en œuvre. Une manière d’occuper le terrain. Les améliorations foncières intégrales effectuées dans la Vallée de Tavannes et ses entrepreneurs n’ont pas échappé à leurs critiques, à leurs conseils, à leurs revendications. Fort Tavannes, chemin amélioré à l’usage des agriculteurs heureusement l’existence d’un cadre légal a permis de tempérer les et des promeneurs. ardeurs de quelques-uns. 83

6.2 UNE NATURE REQUINQUÉE ? REMODELÉE ? RÉCONFORTÉE ?

6.2.1 QUELQUES CONSIDÉRATIONS

En raison de la large blessure infligée au paysage par la construction de la nouvelle route, les médecins de l’environnement se sont employés à cicatriser la plaie. Indépendamment de cette intervention spectaculaire, le paysage avait déjà été remodelé, au cours des années, par des travaux effectués au profit de l’agriculture. Des ruisseaux furent canalisés, des zones humides drainées, des marais asséchés, des rivières canalisées, des haies rasées. La construction de l’autoroute et les améliorations foncières qui lui sont liées ont concerné un petit nombre de personnes, principalement des agriculteurs. Si l’étude de l’impact sur l’environnement a révélé les effets négatifs de cette entreprise elle a, dans un même temps, engagé les mécanismes qui ont permis la meilleure protection possible du site. Dans le monde agricole l’utilité des mesures écologiques n’a pas toujours été comprise en raison de la pratique du « propre en ordre » si caractéristique de la mentalité suisse traditionnelle. Quelques remarques concernant le maintien de bandes herbeuses ou de bois laissé au sol en forêt l’attestent. L’action écologiste fut aussi l’opportunité de pouvoir réaliser dans le péri- mètre concerné un inventaire complet des sites. Ruisseaux, mares, étangs, Court, viaduc sur le Ruisseau haies, bosquets, espèces rares furent répertoriés. Au final, le bénéfice des Fontaines. obtenu est évident ; on constate que le paysage a été embelli et diversifié. 84

Nouveaux bâtiments ruraux.

A Tavannes A Malleray

A Malleray A Bévilard

A Malleray A Court 85

6.2.2 EXEMPLE D’UNE TAXATION ÉCOLOGIQUE

L’estimation des surfaces proches de l’état naturel permet d’évaluer la qualité écologique d’un site.

La comparaison des photos aériennes ci-après montre que les améliora- tions foncières ont permis de rationaliser l’exploitation agricole. Mais pas sans dommage ; cette rationalisation et les travaux qui l’ont accompagnée affaiblirent ou détruisirent une partie des micro-habitats de la faune. Ce sont les mesures de compensation qui permirent non seulement le rem- placement des milieux naturels atteints mais aussi leur enrichissement.

Photo aérienne de 2004, avant les améliorations foncières, au nord de Reconvilier. De nom- breuses parcelles exploitées de manière différenciée ménagent certaines structures : arbres et buissons isolés sur les parcelles 637 et 1057, mégaphorbiaie sur la parcelle 575.

Photo aérienne de 2011 après la prise de possession des nouvelles terres. Un buisson a été supprimé au nord de la parcelle 2040, la réfection du chemin sur la parcelle 2042 s’est accompagnée de la suppression de buissons, la mégaphorbiaie de la parcelle 2043 a disparu. 86

Pour réaliser un projet on travaille avec une méthodologie de taxation écologique. Des points sont attribués pour chaque élément proche de l’état naturel. Les critères évalués sont la dimension du milieu naturel, sa qualité (diversité des espèces), son potentiel de restauration, sa rareté, sa fonction, sa résistance (risque de dévalorisation en fonction des condi- tions d’exploitation par exemple). La note initiale de chaque élément proche de l’état naturel est donnée par la somme des différentes notes multipliée par la surface en ares.

Riche en mesures de compensation, le secteur de La Vauche situé à l’est de Tavannes permet d’illustrer les travaux de taxation écologique. Pour cet exemple, la note initiale obtenue est de 3630 éco-points.

Etat initial établi en 2006.

Etat réalisé en 2014. 87

Un nouveau bras de la Birse a été créé (140) ; un secteur de l’affluent a été remis à ciel ouvert (390), trois étangs ont été mis en eau (3725, 3726, 3727), une haie (112) ainsi qu’un verger (3411) ont été plantés. De nouveaux herbages extensifs humides ont été créés ou agrandis (703, 3699), l’herbage de l’état initial (703) a été intégré à 693.

La note finale obtenue dans ce secteur est de 7423 éco-points. Elle est deux fois supérieure à celle de l’état initial. Ceci a permis de compenser d’autres secteurs fortement impactés par les améliorations foncières et par la construction de l’autoroute.

La Vauche, Tavannes. Herbage (703) en juin 2002. Non représenté à l’état initial car il ne s’agissait pas à l’époque d’un élément proche de l’état naturel. Le cordon boisé (21) est celui de la Birse (140).

La Vauche, Tavannes. Herbage (703) en mars 2017. Un étang a été créé (3725), la haie à gauche de l’image s’est fortement développée, au même titre que l’aulnaie. A l’arrière-plan on distingue également une nouvelle haie. 88

Rondenois entre Court et Sorvilier. Ruisseau remis dans le Talweg et abris à reptiles.

Entre Pontenet et Malleray. Harmonie entre cultures et paysage renaturalisé. 89

Bas de Mévilier, Court. Nouvel étang.

Belfond, Tavannes. Ruisseau revitalisé. 90

6.3 ENTRETIEN AVEC L'EXPERT EN ÉCOLOGIE

Philippe Fallot est biologiste, diplômé de l’UNINE. Il fut directeur associé du bureau Le Foyard de 1985 à 2009. Depuis 2009, il est responsable « Nature, forêt et paysage » à l’Office des ponts et chaussées du canton de Berne. Dans les améliorations foncières il fut chargé de rédiger les EIE (études d’im- pact sur l’environnement) et de mettre en œuvre les mesures environnemen- tales, en particulier celles découlant du projet autoroutier N16-Transjurane.

Dans votre domaine, comment avez-vous vécu l’aventure du long chemine- ment des améliorations foncières et l’acceptation des mesures écologiques ?

Aventure est bien le terme qui convient. Ça a duré, ça dure encore ; vingt ans d’activité ! Quand les choses ont commencé, à la fin des années quatre- vingts, tout était nouveau. J’étais novice dans les EIE qui balbutiaient. Il n’y avait pas de modèle, peu d’expérience dans ce domaine spécifique et peu de personnes pour en apporter.

Au début de notre action, les demandes concernant des compensations écologiques furent jugées comme une contrainte indésirable. Ces nou- velles normes étaient prises comme une intrusion dans l’intimité des agri- Philippe Fallot culteurs qu’on empêchait de faire ce qu’ils voulaient dans leurs champs. C’était comme si on voulait se mêler d’aménager la chambre à coucher de quelqu’un !

Le rôle de l’écologie est encore souvent perçu négativement ; les paysans ont le sentiment assumé qu’ils en font assez, qu’il y a assez de nature. A juste titre, la surcharge administrative est également décriée. Mais si on y regarde de plus près, on voit que les milieux agricoles s’appauvrissent, en particulier les milieux herbagers et donc aussi la faune qui va avec. Aujourd’hui, la première fauche se fait déjà à la mi-mai alors qu’il y a cin- quante ans on l’achevait en juillet. Je connais un propriétaire qui a retiré une parcelle à un exploitant parce que celui-ci avait choisi de laisser s’installer une diversité florale plutôt que de la faucher « proprement ».

Beaucoup de personnes croient que quand c’est vert c’est forcément natu- rel ! Des évolutions très positives du point de vue de l’écologie doivent cependant être soulignées comme le renoncement aux insecticides type DDT qui a permis aux rapaces d’échapper à la contamination et de rétablir leurs effectifs. Le rôle de ces chasseurs de souris est aujourd’hui reconnu et il n’est pas rare que des paysans disposent des nichoirs à leur intention.

Certains paysans ressentent de l’amertume parce que la population ne sait pas leur exprimer sa reconnaissance pour les travaux qu’ils effectuent dans le domaine des prestations écologiques et paysagères. Pour réparer ce manque de considération, il est indispensable de vulgariser et d’expliquer, d’expliquer encore.

Pour l’agriculteur le contact avec la terre devrait être une évidence. J’ai pourtant l’impression que ce rapport est de plus en plus distant. L’exploitant possède des machines gigantesques qui effectuent des opérations jadis manuelles. Dans d’autres régions on voit des surfaces importantes recou- vertes de plastique, des produits efficaces éliminent les mauvaises herbes et les insectes nuisibles. Ce n’est pas l’agriculteur qui est directement res- ponsable de cette anomalie ; le coupable est plutôt à rechercher dans la politique agricole actuelle.

Quelques réflexions sur l’agriculture ?

La construction de la N16-Transjurane, les améliorations foncières et les mesures écologiques ont mangé beaucoup de terrain agricole. D’autre part, la forêt ne cesse de progresser ; l’inaccessibilité des machines sur les terres en pente explique en partie cet abandon. Autre chose : malgré 91 l’augmentation des surfaces extensives on ne compte pas moins de vaches qu’avant ; le regroupement des parcelles a fait disparaître nombre de petits coins qui étaient des endroits préservés pour la faune et la flore. Ce n’est pas facile aujourd’hui de composer un bouquet multicolore de fleurs des prés.

Depuis l’abandon des prix garantis et l’introduction des paiements directs, l’agriculteur est maintenant payé pour faire autre chose que de la produc- tivité ; c’est un peu comme si on payait le fromager pour les géraniums qui enjolivent son balcon et pas pour le fromage qu’il fabrique.

Avec le libre échange qui prévaut actuellement, il est impossible pour nos agriculteurs de concurrencer des productions qui se font dans des conditions de climat et de relief nettement plus favorables que celles qui dominent en Suisse. Pourtant, la pratique d’une agriculture multifonction- nelle devrait permettre aux paysans de vivre décemment de leur métier sans être obligés de recourir à des expédients comme l’agritourisme pour s’en sortir.

Votre rapport avec les exploitants ?

Mon travail m’a permis d’intégrer le monde agricole que je ne connaissais pas. Pour moi, le monde paysan est un monde bien particulier. Nos pay- sans bossent, ils bossent encore. Et pourtant certains trouvent encore du temps pour siéger dans toutes sortes de commissions et dans les exécu- tifs communaux. Comment font-ils ? Leur mentalité aussi est particulière ; ils veulent à la fois être indépendants et être soutenus par les pouvoirs publics. Je suis étonné de constater qu’ils n’arrivent pas souvent à s’en- tendre entre eux.

J’ai découvert une grande diversité de caractères parmi les agriculteurs que j’ai rencontrés. Il y avait des indécis, des vindicatifs, des coopérants. Le plus compliqué fut de travailler avec ceux qui ne savaient pas ce qu’ils vou- laient. J’ai eu l’impression que parfois, par principe, ils se sentaient obligés de dire non. J’ai dû aussi éviter quelques pièges comme, par exemple, céder à celui qui crie fort et rester intraitable avec celui qui est aimable. Etre juste avec chacun fut un challenge. Malgré toute cette diversité et le fait de devoir présenter des contraintes peu appréciées les relations sont le plus souvent restées cordiales et sincères.

Et pour conclure ?

Pour mener à bien notre action, nous avons eu la bonne fortune de béné- ficier du soutien efficace des commissions d’estimation. Dans les grandes lignes, les mesures prévues ont passé. Au cours de ce long processus les difficultés se sont amenuisées. Il fallait se montrer prêt au compro- mis. A d’autres occasions, c’est rester ferme et savoir dire non qui faisait avancer la cause. Au fil du temps la dimension écologique dans l’agri- culture est devenue normale ; aujourd’hui je considère qu’elle est assez bien acceptée et qu’elle est entrée dans les mœurs, … même si certains pensent qu’un jour tout ça disparaîtra ! Globalement, on peut affirmer que l’équilibre s’améliore : la majorité des gens, y compris les agriculteurs le reconnaissent. 92

7.1 UN PATRIMOINE RURAL MODIFIÉ POUR UNE NOUVELLE IMAGE

Un patrimoine rural modifié ou un patrimoine rural démantelé ? C’est selon. Nostalgiques et progressistes peuvent disserter sur ce thème pendant des heures. Ce ne sera pas notre propos.

La construction de la N16-Transjurane et la réalisation des améliorations foncières qui s’imposèrent ont profondément redessiné le paysage de la Vallée. D’un côté, des viaducs aériens, des ponts vigoureux, des tunnels, des tranchées, des pistes routières aux courbes élégantes permettent aux véhicules de franchir un relief tourmenté avec plus de sécurité et de relier avec plus de commodité deux régions du pays. A une échelle plus modeste, d’autres ponts, de nouveaux chemins gravillonnées ou 7 revêtus, des haies nouvellement plantées, des ruisseaux revitalisés, de petits étangs, des prairies sèches, une géométrie parcellaire simplifiée ont été aménagés. Les deux œuvres qui cohabitent sont installées pour UNE la durée. Bientôt ils présenteront l’image que retiendra la nouvelle géné- ration alors que le souvenir de la précédente s’estompera puis glissera MODIFICATION vers la bibliothèque des archives. PÉRENNE DES PAYSAGES

Reconvilier, La Charbonnière. Avant et après la construction de l’autoroute. 93

7.2 LE TRACÉ DE LA TRANSJURANE

La jonction de Tavannes. Sortie du tunnel Sous le Mont en direction de l’aire de repos de Reconvilier.

Galerie de Malleray. Pont Champ Argent à Bévilard.

Viaduc Eaux des Fontaines à Court. Jonction de Court en direction de Tavannes. 94

7.3 QUELQUES BÉNÉFICIAIRES INATTENDUS

Si, au final, les agriculteurs y trouvèrent leur compte, ils ne furent pas les seuls. Les randonneurs et les admirateurs de nos paysages furent, géné- ralement à leur insu, les heureux bénéficiaires des travaux entrepris dans le cadre des améliorations foncières. Des biotopes ressuscités permettent aux naturalistes d’observer des plantes rares, des espèces animales indi- gènes, des couches géologiques typiques du Jura. Les promeneurs et les cyclistes empruntent des chemins de bonne qualité pour pénétrer au cœur de la campagne. D’ailleurs, à ce sujet, certains imaginent que les chemins construits sont des chemins de loisirs plutôt que des dessertes agricoles.

Un évènement particulier, la pose du pont de Pont-Sapin.

Chemin entre Loveresse et Pontenet. Ancien état et nouvel état avec piste cyclable. 95

Piste cyclable et pont à Pont Sapin à Pontenet.

Court, point de vue depuis Sur Lachat. 96

Recueillir les témoignages d’agriculteurs très directement concernés par le processus des améliorations foncières a été spontanément adoptée par les personnes réunies autour de l’idée de produire cet ouvrage. Ce sont les présidents des trois syndicats qui ont proposé les noms des exploitants qu’on pourrait contacter. Ceux-ci ne devaient avoir exercé aucune charge au cours du processus. Les textes présentés ci-après ont été approuvés par les agriculteurs que nous avons reçus.

Au cours des entretiens, il est apparu que plusieurs points communs les réunissaient. Tous sont très attachés à leur profession et soucieux de sa pérennisation. Si, au départ, plusieurs ne furent pas enthousias- més par le projet, ils reconnaissent aujourd’hui une contribution effec- tive à l’amélioration de leurs conditions de travail, notamment en ce qui concerne la réorganisation des parcelles et des dessertes. En revanche, une vigoureuse unanimité s’est révélée quand ils se sont exprimés sur les 8 compensations écologiques. Ils estiment que de nombreuses demandes étaient déraisonnables ou abusives. Comme si l’agriculture et ses servi- teurs devaient s’effacer devant les droits qu’on attribuait à une nature LES TÉMOIGNAGES idéalisée. Comme s’ils devaient expier un péché trop longtemps caché. Les agriculteurs comprirent rapidement que la seule opposition serait DE CINQ improductive dans cette collision d’intérêts. Heureusement, dans de nom- breux cas, après discussion, après négociation, il a été possible d’assou- AGRICULTEURS plir les exigences initiales pour atteindre le juste milieu si caractéristique des pratiques helvétiques.

Entretien avec Yann Rossé, Rue de la Golatte 28, 2738 Court

Yann Rossé s’inscrit dans une lignée familiale d’agriculteurs enthousiastes et innovants. Il a repris l’affaire à la suite de son père en 2012. Sa nouvelle ferme est implantée en dehors du village, au droit, sur le versant sud du Mont Girod. Il exploite un domaine de 30 hectares SAU ainsi que 26 hectares de pâturages qu’il loue à la bourgeoisie de Court. Yann Rossé est propriétaire de moins de 10 hectares. Il s’est spécialisé dans l’élevage de vaches allaitantes de la race Salers. La Salers est une bête originaire d’Auvergne ; elle est robuste, elle vêle facilement et elle affiche un gain journalier allant jusqu’à 1400 grammes. L’éleveur, comme ses collègues de la société « Les saveurs de nos pâturages » produit une viande de belle qualité sans soja ni huile de palme et sans matières premières venant de régions éloignées. Il approvisionne aussi la société VIANCO pour la marque Natura-Beef de Coop. Au passage, il déplore que le label Natura- Beef ne soit pas soumis aux mêmes normes que celles qu’il s’impose.

Son père Michel, salarié de l’entreprise, est encore actif ; il cultive 70 ares de légumes et 70 ares de pommes de terre. Avec son épouse Michelle Yann Rossé il commercialise des produits et paniers du terroir par un système de vente directe. Autre activité de vitrine, les brunches à la ferme. Ceux que propose la famille Rossé ont plusieurs vertus : ils soignent les contacts avec la population, ils diffusent une bonne image des agriculteurs et ils font la promotion de produits originaux.

En ce qui concerne les améliorations foncières réalisées dans la Vallée de Tavannes Yann Rossé y a vu, dès le départ, des avantages évidents. Il a été d’emblée confiant et favorable au projet. Indépendamment de cette position, Yann Rossé a bénéficié d’un concours de circonstances particulièrement favorables qu’il n’attendait pas. Dans un premier temps on lui refusa le projet d’une construction en dehors du village mais, en contrepartie, dans un deuxième temps, on lui proposa de déménager sur le versant opposé. C’est ainsi, qu’en 2002, il passa de l’envers au droit. Un idéal qu’il n’avait jamais osé convoiter. Une inquiétude pourtant ; avec les nouvelles constructions élevées entre 2002 et 2012 son endettement est encore important. Bien sûr, ce bon coup du destin fit quelques jaloux ! Pour les habitants du village ce fut un bienfait ; le déplacement de la ferme entraîna une diminution du trafic agricole. Une bonne chose depuis 97

que les villageois, à Court comme ailleurs sont devenus moins tolérants envers les nuisances générées. Principalement celles dues au trafic de gros engins. Comme le dit Yann Rossé :

Les gens ne se rendent pas compte que les fermes sont plus grandes, comme les usines dans lesquelles ils travaillent. Pour certains, il ne fau- drait travailler que pendant les heures de bureau !

D’autres avantages sont venus avec les améliorations foncières ; les des- sertes sont meilleures et adaptées aux machines modernes, la réduction du nombre de parcelles, deux tiers en moins, permet une exploitation plus rationnelle. Yann Rossé qui n’est pas trop nostalgique des pratiques ancestrales dit cependant :

Ça fait bizarre de voir d’autres paysans faucher sur les terres qu’on a travaillées pendant des décennies !

Dans ce catalogue de bienfaits il y a cependant un autre chapitre que Yann Rossé tient à exposer. On l’écoute :

J’accepte que l’écologie s’invite dans le monde agricole pour protéger des espèces animales et végétales ou des sites remarquables mais j’estime que ses revendications ne doivent pas envahir la pratique agricole en la contrariant au-delà du raisonnable.

Il ajoute malicieusement :

Leurs petites bêtes savaient déjà qu’elles seraient mieux qu’avant ; mais les gens, eux, ne savaient pas encore qu’ils allaient au-devant de grandes difficultés et de changements définitifs.

Il observe aussi que certaines interventions des milieux écologiques sont dépourvues de bon sens ou des connaissances nécessaires. C’est ainsi qu’il a dû batailler durement pour que l’on renonce à imposer des pavés ajourés sur certains secteurs pentus des dessertes. En effet, quand ce type de revêtement est mouillé, enneigé ou recouvert de boue il se trans- forme en une patinoire sur laquelle le pilotage des engins est impossible.

La morphologie jurassienne n’a rien à voir avec celle du Seeeland où les pavés ajourés ont leur place.

Entretien avec Pierre-André Geiser, Belfond 2, 2710 Tavannes

C’est en dehors de la localité, à l’ouest de Tavannes, entre la route condui- sant à et la ligne des CJ qu’on trouve le domaine de Belfond propriété de Pierre-André Geiser. Après avoir obtenu une maîtrise fédé- rale en agriculture en 1987 Pierre-André Geiser a repris la ferme familiale deux années plus tard, d’abord en fermage jusqu’en 1994. Une manière de pérenniser le métier, dit-il. Un de ses fils, déjà introduit dans le métier, poursuit l’aventure. Ensemble ils exploitent 35,5 hectares de SAU dont la moitié est affermée. A ceci s’ajoutent 54 pâquiers normaux loués à la bourgeoisie au sein d’une communauté d’estivage. L’exploitation est orientée vers la production de lait pour la fabrication du fromage Tête de Moine avec un contingent annuel de 133 000 kilos. « Un bon choix ! » dit Pierre-André Geiser qui complète « Du moins actuellement, étant donné la forte demande sur le marché pour le fameux fromage. » Quelques inquiétudes tout de même en raison d’une nouvelle construction et de l’évolution incertaine du prix du lait.

Si Pierre-André Geiser est domicilié à l’écart de la localité il est bien Pierre-André Geiser présent dans les cercles politiques et économiques. Maire de Tavannes, membre du Conseil du Jura bernois il fut aussi député. On le retrouve éga- lement avec d’importants mandats à la FENACO (un groupe d’entreprises 98

du secteur agricole suisse) et à la Landi. Pierre-André Geiser appartient à cette souche d’agriculteurs compétents et généreux très engagés dans la vie publique.

Pierre-André Geiser a saisi, dès le premier instant, tous les avantages que les agriculteurs obtiendraient avec la réalisation des améliorations foncières. Il dit avec humour :

Si vous cherchiez quelqu’un pour parler contre, je ne suis pas la bonne personne. Je n’ai pas vraiment de choses négatives à dénoncer ! Et, malgré mon adhésion spontanée au projet, je n’ai retiré aucun avantage. Et c’est très bien ainsi !

Pierre-André Geiser a vécu les améliorations foncières comme une évo- lution moderne et positive de l’agriculture sans la crainte d’être embar- qué dans un épisode hasardeux. Il se rappelle aussi que l’ambiance était chaude-bouillante lors de l’assemblée constitutive du syndicat. Il est éga- lement un entrepreneur éclairé qui a la capacité d’évaluer un risque. Dans le passé il fut un des premiers à installer des tanks à lait ; bientôt suivi par ses collègues qui n’y croyaient pas. Il concède que, pour plusieurs exploitants, le projet comportait un risque et une contrariété. Le risque venait de la mise des terres dans un pot commun avant leur redistribu- Accès de Belfond amélioré. tion ; la contrariété était la perte de terres en raison de la construction de la N16 et des ouvrages communs. Dans son cas le remembrement n’a pas été important mais les avantages obtenus avec l’amélioration des dessertes sont indiscutables. Homme pragmatique, Pierre-André Geiser affirme qu’il n’a pas la nostalgie des belles parcelles perdues car il en a reçu d’autres qui sont très bonnes aussi.

Il dit aussi que le processus de mise en place des améliorations foncières n’a pas été une charge qui alourdissait son quotidien. Il apporte sa recon- naissance au travail effectué par le syndicat. Il affirme que les améliora- tions foncières telles qu’elles ont été réalisées dans sa région s’inscrivent dans une perspective de durabilité et de modernisation de l’agriculture. Selon ses dires, le contact et les échanges avec les organisations de pro- tection de la nature se sont bien passées. Dans quelques réalisations il a cependant le sentiment que l’on a privilégié la nature au profit de la nature plutôt que la nature au profit de l’homme. Mais il tempère :

Comme agriculteur, on oublie parfois de voir les belles choses.

Entretien avec M. Richard Scheidegger, Rue Nonceruz 3, 2732 Reconvilier

C’est sur la rive droite de la Birse, dans une combe, entre la ligne de che- min de fer et les anciennes installations militaires de la Tankbahn qu’on trouve la ferme habitée par Richard Scheidegger et sa famille. L’agriculteur a repris en fermage l’exploitation de son père en 1991 déjà. Il en devien- dra propriétaire en 2010. La success-story de la famille Scheidegger est appelée à se poursuivre avec la fille aînée du couple qui apprend le métier d’agricultrice. « Ça fait plaisir ! » dit son père. Avec 31 hectares de SAU dont la moitié environ est louée et une part de pâturage l’exploitant produit du lait industriel avec un contingent annuel de 110 000 kilos. Son domaine à ceci de particulier qu’il s’étend sur les territoires des communes de Reconvilier et Tavannes. La famille Scheidegger commercialise également du baby-bœuf, des taurillons âgés de six à huit mois, dans le circuit de la vente directe pour une clientèle essentiellement suisse-alémanique. Depuis l’an 2000, les Scheidegger sont une famille d’accueil ; une qua- rantaine de jeunes en difficulté ont fait un séjour à Nonceruz 3.

Richard Scheidegger Richard Scheidegger confesse, qu’au départ, il se rangeait du côté des opposants au projet des améliorations foncières. C’était une crainte finan- cière qui dictait en partie son hostilité. Il observe que cette crainte a été en partie confirmée avec l’augmentation du prix de location des terres 99 depuis la fin des travaux. De plus, pour lui la situation était enchevêtrée : ses terres étaient réparties sur deux communes et concernées à la fois par les travaux de construction de la N16 et par ceux liés aux améliorations foncières. Dans ce long processus Richard Scheidegger s’est employé en priorité à intervenir pour les terres qu’il possède en propre. Il dit aussi :

Maintenant c’est terminé ; il y a déjà dix ans qu’on a fait la répartition des terres. C’est suffisant pour oublier les inconvénients. Au final, je dois reconnaître que c’est bien fait. Je suis content. Je suis resté dans la superficie d’exploitation que j’espérais. Côté avantages, il y a quelques commodités aussi. Comme les parcelles sont plus grandes et que leur nombre a diminué, la pile de formulaires à remplir a maigri ; on est passé de septante numéros de parcelles à dix-huit. En ce qui concerne les inter- ventions pour la N16 sur mes terres les choses ne se sont pas toujours bien passées. Alors c’est le machiniste qui prenait ! Heureusement, les dédommagements ont été payés rapidement et généreusement. D’une manière générale j’ai accepté les contrariétés sans trop d’inquiétude. Je n’ai pas eu besoin d’avaler des antidépresseurs !

Nonceruz, nouvel agencement pour éviter les inondations.

Dans ce troc foncier il regrette la perte d’une parcelle située à quelques dizaines de mètres de sa ferme. Il poursuit :

Les chemins qu’on a construits sont super pour nous. Mais ils sont telle- ment bien qu’ils sont empruntés par de nombreux utilisateurs qui n’ont rien à voir avec l’agriculture. Ils sont considérés comme des chemins de loisirs. Malgré nos interventions, ces dessertes ne sont toujours pas pro- tégées. Les gens qui les considèrent comme des chemins de loisirs ont pris de mauvaises habitudes : ils parquent leurs voitures dans les prés, y lâchent leurs chiens, organisent des jeux.

Il complète : Le plus grand problème dans cette histoire a été l’affaire des compensa- tions écologiques. Au départ les exigences des écologistes étaient extra- vagantes. Ces gens vivent dans un monde théorique. Ils réclamaient plus d’un kilomètre de ruisseaux revitalisés, plus de deux kilomètres de haies, des prairies fleuries, des prairies extensives, des biotopes, etc. Pourquoi une haie doit-elle être plantée au beau milieu d’une parcelle plutôt qu’à sa bordure ? Dans une haie, je vois des buissons ; eux ils entendent des oiseaux ! Avec des broussailles je ne nourris pas mes vaches ! Il a fallu lut- ter ! Malgré mon application, je n’ai pas pu empêcher la remise à ciel ouvert d’un ruisseau qui a divisé une de mes parcelles en quatre parcelettes ! 100

Dans les négociations Philippe Fallot est resté assez serein malgré mes pro- pos parfois impulsifs. C’est peut-être parce qu’il a l’habitude d’en ramasser ! Mais, finalement ma résistance a porté ses fruits.

Il ajoute : Il n’y avait pas de sous, nulle part. Mais dès qu’un aspect écologique était introduit dans un projet, alors les subventions et les indemnités pleuvaient ! Par la force des choses les paysans sont naturellement écolos mais il est difficile de faire reconnaître cette compétence !

Entretien avec Peter Wenger, Les Vies 7, 2732 Loveresse

La ferme des Vies est située au droit, au sud de Loveresse, non loin des bâtiments qui abritent la Fondation rurale interjurassienne. Peter Wenger travaille une surface de 29 hectares SAU dont 10 environ sont loués. A ceci s’ajoute une part de pâturage de 7 hectares où il laisse pâturer son jeune bétail. Il cultive 8 à 9 hectares de céréales panifiables et de céréales fourra- gères. La part la plus importante des surfaces est réservée pour la production herbagère. Le cheptel de la race brune, un choix rare dans la région, alimente un contingent annuel de 103 000 kilos de lait destiné à la fabrication du fro- mage Tête de Moine. Dans cette production spécialisée Peter Wenger soutient que l’ordre et une hygiène irréprochable sont les garants de son salaire. L’engraissement de taurillons complète son revenu principal.

Peter Wenger a repris l’exploitation à la suite de son père en 1999 déjà mais ce dernier est encore propriétaire du domaine. La reprise est en prépara- tion. Son épouse, son frère, ses parents l’épaulent quand c’est nécessaire. Malheureusement la succession familiale n’est pas assurée car sa fille unique ne souhaite pas se lancer dans le métier.

Dans les discussions concernant les améliorations foncières c’est Peter Wenger qui a négocié avec le maître d’ouvrage car son père ne maîtrisait pas suffisamment le français. Au départ, il reconnaît avoir été assez sceptique ; mais, assez rapidement il comprit que c’était une chance qu’il ne fallait pas laisser passer. Avant le remaniement il travaillait plus de trente parcelles dont quelques-unes étaient inférieures à 20 ares ; maintenant il en a six toutes situées au droit et à proximité de sa ferme. Quant aux terres affermées elles ont été recomposées en un seul tenant. Il dit être très satisfait des nouvelles conditions d’exploitation :

Je n’ai plus de terres à l’extérieur de Loveresse. Le gain de temps que j’ai obtenu aurait été impossible sans le remaniement. Pour ce qui est des che- mins, on a été gâtés. Ce qu’on a demandé on l’a obtenu. Avant les dessertes étaient dans un état de grand délabrement et sans apport financier extérieur il aurait été impossible d’y remédier.

Les personnes avec lesquelles j’ai eu affaire lors des estimations ou des échanges de terres ont été très correctes. Je n’ai pas été désavantagé. Pendant la durée des travaux on a fait ce qu’il fallait pour que je puisse toujours accéder à mes champs.

Peter Wenger est un homme tolérant. Il ne voit pas d’un mauvais œil les nombreux utilisateurs des nouveaux chemins :

Les paysans, on n’est pas seuls au monde, on est même une rareté ! Je trouve que dans l’ensemble les gens sont assez respectueux ; je ne poserai pas de signaux d’interdiction.

Homme compréhensif et bienveillant, Peter Wenger adresse cependant quelques reproches aux protecteurs de l’environnement. Il s’est aperçu rapidement que dire : « Je n’en veux pas » n’étaient pas des propos qu’ils pouvaient entendre. Ils ont eu parfois des demandes déconcertantes comme celle de planter une haie au beau milieu d’une parcelle. Il estime aussi que 101

ces personnes méconnaissent ce que représente l’entretien des haies. Ils ignorent qu’il faut y travailler régulièrement : tailler, éradiquer les chardons et les rumex ne sont pas des choses faciles.

Dans un cas au moins la pose de pavés ajourés sur un chemin en forte pente n’était pas appropriée. Pour éviter de glisser certains utilisateurs roulent en dehors du revêtement et abîment les accotements ; ensuite le ravine- ment emporte la terre et le gravier. C’est un ouvrage qu’il faudra refaire très prochainement.

Peter Wenger observe que dans certains domaines on exige la précision à la virgule près, au point près et que dans d’autres on laisse aller les choses. Avec pour résultat une mauvaise image de l’agriculture.

Entretien avec Othmar Klötzli, Droit de Mévilier 1, 2738 Court

Le domaine repris par Othmar Klötzli en 1974 a été acquis par son grand-père en 1929. Ses deux fils, des jumeaux, déjà dans l’affaire, assureront la succes- sion. L’exploitation jouxte la réserve naturelle des Chaufours et l’ancien site d’extraction de sable vitrifiable du Lac Vert. Les protecteurs de la nature sont donc de vieilles connaissances avec lesquelles il cohabite harmonieusement depuis des lustres. Longtemps isolée la ferme est maintenant léchée par l’extension du village dans sa partie ouest. Sur les 30 hectares de SAU mis en culture, Othmar Klötzli en possède 16. Il n’est pas utilisateur du pâturage communal. Son activité principale est la production de lait industriel avec un contingent annuel de 170 000 kilos. Il écoule aussi la viande de taurillons auprès de grandes enseignes ; une reconversion dans cette production est actuellement envisagée. Pour améliorer leurs revenus les trois agriculteurs effectuent des travaux pour des tiers : confection de balles rondes, épandage, fauche. Un domaine dans lequel il a y a de la concurrence.

Le remaniement a peu modifié la structure du domaine. Auparavant, Othmar Othmar Klötzli Klötzli avait déjà procédé à des échanges à l’amiable avec quelques collègues. Les changements qui sont intervenus par la suite ne furent pas importants :

« Oui, ça c’est bien passé ; on s’en est bien sorti. Je n’ai pas souffert pendant la procédure ; d’autant moins que je n’ai pas été touché par la construction de la N16. Dans les négociations, j’ai toujours su ce que je voulais ou ne voulais pas. S’opposer sans savoir ce qu’on veut ne sert à rien. Et puis, quand on y va, il faut avoir quelques propositions en réserve. J’ai eu de bons contacts avec les estimateurs des terres ; ce sont des personnes qui s’y connaissent et qui parlent le même langage que moi.

Actuellement nous travaillons 11 parcelles proches de la ferme. Je suis évi- demment intéressé par l’acquisition de surfaces supplémentaires. Dans l’affaire, je regrette d’avoir perdu le fermage de 3 hectares que je louais à la bourgeoisie ; je n’ai pas apprécié le procédé qui m’a privé de ces terres. Nous sommes au village depuis bientôt cent ans ! »

Il complète : Pour les exigences présentées par l’écologie, il a fallu tenir bon. J’ai le senti- ment que certains protecteurs de l’environnement manquaient de sens pra- tique. Ils se présentaient plutôt en défenseurs qu’en protecteurs. Notamment quand on m’a proposé de planter une haie dans de beaux champs. Fort heu- reusement, après discussion, j’ai réussi à faire modifier le projet initial. Par contre je n’ai pas pu empêcher le creusage de deux mares sur de bonne terres. Avec un peu de jugeote, on aurait pu les déplacer un peu plus loin sur des surfaces mieux adaptées.

Certains chemins doivent être améliorés principalement ceux qui présentent une trop forte déclivité. Je connais un chemin qui est un chemin pour tuer un paysan ! Sur les secteurs construits avec des pavés ajourés, l’herbe n’a pas le temps de pousser parce qu’on les utilise beaucoup. 102

9.1 ORGANIGRAMME DES MULTIPLES ACTEURS

Propriétaires fonciers / surfaces de terrains dans le périmètre Instances judiciaires - Préfecture - Commissions d’estimation Communes municipales Assemblée de votation - Commission cantonale des améliorations foncières - Tribunal administratif 9 Propriétaires fonciers membres du syndicat - Tribunal fédéral Syndicat d’amélioration foncière - assemblée générale - comité Direction technique - vérificateurs des comptes ANNEXES - génie rural Entreprises de génie civil - mensuration officielle - chemin - commission d’estimation - mesures écologiques - cours d’eau

Bureaux spécialisés - études écologiques - études pédologiques Notaires - ingénieurs forestiers

ƚĂƚĚĞĞƌŶĞ

Direction de l’économie publique Direction des travaux publics, des - Office de l’agriculture et de la transports et de l’énergie Registre foncier nature - Office des ponts et chaussées - Service des améliorations - Routes nationales structurelles et de la production - Office de la coordination environnementale et de l’énergie - Office de l’information géographique

Conseil-exécutif

Grand Conseil

Confédération

Office fédéral de l’agriculture Office fédéral de l’environnement - Secteur Améliorations foncières 103

9.2 LEXIQUE, UN VOCABULAIRE SPÉCIFIQUE

Améliorations foncières. Mesures de génie rural destinées à améliorer les structures de l’agriculture et de l’espace rural. Elles comprennent les remaniements parcellaires, les chemins d’accès aux fermes et aux terres agricoles, les installations de transport les adductions d’eau en région de montagne, l’amélioration des drainages, etc.

Améliorations foncières intégrales. Mesures globales destinées à améliorer les bases de production des exploitations agricoles, à diminuer leurs frais, à améliorer les conditions de vie et la situation économique en milieu rural et à réaliser des objectifs en matière d’écologie et d’aménagement du territoire.

Ancien état. Régime cadastral avant le remaniement parcellaire.

AOP et IGP. Dans les AOP toutes les étapes de production, de la matière première à l’élaboration du produit, ont lieu dans la région définie. Pour les IGP, une étape au moins de ce processus doit être effectuée dans la zone d’origine.

Bail à ferme. Le bail à ferme agricole est un contrat par lequel le bailleur s’oblige à remettre au fermier, moyennant un fermage (montant du loyer), l’usage d’un bien à des fins agricoles et à lui en laisser percevoir les fruits ou les produits.

Commission des améliorations foncières (CAF). Autorité judiciaire indé- pendante de l’administration qui statue sur les oppositions et les recours en relation avec les améliorations foncières et forestières.

Compensations écologiques. C’est un terme générique désignant des mesures servant au maintien ou au rétablissement de la fonction des milieux naturels.

Déduction générale. Déduction non indemnisée en pour-cent de la valeur de l’ancien état. Dans le syndicat AF elle couvre les besoins pour les ouvrages d’améliorations foncières (par exemple les chemins), pour facili- ter la nouvelle répartition des terres et pour des mesures de remplacement écologiques.

Etude d’impacts sur l'environnement (EIE). La loi sur la protection de l’en- vironnement demande d’apprécier la compatibilité avec les exigences éco- logiques des constructions ou installations pouvant affecter sensiblement l’environnement.

Fondation rurale interjurassienne (FRI). La FRI est une institution interju- rassienne qui associe, sur un pied d’égalité, quatre partenaires regroupant deux cantons et deux chambres d’agriculture. Elle est le principal instrument du développement rural dans le canton du Jura et le Jura bernois. Ces tâches principales sont centrées sur la formation et le conseil dans les domaines essentiels du développement rural. En 2005 la FRI a repris les activités de l’Institut agricole du Jura (IAG) de Courtemelon et celles du Centre de for- mation et de vulgarisation agricole du Jura bernois (CFVA-JB) de Loveresse.

GELAN. GELAN est l’abréviation de l’allemand Gesamtlösung EDV Landwirtschaft und Natur. Cet acronyme désigne le système d’informa- tion agricole exploité conjointement par les cantons de Berne, Fribourg et Soleure et utilisé principalement pour gérer le versement des paiements directs.

Herd book. Le herd book établit pour chaque animal un certificat d’ascen- dance et de performance. Il résume toutes les informations sur l’apparte- nance à la race, le pourcentage sanguin, l’ascendance, les performances, la morphologie et les valeurs de l’élevage. 104

Immeuble. Se dit d’un bien fixe, du sol et de ce qui y est incorporé, notam- ment les bâtiments.

Mégaphorbiaie. Formation végétale inféodée aux zones humides composée de grandes plantes herbacées vivaces comme les roseaux.

Mensuration officielle (MO). La mensuration officielle reconnue par le Canton et la Confédération établit les mesures en vue de l’établissement et de la tenue du registre foncier.

Mise à l’enquête publique. Procédure codifiée préalable aux grandes déci- sions ou réalisations d’aménagement du territoire. Le délai d’opposition est de trente jours.

Office d’information géographique (OIG) du canton de Berne. Il conduit les travaux liés à la mensuration officielle, au cadastre et à la propriété foncière.

OFS. Office fédérale de la statistique.

Paiements directs. Le système des paiements direct est l’élément central de la politique agricole. Ce système encourage l’agriculture à fournir des prestations en faveur de la société : sécurité de la production alimentaire, entretien du paysage cultivé, préservation des ressources naturelles, modes de production respectueux de l’environnement et des animaux, occupation décentralisée du territoire. Chacune de ces prestations est soutenue par un type de paiements spécifiques.

Pâquier. Un pâquier normal correspond à l’estivage d’une unité de gros bétail pendant 100 jours.

Périmètre. Surface concernée par une mesure, par exemple un remanie- ment parcellaire, délimitée selon des critères naturels, techniques ou économiques.

Pierrosité des sols. Ensemble des particules minérales ayant un diamètre de plus de 2 mm.

Plan Wahlen. C’est un programme d’autosuffisance alimentaire développé par Friedrich Traugott Wahlen et mis en place en 1940 par la Suisse pour pallier la pénurie de ressources et de matières premières vitales.

Plus-values et moins-values. La présence sur une parcelle d’arbres fruitiers, d’une haie, d’un captage, de poteaux, et d’autres éléments sont pris en compte pour déterminer une plus-value ou une moins-value.

Politique agricole, PA. La politique agricole définit les bases économiques, juridiques et sociales de l’agriculture et de la foresterie ; le mandat est ins- crit dans la Constitution fédérale. Afin que l’agriculture puisse garantir la sécurité de l’approvisionnement de la population, la PA doit mettre en place des mesures encourageant et garantissant la production et l’écoulement des produits sur le marché. Pour conserver l’attractivité des paysages cultivés, la PA définit les mesures de mise en œuvre, par exemple l’attribution de contributions pour des prestations écologiques.

Elle regroupe l’ensemble des mesures relatives à l’organisation économique, sociale et juridique de l’agriculture prises par la Confédération, les cantons, les corporations de droit public, les organisations professionnelles et poli- tiques. Elle concerne la recherche, la formation, la politique des prix et des marchés, les améliorations foncières, les constructions, le droit foncier, la politique commerciale et douanière.

Prairies artificielles ou prairies temporaires. Prairies ensemencées qui sont exploitées pendant un cycle de végétation au moins dans le cadre de l’assolement. 105

Prairies permanentes. Surfaces composées essentiellement de graminées et d’herbacées qui sont fauchées au moins une fois par an pour la production de fourrage.

Production intégrée (PI). C’est un système d’exploitation respectueux de l’environnement. On utilise des moyens et des mécanismes régulateurs natu- rels. L’utilisation de produits phytosanitaires et d’engrais ne provenant pas de l’exploitation est réduite au maximum pour préserver la fertilité du sol à long terme.

Propriété foncière. C’est le droit de disposer de manière exclusive et absolue d’un bien-fonds.

Registre foncier. Le registre foncier enregistre tous les biens-fonds d’une région et l’historique des transactions effectuées. Le bureau du registre fon- cier du Jura bernois a son siège à .

Remaniement parcellaire. Procédure destinée au regroupement des terres agricoles, à l’amélioration du réseau de chemins et du régime hydrique du sol.

Remembrement. Procédure permettant de déplacer et de remodeler des biens-fonds dans le but de permettre un développement approprié de zones à bâtir, l’exploitation rationnelle des terres agricoles, la construction d’in- frastructures publiques comme les autoroutes.

SAU, surface agricole utile. Surface utilisée pour la production végétale à l’exception des estivages et des forêts.

Servitude. Droit réel limité qui procure à son titulaire l'usage et/ou la jouis- sance d'une chose. Les servitudes peuvent avoir des contenus très divers : droit de passsage, droit de source, interdiction de bâtir, usufruit.

Syndicat des améliorations foncières. Corporation de droit public constituée de propriétaires fonciers qui cherchent ensemble à réorganiser la propriété foncière pour mettre en valeur le sol ou pour mettre en place et financer des équipements collectifs : dessertes, assainissements, ouvrages, aménage- ments écologiques et paysagers.

Terrain de masse. Somme des valeurs de taxation qui sont la propriété du syndicat d’améliorations foncières. La masse est constituée par l’achat de terrains de gré à gré et par la déduction générale.

Terres assolées. Terres soumises à la rotation des cultures. Elles comprennent les terres ouvertes et les prairies artificielles.

Terres ouvertes. Surfaces affectées à des cultures annuelles des champs, à la culture des légumes, des baies, des plantes aromatiques ou médicinales.

Transjurane. D’une longueur de 85 kilomètres, l’A16-Transjurane est une route nationale qui relie, du nord au sud, la frontière franco-suisse à Delle-Boncourt à Bienne. L’A16 Transjurane a été intégrée dans le réseau des routes natio- nales en 1984. Sa construction est financée par la Confédération à raison de 95 % dans le canton du Jura et 87 % dans le canton de Berne.

Triticale. Hybride entre le blé et le seigle ; cultivé surtout comme céréale fourragère.

UGB, unité de gros bétail. Elle est l’unité de référence qui permet de calculer les besoins nutritionnels de chaque type d’animal. Par extension on évalue les surfaces nécessaires pour l’élevage des animaux. Par exemple, 1 UGB est l’équivalent pâturage d’une vache laitière qui produit 3000 kg de lait par année. Une génisse ne vaut plus que 0.4 UGB.

UMOS. Unité de main d’œuvre définie dans la politique agricole. 106

On définit le bilan comme étant un inventaire des conséquences d’un événement.

C’est plus fort que tout, quand on établit un bilan on n’échappe pas à l’idée de raisonner en avantages et inconvénients, en pertes et gains. Mais, dans le cas qui nous occupe, est-il prétentieux d’affirmer que les améliorations foncières réalisées dans notre vallée n’ont fait que des gagnants ? C’est ce que nous pensons et voici pourquoi. Pour réussir dans ce win-win il a fallu trouver les bonnes personnes et les mettre à la bonne place. Mais pas seulement, il était aussi indispensable que ces dernières soient des personnes de bonne volonté décidées à agir pour conduire au succès cette vaste opération. Ils manœuvrèrent si bien que la réussite se fit dans les meilleures conditions ; les habitants de la Vallée leur accorde- ront certainement leurs remerciements et leur reconnaissance. L’histoire d’une région est, une fois par siècle ou plus rarement encore, 10 marquée par des dérangements qui mettent en émoi ses habitants. C’est ainsi que les réformes entreprises par le prince-évêque de Bâle ou par Napoléon dans la propriété foncière furent des événements qui, avant BILAN de s’inscrire dans l’histoire, bouleversèrent les anciennes pratiques.

Figure 16 Plan géométrique de Pontenet de 1828.

Les améliorations foncières effectuées lors de la construction de la N16- Transjurane appartiennent elles aussi, sans doute, aux réalisations qui modifient pour la durée les pratiques du monde paysan. Dans les temps anciens, le prince ou l’empereur décrétait et on faisait. Simple et efficace ; tous les savoirs étaient dans les mains de ces seigneurs. Les sujets, per- suadés de la supériorité de leur souverain, s’ajustaient, bon gré, mal gré, aux nouveaux usages. Ces comportements ont bien changé. De nos jours c’est un essaim d’intéressés qu’il faut apprivoiser et convaincre : autorités, hiérarchies, propriétaires, agriculteurs, syndicats, techniciens, écologistes ; chacun cherchant en la circonstance à s’approprier quelques avantages. Et ce ne fut pas une sinécure de composer avec autant de compétences. 107

Chemin de desserte entre Pontenet et Loveresse.

Au cours des années, d’autres changements sont intervenus. C’est ainsi que la qualification de propriétaire s’est modifiée. Si, dans l’ancien temps, l’exploitant était généralement aussi le propriétaire des terres qu’il travail- lait ce n’est plus le cas aujourd’hui. La majorité des propriétaires sont les fils ou les petits-fils de ceux qui ont quitté la terre aspirés par les besoins d’une industrie gourmande en main d’œuvre. Eloignés des contraintes et des soucis des paysans, ces héritiers raisonnent différemment car leurs intérêts sont rarement compatibles avec ceux de leurs concitoyens ter- riens. A cet éloignement s’est ajoutée une modification profonde de la composition de la population active. En raison du renoncement à l’agri- culture de beaucoup de familles, la majorité constituée par les gens de la terre s’est tellement érodée qu’au final de majoritaire elle est devenue minoritaire. Ce qui oblige ceux qui restent à une grande vigilance s’ils veulent s’affirmer face aux indifférents qui accepteraient sans émotion la disparition du monde des paysans.

L’expression « amélioration foncière » ne laisse pas de place pour le doute. Elle contient en elle l’évidence d’un changement vers le mieux. Alors, qui sont les bénéficiaires des améliorations foncières ?

Les agriculteurs ? Certainement ; mais ils sont les plus méritants. Ce changement leur offre de meilleures conditions d’exploitation grâce au regroupement des parcelles et à l’amélioration des dessertes qui peuvent supporter leurs machines impressionnantes. Certains commentent ; ils estiment qu’on ne trouve pas d’autre exemple où l’on a dépensé autant de millions pour un si petit nombre de personnes ! Probablement qu’il est erroné de faire un tel raccourci car, si les agriculteurs sont en première ligne pour récolter des avantages, d’autres, moins visibles, sont égale- ment bien placés dans le palmarès.

Les protecteurs de la nature ? Assurément. Ils devaient absolument saisir cette opportunité unique d’être rangés dans la catégorie des bienfaiteurs de la nature. Convaincus qu’il fallait réparer ce que d’autres hommes, 108

répondant alors aux besoins et aux conceptions de leur époque, avaient dénaturé. Il faut reconnaître qu’ils ont réussi à redonner à nos paysages une diversité et une harmonie remarquables. La nature elle-même, par- tenaire muette de cette régénération s’en trouve revigorée. Nous leur accordons un bon point !

Les élus de nos communes ? Sûrement. En accompagnant le processus, ils laisseront leurs noms attachés à l’une des œuvres majeures du siècle… chez nous. Il n’est pas rare d’entendre : « Voyez-vous, c’est quand j’étais au conseil que… ».

Les ingénieurs, les entrepreneurs, les techniciens et d’autres spécialistes qui ont dessiné, calculé, mesuré, construit ? En effet. Sans leur art rien n’aurait été possible. Il faut leur reconnaître des compétences essentielles pour avoir conduit, avec succès, du début à la fin, un projet aussi presti- gieux. Et la renommée qu’ils en ont retirée est méritée.

Vous et moi ? Bien entendu. Contribuables anonymes, nous avons permis de constituer le capital nécessaire au succès de l’entreprise. En contre- partie, quand l’envie nous prend, nous empruntons gratuitement routes et chemins qui nous conduisent au cœur d’une campagne apaisante.

L’œuvre qu’on admire (les améliorations foncières) bénéficie, pour quelques années encore, du privilège donné par la nouveauté. Elle connaî- tra le déclin de sa notoriété actuelle. La transformation amène la curiosité, le temps apporte la banalisation. D’ici une cinquantaine années, face au paysage si profondément remanié qui sera le premier à dire avec aplomb : « Ça a toujours été comme ça ! » ? 109

11.1 INFORMATIONS GÉNÉRALES

– Office fédéral de l’agriculture – Office fédéral de l’environnement, des forêts et du paysage – Office fédéral de la statistique

– Office de l’agriculture et de la nature du canton de Berne. – GELAN, système d’information agricole exploité par les cantons de Berne, Fribourg et Soleure

– BELEX, recueil des lois bernoises – LE Foyard, bureau d’études en environnement – Sigeom SA, bureau d’ingénieur spécialisé – N16-Transjurane, diverses publications – Dictionnaire historique de la Suisse 11 – Syndicats AF, divers documents SOURCES

11.2 TABELLES

1 1HƂEGHÅFÅTCNFGNCUVCVKUVKSWG0GWEJ¾VGN 2 1HƂEGHÅFÅTCNFGNCUVCVKUVKSWG0GWEJ¾VGN 3 1HƂEGHÅFÅTCNFGNCUVCVKUVKSWG0GWEJ¾VGN 4 )'.#01HƂEGFGNoCITKEWNVWTGGVFGNCPCVWTG$GTPG 5 )'.#01HƂEGFGNoCITKEWNVWTGGVFGNCPCVWTG$GTPG 6 1HƂEGHÅFÅTCNFGNCUVCVKUVKSWG0GWEJ¾VGN Service des améliorations structurelles et de la production 7 (SASP), Münsingen 8 Sigeom SA, Moutier Syndicats d’améliorations foncières de Court, Centre-Vallée 9 et Reconvilier-Tavannes 10 11 Sigeom SA, Moutier et Service des améliorations structurelles 12 et de la production (SASP), Münsingen 13 14

15 Syndicats d’améliorations foncières de Court, Centre-Vallée 16 et Reconvilier-Tavannes Commissions d’estimation des Syndicats de Court, Centre-Vallée 17 et Reconvilier-Tavannes, rapports agricoles

18 Sigeom SA, Moutier et Service des améliorations structurelles 19 et de la production (SASP), Münsingen 20 Sigeom SA, Moutier 21 110

11.3 PHOTOS

Page Source

05 Jean-Marie Jolidon, Le Fuet 09 Jean-Marie Jolidon, Le Fuet Samuel Winkler, Reconvilier 11 A15 Transjurane, information et communication, www.a16.ch Jean-Marie Jolidon, Le Fuet, document des Archives de l'Etat 16 de Berne Jean-Marie Jolidon, Le Fuet, document des Archives de l'Etat 17 de Berne 20 Bureau d’ingénieurs P.A. Niederhäuser SA, Bévilard 21 Bureau d’ingénieurs P.A. Niederhäuser SA, Bévilard 22 Bureau Le Foyard, Bienne 23 Daniel Geiser, Loveresse 24 Bureau Le Foyard, Bienne 25 Kurt Ryf, Berne 26 Kurt Ryf, Berne 27 Bureau d’ingénieurs P.A. Niederhäuser SA, Bévilard 28 Sigeom SA, Moutier 42 Jean-Marie Jolidon, Le Fuet 43 Jean-Marie Jolidon, Le Fuet 44 Sigeom SA, Moutier 46 Jean-Marie Jolidon, Le Fuet 47 Jean-Marie Jolidon, Le Fuet 51 GEOTEST SA, Zollikofen 53 Samuel Winkler, Reconvilier 63 Bureau d’ingénieurs P.A. Niederhäuser SA, Bévilard 64 Bureau d’ingénieurs P.A. Niederhäuser SA, Bévilard 67 Bureau d’ingénieurs P.A. Niederhäuser SA, Bévilard 68 Jean-Marie Jolidon, Le Fuet 70 Jean-Marie Jolidon, Le Fuet 72 Jean-Marie Jolidon, Le Fuet 73 Jean-Marie Jolidon, Le Fuet 74 Jean-Marie Jolidon, Le Fuet 75 Jean-Marie Jolidon, Le Fuet Sigeom SA, Moutier 80 Bureau Le Foyard, Bienne Bureau Le Foyard, Bienne 81 Kurt Ryf, Berne 82 Bureau Le Foyard, Bienne 83 Kurt Ryf, Berne 84 Samuel Winkler, Reconvilier 85 Bureau Le Foyard, Bienne 86 Bureau Le Foyard, Bienne 111

87 Bureau Le Foyard, Bienne 88 Jacques Simonin, Malleray 89 Jacques Simonin, Malleray 90 Jean-Marie Jolidon, Le Fuet Bureau Le Foyard, Bienne 92 Samuel Winkler, Reconvilier 93 A15 Transjurane, information et communication, www.a16.ch 94 Bureau d’ingénieurs P.A. Niederhäuser SA, Bévilard 95 Jacques Simonin, Malleray 96 Jean-Marie Jolidon, Le Fuet 97 Jean-Marie Jolidon, Le Fuet Kurt Ryf, Berne 98 Jean-Marie Jolidon, Le Fuet 99 Samuel Winkler, Reconvilier 101 Jean-Marie Jolidon, Le Fuet Jean-Marie Jolidon, Le Fuet, document des Archives de l'Etat 106 de Berne 107 Kurt Ryf, Berne

11.4 FIGURES

1 MFR Géologie-Géotechnique SA, 2500 Bienne 2 1HƂEGHÅFÅTCNFGNCVQRQITCRJKG 3 1HƂEGHÅFÅTCNFGNCVQRQITCRJKG5KIGQO5#/QWVKGT 4 Archives de l’Etat de Berne 5 6 1HƂEGHÅFÅTCNFGNCVQRQITCRJKG5KIGQO5#/QWVKGT 7 8 9 10 11 Sigeom SA 12 13 14 15 16 Archives de l’Etat de Berne