AUX ORIGINES D’UNE PETITE AGRICULTURE FAMILIALE A HAFFOUZ : LES COOPERATIVES ET LEURS HERITAGES EN TUNISIE CENTRALE

Chapitre paru : in Agricultures familiales et territoires dans les Suds, A. Gana, E. Mesclier, N. Rebaï (eds), IRMC-Karthala, 2019, 336 p.

Anne-Laure COLLARD Jeanne RIAUX Mohamed ELLOUMI

En Tunisie, la succession des politiques agricoles et le discours dominant sur la petite agriculture ont participé à construire un fort dualisme agraire entre une agriculture « performante » et une petite agriculture « en retard ». Historiquement, la petite paysannerie tunisienne a été malmenée par les pouvoirs publics, demeurant la plupart du temps, à l’écart et/ou en marge des projets de modernisation agricole. Les paysans ont été déplacés et dépossédés de leurs terres à l’époque du protectorat (Poncet, 1962), puis poussés à adhérer au projet politique de modernisation de « leur » agriculture après l’indépendance du pays. En 1961, la mise en œuvre de l’expérience collectiviste avait pour objectif la participation à cette dynamique d’appui au développement de la petite agriculture en promouvant son intensification (Cherel, 1964, Jouili, 2008). Mais l’expérience des coopératives n’a duré que peu de temps. Dès la fin de 1969, les politiques publiques se sont détournées du collectivisme pour adopter une orientation plus libérale dans une logique de privatisation du foncier et de soutien à l’initiative privée. A partir de 1986, la Tunisie a renforcé cette tendance sous la pression internationale dans le cadre d’un plan d’ajustement structurel. Fondée sur une exploitation minière des ressources foncières et hydrauliques (Elloumi, 2013, Jouili et al., 2014), l’agriculture « moderne » capable d’adopter le modèle d’intensification de la révolution verte et de répondre aux signaux du marché, a alors été valorisée. Les petits agriculteurs ont été les premiers à en pâtir. En effet, les politiques d’aide agricole, subventions et crédits, ont été conditionnées par l’existence d’un titre foncier, d’un compte bancaire et de la solvabilité de l’agriculteur (Jouili, 2009). Or, c’est loin d’être le cas de tous encore aujourd’hui (Belhedi, 2014). Si l’intégration au marché de la majorité des exploitations et les efforts de développement rural et agricole ont réduit le poids du dualisme foncier observé dans les années 1960, le début des années 2000 marque un retour du dualisme agraire sous forme d’accès différencié aux ressources naturelles et financières (Elloumi, 2007, Guillaume, 2009).

De manière contrastée, la place et le rôle de la petite agriculture sont aujourd’hui valorisés dans le monde1, et particulièrement en Tunisie, aux lendemains de la Révolution (Gana, 2013). La valorisation de cette forme d’agriculture repose sur la capacité supposée de l’agriculture familiale à assurer les objectifs de souveraineté alimentaire, de réduction de la pauvreté et de réajustement des déséquilibres régionaux. On assiste donc à un retournement des discours et des points de vue sur la petite agriculture. Néanmoins, si cette agriculture est rendue visible, elle demeure encore perçue comme « gênante » car, plus qu’une source d’alternative et un enjeu social, elle représente un problème épineux de réorientation des politiques publiques et des administrations en charge des territoires ruraux. Or, la réalité contemporaine des campagnes demeure mal connue et peu documentée. Cela s’explique par la raréfaction des recherches approfondies sur le terrain telles que pouvaient en produire la géographie rurale, les agroéconomistes ou les historiens et par la quasi-disparition de la sociologie et de l’anthropologie en Tunisie (Melliti et Mahfoudi-Draoui, 2009). Il semble dès lors nécessaire de prolonger l’analyse de l’agriculture tunisienne en accordant de l’importance à cette petite agriculture. Quelles en sont les trajectoires et les origines ? Quel est le poids de l’histoire et de la succession des politiques agricoles sur les formes actuelles de la petite agriculture familiale ?

1 Comme l‘illustre la déclaration de l’année 2014 : année internationale de l’agriculture familiale par la FAO (http://www.fao.org/family- farming-2014/fr/) 1

Dans ce texte, nous donnons la parole aux fellahs2. Nous revisitons, à travers les souvenirs qu’ils en ont, la période et les héritages de l’expérience des deux anciennes coopératives agricoles. La littérature des années 1960-1970 délivre un constat très critique et circonstancié de cette expérience (Frémont, 1969, Gagnon, 1974). Seuls quelques auteurs nous invitent à prendre du recul sur cette période controversée en proposant une réflexion sur les dynamiques sociopolitiques locales induites par la création des coopératives (Kilani, 1986, Lahmar, 1994). À la suite de ces auteurs, nous proposons de revenir sur l’expérience de deux coopératives agricoles situées à proximité de Haffouz en Tunisie Centrale. L’originalité de notre approche est de fonder l’analyse sur les récits de ceux qui ont vécu cette époque et continuent de vivre avec ses conséquences. Nous reviendrons d’abord sur les politiques agricoles et sociales qui ont sous-tendu la création des coopératives agricoles en Tunisie et sur l’histoire particulière de celles de Haffouz afin de comprendre les multiples réalités que recèle l’usage du terme « coopérative » par les paysans et dans la littérature. Ensuite, nous caractériserons les formes de collectif et les enjeux fonciers qui y sont associés en insistant sur les marges de manœuvre des paysans au sein de ces structures imposées. Cela nous permet de contribuer aux réflexions actuelles sur la gouvernance d’autres formes de collectifs, ainsi que sur le maintien et le rôle de la petite agriculture familiale en Tunisie.

Modernisation de l’agriculture et coopératives agricoles en Tunisie

Une diversité de types de coopératives est mentionnée dans la littérature sans que leur statut ne soit toujours bien défini (Frémont, 1969, Kassab, 1981, Kilani, 1986, Lahmar, 1994). Pour cause, l’histoire locale et ses acteurs, la succession des programmes publics d’appui au développement agricole et enfin l’ambiguïté des procédures de redistribution des terres en font des structures spécifiques selon les cas. Dans la partie suivante, nous revenons sur les programmes qui concernent directement le territoire de Haffouz : la création des Cellules de Mise en Valeur (1957-1961) et celle des Unités Coopératives de Production Agricole – UCP3 (1962-1969).

Développer l’agriculture du centre tunisien : les Cellules de Mise en Valeur (1957-1961)

Le décret du 20 juin 1957 instaure la constitution des Cellules de Mise en Valeur comme un instrument de développement de l’agriculture du centre et du sud tunisien. La formation de ces Cellules répond à la volonté des pouvoirs publics de l’époque de développer en priorité ces régions. L’irrigation était présentée comme la solution pour ces régions arides : une Cellule correspondait donc à un périmètre irrigable au sein duquel l’Etat se réservait le droit d’intervenir durant cinq années pour la préparation du sol, les travaux hydrauliques, les plantations ainsi que la construction d’habitations et d’infrastructures collectives. Le développement souhaité reposait sur la complémentarité des activités agricoles : cultures en sec et en irrigué et élevage, même si dans certains cas, les membres de ces cellules préféraient concentrer leurs efforts sur la partie irriguée de leur lot (Zghal, 1967). L’organisation foncière des Cellules reposait sur l’association soit de petits propriétaires (paysans, citadins, bourgeoisie rurale), soit de terres privées et d’anciennes terres habous4 domanialisées, soit de fermes domanialisées issue de la récupération des terres de la colonisation. L’exploitation et la gestion de la cellule reposaient sur un « groupement coopératif obligatoire » inspiré de la structure des anciennes Associations d’Intérêts Collectifs5 (AIC). Mais à la différence de ces dernières, la création des Cellules prévoyait la construction d’un village moderne afin de « modifier les structures sociales et surtout mentales » de la paysannerie, donc de rompre avec des pratiques agricoles organisées sur une structure de parenté traditionnelle jugée archaïque par le Gouvernement (Zghal, 1967). À l’issue des cinq années d’intervention étatique, le

2 Le terme fellah est utilisé en arabe pour désigner les paysans. À l’origine il s’agit de distinguer les bédouins (éleveurs) des autres populations (Lahmar, 1994). 3 Il existe un second type de coopérative dont nous ne parlons pas ici, à savoir la coopérative de services qui devait « permettre à ses membres de transporter, transformer, conserver et commercialiser leur production, d’acheter des engrais et des machines ou de louer des tracteurs pour leurs exploitations collectives » (Lahmar, 1994, 153). 4 Les terres habous sont des terres rendues inaliénables selon les règles de la loi islamique. Elles ne peuvent être vendues ou achetées. Selon le type de habous, l’usufruit de la terre revient soit au constituant (habous privés), soit à une œuvre pieuse (public), soit il est partagé (mixte) (Bleuchot, 1999). 5 Les AIC sont un cadre d’action collective imposé par le pouvoir central en 1936 pour la gestion des périmètres publics d’irrigation. 2 transfert de la propriété aux paysans était prévu sans pour autant que les modalités n’en aient été définies (article 3 décret 1957).

Une politique socialiste : les Unités Coopératives de Production Agricole (1962-1969)

En 1962, les Unités Coopératives de Production (UCP) sont définies dans le cadre d’une politique de socialisme destourien portée par Ahmed Ben Salah, ancien secrétaire général de l’Union Générale des travailleurs Tunisiens (UGTT) devenu ministre du plan « Perspectives Décennales » (1962-1971). Dans ce contexte, les Cellules de Mise en Valeur ont été transformées en UCP. L’objectif était de transformer la société rurale tunisienne en modernisant la petite agriculture : « l’idée directrice était, avant tout, d’accroître la production, et pour cela, de s’attaquer d’abord au domaine essentiellement retardataire, au « secteur traditionnel » (Cherel, 1964). L’action volontariste de l’Etat tunisien reposait sur plusieurs aspects. Il s’agissait d’abord de fournir suffisamment de terres à des paysans dépossédés des leurs par la colonisation agricole, et de collectiviser les moyens de production. Dans l’idée d’insuffler aux fellahs une mentalité de petits « entrepreneurs », la gestion des coopératives se voulait démocratique et le pouvoir de décision devait revenir aux coopérateurs (Gagnon, 1974, Jouili, 2008).

L’apport du capital foncier sur lequel reposait une UCP variait selon trois procédés. Dans le premier, les terres provenaient des anciennes fermes coloniales domanialisées au profit des anciens ouvriers qui y travaillaient. Cette forme d’attribution n’impliquait donc pas une modification de la structure agraire des grands domaines. Dans le cas où les terres n’avaient été ni défrichées, ni plantées par le colon, les ouvriers des chantiers de travaux publics étaient en charge de les travailler avant qu’elles ne soient mises en culture dans le cadre d’une coopérative. Le second procédé consistait à rassembler les exploitations de petits propriétaires autour d’un « noyau » provenant des fermes domanialisées. Dans ces deux procédés les coopérateurs devraient accéder à la propriété collectivement au bout de cinq ans. Le troisième était le regroupement des propriétaires au sein d’une coopérative sans apport foncier étatique (Lahmar, 1994).

Une des finalités de la mise en place des UCP était de rompre le dualisme des structures agraires. La promesse faite aux coopérateurs de leur vendre des terres domaniales après une période de cinq ans en constituait le premier volet. En théorie, l’apport de terre donnait droit à des parts sociales dans la coopérative, ce qui permettait d’effacer les anciennes limites de la propriété (Elloumi, 2013). Le second volet consistait à « s’attaquer » à la bourgeoisie agraire (Gagnon, 1974, Jouili, 2008) - qui s’était accaparé entre 100 000 et 150 000 ha des terres coloniales - en transférant la mise en valeur de ces terres aux paysans (Elloumi, 2013). C’est ainsi que vers la fin des années 1960 le système coopératif, alors limité aux exploitations de moins de 40 ha, a été généralisé à l’ensemble des exploitations, même dans les régions de tradition paysanne comme celles du Sahel de et de . C’est ce qui a provoqué l’opposition farouche de la bourgeoisie agraire, menant à la fin du système coopératif, auquel le coup d’arrêt a été donné par les institutions financières internationales qui ont refusé d’accorder les prêts nécessaires pour le financement d’un tel projet (Gagnon, 1974, Jouili, 2008).

L’objectif de gommer les dualités foncières n’a pas été atteint par cette réforme agraire. C’est là une des principales critiques formulées dans la littérature à l’encontre de l’expérience des coopératives agricoles tunisiennes. Les autres critiques portent sur le caractère autoritaire et technocratique de leur gestion et sur la violence de leur constitution qui a engendré la dépossession des petits propriétaires (Zgha, 1967, Frémont, 1969, Gagnon, 1974). L’ambition de ce texte n’est pas de proposer un bilan critique des Cellules de Mise en Valeur et des UCP à Haffouz, mais de dépasser une approche dichotomique afin d’étudier les changements occasionnés par ces dispositifs sur les configurations sociopolitiques et les pratiques de l’agriculture.

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L’apport du terrain : de l’eau aux coopératives

Les données empiriques utilisées dans ce texte ont été recueillies lors d’un travail d’enquête ethnographique de trois mois à Haffouz (mars à mai 2014)6. L’échantillon est composé d’une cinquantaine d’agricultrices et d’agriculteurs rencontrés en fonction de leur localisation géographique par rapport à l’oued, de leur appartenance à l’une ou l’autre des coopératives et de la place qu’ils occupaient au sein de la coopérative. Par son caractère inductif et itératif, notre démarche relève de la Grounded Theory (Glaser et Strauss, 1967). A l’origine, en effet, cette recherche était centrée sur l’analyse de l’évolution des rapports de pouvoir entre notables locaux, paysans et agents des administrations publiques, à travers l’histoire de l’accès à l’eau. Dans cet objectif, les entretiens, très ouverts, invitaient nos interlocuteurs à raconter l’histoire de leurs familles à travers celles de leurs infrastructures hydrauliques. Notre intérêt pour les coopératives est né de l’importance que nos interlocuteurs donnaient à cette période de leur histoire, sorte de passage obligé lors de chaque entretien pour parler de la situation actuelle de l’accès aux eaux.

Les premiers entretiens ont révélé un décalage entre les témoignages de ceux qui avaient vécu les coopératives et le bilan proposé dans la littérature à ce sujet. Ce constat nous a amenés à formuler l’hypothèse selon laquelle les paysans ont façonné des « marges de manœuvre » au sein de structures standardisées et imposées par l’Administration afin de pratiquer une forme d’agriculture mêlant leurs pratiques et celles édictées par des technocrates. En accord avec la théorie de l’agency développée par Giddens (1984), nous considérons les fellahs comme des acteurs dotés de capacités d’action et d’une réflexivité qui leur permettent d’agir selon leur propre expérience au sein d’une structure, tout en étant induits par celle-ci. Ces comportements sont retracés à partir de la mémoire des anciens coopérateurs, des dires de leurs héritiers et de la littérature sur le sujet.

Trajectoire d’une petite agriculture familiale à Haffouz

L’espace irrigué de Haffouz s’étend sur environ 500 hectares. Il se situe à proximité de la ville éponyme, dans la région de , en rive gauche de l’oued Merguellil, juste en amont du barrage El Haouareb construit en 1989 (fig. 1). Une succession de politiques agricoles a participé à dessiner les contours de cet espace.

Lenteur et succession des politiques agricoles sur le territoire de Haffouz

L’espace de Haffouz est composé de deux anciennes UCP : Haffouz et Paradis. La mise en place d’UCP dans cette région est ancienne. En effet, dès 1957, des Cellules de Mise en Valeur sont constituées dans la Plaine de Kairouan en aval du barrage (Zghal, 1967) dont certaines seront ensuite transformées en coopératives agricoles (Riaux et al., 2015). Des UCP voient également le jour dans la région d’Ousletia en amont de Haffouz (Frémont, 1969)7.

6 Ce travail a été mené en partenariat avec l’IRD et l’IRMC dans le cadre d’un travail post-doctoral. Voir lettre de l’IRMC n°13. 7 Zghal (1969) a étudié quatre Cellules de Mise en Valeur dans la région de Kairouan avec pour objectif de proposer au Ministère de l’Agriculture une « formule de gestion ». Il pointe l’absence de gestion démocratique et l’opposition de certains propriétaires face à l’interventionnisme étatique. Les articles de Frémont (1964) et Riaux et al. (2015) ne traitent pas spécifiquement des coopératives agricoles dans la région. Néanmoins, ces auteurs soulignent leur échec : manque d’entretien des cultures héritées du colon, encadrement technique et de gestion insatisfaisant, dégradation des conditions matérielles. 4

Figure 1. Localisation du cas d’étude en Tunisie Centrale et de l’espace irrigué de Haffouz Sources : image NASA Shuttle Radar Topography Mission, 2009 et observations de terrain, 2014 Légende : Le Gouvernorat de Kairouan est localisé par rapport à la capitale (encadré). La figure illustre la spécificité de l’Oued Merguellil au niveau du cas d’étude : celui-ci devient non pérenne (en pointillé) à partir d’une zone située en amont d’Haffouz.

Aujourd’hui, l’espace irrigué de Haffouz est constitué de deux territoires issus de l’histoire foncière et agricole, respectivement nommés par les habitants « coopérative Haffouz » et « coopérative Paradis ». D’après nos interlocuteurs, ces coopératives auraient été créées entre 1958 et 1966 et démantelées entre 1974 et 1976. Ces dates ne correspondent pas à proprement parler à celles de mise en œuvre des coopératives agricoles (1962-1969). Elles font écho à d’autres repères chronologiques : constitution des Cellules de Mise en Valeur en 1957, début de la récupération des terres de la colonisation en 19588 et début de la privatisation de certaines terres domaniales en 1974. Ces dates témoignent de la lenteur du processus de succession des programmes d’appui au développement et de la transition à la fin de l’expérience collectiviste (Gagnon, 1974). L’usage indifférencié du terme « coopérative » par nos interlocuteurs pour évoquer la période qui s’étend du départ des colons jusqu’en 1974/1976 traduit une ambiguïté latente du statut des territoires de Haffouz et de leur organisation.

8 Déjà avant 1964, les colons avaient commencé à vendre, louer ou rendre les terres à des Tunisiens. Plusieurs protocoles d’accord (1957, 1960, 1963) furent passés entre la France et la Tunisie pour faciliter le transfert d’environ 300 000 ha de terres (Elloumi, 2013). 5

Figure 2. Schéma des territoires des deux UCP à Haffouz pendant et après la période de coopérative Sources: Google Earth. Image 2014 CNES/Astrium. Enquêtes de terrain 2014 Légende : Sur le schéma de gauche : les territoires des anciennes coopératives de Haffouz et de Paradis. Sur le schéma de droite : le territoire de Paradis est divisé en 18 lots individuels ; le territoire de l’UCP Haffouz est divisé en deux : une moitié est répartie en 39 lots individuels, l’autre revient au notable Dhissi.

La « coopérative Haffouz » - telle qu’elle est dénommée par nos interlocuteurs - s’étend sur environ 400 ha9. Dans un premier temps, une Cellule de Mise en Valeur a été créée. Elle s’étendait sur les terres de l’ancienne ferme du colon Dumontville, domanialisée à l’indépendance. L’Etat a donc apporté l’ensemble du capital foncier. A cette époque, vingt-huit paysans travaillaient la terre « ensemble » comme nous l’explique un des anciens : « on vendait les récoltes ensemble et on se partageait le produit. L’Etat ne fournissait pas de salaire »10. La terre était donc mise en valeur collectivement. Cette Cellule est devenue plus tard une UCP. Les coopérateurs étaient d’anciens ouvriers de la ferme et des familles venues de l’amont. Dans les années 1970, la moitié de la terre de la coopérative a été divisée en trente- neuf lots attribués aux anciens coopérateurs. La seconde moitié a été attribuée à un notable local, connu sous le nom de Dhissi (fig. 2).

L’histoire de la « coopérative Paradis » est sensiblement différente de celle de Haffouz et plus complexe à retracer à partir des souvenirs de nos interlocuteurs. Constituée des anciennes terres du colon « Paradis » (environ 90 ha), l’Etat y a apporté la totalité du capital foncier de la même manière que dans le cas de l’UCP Haffouz. D’après les témoignages, cette terre, une fois domanialisée, n’a pas été attribuée. Trois puits publics ont servi d’outil de formation (construction d’ouvrage hydraulique, soudure, cultures maraichères) pour les jeunes issus d’un orphelinat construit dans le cadre d’un programme de scolarisation. Par la suite, entre 1962 et 1966, l’ancienne ferme Paradis a été intégrée à

9 Données de terrain. 10 Les entretiens ont été menés en langue arabe à l’aide d’un traducteur, puis retranscris en français. Les dires d’acteurs cités dans ce texte souffrent donc de ce double écueil. 6 un territoire plus vaste d’environ 400 ha, appelé par les habitants « Union11 Cherichera » qui rassemblait cinq autres anciennes fermes. Les témoignages des anciens coopérateurs convergent sur le fait qu’au moment de « l’Union », ils travaillaient sur l’ensemble de ces terres. Leur tâche consistait à défricher la terre pour la mettre en culture, comme le relate un des anciens coopérateurs : « A l’époque de l’Union, il y avait environ 70 travailleurs. On gagnait environ 100 millimes12 par jour. On était payé en nourriture, en farine… L’« Union » s’étendait sur toutes les terres de ces colons. Les ouvriers travaillaient sur toutes ces terres, mais peu sur celle de Paradis ». Certains de nos interlocuteurs précisent que l’« Union Cherichera » était une « Union Productive » selon « le même principe que celle de Bonfil [autre nom donné à Dumontville]. Mais là, c’était une forêt qui faisait peur quand on passait à côté ». Par l’emploi du terme « Union », nos interlocuteurs semble donc désigner une UCP, constituée des terres de cinq fermes coloniales domanialisées. Le travail de défrichement évoqué par nos interlocuteurs fait écho à une situation décrite dans la littérature : « les terres des fermes étatiques non défrichées et non plantées étaient [avant d’être constituées en coopératives] travaillées par des ouvriers de chantiers de travaux publics » (Lahmar : 1994, 153).

Certaines personnes marquent une différence entre l’« Union Cherichera » et l’ « Union Paradis ». Une de nos interlocutrices mentionne, au moment de l’Union Paradis, une mise en commun de leurs moyens de production : « si on avait une vache, un mouton… on devait le partager ». Le territoire de cette UCP correspondait à celui de l’ancienne ferme Paradis qui, à la fin de l’expérience coopérativiste, a été réparti en dix-huit lots entre les anciens coopérateurs. Ces derniers ont alors commencé à développer une petite agriculture irriguée à partir des trois anciens puits publics et de la dérivation des eaux de l’oued, mettant à profit l’expérience de gestion en commun acquise lors de la période des coopératives.

L’intervention de l’Etat dans le domaine hydraulique

L’objectif de la constitution des Cellules de Mise en Valeur était la reconversion des systèmes de production à travers le développement de l’irrigation (Zghal, 1967). Selon nos interlocuteurs la production agricole de la coopérative de Haffouz était organisée autour d’activités complémentaires. Les ouvriers avaient pérennisé certaines cultures du colon Dumontville comme les céréales qui occupaient près du tiers des 400 ha collectifs et les plantations d’orangers irriguées à partir de l’eau des sources présentes sur le territoire. En parallèle, de nouvelles cultures arboricoles (abricotier) et maraîchères assuraient une production vivrière. Jusqu’en 196913, une partie de la terre était irriguée uniquement par l’eau de l’oued Merguellil. Deux systèmes de dérivation permettaient de transporter l’eau de l’oued jusqu’à l’espace irrigué. Puis l’eau était distribuée jusqu’aux parcelles grâce à un système de seguias14 renforcé par des pompes achetées collectivement par les coopérateurs grâce à des prêts octroyés par l’Etat (fig. 3).

11 Le terme « Union » ne se retrouve pas dans la littérature. Il provient peut-être d’un biais dans la traduction. Selon notre interprétation des dires d’acteurs, nous l’assimilons à une UCP. 12 1 Dinar tunisien (environ 0,45 euros) équivaut à 1000 millimes. 13 Date de référence de la crue millénale qui emporta les ouvrages de captage des eaux de l’oued. 14 Canal à ciel ouvert qui transporte l’eau dérivée de l’oued jusqu’à la parcelle. 7

Fig 3. Évolution des techniques d’exhaure dans l’ancienne coopérative de Haffouz avant 1969 (gauche) et après 1969 (droite) Sources : Google Earth. Image 2014 CNES/Astrium Enquêtes de terrain. Légende : A gauche : au nord, une seguia qui distribuait l’eau de l’oued. Deux versions coexistent concernant le second point de dérivation de l’eau plus au sud : soit l’eau était amenée par tuyau à l’aide d’un moteur jusqu’à extrémité droite de l’UCP, soit l’eau s’écoulait par seguia. A droite : un forage profond public (point blanc) alimentait une nouvelle seguia (pointillés), au sud, l’ancien système de distribution d’eau, deux puits artésiens (cercles blancs).

La gestion de l’eau reposait donc sur une organisation collective, à la fois pour l’achat du matériel et pour l’entretien des seguias. Après 1969, un seul système de dérivation des eaux de l’oued a persisté et un forage profond financé par l’État a été installé afin d’irriguer les cultures à partir des eaux souterraines. Deux puits artésiens ont également été construits à l’emplacement des sources taries. Ils étaient utilisés collectivement. Une partie de la terre était cultivée en pluvial, essentiellement de l’olivier. La petite agriculture de Haffouz reposait donc sur des activités en sec et en irrigué, associant cultures d’hiver et cultures d’été.

L’intervention publique dans le domaine hydraulique a eu pour conséquence d’étendre considérablement les espaces irrigués. C’est là une des principales différences avec l’histoire de la coopérative Paradis où l’Etat n’est pas intervenu pour appuyer le développement de l’agriculture, mais pour absorber les fellahs « sans terre » au sein des chantiers de travail.

L’attribution des lots de terre : fin de la coopérativisation

Le processus de distribution de la terre marque une autre différence entre les deux coopératives. Selon nos interlocuteurs, les lots de terre ne leur ont été attribués qu’au moment du démantèlement des coopératives. A Haffouz, la distribution des lots a fait l’objet d’un conflit entre les coopérateurs et le notable Dhissi, lui-même ancien coopérateur. Selon nos interlocuteurs, ce dernier aurait bénéficié de faveurs pour acquérir près de la moitié de la terre mise en commun. Bien que nos interlocuteurs ne nous

8 aient pas fourni de détails plus précis sur cet épisode, il imprègne la mémoire collective : « le partage était injuste, car ils ont triché. […] Chacun a reçu 4-5 ha au lieu de 10 ha si les terres n’avaient pas été accaparées par Dhissi ». Dans le cas de la coopérative Paradis, nos interlocuteurs racontent que la distribution des lots s’est déroulée sans heurts. Dans les deux cas, à l’origine, les superficies des lots individuels variaient entre 5 et 13 ha, selon l’accès à l’eau - présence de puits et conditions d’accès à l’oued -, et le nombre de pieds d’oliviers présents sur la parcelle.

Les différences entre les deux anciennes coopératives – organisation du foncier et projet agricole – illustrent que l’usage du terme « coopérative » par les paysans renvoie à des réalités sensiblement différentes. Néanmoins, ce terme traduit une organisation du travail en commun sur une terre domaniale, qui sera ensuite divisée et répartie individuellement. Dans la suite du texte, le terme « coopérative » est utilisé, comme le font les acteurs, pour désigner un cadre d’action pour la gestion de la terre et des instruments de production qui a duré de l’indépendance jusqu’à la distribution des terres. A l’instar de nos interlocuteurs, les différentes structures - Cellule, UCP et autres – ne sont pas différenciées, même si les réalités sont diverses comme nous venons de le montrer.

Aujourd’hui, une agriculture « familiale marchande »

Malgré une histoire différente, les fellahs des deux anciennes coopératives pratiquent aujourd’hui une même forme d’agriculture centrée sur les cultures arboricoles irriguées (oliviers et abricotiers). Les anciens coopérateurs pratiquaient peu l’élevage, de même que leurs héritiers. D’ailleurs, l’Etat ne favorisait pas l’élevage qui rappelait trop « les activités traditionnelles des populations semi-nomades » (Zghal, 1967). Les cultures maraîchères irriguées étaient produites pour la consommation familiale. Actuellement, l’oued Merguellil qui longe l’espace cultivé de Haffouz n’est plus pérenne. L’eau de surface est donc devenue rare et couvre très peu les besoins des cultures. Depuis les années 1970, les paysans exploitent l’eau des nappes plus ou moins profondes via des puits et des forages. Aujourd’hui, nos observations ont permis de dénombrer plus de cents cinquante puits sur l’ensemble du territoire irrigué de Haffouz.

De nos jours, l’agriculture de Haffouz associe une arboriculture rentable irriguée grâce au développement de ces puits et du goutte à goutte. Si quelques arbres fruitiers et cultures maraîchères assurent la consommation familiale, le reste de la production est destiné à la vente. Ainsi, l’agriculture de la zone repose sur une main d’œuvre familiale et la part de la production « autoconsommée » est marginale. Elle s’apparente de fait à une « agriculture familiale marchande » (Bélières et al., 2014) . Malgré les espoirs des jeunes agriculteurs d’intensifier leur agriculture, ces derniers sont confrontés à plusieurs freins tels que le morcellement des terres suite aux héritages, l’incertitude qui pèse sur l’évolution des ressources en eau souterraine et les difficultés d’accès aux aides publiques en l’absence de titres fonciers clairs. Néanmoins, les trajectoires de l’agriculture de Haffouz témoignent d’un réel dynamisme. Malgré une histoire faite d’interventions autoritaires, puis de mises à l’écart par les politiques de développement agricole, les jeunes paysans n’adoptent pas une position attentiste face à un État vu comme peu présent. Les jeunes démontrent une réelle capacité d’adaptation aux évolutions du contexte politique qui leurs sont imposées (Collard et al., 2015) .

La situation de Haffouz vient donc interroger le bilan d’échec de l’expérience des coopératives dont fait état la littérature. À partir de cet exemple, ne peut-on faire l’hypothèse que, dans ce cas particulier, l’instauration des coopératives a créé les conditions de l’émergence d’une petite agriculture relativement autonome et productive à travers l’apprentissage de la gestion commune de certaines ressources ? Pour poursuivre notre analyse, nous allons maintenant focaliser notre attention sur deux points particulièrement présents dans la littérature traitant des coopératives : la question du collectif et celle du foncier.

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Des marges de manœuvre au sein d’un collectif imposé

L’implantation des coopératives va de concert avec l’établissement d’un cadre d’action organisé par l’Administration, et ce, indépendamment des populations et des activités concernées. Cette solution universelle voit ses contours façonnés une fois amenée sur le terrain.

Hétérogénéité des coopérateurs : origines et pratiques diversifiées

Dans les deux coopératives de Haffouz, le groupe des coopérateurs était composé de personnes d’origines diverses, comme nous l’explique l’un des anciens de Haffouz « il y avait 40 familles [paysans] qui ont travaillé sur la coopérative. Les 28 familles [les premières à avoir travaillé ensemble] ne travaillaient pas toutes pour Dumontville, mais elles travaillaient sur la terre d’autres colons à côté de Haffouz. Les 12 autres familles d’agriculteurs venaient de la montagne, elles n’étaient pas de Haffouz». Selon un autre ancien coopérateur, « l’idée de Ben Salah était de ramener des gens de la montagne pour les fixer sur la terre et qu’ils commencent à la travailler ». L’arrivée de nouvelles familles sur la coopérative pourrait s’expliquer par la transformation de la Cellule de Mise en Valeur en UCP d’où l’évocation de Ahmed Ben Salah par notre interlocuteur. Les familles arrivées au début de la coopérative venaient de régions situées en aval du barrage El Haouareb - Cherichera, Chebika - ou un peu en amont de Haffouz, comme Khit El Oued (fig.4).

Fig. 4 Localisation des douars d’origines des anciens coopérateurs Sources : Carte réalisée à partir de l’image NASA Shuttle Radar Topography Mission, 2009, et observations de terrain, 2014. Légende : Les coopératives regroupaient des familles venues de la région proche.

Les « gens de la montagne » comme ils sont appelés par les paysans « d’ici » venaient principalement de la région d’Ousletia, où ils ont été repoussés des vastes terres fertiles par les colons au moment du protectorat (Frémont, 1969, Riaux, 2014). Les autres familles présentes à cette époque sur le territoire de Haffouz sont originaires de territoires qui s’étendent aux pieds du Jbel Trozza, essentiellement d’El Alaa. D’après la mémoire locale, seule une famille, les Gharsalaoui, était anciennement installée sur les rives de l’oued Merguellil. Cette famille aurait été dépossédée d’une partie de ses terres, en rive gauche de l’oued, par le colon Dumontville, comme nous le raconte un descendant des Gharsalaoui : « les gens ont pris leur tente pour fuir de l’autre côté de l’oued à l’arrivée des français. Ils avaient peur ». Ceux qui n’ont pas fui, sont devenus ouvriers, puis coopérateurs. Aujourd’hui, on retrouve des Gharsaloui de part et d’autre de l’oued Merguellil.

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Du fait de leurs origines diverses, les coopérateurs avaient des pratiques agricoles extrêmement variées : si les anciens ouvriers du colon étaient déjà devenus des paysans-irrigants au moment de la coopérative, les éleveurs de la Plaine de Kairouan comme ceux d’Ousletia étaient des agropasteurs dont les activités articulaient l’élevage et la céréaliculture pluviale. Cette différenciation représentait un véritable défi dans l’organisation des activités collectives, comme le mentionne un ancien coopérateur : « les gens de la montagne ne connaissaient rien à l’agriculture, ils étaient particulièrement bornés et ils ne voulaient pas qu’on leur dise quoi faire »15. Ce problème ne se retrouvait pas dans le cas de la coopérative Paradis, car l’agriculture n’y était pas encore pratiquée à l’époque.

Ainsi, les projets agricoles au sein des coopératives reposaient sur un travail collectif mené par des personnes qui, d’une part devenaient coopérateurs par contrainte et non par choix, et, d’autre part ne possédaient pas les mêmes habitudes en matière d’agriculture. Cette situation se rapproche donc d’une forme de « coopérativisation forcée » (Gachet, 1987, Elloumi, 2013) que les témoignages des agents actuels du CRDA (Commissariat Régional au Développement Agricole) de Kairouan confirment. Ces derniers ont en mémoire un processus impulsé par le haut, essentiellement politique, qui leur a été imposé sans consultation : « on devait mettre en place ces coopératives ». Un ancien agent du Ministère de l’Agriculture se souvient de cette époque comme celle d’une « marche forcée, pendant laquelle il fallait faire des forages partout pour créer ces collectifs très rapidement ». Malgré tout, un des héritiers de l’époque des coopératives rapporte que son grand-père - ancien coopérateur et ancien ouvrier dans une ferme coloniale - « était content de la coopérative car avant, il n’avait pas de terre, donc il était déjà content d’avoir un peu de quoi vivre ». Ainsi, dans le récit transmis aux héritiers, l’expérience des coopératives, est parfois présentée par les anciens comme une réelle opportunité d’accéder à une terre à travailler.

Architecture sociopolitique des coopératives

L’organisation des coopératives reposait sur une architecture définie par le Ministère de l’Agriculture, qu’un des anciens coopérateurs nous décrit : « il y avait quatre administratifs : le président, un secrétaire général, un trésorier et un directeur des travaux. Et puis, il y avait trois chefs d’équipe pour réaliser les travaux. Les équipes étaient formées en fonction des besoins. Tous travaillaient la terre comme les autres ». Le directeur technique était désigné par les représentants du Néo-Destour16 et du pouvoir central : le délégué et le gouverneur. Le président était élu par les coopérateurs. Il était leur représentant. L’organisation sociopolitique des coopératives correspondait donc à un modèle standard. L’application de ce modèle se retrouve en partie dans le cas des deux coopératives. A Haffouz, le président n’était ni paysan, ni éleveur, ni « du coin ». Selon un de nos interlocuteurs, les coopérateurs l’auraient élu car aucun d’eux ne souhaitait endosser la responsabilité de cette tâche. Mais aussi, aucun d’eux ne savait lire et compter. Le premier président était donc un commerçant éduqué. Lors de son départ, son successeur raconte qu’« il s’est présenté pour être président ». Il a appris à lire et à écrire, conditions sine qua non pour remplir les tâches administratives de la coopérative, et représenter les coopérateurs. Les directeurs étaient quant à eux nommés par l’Administration. Selon plusieurs de nos interlocuteurs, ces derniers ne connaissaient pas l’agriculture et comptaient sur un coopérateur de confiance pour les aider à diriger une équipe et à développer l’activité agricole. Dans le cas de la coopérative de Haffouz, cette personne de confiance avait auparavant travaillé comme ouvrier agricole dans la ferme coloniale. Pour le cas de Paradis, l’ancien gérant de la ferme raconte : « le directeur de la coopérative me consultait pour tout faire. Il savait lire et écrire mais il dépendait de moi car il ne connaissait rien à l’agriculture ». Dans les deux cas, les directeurs nommés s’appuyaient sur des agriculteurs qui savaient organiser le travail collectif.

15 Les différences dans les pratiques s’accompagnaient probablement aussi d’oppositions identitaires, comme c’est souvent le cas entre fellahs et bédouins (Kilani, 1987). 16 Le Néo-Destour est un parti créé en 1934 à la suite d’une scission du Destour. Ses membres ont pour ambition commune de libérer la Tunisie du protectorat. Au moment de l’indépendance, l’Assemblée Constituante donne tous les sièges au Parti qui gouverne sous la présidence de H. Bourguiba. 11

De fait, le processus de nomination des présidents et des directeurs des coopératives illustre une intervention forte du Parti dans l’architecture sociopolitique des coopératives. L’intervention est claire dans le cas du directeur : celui-ci est nommé. Dans le cas du président, l’intervention prend la forme d’outils bureaucratiques imposés qui nécessitent des compétences particulières, ce qui facilitait l’accès à cette tâche pour des notables locaux. Le choix de technocrates est en décalage avec les objectifs de développement agricole. Mais à l’époque, cette configuration correspondait à la volonté du Président Bourguiba de soutenir une élite moderne – force vive de l’UGTT – notamment en plaçant ses membres à la tête de la gestion des UCP pour en faire des relais du Parti-Etat à l’échelle locale (Micaud, 1969). Néanmoins, malgré cette approche ascendante de l’organisation sociopolitique des coopératives, les coopérateurs ont su se dégager des marges de manœuvre. Par exemple, en apprenant à lire à et compter, en adoptant les conditions exigées par l’Administration, un des coopérateurs a pu se présenter pour le poste de président. Nous verrons plus loin comment cela lui a permis d’influencer des choix culturaux imposés par le pouvoir central.

Une eau collective pour alimenter un système cultural négocié

Au sein des coopératives, le collectif avait pour tâche de réguler l’accès à l’eau et son usage, et de gérer la mise en culture de la terre. Là encore, les récits des anciens coopérateurs témoignent de l’existence de marges de manœuvre en termes de prise de décision et de contournement des choix imposés par l’Administration. Dans la coopérative de Haffouz, l’État était fortement intervenu pour transformer le territoire en espace irrigué en améliorant l’accès à l’eau des sources et des nappes. Deux puits servaient à irriguer un espace délimité correspondant respectivement à 7 et 8 lots17 de terre. L’un de ces puits est encore nommé Bir Cherka, le « puits collectif ». Pour exploiter le puits Cherka, les coopérateurs utilisaient une motopompe fournie par l’État. Sa gestion était assurée par tous les usagers : « tous contribuaient au coût d’entretien du puits et du moteur. L’un des usagers passait voir les autres pour les informer de la réparation à effectuer ». La gestion de l’eau dépendait donc d’une coordination collective. En cas de tension, les usagers pouvaient en référer à une autorité qu’ils considéraient comme légitime : « Du temps de la coopérative, il y avait un acte officiel qui stipulait les familles qui avaient le droit d’utiliser les puits. C’est l’Administration qui s’occupait de la topographie, des terres, qui faisait cet acte, elle s’occupait aussi des puits. Il n’existe qu’une seule copie de l’acte, mais s’il y avait un problème tu pouvais aller à l’Administration pour demander le temps d’irrigation auquel tu avais droit. Chacun irriguait 4h le matin et 4h l’après-midi pendant un jour, puis il attendait que les 7 autres irriguent et c’était de nouveau à son tour ». La gestion de chaque puits reposait donc sur un périmètre bien délimité, des ayants droits identifiés, un ensemble de règles collectivement admises et une autorité légitime pour réguler l’organisation. Cette organisation, proche de celle qu’Ostrom (1992) qualifie de self-governing irrigation systems, dépendait néanmoins d’un contrôle de l’Administration avec lequel les coopérateurs composaient. Mais les marges de manœuvre ont fait que « l’eau de l’Administration » (Zghal, 1967, 15) est aussi devenue dans une certaine mesure celle des fellahs. En ce sens, l’expérience de la coopérative a permis un apprentissage collectif de la gestion locale de l’eau en commun. Bien que ce type de gestion tende à disparaître avec l’émergence de puits individuels, elle perdure encore autour du puits Cherka.

En contrepartie de l’amélioration de l’accès à l’eau, l’Administration attendait des coopérateurs qu’ils acceptent ses choix culturaux (Zghal, 1967). L’imposition de ces choix s’accompagnait d’une mise à disposition de moyens pour les mettre en place : l’eau, comme on l’a vu, mais aussi un tracteur et des semences. Selon nos interlocuteurs, il était interdit aux coopérateurs de cultiver des produits qui n’étaient pas choisis au préalable par l’Administration centrale. Le rapport de certains gestionnaires, anciens ouvriers agricoles, avec les techniciens chargés de les accompagner était souvent conflictuel. Ces derniers étaient considérés comme incompétents dans le domaine agricole et nos interlocuteurs racontent que leurs conseils n’étaient pas suivis. Selon l’ancien président de la coopérative Haffouz, les choix culturaux lui revenaient, il en décidait pour l’ensemble des autres coopérateurs. Une certaine flexibilité existait donc en matière de choix culturaux entre ceux édictés par l’Administration, ceux suivis par les

17 La mention de lots de terre au moment de la coopérative peut s’expliquer par la succession rapide de la Cellule en UCP puisque, en règle générale, dans les Cellules de Mise en Valeur, les lots étaient individuels, alors que dans l’UCP, l’exploitation était collective. 12 gestionnaires de la coopérative et ceux refusés par les gestionnaires aux autres coopérateurs. L’imposition des choix culturaux ne favorisait pas le développement d’une gestion par les coopérateurs, alors que c’était l’un des objectifs de la mise en place des coopératives. Néanmoins, les coopérateurs mobilisaient plusieurs registres d’action pour s’approprier la structure imposée par l’Administration. C’est là une autre marge de manœuvre des coopérateurs au sein du collectif imposé.

Les dysfonctionnements du collectif

Malgré les capacités de contournement de la structure imposée par les coopérateurs, quelques témoignages de nos interlocuteurs illustrent que les coopératives ne « fonctionnaient » pas en termes de productivité : « Ahmed Ben Salah nous a imposé l’idée de coopérative. Si on avait une vache, un mouton… on devait la partager. On ne gagnait que 150 millimes par jour. L’agriculteur travaillait du lundi au vendredi. Il prenait 150 millimes par jour. Normalement, il devait recevoir 2 dinars mais en réalité, il récupérait la différence en farine ». Les paroles d’un ancien coopérateur renforcent cette idée : « nous étions tellement pauvres, on n’avait pas de quoi manger, alors quand l’État a proposé de diviser les terres, on n’a pas refusé, surtout que l’État avait dit que la terre nous appartiendrait après 30 ans ». Mais malgré ces dysfonctionnements, les témoignages négatifs ou de mécontentement restent ponctuels. En effet, dans la mémoire collective, si l’expérience des coopératives est empreinte de difficultés, les anciens s’attardent à en décrire les aspects positifs. Ils insistent d’une part sur leurs capacités d’action au sein de ces structures communément dépeintes comme rigides dans la littérature, et d’autre part, sur le dynamisme de l’agriculture à cette époque-là. Par contre, lorsqu’ils parlent des héritages de cette époque, les anciens coopérateurs et leurs descendants insistent sur les difficultés foncières qu’ils rencontrent jusqu’aujourd’hui.

La complexité foncière, un héritage prégnant des coopératives

Pour nos interlocuteurs, l’attribution individuelle de la terre marque la fin des coopératives. Aujourd’hui, ils portent leur attention sur la reconnaissance de leurs droits et se confrontent aux procédures administratives afférentes au statut d’une terre autrefois collective.

L’attribution des lots : enjeu de rapports locaux

Selon les récits recueillis, la distribution des lots était organisée par les représentants du Parti, gouverneur et délégué, qui imposaient la procédure de partage. Elle restait néanmoins flexible. Par exemple, les coopérateurs de Paradis pouvaient échanger le lot reçu s’ils le souhaitaient. Beaucoup ont cherché à obtenir un lot de terre voisin de celui d’un membre de leur famille élargie. Dans le cas de Haffouz, la nature des rapports de l’époque entre coopérateurs et entre coopérateurs et Administration semble avoir sensiblement influencé la distribution. Sans parler de l’accaparement de la moitié de la terre par le notable Dhissi, nos interlocuteurs signalent des irrégularités : le partage aurait eu lieu en l’absence de certaines personnes. Ainsi nous l’explique un agriculteur de Haffouz « [mon père] était en mission à Tunis. Le président de la coopérative a attendu que mon père ne soit pas là pour faire le partage des terres ». Un autre agriculteur explique de son côté que : « si mon grand-père avait été présent, il n’aurait jamais accepté que le partage se déroule ainsi, surtout que c’était quelqu’un qui avait du pouvoir vu qu’il travaillait dans la coopérative et vu qu’il était l’un des plus vieux de Haffouz et qu’on le respectait. Il y avait uniquement le grand père de [ancien gérant de la ferme coloniale] et un autre qui avaient demandé d’attendre à ce que mon père revienne pour effectuer le partage des terres. Mais les autres avaient tellement hâte de recevoir leur lot, qu’ils n’ont pas voulu attendre ». Ces témoignages reflètent la complexité des rapports entre les gestionnaires de la coopérative et les représentants de l’administration d’une part, et d’autre part, entre ces deux groupes d’acteurs et des leaders du temps du protectorat tel que l’ancien gérant de la ferme de Dumontville. On y voit se mêler des rapports de pouvoir entre puissants de la coopérative et puissants du temps de l’époque précédente, qui se traduisent encore aujourd’hui par des inégalités d’accès à la terre.

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Un « titre bleu » difficilement accessible

Pour les héritiers du temps des coopératives, l’attribution des lots est assimilée au début des difficultés administratives d’accès au titre foncier officiel : le fameux « titre bleu » délivré par l’Agence de Conservation Foncière. Les anciens racontent qu’au moment de la répartition de la terre, un titre de propriété individuelle leur avait été promis. En versant une somme à l’État, les anciens coopérateurs pensaient obtenir leur titre de propriété privée et individuelle. En théorie, à partir de 1969 la procédure de vente des terres domaniales aux anciens coopérateurs repose sur un paiement échelonné qui, à son terme, devait se traduire par l’obtention d’un titre de propriété. En 1995, la loi interdisant la vente des terres domaniales a gelé la situation. Les anciens coopérateurs qui n’avaient pas procédé au paiement de la totalité des échéances ont été considérés comme déchus de leur droit. Ils ne pouvaient alors obtenir qu’un certificat d’exploitation (Elloumi, 2013). Actuellement, aucun des paysans rencontrés ne possède de « titre bleu », alors que ce dernier est nécessaire pour accéder aux subventions et aux crédits. Selon les cas, parfois plus de dix ans se sont écoulés entre le partage de la terre et l’acquisition de « papiers officiels » ou de « contrats des terres ». Pour le moment, le statut de la terre est celui de « terre étatique agricole ». Les paroles des paysans témoignent d’une forme d’incompréhension et/ou d’une méconnaissance des procédures administratives prévues pour le transfert des terres domaniales aux anciens coopérateurs.

Actuellement, les héritiers des coopérateurs multiplient les démarches administratives pour acquérir un titre foncier auquel ils estiment avoir droit. La description de ces démarches par l’un de nos interlocuteurs illustre l’ambigüité qui pèse encore aujourd’hui sur le statut de ces terres : « pour entamer une démarche administrative, les propriétaires doivent se procurer l’ensemble des attestations des 16 familles de la coopérative, car aux yeux de l’administration, on partage encore tous la même terre. Pour obtenir le titre bleu, il faut se procurer plusieurs attestations : le « contrat de vente » effectif à partir de 198718, mais reçu en 1992, puis « l’attestation du partage de la propriété » reçue en 1998, puis l’attestation disant que « l’État a levé la main sur la terre », et enfin le papier qui montre « la condition de perte de droit de l’État ». L’époque de la coopérative a clairement participé à l’actuel imbroglio administratif autour du foncier que les récents événements pérennisent, même si après la révolution (janvier 2011), des opportunités ont eu lieu pour l’obtention des titres fonciers. L’effet de ces diverses étapes de l’histoire des procédures se retrouve dans les témoignages des héritiers : « Bourguiba a permis à certains de payer leur terre [avec un paiement] échelonné sur 20 ans pour ensuite recevoir le titre bleu. 12 personnes ont commencé à payer. A l’arrivée de Ben Ali, il a été interdit pour les personnes de l’Union [Paradis] de recevoir le titre bleu, car il a été considéré que la terre était à l’État. Personne n’a rien eu, c’était fermé. Après la révolution, certains sont allés réclamer pour obtenir le titre bleu et certains ont réussi ». Ce témoignage reflète la fin de la possibilité d’achat des terres par les anciens coopérateurs à la suite de la loi de janvier 1995 interdisant à l’Etat de vendre des terres domaniales. Cela a débouché sur une situation complexe en termes de statut foncier de ces terres. Depuis la révolution, les circulaires ministérielles montrent que le Gouvernement cherche à clarifier la situation pour que la loi de 1995 n’ait plus l’effet rétroactif qu’on lui avait conféré à l’époque.

L’absence de titre foncier est vécue comme une injustice pour certaines familles, particulièrement pour les membres de la famille Gharsaloui qui se sont vus confisquer leurs terres au moment du protectorat, mais aussi pour ceux qui ont le sentiment de devoir payer une terre que leurs ancêtres ont gagnée en la travaillant : « j’ai hérité de la terre de mon père, mais on ne peut pas dire que ce soit vraiment un héritage, c’est comme si je devais l’acheter à l’État ». Ainsi, l’agriculture familiale de Haffouz est portée par des paysans qui ont parfois le sentiment de cultiver des terres qui ne leur appartiennent pas.

18 Ces dates correspondent à celles indiquées sur les documents officiels de notre interlocuteur. 14

Conclusion. Récits mitigés des coopératives : interroger les cadres d’action collectifs contemporains

Le cas de Haffouz illustre parfaitement l’analyse selon laquelle les difficultés sur le foncier sont : « le produit d’un processus d’appropriation par les autorités coloniales puis par les pouvoirs publics nationaux » (Elloumi, 2013). Néanmoins, la marque des coopératives est plurielle. Elle concerne clairement le paysage foncier que ce soit en termes de redistribution des terres, d’opportunités pour des fellahs dont les ancêtres ont été dépossédés de leurs terres ou encore de complexité administrative pour des héritiers qui considèrent injuste leur situation foncière au vu de l’interprétation qu’ils font de l’histoire. La mise en place des coopératives a également été une étape du façonnement des rapports entre paysans, Administration et relais locaux du Parti.

À Haffouz, l’analyse des témoignages des anciens permet de tempérer l’image négative souvent donnée de l’expérience des coopératives, qui, sans atteindre l’ensemble de ses objectifs, présente néanmoins des innovations intéressantes et des opportunités aux yeux des paysans. D’un côté, l’intervention étatique à cette époque semble avoir jeté les bases du développement d’une agriculture familiale marchande : apprentissage de pratiques culturales et de la gestion collective de l’eau d’irrigation. D’un autre côté, si la mise en place autoritaire des coopératives ne permet théoriquement pas la prise d’autonomie des paysans, ces derniers semblent avoir trouvé des marges de manœuvre pour instaurer des espaces d’auto- organisation au sein d’une architecture sociopolitique verticale. Ils ont ainsi appris à se positionner dans les jeux politiques initiés entre autres par les relais locaux du parti et les anciens leaders de la période coloniale.

Bien sûr, après plus d’un demi-siècle, ce travail sur la mémoire, ne permet pas de retracer complètement le fonctionnement des coopératives de Haffouz. Comment la fierté des fellahs joue-t-elle dans leurs discours ? Comment cherchent-ils à inscrire l’origine de leur agriculture actuelle dans leurs actions passées ? C’est là une limite de cette réflexion. Une autre limite est de ne pas avoir eu recours aux archives, ce qui aurait pu nous éclairer sur les statuts et usages du foncier à l’époque. Toutefois, les souvenirs des coopérateurs et ceux qu’ils ont transmis à leurs héritiers permettent de qualifier certains aspects de ces collectifs, certains de leurs atouts et de leurs défaillances. Ils ont également permis de mettre en exergue la manière dont l’implantation d’un dispositif de développement sous-tendu par une volonté politique de remodelage des rapports de pouvoir locaux a induit des dynamiques organisationnelles autour de l’accès à l’eau et à la terre. La reconnaissance de la dimension stratégique du comportement des coopérateurs - inspirée par Giddens (1984) - au sein des coopératives n'implique pas dans notre analyse une hiérarchisation entre les effets des contraintes structurelles et ceux de l’individu. Ainsi, nous avons montré que la nature des rapports entre Administrations, membres du Parti et paysans organise à la fois la structure et les marges de manœuvre au sein des coopératives.

Il semble important de se référer à cette expérience, dans un contexte où l’on s’interroge beaucoup sur les dynamiques sociopolitiques d’autres formes de collectifs comme les Groupements de Développement Agricole, ou GDA (Canesse, 2009, Gana, 2011, Ben Mustapha et al., 2016). Dans cette perspective, une analyse fine et diachronique des rapports entre paysans, notables locaux, agents des Administrations, viendrait nourrir l’analyse des enjeux de réorganisation des politiques publiques dans un contexte d’inégalités d’accès aux ressources.

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Remerciements

Merci à Marwa Raïssa qui a réalisé avec nous les entretiens dans le cadre de ce travail et les a traduits.

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