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Cigarette technology t and risk reduction Mise u p oin Pr Robert Molimard a manufacturers have designed the s smoking machine to have a measurement of and tar yields under standard condi- t tions, in order to get a means of controlling p in strength and flavour of a given brand to a ise u o constant level, and to compare different M a brands. The purpose was not at all to measu- Technologie de la cigarette re their nocivity, although it resulted in a clas- s sification into full flavour, mild and ultra mild, which is absolutely delusive. et réduction du risque This paper describes the four main kinds of used to make , their pro- cessing differences, the different kinds of Robert Molimard* cigarettes, the role of other components, paper, filters, additives. Special attention is given to nicotine and ammonia adjunction Les campagnes d’information semblent diminuer quelque peu la and to attempts to reduce yields of hazardous prévalence du tabagisme, mais aux dépens des petits fumeurs smoke components. As risk increases linearly with tobacco peu dépendants, laissant à peu près intact un noyau dur de consumption, but as the 4,5 power of smo- king duration, there is little improvement to be grands fumeurs invétérés dont on pense qu’ils ne s’arrêteront expected from a mere reduction of the daily number of smoked cigarettes, all the as pas. C’est pourtant eux qui sont en plus grand danger. D’où smokers change their way of smoking to get l’idée de chercher à diminuer le risque à fumer. Ce “créneau” satisfactory intake of pharmacologically acti- ve compounds, (certainly not of nicotine commence à intéresser le marché des substituts nicotiniques. only). As nicotine is regarded as relatively innocuous, lowering its yield is illogical. Lowering tar yield is delusive, because it is Cependant il faut bien peser les limites de inhalée capable de satisfaire les besoins du too gross a marker of toxicity, as noxious ce que l’on peut espérer d’une telle fumeur. Cela exige une meilleure connais- compounds constitute a very small part of tar démarche. La notion de “paquets x sance du tabac, de ses processus de fabrica- weight and their concentration in tar may années”, chère aux pneumologues et censée tion et des voies de recherche actuelles greatly vary. We need research to lower the évaluer le risque à fumer, a la vie dure. visant à le rendre moins nocif. ratio of any identified dangerous compound Comme tente de le faire comprendre depuise to addictive substances in all the cigarettes on is the market, to prevent this improvement from des années CatherineM Hill, la puissance 4,5 qui affectait le nombre d’années dans la La cigarette telle quelle est becoming an argument for smoking promo- formule initiale rapportant le risque de can- s fumée en machine tion. cer du poumon à la consommationu taba- Key-words : cigarette smoking, nicotine, a tar, tobacco, ammonia, nitrosamines, gique journalière et à sa durée a été oubliée La cigarette la plus simple est du tabac harm reduction. (risque = paquets x années 4,5). Si doubler roulé à la main dans une mince feuille de la consommation multiplie le risquen par 2, papier. Le tabac utilisé est un tabac fine- doubler sa durée le multipliepo pari 24,5, soit mentt découpé en lanières dit scaferlati, mot par 23 (1). En passant de 20 à 10 cigarettes d’origine inconnue. Les papiers ont été de agricole. Sa composition varie selon les par jour, on ne peut espérer réduire le plus en plus fins et résistants et de porosité conditions climatiques de croissance de la risque que de 50 %, encore faudrait-il que calculée, l’usage des filtres s’est générali- plante. L’industrie a donc cherché à mesurer le fumeur ne compense pas par une façon sé. Une cigarette industrielle actuelle com- les paramètres lui permettant de contrôler les de fumer plus intensive. porte donc : mélanges de tabac de diverses origines, prove- Jouant sur la durée, l’arrêt du tabac est – un boudin de tabac roulé dans un papier nant de divers étages foliaires de la plante, donc le facteur de réduction de loin le plus fin ; pour obtenir la constance de composition de la puissant. Mais s’il n’est pas possible, il est – un filtre ; fumée fidélisant le consommateur à sa douteux qu’à toxicité potentielle égale de la – le papier “manchette”, souvent coloré en marque favorite. fumée, la réduction du nombre de ciga- jaune pour imiter le liège, qui solidarise la C’est l’industrie qui, dès avant la guerre, a mis rettes ait vraiment un effet très significatif. cigarette proprement dite et le filtre. au point une méthode artificielle par machine C’est pourquoi, dans une attitude pragma- La fabrication industrielle a été à l’origine à fumer, pour étudier le rendement de la tique, la seule manière d’agir efficacement de l’extraordinaire essor de la consomma- fumée en divers composants jugés essentiels. serait de diminuer le rapport entre la teneur tion. Les “cigarettes-toutes-faites”, comme Après avoir observé la façon de fumer d’alors, de la fumée en produits nocifs et son pou- on disait avant la guerre, ont largement sup- elle a finalement établi une norme internatio- voir rassasiant, c’est-à-dire la quantité planté celles roulées à la main, voire avec nale, définie par l’ISO (International de petites machines manuelles, qui n’ont Standardisation Organisation). Une cigarette pris un regain de popularité qu’en fonction est maintenue dans des lèvres artificielles en des récentes augmentations de prix. caoutchouc portées par une boîte contenant un Qui dit industrialisation dit normalisation. épais filtre Cambridge dont les pores sont de L’industrie avait intérêt à proposer au public 0,3 µ. La cigarette est allumée et le piston * Centre de tabacologie Paul-Guiraud, des produits relativement constants quant à la d’une seringue, mu par une bielle animée par Villejuif Cedex. force, au goût, etc. Or le tabac est un produit un moteur rotatif, aspire en deux secondes une

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le contenu réel d’une cigarette en nicotine peut ainsi varier de 8 à plus de 20 mg, alors que la quantité extraite selon la norme ISO est le plus souvent inférieure à 1 mg, jusqu’à 0,1 mg. Quant aux goudrons, ils sont produits par pyrosynthèse lors de la combustion. Le tabac d’une cigarette non allumée ne contient pas de goudrons.Mise 2. Aucun fumeur ne fumes selon les condi- tions ISO. Il apeutu jeter une cigarette après seulement deux bouffées ou au contraire allonger les bouffées,poin ce tqui augmente relati- vement plus le rendement en goudrons, lais- ser plus courts les mégots, qui sont un concentré de goudrons, augmenter le nombre de bouffées, obturer les orifices de ventilation des filtres. La réserve de nicotine d’une ciga- rette est telle qu’avec de telles modifications, Kozlowski a pu obtenir d’une cigarette fumée avec une machine un rendement en nicotine 22 fois supérieur à celui affiché (2). 3. Il est parfaitement illusoire de pré- tendre mesurer le rendement en nicotine Figure 1. Une cigarette contient entre 0,5 et 1 g de tabac, soit 8 à 20 mg de nicotine. Il n’y ou goudrons du tabac à rouler, ou de a pas de goudrons, ceux-ci étant uniquement produits par pyrosynthèse. La fumée est aspi- tabac fumé en pipe, tellement sont rée par une pompe selon les normes ISO, soit 35 ml en 2 secondes toutes les minutes, au variables le diamètre de la cigarette roulée travers d’un filtre Cambridge qui retient l’eau, la nicotine et les goudrons. La combustion à la main, le poids de tabac, son humidité, d’un fil 3 mm avant la manchette arrête la pompe. C’est le rendement en nicotine et gou- la façon dont il est tassé, etc. drons d’une cigarette ainsi fumée qui est affiché sur les paquets. Le volume d’air de la 4. La mesure est extrêmement grossière. pièce pénétrant à chaque bouffée à travers les microperforations du papier manchette Elle ne saurait refléter la nocivité de la diminue d’autant le volume réel de fumée aspiré, donc le rendement. cigarette. Les composants dangereux de la phase gazeuse, oxyde de carbone, aldéhyde bouffée de 35 ml, toutes les minutes, qui de combustion et sur la résistance au tirage. Le formique et irritants divers ne sont habi- traverse le filtre Cambridge. Un fil tendu à nombre des bouffées ainsi obtenu varie de 8 à tuellement pas dosés. La composition des 23 mm de l’extrémité buccale de la cigaret- 10. Des critères stricts de “fume” sont définis goudrons est très variable selon le tabac, la te ou, s’il existe un filtre, à 8 mm de celui- par la norme ISO : humidité du tabac, de l’air température de combustion, etc. Les com- ci ou à 3 mm du papier manchette (ou la ambiant, température et vitesse du courant posés carcinogènes ne représentent qu’une plus courte de ces deux mesures) brûle et se d’air autour de la cigarette, etc. Malgré ces partie faible et variable de leur poids. La rompt lorsque le foyer arrive à son niveau, conditions, la variabilité des résultats est telle carcinogénicité peut être très différente ce qui arrête la machine (figure 1). d’une cigarette à l’autre que la mesure du ren- pour un même poids de goudrons, selon La fumée dépose sur le filtre Cambridge les dement en nicotine et goudrons d’une marque leur teneur en nitrosamines et en hydro- particules qui la rendent visible sous forme donnée nécessite de faire une moyenne entre carbures polycycliques. d’une tache brunâtre (phase particulaire). Le les résultats de la “fume” d’au moins une cen- 5. De ce fait, la classification en ultra- poids de ce condensat est déterminé par l’aug- taine de cigarettes. légères, légères ou “full flavor” n’est valable mentation de poids du filtre. Il contient la Ce qui est imprimé sur les paquets de ciga- que pour la machine à fumer et ne saurait être totalité de la nicotine et de la vapeur d’eau rettes est le rendement moyen en nicotine et un indicateur de dangerosité. La mention condensée que l’on dose. La masse restante goudrons ainsi mesuré, rapporté à la “fume” des rendements sur les paquets est un est un mélange complexe appelé goudrons, d’une cigarette de la marque, lorsque le pool leurre dangereux, laissant faussement sup- dont on a déjà isolé plus de 4 000 molécules, d’une centaine au moins est fumé artificielle- dont des cancérigènes, hydrocarbures polycy- ment selon les critères de la norme ISO. poser une différence d’innocuité. cliques et nitrosamines en particulier. Quelques points sont donc à préciser pour La phase gazeuse traverse le filtre. Elle clarifier les idées à ce propos : Le papier : mythes et réalités contient azote, CO, mais surtout oxyde de car- 1. Les valeurs de nicotine et goudrons figu- bone et divers composés irritants, aldéhyde rant sur les paquets sont des rendements, Il est encore considéré, évidemment à tort, formique, acroléine, acide cyanhydrique... non des teneurs. Le tabac sec contenant de comme l’élément dangereux de la cigarette. L’humidité du tabac, l’homogénéité et le tas- 15 à 25 mg de nicotine par gramme, et une En fait, il s’agit de fibres de cellulose – lin sement du mélange jouent sur les paramètres cigarette contenant de 500 mg à 1 g de tabac, et fibres de bois. En Occident, on aime les

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t Mise s au p oin Mise au p oint papiers blancs opaques, que l’on obtient sécréteurs que celles des grands tabacs. Il est pecter le rendement en nicotine et gou- avec une charge de carbonates de calcium. utilisé en mélange avec les autres variétés. drons selon la norme ISO. Ce qui est Les Russes aiment les cigarettes plus trans- Ces tabacs sont utilisés pour la fabrication imprimé sur les paquets de cigarettes est lucides. Des sels alcalins d’acides orga- de trois grands types de cigarettes (ou de contrôlé par le Laboratoire national d’es- niques augmentent la combustibilité et, tabac pour pipes). sais. Or, le tabac est une plante, dont la avec le phosphate acide d’ammonium, don- – Les cigarettes brunes sont faites de tabac composition est variable. Pour obtenir les nent des cendres plus blanches. Le point brun, sans additifs. Une légère torréfaction rendements désirés, le fabricant doit jouer important est la porosité, que donnent la développe les arômes. La fermentation a sur les mélanges de différents tabacs à charge en calcium, mais aussi des micro- éliminé les sucres et donne à la fumée un rendements différents (4). perforations. La perméabilité à l’air dimi- pH légèrement alcalin. Jadis les seules nue le rendement en nicotine et goudrons consommées en Europe, leur part de mar- La variété ainsi que la formation de CO, qui peut de ché diminue au profit des cigarettes de Des variétés riches et pauvres en nicotine plus s’éliminer par diffusion ainsi que “goût américain”. ont été obtenues par sélection. Certains d’autres composés volatils. – Les cigarettes de “goût anglais” sont tabacs, comme le Maryland, sont utilisés Le papier maïs n’a rien de particulier, sinon faites de tabac de Virginie pur, utilisé géné- pour leur combustion plus lente. le colorant et une faible combustibilité. ralement sans additifs. Le pH de la fumée est très acide (autour de 5,5). L’écimage et l’étage foliaire Le tabac : – Les cigarettes de “goût américain” sont un Les alcaloïdes du tabac sont produits dans mélange de Virginie, de Burley et de tabac les racines et migrent vers les feuilles. La quatre grandes variétés d’Orient dans des proportions variant selon les suppression des sommités florales augmente marques. Ces tabacs non fermentés sont fortement la concentration en alcaloïdes Nicotiana tabacum est seule autorisée en riches en sucres. Leur fumée a un pH acide dans les feuilles et n’augmente que légère- . variant selon leur composition autour de 6,5. ment le rendement en goudrons. Le rende- Il en existe quatre grandes variétés : Les “sauces” sont apparues pour tenter de ment en nicotine et en goudrons est d’au- 1. Le tabac brun. C’est un tabac à grandes compenser la tendance du Burley à perdre ses tant plus élevé que les feuilles sont plus feuilles, essentiellement produiti en sEuropee arômes lorsqu’il est découpé en scaferlati. Ce basses. La récolte se fait par étage foliaire. et en Amérique du Sud.M Il est séché à l’air sauçage (casing) les imprègne de produits (air-cured), où il prend une coloration brun sucrés (mélasse, miel) et d’humectants (glycé- Le tabac reconstitué foncé. Il subit une fermentation active. On srol). Ils subissent alors souvent une torréfac- Toutes les parties des feuilles de tabac ne sont en fait des cigarettes brunes,a du tabacu à chi- tion (toasting). Cette torréfaction induit la pas propres à fabriquer un scaferlati conve- quer ou à priser, des cigares (sauf les capes réaction de Maillard entre produits azotés et nable. Jadis, les nervures étaient jetées ou uti- de cigares dont la production [Cuba] et le aldéhydes des sucres, qui donne naissance à lisées lors de la confection de cigarettes de traitement sont particuliers). n une foule de composés aromatiques. On ter- qualité inférieure (cigarettes de troupe), Deux variétés de productionp opeui importante tmine par une pulvérisation de produits aroma- constituant les “bûches” qui, transformées en sont cultivées pour certaines utilisations : tiques divers, en général utilisés par ailleurs tisons, faisaient des trous dans le drap des – Le Maryland, tabac brun léger cultivé aux dans l’industrie alimentaire (cacao, citron, pantalons militaires. L’idée fut de récupérer États-Unis et en Suisse. vanille…). Les cigarettes mentholées le sont tous ces rebuts de fabrication et d’en confec- – Le Kentucky, tabac brun corsé séché au soit par pulvérisation de menthol, soit par tionner des feuilles, puis de les découper feu direct, surtout pour la pipe, cultivé en imprégnation du papier d’emballage par le comme un scaferlati. Les feuilles sont obte- Italie, Pologne, États-Unis. menthol qui diffuse ensuite dans le tabac. La nues soit par compression-moulage avec un 2. Le Burley. C’est un mutant pauvre en composition de ces sauces, le détail des opé- liant, ce qui donne un produit très dense, soit chlorophylle, à feuilles jaunâtres, essentiel- rations constituent des secrets de fabrication. en les broyant dans de l’eau selon la tech- lement cultivé aux États-Unis, également Cependant, une liste des substances autorisées nique de fabrication du papier, ce qui donne séché à l’air naturel, prenant alors une colo- est régulièrement mise à jour en fonction des un scaferlati léger très foisonnant. ration brun clair. À la différence des tabacs données scientifiques et épidémiologiques. Les tabacs reconstitués sont plus combus- bruns, il n’est pas fermenté. tibles et produisent moins de CO. Le rende- 3. Le Virginie. Largement cultivé aux États- Le tabac dans la confection ment en nicotine et goudrons du tabac- Unis, il est séché à l’étuve à 70° (flue- des cigarettes papier est très inférieur, du fait des pertes cured), où il prend une coloration jaune liées à la fabrication. Il produit un peu clair. Ce traitement arrête toute fermenta- Théoriquement, seule Nicotiana tabacum moins de benzopyrène et de benzanthracène. tion, ce qui lui confère une richesse parti- est utilisée dans les cigarettes fumées en Le tabac reconstitué représente environ culière en sucres. France, bien que l’industrie ait souhaité 20 % du poids des cigarettes commerciales 4. Le tabac d’Orient. C’est un tabac à très introduire d’autres nicotianées, comme actuelles et peut atteindre 50 %. petites feuilles (10 cm), cultivé dans des Nicotiana rustica, consommée en particu- conditions de sécheresse extrême et séché au lier dans l’ex-URSS comme tabac de Le tabac expansé soleil (sun-cured). Il est très aromatique, car seconde qualité sous le nom de Maxhorka. Le tabac est imprégné avec un liquide très ses petites feuilles contiennent autant de poils Il est important pour le fabricant de res- vaporisable, puis chauffé brutalement. La

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vapeur du liquide qui s’élimine gonfle les fusion de la nicotine dans l’organisme, sa sucres du tabac lors de sa préparation ou lors structures cellulaires. Le scaferlati ainsi obte- fixation dans le cerveau et donc d’augmenter de sa combustion pour former des substances nu est très léger et foisonnant, avec une forte la dépendance. aromatiques comme lorsque l’on grille les résistance au tirage. À poids égal, le rende- À pH alcalin, la nicotine est sous forme viandes. L’alcalinisation augmenterait par ment en nicotine et en la plupart des consti- “base”. Liposoluble et hydromiscible, elle ailleurs la sensation appelée “impact” de la tuants de la fumée est un peu plus faible, passe alors effectivement beaucoup plus facile- fumée, liée à l’action irritante de la nicotine et mais la capacité de remplissage de ce tabac ment les membranes que sous forme ionisée. que recherchent certains fumeurs, mais qui permet d’en mettre beaucoup moins dans C’est la raison qui fait tamponner à pH alcalin peut être aversive pourise des débutants. En effet, chaque cigarette, de façon à diminuer les ren- les substituts nicotiniques. Il est cependant la nicotine estM habituellement dans la phase dements, bien que la résistance au passage de douteux que l’alcalinisation de la fumée soit un particulaire de lau fumée,s n’ayant pas de l’air soit plus élevée, ce qui diminue la viva- facteur critique de l’absorption de la nicotine contact direct aveca la muqueuse. Sous forme cité de la combustion. des cigarettes. Ce qui est vrai pour une gomme alcaline, elle pesto iplusn volatilet et tend à s’en Car plus une combustion est vive, moins fortement tamponnée à forte teneur en nicoti- échapper, manifestant alors son action irritan- importante est la production de CO au ne et gardée 30 minutes dans la bouche l’est te (qui est un des inconvénients du spray nasal bénéfice de CO-, et moins importante est la sans doute moins pour le bref passage d’une et des inhaleurs à nicotine). production de goudrons. L’utilisation de fumée moins concentrée, dont la majeure par- Sitôt absorbée, la nicotine est tamponnée tabacs reconstitués et expansés dans les tie est plutôt en contact avec l’alvéole pulmo- au pH 7,4 des liquides de l’organisme, et sa mélanges permet de jouer sur la combusti- naire qu’avec la petite surface muqueuse de la forme d’administration n’a donc aucune bilité et les rendements en fonction des bouche et des voies aériennes supérieures. On répercussion sur sa distribution entre les demandes du législateur, tout en gardant estime qu’entre 95 et 100 % de la nicotine différents organes. des caractéristiques physiques et organo- d’une bouffée sont absorbés, quel que soit le L’ammoniaque (NH4OH) et surtout le leptiques qui fidélisent le consommateur. pH de la fumée (7). Même à un pH très alca- phosphate dibasique d’ammonium sont uti- lin, la fraction absorbée au niveau bucco-pha- lisés pour la préparation du tabac reconsti- L’ajout de nicotine ryngé est vraisemblablement très faible. De tué, par exemple pour l’utilisation de la Sous le prétexte que la nicotine serait l’agent plus, cette absorption muqueuse est lente et se pectine comme adhésif liant les fibres (8). addictif du tabac, les compagnies ont été fait par le système cave supérieur. Cette frac- Curieusement, c’est un moyen industriel accusées d’ajouter de la nicotine aux ciga- tion ne peut donc participer au pic nicotinique d’ignifuger les tissus et le papier. Une ciga- rettes pour les rendre plus “addictives”. d’absorption pulmonaire, qui est dit important rette qu’on ne pourrait allumer serait évi- En fait, la réserve de nicotine dans une ciga- pour l’addiction. demment moins dangereuse ! Le sulfamate rette est telle qu’il n’est nul besoin d’en rajou- Nous avons comparé il y a plus de 10 ans la d’ammonium serait utilisé pour diminuer la ter, sauf si l’utilisation importante de tabac cotininurie et le CO alvéolaire entre deux production de benzopyrène. reconstitué-papier, qui a perdu dans les bains groupes de fumeurs, l’un de tabac brun de lavage une grande partie de sa nicotine, ne ( brunes ou ), dont la fumée Les traitements cherchant à diminuer la permet plus d’obtenir les rendements décla- était alcaline (pH 7,55) l’autre de cigarettes nocivité du tabac rés. Dans ces conditions, on peut concevoir blondes, Gauloises blondes (pH 6,45) et que la réintroduction d’un concentré des eaux (pH 6,75). L’hypothèse était qu’une Beaucoup de brevets ont été pris pour tenter de lavage, voire de nicotine puisse être un meilleure absorption de la nicotine par la d’éliminer ou tout au moins de diminuer le moyen de répondre à ces critères. Le fumeur muqueuse des voies aérodigestives supé- passage dans la fumée de produits toxiques. dépendant, si c’est bien la nicotine qu’il rieures permettrait d’obtenir la dose de nicoti- Les goudrons, dont la plus grande partie est recherche dans une cigarette, a besoin de sa ne souhaitée au prix d’une moindre inhalation composée de produits inoffensifs, mais qui dose. L’intérêt du fabricant serait donc que les (5, 6). Or, si la cotininurie a été équivalente véhiculent deux grandes catégories de carci- cigarettes soient les plus pauvres possible en dans les deux groupes, c’est paradoxalement nogènes : les hydrocarbures aromatiques poly- nicotine, pour que le fumeur soit amené à en le groupe de fumeurs de brunes qui inhalait le cycliques, en particulier le benzopyrène, et les consommer plus. C’est également son intérêt plus, à en juger par le CO alvéolaire (une nitrosamines. Celles-ci sont formées par gref- pour recruter de nouveaux fumeurs. Les explication possible est leur âge un peu plus fe d’un radical NO- provenant de nitrites sur jeunes qui ne sont pas encore dépendants élevé). Il faut ajouter que si le pH était aussi des fonctions amines diverses. Elles peuvent commencent plus volontiers avec des ciga- important qu’on veut bien le dire pour expli- ainsi ne pas être spécifiques du tabac, mais rettes à faible rendement, les cigarettes fortes quer l’addiction, ce sont les cigarettes brunes certaines ne se forment que dans le tabac par étant plutôt aversives. Je pense donc qu’il qui devraient avoir conquis le marché améri- réaction avec certains de ses alcaloïdes. C’est s’agit d’un bon cheval de bataille, mais d’un cain, alors que le contraire se produit, les ciga- le cas de la N-nitroso-nornicotine (NNN), la mauvais procès, surtout grande source de rettes blondes à fumée acide supplantant N-nitroso-anatabine (NAT), la N-nitroso-ana- profit pour les avocats américains. actuellement les cigarettes brunes dans leur basine (NAB), la NNK (4-méthyl-nitrosamine marché traditionnel (France, Espagne, Italie). 1 [3-pyridyl] 1-butanone) et sa forme alcool, Adjonction d’ammoniaque Selon P. MacLeod, l’adjonction d’ammo- le NNAL, puissants carcinogènes chez l’ani- L’industrie du tabac est accusée d’ajouter de niaque est utilisée en parfumerie pour exalter mal. La nicotine elle-même ne peut être nitro- l’ammoniaque au tabac dans le but d’alcalini- les arômes. C’est une explication de l’indus- sée, la fonction amine de son cycle pyrrolidi- ser la fumée, afin d’accroître la vitesse de dif- trie, qui dit que l’ammoniaque réagit avec les ne étant déjà bloquée par un radical méthyle.

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t Mise s au p oin Mise au p oint Tableau I. Rendement en goudrons et teneur en 4-méthyl-nitrosamine 1 procédé qui sup- actif et les métaux, le plomb, mais surtout le (3-pyridyl) 1-butanone (NNK) set N-nitroso-nornicotine (NNN) de prime toute fer- nickel, l’arsenic, le cadmium et le chrome qui cigarettes vendues en Pologne. Les marques ont été classées en fonc- mentation élimine sont des carcinogènes. tion du rendement décroissant en goudrons et de la teneur croissante totalement les nitro- en NNK puis NNN. Les nitrosamines ne représentent que 1/10 000 du samines du tabac Les filtres : très majoritaires poids de goudrons. Ce rendement en goudrons ne reflète absolument de Virginie. Les pas la teneur en carcinogènes. Les cigarettes aux plus faibles rende- fermiers améri- Ils cherchent à purifier la fumée de tous les ments ont au contraire tendance à en être les plus riches. cains s’engouffrent composants nocifs précités, avec de plus dans cette nouvelle une action sur la phase gazeuse, CO, poi- Marque Goudrons NNK NNN technologie. À par- sons ciliaires (acide cyanhydrique, acroléi- mg/cig. ng/cig. ng/cig. tir de Virginie et de ne, ammoniaque, aldéhyde formique et Kentucky préparés dioxyde d’azote). Caro 17 120 870 selon ce procédé, La plupart des cigarettes commerciales ont Extra 17 501 120 Brown & William- actuellement un filtre. L’amiante a disparu. Ils Popularme 17 360 1 190 son, une filiale de sont actuellement essentiellement constitués Carmen 16 160 760 BAT, a fabriqué de filaments d’acétate de cellulose d’environ Stoleczne 16 230 620 pour Star la ciga- Radomski 16 240 1 120 rette Advance, équi- 20 µ, avec des sections en I, X ou Y pour aug- Mars 16 260 840 pée d’un filtre au menter leur surface, liées par un plastifiant Mocne 16 890 2 830 charbon actif, avec (triacétine) qui représente 6 % du poids. Il Golden American 15 270 1 330 un taux de nitrosa- existe aussi des filtres en papier. Les filtres Klubowe 15 310 1 040 mines nettement di- peuvent être faits d’une partie papier et d’une Camel 15 990 2 230 minué. L’élimination partie acétate de cellulose. Certains ménagent Marlboro 14 580 2 460 des nitrosamines une chambre médiane avec du charbon actif constitue de toute qui retient certains constituants de la phase Les nitrosamines apparaissent essentielle-e façon un progrès à généraliser. Comme gazeuse, qui peuvent être réduits de 60 à is 95 %. Les filtres retiennent environ 50 % de la ment lors de la fermentationM et du stockage, elles ne résument certainement pas le pou- à partir des nitrates réduits en nitrites par la voir carcinogène de la fumée, on ne peut phase particulaire. La perte de charge dans le fermentation. Leur concentration est évi- cependants pas prévoir l’impact réel de leur filtre conditionne son efficacité, mais cette demment favorisée par l’utilisationu impor- élimination sur la survenue des cancers. résistance au tirage a une limite d’acceptabili- tante d’engrais nitratés. a té par le fumeur. Ces composés ne constituent que la dix-mil- La nicotine La ventilation des filtres consiste à perforer lième partie du poids de goudrons. Le rende- Elle n’est pas le produit le plus dangereux et circulairement le papier manchette d’un très ment en goudrons n’est donc absolumentoin pas net peut être nitrosée. Les cigarettes à très grand nombre de trous microscopiques par p différentes techniques (laser en particulier). représentatif de la carcinogénicité. Ainsi, dans faible rendement en nicotine, soit naturelle- une étude sur des cigarettes polonaises, ce ment (Next®), soit après son extraction par Une partie de la bouffée est donc de l’air exté- sont les cigarettes à plus faible rendement en différents solvants ou sa dégradation par rieur qui n’a pas participé à la combustion. goudrons qui contenaient le plus de nitrosa- action microbienne, ont été en général un L’ e xtrémité buccale du mégot prend alors un mines, jusqu’à huit fois plus pour le NNK et 4 échec commercial. aspect en cocarde, dû à ce que l’air extérieur fois pour la NNN (10) (tableau I). entré par les orifices de ventilation n’a eu On a proposé, sans que ce soit toujours L’oxyde de carbone aucune raison de teinter de marron le filtre. Il arrivé au stade industriel, de nombreux Il est certainement plus responsable que la s’agit donc tout bonnement de dilution de la procédés pour éliminer ces carcinogènes : nicotine des complications vasculaires. Sa fumée. Il est clair que si elle atteint 80 % extraction aqueuse du tabac, réincorporé concentration peut être diminuée par une comme c’est parfois le cas, le rendement en après élimination des nitrates par divers combustion plus active. L’imprégnation du nicotine et goudrons sera diminué d’autant procédés, utilisation de microrganismes papier et du tabac avec du permanganate de (3). Mais la baisse peut être plus importante, utilisant les nitrates et nitrites comme source potassium en diminuerait la production en car la réduction de la perte de charge par cette d’oxygène en condition anaérobie avec éli- augmentant la combustion et oxyderait de fuite permet au filtre d’être plus serré en mination des gaz azotés par le vide ; cette plus les nitrates. L’inclusion de particules amont des perforations, donc de mieux retenir technique est proposée pour éliminer égale- d’écume de mer lors de la préparation de tabac la phase particulaire de la fraction de bouffée ment les composés d’ammonium (!). reconstitué permettrait une rétention de CO, qui le traverse. La réduction du débit permet Un nouveau procédé de préparation du acroléine, nitriles (dont l’acide cyanhydrique), alors la diffusion vers l’extérieur de gaz très tabac est cependant prometteur. Mis au phénols, hydrocarbures aromatiques. légers (CO, CO-), dont le rendement est dimi- point par Star Scientific Inc, il consiste à Les traitements portant directement sur le nué plus que ne le voudrait le degré de venti- faire sécher les feuilles de tabac flue-cured tabac n’ont guère intéressé les autres compo- lation. De plus, la ventilation refroidit la dans une atmosphère dépourvue d’oxygène, sés nocifs, hormis le traitement des feuilles fumée et favorise la condensation de puis à les soumettre à des micro-ondes. Ce par un acide pour éliminer le polonium radio- nicotine et de goudrons au niveau du filtre.

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ment plus élevé en nicotine et goudrons. Un boudin plus court, c’est moins de tabac, MACHINE À FUMER moins de bouffées, un filtre éventuellement plus long et par conséquent une baisse du rendement en nicotine et goudrons. Microperforations Filtre "Cambridge" du papier manchette pores 0,3 µ Les cigarettese artificielles Fil à 3 mm de la Mis Phase gazeuse Beaucoup des composantss nocifs de la manchette fumée sont desa produitsu de pyrosynthèse et CO ne préexistent pasn dans le tabac. Or Acroléine l’exemple dup tabacoi à chiquert ou à priser 0,5 à 1 g de tabac Formol montre que la combustion n’est pas néces- saire pour que l’on devienne dépendant. De soit 8 à 20 mg de nicotine CNH... nombreuses tentatives ont été faites pour éli- goudrons = 0 Pompe : aspire miner la combustion. La nicotine étant consi- Condensation dérée comme le composant responsable de 35 ml l’addiction, la première idée a été de faire un Nicotine en 2 secondes objet ressemblant à une cigarette, mais qui Eau chaque minute soit en fait un inhaleur à nicotine pure. Air de la pièce Goudrons La première “cigarette” ainsi mise au point en 1987 fut la Favor®. Il s’agissait simplement d’un tampon imbibé d’une solution de nicoti- Figure 2. L’extrémité du filtre d’un mégot de cigarette légère est une cocarde. La colora- ne dans un tube ressemblant à une cigarette. tion brune centrale reflète la quantité de fumée qui l’a traversée et est donc parvenue à la De façon surprenante, alors que les gommes bouche du fumeur. L’intensité et la topographie de la coloration témoignent de l’intensité étaient déjà largement utilisées, la FDA a blo- de la “fume” et de l’oblitération partielle ou totale des orifices de ventilation. qué sa commercialisation, déclarant qu’il s’agissait simplement d’une manière de dro- Le fumeur trouve hélas ! spontanément des carbonates de métaux alcalino-terreux guer les gens en leur administrant dans le la parade en enlevant le filtre. Comme, associés à cobalt, nickel, cuivre ou zinc, qui corps le produit addictif qu’était la nicotine. ® pour des raisons évidentes qui tiennent à retiendraient l’acide cyanhydrique ; Dans la cigarette Premier (1988, R.J. l’acceptabilité, les tabacs utilisés dans –filtre comportant polystyrène non sulfoné Reynolds), un substrat saturé avec du glycérol les cigarettes ventilées sont paradoxale- et acide silicique, qui retiendrait les nitro- et du propylène glycol chargé en arômes était ment plus corsés et riches en nicotine samines et amines secondaires ; chauffé par combustion de carbone purifié et que ceux des full flavor, il trouve ces – générateur de champ magnétique électro- produisait des vapeurs qui se condensaient en cigarettes particulièrement bonnes. Sans statique diminuant CO et nicotine… ; un aérosol de glycérine, d’eau, de traces de aller à cet extrémité, il peut plus ou – fume-cigarette du type “pot catalytique”, nicotine et de quelques autres composants du moins boucher les trous de ventilation, comportant un filament chargé en platine tabac. Sans le barbotage, c’est une distillation soit inconsciemment avec les doigts, soit chauffé électriquement ; comme celle que réalise le narghilé. Le avec les lèvres (et le rouge à lèvres trahit –filtre avec particules d’aluminium pour condensat collecté par la machine à fumer cette pratique), soit consciemment avec retenir le polonium 210. était particulièrement pauvre en carcinogènes du scotch (figure 2) ! comme le benzopyrène et les nitrosamines. Un nombre impressionnant de brevets ont été La géométrie de la cigarette Mais le faible apport de nicotine, l’absence de pris pour des filtres retenant sélectivement cendres à secouer, de fumée visible et le goût certains composants nocifs, qu’il s’agisse de désagréable en firent en 5 mois un retentissant filtres multicomposants ou d’additifs (9). Hormis les tabac, papier et filtres, la géomé- échec commercial. En 1996, RJR a commer- – Mycelium de polyporacées (amadouvier) : trie de la cigarette est importante aussi bien cialisé une variante qui permet la combustion nicotine, goudrons et benzopyrène ; pour obtenir les rendements souhaités que d’une petite quantité de tabac, l’Eclipse®. On –filtre “biologique” à base d’hémoglobine pour des raisons de mode et d’acceptabilité allume l’extrémité de carbone purifié qui qui retiendrait les radicaux libres, le NO et par le fumeur en termes de “confort”. Le s’étend au centre de la cigarette jusqu’à son “métaboliserait” le benzopyrène ; diamètre, la longueur du filtre, celle du bou- milieu. Des fibres de verre empêchent le feu – catalyseurs divers : acide aurique, nitrate din de tabac ont été manipulés. Une cigarette de se communiquer à un tabac reconstitué d’argent, tétrachlorure de platine, cérium ; de 120 mm de long, bien qu’ayant évidem- imprégné d’eau et de glycérol qui enveloppe –filtres composites avec diverses manières ment une capacité d’autofiltration plus le noyau de carbone. L’élévation de la nicoti- de placer le charbon actif et un tamis molé- importante qu’une cigarette standard de némie, tout comme du CO, est de l’ordre de ce culaire, pour retenir le CO, ou contenant 70 mm, contient plus de tabac et a un rende- qu’obtiennent les fumeurs d’une cigarette nor-

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t Mise s au p oin ise u p oint male M(11). La carcinogénicité de la fuméea est drons ainsi dispersés ne sont rien à côté des grès supposé diminuer quelque peu le très fortement diminuée, il n’y a pratiquement masses de bitume déversées pour la confec- risque à fumer et d’en faire un argument pas de fumée environnementale. Maiss la ciga- tion et l’entretien des routes, ainsi que des publicitaire. L’effet secondaire d’une guerre rette ne plaît guère aux fumeurs, elle ne dimi- gaz d’échappement des véhicules. Mais les concurrentielle entre marques est évidem- nue pas de longueur, pas de cendres, pas de constituants des filtres – acétate de cellulose ment la promotion du tabac. Pourtant, toute volutes de fumée pour rêver ou d’écran der- – constituent un volume de déchets qui pose diminution du risque est bonne à prendre rière lequel se dissimuler. Bien que l’équipe un grave problème d’élimination. La pour ceux qui ne peuvent s’arrêter de de Russell considère que ce serait un progrès, recherche sur des matériaux biodégradables fumer. L’application de toute réelle avancée on lui fait le grief de la possibilité d’inhalation ayant par ailleurs les qualités développées technologique, si mineure soit-elle, devrait de fragments de fibres de verre. Elle serait par les filtres actuels n’est qu’à ses débuts. pouvoir être exigée de tous les fabricants, accusée d’un contenu en nitrosamines plus malgré l’obstacle des brevets. Le peu d’im- élevé que celui de cigarettes normales, et la Conclusion portance du niveau de la consommation FDA pourrait s’opposer à sa diffusion pour les quotidienne dans le risque encouru et la mêmes raisons que pour la Favor®. Toute industrie ne pense qu’au profit. compensation que sa dépendance impose Philip Morris répond avec Accord®. Les trois L’éthique n’est pas son fort. L’industrie au fumeur font qu’il n’y a guère à espérer quarts d’une cigarette spéciale sont introduits tabagière n’est pas l’exception. Il est évi- d’une simple diminution du nombre de dans un appareil alimenté par des piles dent qu’à long terme, elle aurait intérêt à cigarettes fumées, ce qui limite la portée rechargeables qui chauffe le tabac à 950° au protéger la santé de ses bons clients et être des substituts nicotiniques dans cette indi- lieu des 1 600° habituels de la combustion. sensible, sinon à leur souffrance, du moins cation. La seule voie efficace serait de Une puce électronique limite à 2 secondes le à la perte financière que représente pour diminuer la nocivité intrinsèque de la temps de chauffage pour chaque bouffée. Le elle la disparition une décennie trop tôt fumée. Il est irresponsable de refuser tout rendement en CO, benzopyrène et composés d’un fumeur de deux ou trois paquets par progrès dans ce sens en arguant du risque nitrés, diminuerait de 83 à 98 %. jour. Mais le profit immédiat prévaut. La de voir se réitérer l’opération-leurre des Eclipse® et Accord® sont commercialisés aux tentation est grande pour un fabricant de “cigarettes légères”. Au législateur de États-Unis. Accord® l’est peut-être confiden- protéger par des brevets solides tout pro- veiller à ce qu’il n’en soit rien. tiellement au Japon. Le chiffre des ventes n’est pas connu, maisM vraisemblablementise marginal. Le problème sera de savoir si les fumeurs vont accepter ces produits. s Références bibliographiques au 1. Hill C. Pour en finir avec les paquets-années. Revue des Maladies Respiratoires Le feu 1992 ; 9, n°6 : 573-4. 2. Kozlowski LT, Rickert WS, Pope MA, Robinson JC. Estimating the yields to smokers of Beaucoup d’incendies sont dus nà des tar, nicotine and carbon monoxide from the “lowest-yield” ve, tilated-filter cigarettes. Br J mégots mal éteints. Maisp aucuneoi des tenta- tAddict 1982 b ; 77 : 159-65. tives faites par l’industrie pour réduire ce 3. Kozlowski LT. 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Le Courrier des addictions (3), n° 1, mars 2001 16