MARBOUÉ Cité historique Site touristique Il. A ÉTÉ TIRÉ DE CET OUVRAGE CENT VINGT EXEMPLAIRES SUR PAPIER VERGÉ ARCHES NUMÉROTÉS DE 1 A 120, CONSTITUANT L'ÉDITION ORIGINALE. Henri Lizier

MARBOUÉ Cité historique Site touristique

Edité par l'Association culturelle de Marboué 1979

PRÉFACE

II me revient le grand honneur de présenter ce livre d'histoire locale qu'a écrit, avec tant d'amour et de passion, mon Instituteur et mon maître Henri Lizier. Le lecteur y découvrira, depuis l'époque gallo-romaine jusqu'à nos jours, l'évolution lente de notre Marboué, la construction puis la disparition de cités jadis prospères, les occupations guerrières avec leur cortège de peines et d'espoir, des anecdotes drôles, d'autres moins, la lutte permanente de l'homme pour sa survie. Votre livre sous le bras, et à l'aide de cartes, de plans, de photos, partez à la découverte du temps passé ; il reste, ça et là, quelques vestiges, et vous pourrez, par l'imagination, revivre la vie d'autrefois. Certains crieront peut-être au scandale : notre lotisse- ment n'est-il pas construit, en partie, sur l'emplacement de l'ancienne Villa gallo-romaine ?... La ligne de chemin de fer n'est-elle pas construite en plein milieu du cimetière méro- vingien ?... On a coupé un château en deux au Plessis pour y faire passer une route... Je m'arrête, ce n'est pas moi qui raconte. La plaine, aussi, a bien changé : il y avait, avant la guerre 39-45, des centaines, voire des milliers de pommiers ; la motorisation de l'agriculture en a éliminé une partie, et le remembrement de 1972 a eu raison du reste, ce qui n'a pas toujours été sans quelques petits « frottements » : il y avait, dans une courbe, un superbe poirier qu'il fallait arracher. Son propriétaire en était malade... C'est ma goutte, disait-il ! Eh oui... l'arbre généreux donnait annuellement à son bénéficiaire de quoi faire « ses 20 litres de goutte ». Le poirier a été arra- ché, Bébert a quitté notre monde... d'ici quelque temps la tradition des bouilleurs de crû va s'éteindre, faute de combat- tants. Dans chaque ferme, il y avait un four à pain ; il en reste très peu aujourd'hui. Le dernier à avoir été allumé est encore en bon état au Tronchet. Ma mère y avait fait le pain pour le village, pendant l'exode de 194o, avec une balle de farine fournie par M. Coigneau. Pour nous, les gamins, c'était un spectacle à ne pas manquer. Une petite sieste à l'orée du bois ne fait pas de mal : une violette au coin des lèvres, vous vous laissez choir dans l'herbe humide de rosée ; la nuit a été bonne, chaque brin d'herbe a eu sa goutte ; les champs de blé, superbes tapis d'un beau vert tendre découpés au carré, la feuille frisée, sont pleins de promesses. Un tracteur s'active à préparer un bon lit de semence pour le maïs. A l'ouest du petit bois un magni- fique champ de colza, à la fleur d'un jaune éclatant, attend les abeilles de Pierre. Ecoutez !... On en entend déjà quelques- unes ; dans une heure, le soleil étant plus chaud, cela deviendra un bourdonnement intense. Les oiseaux, dans les bois, s'affairent à la construction de leur nid et chacun y va de sa romance pour marquer sa joie de donner la vie, encore une fois. Le rossignol, qui a déjà chanté toute la nuit, entame le nième couplet de sa symphonie inachevée. L'alouette, petit point noir dans le soleil — vous ne pourrez la repérer qu'en écoutant son tirouli — à petits coups d'ailes saccadés, se lance à l'assaut du ciel pour lui chanter son espoir dans la vie... Y parviendra-t-elle ? Mais non... à bout de forces elle se laisse choir comme une pierre dans la terre fraîche ; mais déjà, une autre prend la relève. Là-bas, droit devant, blotti dans la vallée, bien abrité des vents du nord, veillé et protégé par son imposant clocher de pierre, Marboué se dore au bon soleil de printemps. Le Loir, après ses quelques fugues de l'hiver, est redevenu tran- quille et paresseux, et attend pêcheurs et promeneurs qui vont pouvoir passer de bons moments au bord de ses berges. Les futurs habitants du lotissement se hâtent, eux aussi, pour habiter, le plus vite possible, leur petit nid d'amour. Allons, une année nouvelle, pleine d'espoir et de pro- messes, commence ; l'homme, dans sa lutte pour sa vie et son mieux-être changera sans doute encore quelque chose au paysage. Mais n'est-ce pas sa raison de vivre ? Marboué... je t'aime. Avril 19J9. LUCIEN SEIGNEURET, Maire de Marboué. AVANT-PROPOS

NUL mieux qu'un enfant du pays n'aurait pu évo- quer avec autant de bonheur le charme d'un terroir pourvu par la nature de paysages aussi divers qui allient les sites agréables de l'eau et des bois aux horizons lointains de la plaine et de la terre laborieuse. Le Maire de Marboué, Lucien Seigneuret qui, au sur- plus, a des ambitions audacieuses et légitimes pour développer harmonieusement le patrimoine commun, l'a fait en termes excellents et profondément sincères où l'anecdote et l'humour se mêlent avec élégance à l'accent poétique inspiré par une sensibilité innée. Je l'en remercie, au nom de l'amitié et de la reconnais- sance, car c'est la plus belle préface que je pouvais souhaiter pour cet ouvrage tiré d'un manuscrit vieux de trente-cinq années. A l'époque, il avait été écrit sans aucune prétention si ce n'était de conserver la trace d'une histoire vouée à l'oubli. Des informateurs avertis m'avaient fourni alors des ren- seignements précieux. Mme la comtesse Reille avait mis obli- geamment à ma disposition la bibliothèque et les archives des Coudreaux. Grâce au talent de M. Lestelle et de M. Fréon, je pouvais disposer de belles illustrations. Enfin, le garde-champêtre, M. Léon Provendier, au cours d'innombrables conversations alimentées par son infail- lible mémoire, jointe à un attachement profond pour son pays natal, orientait heureusement mes recherches. Je conserve un souvenir reconnaissant pour Mme Loyal, qui m'a spontanément et généreusement apporté son concours pour la mise au net de mes notes à la machine à écrire. C'est grâce à son travail que l'ouvrage, aujourd'hui, peut être édité. Depuis trente-cinq ans, de constantes recherches m'ont permis de compléter heureusement le manuscrit initial, notam- ment en ce qui concerne les antiquités gallo-romaines de Mienne-Saint-Martin. Il était indispensable, aussi, de réactualiser les données géographiques, économiques et sociales, afin de permettre au lecteur de situer le chemin parcouru depuis 1945 et la fin de la seconde guerre mondiale. Je souhaite que chacun puisse trouver autant d'intérêt à parcourir cet ouvrage que j'ai mis de passion à le composer, et avoir, ainsi, l'occasion d'y apporter les compléments et recti- fications qui peuvent s'imposer (1). , avril 1979. HENRI LIZIER.

(1) Pour compenser les réductions opérées dans le manuscrit, afin de diminuer les frais d'édition, il a été inséré dans l'ouvrage (page 78) un sommaire des délibé- rations du conseil municipal établi par M. Jean-Paul Triau. Nous le remercions de nous avoir permis de faire usage de ce complément fort intéressant. LIVRE PREMIER

GÉOGRAPHIE LOCALE

CHAPITRE 1 GÉNÉRALITÉS I. — ORIGINE Le site historique de Marboué appartient à une haute antiquité. Nous retrouverons son histoire dans la seconde partie de cet ouvrage, mais il est utile, en avant-propos, de la situer brièvement dans le temps. L'origine la plus ancienne est marquée par l'existence du vaste ensemble archéologique de Mienne et de ses dépen- dances (villa, domaine agricole, temple, nécropole). Si les premiers titres, remontant à la fin du 106 siècle, font état de Villa Marboéi, ils ne pouvaient concerner que le groupement de maisons dépendant de l'église et paroisse de Saint-Martin, dans la partie que nous appelons le Bas-Bourg. Deux siècles plus tard, l'habitat se déplaçait vers le nord et le nord-ouest, formant une seconde paroisse, distincte, autour de l'église Saint-Pierre, nouvellement édifiée. Les formes anciennes du nom de Marboué (voir p. 125) ont attiré l'attention des archéologues et érudits qui ont essayé d'y trouver une explication d'origine, et, pendant 150 années, on a retenu leurs hypothèses, lesquelles, même si elles peuvent paraître fantaisistes, doivent être signalées. Dans un titre de 13°0, entre le comte de Dunois et l'abbaye de Bonneval, Vergnaud-Romagnési trouvait, en 1835, le nom de Marbouum, et concluait que le Temple, consacré à Mars, amenait à une traduction de Mars-aux-Champs, Mars- bouum, d'où l'on aurait fait plus tard Marboué, par corrup- tion. L'abbé Thiercelin prétendait que le pays devait son nom à son voisinage avec le Bois-Sacré, qui, selon l'usage des païens de l'Empire romain, accompagnait le Temple de Mars, leur idole. D'où lucus (bois) martis (mars) : bois consacré à Mars, devenant dans le latin du Moyen-Age, Boscus Martis, Martis-Boscus, Marboetum, etc... M. Maurice jusselin, archiviste départemental, avait admis cette explication. Une hypothèse, plus extravagante, d'après laquelle le village de Marboué aurait été construit avec les matériaux provenant de la destruction de la villa de Mienne, le marbre notamment, proposait comme origine le village de marbre, le bourg aux marbres. Les pierres des ruines de la villa ont certainement été réutilisées, mais le marbre n'y figurait que pour une modeste quantité. En fait, la première dénomination sérieuse et véridique se trouve dans la charte de fondation du prieuré de Marmou- tier à Saint-Martin-de-Chamars (près Châteaudun) qui men- tionne « le terroir de villa Marboéi », à peu près, phonéti- quement, Marboué. Villa désignant un domaine, Villa Marboéi (entre 600 et l'an 1000) paraissait se rapporter à la villa du domaine de Mienne. L'Abbé Parrault, en 1611, notait que cette villa, ou ville, avait été retenue par la tradition orale sous le nom de la Magnane (rapprocher Mienne). Le rattachement du nom de Marboué à la Villa de Mienne est donc plus concluant, et plus vraisemblable que le recours au Bois Sacré de Mars. C'est la conclusion à laquelle, après une étude appro- fondie, est parvenu l'Abbé Guy Villette, dont les travaux toponymistes font autorité, et qui s'en tient à une origine germanique, le successeur du consul romain ayant été un per- sonnage important des peuples conquérants du nom de Mar- bod, d'où le nom de Villa de Marbod, ou Domaine de Marbod, d'où Marboué. Le dit domaine aurait pu être limité, à l'ouest par le creux, le bout ou l'impasse qui se forme à l'endroit où la rivière vient frôler la falaise, à hauteur du moulin, en ce lieu désigné sous le nom de Creux ou Croc-Marbot. L'hypo- thèse peut paraître hardie, bien que le lien existe entre tous ces éléments. Quelle que soit l'origine de son nom, nous savons que la plaine de Marboué, par les vestiges qui y ont été découverts, a été habitée depuis des temps très reculés, et nous allons tenter d'en faire revivre les titres de noblesse avec le concours des érudits qui se sont déjà penchés sur son passé. 2. — SITUATION - LIMITES communesLa communerurales du decanton Marboué et de estl'arrondissement l'une des principales de Châ- teaudun ; elle n'est qu'à 5 kilomètres du chef-lieu. (1) Voir hors-texte entre pages 16 et 17. Avant 1789, la paroisse de Marboué faisait partie du diocèse de Chartres et de la généralité d'Orléans, bailliage de Blois. La paroisse, transformée en commune a été rattachée au district de Châteaudun, et comprise avec celui-ci dans le départementtuante. d'Eure-et-Loir, formé en 1790 par la Consti- Elle est limitée par les communes suivantes : au Nord et Nord-Est : Flacey ; au Nord : ; au Nord-Ouest et à l'Ouest : ; au Sud-Ouest : Lanneray ; au Sud : Châteaudun ; au Sud-Est : Donnemain ; à l'Est : Saint- Christophe. La commune est située sur le i' de longitude Ouest du méridien de Paris et à proximité du 480 de latitude Nord qui traverse le département d'Eure-et-Loir à la hauteur de Cloyes. 3. — SUPERFICIE - DIVISIONS La commune de Marboué a une superficie de 2 573 ha ou 25 km2 73. Sa forme est très irrégulière. Avec un peu d'imagina- tion on peut lui reconnaître la forme d'une grosse poire ventrue dont la pointe s'allongerait vers la commune de Dangeau, entre celles de Flacey et Logron. Ses dimensions extrêmes sont de 7 kilomètres de l'est à l'ouest et de 6 kilomètres du nord au sud. Le bourg de Marboué est situé à l'extrémité sud-est de la commune, ce qui est gênant pour les relations des habi- tants du plateau avec l'agglomération principale. La commune de Marboué a été agrandie, le 6 mars 1828, par l'adjonction d'une partie de la commune de Saint- Lubin-d'Isigny qui, avec ses hameaux et écarts du Plessis, deVillarmoy, territoire. la Rousselière, la Bertinière, lui a rapporté 625 ha Ainsi qu'on peut s'en rendre compte par le croquis hors-texte entre les pages 16 et 17, la commune de Saint-Lubin- d'Isigny qui formait une enclave dans la commune de Mar- boué et se trouvait séparée d'une partie de son territoire (Chantemesle, Boisensou) ne pouvait pas subsister. HAMEAUX Anouillet. — 7 maisons, 7 ménages, 24 habitants (dénombrement de 1936). Ce hameau, qui a porté les noms de Annoillé (1384), Anoillier (1408), Anouillay (1532), Anoulley (1549) faisait partie de la seigneurie de Chantemesle. Le Plessis. — 16 maisons, 16 ménages, 40 habitants. Son château a été longtemps le siège d'une ancienne seigneu- rie (voir page 172) appelée successivement : Le Pleisseiz-Hugon en 1305 (de l'abbaye de Saint-Avit), Le Plessis-Hugau en 1489 (de l'abbaye de la Madeleine), Plexitium-Hugonis dans un titre de 1555 (abbaye de Saint-André), Le Plaissis en 1599 (du comté de Montboissier), Le Plessis-Hugon en 1632 (Fabrique de Marboué). Le Tronchet. — 15 maisons, 15 ménages, 39 habitants. Le Tronchet, dont le « Ménaire » fut certainement une en- ceinte druidique avant de servir d'emplacement à un petit castel s'appelait Trunchéium en 1270 (de l'abbaye de la Made- leine) et Le Tronchay en 1384 (ch. de la seigneurie de Chan- temesle). Mortiers. — 6 maisons, 6 ménages, 21 habitants. Le fief de Mortiers, Mortyers en 1532 (ch. de la seigneurie de Chantemesle) était vassal de Meigneville. Villarmoy. — 7 maisons, 7 ménages, 30 habitants. Son nom primitif, Villa-Remota (maison éloignée des importuns), semble indiquer une origine romaine. En 1410, ce lieu est désigné sous le nom de Nemus de Villermoy (charte des prieurés de Chamars). Plus tard, Villar- moy a formé une seigneurie relevant du comté de Meslay- le-Vidame. Vilsard. — 9 maisons, 9 ménages, 30 habitants. L'éty- mologie de Vilsard (Villa sarta : maison tenue en bon état) indique une origine romaine confirmée d'ailleurs par des vestiges de l'époque gallo-romaine. Aux xvie et xvir' siècles, Villesard ou Vilsard était siège d'une seigneurie vassale du duché de Chartres. FERMES-ECARTS La Touche. — La Tousche Vocelles en 1559, la Tou- che Vauzelle en 1750. La ferme de la Touche faisait autrefois partie de la commune de Logron. En 1851, le propriétaire fit démolir les bâtiments et les fit reconstruire sur deux parcelles de terre

dépendant de la commune de Marboué. Le Conseil municipal de Logron demanda au Conseil municipal de Marboué à conserver sur son territoire les bâtiments de la Touche en échange d'une autre parcelle de terre de 11 hectares environ. Le Conseil municipal de Marboué rejeta cette demande le 13 mai 1851 et la ferme de la Touche resta sur la commune. Mézelles. — En 1120, Maisa de l'abbaye de Thiron. En 1549, Mézelles (de la seigneurie de Chantemesle). Thuy remonte à l'époque gallo-romaine (voir livre II, page 126). Thuy-lès-Le Tronchay dépendait en 1384 de la seigneurie de Chantemesle. La Coudraye. — La Couldraye (1384) de la seigneurie de Chantemesle. La Chalandrière. — La Chalendrière (1549) de la sei- gneurie de Chantemesle. Greslard. — Greslart (1410) du chapitre de Saint- André de Châteaudun. La Bertinière. — La Berthelinière (1551) de l'abbaye de la Madeleine. Saint-AndréLa Taille. de Châteaudun. — La Taille-Sanglier (1410) du chapitre de leine deLa Châteaudun. Roche. — La Roiche (1471) de l'abbaye de la Made- Mienne. -- Meignanne (1628), Meignangne (1656). Les Brosses, Le Petit-Bois, La Guignière, La Rousse- lière et enfin Pruneville, Ecoublanc et les Coudreaux, dont nous parlerons plus longuement au cours de cet ouvrage.

CHAPITRE II GÉOGRAPHIE PHYSIQUE 1. — LE SOL On distingue dans la commune de Marboué deux régions qui s'opposent assez nettement : la vallée du Loir et le plateau. La vallée La vallée du Loir a été largement creusée dans la craie blanche à silex du Sénonien. Le lit de la rivière est rejeté au sud de la vallée et du bourg de Marboué ; aux abords immédiats du Loir existe une basse plaine alluviale, inon- dable par temps de crues, et dont le fond est constitué par des alluvions fines un peu tourbeuses par places (alluvions modernes). La largeur de cette basse plaine alluviale est assez variable : elle peut atteindre sur les « Plantes » (rive droite) une largeur de 5 à 600 mètres, alors qu'elle n'a guère sur la même rive, à la sortie du bourg, que la largeur d'une langue de pré entre la rivière et le chemin du Croc-Marbot ; elle semble plus étendue sur la rive gauche, dans la plaine de la Roche formée par un remous puissant. Au Nord, entre la rivière et le plateau, se développe une large plaine remontant en pente douce vers le rebord crayeux du versant et constituée par des alluvions anciennes (sables, graviers et cailloutis) reposant sur la craie en profon- deur. L'épaisseur de ces alluvions anciennes serait de 6 mètres suivant les sondages opérés à la ballastière. La craie-tuffeau du versant, qui se montre surtout dans les carrières du Croc-Marbot, appartient à l'âge de la craie inférieure. D'après Coudray, elle recèle un certain nombre de fossiles : le micraster brevis, le micraster coranguinum, l'exo- gyra sinuata, le rynconella, vespertilio, plusieurs espèces de térébratules, de peignes, de bucardes et de dents de squales. Le plateau Le plateau est recouvert, tout à fait en surface, par un mince manteau de limon, assez pauvre, et contenant, sur- tout vers sa base, d'assez nombreux débris de silex ; ce limon présente des parties assez sableuses, ailleurs il est plus argileux. Sous ce limon, qui a une puissance de 1 à 3 mètres, on a signalé des lentilles discontinues , mais parfois assez étendues d'argiles et sables, passant à la base à un poudingue de silex ou à des grès siliceux assez durs ou « perrons ». Sous ces lentilles et même plus ou moins mélangée à elles, et directe- ment sous le limon là où elles manquent, on trouve « l'argile à silex », formation complexe résultant de l'altération et du remaniement de la craie ; l'épaisseur de l'argile à silex est très variable et peut être estimée approximativement à une quinzaine de mètres, en moyenne, sous le plateau. On trouve parfois, à la base de l'argile à silex, des couches de silex plus

Crq/e m a r 31 o,u s e, du Tu ron fan ou moins cimentées. Sous l'argile à silex, se développe la craie blanche à silex du Sénonien, dont la puissance n'est pas connue aux abords de Marboué, mais dont l'épaisseur, au- dessus de la tête de la craie marneuse du Turonien, doit diminuer assez rapidement vers le nord et le nord-ouest. Au nord de la vallée de Vilsard on trouve plusieurs filons d'argile rouge (terre à brique) qui rendent les terres impraticables par temps de pluie. Ces filons ont la direction nord-est-ouest, venant de Sérians (commune de Flacey), où a existé jusque vers 1925 une briqueterie dépendant du domaine des Cou- dreaux. Un filon d'argile rouge traverse même la vallée, au sud, et le bois de Vilsard jusqu'à la ferme de la Taille. La présence de cet argile rouge rend la culture très difficile dans cette région. En plus de cet inconvénient, il en est un autre qui vient de la qualité des terres : à Mortiers, tous les réages aboutissant sur la vallée de Vilsard et le hameau, et regardant le couchant, n'ont qu'une mince couche de limon et le terrain est graveleux. Au contraire, les réages aboutissant sur la vallée du Blossier et regardant le levant ont un limon plus puissant et assez riche. 2. — LE RELIEF Le relief de la commune de Marboué en fait une maison à deux étages nettement distincts : la vallée et « les hauts ». La vallée A partir de la rivière (cote = 108 mètres) se développe vers le nord une large plaine qui remonte en pente douce vers les coteaux environnants. L'altitude moyenne du bourg est de 110 mètres. Cette vallée, sur la rive droite du Loir, est bordée d'une ligne de crête qui atteint 145 mètres dans les bois des Coudreaux (allée de Pruneville), 150 mètres dans les bois Tribois, 148 mètres à Greslard et 149 mètres au-dessus du Croc-Marbot. Il y a donc une dénivellation de 35 à 38 mètres qui paraît plus sensible au Croc-Marbot où la pente est abrupte. Sur la rive gauche du Loir, à partir de la plaine de la Roche (112 mètres), la plaine s'élève doucement vers la route nationale 10 (121 mètres) et la ligne de crête allant de la Brouaze à la grange d'Ecoublanc — ce point de repère visible de loin. Le plateau Le plateau est d'une topographie assez uniforme molle- ment ondulée par places et qui se relève en pente douce vers le nord et l'ouest : au nord, une ligne de crête part des Cou- dreaux (les cèdres du château constituant un joli point de repère à 154 mètres d'altitude), suit approximativement le chemin rural n° 5 de Logron à Saint-Christophe par Prune- ville à cette même altitude de 154 mètres. Au nord de cette ligne, le plateau s'incline presque imperceptiblement vers Mortiers (148 mètres). A l'opposé, en direction sud-sud-ouest, le plateau des- cend doucement, avec quelques légers vallonnements, vers la dépression de la route nationale 155 (à 149 mètres d'altitude près du Tronchet). Le relief s'accentue alors nettement vers les hauteurs de Thuy et la Touche où se trouve le point culminant de la commune à 163 mètres d'altitude. Au sud de cette crête, la pente s'infléchit vers la Rousselière et les bas-fonds de Villarmoy (147 mètres). L'aspect général du plateau en fait une région inter- médiaire entre la plaine de Beauce aux horizons lointains et le verdoyant bocage percheron : de légers replis de terrains rompent la monotonie du paysage agrémenté de quelques bou- quets de verdure où se cachent les hameaux et de quelques lignes de pommiers annonçant le Perche. ALTITUDES

3. — LE CLIMAT La commune de Marboué jouit d'un climat tempéré, la température y est modérée, sans chaleurs excessives, ni froids de trop longue durée. Températures extrêmes à Marboué : hiver : — 50 à + 8°. été : + 28° à + 30 Dans la vallée, le climat est plus « brûlant » en été et les brouillards, nombreux et assez denses dès l'automne, sont froids. Sur le plateau, le climat est assez aride bien que l'im- perméabilité des terres conserve une humidité souvent persis- tante. Les hivers rigoureux sont rares. On n'oubliera pas cependant les hivers de guerre 1939-1940, 1940-1941 et 1941- 1942 où le thermomètre descendit jusqu'à — 18°. Les étés caniculaires sont également assez rares et si l'on enregistre à Marboué des températures allant à + 39" ce n'est que pour des périodes relativement courtes. Les vents dominants sont : les vents d'ouest (vent bas) et de nord-ouest (noroit) qui amènent souvent des tempêtes et de l'eau. Les vents sont assez violents dans notre contrée : les vents de nord-est sont cause du froid en hiver et de la sécheresse en été.t . t Les orages sont peu fréquents à Marboué ; généra- lement ils se trouvent coupés par la côte et la vallée du Loir, sauf lorsqu'ils viennent de l'est par la trouée de Saint-Chris- tophe : alors, disent les vieilles gens « ils restent là et ne s'en vont pas ». Ces orages-là sont terribles et prolongés et s'accom- pagnent souvent de grêle qui cause de grands dégâts aux cultures et aux jardins. Le violent orage du 15 août 1944, qui dura au moins quatre heures et pendant lequel les coups de tonnerre se mêlèrent au bruit des canons, et le zig-zag des éclairs aux reflets des incendies, sous une pluie diluvienne, restera longtemps dans le souvenir des habitants de Marboué. Le département d'Eure-et-Loir reçoit une quantité de pluies (o m 60), inférieure à la moyenne de la . La région dunoise (et la commune de Marboué) région intermédiaire entre la Beauce relativement sèche (o m 56) et le Perche plus arrosé (o m 68) doit se trouver dans la moyenne du département pour les chutes de pluies. En l'absence d'observations météorologiques locales, voici quel- ques chiffres se rapportant aux villes voisines de Châteaudun et Bonneval. Hauteur des pluies 1851 à 1900. Moyenne : Bonneval, o m 604 ; Château- dun, o m 579. Période pluvieuse. 1921 à 1930. Moyenne : Châteaudun, o m 601. 1930 à 1934. Moyenne : Bonneval, o m 50 ; Château- dun, o m 574. La neige n'est pas fréquente et tombe rarement d'une façon suivie et prolongée (10 jours de chute en moyenne). La moyenne annuelle des jours de gelée est de 64. 4. — HYDROGRAPHIE Le Loir (Ledus : 615, Leddum : 713, Letum 852, Legrum : 1080, Ligerus : 1170, Lirum : 1243, Lipdis : 1418, Liz, Lydulus, Lydus). Le Loir, écrivait M. de Boisvillette, ne présente pas de particularités saillantes si ce n'est comme archéologie, dans sa partie moyenne, des restes nombreux et véritablement remar- quables des monuments druidiques qui en font à la fois un centre religieux et une des grandes avenues de la cité Carnute. Le Loir, dans son cours supérieur, n'est qu'une rivière intermittente. Lors des saisons de grandes pluies, on peut le considérer comme issu d'un ruisseau né dans le Perche, à peu de distance de Champrond-en-Gâtine, et qui traverse ensuite l'étang de la Gâtine pour prendre la direction du sud à la hauteur de Cernay. Sa source constante jaillit à 160 m d'alti- tude près du village de Saint-Eman. Le Loir passe ensuite à Illiers et sépare la Beauce du Perche qui lui envoie la Thi- ronne, la Foussarde et l'Ozanne. Peu après Bonneval, il prend la direction du sud-ouest (R. Ozouf, Géog. d'E.-et-L., Rigal éd.). De la jolie petite ville de Bonneval à Châteaudun, c'est une succession de sites aimables. Le Loir, encore étroit, mais clair, gracieux, encaissé entre de hautes falaises, décrit ici de grands détours, comme au fond d'une cluse ; à chaque instant, il semble vouloir quitter le Perche pour frôler le plateau beauceron. Entre Bonneval et Châteaudun, reliés par une route de 14 km, la rivière a un cours de 25 km, grâce à ces méandres (Ardouin-Dumazet, Voyages en France, Berger-Levrault, éd.). Après avoir quitté la commune de Saint-Christophe, le Loir coule du nord au sud, s'attarde autour de maints ilôts, creuse dans ses rives des poches d'eau où s'ébattent les canards sauvages et, étourdiment, comme un enfant qu'il est encore, il heurte du front le coteau sauvage qui le surplombe et continue sa route vers l'ouest après avoir attrapé au passage les eaux clai- res de la Conie : d'un bras, il enlace le moulin d'Ecoublanc dont il fait tourner la roue en grondant furieusement ; de l'autre il se faufile entre les brèches du déversoir, glisse entre des rives étroites et sinueuses, tourbillonne en de blancs remous qu'ac- compagnent les cliquetis argentins de menues cascatelles et redevient enfin rivière, redevient le Loir qui se drape dans une majesté nouvelle pour aborder dignement le pont du chemin de fer aux arches audacieuses. Il fait fi de ses rives maréca- geuses qui ondulent doucement au frisson des hautes « rou- LE LOIR PITTORESQUE

(Clichés Louis Fréon) ACHEVÉ D'IMPRIMER LE 31 JUILLET 1979 PAR L'IMPRIMERIE S.P.C A CHATEAUDUN

N° D'IMPRIMEUR : 26.809 DÉPÔT LÉGAL : 3E TRIMESTRE 1979

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