Les Araignées de la Cladiaie des Lacs de Conzieu (Département de l') Etat des lieux 2009

Réserve Naturelle du Marais de Réalisation :

Janvier 2010 Alice MICHAUD Olivier VILLEPOUX

Les Araignées de la Cladiaie

des Lacs de Conzieu (01)

Etat des lieux 2009

Maître d'ouvrage :

Conservatoire Rhône-Alpes des Espaces naturels Antenne de l'Ain

Réalisé et rédigé par :

Alice MICHAUD & Olivier VILLEPOUX

dans le cadre de La Réserve Naturelle du Marais de Lavours

En : Janvier 2010

Etude réalisée avec le soutien de :

Photographies de couverture : A.Michaud, Ph.Boichut Araignées de la cladiaie des Lacs de Conzieu (01)

Introduction

Les cladiaies constituent un habitat remarquable par sa structure de végétation, ses exigences écologiques, sa capacité de colonisation, sa stabilité et sa biogéographie. Il est classé "d'intérêt communautaire" et même "prioritaire" pour ses faciès ouverts. Toutefois, dans sa forme la plus évoluée, la cladiaie dense, il se distingue par l'extrême pauvreté de sa flore, le cladium étant une plante fortement monopoliste (PAUTOU & GIREL, 1981). Les gestionnaires d'espaces naturels sont alors souvent tentés d'ouvrir le milieu dans le but d'augmenter la biodiversité végétale du site. C'est le raisonnement qu'à tenu le C.R.E.N. Rhône-Alpes, qui assume la gestion de la tourbière des lacs de Conzieu. Mais ces opérations de gestion, principalement fauchages ou broyages, modifient drastiquement la structure des strates végétales avant d'en changer la composition. Or, à l'inverse de la flore, la faune invertébrée d'une telle cladiaie dense peut être à la fois riche et hautement spécifique, du fait de la superposition de plusieurs niveaux de micro-habitats aux caractéristiques écologiques très diverses. C'est, en particulier, le cas pour les insectes et les araignées (BRUNHES & VILLEPOUX, 1988, 1990 ; VILLEPOUX & DARINOT, 2001 ; E.I.D.,1999).

Les invertébrés sont maintenant considérés comme une composante patrimoniale et écologique fondamentale de nos espaces naturels. Au côté des taxons traditionnellement pris en compte (Odonates, Rhopalocères), plusieurs autres groupes font actuellement l'objet d'études approfondies (Orthoptères, Coléoptères, certaines familles de Diptères,...). En dehors des insectes, les araignées sont reconnues comme un élément majeur de la faune, tant pour leur rôle dans les réseaux trophiques des écosystèmes que pour leur valeur patrimoniale et leur pertinence en bioindication (par exemple : MAELFAIT & BAERT, 1988).

C'est tout particulièrement vrai dans le cas des zones humides. Le nombre d'espèces ayant des spécificités d'amplitude variée vis à vis de ces habitats est important. De plus en plus d'études de sites ont permis aux spécialistes de se faire une idée satisfaisante des groupes d'espèces caractéristiques de biotopes et/ou de facteurs écologiques influents dans ces habitats. L'amplitude de leur domaine vital est à l'échelle des biotopes envisagés et leur temps de réponse aux modifications de l'environnement est bien plus court que celui de la végétation. Ce groupe d'arthropodes comporte, de plus, des espèces rares ou remarquables, à forte valeur patrimoniale, dont la caractérisation, en cours dans notre pays, peut se baser sur des listes établies dans des pays limitrophes, des listes régionales et de nombreux travaux scientifiques. Par ailleurs, plusieurs cladiaies ont fait l'objet d'inventaires arachnologiques dans les années antérieures. Celle, remarquable, de la R.N. du marais de Lavours a été tout particulièrement bien étudiée (VILLEPOUX, 1991, 1993, 1998). C'est d'autant plus intéressant qu'elle appartient à la même aire biogéographique que les lacs de Conzieu, n'étant distante que d'une vingtaine de kilomètres à vol d'oiseau.

Pour ces multiples raisons, le Conservatoire Rhône-Alpes des Espaces Naturels, par son antenne départementale de l'Ain, a souhaité que, dans le cadre des suivis scientifiques qu'il programmait sur le site des lacs de Conzieu, une étude spécifique soit réalisée sur les araignées. Cette demande était faite dans un triple but : Mieux cerner l'intérêt patrimonial de ce site du point de vue de l'aranéofaune. Vérifier si la gestion appliquée à certaines parties de la cladiaie avaient déjà conduit à une modification de cette faune et, si oui, l'apprécier en termes de biodiversité. Servir d'état de départ pour un suivi à plus longue échéance de l'évolution de ces parcelles du site.

1 Araignées de la cladiaie des Lacs de Conzieu (01)

Aucune donnée arachnologique préalable ne concernait cette tourbière et la présente étude jouera également un rôle dans la connaissance de la biodiversité régionale.

Cette étude a été effectuée par la R.N. du marais de Lavours, sous la direction de son Conservateur, Fabrice DARINOT, et sa réalisation a été confiée à Alice MICHAUD et Olivier VILLEPOUX. Les auteurs adressent leurs plus vifs remerciements à Géraldine GARNIER, de l'antenne de l'Ain du C.R.E.N. Rhône-Alpes, pour son accueil très sympathique ainsi que pour l'aide efficace et l'excellente coordination qu'elle a apportées lors de la réalisation de ce travail.

Le présent rapport exposera les résultats de cette étude en deux temps : une première phase prendra en compte la globalité des trois zones de gestion définies dans la cladiaie du site, pour analyser l'ensemble du peuplement recensé et le situer dans un contexte biogéographique, écologique et patrimonial. Une seconde phase s'attachera à examiner les peuplements d'araignées de ces différentes zones, pour en dégager les affinités écologiques, la structuration de l'écocomplexe qu'elles constituent et interpréter les différences en fonction de la gestion mise en place. Nous terminerons par une synthèse qui permettra de situer la cladiaie des lacs de Conzieu en termes de valeur patrimoniale, de fonctionnement et de bioindication et de proposer des préconisations de gestion.

Le site d'étude

La tourbière des lacs de Conzieu se situe au sud-est du département de l’Ain, sur la commune de Conzieu. Elle se trouve dans le Bugey méridional, massif calcaire qui forme le prolongement sud du Jura. Le climat régional est de type continental. Située à 363 mètres d’altitude, la tourbière occupe une surface d’environ 16 hectares. Elle appartient entièrement à des propriétaires privés et elle est gérée par le Conservatoire Rhône-Alpes des Espaces Naturels.

Les lacs de Conzieu, qui sont au nombre de trois, occupent plus du tiers de la superficie de la tourbière. Ils sont les vestiges d’un ancien lac un peu plus étendu que l'ensemble des lacs actuels et sont alimentés par les précipitations directes, les eaux de ruissellement et par des sources. Ils ont pris place dans une dépression glaciaire creusée dans le socle calcaire. Une couche d'argile basale en assure l'imperméabilisation. Par dessus, s'est créée une couche de tourbe noire avec des intercalations de craie lacustre. La tourbe atteint au maximum une épaisseur de 2 mètres.

Le climat est de type continental. La pluviosité, assez forte, est de l'ordre de 1200 mm d'eau par an. Les précipitations ont un maximun en fin d'automne et hiver et un pic secondaire en fin de printemps.

La végétation qui entoure les lacs est particulièrement homogène. Il s’agit d’une végétation de tourbière alcaline dominée par de la cladiaie à Cladium mariscus. Des milieux différents, mais de faible superficie, sont également présents aux extrémités nord et sud de la tourbière, tels que des roselières à phragmite, une cariçaie à Carex elata, un bas marais à choin et des prairies à molinie. La bordure externe de la tourbière est colonisée par des bois marécageux d’Aulnes et de Saules qui forment une bande très étroite autour de celle-ci.

Les lacs de Conzieu sont cités dans plusieurs inventaires concernant les milieux naturels. Ils sont inventoriés parmi les ZNIEFF (N°01190010 «Lacs de Conzieu ») et font également partie des zones humides remarquables du SDAGE (Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux). On trouvera une description plus détaillée du site dans le Plan de gestion 2004-2008 (CREN Rhône- Alpes, 2004).

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Protocole d'étude Les milieux étudiés

La cladiaie à Cladium mariscus occupe plus du tiers de la surface du site des lacs de Conzieu, soit environ 6 hectares. Il s’agit du milieu tourbeux le mieux représenté du site. Le marisque forme cependant des colonies très denses parmi lesquelles peu d’autres plantes subsistent. Un entretien de la végétation sur certaines parcelles a été décidé afin de permettre l’installation d’autres espèces et ainsi d'augmenter l’intérêt botanique de ce milieu. La cladiaie était dense, uniformément sur toutes ces parcelles. Elle y est entretenue depuis 2004. Elle a été débroussaillée en premier et elle est, depuis lors, gérée par fauchage. Le fauchage est effectué au mois de septembre, période où le sol est le plus sec, avant les pluies d'automne.

Trois parcelles homogènes de cladiaie ont été étudiées. Elles se distinguent par leur mode de gestion :

La parcelle C1 se situe entre le lac septentrional et le lac médian. Elle est assez large. Elle est coupée tous les deux ans depuis 2004, année où a eu lieu le débroussaillage initial. En 2006 il y a eu une fauche avec exportation de la coupe puis en 2008 un broyage sans exportation. Cette zone possède en 2009 une végétation très peu diversifiée. La couverture des pieds de Cladium était faible au printemps, les tiges ne dépassant pas 20 à 30 cm. La quantité de sol nu, tourbeux couvert de broyat, était grande. Puis, avec la pousse du cladium, sa dominance a augmenté, entraînant une couverture du sol plus importante en été. Cette zone est très humide et subit des inondations printanières.

La parcelle C2 se situe à l'est, le long du lac médian. Il s’agit d’une bande longue et étroite de cladiaie, enserrée entre la berge du lac, frangée de roseaux, et la lisière du bois de saules et d'aulnes. Elle est broyée sans exportation tous les ans, depuis le débroussaillage de 2005 et la première fauche avec exportation de la coupe en 2006. Elle possède, en 2009, une végétation plus diversifiée avec notamment la présence de fougères des marais et de phragmites, pénétrant depuis les bordures. Au printemps, la couverture de végétation est donc plus notable qu'en C1. Le sol nu tourbeux, assez étendu, est aussi couvert de broyat. Comme pour la zone C1, la densité de la végétation a fortement augmenté entre le début du printemps et l’été. C’est également la zone la moins humide des trois et la plus proche des boisements.

La parcelle C3, située entre le lac médian et le lac méridional, n’est pas coupée. Elle reste intacte et se caractérise par la présence d’une cladiaie ancienne très dense où, pratiquement, seul le cladium est présent. La végétation offre la structure très particulière de ce biotope, avec ses inflorescences et ses hautes feuilles coupantes élevées, sa "mini-canopée" de feuilles sèches des années passées (à 50 cm de hauteur) et, en dessous, le sous-étage perpétuellement sombre et frais dominant une épaisse couche de litière qui couvre le sol où l'eau très froide affleure constamment.

Nous nous souviendrons que c'est l'aspect du biotope au printemps, période de plus grande activité pour la majorité des araignées, qui est primordial pour leurs exigences écologiques.

Les pages 4, 5 et 6 montrent divers aspects de ces parcelles, au printemps et en été.

3 Araignées de la cladiaie des Lacs de Conzieu (01)

Cladiaie fauchée(C1) : au printemps

Cladiaie fauchée (C1) : en été

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Cladiaie fauchée (C2) : au printemps

Cladiaie fauchée (C2) : en été

Piège Barber (C2)

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Cladiaie intacte (C3) : au printemps

Cladiaie intacte (C3) : en été

Piège Barber (C3)

6 Araignées de la cladiaie des Lacs de Conzieu (01)

Matériel, méthodes et déroulement

Le présent travail doit répondre à deux attentes distinctes : assurer une connaissance des espèces d'araignées vivant sur le site et permettre une analyse comparative des peuplements des différentes parcelles pour en tirer des conclusions en termes de valeur écologique, de fonctionnement et de bioindication. Les araignées ont donc été récoltées à l’aide de deux méthodes d’échantillonnage complémentaires : le piège enterré de type Barber et le filet fauchoir.

Pour ce groupe animal, les espèces les plus typiques des tourbières appartiennent essentiellement à la faune vivant au sol ou dans la strate la plus basse de la végétation (en relation directe avec les spécificités microclimatiques, hydrologiques et structurelles de surface). Les espèces vivant sur les hautes herbes ou sur les buissons et arbustes ont, pour la plupart, des exigences écologiques beaucoup moins strictes.

Aussi, le piège Barber a-t-il constitué la principale méthode de prélèvement des araignées pour cette étude. Il s’agit d’un piège d’interception efficace pour étudier les peuplements d’araignées épigés et supra-épigés Ce mode de capture permet, d'une part, d'obtenir un grand nombre d'individus pour un temps d'intervention raisonnable grâce à une durée de capture effective très longue (les pièges fonctionnent en continu entre deux relevés) et, d'autre part, de fournir des résultats quantitatifs en "densité/activité" qui autorisent la comparaison des différentes stations étudiées.

Dans chacune des trois parcelles de Cladiaie nous avons installé un groupe de cinq pièges enterrés disposés en ligne et espacés de cinq mètres les uns des autres (voir localisation tableau 1 et figure 1). Les pièges sont des pots cylindro-coniques de 10 cm de diamètre sur 10 cm de hauteur, enterrés dans le sol de façon à ce que leur bord supérieur affleure la surface du sol et maintenus au sol avec des piques. Les pièges comprennent en fait deux pots emboités l’un dans l’autre pour faciliter leur relevé. Ils sont remplis au tiers d’un liquide conservateur, mélange d’eau et de propylène glycol à 10%, additionné de quelques gouttes de détergent. Chaque piège est recouvert d’un toit en plastique pour le protéger des intempéries, du soleil et des débris végétaux. Chaque semaine, le contenu de tous les pièges, filtré, est transféré dans de l’alcool à 70°.

Le piégeage s'est effectué durant presque toute la partie de l'année où le terrain est praticable (pas inondé) et où les araignées sont principalement actives et adultes (en effet, la plupart des individus immatures sont indéterminables au niveau spécifique) soit de mai à fin septembre. Toutefois, la période de fin juillet à fin août présente souvent un "creux" dans les captures d'adultes au sol et pas d'apparitions d'espèces supplémentaires. Les pièges n'ont pas fonctionné durant cette période, ce qui a permis d'alléger un peu la charge de travail de terrain. Remarquons, enfin, qu'un petit nombre d'espèces, adultes en fin d'automne ou en hiver, ne nous seront ainsi pas accessibles avec ce protocole.

Les pièges ont été mis en place le 4 mai 2009 et ont été relevés une fois par semaine du 12 mai au 28 juillet puis, après une mise en veille, ils ont été réinstallés le 2 septembre puis relevés du 8 septembre au 23 septembre 2009, ce qui constitue une durée totale de 15 semaines de piégeage.

L’échantillonnage par pièges a été complété par cinq séances de captures au filet fauchoir pour inventorier les espèces des strates supérieures de la végétation. Ces journées de captures actives ont été réparties sur l'année de façon à prendre en compte les espèces printanières, estivales et du début d'automne. Deux séances ont été effectuées au printemps (19 mai et 9 juin), une en été (21 juillet) et deux en automne (8 septembre et 23 septembre).

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Chaque séance comportait un fauchage standardisé avec un nombre de coups de filet fixé, effectué sur des lignes droites de longueur constante. Ces prospections ont été faites à proximité des stations de piégeage, tout ceci pour permettre des comparaisons (au moins en termes de présence d'espèces) entre les habitats.

Localisation des stations de piégeage :

Station Milieu Orientation Piège initial Piège final ligne C1 Cladiaie fauchée Sud  Nord N 45° 42,836' N 45° 42,841' tous les deux ans E 05° 36,540' E 05° 36,525' C2 Cladiaie fauchée Sud  Nord N 45° 42,722' N 45° 42,734' tous les ans E 05° 36,677' E 05° 36,673' C3 Cladiaie dense Est  Ouest N 45° 42,646' N 45° 42,648' intacte E 05° 36,658' E 05° 36,642'

Tableau 1 : Localisation des lignes de pièges de chaque station. Les coordonnées sont en projection UTM, système WGS84.

Dans la suite du rapport, les parcelles seront souvent désignées par le code définissant leur station.

La page suivante montre la position des parcelles et des lignes de pièges enterrés sur une photo aérienne du site prise au tout début des opérations de gestion (parcelle C1 seule fauchée).

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C1

C2

C3

Figure 1 : Localisation des lignes de pièges des trois stations d'échantillonnage (Photo IGN).

9 HR

HM

BM

JC

Araignées de la cladiaie des Lacs de Conzieu (01)

Déterminations et nomenclature Les individus récoltés sont déterminés, un à un, à la loupe binoculaire (grossissement x7 à x45), observés et conservés dans l'alcool à 70°.

Comme il est d'usage actuellement en aranéologie française, les déterminations s'appuient sur une large bibliographie qui, outre quelques ouvrages de base (SIMON, 1914-1937 ; ROBERTS, 1999) et quelques sites Internet (Spinnen mitteleuropas étant le principal), englobe une multitude d'articles et tirés-à-part apportant des compléments sur tel genre ou telle espèce. Des vérifications sur types au muséum d'histoire naturelle de Paris ont également été nécessaires.

Il est bon de rappeler que, sur les quelques 1600 araignées de la faune française, seule une faible minorité peut être déterminée au niveau de l'espèce sur des individus immatures. Pour les autres, il est souvent possible d'indiquer le genre avec certitude, et parfois de suspecter l'espèce, mais sans certitude. C'est pourquoi les espèces uniquement capturées au stade immature seront souvent citées comme "espèces imprécises" dans la suite de ce travail. C'est aussi pourquoi les effectifs d'adultes seront pris en compte séparément des effectifs totaux.

La nomenclature utilisée pour désigner les espèces se référera essentiellement à la liste mondiale du site Internet The world spider catalog (PLATNICK, version 2009) et à CANARD (2005).

Résultats et analyse

Analyse globale du site

Etude des effectifs obtenus

Effectifs obtenus par piégeage Les 15 pièges enterrés ont permis de capturer 4503 araignées dont 3010 adultes et 1493 immatures sur la période de piégeage.

En regardant les captures au niveau des cinq pièges pour chaque station (figure 2 et tableau 2) nous observons des résultats homogènes pour la station C3, qui du fait de la forte densité du Cladium est une zone également très homogène en termes de végétation. A l’inverse, les stations C1 et C2 présentent une hétérogénéité des effectifs entre leurs cinq pièges qui est statistiquement significative (test de χ²). Ces différences peuvent s’expliquer par le fait que le milieu y est moins homogène à faible échelle spatiale, la végétation étant plus clairsemée et disposée irrégulièrement et le sol présentant des variations d'humidité (mini-dépressions) et des accumulations de résidus de broyage. Tout ceci influence le déplacement des araignées qui peuvent avoir des chemins préférentiels de passage.

Pour 15 semaines de piégeage Barber réparties sur la "belle saison" et 15 pièges en tout, cela donne un ratio de capture de 20,01 individus par piège et par semaine. Cette valeur est élevée et montre un peuplement aranéologique abondant sur le site, tout en validant l'efficacité de l'échantillonnage. A titre de comparaison, une étude faite en 2008 sur la tourbière du marais de Lavours dans la cariçaie à Carex elata, milieu bien productif, avait donné 16,17 individus par piège et par semaine, sur une période équivalente (MICHAUD, 2008).

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450

400

350

300

250

200

150

100

50

0 C1b1 C1b2 C1b3 C1b4 C1b5 C2b1 C2b2 C2b3 C2b4 C2b5 C3b1 C3b2 C3b3 C3b4 C3b5

Figure 2 : comparaison du nombre total d’individus capturés dans chaque piège enterré (b1 à b5) pour les trois stations (C1 étant représentée en vert, C2 en bleu et C3 en rouge).

Pour les pièges Barber, les résultats par piège et par station sont donc les suivants :

Pièges C1b1 C1b2 C1b3 C1b4 C1b5 C2b1 C2b2 C2b3 C2b4 C2b5 C3b1 C3b2 C3b3 C3b4 C3b5 Effectif 357 337 408 322 422 381 364 404 389 294 175 157 145 189 160 total Par C1 : 1846 C2 : 1832 C3 : 826 station

Tableau 2 : Effectifs totaux issus des pièges Barber pour chaque piège et chaque station.

effectifs des fauchages

Les cinq séances de filet fauchoir réalisées dans les trois parcelles ont récolté 109 individus dont 37 adultes et 72 immatures. La forte proportion d'immatures dans ces captures est normale. L'effectif total n'est pas très élevé. Cela s'explique par la végétation haute peu fournie au printemps dans les milieux C1 et C2 et par la difficulté à manier le filet dans la cladiaie dense C3. La répartition dans les différentes parcelles est indiquée ci-dessous :

Stations C1 C2 C3 Total Captures au 31 51 27 109 filet

Tableau 3 : Captures au filet fauchoir dans les trois parcelles (effectifs totaux).

Par ailleurs, quelques captures "hors protocole" ont été faites lors de la pose initiale des pièges. On y a retenu 11 adultes mais elles n'ont pas fourni d'espèces différentes de celles de l'échantillonnage principal. Ces effectifs n'ont pas été pris en compte dans l'analyse.

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Présence des familles et des espèces

Richesse du site et liste des espèces Un total de 99 espèces a été inventorié sur l’ensemble des cladiaies, dont 3 de détermination imprécise car capturées uniquement sous forme immature (Larinioides cornutus?, Philodromus sp, Theridiidae sp) et une qui n’a pas encore été identifiée (que l’on a nommée Linyphiidae sp1).

Les pièges Barber ont permis de recenser 88 espèces dont deux au stade immature. Les prélèvements au filet fauchoir ont capturés 25 espèces mais dont seulement 13 étaient à l’état adulte. 11 espèces ont été trouvées uniquement par fauchage et 74 exclusivement dans les pièges enterrés (voir tableau 4)

Ce total de 99 espèces pour un unique habitat (bien que sous trois faciès distincts) est le signe d'une forte richesse du peuplement aranéologique de la cladiaie de Conzieu. C'est à rapprocher des données sur la cladiaie dense du marais de Lavours. Les premiers inventaires avaient trouvé également une centaine d'espèces sur ce site, mais pour la cladiaie intacte seulement (VILLEPOUX, 1993).

Protocole 2009 (trois parcelles) : 99

Au filet fauchoir : 25 Uniquement par pièges : Par pièges Par fauchoir et seul : 74 fauchoir : 11 14 Par pièges au total : 88

Tableau 4 : Nombre d'espèces d'araignées obtenues en 2009 dans les cladiaies de Conzieu par les différents échantillonnages

Ces nombres montrent bien l'existence d'un peuplement épigé très riche d'une part et d'un peuplement des strates moyennes et hautes de la végétation beaucoup plus limité d'autre part. Ce dernier point est à mettre en relation avec la relative médiocrité de ces strates du fait du broyage dans les parcelles C1 et C2 (comme nous l'avons déjà vu pour les abondances). Par contre, le peuplement des strates supérieures de la cladiaie dense est certainement sous-évalué du fait de l'utilisation du filet fauchoir. Une investigation par pièges aériens serait plus efficace pour ce faciès.

La liste complète des captures et des espèces d'araignées des cladiaies est donnée ci-dessous.

Barber Fauchoir Espèces Adultes Juvéniles Adultes Juvéniles Total Agelenidae Agelena labyrinthica (Clerck, 1757) 3 3 Histopona torpida (C. L. Koch, 1837) 3 3 Amaurobiidae Coelotes inermis (L.Koch, 1855) 5 5 Coelotes terrestris (Wider, 1834) 8 8 Anyphaenidae Anyphaena accentuata (Walckenaer, 1802) 1 1 2 12 Araignées de la cladiaie des Lacs de Conzieu (01)

Araneidae Araneidae sp 6 10 16 Argiope bruennichi (Scopoli, 1772) 1 2 3 Hypsosinga heri (Hahn, 1831) 1 11 4 16 Hypsosinga sp 3 3 Larinioides cornutus ?(Clerck, 1758) 1 1 Clubionidae Clubionidae sp 2 1 3 Clubiona sp 1 1 2 Clubiona juvenis Simon, 1878 2 2 Clubiona subtilis L. Koch, 1867 2 2 Corinnidae Phrurolithus festivus (C.L.Koch, 1835) 2 2 Cybaeidae Cybaeus raymondi (Simon, 1916) 1 1 Gnaphosidae Gnaphosidae sp 1 1 Callilepis nocturna (Linnaeus, 1758) 1 1 Drassodes cupreus (Blackwall, 1834) 2 2 Drassodes lapidosus (Walckenaer, 1802) 1 1 Micaria pulicaria (Sundevall, 1831) 3 3 Micaria pulicaria ? 15 15 Zelotes apricorum (L.Koch, 1876) 5 5 Zelotes erebeus (Thorell, 1871) 1 1 Zelotes latreillei Simon, 1878 51 51 Zelotes lutetianus L.Koch, 1866 113 113 Zelotes pedestris (C.L.Koch, 1837) 7 7 Zelotes praeficus (L.Koch, 1861) 3 3 Zelotes pusillus C.L.Koch, 1833 1 1 Zelotes villicus (Thorell, 1875) 6 6 Zelotes sp 31 31 Hahniidae Hahniidae sp 10 10 Antistea elegans (Blackwall, 1841) 44 44 Liocranidae Agroeca striata (Kulczynski , 1882) 23 23 Linyphiidae Linyphiidae sp 18 12 29 Araeoncus humilis (Blackwall, 1841) 12 12 Bathyphantes gracilis (Blackwall, 1841) 9 9 Ceratinella brevis (Wider, 1834) 10 10 Diplocephalus picinus (Blackwall, 1841) 1 1 Entelecara omissa O. P. -Cambridge, 1902 62 62 Eperigone trilobata (Emerton, 1882) 45 3 48 Erigone atra Blackwall, 1833 6 3 9 Erigone dentipalpis (Wider, 1834) 42 42 Gnathonarium dentatum (Wider, 1834) 195 195 Gongylidiellum murcidum Simon, 1884 9 1 10 Lepthyphantes tenuis (Blackwall, 1852) 2 2 Linyphiidae sp1 5 5 Maso gallicus Simon, 1884 12 12 Meioneta beata (O.P.-Cambridge, 1906) 3 3 Meioneta mollis (O.P.-Cambridge, 1871) 17 1 18 Meioneta rurestris (C.L. Koch, 1836) 6 1 7 Microlinyphia pusilla Sundevall, 1830 1 2 3 13 Araignées de la cladiaie des Lacs de Conzieu (01)

Neriene clathrata (Sundevall, 1830) 1 1 Neriene radiata (Walckenaer, 1842) 1 1 Oedothorax apicatus (Blackwall, 1850) 4 4 Oedothorax retusus (Westring, 1851) 3 3 Pelecopsis parallela (Wider, 1834) 1 1 Pocadicnemis juncea Locket & Millidge, 1953 1 1 Porrhomma pygmaeum (Blackwall, 1834) 2 2 Silometopus elegans (O.P.-Cambridge, 1872) 107 107 Walckenaeria alticeps (Denis, 1952) 3 3 Walckenaeria vigilax (Blackwall, 1853) 2 2 Lycosidae Lycosidae sp 1 1 Arctosa leopardus (Sundevall, 1832) 334 164 498 Aulonia albimana (Walckenaer, 1825) 3 3 Hygrolycosa rubrofasciata (Ohlert, 1865) 39 47 86 Pardosa agrestis (Westring, 1861) 6 6 Pardosa paludicola (Clerck, 1757) 32 32 Pardosa prativaga (L. Koch, 1870) 486 2 488 Pardosa proxima (C.L.Koch, 1847) 98 2 100 Pardosa pullata (Clerck, 1757) 6 6 Pardosa saltans Töpfer-Hofmann, 2000 37 37 Pardosa vittata (Keyserling, 1863) 36 36 Pardosa sp 1017 1 1018 Pirata hygrophilus Thorell, 1872 45 45 Pirata latitans (Blackwall, 1841) 27 27 Pirata piscatorius (Clerck, 1757) 37 37 Pirata tenuitarsis Simon, 1876 172 172 Pirata sp 64 64 Trebacosa brunhesi Villepoux, 2007 268 3 271 Trochosa ruricola (Degeer, 1778) 4 4 Trochosa spinipalpis (O.P.-Cambridge, 1895) 31 31 Trochosa terricola (Thorell, 1856) 14 14 Trochosa sp 29 29 Xerolycosa nemoralis (Westring, 1861) 2 2 Nesticidae Nesticus cellulanus (Clerck, 1757) 1 1 Philodromidae Philodromus sp 2 2 Thanatus striatus C.L. Koch, 1884 7 7 Thanatus sp 16 2 18 Pisauridae Dolomedes fimbriatus (Clerck, 1757) 37 2 39 Dolomedes plantarius (Clerck, 1757) 1 1 Dolomedes sp 1 2 3 Salticidae Salticidae sp 1 1 Bianor aurocinctus (Ohlert, 1865) 1 1 Euophrys aequipes (O.P.-Cambridge, 1871) 1 1 Evarcha arcuata (Clerck, 1757) 2 2 Evarcha arcuata ? 2 2 Heliophanus auratus C.L. Koch, 1835 1 1 Heliophanus flavipes Hahn, 1832 1 1 Heliophanus sp 4 4 Marpissa canestrinii Ninni, 1868 1 5 6

14 Araignées de la cladiaie des Lacs de Conzieu (01)

Marpissa canestrinii ? 10 10 Myrmarachne formicaria (Degeer, 1778) 5 1 6 Neon valentulus Falconer, 1912 8 8 Neon valentulus ? 5 2 7 Sitticus caricis (Westring, 1861) 11 11 Sitticus caricis ? 7 7 Tetragnathidae Pachygnatha degeeri Sundevall, 1830 17 17 Pachygnatha degeeri ? 4 4 Tetragnatha extensa (Linnaeus, 1758) 2 2 Tetragnatha montana Simon, 1874 1 1 Tetragnatha sp 3 3 Theridiidae Theridiidae sp 1 1 Robertus neglectus (O.P.-Cambridge, 1871) 1 1 Thomisidae Heriaeus hirtus (Latreille 1819) 1 1 Misumenops tricuspidatus (Fabricius 1775) 2 2 Ozyptila simplex (O.P.-Cambridge, 1862) 360 1 361 Ozyptila simplex ? 33 33 Xysticus cristatus Clerck, 1757 5 5 Xysticus kochi Thorell, 1872 19 19 Xysticus lineatus (Westring 1851) 2 2 Xysticus ulmi Hahn, 1831 1 1 Xysticus sp 1 1 2 Zoridae Zora spinimana (Sundevall, 1833) 16 16 Zora spinimana ? 2 2

Tableau 5 : Liste des espèces d'araignées trouvées en 2009 dans la cladiaie des lacs de Conzieu. Les nombres d'individus sont indiqués par mode de capture. [en marron clair les araignées trouvées immatures et qui correspondent certainement à des espèces déjà représentées par des adultes].

Représentation des familles Pièges enterrés

Les araignées capturées par piégeage au sol appartiennent à 20 familles (tableau 6).

Familles Espèces Total adultes Total individus Lycosidae 19 1677 3005 Linyphiidae 24 548 569 Thomisidae 5 387 422 Gnaphosidae 12 194 241 Hahniidae 1 44 54 Salticidae 8 30 46 Pisauridae 2 38 41 Liocranidae 1 23 23 Philodomidae 1 7 23 Tetragnathidae 1 17 21 Zoridae 1 16 18 Amaurobiidae 2 13 13 Araneidae 2 1 8 Clubionidae 2 4 7

15 Araignées de la cladiaie des Lacs de Conzieu (01)

Agelenidae 2 6 6 Corinnidae 1 2 2 Cybaeidae 1 1 1 Nesticidae 1 1 1 Theridiidae 1 1 1 Anyphaenidae 1 0 1

Tableau 6: Nombre d'adultes, nombre d'individus et nombre d'espèces d'araignées par famille, obtenus par piégeage au sol.

Le nombre d'espèces est très différent selon les familles, ce qui traduit en partie la composition de la faune française mais qui, de plus, témoigne des spécificités du site. Le nombre d’espèces est le plus important pour les familles des Linyphiidae et des Lycosidae, qui totalisent presque la moitié des espèces, ce qui est habituel en milieu humide ouvert (figure 3). On observe également un nombre d’espèce de Gnaphosidae élevé, suivi par les Salticidae et les Thomisidae. Les autres familles ne sont représentées que par une ou deux espèces. La richesse des Gnaphosidés est un effet de la forte proportion de sol nu, principalement dans les stations C1 et C2.

Nombre d'espèces dans les pièges enterrés Linyphiidae Lycosidae Gnaphosidae 1% 1% 1% Salticidae 1% Thomisidae 2% 27% Pisauridae 2% Amaurobiidae 2% Araneidae 2% Clubionidae 2% Agelenidae 6% Hahniidae Liocranidae Philodomidae 9% Tetragnathidae Zoridae 22% Corinnidae Cybaeidae 14% Nesticidae Theridiidae Anyphaenidae

Figure 3 : Proportion du nombre d’espèces d’araignées dans chaque famille, pour les captures par pièges enterrés.

Si nous regardons maintenant l'importance des familles selon le nombre d'individus capturés, nous pourrons nous rendre compte de leur rôle fonctionnel dans l'écosystème et de leur poids dans les réseaux trophiques de ces habitats humides. La figure 4 montre l'abondance relative de chaque famille, en nombre total d’individus. On observe une particulièrement forte dominance des Lycosidae, qui avec 3005 individus capturés, représentent 67% des individus des pièges. Les familles les plus représentées en termes d’individus sont ensuite les Linyphiidae, les Thomisidae et les Gnaphosidae. C'est, là encore, une distribution habituelle en milieu humide non forestier. Cependant, l'abondance des Linyphiidés est souvent moins faible par rapport aux Lycosidés. Cette dernière famille regroupant des araignées de taille moyenne à grosse (au contraire des Linyphiidés qui, elles, sont petites), elle domine donc très largement la biomasse des arachnides épigés. Une prépondérance aussi nette des Lycosidés

16 Araignées de la cladiaie des Lacs de Conzieu (01) n'est pas commune et cela correspond à la conjonction de la récente ouverture de deux des milieux et de la forte proportion de sol nu ainsi créée.

Nombre d'espèces dans les pièges enterrés Lycosidae Linyphiidae Thomisidae 1% 1% 1% Gnaphosidae 5% Hahniidae Salticidae 9% Pisauridae Liocranidae Philodomidae Tetragnathidae Zoridae 13% Amaurobiidae Araneidae Clubionidae 67% Agelenidae Corinnidae Cybaeidae Nesticidae Theridiidae Anyphaenidae

Figure 4 : Abondance des individus pour chaque famille d’araignées, pour les captures par pièges enterrés.

Captures au filet fauchoir

Avec les données des captures au filet fauchoir, qui concernent essentiellement le peuplement des strates moyennes et hautes de la végétation, nous obtenons 11 familles, soit presque deux fois moins que dans les pièges (tableau 7).

Famille Espèces Total adultes Total individus Linyphiidae 8 20 34 Araneidae 2 12 31 Salticidae 3 1 22 Tetragnathidae 2 3 6 Thomisidae 3 1 4 Philodomidae 2 0 4 Lycosidae 1 0 2 Clubionidae 1 0 2 Pisauridae 1 0 2 Theridiidae 1 0 1 Anyphaenidae 1 0 1

Tableau 7 Nombre d'adultes, nombre d'individus et nombre d'espèces d'araignées par famille, obtenus par captures au filet fauchoir.

Nous n’observons pas d'apparition de nouvelles familles par rapport aux pièges mais la répartition des familles obtenues est différente.

17 Araignées de la cladiaie des Lacs de Conzieu (01)

Seule la famille des Linyphiidae est assez bien présente, avec 8 espèces. Les autres familles recensées comportent un faible nombre d’espèces. On note cependant la présence de certaines espèces différentes de celles capturées dans les pièges, notamment pour les Tetragnathidae, ce qui est normal.

Nombre d'espèces dans les captures au filet fauchoir

4% 4% 4% Linyphiidae 4% Thomisidae 32% Salticidae 4% Araneidae Tetragnathidae 8% Philodomidae Lycosidae Pisauridae

8% Clubionidae Theridiidae Anyphaenidae 12% 8%

12%

Figure 5 : Proportion du nombre d’espèces d’araignées dans chaque famille, pour les captures au filet fauchoir.

Nous devons noter la faible richesse de la famille des Araneidae, à toiles géométriques, et celle des Clubionidae, qui font leur retraite dans une feuille repliée, ainsi que des Theridiidae, à toile en réseau (figure 5, ci-dessus). C'est, à l'évidence, un effet de la médiocre densité printanière de la végétation haute des parcelles C1 et C2 et surtout de sa non-pérénité d'une année sur l'autre.

Concernant la répartition des effectifs par familles (figure 6, ci-dessous) nous observons une majorité d’individus appartenant à des familles spécialisées dans les toiles géométriques ou en nappe (Araneidae, Tetragnathidae, Linyphiidae). Les Salticidae sont également bien présentes mais principalement au stade immature. Les Tetragnathidae devraient être plus abondantes (influence, là encore, de la végétation des parcelles C1 et C2).

18 Araignées de la cladiaie des Lacs de Conzieu (01)

Nombre d'individus dans les captures au filet fauchoir

2% 2% 2% 4% Linyphiidae 4% Araneidae 30% Salticidae 6% Tetragnathidae Thomisidae Philodomidae Lycosidae Clubionidae 20% Pisauridae Theridiidae Anyphaenidae

28%

Figure 6 : Abondance des individus pour chaque famille d’araignées, pour les captures au filet fauchoir.

Analyse des espèces

Spécificité des espèces

La faune d'une zone humide est constituée d'espèces plus ou moins caractéristiques des différents habitats présents. On peut alors distinguer chez ces espèces plusieurs catégories en fonction de leurs exigences écologiques, de leur spécificité mais aussi de la fréquence de leur appartenance aux milieux concernés. C'est dans une large mesure lié à l'hygrophilie de ces espèces, mais aussi à leur psychrophilie et à d'autres aspects environnementaux. Le comportement des espèces vis à vis des milieux boisés et des biotopes à faible luminosité est un trait du peuplement également intéressant à étudier à Conzieu, du fait de la proximité des saulaies- aulnaies et du sous-étage assombri de la cladiaie dense.

Une telle classification n'est strictement valable que pour la zone biogéographique étudiée. Elle n'est pas totalement rigoureuse car nous avons une connaissance encore imparfaite des amplitudes écologiques de certaines espèces et car nous manquons de travaux de synthèse dans ce domaine. Elle s'appuie sur les données des principaux ouvrages de détermination (SIMON, 1914-1937, ROBERTS, 1999, JONES, 1990), sur la synthèse de HÄNGGI & al. (1995), sur celle de LE PERU (2007), sur de multiples travaux ponctuels concernant des genres particuliers et sur nos nombreuses observations personnelles.

Dans le cas d'une tourbière alcaline de plaine, nous pouvons distinguer : - Des espèces typiques des marais et tourbières alcalines (statut 4). - Des espèces préférentes des marais et tourbières alcalines (statut 3). - Des espèces compagnes fréquemment présentes en marais et tourbières alcalines (statut 2). - Des espèces ubiquistes tolérant les zones humides (statut 1). - Des espèces préférant les milieux non-humides (ou de statut indéterminé) (statut 0).

19 Araignées de la cladiaie des Lacs de Conzieu (01)

Les araignées préférant les zones boisées sont, en fait, de deux sortes : Les unes recherchent l'ombre qu'elles procurent (ce sont des sciaphiles vraies) et d'autres tolèrent l'ombrage mais recherchent essentiellement des supports végétaux particuliers (ce sont des forestières plus que des sciaphiles). Certaines espèces sciaphiles peuvent trouver un environnement favorable hors des bois, dans les habitats à la végétation herbacée haute et dense qui offre, au niveau du sol, l'ombre satisfaisante. Pour Conzieu, nous adopterons la classification suivante, en distinguant : - Des espèces nettement forestières (statut 2). - Des espèces tolérantes forestières ou sciaphiles (statut 1). - Des espèces photophiles (statut 0).

Enfin, il nous a paru important de comparer le peuplement des parcelles de cladiaies de Conzieu à celui des cladiaies denses du marais de Lavours. Nous avons ainsi classé les espèces d'araignées de Conzieu selon leur présence à Lavours et leur affinité avec les cladiaies sur ce site (données de Lavours à partir des inventaires de 1988 et 1990), ce qui permet de définir : - Des espèces qui, à Lavours, sont quasi-exclusives de la cladiaie (statut ccc). - Des espèces qui, à Lavours, sont très présentes en cladiaie (statut cc). - Des espèces qui, à Lavours, sont présentes en cladiaie (statut c). - Des espèces qui sont présentes à Lavours mais pas en cladiaie (statut *). - Des espèces qui n'ont pas été observées à Lavours (statut 0).

Le tableau 8 concerne les captures d'adultes des espèces obtenues par piégeages (pour des raisons d'homogénéité de l'analyse). Il y est indiqué le statut des espèces selon nos trois classifications.

Espèces C1 C2 C3 Total H F Lavours Pirata latitans 17 8 2 27 4 0 ccc Trebacosa brunhesi 14 7 247 268 4 0 ccc Zelotes latreillei 24 20 7 51 4 0 ccc Aulonia albimana 1 2 0 3 2 0 ccc Antistea elegans 17 1 26 44 4 0 cc Arctosa leopardus 186 148 0 334 4 0 cc Clubiona subtilis 2 0 0 2 4 0 cc Dolomedes fimbriatus 22 10 5 37 4 0 cc Hygrolycosa rubrofasciata 2 0 37 39 4 1 cc Marpissa canestrinii 1 0 0 1 4 0 cc Oxyptila simplex 100 255 5 360 4 0 cc Silometopus elegans 21 85 1 107 4 0 cc Trochosa spinipalpis 7 20 4 31 4 1 cc Agroeca striata 2 20 1 23 3 1 cc Evarcha arcuata 0 0 2 2 3 0 cc Myrmarachne formicaria 0 5 0 5 3 0 cc Pardosa pullata 3 3 0 6 3 0 cc Sitticus caricis 9 0 2 11 3 0 cc Zelotes lutetianus 76 25 12 113 3 0 cc Zora spinimana 0 3 13 16 3 0 cc Xysticus lineatus 2 0 0 2 1 0 cc Gnathonarium dentatum 151 44 0 195 4 0 c Hypsosinga heri 1 0 0 1 4 0 c Pirata hygrophilus 11 21 13 45 4 2 c Pirata tenuitarsis 144 5 23 172 4 0 c

20 Araignées de la cladiaie des Lacs de Conzieu (01)

Gongylidiellum murcidum 2 5 2 9 3 0 c Neon valentulus 2 0 6 8 3 0 c Pardosa prativaga 279 171 36 486 3 0 c Pardosa vittata 31 5 0 36 3 0 c Thanatus striatus 5 2 0 7 3 0 c Walckenaeria vigilax 2 0 0 2 3 0 c Ceratinella brevis 1 9 0 10 2 0 c Drassodes cupreus 0 0 2 2 2 0 c Micaria pulicaria 0 3 0 3 2 0 c Pardosa paludicola 7 18 7 32 2 0 c Phrurolithus festivus 2 0 0 2 2 0 c Pocadicnemis juncea 1 0 0 1 2 0 c Porrhomma pygmaeum 1 1 0 2 2 0 c Xysticus ulmi 0 1 0 1 2 0 c Araeoncus humilis 11 1 0 12 1 0 c Bathyphantes gracilis 8 1 0 9 1 0 c Erigone atra 6 0 0 6 1 0 c Erigone dentipalpis 22 20 0 42 1 0 c Lepthyphantes tenuis 0 1 1 2 1 0 c Meioneta mollis 11 6 0 17 1 0 c Meioneta rurestris 5 1 0 6 1 0 c Oedothorax apicatus 1 2 1 4 1 0 c Trochosa ruricola 2 2 0 4 1 0 c Xysticus cristatus 1 4 0 5 1 1 c Zelotes pusillus 0 1 0 1 1 0 c Walckenaeria alticeps 0 3 0 3 0 2 c Dolomedes plantarius 1 0 0 1 3 0 * Entelecara omissa 2 1 59 62 3 0 * Microlinyphia pusilla 0 1 0 1 3 0 * Pirata piscatorius 31 4 2 37 3 0 * Eperigone trilobata 10 34 1 45 2 0 * Neriene clathrata 0 0 1 1 2 1 * Oedothorax retusus 1 2 0 3 2 0 * Pardosa proxima 55 43 0 98 2 0 * Xysticus kochi 11 8 0 19 2 0 * Diplocephalus picinus 0 0 1 1 1 1 * Heliophanus auratus 0 1 0 1 0 0 * Pachygnatha degeeri 0 17 0 17 0 0 * Pardosa saltans 3 34 0 37 0 2 * Linyphiidae sp1 2 2 1 5 * Clubiona juvenis 0 0 2 2 3 0 0 Agelena labyrinthica 1 2 0 3 2 0 0 Trochosa terricola 2 12 0 14 2 0 0 Coelotes inermis 0 5 0 5 1 2 0 Coelotes terrestris 5 3 0 8 1 1 0 Drassodes lapidosus 0 1 0 1 1 0 0 Histopona torpida 1 1 1 3 1 2 0 Meioneta beata 2 1 0 3 1 0 0 Nesticus cellulanus 0 0 1 1 1 1 0 Robertus neglectus 1 0 0 1 1 1 0 Zelotes erebeus 0 0 1 1 1 1 0 Bianor aurocinctus 0 1 0 1 0 0 0 Callilepis nocturna 1 0 0 1 0 1 0 Cybaeus raymondi 0 1 0 1 0 2 0 Euophrys aequipes 0 1 0 1 0 0 0 Pardosa agrestis 5 1 0 6 0 0 0 Xerolycosa nemoralis 1 1 0 2 0 0 0 Zelotes apricorum 1 2 2 5 0 0 0

21 Araignées de la cladiaie des Lacs de Conzieu (01)

Zelotes pedestris 3 3 1 7 0 0 0 Zelotes praeficus 1 2 0 3 0 0 0 Zelotes villicus 1 5 0 6 0 0 0

Tableau 8 : Répartition des adultes capturés dans les pièges et statuts écologiques des espèces (H pour l'affinité aux biotopes humides, F pour l'affinité forestière, Lavours pour les comparaisons avec ce site).

Puis, pour tenir compte des captures au filet, le tableau 9 indique les statuts des araignées non recensées par les pièges et obtenues par fauchage. Les espèces imprécises ne sont évidemment pas notées.

Espèces H F Lavours Parcelles Anyphaena accentuata 1 2 * C1 Argiope bruennichi 2 0 c C1 C2 Heliophanus flavipes 3 0 cc C1 Heriaeus hirtus 1 1 c C2 Maso gallicus 2 0 c C1 C2 C3 Misumenops tricuspidatus 2 2 * C2 Neriene radiata 1 1 0 C3 Pelecopsis parallela 2 0 0 C2 Tetragnatha extensa 3 0 * C2 Tetragnatha montana 3 1 * C2

Tableau 9 : Liste et répartition des espèces supplémentaires apportées par le fauchage et leurs statuts écologiques (H pour l'affinité aux biotopes humides, F pour l'affinité forestière, Lavours pour les comparaisons avec ce site).

Etudions en premier l'affinité de l'ensemble de ces espèces (tableaux 8 & 9) pour les habitats de marais et tourbières alcalines (classification H). La figure 7 montre les proportions des différents statuts présents.

Affinité des espèces (Hygrophilie)

15% 17%

4 (très hygrophile) 3 (hygrophile) 2 (favorable hygrophile) 25% 22% 1 (euryhygre) 0 (favorable mésophile)

21%

Figure 7 : Affinité des espèces des cladiaies de Conzieu pour les marais et tourbières alcalines (les légendes ont été simplifiées sur le graphique : voir texte)

60% des espèces rencontrées ont une affinité notable pour ces habitats spécifiques et 39% y sont très liées. Ce sont des résultats qui montrent un bon fonctionnement écologique du site et une bonne typicité. Les espèces ayant pour préférence les milieux non-hygrophiles (statut 0) ne sont que 15%, ce qui est aussi satisfaisant.

22 Araignées de la cladiaie des Lacs de Conzieu (01)

Affinité des individus (Hygrophilie)

4% 3%

8%

4 (très hygrophile) 3 (hygrophile) 2 (favorable hygrophile) 1 (euryhygre) 57% 28% 0 (favorable mésophile)

Figure 8 : Effectifs d'adultes des espèces piégées selon leur affinité pour les marais et tourbières alcalines (les légendes ont été simplifiées sur le graphique : voir texte)

Si l'on regarde les mêmes catégories pour leur effectif d'adultes (dans les pièges seulement, pour la représentativité) on constate une dominance extrêmement forte (93%) des araignées affines de ces habitats humides.

Observons maintenant la sciaphilie des espèces (classification F). La figure 9 affiche près d'un quart des espèces avec une tendance pour l'ombre ou les biotopes arborés. 8% sont même fortement liées à ce facteur écologique. Cela confirme notre hypothèse de l'influence de la proximité des zones boisées d'une part et de la pénombre dans la cladiaie dense d'autre part. L'analyse séparée des différentes parcelles (voir infra) nous permettra de préciser ces influences. Notons cependant qu'en effectifs, ces deux catégories (2 et 1) ne comptent que 7% des individus et sont donc très minoritaires dans ce milieu globalement ouvert.

23 Araignées de la cladiaie des Lacs de Conzieu (01)

Affinité des espèces (Sciaphilie)

8%

15%

préférente tolérante photophile

77%

Figure 9 : Affinité des espèces des cladiaies de Conzieu pour l'ombre et les biotopes boisés (les légendes ont été simplifiées sur le graphique : voir texte)

Il nous reste à comparer avec les répartitions relevées au marais de Lavours. La figure 10 permet de voir combien d'espèces de Conzieu sont considérées à Lavours comme quasi- exclusives de la cladiaie (ccc), très présentes en cladiaie (cc), etc. (voir supra).

Affinité des espèces pour la cladiaie de Lavours

4%

24% 19%

ccc cc c * n 19%

34%

Figure 10 : Affinité des espèces des cladiaies de Conzieu pour celle du marais de Lavours (voir légende détaillée dans le texte).

Il y a 57% des espèces de Conzieu qui sont présentes en cladiaie dense à Lavours. Il y a donc une bonne similitude de peuplement entre les deux ensembles de cladiaies. Toutefois, on constate que, pour certaines espèces, les abondances semblent nettement différentes. De même, il y a, à Lavours, des espèces bien représentées en cladiaie dense que l'on ne retrouve pas ici. Cela peut tenir au fait que la

24 Araignées de la cladiaie des Lacs de Conzieu (01) surface de cladiaie est bien plus limitée à Conzieu, restreignant ainsi la richesse de la composante la plus spécifique du peuplement (par un effet "d'insularité"). 19% des espèces des cladiaies de Conzieu ont été capturées à Lavours, mais pas en cladiaie dense, seulement dans d'autres habitats (phragmitaie, cariçaies voire aulnaie). Il est vraisemblable que ce sont des espèces préférant ces autres milieux mais qui s'installent dans la cladiaie fauchée du fait de ses caractéristiques écologiques modifiées. Enfin, un petit quart du peuplement n'avait pas été trouvé à Lavours en 1990. Il s'agit, pour la grande majorité d'espèces peu abondantes, capturées ici à peu d'exemplaires et dont l'absence est sans doute due à un effet aléatoire. Quelques espèces sont des espèces de boisements moins hygrophiles (les Coelotes par exemple) ou de biotopes herbacés plus secs (Pardosa agrestis par exemple).

Des espèces remarquables Le peuplement aranéologique inventorié dans les parcelles de cladiaie de Conzieu recèle des espèces intéressantes ou remarquables par leur rareté ou leur écologie et qui participent à la richesse patrimoniale de cette zone humide. Nous les détaillons ci-dessous.

Trebacosa brunhesi (= Trebacosa europea): Cette lycoside n'a été décrite que récemment. Sa première découverte mondiale a eu lieu au marais de Lavours. C'est une espèce très rare, actuellement connue seulement de 6 localités au Monde, dont trois en continentale en comptant Conzieu. Chez nous, c'est une espèce caractéristique des biotopes à haute végétation dense des marais et tourbières alcalines. Sa population à Conzieu est remarquablement abondante. Cela donne une forte valeur patrimoniale au site.

Antistea elegans : Cette petite araignée tisse une minuscule toile tendue sur un creux de la surface du sol humide. Elle est caractéristique des tourbières acides ou basiques. Sa répartition est septentrionale. Elle appartient à la famille des Hahniidae, caractérisée par une disposition très atypique des filières. Son abondance relativement élevée dans nos captures est un indice favorable pour la qualité de cette tourbière.

Trochosa spinipalpis : Lycoside de bonne taille et caractéristique des tourbières et bas-marais froids. Elle occupe surtout l'Europe du nord et est rare en France. Cette araignée tolère les biotopes ombragés. C'est un élément patrimonial important.

Dolomedes fimbriatus est une de nos plus grosses araignées. Cette belle espèce très hygrophile est une exclusive des tourbières acides ou alcalines. On la trouve principalement dans les biotopes froids offrant de petites places d'eau libre, même temporaires. Elle vit au sol mais ses juvéniles montent souvent sur la végétation herbacée ou même buissonnante.

Dolomedes plantarius, très proche de la précédente, est encore plus rare. De répartition plus "méridionale", elle est spécifique des marais à grands hélophytes sur eau libre permanente. Sa présence, anecdotique, dans nos captures vient de la proximité de la bordure des lacs. C'est une donnée patrimoniale forte pour le site de Conzieu.

Neon valentulus : Cette minuscule araignée sauteuse est rare en France, n'étant connue que de moins de dix localités. Elle affectionne les marais à hautes herbes et les ripisylves. Les cladiaies denses lui conviennent bien.

25 Araignées de la cladiaie des Lacs de Conzieu (01)

Sitticus caricis : C'est une autre salticide spécifique des zones humides. De répartition septentrionale, elle est assez rare en France où elle recherche les biotopes de marais à végétation herbacée bien humide.

Marpissa canestrinii a plusieurs fois changé de genre dans la nomenclature. Araignée sauteuse également, elle a, au contraire des précédentes, une distribution à tendance méridionale. Elle est assez rare et se cantonne aux biotopes à phragmites et autres hauts hélophytes de la moitié sud de la France. C'est un représentant de la fraction de la faune de la moyenne vallée du Rhône qui est "remontée" du sud par l'axe du fleuve.

Clubiona subtilis : Petite espèce du vaste genre Clubiona, elle est spécifique des marais et tourbières alcalines. On la trouve en abondance dans la cladiaie et la cariçaie mésotrophe du marais de Lavours. A Conzieu, sa très faible présence étonne. Sa congénère, Clubiona juvenis, est nettement plus rare. Elle n'est connue que d'une dizaine de sites en France et s'affirme exclusive des marais.

Agroeca striata est une liocranide peu commune des milieux humides. Sa répartition est septentrionale mais elle atteint le sud de notre pays. Elle a une préférence pour les milieux ombragés comme les ripisylves.

Oxyptila simplex, "araignée-crabe" de la famille des Thomisidés, elle vit au sol et dans la partie basse de la végétation herbacée. C'est une araignée inféodée aux habitats humides, de préférence pas trop froids. A Lavours, elle est bien présente en cladiaie dense et phragmitaie mais se trouve aussi dans les autres biotopes ouverts hygrophiles.

Hypsosinga heri : Cette petite araignée de la famille des Aranéidés n'a été que très peu récoltée à Conzieu. Elle est typique des habitats humides et on la trouve assez bien représentée en cariçaie, phragmitaie et cladiaie à Lavours. Par contre, sa congénère Hypsosinga pygmaea, uniquement en cladiaie dense à Lavours, n'a pas été trouvée ici. C'est peut-être un effet de la difficulté à exécuter le fauchage au filet dans la cladiaie dense.

Pardosa pullata préfère les habitats froids. On la rencontre préférentiellement en tourbière mais elle peut aussi fréquenter les prairies humides de montagne. En cladiaie dense, elle est souvent peu présente, évitant les biotopes trop fermés. Sa congénère, Pardosa prativaga, est au contraire extrêmement abondante à Conzieu et à Lavours où elle occupe la cladiaie mais encore plus les cariçaies.

Pardosa vittata est une autre Pardosa mais peu fréquente. Elle est rencontrée dans les milieux humides pas trop froids. On la contacte à Conzieu et à Lavours en cladiaie et cariçaie sur quelques individus tout au plus.

Pour le genre Pirata, Pirata tenuitarsis est abondante ici car c'est une araignée typique de zone humide herbacée, plutôt ouverte, avec présence marquée d'eau libre ou d'un sol très humide. Elle ne tolère pas trop le froid. A Lavours, elle habite la cladiaie dense mais préfère les cariçaies. Pirata piscatorius est une plus grosse espèce qui vit en marais et tourbières mais se rencontre moins souvent que la précédente. Elle est aussi très hygrophile, préférant encore plus les biotopes ouverts. A Lavours, on ne la capture qu'en cariçaies, pas en cladiaie dense. Enfin, Pirata latitans est, quant à elle, caractéristique des biotopes humides à végétation herbacée dense, en marais et tourbières. Elle domine à Lavours en cladiaie dense, aux côtés de Trebacosa brunhesi.

Arctosa leopardus : Egalement bien caractéristique des marais et tourbières alcalines, c'est un élément très abondant de la faune épigée de Conzieu. Cette lycoside accompagne souvent P.latitans dans les

26 Araignées de la cladiaie des Lacs de Conzieu (01)

habitats à grands hélophytes mais tolère moins bien le froid. Elle apprécie également les biotopes hygrophiles bien ouverts.

Pachygnath degeeri est une araignée de la famille des Tetragnathidés. Exception dans les représentants européens de cette famille, les araignées adultes de ce genre ne construisent pas de toile géométrique mais vivent à la base des plantes. C'est une espèce que l'on peut rencontrer dans les habitats hygrophiles mais qui apprécie plus les milieux mésophiles. Ici, elle est assez abondante mais uniquement dans la parcelle C2, la moins humide des trois. Par contre, Pachygnatha.clercki est caractéristique des habitats bien humides, volontiers inondés mais sans couvert arboré important. C'est un hôte fréquent des bas marais et elle est présente à Lavours dans la cladiaie mais aussi dans les autres biotopes. Son absence à Conzieu est assez étonnante.

Parmi les Linyphiidae, quelques araignées minuscules sont typiques des habitats très humides. Il s'agit de Silometopus elegans, Gnathonarium dentatum, Gongylidiellum murcidum, Walckenaeria vigilax et Entelecara omissa. Cette dernière espèce est très rare en France puisqu'elle n'est citée dans la littérature que de Lavours et d'un site dans le Loir-et-Cher. Porrhomma pygmaeum et Pelecopsis parallela montrent aussi une affinité notable pour ces habitats.

Outre les espèces remarquables par leurs affinités écologiques liées aux zones humides, les captures de Conzieu recèlent deux espèces rarement trouvées dans de tels milieux et assez particulières : Nesticus cellulanus est une araignée sciaphile, inféodée principalement aux grottes, éboulis, cavités mais que l'on rencontre aussi dans les forêts sombres. La capture d'un individu en cladiaie dense C3 montre bien la faible luminosité qui règne dans le sous-étage de cet habitat. Cybaeus raymondi, espèce rare, est encore plus intéressante. Jusqu'à présent, cette espèce, également sciaphile, n'était citée que des forêts des Pyrénées. Une autre espèce de mêmes moeurs, C.angustiarum, était citée des Alpes et autres massifs de l'Est. Mais une révision taxonomique en 1992 a montré que la véritable espèce C.angustiarum ne devait pas exister en France et que les individus des Alpes françaises (et de tout l'Est) devaient être tous de l'espèce A.tetricus. Or ici, nous avons trouvé l'espèce pyrénéenne, pas A.tetricus ! Ceci montre qu'il va falloir reprendre tous les individus antérieurement capturés dans l'est de la France (ce qui n'avait pas été fait) pour ré-étudier ce problème.

Enfin, Eperigone trilobata est une espèce d'origine américaine introduite fortuitement en Europe centrale et qui est apparue en France il y a peu d'années. Elle affectionne les endroits herbacés humides comme les cariçaies. On la découvre ainsi par place : en 2000 dans le Haut-Rhin, en 2008 en Limousin et à Lavours, en 2009 dans le Sud-Ouest et en Auvergne. Du fait de sa taille, de son éco-éthologie et de ses faibles peuplements, on ne peut pas parler "d'espèce envahissante".

Mais, retenons par ailleurs qu'il est très important pour un site d'héberger tout un ensemble faunistique caractéristique. A l'image de la phytosociologie, nous devons prendre en compte la présence d'un grand cortège d'espèces "compagnes" dont la richesse traduit le bon fonctionnement de l'écocomplexe. Nous avons ainsi de multiples espèces de catégories H 2 et 1 qui viennent compléter le noyau des espèces spécifiques pour former un peuplement relativement riche et équilibré.

Les peuplements selon les modes de gestion

Les données quantitatives des peuplements épigés Pour analyser les différences de peuplement des milieux étudiés nous allons nous appuyer essentiellement sur les captures des pièges enterrés. Rappelons que les espèces rencontrées au sol peuvent y passer toute leur vie ou bien vivre dans la végétation basse et descendre au sol pour chasser 27 Araignées de la cladiaie des Lacs de Conzieu (01) ou pour se déplacer. Les effectifs obtenus par ces piégeages sont une mesure de la densité-activité de chaque espèce. C'est à dire qu'ils sont proportionnels à la densité (nombre d'individus au mètre carré) de l'espèce mais aussi à l'intensité de ses déplacements (correspondant à son activité de prospection du territoire). Or on admet généralement (ce qui est conforté par plusieurs études) que l'intensité des déplacements d'une espèce reste du même ordre de grandeur dans la plupart des biotopes (en excluant toutefois certains milieux extrêmes, aux grandes surfaces de sol dénudé par exemple). Cette intensité varie selon la maturité, le sexe et la saison. En supposant que le sexe-ratio reste le même dans tous les habitats (ce qui est la règle habituelle) et en ne prenant en compte que les adultes, il est dès lors possible d'utiliser ces données pour comparer les densités d'une même espèce dans les divers biotopes et donc ses préférences écologiques. Par contre, les comparaisons entre espèces ne peuvent avoir de sens que pour des espèces taxonomiquement proches, ayant des tailles et modes de vie similaires ce qui permet de supposer une équivalence dans l'intensité de leurs déplacements.

Pour la plupart des analyses suivantes, nous nous baserons donc sur les effectifs des adultes capturés par piégeage dont le tableau a déjà été donné (tableau 8 supra). Cela concerne 86 espèces (car deux n'ont été piégées qu'au stade immature). De plus, nous nous limiterons, dans certaines analyses statistiques, aux espèces atteignant un effectif total piégé de dix adultes pour des raisons de représentativité. Dans certains cas, lorsque cela sera justifié, nous prendrons cependant en compte aussi les espèces prises au filet fauchoir ou bien le total des captures des pièges (sans rien exclure).

Pour les différentes méthodes d'analyse utilisées, on pourra généralement se référer à LEGENDRE, 1979.

Abondance globale par parcelles Le tableau 10 indique les abondances des captures totales par pièges dans les trois stations de cladiaie étudiées.

Stations C1 C2 C3 Adultes 1354 1128 528 Juvéniles 492 703 298 Total 1846 1831 826

Tableau 10 : effectifs d'adultes, juvéniles et totaux piégés dans les trois stations étudiées.

On constate que le nombre total d’individus capturés dans les stations C1 et C2 est similaire. En revanche, l’abondance des individus capturés dans la station C3 est très nettement plus faible que dans les deux autres stations (significatif par un test t), avec environ deux fois moins d’individus capturés. Cette différence peut s’expliquer par le fait que cette zone présente une végétation formée de cladium très dense, le milieu étant plus fermé et moins propice à développer de grandes populations au sol (espace vital disponible plus réduit). Il est également possible que le flux trophique total de l'écosystème doive être partagé avec un peuplement des strates hautes de végétation d'abondance notable (ce que l'on sait être le cas dans d'autres cladiaies) ce qui imposerait un facteur limitant aux populations épigées. Enfin, n'oublions pas qu'il s'agit de mesures d'"abondance-activité" et que cela pourrait introduire un biais dans le cas d'un biotope aussi dense (mais cela n'est pas certain). On retrouve les mêmes résultats avec les captures d’adultes. Concernant les juvéniles, on remarque qu’ils ont été piégés en plus fort effectif dans la station C2. Il est difficile de suggérer maintenant une explication à ce fait.

28 Araignées de la cladiaie des Lacs de Conzieu (01)

Toutefois, en regardant les populations d'araignées en présence (soit le tableau 8, ligne par ligne), on constate qu'il n'y a qu'un petit nombre d'espèces ayant une abondance nettement plus forte en C3 que dans les deux autres stations alors que ce nombre est beaucoup plus grand pour celles à abondance maximale en C1, C2 ou les deux à la fois (le tableau 11 ci-dessous, sur les espèces abondantes, permet de bien s'en rendre compte). C'est donc finalement bien la répartition différente des espèces au sein de ces trois cladiaies qui joue et non pas une faiblesse généralisée du peuplement de C3 due à un problème trophique (ou un problème de biais d'échantillonnage).

Espèces C1 C2 C3 Pardosa prativaga 279 171 36 Arctosa leopardus 186 148 0 Gnathonarium dentatum 151 44 0 Pirata tenuitarsis 144 5 23 Zelotes lutetianus 76 25 12 Dolomedes fimbriatus 22 10 5 Pirata piscatorius 31 4 2 Pardosa vittata 31 5 0 Oxyptila simplex 100 255 5 Silometopus elegans 21 85 1 Eperigone trilobata 10 34 1 Pardosa saltans 3 34 0 Pardosa paludicola 7 18 7 Trochosa spinipalpis 7 20 4 Agroeca striata 2 20 1 Pachygnatha degeeri 0 17 0 Trebacosa brunhesi 14 7 247 Entelecara omissa 2 1 59 Hygrolycosa rubrofasciata 2 0 37 Zora spinimana 0 3 13 Pardosa proxima 55 43 0 Zelotes latreillei 24 20 7 Erigone dentipalpis 22 20 0 Pirata latitans 17 8 2 Xysticus kochi 11 8 0 Meioneta mollis 11 6 0 Antistea elegans 17 1 26 Pirata hygrophilus 11 21 13

Tableau 11 : Effectifs d'adultes piégés dans les trois stations, pour les espèces abondantes et à répartition déséquilibrée (l'écart à l'équirépartition a été trouvé significatif par un test de χ²).

Pour ce qui est des captures au filet fauchoir, nous avons déjà signalé (cf supra) qu'elles dépendaient essentiellement de l'existence et de l'importance des strates de végétation correspondantes mais également qu'elles étaient sous-estimées en cladiaie dense pour des raisons de technique de capture. Les résultats sont toutefois les suivants :

Stations C1 C2 C3 Total Adultes 12 14 11 37 Juvéniles 19 37 16 72 Total 31 51 27 109

Tableau 12 : effectifs d'adultes, de juvéniles et totaux obtenus au filet dans les trois stations étudiées.

29 Araignées de la cladiaie des Lacs de Conzieu (01)

C'est, de ce point de vue, la parcelle C2 qui domine, les deux autres montrant des abondances du même ordre. En fait, cette dominance est le fait des juvéniles. On retrouve ce que nous avions vu pour les pièges, à savoir le supplément de juvéniles en station C2.

Richesse spécifique et équitabilité Les araignées épigées et de la strate basse de la végétation se répartissent entre les trois parcelles avec des présences et des abondances très diverses. L'abondance totale n'est pas suffisante pour décrire ces peuplements correctement : la façon dont cette abondance se constitue, le nombre d'espèces présentes et les équilibres entre les populations de ces différentes espèces ont une grande importance.

Nous étudierons donc la richesse spécifique et la diversité ainsi que l'équitabilité de la composition spécifique des peuplements épigés grâce aux adultes des pièges. Le tableau 13, ci-dessous, indique, pour chaque milieu, la richesse spécifique (S = nombre d'espèces présentes à l'état adulte), la diversité du peuplement (au sens de Shannon, soit H = - fi.ln(fi) ) et son équitabilité (E = H/ln(S) ).

Les effectifs d'adultes capturés dans les pièges enterrés sont des données de "densité-activité" qui mesurent l'importance des espèces d'araignées en fonction de leur abondance et de l'intensité de leurs déplacements. C'est donc une évaluation à la fois constitutive et fonctionnelle des peuplements. Les équitabilités et diversités calculées sont donc des valeurs du peuplement "fonctionnel" de l'écosystème. Mais, de ce fait, la comparaison de milieux de types très différents peut devoir être interprétée avec précaution.

C1 C2 C3 Richesse S 64 65 35 Diversité H 2,84 2,87 2,13 Equitabilité E 0,683 0,688 0,599

Tableau 13 : Richesse spécifique, diversité de Shannon et équitabilité calculées sur les effectifs des adultes capturés par les pièges dans chaque station.

Nous avons déjà noté que la richesse spécifique de l'ensemble de ces cladiaies était satisfaisante. Nous voyons maintenant que les nombres d'espèces des stations C1 et C2 sont d'un bon niveau et très proches l'un de l'autre tandis que la richesse de la cladiaie dense intacte C3 est beaucoup plus faible, presque moitié des autres (35). Or, au marais de Lavours, le même habitat totalise une centaine d'espèces. Certes, l'intensité de l'échantillonnage a été bien plus forte à Lavours (plusieurs années d'étude) et l'analyse statistique des courbes de richesse théorique de Conzieu montre que l'on n'a pas recensé tout le peuplement épigé de ces parcelles. Mais la différence réelle reste très importante. Pour expliquer cette faible richesse de la cladiaie dense de Conzieu, on peut avancer deux causes : d'une part, la surface limitée de cet habitat ici en comparaison de Lavours (nous l'avons déjà évoquée). D'autre part, la diversité pratiquement nulle des habitats herbacés humides sur le site de Conzieu (avant les interventions de gestion). Ainsi, historiquement, mis à part des contacts limités aux extrémités nord et sud du site, la cladiaie dense était isolée au sein des boisements et entre les lacs alors qu'à Lavours, la variété des habitats et faciès disposés en mosaïque avec la cladiaie au sein de l'écocomplexe a permis la constitution d'un peuplement global enrichissant chacune de ses composantes. Les stations C1 et C2, qui possèdent une structure de végétation similaire, sont plus riches et plus diversifiées. Ces zones où le cladium est moins dense sont favorables à un plus grand nombre d’espèces car écologiquement moins "spécifiques".

C'est encore la parcelle C3 qui a la plus faible équitabilité. La valeur obtenue (0,599) est très moyenne. Cela montre un déséquilibre marqué dans ce peuplement entre la dominance excessive de quelques

30 Araignées de la cladiaie des Lacs de Conzieu (01) espèces et la faiblesse des effectifs de la plupart des autres. C'est sans doute, dans ce cas, la marque d'un biotope aux conditions écologiques assez extrêmes et particulières (pour le peuplement épigé, rappelons-le). Les équitabilités des deux autres stations sont très semblables entre elles et n'atteignent pas un niveau remarquable. Le fait que ce soient des milieux nouveaux et de plus remaniés drastiquement tous les ans ou tous les deux ans y est bien sûr pour quelque chose.

En conséquence logique, C3 a la diversité la plus faible des trois et celles des deux autres parcelles sont équivalentes entre elles.

Structure rang / fréquence des peuplements La structuration spécifique des peuplements peut être observée d'une autre façon : en étudiant la contribution relative que prend chaque espèce dans la constitution de l'abondance et quelle est sa fréquence d'apparition en fonction de son rang d'importance. C'est ce que montre le diagramme "rang/fréquence" (BLONDEL, 1979).

0,500

0,450

0,400

0,350

0,300

0,250 C3 0,200 C2 0,150 C1 0,100

0,050

0,000

1

4

7

10

13

16

19

22

25

28

31

34

37

40

43

46

49

52

55

58

61 64

Figure 11 : Courbes de répartition d'abondance en rangs / fréquences pour les peuplements de chaque parcelle. (En ordonnée la proportion d'individus de chaque espèce, en abscisse le rang d'abondance de l'espèce ; calculs faits sur les effectifs d'adultes dans les pièges).

On obtient, sur le graphique, des courbes qui correspondent d'autant plus à un peuplement équilibré qu'elles partent de moins haut et qu'elles atteignent le niveau zéro plus progressivement (comme un "toboggan" dont la glissade serait tranquille au lieu d'entraîner une chute brusque).

Les trois stations présentent des courbes dont les fréquences chutent plus ou moins fortement et assez rapidement, ce qui correspond à la présence de quelques espèces dominantes suivies de peu d’espèces d’abondance moyenne et de nombreuses espèces peu abondantes.

On voit que c'est la courbe rouge qui part du plus haut et "tombe" brusquement vers des altitudes faibles. C'est celle de la cladiaie dense (C3). La station C3 se distingue par la présence d’une espèce

31 Araignées de la cladiaie des Lacs de Conzieu (01) très abondante (Trebacosa brunhesi) qui représente 47% des adultes capturés. Au contraire, la courbe verte de la parcelle C1 a la descente la plus progressive. C'est le peuplement le plus équilibré pour les espèces "significatives" (c'est à dire celles dont l'effectif n'est pas de quelques unités seulement). C2 est proche de l'allure de C1, avec un déséquilibre un peu plus marqué dans les dix premiers rangs et un peu moins dans les dix suivants.

Composition des peuplements

Représentation des familles Il est possible, en premier, de se demander si la répartition des araignées par famille est différente dans ces trois faciès. Nous constatons d'abord que, de ce point de vue, les écarts entre les stations C1 et C2 ne sont pas très importants. Nous allons les regrouper pour les comparer à la station C3. Nous ferons ces observations sur les captures totales des pièges au sol. Pour ce qui est du nombre d'espèces par famille, les différences ne sont pas très marquantes. On remarque une faible variation de proportions entre les deux familles dominantes, Linyphiidae, Lycosidae, avec la première légèrement plus présente en C1&2 et c'est l'inverse pour C3. Ensuite, les proportions restent aussi très proches, avec simplement les Clubionidés un peu plus représentées en C3 alors que ce sont les Thomisidés qui prennent leur place en C1&2. Enfin, bien sûr, le nombre total d'espèces mais aussi de familles est bien différent entre ces deux aspects de cladiaie (12 familles et 37 espèces en C3 pour 19 familles et 81 espèces en C1 et C2 regroupées, ceci dans les pièges et en tenant compte des immatures).

En analysant les familles par nombre d'individus (capturés dans les pièges), des différences plus importantes apparaissent. La figure 12 nous en donne une idée.

C3 - pièges -- individus par famille C1 & 2 - pièges -- Individus par famille Lycosidae Linyphiidae Thomisidae Gnaphosidae 2% 1%1% Salticidae 3% Lycosidae 6% 4% Pisauridae Linyphiidae Hahniidae Gnaphosidae 11% 9% Philodomidae Hahniidae Liocranidae Zoridae Tetragnathidae Salticidae Amaurobiidae Thomisidae Araneidae Pisauridae 14% Agelenidae Clubionidae 64% Clubionidae Agelenidae Zoridae Liocranidae 79% Corinnidae Nesticidae Anyphaenidae Cybaeidae Theridiidae

Figure 12 : Proportions du nombre d'individus piégés par famille entre cladiaie intacte et cladiaie fauchée

La prédominance des Lycosidae est bien plus forte en C3, au détriment des autres familles. Pour le reste, outre les similitudes, on remarquera surtout la présence convenable des Hahniidae (avec l'espèce Antistea elegans) en cladiaie dense alors que ce sont les Thomisidae (avec Oxyptila simplex) qui prennent une place importante en cladiaie fauchée.

32 Araignées de la cladiaie des Lacs de Conzieu (01)

Affinité des espèces Nous avons regardé (cf supra) la façon dont les espèces de l'ensemble des captures se répartissaient en fonction de leurs affinités écologiques, d'une part pour les milieux de marais et tourbières alcalines (appelé "hygrophilie" par simplification abusive) et d'autre part pour les biotopes forestiers et la sciaphilie. Nous avons également analysé les espèces en fonction de leur affinité avec la cladiaie dense à Lavours. Il est instructif d'étudier ce qu'il en est pour chacun des faciès de cladiaie de Conzieu.

Espèces "hygrophiles" dans les parcelles

La répartition des espèces capturées par piège ou par filet selon la classification H (cf supra) est représentée pour chaque parcelle sur la figure 13 :

C3

C2 C1 5%

12% 16% 26% 17% 18% 24%

très hygrophile hygrophile

22% favorable hygrophile 12% 20% euryhygre 23% hygrophobe

21%

41% 22% 21%

Figure 13 : Répartition des espèces des stations selon la classification H (voir texte)

C'est la cladiaie dense intacte C3 qui a la plus grande proportion d'espèces spécifiques ou préférentes de ces habitats de tourbière alcaline. C'est même là que l'on trouve les plus forts pourcentages pour les deux premières catégories et le plus faible pour les espèces "hygrophobes". C'est donc le peuplement le plus caractéristique de la tourbière. Cela ne nous surprendra pas. A l'opposé, le peuplement le moins typique est celui de la station C2. Nous avons effectivement constaté sur le terrain qu'il s'agissait du biotope le moins humide des trois. Par ailleurs, le fait qu'il soit perturbé chaque année par le broyage doit être défavorable à l'installation d'un peuplement stable et spécialisé.

Espèces "sciaphiles" dans les parcelles

Envisageons maintenant la répartition des espèces capturées par piège ou par filet selon la classification F (cf supra) sur la figure 14 :

33 Araignées de la cladiaie des Lacs de Conzieu (01)

C3

C1 C2 5%

6% 10% 22% 10% préférente 8% tolérante

photophile

73%

84% 82%

Figure 14 : Répartition des espèces des stations selon la classification F (voir texte)

Souvenons nous que cette classification considère les espèces plus nettement liées aux boisements (en marron) et celles recherchant ou tolérant les milieux sombres (en vert foncé). L'ensemble de ces deux catégories est principalement représenté dans la cladiaie dense C3. Le peuplement épigé étant prépondérant dans les captures, cela est dû à la présence de la "mini-canopée" typique de cet habitat qui arrête fortement la lumière allant vers le sol. Mais ce sont donc les araignées plus sciaphiles que forestières qui dominent. Au contraire, en C2, bande de cladiaie fauchée, étroitement bordée par le bois de saules et d'aulnes, on constate une proportion notable d'espèces "forestières" qui pénètrent à partir de la lisière toute proche. On notera dans ce cas Pardosa saltans, Cybaeus raymondi ou Coelotes inermis. Pirata hygrophilus, araignée des boisements humides, domine en C2 mais s'étend aussi largement dans nos cladiaies. A l'inverse, Hygrolycosa rubrofasciata, plutôt sciaphile, se rencontre essentiellement en cladiaie dense. C'est également le cas de Nesticus cellulanus.

Espèces affines de la cladiaie à Lavours dans les parcelles

Etudions enfin la répartition des espèces capturées par piège ou par filet selon la classification "Lavours" (cf supra) sur la figure 15 :

C3

8% 19%

C2 C1 6% 6% ccc 19% 24% cc 16% 30% 22% c 16% * n 15%

19%

35% 27% 38%

Figure 15 : Répartition des espèces des stations de Conzieu selon leur affinité pour la cladiaie à Lavours (voir texte)

Cette fois-ci, C1 et C3 montrent pratiquement les mêmes pourcentages cumulés pour les trois catégories d'espèces ayant des affinités avec la cladiaie dense de Lavours (ccc, cc et c). Mais on peut voir qu'en C3, les deux catégories correspondant aux affinités les plus fortes ont des pourcentages supérieurs à ceux de C1 tandis que c'est l'inverse pour la troisième catégorie aux affinités moindres. Ces résultats sont dans la logique des choses. 34 Araignées de la cladiaie des Lacs de Conzieu (01)

C2 a des proportions plus faibles pour ces catégories affines et plus forte pour les espèces non trouvées à Lavours. Nous retrouvons encore les effets d'un milieu moins humide et de la proximité du bois de saules.

Relations entre milieux et associations d'espèces

Groupement hiérarchique des espèces Tout d'abord, une classification hiérarchique ascendante a été calculée sur les données limitées aux espèces des pièges ayant au minimum 10 adultes. Elle est faite sur la distance euclidienne avec un groupement selon l'association moyenne (group-average). Pour améliorer l'analyse, les effectifs ont été transformés par ln(N+1). La figure 16 en montre le dendrogramme.

Cette classification permet de regrouper les espèces qui ont un pattern de répartition sur les trois cladiaies semblable ou proche. On trouvera, en annexe, la liste des espèces avec les codes utilisés dans le diagramme.

On constate tout d'abord l'existence de groupes constitués pour des niveaux de distance raisonnables (c'est-à-dire avec les espèces se reliant entre-elles assez bas sur le diagramme), ce qui prouve la présence d'ensembles d'espèces aux répartitions similaires sur le site.

Figure 16 : Dendrogramme des espèces par groupement ascendant à liens moyens sur la distance euclidienne (calculs faits sur les effectifs normalisés d'adultes piégés, espèces avec au moins 10 adultes).

Partant de la gauche du diagramme, on distingue un groupe de cinq espèces bien reliées entre elles (groupe A) puis un groupe (D) constitué de deux sous-groupes (D1 et D2) puis un groupe de cinq autres espèces (C) et ainsi de suite. Le lecteur pourra lire, sur le tableau en annexe, les effectifs des

35 Araignées de la cladiaie des Lacs de Conzieu (01) espèces par habitat et retrouver la signification de chaque groupe. Nous n'en détaillerons que quelques exemples :

Ainsi le groupe A est constitué des araignées : Agroeca striata, Pardosa saltans, Ceratinella brevis, Trochosa terricola et Pachygnatha degeeri. Nous pouvons faire le graphique suivant pour montrer leur répartition :

Groupe "A"

40 35 30 A.striata 25 P.saltans

20 C.brevis adultes adultes piégés ' 15 T.terricola 10 P.degeeri 5 Nombre d Nombre 0 C1 C2 C3

Nous voyons clairement que ces espèces ont en commun une présence presque exclusive en cladiaie C2. Il s'agit, en fait, d'araignées soit sciaphiles (A.striata, P.saltans) soit préférant les biotopes un peu moins humides.

Pour le groupe B, correspondant aux espèces Antistea elegans, Entelecara omissa, Hygrolycosa rubrofasciata, Zora spinimana et Trebacosa brunhesi, on a le graphique suivant (dans lequel la dernière espèce a été omise du fait de son effectif trop important. Sa répartition est équivalente à celle d'E.omissa) :

Groupe "B" (sauf T.brunhesi)

70 60

50 A.elegans 40 E.omissa 30 H.rubrofasciata 20 Z.spinimana 10 Nombre d'adultes piégés Nombre 0 C1 C2 C3

Il s'agit d'un groupe d'araignées très inféodées à la cladiaie intacte C3 et pratiquement absentes des deux autres faciès. C'est à peine moins net chez la première espèce (A.elegans) qui a quelques affinités pour C1 également. On a là des espèces à forte tendance hygrophile.

36 Araignées de la cladiaie des Lacs de Conzieu (01)

Enfin, intéressons-nous au groupe D2. Il rassemble les espèces Meioneta mollis, Xysticus kochi, Pardosa vittata, Pirata latitans et Pirata piscatorius. Le graphique ci-dessous l'illustre :

Groupe "D2"

35 30 25 M.mollis 20 X.kochi P.vittata 15 P.latitans 10 P.piscatorius

5 Nombre d'adultes piégés Nombre 0 C1 C2 C3

Il est visible que ces espèces se caractérisent par une répartition qui se concentre principalement sur la parcelle C1 et secondairement sur C2, avec une quasi-absence de C3. Elles affectionnent donc les cladiaies fauchées, surtout bien humides.

On peut ainsi relier la plupart des groupes d'espèces du diagramme à des affinités pour un ou des faciès et pour des caractéristiques écologiques assez précises.

Ordination des habitats et des espèces Il est également possible de regarder les relations entre les habitats et, en parallèle, les espèces en effectuant une analyse factorielle des correspondances sur le même tableau de données (effectifs d'adultes des piégeages pour les 32 espèces ayant au moins 10 adultes capturés).

L'analyse réalisée sur ces 32 espèces et les 3 stations détaille la dispersion de l'ensemble des données dans le plan des deux axes factoriels (puisqu'il n'y a que trois milieux en cause). La figure 17, page suivante, représente ce plan factoriel où les espèces sont désignées par leur nom de code (voir annexe). L'axe 1 est horizontal et explique 77% de la variation des effectifs. L'axe 2, vertical, assume les 23% restants.

Nous regardons d'abord les trois stations (en vert). La cladiaie dense (C3) est placée à l'extrémité droite de l'axe 1. Dans sa partie gauche, cet axe reçoit les cladiaies fauchées. C'est donc que 77% des différences de répartition des espèces sont associés à l'opposition entre cladiaie intacte ou non. On retrouve bien là l'importance de la structure si particulière de la végétation de la cladiaie dense "ancienne" pour les peuplements d'invertébrés, comme cela a été plusieurs fois souligné dans des travaux antérieurs (VILLEPOUX, 1993, VILLEPOUX & DARINOT, 2001). Le second axe fait la distinction entre la cladiaie fauchée bisannuellement et bien humide (C1) et la cladiaie fauchée annuellement, plus sèche et bordée par le bois de saules (C2). Cette différence entre les faciès fauchés est reliée à 23% de la variation des abondances des araignées au sol.

37 Araignées de la cladiaie des Lacs de Conzieu (01)

Les trois parcelles se distinguent donc selon leur peuplement aranéologique en fonction de ces deux ensembles de critères matérialisés par les axes du plan factoriel : la gestion par fauche ou non pour l'axe 1 et, dans une moindre mesure, les différences écologiques multiples entre les parcelles fauchées pour l'axe 2. Dans ce dernier cas, il est plus difficile de faire la part des choses entre les divers facteurs présents et susceptibles d'influer.

Pour les espèces, on retrouve les groupes de la classification hiérarchique, avec une disposition spatiale dans le plan assez bien organisée. Ces groupes sont entourés d'un trait bleu foncé. Les groupes les plus centraux sont plus imbriqués entre eux, avec des caractéristiques de répartition moins tranchées.

Regardons quelques exemples :

Le groupe "A" que nous avions caractérisé par son abondance sur la parcelle C2 se retrouve bien sur le graphique au-delà du point-station C2, sur la diagonale qu'il définit.

Le groupe "B", qui avait montré une répartition presque exclusive en cladiaie dense C3, se localise à l'extrémité de l'axe 1 (positif), avec même des points-espèces un peu plus éloignés à droite (signe de forte "exclusivité").

Le groupe "D1", dont les répartitions se concentraient sur la parcelle C1 et secondairement sur C2, se situe bien dans la partie gauche du graphique (côté des zones fauchées) et plus proche de C1, qu'il entoure, que de C2.

Le groupe E, localisé du même côté gauche mais plus bas, au dessus du groupe A, fait bien la transition ce dernier, en regroupant des espèces présentes qu'en zones fauchées mais avec des abondances égales en C1 et C2 (Erigone dentiplapis) ou avec une dominance en C2 (Silometopus elegans ou Eperigone trilobata).

Le positionnement des autres groupes et leur situation vis à vis des points-habitats correspondent bien également à leurs répartitions d'abondance et, majoritairement, à ce que l'on sait de l'autécologie des espèces.

38 Araignées de la cladiaie des Lacs de Conzieu (01)

Figure 17 : Plan factoriel 1-2 de l'A.F.C. (voir texte).

39 Araignées de la cladiaie des Lacs de Conzieu (01)

Enfin, si nous étudions l'appartenance des espèces figurées sur le graphique aux différentes catégories d'affinité vis à vis des marais et tourbières alcalines (classification H), nous trouvons un positionnement significatif. Pour le mettre en évidence, les espèces des trois catégories les moins reliées à ces milieux patrimoniaux sont indiquées par une étoile sur la figure 17 (couleurs en accord avec le diagramme 7, supra), celles des deux catégories les plus affines (cat. 4 et 3) n'étant pas étiquetées. Nous remarquons alors que toutes les espèces les moins affines sont situées en partie gauche du plan, en général plus à gauche que les points-station C1 et C2, ce qui prouve leur fort attachement aux parcelles fauchées. Seule "P.pal" (Pardosa paludicola) est en position centrale-droite et c'est tout de même une araignée classée en catégorie 2.

En définitive, les positions respectives des points-habitats et des points-espèces projetés sur ce plan factoriel font bien apparaître les relations écologiques soulignées dans le cours de l'étude, tant pour les facteurs écologiques déterminants des habitats et pour leur typologie que pour les groupes d'araignées se répartissant sur le site. Le fait que ces résultats se retrouvent sur un graphique issu uniquement des abondances des 32 espèces piégées dans ces milieux est une confirmation de la cohérence de l'étude.

Aranéofaune des différents milieux Nous allons maintenant récapituler les espèces rencontrées dans chacune des trois parcelles étudiées, ce qui permettra de suivre l'évolution de celles-ci en termes de présence des araignées. Les listes, à jour au 31/12/2009, en sont données ci-dessous.

Ces listes ne sont, bien sûr, pas exhaustives. Elles indiquent quelles espèces ont été capturées par pièges enterrés (B), ou par filet fauchoir (F). Le signe "+" signifie trouvée au stade adulte, "(+)" trouvée que au stade immature.

Cladiaie C1 (fauchée 1 an sur 2) Cladiaie C2 (fauchée tous les ans) Espèces B F Espèces B F Anyphaena accentuata (+) Agelena labyrinthica + Agelena labyrinthica + Agroeca striata + Agroeca striata + Antistea elegans + Antistea elegans + Anyphaena accentuata (+) Araeoncus humilis + Araeoncus humilis + Arctosa leopardus + Arctosa leopardus + Argiope bruennichi (+) Argiope bruennichi + Aulonia albimana + Aulonia albimana + Bathyphantes gracilis + Bathyphantes gracilis + Callilepis nocturna + Bianor aurocinctus + Ceratinella brevis + Ceratinella brevis + Clubiona subtilis + Clubiona sp (+) Coelotes terrestris + Coelotes inermis + Dolomedes fimbriatus + Coelotes terrestris + Dolomedes plantarius + Cybaeus raymondi + Entelecara omissa + Dolomedes fimbriatus + (?) Eperigone trilobata + + Drassodes lapidosus + Erigone atra + Entelecara omissa + Evarcha arcuata (?) Eperigone trilobata + + Erigone dentipalpis + Erigone dentipalpis + Gnathonarium dentatum + Euophrys aequipes + Gongylidiellum murcidum + Gnathonarium dentatum + Heliophanus flavipes + Gongylidiellum murcidum + +

40 Araignées de la cladiaie des Lacs de Conzieu (01)

Histopona torpida + Heliophanus auratus + + Hygrolycosa rubrofasciata + Heriaeus hirtus + Hypsosinga heri + + Histopona torpida + Linyphiidae sp1 + Hypsosinga heri + Marpissa canestrinii + (+) Larinioides cornutus ? (+) Maso gallicus + Lepthyphantes tenuis + Meioneta beata + Linyphiidae sp1 + Meioneta mollis + Marpissa canestrinii (+) Meioneta rurestris + Maso gallicus + Micaria pulicaria (?) Meioneta beata + Neon valentulus + Meioneta mollis + + Oedothorax apicatus + Meioneta rurestris + Oedothorax retusus + Micaria pulicaria + Oxyptila simplex + Microlinyphia pusilla + (+) Pardosa agrestis + Misumenops tricuspidatus (+) Pardosa paludicola + Myrmarachne formicaria + Pardosa prativaga + Neon valentulus (+) (+) Pardosa proxima + Oedothorax apicatus + Pardosa pullata + Oedothorax retusus + Pardosa saltans + Oxyptila simplex + Pardosa vittata + Pachygnatha degeeri + Philodromus sp (+) Pardosa agrestis + Phrurolithus festivus + Pardosa paludicola + Pirata hygrophilus + Pardosa prativaga + Pirata latitans + Pardosa proxima + Pirata piscatorius + Pardosa pullata + Pirata tenuitarsis + Pardosa saltans + Pocadicnemis juncea + Pardosa vittata + Porrhomma pygmaeum + Pelecopsis parallela + Robertus neglectus + Philodromus sp (+) Silometopus elegans + Pirata hygrophilus + Sitticus caricis + Pirata latitans + Tetragnatha sp (+) Pirata piscatorius + Thanatus striatus + (+) Pirata tenuitarsis + Trebacosa brunhesi + Porrhomma pygmaeum + Trochosa ruricola + Silometopus elegans + Trochosa spinipalpis + Sitticus caricis (+) Trochosa terricola + Tetragnatha extensa + Walckenaeria vigilax + Tetragnatha montana + Xerolycosa nemoralis + Thanatus striatus + (+) Xysticus cristatus + Trebacosa brunhesi + Xysticus kochi + Trochosa ruricola + Xysticus lineatus + Trochosa spinipalpis + Zelotes apricorum + Trochosa terricola + Zelotes latreillei + Walckenaeria alticeps + Zelotes lutetianus + Xerolycosa nemoralis + Zelotes pedestris + Xysticus cristatus + Zelotes praeficus + Xysticus kochi + Zelotes villicus + Xysticus ulmi + Zelotes apricorum + Zelotes latreillei + Zelotes lutetianus + Zelotes pedestris + Zelotes praeficus + Zelotes pusillus + Zelotes villicus +

41 Araignées de la cladiaie des Lacs de Conzieu (01)

Zora spinimana +

Nous avons déjà signalé que le nombre d'espèces recensées dans les parcelles fauchées ou non différait de façon importante.

Cladiaie dense intacte C3 Espèces B F Agroeca striata + Antistea elegans + Arctosa leopardus (+) Clubiona juvenis + (?) Diplocephalus picinus + Dolomedes fimbriatus + Drassodes cupreus + Entelecara omissa + Eperigone trilobata + Evarcha arcuata + Gongylidiellum murcidum + Histopona torpida + Hygrolycosa rubrofasciata + Hypsosinga heri + Lepthyphantes tenuis + Linyphiidae sp1 + Marpissa canestrinii (+) Maso gallicus + Meioneta rurestris + Neon valentulus + (+) Neriene clathrata + Neriene radiata + Nesticus cellulanus + Oedothorax apicatus + Oxyptila simplex + Pardosa paludicola + Pardosa prativaga + Pirata hygrophilus + Pirata latitans + Pirata piscatorius + Pirata tenuitarsis + Silometopus elegans + Sitticus caricis + Trebacosa brunhesi + Trochosa spinipalpis + Zelotes apricorum + Zelotes erebeus + Zelotes latreillei + Zelotes lutetianus + Zelotes pedestris + Zora spinimana +

Quant au partage entre espèces des captures actives et espèces des pièges, il est tout aussi variable mais nous avons déjà expliqué que c'était fortement influencé par l'état des strates de végétation disponibles dans le biotope.

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Conclusion dans une optique de gestion

L'étude menée en 2009 sur le peuplement d'araignées des cladiaies de la tourbière des Lacs de Conzieu démontre tout d'abord l'abondance de ces arthropodes sur le site. Sur les trois faciès de cladiaie, nous avons obtenu 4503 individus lors de nos piégeages au sol (soit 20,01 individus par piège et par semaine de fonctionnement). C'est un nombre tout à fait conséquent pour un tel échantillonnage. Les captures complémentaires par fauchage au filet dans la végétation herbacée ont apporté 109 araignées supplémentaires, ce qui est, par contre, relativement faible. Cela peut être un effet de la fauche régulière de la végétation pour les parcelles C1 et C2 et d'un mode de capture mal adapté pour la cladiaie dense C3. Signalons enfin quelques captures actives "hors protocole" qui ont rajouté 11 individus aux précédents. Ce total de 4623 araignées récoltées permet de mesurer l'importance de l'effort d'échantillonnage réalisé ainsi que l'ampleur très satisfaisante de l'occupation globale de ces parcelles par les araignées.

Nous constatons ensuite que ce peuplement abondant correspond à une forte richesse spécifique. Ce ne sont pas moins de 99 espèces différentes qui ont été recensées pour cet habitat "cladiaie" avec ses trois faciès présents. Le peuplement épigé et des basses strates de végétation de ces biotopes, inventorié par les pièges Barber, comporte au moins 88 espèces auxquelles s'adjoignent 11 espèces, exclusives des hautes strates de la végétation. Le peuplement de ces dernières affiche donc, au total, au moins 25 espèces. C'est le peuplement épigé qui se révèle le plus important dans notre étude. La mise en évidence de cette richesse en araignées justifie pleinement l'intérêt que le Conservatoire Rhône-Alpes des Espaces Naturels porte à ce site et tout spécialement à sa cladiaie. C'est d'autant plus pertinent que, les araignées étant des prédateurs opportunistes, leurs nombreuses espèces impliquent la présence également de nombreuses espèces d'insectes de différentes familles : d'une part, de multiples groupes d'insectes réagissent à des caractéristiques environnementales proches de celles des araignées et auront donc une richesse élevée pour les mêmes causes ; d'autre part, cette richesse des araignées n'est possible que par une forte richesse de leurs proies, dont les insectes forment une grande partie. Enfin, ces 99 espèces constituent un premier inventaire conséquent pour la connaissance et les suivis éventuels de ce site.

Lorsque l'on regarde la façon dont ces espèces se répartissent selon les familles taxonomiques, on voit apparaître les familles habituelles d'une tourbière, en nombre satisfaisant (20 familles). En les étudiant d'après les données des pièges (les plus significatives et comparables) selon le nombre d'espèces qu'elles affichent, on observe pratiquement l'ordre de richesse habituel, mais avec une exception : Il y a un nombre particulièrement élevé d'espèces de la famille des Gnaphosidae. Ceci est souvent relié à une surface conséquente de sol nu, ce qui apparaît en cladiaies fauchées. Si l'on analyse maintenant les familles selon l'abondance des individus, on trouve, toujours dans les captures des pièges, 67% dûs aux Lycosidae, ce qui est nettement élevé, et une quantité proportionnellement faible de Linyphiidae. Ces pourcentages peu habituels en zone humide herbacée sont sans doute liés aux perturbations induites par la fauche de deux des faciès, qui diminue la couverture de la végétation herbacée et offre un sol encombré de résidus de broyage.

Pour les captures par filet fauchoir, on ne retrouve que 11 familles dont aucune différente de celles des pièges. C'est assez faible. En nombre d'espèces, les Linyphiidae sont assez bien représentées mais on peut remarquer un déficit des Araneidae et des Clubionidae, deux familles généralement bien présentes dans la végétation herbacée. On doit suspecter un effet de la fauche dans deux parcelles sur trois, avec la destruction régulière des supports vitaux de ces espèces, la faible densité des strates hautes au printemps, voire la date de fauche pour certaines Araneidae. En nombre d'individus, les familles habituelles sont les plus abondantes, à l'exception d'un déficit notable chez les Tetragnathidae (ici le genre Tetragnatha).

43 Araignées de la cladiaie des Lacs de Conzieu (01)

Beaucoup d'espèces d'araignées ont des affinités marquées pour certains biotopes ou groupes de biotopes, en fonction de leurs exigences autécologiques et de l'aire biogéographique concernée. Du point de vue de l'affinité avec les marais et tourbières alcalines, on trouve, dans le peuplement global, 39% d'espèces fortement liées à ces milieux et 60% ont une affinité au moins notable. Ces valeurs élevées dénotent d'un bon fonctionnement écologique du site et d'une bonne typicité des habitats. C'est encore plus marquant sur le nombre d'individus piégés : 93% des araignées épigées capturées montrent une affinité notable et la catégorie de plus forte affinité en regroupe 57%. Les araignées sans liens avec les habitats tourbeux sont donc anecdotiques.

La composante sciaphile du peuplement est intéressante à étudier du fait de la lisière arborée de C2 et du sous-étage sombre de C3. Près d'un quart des espèces du peuplement total a une affinité pour ce facteur et 8% sont même fortement liées aux zones boisées. Toutefois, elles sont très minoritaires en effectif (7% des individus piégés). Cela montre la nature franchement ouverte de ces habitats mais l'influence concrète de la structure de la cladiaie dense (ce qui était connu) et de la lisière boisée (ce dont on se doutait moins).

Enfin, il était logique de comparer ce peuplement à celui des cladiaies de Lavours. Nous le faisons par le biais de l'affinité que les espèces ont pour la cladiaie dense à Lavours (site qui nous sert de référence). 57% des espèces du peuplement total de Conzieu font preuve d'une affinité marquée pour la cladiaie dense. On a donc de nouveau une bonne typicité pour cet habitat très particulier et une assez bonne similitude avec le peuplement des cladiaies de Lavours. Cependant, on constate que, pour un certain nombre d'espèces les plus représentatives, on a des abondances relatives très différentes entre Conzieu et Lavours. De plus un nombre notable d'espèces typiques de Lavours n'ont pas été retrouvées à Conzieu. Ce déficit s'explique certainement par la surface assez faible de l'ensemble de la cladiaie de Conzieu, ce qui tend à limiter la richesse spécifique de la cladiaie dense sur ce site. Ensuite, 19% des espèces de Conzieu se trouvent à Lavours mais pas dans la cladiaie. Ce sont pour la plupart des espèces préférentes des autres habitats herbacés humides (phragmitaie, cariçaies) qui occupent les cladiaies fauchées à Conzieu, du fait de leur similitude écologique avec les milieux précités. C'est la preuve que la gestion par fauche augmente la richesse de l'ensemble "cladiaie" à Conzieu et sans doute la biodiversité du site. Enfin, 24% des espèces n'ont pas été trouvées à Lavours. Il s'agit surtout d'espèces peu abondantes qui peuvent exister en étant aussi peu fréquentes à Lavours et que le caractère aléatoire des échantillonnages n'a pas encore révélées. Mais cela englobe aussi des araignées préférant les boisements ou les milieux herbacés plus secs et qui ne pénètrent pas le marais de Lavours.

Un nombre conséquent d'araignées des cladiaies de Conzieu sont remarquables pour leur spécificité hygrophile et/ou leur rareté. Elles constituent le noyau du peuplement spécifique. Une vingtaine d'entre-elles participent à la valeur patrimoniale élevée de ce type d'habitat. Les plus remarquables sont les très rares Trebacosa brunhesi (qui développe à Conzieu une population solide en cladiaie dense), Dolomedes plantarius (dont la population occupe plutôt la rive des lacs), Entelecara omissa (très bien implantée en cladiaie dense et avec seulement 2 autres localités connues en France) et Cybaeus raymondi (espèce forestière rare et sans doute en limite extrême d'aire vers l'Est). De plus, le cortège d'espèces "compagnes" est bien représenté et l'ensemble donne au peuplement des cladiaies de Conzieu une typicité forte envers les biotopes de tourbières alcalines de plaine.

L'analyse des caractéristiques de chaque parcelle de cladiaie permet de voir tous ces aspects plus finement. Il est possible d'en faire la synthèse en fonction du mode de gestion :

44 Araignées de la cladiaie des Lacs de Conzieu (01)

La cladiaie dense évoluée, pourvue de la structure de végétation si spécifique à cet habitat, occupe une part importante du site de Conzieu. La parcelle C3 la représente très bien. Elle est restée intacte. C'est, par rapport à l'ensemble étudié, un biotope au peuplement moins abondant, tant pour son peuplement épigé que pour celui des hautes strates de végétation. Il est cependant vraisemblable que cette dernière partie du peuplement soit sous-évaluée du fait de la méthode d'échantillonnage au filet mal adaptée. L'abondance des araignées au sol est bien homogène. La richesse spécifique est convenable dans l'absolu mais faible relativement à l'ensemble de Conzieu et surtout par rapport à la cladiaie dense de Lavours. Cela peut s'expliquer, d'une part, par la superficie limitée de la cladiaie de Conzieu, et d'autre part, par les contacts très réduits de cette cladiaie avec d'autres habitats herbacés hygrophiles (comme il en existe dans la mosaïque du marais de Lavours) empêchant un enrichissement réciproque des peuplements. Par contre, une étude ciblée du peuplement des strates moyennes et hautes de la végétation devrait augmenter de façon conséquente la richesse observée. L'équitabilité du peuplement épigé est également faible. C'est un peuplement à structure assez fortement déséquilibrée, avec très peu d'espèces ultra-dominantes et toutes les autres très peu abondantes. C'est certainement une conséquence des conditions très spécifiques régnant au niveau du sol de cet habitat (eau constamment affleurante et très froide, luminosité très faible, litière très épaisse,...). La composition du peuplement selon les familles montre un nombre de familles réduit (en relation avec le nombre réduit d'espèces) avec les familles majeures trouvées dans l'ensemble du site (mais avec un excès de Clubionidae). Par contre, en nombre d'individus au sol, la famille des Lycosidae y présente une très forte prépondérance (due essentiellement à Trebacosa brunhesi) au détriment des autres familles. C'est la marque du déséquilibre montré par l'équitabilité. Les Hahniidae (avec Antistea elegans) y sont aussi mieux représentées que dans les autres faciès. On remarquera que ces espèces "excessives" sont en même temps des espèces remarquables. C'est ainsi que cette cladiaie intacte possède la plus grande proportion d'araignées spécifiques des marais et tourbières alcalines et même le plus de "très spécifiques" avec, corrélativement, le moins d'espèces "hygrophobes". On y rencontre aussi le pourcentage d'espèces "sciaphiles" le plus élevé de l'ensemble des parcelles, mais ce sont essentiellement des espèces d'ombre plutôt que forestières (ceci en rapport avec la faible luminosité du sol). Les araignées affines de la cladiaie dense à Lavours sont logiquement très bien représentées dans ce faciès, les plus affines y étant majoritaires. Globalement, on trouve là le peuplement le plus spécifique des cladiaies, avec les espèces les plus remarquables. Ce peuplement est un peu appauvri (avec Lavours comme référence) mais ne semble pas avoir été perturbé par la gestion des autres parcelles. Ses conditions écologiques sont bonnes.

Les cladiaies gérées par le fauchage/broyage sont des milieux récents, dérivés de la cladiaie dense depuis 4 ou 5 ans. Les parcelles C1 et C2 qui les portent ne sont malheureusement pas équivalentes du point de vue des caractéristiques écologiques initiales. La parcelle C1, fauchée tous les deux ans est dans une zone plus humide et plus affectée par les inondations printanières. De forme carrée, sa partie centrale subit moins d'effets de lisière, en particulier des boisements environnants. La parcelle C2, au contraire, est moins humide. Elle forme une bande étroite entre la berge du lac et la lisière de la saulaie ; les effets de lisière y ont donc une bien plus grande influence. Or, nous verrons que ces particularités joueront un rôle notable sur les caractéristiques de leur peuplement. Ces deux cladiaies fauchées ont un peuplement épigé égal et abondant, nettement plus que celui de la cladiaie dense (plus du double). Par contre, il est relativement hétérogène à petite échelle. C'est certainement dû à l'existence de variations dans l'humidité du sol (mini-dépressions), dans la répartition des résidus de broyage et dans les pieds de végétation (plantes différentes). Pour le peuplement des strates moyennes (et hautes) de végétation, C1 montre une abondance médiocre, comme C3 mais en ayant été bien échantillonné. Est-ce la faible couverture de végétation au printemps qui en est la cause ou bien l'uniformité de celle-ci ? Le faciès C2 est mieux pourvu de ce point de vue,

45 Araignées de la cladiaie des Lacs de Conzieu (01) et avec, en particulier, une plus grande quantité d'individus juvéniles. On sait que la végétation y possède une plus grande variété, avec la pénétration de Thelypteris et de Phragmites. Pour le nombre d'espèces, ces deux parcelles sont équivalentes et riches (presque le double de C3). Leur ouverture par la gestion les a rendues accueillantes pour de multiples espèces de zones humides mais aussi pour des espèces bien moins spécifiques. Il faut toutefois noter la rapidité de modification des peuplements d'araignées en réponse à des modifications importantes du milieu. En 4 ou 5 ans, alors que le nombre de plantes a à peine augmenté, la richesse en araignées a quasiment doublée. L'équitabilité de ces deux peuplements épigés est du même ordre. Elle n'est pas d'un bon niveau bien qu'elle soit meilleure que celle de C3. Ces peuplements sont fonctionnellement assez peu équilibrés. On peut penser que c'est dû à leur âge récent et aux perturbations drastiques qu'ils subissent chaque année (ou deux ans). Les familles présentes dans le peuplement épigé et des basses strates de végétation sont nombreuses (20) et correspondent bien à ce que l'on trouve habituellement en habitat humide ouvert. On peut simplement remarquer, en nombre d'espèces, un score plus élevé qu'en C3 pour les Thomisidae et moins élevé pour les Clubionidae. C1 et C2 ont des spectres équivalents. En nombre d'individus piégés, on ne retrouve pas, dans ces faciès, l'excès de Lycosidae observé en cladiaie dense. Par ailleurs, les Thomisidae (avec Oxyptila simplex) y sont proportionnellement plus abondants. Ces parcelles hébergent une moins forte proportion d'espèces typiques des marais et tourbières alcalines que C3. C'est C2 qui en possède le moins, mais aussi le plus grand pourcentage d'espèces "hygrophobes". Les espèces "sciaphiles" sont dans une même proportion en C2 qu'en cladiaie dense, mais, en C2, ce sont plutôt les forestières vraies qui dominent (comme Pardosa saltans) alors qu'en C3 se sont les sciaphiles vraies (comme Hygrolycosa rubrofasciata ou Nesticus cellulanus). Le faciès C1 a le plus faible pourcentage pour ces araignées. La parcelle C2 se démarque toujours sur ces aspects d'affinités du peuplement. C'est clairement en relation avec ses caractéristiques écologiques : milieu moins humide, influence de la lisière forestière, diversité de la végétation. L'affinité des espèces pour la cladiaie dense à Lavours met encore C2 à part. Nous constatons la même proportion d'espèces affines (catégories ccc, cc et c) en C1 et en C3. Cependant si en C3 ce sont les plus affines qui dominent, en C1 ce sont les moins étroitement liées (catégorie c). Quant à C2, le pourcentage de ces araignées affines y est le plus bas et celui des espèces absentes de Lavours le plus élevé. Nous y verrons encore l'action des mêmes particularités écologiques. Globalement, nous avons, en C1 et C2, des peuplements riches et abondants, pas encore très équilibrés et avec une certaine hétérogénéité spatiale. Ils se ressemblent beaucoup sur tous ces points. Ils sont aussi nettement moins spécifiques que la cladiaie dense, avec moins d'espèces remarquables (ou elles y sont moins bien représentées) et moins proches des peuplements de cladiaie dense de Lavours. Mais, dans ces proportions d'espèces affines, C2 apparaît plus banal à cause de ses particularités stationnelles.

Pour finir, nous noterons que la classification hiérarchique et l'A.F.C. montrent l'existence de groupes d'espèces aux répartitions bien caractérisées sur les trois faciès et qu'ils sont en accord avec ce que l'on sait de l'autécologie de ces araignées. Par ailleurs, la connaissance de cette classification permettra d'identifier facilement des bioindicateurs au sein de nos 99 espèces d'araignées pour élaborer des suivis faunistiques en fonction des objectifs de gestion futurs. L'ordination dans le plan factoriel 1-2 retrouve ces groupes et leurs affinités avec les stations. Elle montre que le facteur fondamental qui régit la répartition des araignées épigées entre ces trois faciès de cladiaie, c'est l'opposition "intacte/fauchée" (pour 77%) et que les différences entre C1 et C2 ne jouent que pour 23%. De plus, les tendances écologiques des groupes d'araignées ainsi définis recoupent les analyses des caractéristiques générales des peuplements pour imputer l'opposition "C1/C2" à des spécificités stationnelles.

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Il n'est donc pas possible, par l'étude des peuplements d'araignées de ces parcelles, de mettre en évidence une quelconque différence due à la périodicité annuelle ou bisannuelle de la fauche.

La gestion par fauche des parcelles C1 et C2 a donc modifié radicalement leurs peuplements d'araignées en les enrichissant et les diversifiant, en augmentant leur abondance sans trop affaiblir leur typicité de milieux de tourbières alcalines qui reste bonne et surtout sans perturber le peuplement de la cladiaie dense qui constitue le coeur de spécificité du site. La biodiversité aranéologique globale du site a certainement augmentée (et corrélativement, celle de nombreuses familles d'insectes). Ce résultat favorable a été obtenu sur de faibles superficies et en un laps de temps très court et devrait aller vers une stabilisation et une meilleure équitabilité des peuplements. De plus, au vu de nos résultats, nous pouvons suggérer : * De ne pas maintenir la différence de périodicité de fauche qui, tous les deux ans, semble suffisante (sauf s'il y a un risque de fermeture du milieu en C2 qui semble le plus menacé de ce point de vue). * De conserver des surfaces suffisantes de cladiaie dense intacte, si l'on souhaite augmenter le nombre de parcelles fauchées. De telles nouvelles parcelles n'auront pas besoin de superficies plus grandes que celle de C1. * De tenter de limiter l'accumulation des résidus de broyage au sol des parcelles en surveillant bien leur évolution quantitative et qualitative s'il n'est pas possible de les éviter totalement.

La présente étude est un premier pas, certes important, dans la connaissance et l'analyse de l'aranéofaune de cet espace naturel bien préservé et de forte valeur patrimoniale (tant par ses habitats et leurs peuplements que par ses populations d'espèces remarquables). Toutefois, seule la cladiaie en a été inventoriée et les autres milieux mériteraient d'être étudiés d'un point de vue arachnologique. C'est en particulier le cas des berges des lacs où l'état de la population de Dolomedes plantarius serait à préciser et où il serait intéressant de rechercher l'Argyronète (seule araignée totalement aquatique au Monde) d'autant que des actions de gestion y sont évoquées. Ce serait aussi le cas des boisements périphériques, dont certaines espèces dignes d'intérêt nous ont été suggérées lors de cette étude (comme Cybaeus raymondi) et de leur écotone avec la cladiaie. Enfin, la gestion engagée, avec ses premiers résultats favorables, doit faire l'objet d'un suivi régulier dans lequel les araignées, grâce à cette première étude, peuvent jouer un rôle utile.

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Annexe

Cladiaies de Conzieu : Données utilisées pour l'A.F.C..

Espece Code C1 C2 C3 Total Agroeca striata A.str 2 20 1 23 Antistea elegans A.ele 17 1 26 44 Araeoncus humilis A.hum 11 1 0 12 Arctosa leopardus A.leo 186 148 0 334 Ceratinella brevis C.bre 1 9 0 10 Dolomedes fimbriatus D.fim 22 10 5 37 Entelecara omissa E.omi 2 1 59 62 Eperigone trilobata E.tri 10 34 1 45 Erigone dentipalpis E.den 22 20 0 42 Gnathonarium dentatum G.den 151 44 0 195 Hygrolycosa rubrofasciata H.rub 2 0 37 39 Meioneta mollis M.mol 11 6 0 17 Oxyptila simplex O.sim 100 255 5 360 Pachygnatha degeeri P.deg 0 17 0 17 Pardosa paludicola P.pal 7 18 7 32 Pardosa prativaga P.pra 279 171 36 486 Pardosa proxima P.pro 55 43 0 98 Pardosa saltans P.sal 3 34 0 37 Pardosa vittata P.vit 31 5 0 36 Pirata hygrophilus P.hyg 11 21 13 45 Pirata latitans P.lat 17 8 2 27 Pirata piscatorius P.pis 31 4 2 37 Pirata tenuitarsis P.ten 144 5 23 172 Silometopus elegans S.ele 21 85 1 107 Sitticus caricis S.car 9 0 2 11 Trebacosa brunhesi T.bru 14 7 247 268 Trochosa spinipalpis T.spi 7 20 4 31 Trochosa terricola T.ter 2 13 0 15 Xysticus kochi X.koc 11 8 0 19 Zelotes latreillei Z.lat 24 20 7 51 Zelotes lutetianus Z.lut 76 25 12 113 Zora spinimana Z.spi 0 3 13 16

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Sommaire

Introduction ...... 1 Le site d'étude ...... 2 Protocole d'étude ...... 3 Les milieux étudiés ...... 3 Matériel, méthodes et déroulement ...... 7 Déterminations et nomenclature ...... 10 Résultats et analyse ...... 10 Analyse globale du site ...... 10 Etude des effectifs obtenus ...... 10 Effectifs obtenus par piégeage ...... 10 effectifs des fauchages ...... 11 Présence des familles et des espèces ...... 12 Richesse du site et liste des espèces ...... 12 Représentation des familles ...... 15 Analyse des espèces ...... 19 Spécificité des espèces ...... 19 Des espèces remarquables ...... 25 Les peuplements selon les modes de gestion ...... 27 Les données quantitatives des peuplements épigés ...... 27 Abondance globale par parcelles ...... 28 Richesse spécifique et équitabilité ...... 30 Structure rang / fréquence des peuplements ...... 31 Composition des peuplements ...... 32 Représentation des familles ...... 32 Affinité des espèces ...... 33 Relations entre milieux et associations d'espèces ...... 35 Groupement hiérarchique des espèces ...... 35 Ordination des habitats et des espèces ...... 37 Aranéofaune des différents milieux ...... 40 Conclusion dans une optique de gestion ...... 43 Bibliographie ...... 48 Annexe ...... 50

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