PARTAGE
DU COMTE DE SALM
EN 1598
PA
LE B- SEILLIÈRE
INGÉNIEUR DIPLOME DRS ARTS ET MANUFACTURES MEMBRE DES SOCITl:S DES ARTISTES FRANÇAIS DE L HISTOIRE DE FRANCE, ETC.
Extrait du Bulletin de la Société Philomatique Vosgienne. Année 1893-94.
SAINT-DI
TYPOGBAPHIE ET LITHOGRAPHIE L. IIUMBEIIT.
1894 PARTAGE DE SALM EN 1598
Le contrat de mariage du Prince Fi anois de Lorraine, Comte de Vaudémont, fils du Duc. de Lorraine Charles Hi et de Chrestienne de SaIm, 1111e du Comte Paul de Sailli, Baron de Brandebourg, Seigneur de Stainville, Pufflen- ges, Ubexy, Vaubexv, Fauquemont, Louppv, en son vi- vant Conseiller d itat, Grand Chambellan de son Altesse le Duc de Lorraine, mort en 4584, daté du 42 Mars 1597 (I), contenait la donation par le Comte Jean lx de Salin. Baron de Viviers, Huppes, Seigneur de Dampville , l3ertlieleville, Dompremy-la-Pucelle () et SultzJaehi, Conseiller d Etat de son Altesse. Maréchal de Lorraine, Gouverneur de Nancy, de la totalité de ses biens, en toute propriété, t Chrestieiiiie de Saim, sa nièce. Cette Princesse réunissait alors pal cette donation les biens de toute la descendance masculine de Jean VIII de Saim, son grand-père, l ancien Maréchal de Lorraine et de Bar clii Duc Antoine, et le Surintendant du Duc Fran- çois, mort en 1540, savoir : ceux de son père Paul et de ses deux oncles Jean et Claude de Salin, ce dernier étant aussi défunt. Elle n était tenue qu à l obligation de laisei à sa mère, Marie Le Veneur, l usufruit de la terre (le Stainville. Le Comte Jean IX ne !iisait (le réserves, en dehors des
(1) Archives de Meurthe-et-Moselle, Layette Saim; N° 10 et Bib. nat., manus- crits français, No, 2746, 51. (2) La mère de Jean IX, Louise de Stainville, en achetant peu de temps avant sa mort, le 15 février l8fl, la maison de Je rnne d Arc, connue sous te nom de « la Pucelle à Dompremy, en a assuré La conservation, car elle resta la pi o- priété de ses descendants jusqu au XVII[o siècle.
Docurnc-n
Il I! II I II II III) il I 1I 1 il 1 V 0000005513895 -6-- revenus, que sur les meubles et acquets, et dans un cas très caractéristique de cette époque à guerres continuel- les, qui semble peu se concilier avec le caractère im- PétileliX et la ligure énergique connue du Maréchal de Lorraine. « Advenant (ce (JtIC Dieu ne veuille) que le dit Seigneur Comte donateur fut fhict prisonnier de guerre, les ditz donnataires seront obligéz et tenuz de le retirer et rachepter des dites prisons et payer à cet effet la ran- çon à laquelle il se serait soubmis et composé. » Il rait encii outre donner à François de Vaudéinont « avant. nopces et en considération, faveur et contemplation du présent mariage et de l advanc.ernent qu elle (sa nièce) reçoit par iceluy, » la somme de CENT MILLE ÉCUS D OR. Ce mariage, d une Comtesse de la Maison (le Saim, avec le fils d un Duc de Lorraine, qui devint 1)uc régnant lui- même par la suite, pour peu de temps, il est vrai, mais (lui en conserva le titre, et qui eut parmi ses fils, de son maria ge avec Christine de Saim, le célèbre Duc Char- les IV et le Prince Nicolas-François, père du Duc Charles V, d oCt (lesearld la Maison de Lorraine-tlabsbourg, régnant aujourd hui en Autriche-Hongrie, fut glorifié d une façon particulière dans la famille de Salrn, (lui comptait déjà cependant des alliances avec la Maison de Lorraine (t), dont les Princes les traitaient de COUSiDS. Dom Calmnet rapporte (2) qu en 1752, en démolissant à Remniremont la Chapelle des Abbesses, pour construire le nouvel Hôtel abbatial, on découvrit L lpitaplie gravée sur bronze de Barbe (le Saim, soeur de Jean IX, Abbesse de ]Remiremont, morte en 1002, cinq ans après le mariage de Christine de Salm, qui contenait entre autres les vers suivants
(1) Voyez la description que j ai publiée en 1573, de la Chapelle historique de l église de Senones, oit j ai fait rétablir la tombe du Comte lienri H de Saim et de Judith de Lorraine, gravée par ficher au X111 siècle, (2) Histoire de Lorraine, t. Vil, P. 19. -7—
Trois comtes (I) ont, dti mes trois frères germains. Dont l un n gouverné la Lorraine Province (). J ai vit mon Sang niôlé à la race d un Prince. Et mes Saunons se joindre aux trois Oiseaux lorrains
Parmi les biens (le Jean IX se trouvait la moitié (lu Comté de SaIm qui avait alors pour Ville principale, ré- sidence des Officiers de la Maison de Salin, Baudonviller (Badonviller), qu il possédait en commun avec son cousin, Frédéric Uhingraf, Baron de F énétrange, qui avait épousé Françoise de Saim, sa soeur; c est le célèbre Colonel de reitres, qui, dix ans après, lors des Pompes funèbres de l enterrement de Charles III, remplaca son fils Philippe- Otto comme grand 1ciiyer de Lorraine, en brandissant l épée de Souveraineté, afin de reconnaître le Duc Henri 11 comme souverain. Les Châteaux de Pierre-Percée et de Salm, qui avaient joué successivement un rôle si im- portant au Moyen âge pour asseoir leur domination sur le pays ., n étaient plus guère habités par leurs seigneurs qui les possédaient en commun; on se bornait à les en. [reten ir comme forteresses. Le mariage de François de Vaudéinont et de (Ires- tienne , ou mieux (le Christine (le Saim , eut lieu le -15 Avril 1597, ainsi que le constate la date inscrite sur les jetons (le vermeil et d argent qui furent frappés à l occa- sien de cette cérémonie, et dont le Musée Lorrain à Nancy conserve deux beaux échantillons (4) ; la Bibliothèque nationale à Paris en possède aussi un, mais moins bien frappé. Sur la face, la partie centrale se compose ainsi une couronne dtiçale accompagnée de chaque côté d une Croix de irraine, et en dessous, un chiffre fait de
(1) Jean, Paul et Claude, fils de Jean VIII. () Jean IX de Saim. 1.3) Mariage de Christine de Saim et de François de Vaudémoni. () N" U4J5 -8-- deux C croisés et d un F; (]ans le bas, l inscription XV APltIL M D XCVI] et autour de l ensemble, la légende FIIAN A LOT COM VAD ET GB RIST COM A SALM. Sur le revers se voient i.in arc et un carquois placés en équerre, au centre de couronnes de feuilles de chêne, de palmier et de fleurs d oranger, de la plus grande délicatesse et du meilleur goût, au-dessus desquelles un lit + UNITA TBIUMPHANT +. Ce jeton a éte publié par D. Calmet (l), mais le graveur n a pas rendu absolument le dessin de la pièce, où je crois re- trouver le talent de composition et la pointe intelligente mais un peu sèche de Nicolas Briot (i), sur la vie duquel M. L. Jouve vient de faire récemment une découverte importante en prouvant qu il avait déjà un talent acquis de graveur en 4599. J ai donné au Musée Lorrain en 1874 les portraits, dans le même encadrement peint, de ces deux personnages; ils avaient fait autrefois partie de la Collection de Dom Lombard, le dernier Abbé de Senones, et ils devaient se rattacher au souvenir du Cardinal Nicolas-François de Lorraine, fils de François de \Taudémont et de Christine de Saim qui fut, à deux reprises différentes, Abbé coin- mendataire de Senones. Une inscription placée dans la toile, au-dessous de l encadrement composé de figures et d attributs allégoriques qui réunit les portraits, ne laisse aucun doute sur ces derniers, car on lit à gauche : FRAN- GES. A. LOTIIAR. COMES. VAJ)EMONT. et à droite CIIRISTIANA. COMI i ISSA. DE. SALM. Le Comte est en armure, tête nue, avec une écharpe; la Comtesse porte une robe décolletée à grande collerette et semble très belle. La gravure (le ces portraits, sans nom d auteur,
(fi Histoire de Lorraine, t. H, pi. 4, N 78. (2) Journal de la Société d Archéologie lorraine, Décembre 1893. Portraits de Jean Roussat. -9--
existe f. la Calcographie du Louvre (1), l inscription est modifiée, on y lit fi gauche : Fraiwiscus a Lothurinqia Cornes Vadani- Mon1i. et Challineti Marchio Ha liants - Ce- stri, w e., et à droite : Et cius coniux Christiana Comilissa Sairnw, w e. Ils rappellent, par la façon dont ils sont dis- posés l un en avant de l autre, les médailles de l époque représentant le i{oi et la Reine de France, Henri 1V et Marie de Médicis. Dans la collection des Ducs et Duclies- ses de Lorraine par Saint-Urbain, Christine de Lorraine est représentée comme une personne superbe. Il fallait dresser un Inventaire des biens du Comte de Salin, encore indivis avec ceux de son cousin le flhin- graf, et des dispositions fuient prises afin qu on se mit de suite à l oeuvre dès le 16 Décembre 1597 pour nom- jer mer, le Janvier 1598, des commissaires spéciaux ( experts et capables »délégués pour cette besogne. Le Comte de Vaudémont écrit à son intendant Villermin d aller immédiatement dans le Ci.; :.ité de Salin pour y ré- soudre le partage pour lequel des ordres ont été donnés le jer Mai 1598, par les Comtes de Salin et du Rhin, aux ar- penteurs qui travaillent dans les bois du dit Comté, afin de n apporter de sa part aucun retard et résoudre le par- tage justement et équitablement après en avoir « jecté les lotz. » 1,a -pièce dont je tire ces renseignements, intéres- sante I)oui montrer le désir du nouveauno uveau propriétaire d établir sa Souveraineté sur sa part du Comté de Salin, je la citerais textuellement si j étais absolument sûr de sa parfaite correction, mais j en cloute un peu à cause (lu nom de la personne qui l a COiée, le Tabellion Ravailler, ainsi qu on le verra puis loin. EUe existe à la suite d une copie du Partage du Comté de Saim en 1598 aux Archives des Vosges (); cette copie avait été collationnée sur 1 on-
(1) No 2218 du Catalogue des planches gravées de la Calcographie. (2) Archives des Vosges, E 3. - 10 -
giflai en 1607 par le Tabellion Fringarcl , puis recopiée d abord par Ravailler, et enfin en 1716 par le Tabellion et Greffier de la Principauté de Saim, contemporain de Ravailler, Aubry. Mais cette pièce n en est pas moins très importante pour moi qui, ayant chassé depuis ma jeunesse, dans la plupart des forêts inventoriées, ai connu tous les détails de ce beau pays. Je suis aussi très bien renseigné par une carte d assemblage au 20M0G que je possède et que j ai intitulée Massif des forêts comprises entre les val- lées do Senones, Scimirmec.k, Celles et Baomi; elle a été commencée en 1862 par la réunion de tous les documents qui existaient alors, dans les bureaux de l inspection de Senones, formée des cantonnements de Senones, de Baon et de Schirmeck, sur les forêts aménagées ou non, coin- prises dans le contour que je m étais tracé. J étais déjà adjudicataire du droit de chasse dans les forêts doma- niales voisines de Senones; elle a été terminée lorsque je suis devenu Lieutenant de Louveterie d une partie des cantonnements de Senones et de ilaon, et j ai ajouté suc- cessivement une grande quantité de noms de lieux-dits forestiers, constatés sur place, qui me servaient pour la conduite des grandes battues de montagnes. Ce document a permis de reconstituer certains dossiers de l inspection de Senones, devenus incomplets, notamment pour les Bois-Sauvages, par suite (le la réclamation du Gouverne- ment allemand des cartes relatives à la partie supérieure de cette belle forêt, située dans les environs du Porion et séparée de la Franco par l annexion à l Allemagne. Le Partage et Arpentage des Bois et Forêts du Comté de Saim fut commencé le 6 Juillet 1598 et terminé le 31 Aoùt de la même année; c est-fi-dire qu en cinquante- sept jours, Jacquemin Cueillet, Gruyer de Nancy et de l Avant-garde, Arpenteur général du Duché de Lorraine
Iq 11 — pour le Comte de Vaudémont (I), et Hans Jger, Grand (ililver du Marquis de ilochberg , aidés par i)emenge Roiiver et Claiidin comme Officiers ès état de gruyer et contiôllcur tics bois de Saim et de leurs fortiers, » firent ce travail gigantesque, contrôlé ensuite par les In- tendants, Châtelains et Officiers des deux parties, Viller- min. Conseiller d État de Son Altesse, Betz, Châtelain de Fénètrange, Gille, Châtelain pour le Comte du Rhin à Bationviller (2), Diterman, Châtelain pour le Comte de alni dans la même ville, Lehoux et Claude, Tabellions. Les Comtes de Salin n avaient pas un personnel suffisant pour faire seul aussi vite un pareil travail. Cependant, peu de temps auparavant, le 12 Décembre 1596, le Comte Jean avait réorganisé t l ordre et l état de la Gruerie et les Officiers d icelle, » par une Ordonnance (3) « ensuite de visitations et véages de son urinteridant Claude Viller- mm, » qui avait duré quatre ans. Par cette ordonnance, il instituait deux Gruycrs, un à Paudonviller avec son contrôleur et l autre à Senones qui devait être son Pré- vost et cinq fortiers, au Val de Senones, au Ban (leSalm, au Val d Mlarrnont, à Baudonviller et à Raon-sur-Plaine. Ce document, signalé antérieurement par M. Gb. Guyot, Président de la Société d Archéologie lorraine, est des plus intéressants et vaudrait une publication intégrale. Il exis- tait déjà avant cette ordonnance une Administration fo- restière pour le Comté de Salin, car on connaît le nom des deux Officiers de Gnierie cii 1571, du nom de Jean Sall roy et Jean Liéhault ( i). En 1591, Demenge Roiïyer,
fi) Jacquemin Cueillet venait d être anuolili le 22 Juin 195, en raison des services rendus au Duc d , ! .orraine depuis 125 ans. (Nobiliaire de Saint-Mihiel, par M. DUMONT, t. Il, p. 47. Complément au Nobiliaire de Lorraine, par MM. ilenri LEPAOC et Léon GERMAIN, p. $0). ( J) Cité en 1591 dans la Correspondance des Comtes de SaIm, publiée par M. G. .Save (Bulletin de la Soc(éeé philomatt que vosgienne, ili anode). (3) Archives Meuri/e-et-Moselle, B. 9097. (4) Archives de Meurthe-et-MoseUc, 13. 1)088. -
(léJà signalé en 1578 comme approchant depuis dix ans le Comte Paul de Salin, était Gruyer depuis sept ans, mais il a fallu certainement le désir du Comte de Vaudémont de jouir de son lot le plus tôt possible, de prendre le ser- ment de ses sujets et d élablii de nouveaux officiers, joint au concours de la Gruerie lorraine, pour arriver à un ré- sultat aussi rapide, car certaines parties de forêts signalées dans l Ordonnance de 1596, n avaient jamais encore été arpeiit.ées et d autres l avaient été avec (le grandes cireurs. En lisant le livre, si remarquable et si attachant, de M. Ch. Guyot suries Forêts lorraines avant 1789, on se rend très bien compte qu à cette époque il existait cii Lorraine une organisation forestière complète, avec un Grand Gruver à sa tête, ce qui explique la rapidité de cette me- sure des Bois et Forêts. Je possède la copie de cet arpentage intitulé « Partage et Arpentage de tous les bois et forêts du Comté de Saini, fait en l an -198, » sur une pièce existant aux Archives d Epinal qui n est qu une copie recopiée (l). Je sais qu on trouve aux Archives de Meurthe-et-Moselle le même arpentage, intitulé « Arpentage des bois et forêts du Comté de Saim dont [e partage B est à Mgr le Comte de Saim (e). » C est une belle pièce, originale, se présentant sous la forme d un Registre in-folio en papier, avec couverture de par- chemin, contenant 22 feuillets, sur chacun desquels se lisent les fractions correspondantes des lots successive- ment arpentés pour les deux parties : A. (le Comte de Salm) au verso, B. (le Rheingraf) au recto, relativement facile à lire. Les signatures sont les mêmes que sur la copie citée ci-dessus, elles sont placées de la même façon, au- dessus et au-dessous de la mention « pour servir (le tiltre à Messeigneurs de Baudonviller. » Les signatures sont ccl-
1) 11rFtn es des Vosges, E. 3. (2) Archives de Mer1he-et-Mose11e, B 9093. - 13 -
les de J. Cueullet (sic), Pierre Wanessou, Hans Jager, Jean Bronchet, Leroux (Paraphe), D. Roûyer, Claudin Cugnien, C. Miche!, au-dessus de la mention, et Villermin, Jolian Pliilipp Betz, Dietrich i)ietreman, Gille, Claude (Paraplie), au-dessous de la mention. Je n ai pas pensé que je pouvais publier la pièce d Épinal, copiée une première fus par Itavailler l)eaticonp plus tard, parce que je sais qu il vivait en 1710, et qu il ne lisait pas assez de soin les écritures de ses prédécesseurs d un siècle, Pour qu on puisse se fier à lui; il aurait étéI plus i a- tiotiriel de publier le document de Nancy que j ai pu voir et étudier de près, grâce à l obligeance de M. I)tivernov, Archiviste de Meurthe-et-Moselle, mais j ai reculé devaitt l importance que 10011 travail aurait pris. L Arpenta ge a été fait â la mesure de Lorraine, 250 verges pour tin arpent, la verge 40 pieds, le pied 10 pouces. Les Bois-Sauvages dans la Vallée de Celles étaient considé- iés comme presque inaccessibles. Une borne, la l en commençant au pied de la Breulée, fuit posée au Plain- du-Donon, proche (les vestiges d un Chàteau jadis commencé (le bâtir; )) Gravier, dans son étude sur le Do- non, me semble avoir fait, une erreur en prenant ce point voisin des ruines, comme le sommet du Donon, car « la 43e borne est vers la pointe plus haut du dit Donon, dis- tante do soixante toises. La 12e borne devait être près de l ancien temple de Mercure, où aboutissait le vieux chemin, du côté de Grandibiitaine. La 18e est posée sur un rocher élevé de quelque cinq pieds, traversé par le Chemin-des-Sarrazins. La 19e a été posée au pied du dit Donon « qu est entre les deux IJonons, distante de cinquante toises de la précédente; Gravier disant que le Chemin-des-Sarrazins passe entre les deux Donons, sem- ble encore avoir fait une petite erreur. Déjà le Donon qu on voit si loin do la plaine de Lorraine - 14 -
attirait l attention ; on a désiré « faire un partage par- ticulier du Donon pour la singularité, bruit et renom d iceluv, élevé qu il est par-dessus tons les autres monts du dit Comté. Les arpenteurs tirèrent une ligne du haut en bas de la montagne. On a dit que c est en faisant ces travaux qu ils avaicnL découvert les antiquités du Donon, que les deux frères Alliot, abbés de Moyenmoutier et de Senones, vinrent visiter cent ans plus tard, mais, excepté le château commencé de bàtir, on ne signale aucune dé- couverte. On rencontrait alors dans les forêts beaucoup de Chawes ou Chauves (depuis Chaumes) ) pâturages au milieu des bois ou sur les sommets, qu on suppose avoir fait donner nom autrefois à la contrée le de Chaumonlois, signalé dans la charte de fondation de l Abbaye de Senones. Les plus remarquables dans le Comté de SaIm étaient les Hautes et les Basses, sur les plateaux qui séparaient le versant alsacien du versant lorrain à une altitude moyenne de 900 mètres. Les Arpenteurs renoncèrent à bien définir la forme de ces pâturages des sommets qui devaient dépas- ser en étendue 600 hectares d aujourd hui; ils se bornè- rent à comparer entre elles les divisions de ces parcours par leur fertilité, le nombre et la facilité de conduite ou de rafraîchissement du bétail qu elles pouvaient nourrir. Le périmètre de ces chaumes se retrouve encore sur la carte d assemblage au que je possède, les chaumes ayant été vendues après la Révolution et rentrées seulement dans le Domaine de l Etat vers 1838 ou 4839. Le plan (le l ensemble représente la l orme d une sorte de fourche, dont les dents plus ou moins écartées et d une longueur diffé- rente seraient les chaumes de la Corbeille, de Prayé, du Bois-de-Pravé, de la Basse-des-Loges, (les Rouges-Terres, du Lançoir-des-Marais, de la Noire-Basse, des Hautes- Relevées, des Chavons et de Barfontaine; la base de cette - 15 -
fourche était une bande de terrain orientée du Nord-Est au Sud-Ouest, de la chaume (le la Corbeille à celle de Bar- fontaine, de sept kilomètres environ de longueur, laissant la maison forestière (le Prayé en avant, et passant par les deux marcareries, Vieille et des Hautes-Chaumes. Les tra- vaux de repiquage de sapins exécutés depuis l achat par l Administration forestière sur cette partie du sol dorna- niai, ont rompu les anciennes limites de ces pâturages et ont Constitué aujourd hui de vastes solitudes de bruyères et de jeunes sapins, favorables au développement du grand gibier et surtout du grand coq de bruyères si rare en Franco. Mon frère Aimé Seillière (1) a décrit la vue ma- gnifique qu on a de ces hauteurs et les émotions de la chiasse du tétras. La frontière actuelle de la France et de l Allemagne en longe le sommet, elle a laissé à la France le point culminant, au signal trigonométrique, près de la vieille marcarerie, à 933 mètres d altitude, ainsi (lue l in- dique la carte d l leller, intitulée : Schirmeck et ses envi- rons, 1870. Le territoire forestier était composé en 4598 de Bois (lits Communaux, ot les habitants avaient (les droits d usage; de Bois dits de Chambre, appartenant aux Seigneurs; de Bois dits (le Compagnie, qui étaient Possédés en commun par les Comtes et les Abbés de Senones ou de Moyenmou- tier. Les essences d arbres étaient les sapins dans la mon- tague, les chènes et les hêtres dans le plat pays. Les bois dédiés pour le service des Forges de Framont et de Cham - penay qui existaient depuis des siècles, avaient une con- tenance de 1.355 arpents le Donon y était compris. La contenance totale (les bois du Comté de Salrn devait être de 77.O(J arpents environ, le total n est pas fait sur l arpentage d Août 4598, mais le partage (le 1751 entre la
(1) Au Pied du Donon, scènes de moeurs vosgiennes, E.-A. Seiflière. Paris, 1860, pages 239 et suivantes. - 16 -
Franco et le Prince de Saim-Saim, dont j ai possédé une copie authentique, indique ces chiffres. Au Roy de France, en deçà de la Plaine 7.882 arpents. - au delà - 35.62 - Au Prince de Saim, en deçà de la Plaine 7.725 - — au delà - 25830 - 77.099 arpents. Le partage définitif fut signé le 8 Septembre 1598 par le Comte Jean IX do Saim, à Nancy, sans doute dans son hôtel situé sur la Place de la Carrière, que l on voit Ïburer sur le plan de la Ruelle cii iGfl, dont Cahot nous a laissé la façade clans son estampe de la Carrière et Rue Nocive de Nanc y, et qui se trouvait sur l emplace- ment de la Cour d Appel actuelle de Nanc.y: et le lende- main, t) Septembre 1598, par le Comte du Rhin au château de Neuviller, situé au bord de la Moselle, et qui resta dans Satin la famille de milieu du siècle dernier. On ne trouve plus aujourd hui, comme restes du château de cette époque, que des murs de terrasses, la forme et les doux petites tours de la partie inférieure des murs, le Chancelier de Lorraine, M. de la Galaisière, l ayant, tans- formé complètement au milieu du siècle (Iû1 fliCI . Il fut fait assurément plusieurs exemplaires do cet Att (le partage en 1598, l un d eux m a été donné, je pense que c est celui qui a appartenu au fll iingraf Frédéric, dont la part fut l origine de la Principauté de Salin, et qui devait être conservé à Senones, puisque je sais d une façon certaine qu on ne le trouvait pas aux Archives du château d Anholt, résidence actuelle du Prince de alm- Salm. Il est probable aussi que celui du Comte Jean (le- vait porter la mention « Pour Monseigneur, écrit sut la couverture, comme on le voit sur diverses pièces du Trésor de Chartes des Archives de Nancy qui lui étaient destinées. - 17 -
Ce titre est sur parchemin (à la fin du XVI e siècle les minutes des actes, comme aujourd hui, étaient écrites, sur papier, mais les copies étaient grossoye.s sur parche- min), écrit à l encre noire, de cette écriture spéciale aux Tabellions de cette époque, qu ils s appliquaient parfois à rendre si difficile à lire, qu elle semblait au Premier abord absolument indéchiffrable aux personnes iioii initiées par la lecture fréquente et comparée de pièces analogues, mais que les élèves de l Ecole des Chartes finissent par lire couramment. Les signatures sont très belles celle de Jan, Conte de Saint, avec l indication manu propi ia, est bien connue en Lorraine pai les habitués des flt"pôts d Archi- ves; on la trouve toujours aussi complète avec ses enjo- livements dans le Recueil de Pièces originales de la Maison de Salin à la Bibliothèque de Nancy (I) ou aux Archives de Meurthe-et-Moselle, oit se rencontre fréquente sur le « Reply » des actes de son souverain; celle du Rhingl af Fi éderic, Fri Beingraff, que l on voit aussi quelquefois dans le Recueil cité, est plus simple mais aussi très bien formée. Il est écrit sur un cahier de 14 feuillets in-folio, dont deux sont restés blancs (a), il porte le sceau en cire verte du Comte de Salin, sans légende, ou où voit en- core l écu à deux saumons adossés, sur un fond semé de croisettes au pied fiché, dont il ne reste I)ltlS qu une seule intacte, compris dans un entourage en forme de
(1) BibI, de Nancy, Maison de SaIm lŒl. Voyez Coi rcspooianec des Comtes de Salin de 5O à IGOO, avec de très intéressants commentaires par M. G. SAVE. (BalIeLin de la Soci ,fé Phil iaitqae Vosyienos, Ilie an fli(P). (t) L écriture (le l acte est celle 1 o scribe qui e écrit eu dessous de la i série des signatures de l Arpentage de Saim en 1508, (Arcli. de M.-et-Mos., B 9093j lu mention « pour servir de Lidre â Messeigneurs do Baudonviller, )j et les mots écrits sur lu couverture, Partage du Comté de Saim 150$, out de la même main différente de la première, que les filets aUSSI écrits sut la couverture de l Arpentage Il 0093. s Arpentage des bois dont le partage Il est à M. le Comte de Sain. » Ce qui prouve encore une fois la partite concordance des deux pièces. - - coeur, pendant sur lacs de soie bleue et rouge. Le sceau du PJiinrlgraf n existe plus. J ai tout lieu de croire que ce parchemin, qui était accompagné de trois autres pièces très importantes pour l histoire de Saim, que le Docteur Ch. ]3édel trouva chez la môme personne, qui lui furent offertes et qu il me donna en inème temps, proviennent de la vente historique des papiers (le SaIm faite à Saint-Dié le 21 Septembre 4826, de sorte que ce Partage original de 4598 n aurait eu, depuis la dispersion (les Archives jusqu à ma Collection, que deux propriétaires en appréciant l importance, ce qui explique son parfait état de conservation. Ce document, avec le titre de Souveraineté du Comte Jean IX de Salm et du liliingraf Frédéric, nommés par les habitants en Septembre 1571 Souverains Seigneurs régaliens du pays voisin de Senones, jusqu alors relevant des Evôques de Metz et appartenant à l Abbaye de Senones, sont les deux pièces capitales de la Maison (le Saim qui permirent à l empereur Ferdinand II d élever le fils du lihingraf Frédéric, Philippe-Othon, à la dignité de Prince du Saint Empire. Ces deux titres étaient en effet la constatation pour Philippe-Othon de la possession d un territoire qui ajouté à celui qu il possédait dans le voisinage de Badonviller et (le Pierrepercée, constituait une étendue suffisante pour que le Prince, accepté lui-même par le Collège des Princes, PÙL régner sur des sujets dont il était le justicier et le protecteur, et lever des impôts qui, payés par eux et s ajoutant aux ressources de son domaine personnel, constituèrent un revenu nécessaire pour le maintien de sa dignité princière. L indivision du Comté de Sa.lm avec le Duché (le Lorraine et le fait que le Prince Philippe-Othon ne régnait pas sur une Principauté dont il était le seul souverain, donnèrent lieu à certaines difficultés qui furent - 19 -
aplanies par l Empereur, en considération des services rendus par son antique et illustre Maison et par lui-même, aux Empereurs Rodolphe II, Mathias et Ferdinand I!. Comme le Partage de 1598, ce Titre de Souveraineté de 1571 dont Gravier a imprimé le texte (1), a (cliLippé à la destruction, et il doit exister aujourd hui dans les Ar- chives de la Maison de Saliii-Salm ; il fut reftoiivé en 4828, à Saiut-i)ié par M. Moéger, Conseiller aulique de la Séré- nissiine Maison de S.alrn, qui le constate dans une lettre adressée en 1831 à M. Gœury, Notaire à Senones. que je possède et dont j extrais le passage suivant. « C est avec bien du plaisir, Monsieur, que j ai fait toutes les recherches possibles (je pièces qui pourraient VOUS « être utiles pour les réclamations que MM. les Maires de « l ancienne Principauté de Salm se proposent de mire au « nom de leurs communes près du Gouvernement ou de « l Administration forestière.. Mais vous savez le sort qu ont « éprouvé les Archives de Senones tous les titres, actes «. et papiers enlevés, brùlés on disséminés dans les pre- miers troubles de la Révolution, et le peu qu on trouve « ici ne concerne proprement dit que des affaires de « famille. Cependant, j ai effectivement entre les mains le « titre spécial dont vous parlez et que j ai retiré, avec « plusieurs autres en 1828, d un particulier de Saint-Dié. « Ce titre, écrit en latin sur parchemin, est de l année 1571 « et passé devant notaire. Par cet acte fort long et assez « difficile à lire, tous les habitants du pays de Salm, qui « n était encore que Comté, représentés par leurs officiers « ou délégués à une assemblée générale convoquée et « tenue à Senones, déclarent reconnaître pour leurs « Souverains Seigneurs les Comte et illiingrave Jean et deFiédéric salin ce dernier, l re de Pliilippe-Otiion.
(1) .l1iso4r. de ?x ville Epis opale di leL .l rro.i:1 .Sui e, t-[)u. GILv11:R, Epinal 183i Ntes et pièces justificatives, piges 370. 371, 372. - 20 -
« premier Prince de lnl) moyennant quoi, ceux-ci pro- mettent de conserver, pr oléger et. maintenir leurs sujets « dans tous leurs droits, privilèges, coutumes, libertés et franchises, sans qu il y soit cependant dit en quoi eniisislerit ces droits, etc. . ,I ai pensé que le hasard des Révolutions ne ni au torisait pas à séparer ces cieux pièces fondamentales, et j ai offert le Partage de 158 à S. A. S le Prince Alfred de Saim- SuIm, oflicier autrichien en retraite, qui avant étudié l histoire de sa famille, n montré beaucoup de sympathie à notre Société Phiiomciiique vosqie.nne, dont il u demandé à étre membre; il a bien voulu l accepter, après une cor- respondance des plus documentées et des plus aimables. Je donne ce renseignement pour qu on sache que main- tenant ce précieux parchemin est à Anhul t. Mais, avant de l envo yer, grâce au concours de M. Paul Lecacheux , alors élève de c année à l leo!e des Chartes, j ai pu au mois de Mai dernier en avoir une copie exacte qui me permet aujourd hui de publier cette pièce ( I) si importante polir toutes les limihles dont les ancêtres, anciens habitants du Comté (le Salin, y ont leurs noms écrits, il y a près de trois cents ans. A Senones, les regis- tres paroissiaux, d après les recherches si complètes faites cii 1876 par M. le Curé Mangenot, ne remontent qu à 164e; et à Hadonviller, d après les renseignements fournis très aimablement par M. Nier, Secrétaire de la Mairie, ils ne datent que de 1640, c est donc de quarante ans en arrière qu on pourra remonter après la publication du Partage. Le Châtelain clii Comte du Rhin, Guillaume Cille, est cité deux fois, à I3audonviller et à Celles; le Gruyer du Comte du ftlmiti habite Levegiiev ( Luvignv), celui du
I) Je l ai fut suivre de la trad,ictini du titre d Erection de la Principauté de Salin, que j at Uonrte aux .\ hjv, s nationales, dans l ancien d1(t de Lor- raitie. K 1157. - 21
Comte de Sairri habite Baudonviller ; on ne voit pas d au- tres Maires cités nominativement que ceux (Je Ilaudon- villet et de Celles, ceux de Conway et d Aucerviller sont seulement rappelés, et cependant, d après l énoncé des Officiers du Comté appelés à dresser le Partage de 1598, on doit rencontrer des Prévosts et. (les Mayeurs, repré- sentant la justice du Seigneur. On sait que l autre Châ- telain de Saim s appelait Nicolas-Jacob en 1591 (1). A Senones, le nom du plus ancien Prévost qui nous soit connu ne remonte qu à -1601, lburm par les registres pa- roissiaux, c est le sieur Nicolas-Laurent, Prévost do la part du Comté de Salm, et qu on trouve dans l acte do baptême de sort Claude. Le sieur Ravilie, déjà (iruyer en 1620 (2), est le premier officier cité dès l ouverture du Registre, en 1642, comme Gruyer du Comté. Les Cures dont la collation appartenait aux Seigneurs étaient celles de Baudonviller, Perxsonne, Conway et Celles. Parmi les noms des habitants du Comté (le SaIm rappelés dans le partage de 1598, on en rencontre environ trente précédés de la particule de, D sans qu ils aient aucune prétention à se distinguer des autres. « Monsieur d Hanus (3) » est la seule personne qui se fasse remarquer par cette appella- tion alors importante de « Monsieur. Je rie crois pas qu on ait encore publié intégralement le Partage de 1598; Dom Calmet a cité le nom de toutes les localités à la suite de la Généologie des Comtes de Sain, dans son Histoire de Lorraine; Gravier, dans son Histoire de la Ville épiscopale et de l arrondissement de Saint-Dié, en a donné des extraits; M. Meaume, dans sort pour
1) Correspondance des Comtes de Saim, G. SAVE (Bulletin de la Société Philna(tqtLe vosgienne, 16 année, page 131). (2) Archives de Meurthe-et-Moselle. B. 9108. (3) Jean llanos, apothicaire de Mm, la duchesse de Lorraine, annobli par Charles III le 15 Juillet 1579. Note sur le nom de Hanus, par M. A. F0URNIER, Nancy, -1891. - 22 - les anciens usagers de Plaine, en 1868, s est 1)Orflé à don- ner quelques détails iins de ce document, sur les chiffres (le population du Ban de Salin à cette époque ; M. le Dr A. Fournier en a tiré récemment des chiffres comparés pour la population des bourgs et villages des Comté et Principauté de SaIm, en 4598 et en 1751, dans la Topo- graphie ancienne du département des Vosges, si savamment conçue (1). Les Archives des Vosges possèdent, comme je l ai dit plus haut, une copie de ce partage, faite par Fringard, Tabellion de la Principauté, en 1607, puis par Ravailler, on ne sait pas à quelle époque, mais Aubry signe avec lui la copie de l arpentage des forêts, il est donc son contemporain, et, comme le même Aubry signe en Décem- bre 1716 la copie des Archives des Vosges, j en conclus que Ravailler devait exister à la même époque, sinon un peu plus tôt, c est-à-dire près de cent ans après la création de l original que je possédais, et que n étant plus habitué à l écriture si difficile à lire des scribes de 1598, il ne pouvait pas faire une copie absolument identique à l ori- ginal. Il m a été facile de m en rendre compte en compa- rant les deux documents, maintenant que je possède une copie correcte; je tiens à donner ces détails pour prévenir les personnes qui, comme moi, ont pu avoir en mains cette pièce. Te (lois dire cependant, une fois l original déchiffré, qu il m a servi pour des noms de lieux difficiles à lire, mais que je puis certifier par d autres documents tels que des cartes. Il est à remarquer que dans le Partage et Arpentage des Bois et Forêts du Comté de Salm, clos le 31 Août 1598, « faisant loi entre les parties, » il n est pas question de
(I) Principauté de Saim, divisions, surface el population, chapitre VIII. (Bassin de la Meurthe, M. A. FOtJBNIEn, Epinal 1893. Annales de la Société d Ernula- tian des Vosges, année 1893). - - plans annexés à cette pièce; les Gruycrs et Arpenteurs se bornent a (tire la contenance de chacune des Forêts ou Bois, à décrire la plantation des bornes ou les rochers bornes (lui en tiennent lieu fréquemment dans un pays où ils sont si nombreux, ou les longues tranchées (JUI permettent, avec les ruisseaux et les limites des terres arables, d établir des lots très grands, de cinq à six mille arpents, qui couvrent de nombreuses vallées dans la montagne. Il n existait pas alors de carte détaillée du pays. Le Président Alix, dans son Dénombrement du Duché (le Lor- raine en 1594, ne fait mention que d une Carte topogra- phique du Comté de Bitche, dressée par lui il ne parle pas du Comté de Salin, dont l histoire n était pas encore intimement liée à celle de la famille ducale de Lorraine, comme elle le fut trois ans après; il ne cite Senones que comme siège de l Abba ye. J ai pu me rendre compte, par une étude des riches collections de Cartes de Lorraine qui se trouvent à la Bibliothèque Nationale, à Paris, et à la Bibliothèque Municipale, à Nancy, facilitée par les obligeants conservateurs, MM. Marcel et F avier, qu aucun géographe, avant 1738. n avait tracé sur une carte les limites du Comté de Salm ; les seuls qui l aient indiqué sont l Auteur de la Carte routière Allemande du commencement du XVI C siè- cle, dont un exemplaire se trouve à la Bibliothèque Natio- nale (1), orientée à rebours, où le mot Saliii est écrit à peu près à la place du Comté de Salin; puis Jean Schott, en 151, éditeur de la première Carte connue de Lorraine, dans lu seconde partie de l oeuvre de Ptolérnée, (lui indique Salin par un rectan gle sur un massif de forêts, entre deux vallées, où on lit Schirmeck et Haslac/ d un côté, Sanctus Deodatws, Rauontm, AlUns Mens et Lunaris Villa de l autre,
(1) Publiée par M. L. GALLOIS, dans les Géographes allemands de ta Renaissance, Paris, 1890. - 24 - et dessine les Armoiries de la famille de Saim sur la marge de la feuille. M. Beaupré croit que celte dcrni re Carte a été préparée par les géographes ( ) de Saint-lié, et fut éditée pal Sclott à Strasbourg, qui avait acheté le matériel et les ouvrages en préparation à Saint-.Di(., après la dislo- cation de l Imprimerie dirigée par le Chanoine Lud. Dans la carte intitulée Description de la haute et supé- rieure Lorraine, par Bussemachei , de (laie inconnue, mais dédiée au Duc Charles III, le ChàteaLl de Salin se trouve largement dessiné, le Comté n est représenté que par les armoiries du Comte, comme toutes les Seigneu- ries du pays, par le blason de leurs titulaires. Nolin, en 1685, sur la Carte des Duchez de Lorraine et de Bar, » inscrit le nom du Comté de Salin, mais sans dessiner de limites et en le donnant comme un fief de Metz; Liébaux, « Carte générale de Lorraine et d Alsace, » 1686, dédiée au Cardinal de Furstemberg, Abbé de Saint-Germain-des- Prés et Évêque de Strasbourg, indique un Comté de Salm qui semble partir de Saarbruck pour aboutir à la ville de Saline, écrite en grosses lettres. Jalliot, en 1704, « Partie méridionale de l 1vèché de Metz... terres adjacentes de Blamont, de Saim, » écrit « comté de SaIm, terre adja- cente à la Lorraine. D Après lui, de Fer (1708), Bugnon, (174-4725), ne donnent pas non plus le périmètre (le la terre de Saim. Chez ce dernier, la configuration du pays est bonne, la rivière (l ui I)aSSe à Seriories est dénommée presque correctement, il l appelle le Baba/eau. On voit qu il a fallu bien longtemps aux géographes pour arriver à se rendre un compte exact du pays où ils ont élevé la ville de Saline, qui n a existé que dans leur imagination, car il n y eut jamais que le Château et quel- ques maisons au-dessous.
(1) Recherches historiques sur le commencement de l imprimerie en Lorraine, Saint-Nicolas, 1815. - 25 -
Les historiens de la Maison des RIiingral ii ont os oublié 11011 plus cette ville suée (tans « ce paysinoiilagneux et eu sauvage, riche en forèts, en chasses, source ,, salées, avec beaucoup de fonderies et de forges, qu était d après eux le Comté de Salin (1). Gérard Mercator (le Ruremoride, en 1630, dessine un grand cours d eau entre les vallées de Celles et de Senones par une énorme amplification de la vallée forestière de Ilavine , et il place SaIm sur un aflluent de la Sarre ; on sait (lue CC géographe célèbre vint en Lorraine où il demeura Plusieurs mois; il fut arrêté dans sort par une maladie contagieuse régnant alors (Tans une région du pays, dont faisait sans doute partie le Comté de SaIm (). Tassin, dans sa carte du « Gowernement de Blaïnont ), » en 1631 , indique Baudonville, Pierreperce et Raon-sur- Plaine tout à l envers. Sanson, en 165G, nomme Pour la première fois la rivière de Senones, le Rapin. On voit apparaître en 1685, dans une cai : c Nolin , la ville de Salme, qui se voit aussi en 1700 dans une très licite carte de Sanson, comprenant les Duchés de Lorraine et de Bar, Baillages des Evêcliés et les trois villes de Metz, Toul et Verdun, n qui pourrait faire suite à la carte de la Lorraine et du Barrois au XVI e siècle, de Digot (4), qui n a pas la Préten- tion d être la copie d une carte du temps, sans quoi je. l eusse citée, car elle indique la Principauté de Salin très correc- tement, les frontières du coté de l Alsace aussi, ce n est que lit faite lors de la publication de son histoire, de cc qu était la contrée au XVI e siècle. La première carte du pays de Saim que je connaisse et qui soit sérieusement établie, n été faite par Pierrot, le
(1) SCUNEIDER citant Biching, Gshichte (les lVild und Rheingralic/sen IlauseN, lVolkes und Landes au! dem Hrncierùcken. Kreuznaeh 183/,, page 90 (2) DIGOT, Histoire de Lorraine, 20 édition, turne 1V, pege 330. (:1) Plans ci Profils des principales villes du Duché de Lorraine, planche Ili. (i) histoire de Lorraine, 2 ddifion, ii la Suite du tome lVi. 3 - 26 -
47 Avril 1738; c est sans doute la même personne qu on retrouve dénommée « Arpenteur en la MaItrise des eaux et forêts d Epinal, » en 176, sur le Plan des Rapailles de la Communauté de Gérardmer, publiée par M. L. Géhin (1). Cette carte était aux Archives des Vosges en 1869, elle ne s y trouve plus depuis l occupation allemande d Epinal, je l avais calquée au crayon en 1869, et je l ai donnée à la Bibliothèque dite de Dom Calmet, fondée en 4874, à la Maison (le cure (le Senones, à qui j ai offert tous les ou- vrages que je possédais écrits par le savant historien, avec quelques autres intéressant l histoire de Senones et de Moyenmoutier. Intitulée e. Carte (le la Principauté et du Comté de Salm, elle est la traduction complète de l Acte de Partage de 1598, car elle indique absolument les bourgs, villages, granges et seyes (scieries qui étaient la hase de l exploitation forestière du temps, parce que leur location emportait la jouissance d un canton déterminé de forêt) () appartenant au Comté, à la Principauté ou mi-partie. Elle est plus complète que la Carte topographique de la Principauté et du Comté de Salin i publiée en 1868 par M. Meaume dans son Mémoire pour les anciens usagers de Plaine, plaidant contre la commune et dont on ignore la date et l endroit où elle se trouve aujourd hui. Celle de Pierrot, d une grande dimension, est faite plus simplement; elle est à l échelle de 13 centim. environ pour une lieue, avant 75 centim. de long pour une longueur de cinq lieues trois quarts environ de terrain, de la Scierie de Marphose (Malfosse) au col entre les deux Douons. Les chemins sont indiqués comme dans la carte de M. Meaume. L I-Iermitage
(1)Gérardmer â travers les Ages. (Bulletin de la SocétéP/zi1o,natique vosgienne, 18 année, page 266). (2)La Scie-l Abbé, au-dessus de Moussey, dans la vallée de Senones, qui faisait partie de la mense abbatiale de Dom Cairnet, produisait au moment du partage de 17M, près de 11.000 livres pour une durée de 4 ans. Original sur parchemin de 4 feuillets in-4e, ma collection. Don de M. P. Barthélemy). - 27 - de Lairieix appartenait fL la Lorraine, nous savons par un dessin de Dom Pelletier quelle en était alors l importance. Il est possible que Dom Pelletier, s il a fait la carte repro- duite par M. Meaume, (comme ce savant lé giste le croit,) se soit inspiré de celle de Pierrot, car il est presque impossible qu il ait pu la lever lui-même, et cet arpenteur Pierrot avait fort bien pu se trouver en rapport avec le célèbre Cassini, qui publiait comme ou sait dès 1734 son rapport sur ses observations faites sur le Donon dont il mesurait la hauteur, mais dont les premières cartes n ont paru que dix ans après, en 1744. Il s établit par suite du Partage de 1598 un état de choses qui dura jusqu en 1751, avec des tentatives de sortir de l indivision à différentes époques, surtout du côté du Prince de SaIm; mais la Lorraine, indivise avec la Princi- pauté, était trop intéressée à conserver les passages de montagnes sur l Alsace pour y souscrire. M. Meaume, dans son travail déjà rappelé, sign:de la fui de cette situa- tion qui reportait au Moyen Age, et qui était une singularité frappante au XVIIIC siècle, dans les bourgs mi-partie ou on changeait de justice et de collecteur en changeant de maison; elle ne pouvait durer que parce que les deux Souverains ne résidaient pas souvent dans le pays, tout au moins simultanément, et que les Officiers des Princes étant eux-mêmes Lorrains. Leurs rapports n étant avec leurs Seigneurs que des rapports fiscaux, ils suivaient la législation lorraine, sauf dans les rapports avec l Empire, en sauvegardant la Souveraineté de leur maître le mieux qu ils pouvaient. Du Partage de 1751, qui eut pour résultat de faire de Senones la Capitale de la Principauté, corollaire de celui de 1598, il existe une copie textuelle dans le même format, et identique au superbe album de 33 feuillets grand aigle, avec une carte intitulée « Carte Topografique (Sic) de la - 28 -
Prinripan té et du Comté de salin, ) qui se trouvait availi, 1870, aux Archives des Vosgcs. La carte est ornée d un beau cartouche Louis XIII fort bien dessiné, et surmontée d une tète d homme casquée avec un carton à profil très fin ajouré, ou se jouent des branches de laurier; elle offre le périmètre du Comté avant le partage, comme les deux autres déjà citées, il est peint eu rouge; les villages, les granges et les scieries du Prince de Salin-Sali sont éga- lement soulignés en rouge; ceux du Duc de Lorraine cii jaune. Pour les villes, bourgs, etc., mi-partie, il n y a pas de teintes. Les couleurs rouge et jaune se m attachaient sans doute au fond des blasons des deux comparsonniels. C est dans cet album que j ai trouvé le chiffre de 77.000 arpents pour le total de la contenance des forêts, qui n avaient pas changé d étendue depuis 1598, mais qui s étaient certainement améliorées comme qualité, d abord pal l énorme diminution de la population pendant la guerre de Trente ans qui laissa les bois inhabités, puis par la surveillance des officiers de la Gi uerie réorganisée du Duc Léopold, empêchant les habitants de couper les bois, de se créer pal des incendies des « breutées, » comme p- turages, ou des cultures dans les « essarts, » surtout d introduire dans la forêt les chèvres, cri limitant et eu cantonnant les moutons, enfin, d empiéter sur les con- tours alors définis. l. Cli. Guyot nous apprend qu à partir de 1609, le principe d in aliénabilité et d irnprescribihité fut mis cmi vi gueur en Lorraine pour les fbu èts (1). J ai dominé à la bibliothèque de la cure de Senones en 4874 la susdite copie que j avais fait faire à Épirial, dont la carte a été un peu déformée comme caractère pal le des- sinateur moderne, mais je possède une photographie de celle (lui ornait l album original. Elle est exécutée dans