revue d'histoire du bas saint-laurent

LES COMMUNICATIONS DANS LE BAS SAINT-LAU revue EXECUTIF: Président Jean-Yves Leblond d'histoire Vice-présidents Antonio Lechasseur Jacques Ouellet Secrétaire Marie-Ange Caron du Trésorier Germain Thériault Directeurs Robert Claveau bas saint-laurent Noëlla Jean Bouchard Jacques Lemay James-Douglas Thwaites

Comité de Robert Claveau Revue publiée rédaction de la Noëlla Jean Bouchard par la Revue Antonio Lechasseur Société d'Histoire Jacques Lemay du Bas Saint-Laurent Jacques Ouellet 60 ouest, de l'Evêché James-Douglas Thwaites Rimouski, Québec. Conseillère Lisette Morin

septembre 1977 volume IV numéros 3-4

SOMMAIRE

EDITORIAL: COMMUNICATIONS ET DEVELOPPEMENT D'UNE CONSCIENCE COLLECTIVE REGIONALE Jacques Lemay 2 LE TELEPHONE DANS LE BAS SAINT-LAURENT Monique J. Lebel 3 à 18 D'UNE SOCIOLOGIE DES MASS MEDIA A UNE HISTOIRE DES COMMUNICATIONS Benoit Lévesque 19 à 22 ENTREVUE AVEC JEAN-PAUL LEGARE Anton io Lechasseu r 23 à 26 CKBL: UNE STATION REGIONALE 1948-1972 Bertrand Emond 27 à 30 UN JOURNAL PAR LUI-MEME: LE "PROGRES DU GOLFE" DE 1904 A 1954 Antonio Lechasseur 31 à 37

Note: Ce numéro a été entièrement defrayé par la Compagnie Québec-Téléphone qui fête cette année son cinquantième anniversaire. Nous les remercions de cette générosité. NDLR

Page de la couverture: Dépôts légaux: BIBLIOTHEQUE NATIONALE DU BIBLIOTHEQUE NATIONALE DU La distribution du présent numéro nous a été facilitée grâce à la collaboration de la Maison Les Distribution Eclair: Roland Amiot, concessionnaire. Numéro international Photo fournie par normalisé des publications QUEBEC-TELEPHONE en série: ISSN-0381-8454

éditorial Communications et développement d'une conscience collective régionale

Depuis quelque temps, le domaine des communications du Bas St-Laurent a valu à notre région de faire à quelques reprises la manchette de l'information natio­ nale. Avec la guerre du "câble" et la venue de Radio-Canada à Rimouski par exemple, le dossier des communications s'est étoffé d'éléments spectaculaires. De conférences en rencontres privées, de colloques en réunions au sommet, de discussions en dis­ cours, de procès en contre-procès, les interlocuteurs lui ont conféré un relief diffé­ rent, des couleurs nouvelles tandis que les circonstances politiques lui ont prêté une importance accrue. Malgré tout ce remue-ménage publicitaire, bien peu de gens, comme c'est le plus souvent le cas en pareilles circonstances, se sont préoccupés d'évaluer les con­ séquences de ces "événements" par rapport au développement d'une conscience col­ lective régionale. Il devait sembler inutile voire inconvenant au citoyen satisfait d'avoir une plus grande liberté de choix d'émissions divertissantes, d'information de la métropole, et de sport, de se poser une telle question. De même l'affiliation de notre station locale au réseau d'état devait n'émouvoir presque personne quant à la perte d'un pouvoir ré­ gional en matière de communication au profit de la métropole, là où se trouvent les grands moyens d'information, de communication autant que les moyens financiers. Notre problème de développement d'une conscience collective régionale, ra­ mené à ce qu'il peut avoir de plus limité, est donc devenu ouvertement un problème de communication, mais au sens où celui-ci ne se ramène plus aux difficultés de ré­ ception mais, plus encore, à celles de l'émission. La réception de chaînes nationales ou américaines nous apporte une parole et une image qui pour être neuves ne sont pas d'ici. Un réseau régional de communica­ tion, au contraire, devrait veiller à l'émission de valeurs culturelles d'ici, c'est-à-dire en aidant la population à comprendre, à analyser sa situation dans son langage propre, à libérer les forces d'expression et à lui faire connaître le potentiel de son milieu. Les gens de notre région ont quelque chose à se dire, ils veulent se le dire avec une voix qu'ils reconnaissent, une voix qui soit la leur. L'implantation de radios et télévisions communautaires s'inscrit tout à fait dans cette problématique. D'autre part, la création d'un conseil régional des communications, nous fait anticiper les premiers jalons d'une politique apte à promouvoir et à défendre les intérêts de notre collectivité. En dégagerons-nous un modèle original de développement d'une conscience collective régionale? Il me semble que pour les prochaines années, cela engagera un langage où le passé, une fois encore mais plus étroitement qu'hier devra se mêler aux impératifs de l'avenir. La Revue d'histoire du Bas St-Laurent fait de son numéro de la rentrée de sep­ tembre 1977, celui qui cherche à évoquer, par des témoignages vécus, certains as­ pects importants de la communication en rapport avec l'évolution de l'Est du Québec. Jacques Lemay

2 · Les Communications dans le ' Bas St-Laurent' (~eYOrj~~ , t:Xu a.;.~ ~ . ' ~; " ..... ~'-. t:i ~ . ~ .... ',

Reproduction d'une requête adressée le 22 mars 1898 au conseil du canton McNider, voisin de Saint-Octave. A l'endos de ce document [no 103], on lit: "requête renvoyée par le Conseil en date du 6 juin 1898".

3 Le téléphone dans le Bas Saint-Laurent

Demers, Brillant, voilà les deux Joseph-Ferdinand Demers, vient flète sans doute les moyens noms qui viennent à l'esprit s'établir au même endroit, il ne financiers de la population ru­ quand on parle des origines du trouve rien de mieux à son tour rale de l'époque, en même téléphone dans le Bas Saint-Lau­ que d'ériger une ligne de télépho­ temps qu'une certaine hésita­ rent, Saint-Octave-de-Métis si­ ne entre sa maison et la gare du tion à se lancer dans une en­ tuant le lieu de l'action. chemin de fer. (1) treprise de cette envergure. Le Bossé et Dupuis sont deux au­ risque sera bien calcule puisque, tres noms qu'on ne peut passer Au moment où le docteur Mi­ d'assemblée en assemblée, ce sous silence car, si le premier a chel-Thomas Blais, leur prédéces­ capital sera porté progressive­ précédé Demers d'un an, le se­ seur, mourut du typhus en 1896, ment à $5 000, puis à $50 000, cond a fortement marqué la pé­ il ne s'attendait certes pas à ce $100 000 et $1 000 000 pour at­ riode qui sépare Demers de que deux médecins viennent pren­ teindre $5000000 en 1907. Si Brillant. dre la relève. Après s'être fait Victoria était alors reine de la concurrence un certain temps, Grande-Bretagne et Louis-A. Jetté Demers et Bossé conclurent sû­ lieutenant-gouverneur du Québec, Alliance Bossé-Demers rement une alliance car, à pei­ c'étaient Louis-Félix Pineault, C'est en 1897 que François• ne Demers a-t-il fondé sa pro­ Thomas LeBel, Joseph-Ferdinand Xavier Bossé met sur pied la pre compagnie (en avril 1898), le Demers, Philéas Côté et Louis­ Compagnie de Téléphone des nom de Bossé apparaît dans la Napoléon Desrosiers qui endos­ comtés de Rimouski et Matane, liste des actionnaires (en septem­ saient, à titre de directeurs, la s'étant rendu compte peu après bre 1898). La Compagnie du Télé­ responsabilité de la Compagnie son arrivée, à la fin de 1896, que phone de Métis, qui reçoit ses naissante. Mis à part les 10 ac­ la pratique de la médecine à lettres patentes le 2 mai 1898, tionnaires de Saint-Octave, les Saint-Octave ne pourrait absorber dispose d'un capital social de . autres se recrutaient à Mont-Joli, toutes ses énergies. Aussi, quand $2500, divisé en parts de $10 Sandy Bay, Sainte-Angèle-de-Mé­ un deuxième médecin, le docteur chacune. Ce mince capital re- rici, Fraserville et Québec.

Le docteur et madame François-Xavier Bossé. La gare de Saint-Octave-de-Métis, en 1897.

4 A la première réunion des di­ que le curé Chouinard de Saint­ tester contre le tarif établi pour recteurs provisoires, le 27 juin, le Octave-de-Métis accède à la pré­ eux. Ils obtiennent, peu importe règlement 9 prévoit que "l'action­ sidence, L.-N. Desrosiers deve­ le nombre de chambres, de ne naire ne sachant signer apposera nant vice-président et le directeur payer que $15 si les cl ients paient sa marque (x)", tandis que le "rè­ Demers, gérant et secrétaire-tré­ leurs messages, mais $20 dans le glement 11 dispense de donner sorier. Alphonse-Bénoni Dupuis, cas contraire. La ligne est pro­ un avis (d'assemblée) dans le Bossé et Demers sont les trois longée de Sandy Bay à Matane et journal le plus proche ... vu qu'il actionnaires majoritaires, déte­ de Sainte-Flavie à Rimouski. Dès n'y a pas de journaux publiés nant 10 parts et plus chacun. 1899, le réseau Bell à Rimouski dans le district". (2) Déjà on reconnaît l'importance est acquis pour $1 935, même si A la deuxième réunion, si l'on du secret des conversations télé­ la demande initiale était de se réfère aux articles du procès­ phoniques puisqu'un règlement $2000. verbal, il est résolu 1 0 d'ouvrir un exige d'assermenter à cet effet central à Sandy Bay; 13 0 d'y oc­ deux personnes à chaque central. Premières ambitions troyer à Arsène Thibeault "un Pour les gens de passage, on "Obtenir le pouvoir d'étendre contrat pour charroyer des po­ prévoit une carte d'abonnement notre ligne de téléphone depuis le teaux et les planter entre l'église de $0,50, valide durant dix jours bassin de Gaspé jusqu'à Lévis et de Sandy Bayet la rivière Tarti­ consécutifs. ces deux places inclusivement", gou" ; 15 0 de rallonger la ligne A l'occasion du transfert, de la telle est la première ambition de jusqu'à Matane; 1 r de retourner maison d'A. Parent à celle d'A. la Compagnie, ambition qui deux paires de grappins (clim­ Talbot, du central de Rivière­ l'amène à autoriser l'actionnaire bers) à $5 "vu qu'ils sont refusés Blanche en 1899, on apprend que Anctil, en janvier 1900, à "entrer par nos hommes"; 23 0 de fixer à l'agent local reçoit gratuitement en pourparlers ou négociations $15 par année "le prix de sous­ l'abonnement d'un an pour un té­ avec toute autre compagnie exis­ cription pour une boîte télépho­ léphone, en compensation des tante ou se formant. .. et étendre nique" et à $20 par année le tarif services fournis. Les hôteliers se ladite Compagnie du Téléphone pour les hôteliers ayant plus de rendent en délégation pour pro- de Métis . . . " 12 chambres à coucher et permet­ tant l'usage gratuit de l'appareil Maison de la rue Saint-Pierre à Rimouski, achetée en 1905 pour y aménager le central téléphonique à leurs pensionnai­ téléphonique de la Compagnie de Téléphone de Bellechasse. res; 24 0 de prélever des frais ba­ sés sur la distance dès qu'une "boîte" est à plus d'un mille du central. De pair avec l'augmentation du capital social, le nombre de parts qu'un actionnaire doit détenir pour être éligible comme direc­ teur passe graduellement de l'uni­ té à cinq, puis à dix et à vingt pour aboutir à cinquante, ou cinq cents dollars d'actions, à la fin de 1900. Les tarifs variant entre 10c, 15c et 25c du message, on dé­ nombre un total de 40 appareils, en septembre 1898, dans les cinq mu n ici pal ités de Sai nte-F lavie, Sainte-Angèle, Saint-Octave, Pe­ tit-Métis et Sandy Bay . .. 40 té­ léphones mais 41 actionnaires, dont celui qui récolte le plus de votes est élu président à la réu­ nion d'octobre 1898. C'est ainsi

5 Compagnie de Téléphone de Bel­ fut encore grâce aux poteaux don­ Grand-Métis a été fermé en 1901, lechasse nés que la ligne put être érigée de mais que le téléphone est rendu à Sainte-Luce à Saint-Gabriel. Saint-Donat et Saint-Gabriel via Le 12 février 1900, "la fusion A la réunion d'octobre 1900, Sainte-Luce, à Sainte-Blandine, avec Bellechasse est déclarée fai­ où il fut également fait rapport de Pointe-au-Père et Sacré-Coeur via te et la Compagnie du Téléphone travaux à Lévis et dans les envi­ Rimouski, alors que Saint-Dama­ de Métis est par ce fait éteinte", rons, il fut décidé que les assem­ se, Saint-Moïse, Petit-Métis, le bureau restant à Métis et les blées se tiendraient dorénavant à Grand-Métis, Sainte-Angèle, règlements de "Métis" remplaçant Lévis ou à Saint-Octave et que les Saint-Octave et Price Mill se trou­ ceux de "Bellechasse"; dernière convocations seraient publiées vent raccordés via Saint-Octave. réunion des actionnaires à Saint­ dans "Le Quotidien" de Lévis. De plus, la ligne de télégraphe Charles (de Bellechasse), le 24 s'étendant de Rimouski à Sainte­ Il y avait alors 39 abonnés à janvier, et première réunion de Flavie a été acquise pour $125 "Bellechasse" à Saint-Octave, le Rimouski, 26 à Matane, 15 à et la compagnie "Price Brothers" Saint-Octave, 14 à Sainte-Flavie, 29 janvier. En mars, une lettre est a cédé pour $50 ses poteaux et expédiée au préfet du conseil de 10 à Petit-Métis, 8 à Grand-Métis lignes téléphoniques de Grand­ et 7 à Bic. Pour un total de 157 comté du Témiscouata en vue Métis à Saint-Octave et de Grand­ appareils, le revenu annuel des d'installer une ligne téléphonique Métis à Price Mill. Les poteaux abonnements est de $2 700 en dans les limites du comté. sont achetés pour relier le termi­ 1900, les souscriptions variant en­ nus de Bic à La Compagnie de La ligne téléphonique mesure tre $5 et $25 par année. alors 150 milles en tout et le doc­ Pouvoir Electrique de Fraserville, teur Demers reçoit le mandat de Un câble sur le pont de Québec ce qui se fera en 1902, la ligne négocier l'achat du réseau Bell A la réunion du 20 décembre entre F raservi Ile et Sai nt-Charles "de L'isiet à Lévis, du réseau de 1900, les directeurs décident de venant terminer le raccordement Saint-Philémon à Saint-Vallier, de tenir leurs réunions ailleurs, le des réseaux de l'est et de l'ouest : la ligne de télégraphe de Saint­ "bureau de la Compagnie n'étant en 1903. Les autres travaux exé­ Charles à Saint-Gervais et de tout pas un endroit jugé assez dis­ cutés en 1902 concernent Sai nte­ autre réseau sur le parcours". cret". Et l'année n'est pas encore Félicité, Cap-à-La-Baleine, Saint­ Pour fins d'abonnement, la Com­ terminée qu'on entre en pourpar­ Luc, Sainte-Blandine, Saint-Fa­ pagnie est divisée en sections, lers avec La Compagnie du Pont bien et Saint-Simon. Autorisation "Matane et Rimouski s'appelant la de Québec en vue d'obtenir un d'embaucher un teneur de livres, section de Métis", les autres pre­ droit de passage pour les lignes achat de la Compagnie de Télé­ nant le nom de leurs comtés res­ et les câbles téléphoniques sur le phone de Lotbi n ière et de 107 pectifs. pont en voie de construction. parts de La Compagnie de Pou­ En 1901, $100 suffisent pour voir Electrique de Fraserville, Le 25 mai, on achète un pre­ voilà qui nous mène au cinquième mier char de broche et, le 1 er acheter la ligne de Z. Côté à Saint-Anaclet. Une entente est rapport annuel de la Compagnie septembre, Georges Demers est en juin 1903. Si l'on exclut les autorisé à payer $1 800 au curé conclue pour la transmission des messages avec La Compagnie de dons en matériaux et travaux, le Joseph-Honoré Fréchette de réseau a coûté jusque-là Saint-Malachie pour l'achat de la Téléphone de Beauce, ainsi que $79 533,06. Même si le solde ligne de téléphone allant de pour la construction à frais com­ n'est que de $1 691,66 en fin Saint-Anselme à Saint-Edouard­ muns d'une ligne se terminant au central de Sainte-Marie. d'année, la pose d'un câble sous­ de-Frampton. marin entre Lévis et Québec ne Au 1 er octobre, on rapporte que Comme les actions de la Com­ semble pas un projet trop auda­ la construction est terminée de pagnie valent maintenant $100, on cieux pour la direction, les autres Rimouski à Bic et de Sandy Bay à imprime des blancs de coupons rêves consistant en un circuit à Saint-Moïse. L'année précédente, de $10 représentant des d izièmes l'île d'Orléans et une ligne devant soit en 1899, on avait décidé de de parts, ce qui l'ln facilite l'achat relier Trois-Rivières à Shawinigan. prolonger la ligne jusqu'à Sainte­ aux petits actionnaires. On se contente toutefois d'ache­ Félicité en essayant d'obtenir les Les travaux se jJartagent désor­ ter une ligne de téléphone locale poteaux des clients, mais de mais entre les districts de Lévis à Saint-François-de-Ia-Rivière-du• ne construire de Saint-Damase à et de Rimouski. Si nous nous at­ Sud et d'envisager un peu de Causapscal que si les poteaux tardons dans ce dernier district, construction à , Cedar étaient fournis par les clients. Ce nous constatons que le central de Hall (Val-Brillant) et .

6 La route du Témiscouata a été prolongée de Causapscal à "Si nous n'existions pas dans En 1904, la Compagnie étend Matapédia, des embranchements cette province pour fournir des son réseau à Saint-Eloi, Saint­ ont été faits sur le chemin Taché communications rurales à bon Epiphane, Saint-Hubert et Saint­ dans le comté de Témiscouata, marché, les campagnes demande­ Honoré, où elle se relie au ré­ au Mont-Carmel et à Saint-Onési­ raient à grands cris au gouverne­ seau privé que possède Thomas me dans celui de Kamouraska, ment d'opérer un système provin­ LeBel jusqu'à Notre-Dame-du­ puis à Saint-Jean Port-Joli, Saint­ cial afin de leur p,-ocurer cette Lac; elle s'installe également à Roch-des-Au 1naies, Sai nt-Au bert, grande utilité publique et le mi­ Saint-Mathieu, Saint-Valérien et L'islet, Saint-Eugène et Saint-Cy­ nistère serait forcé de faire ... de Saint-Léon-Ie-Grand, redresse en rille dans le comté de L'isiet. grandes dépenses d'enquête et de la faisant passer par le chemin Enfin, un dénommé G.-A. Binet législation, tel que vient de le Kempt la ligne téléphonique qui est embauché comme gérant local faire la Province ou Manitoba va de l'église de Saint-Octave à à Fraserville, en remplacement de pour satisfaire à leurs deman­ l'église de Saint-Moïse et bâtit la feu Thomas LeBel. des". ligne qui va du Lac-au-Saumon à C'est ainsi qu'on atteint les Causapscal. 2000 abonnés et les 1 000 milles Câble sous-marin Elle investit dans la Compagnie de lignes dans 11 comtés à la Le 23 mars 1907, autorisation de Téléphone Provinciale, elle mi-mars 1906, le circuit de "Bel­ est donnée de faire les arrange­ achète un terrain avec bâtisses à lechasse" se poursuivant de façon ments voulus pour le drùit de Fraserville, puis transfère à Lévis ininterrompue de Saint-Jean-Des­ passage sur les quais de chaque son principal bureau d'affaires, chai lions à Matapédia, où se fait rive du fleuve, relativement au câ• résidence du gérant comprise. le raccordement avec la province ble sous-marin. Le 26 avril, un Matane, Rimouski, Kamouraska, voisine. Le 28 avril, Ernest Beau­ bail de trois ans est signé avec Tém iscouata et L'isiet comptent bien est embauché comme comp­ un dénommé Taché relativement à parmi les dix comtés où "Belle­ table; nommé secrétaire-trésorier la location du deuxième étage de chasse" est établie en 1905, alors peu après, il connaîtra les hauts l'immeuble situé à 97, rue Saint­ que le Témiscouata lui donne son et les bas, les succès et les Pierre, à Québec, ladite Cité plus fort contingent d'abonnés. déboires d'une jeune compagnie ayant donné son accord, à lau­ Des travaux sont faits à Matane, en pleine expansion. tomne 1906, pour l'exploitation du Matapédia et Fraserville, des im­ Ne retenant des multiples acti­ service téléphonique. Les C0m­ meubles sont achetés à Rimous­ vités qui se déroulent dans le missaires du havre acceptent éga­ ki, Rivière-du-Loup et Lévis mais, secteur ouest que ce qui se rap­ Iement qu'un câblt;l sous-marin ce qui impressionne le plus en porte à l'audacieux projet déjà soit placé en travers du fleuve 1905, c'est la mise en service de mentionné, nous noterons qu'une entre les cités de Québec et de la ligne reliant Lévis à Rivière­ assemblée spéciale est convo­ Lévis . L'ingénieur Presson est du-Loup, le prolongement de la quée en 1906 en vue d'un emprunt embauché comme surintentant ligne de cuivre de Rivière-du-Loup pour le câble souterrain et qu'on général pour la construction du à Saint-Octave (3), la signature songe même à construire un cir­ réseau à Québec. Quand "BeIl8- d'un contrat de raccordement cu it dans toute la vi Ile de Qué­ chasse" devient officiellement "La avec "The Central Telephone bec, comme Bell l'a fait. Il est Compagnie de Téléphone Netio­ Company" (aujourd'hui New donc important de faire disparaî• nale" le 6 août 1907, elle obtiert Brunswick Telephone) de Sussex, tre au plus vite les circuits "ter­ le droit de passage partout au signature d'un contrat avec la rés" pour les remplacer par des Québec, sauf sur l'île de Mont· Compagnie du Chemin de fer de circuits métalliques et d'avoir réal. Gaspé pour utilisation de ses po­ trois lignes tout le long du par­ A cette date, où en est le télé­ teaux, achat de la balance des cours de Scott-Jonction à Mata­ phone aans le Bas du fleuve? parts de "Fraserville" et acquisi­ pédia. Toutes les rues de Rimouski sont tion de la Compagnie de Télé­ raccordées au central, 10 milles phone de Saint-Paul-du-Buton. Vocation rurale de ligne ont été installés dans S'il est encore question d'un rac­ Quand le gouvernement provin­ trois concessions de Trois-Pisto­ cordement avec la Basse Ville de cial parle, en janvier 1907, d'im­ les et il y a un embranchement de Québec, les travaux se poursui­ poser une taxe qui s'élèverait à Saint-Cyprien à Saint-Honoré et vent dans le ~ comtés de l'est; à $2 000 par année pour "Belle­ de Saint-Jean Port-Joli à Saint­ la fin de 1905, la ligne de poteaux chasse", J .-F. Demers rétorque: Pamphile. Au moment de la ;nise

7 en service d'un standard "moder­ Si l'on en juge par le montant sont échangées contre 75 parts ne" à Rivière-du-Loup en mars des assurances payées, les pro­ de "Saint-Maurice et Champlain". 1908, la route téléphonique de priétés les plus importantes se Les deux langues officielles Rivière-du-Loup à Sainte-Hélène trouvent, dans l'ordre, à Rivière­ ayant toujours eu cours au Qué­ est terminée et un nouveau cen­ du-Loup, Lévis, Rimouski, Saint­ bec, il est décidé, à la réunion trai a été installé à Saint-Jean­ Henri Jonction, Montmagny, des actionnaires de mars 1908, de de-Dieu, ainsi qu'au canton Saint­ Sainte-Flavie, Trois-Pistoles et faire paraître dans un journal Honoré. Bic. 75 parts de la "Nationale" français et un journal anglais de Québec, en plus du journal de Lévis, les prochains avis de con­ vocation des assemblées annuel­ Si la Compagnie du Téléphone de Mé­ 1940 réseau de Saint-Vianney tis fondée par le docteur J.-Ferdinand 1946 réseau de Grande-Vallée les, Demers est considérée comme le berceau 1947-57 Compagnie de Téléphone du En vue de la construction du de Québec-Téléphone, c'est l'honorable Golfe Saint-Laurent, Limitée pont de Québec, des poteaux ont Jules-A. Brillant qui en est reconnu à 1947 La Corporation de Téléphone juste titre comme le fondateur. S'étant de Québec (Corporation de été installés dans toutes les rues porté acquéreur, en 1927, des actions du Téléphone et de Pouvoir de de Chaudière Curve, un câble président de la Compagnie de Téléphone Québec) nouveau a été posé à Saint-Ro­ Nationale, Jules-A. Brillant prit alors la 1955 Québec-Téléphone (La Cor­ direction de cette compagnie qui , agglo­ poration de Téléphone de muald et trois grandes lignes as­ mérée à de nombreux autres réseaux Québec) surent la communication entre téléphoniques, devait constituer plus tard 1956 réseau de Baie-Comeau , ré­ Lévis et Scott-Jonction. Le systè­ le patrimoine de Québec-Téléphone. Voici seau d'Albertville et Sainte­ les principales constituantes en ce qui Marguerite me automatique est maintenant concerne le Bas Saint-Laurent. 1957 : réseau desservant Saint­ chose faite à Québec, et faite par Alexis-de-Matapédia, Saint­ 1893 : Compagnie de Téléphone de la "Nationale". En effet, un ta­ François-d'Assise et L'Ascen­ Bellechasse sion-de-Patapédia, réseau de bleau de distribution "Automatic 1897-98 : La Compagnie de Téléphone Clarke City des comtés de Rimouski et Electric" y dessert 50 appareils 1958 : lignes téléphoniques de Matane (absorbée par Métis) téléphoniques, installés dans au­ Saint-Adelme, Cherbourg, 1898-1900 : La Compagnie du Téléphone Saint-Ulric , Saint-Léandre, tant d'endroits de la Basse Ville. de Métis (fusionnée à Belle­ Sainte - Thérèse - de - Gaspé, chasse) Sainte-Paula, Saint-Damase, 1899 : réseau Bell de Rimouski, Premières démissions Saint-Cléophas, La Rédemp­ dont l'origine remonte à 1890 tion, Saint-Nil, Saint-Vian­ L'administration de la "Natio­ 1901 : ligne de Z. Côté à Saint- ney , Saint-René-Goupil, nale" ne se fait pas sans quel­ Anaclet Saint-Octave-de-l'Avenir, Cap­ 1906-53-71: La Compagnie de Téléphone ques heurts; c'est ainsi qu'on as­ des-Rosiers, Irishtown, Cap­ Bonaventure et Gaspé, li­ d'Espoir, Saint-Gabriel-de­ siste à des démissions en série. mitée Gaspé, Rameau, Grande-Ri­ Le 2 septem bre 1908, le président 1907-27 La Compagnie de Téléphone viére, Port-Daniel, Thivierge, Nationale (englobe Belle­ Georges Demers démissionne, Saint-Omer, Saint-Louis-de­ chasse) Gonzague et Saint-Jean-de­ E.-B. Garneau est élu; le 16 sep­ 1916-27 La Compagnie de Téléphone Brébeuf tembre, Garneau (Turgeon élu) et Matane et Gaspé 1963 Syndicat de Téléphone de 1927 (juin): La Corporation de Téléphone R. Turner démissionnent; le 6 oc­ Sa i n t -Eugéne-de-Lad riére et de Valeurs d'Utilités Publi­ tobre, le président Turgeon (Dus­ 1966 Anglo-Canadian Telephone, ques du Québec filiale de GTE , devient ac­ sault élu), J.-F. Demers et Pres­ 1927 (no- La Corporation de Téléphone tionnaire majoritaire de Qué­ vembre) : et de Pouvoir de Québec son démissionnent, mais Turner bec-Téléphone revient alors sur sa décision et 1935 La Compagnie de Téléphone 1966 réseaux de Saint-Come, t,at;onale (détenue par La Saint-Prosper, Saint-Benja­ reste au bureau de direction. Le Corporation de Téléphone et min , Saint-Martin et Télépllo­ standard automatique placé en de Pouvoir de Québec): ne de Saint-Georges Inc. démonstration par" Automatic (1936) Matane et Gaspé , 1971 réseau de Saint-André-de­ Beauce, Saint-Joseph-de­ Restigouche Electric" semble être au coeur du Beauce, Saint-Ephrem-de­ 1972 réseau de Port-Menier, Ile problème: le 1 0 novembre 1908, Tring, Sainte-Marie, Métis d'Anticosti ordre est donné de l'enlever en ne 1936 : Compagnie de Téléphone 1974 extension au 52e degré de Portneuf et Champlain (déte­ latitude de la limite nord du gardant que la table de distribu­ nue par La Corporation de territoire de Québec-Télépho­ tion et les appareils installés Téléphone et de Pouvoir de ne, par ordonnance de la dans le bureau; le 7 janvier 1909, Québec): Bellechasse, Port­ Régie des services publics neuf, Saint-Maurice et Cham­ du Québec on recommande de discontinuer plain la démonstration à Québec; le 1 er mai, le représentant de la com-

8 pagnie américaine quitte Québec; rester gérant général "à la condi­ réactions en chaîne ... le 4 j u in, les plans et spécifica­ tion expresse et formelle qu'il Le 1 er novembre 1911, des tions nécessaires à la construc­ consacre tout son temps à la augmentations de salaire sont tion du système automatique compagnie"; il démissionne alors accordées aux principaux em­ dans toute la cité de Québec sont de toutes les autres compagnies ployés. C'est ainsi que la rému­ entièrement terminés; le 24 août, dont il fait partie, à l'exception de nération d'Ernest Beaubien, gé­ on étudie la possibilité d'obtenir "Beauce", et il garde la présiden­ rant général, est portée de $100 un câble de "Canadian Electric ce de l'Association des compa­ à $140 par mois; celle de J.-Valè­ Light Co." au lieu de lui payer un gnies de téléphone indépendantes re Plante, surintendant, de $75 à dollar par jour pour l'usage du du Canada (5), mais il démission­ $95 et celle de Noël Lemieux, câble transportant les messages nera finalement de son poste de comptable, de $40 à $55. Le gé­ de la rive sud au système auto­ gérant général le 31 juillet 1909 rant du trafic se nomme alors matique à Québec; quand ce sys­ pour devenir administrateur-fon­ Noël Riendeau. tème sera finalement débranché dateur de La Traverse de Lévis Li­ en septembre 1909, des difficul­ mitée au début de 1910, l'année Le 22 janvier 1912, la Compa­ tés avec "Bell" nuiront à la trans­ même où il devait décéder. gnie acquiert à Québec pour missions des communications à $7 000 la propriété Ratté, située sur la rue Saint-Joachim, près de Québec et cette situation durera Période de transition jusqu'à la cession, en septembre la rue O'Connell, avec l'intention De nombreux remaniements in­ d'une partie du réseau de la de la démolir pour faire place au 1915, ternes se produisent avant ce dé­ rive sud, dont la section de Lévis. central automatique. En 1913, le part, les différents districts, président Belleau se rend à Lon­ (4) soient Lévis, Sainte-Flavie, Mont­ dres avec un courtier de Chicago Au début de 1909, 100 télépho­ magny, Rimouski, Témiscouata et pour vendre des obligations de la nes "harmoniques" sont comman­ Matane, échangeant leurs chefs, Compagnie. En son absence, le dés avec le système du même ces dits chefs se nommant Bar­ bi lan 1912 est refusé par les ac­ nom pour le central de Lévis, le rette, Côté, Martel et Desrosiers tionnaires, comme le sera celui président Dussault décède et Gar­ (Jos. et Alex.). Non seulement il de 1913, et Joseph Paquet est neau démissionne. Depuis trois n'y aura pas de dividende pour porté à la présidence. Belleau, ans, les recettes vont diminuant: l'année 1909, mais on devra re­ Pelletier et Lespérance démis­ $18 931 en 1906, $18 350 en 1907, mercier le nouveau gérant général sionnent. Au 31 décembre 1913, $16803,60 en 1908. Il n'y aura de ses services, à peine un mois $182177,53 ont été dépensés pas de dividende cette année-là et après l'avoir embauché. Saint­ pour l'installation à Québec. Le 9 les directeurs accepteront de ne André de Kamouraska et Saint­ janvier 1914, les $1 500 d'obliga­ plus recevoir de compensation Alexandre, voilà deux nouveaux tions qui avaient été déposés à la monétaire, fût-ce même pour l'as­ noms qui apparaissent au pro­ cité de Québ8C, pour travaux, semblée annuelle. On y étudie la gramme de construction, la Com­ sont reti rés; le 2 juillet, la Com­ possibilité de faire comme "Ka­ iJagnie donnant priorité à l'instal­ pagnie cède à Webster et asso­ mouraska" pour attirer les action­ lation d'une ligne de cuivre sur ciés la majorité de ses droits à naires, c'est-à-dire fournir le ser­ tout son réseau, en remplacement Québec, l'immeuble de la rue vice gratuit d'un téléphone à ceux des lignes déjà existantes. Des Saint-Joachim leur étant échandé qui consentiraient à investir $500. améliorations de ce genre pour­ en 1915 con tre les 850 actions On y rapporte également que trois raient résumer toute l'histoire de remises pour négocier le contrat lignes métalliques relient main­ la Compagnie jusqu'en 1927, la "Automatic". Quant à l'engage­ tenant Scott-Jonction, Lévis et balance de l'argent disponible ment pris avec "A.utomatic Elec­ Sainte-Flavie. Qu'est-ce au juste étant engloutie dans le grand tric" le 12 juillet 1911, il ne sera que ces lignes métalliques? C'est projet d'automatisation du service définitivement réglé qu'en 1919. un système qui utilise deux fils léléphonique à Québec. Les pourparlers de vente du ré­ pour chaque circuit de grande li­ Au printemps de 1911, démis­ seau souterrain de Québec, entre­ gne et deux broches pour chacun sion de Belleau, Dussault, Tan­ pris au début de 1920, aboutis­ des appareils téléphoniques. En guay et Dupuis, élection de For­ sent par une cession à "Quebec 1909, Joseph Paquet est élu pré­ get, Webster et Pelletier, réélec­ Power" pour $23 700, en novem­ ;.;ident, Turgeon, vice-président, et tion de Belleau, démission de bre 1924. Beaubien, secrétaire-trésorier à la Barry, élection de Garneau. C'est Entre-temps, P. Normand a of­ place de Demers. Ce dernier peut ce qu'on pourrait appeler des fert en vente sa ligne téléphoni-

q que de Saint-Antoine en 1914, leur de $23 065,24, en retour de qu'en 1927, tandis qu'Ernest Dickson a vendu celle de Saint­ quoi elle obtiendra tout le réseau Beaubien fera tout l'intervalle Malach ie pour $250 en 1915 mais Bell du comté de Montmagny, la 1906-1927 comme secrétaire-tré­ le réseau qui devait être prolongé ligne de Chaudière à Saint-Ni­ sorier. de Saint-Honoré à Sainte-Rose­ colas, de Saint-Henri à Sainte­ Chronologiquement parlant, du-Dégelis ne l'a pas été car, en Claire et la ligne télégraphique de que se passe-t-il à part la répa­ 1915, c'est le désastre: tout le l'Intercontinentale, allant de ration des dégâts durant ces an­ réseau téléphonique du Québec Saint-Charles à Saint-Gervais. La nées? Un immeuble a été acquis est démoli par le verglas du 25 ligne installée à Lotbinière et de à Mont-Joli, en 1915, et l'on y a février. Dupuis est reporté à la Lotbinière à Saint-Jean-Deschail­ installé le bureau de l'inspecteur présidence et la grande ronde des Ions sera cédée à La Compagnie du district de Matane. En 1916, échanges commence. En juin, de Téléphone Electrique de Lotbi­ de gros travaux ont été effectués "Kamouraska" accepte de se reti­ nière. En même temps que des à L'islet, Matane, Saint-Roch-des­ rer des comtés de Rimouski et de échanges mutuels de trafic avec Aulnaies, Sainte-Louise, Saint­ L'isiet et la "Nationale", des toutes ces compagnies, la Natio­ Jean Port-Joli, Saint-Aubert, comtés de Kamouraska et de Té­ nale établit un raccordement avec Sai nt-Damase et Sai nte-Perpétue; miscouata. Au grand rêve qui la Compagnie du Téléphone de la vieille ligne Bic-Rimouski a été s'est évanou i en 1914 au profit de Saint-Philémon. Les installations vendue au Crédit municipal cana­ Webster, succèdent les dures de Fraserville sont vendues à une dien vu l'acquisition de "Kamou­ réalités de l'hiver québécois. Ce compagnie de Québec et une raska" d'une ligne nettement su­ ne sera plus seulement Québec, partie du réseau du comté de périeure. Les centraux ont été en­ mais Lévis, Lauzon, Bienville, Matane, à William Russell. levés dans 12 villages qui se trou­ Saint-David et environs, la ligne vent ainsi raccordés avec le cen­ de Saint-Romuald à Saint-Jean­ Administration Dupuis trai de Rimouski, ce qui permet Chrysostome, de Côte Rouge à Si Dupuis assume la présidence aux abonnés de Bic, Saint-Valé­ Chaudière Curve, de Lévis à de 1915 à 1927, Barry remplacera rien, Sacré-Coeur, Sainte-Blandi­ Saint-Henri, que la Nationale Georges Demers à la vice-prési­ ne, Saint-Anaclet, Pointe-au-Père, abandonnera à Bell, soit une va- dence en 1919 pour y rester jus- Sainte-Luce, Saint-Donat, Saint­ La maison de c!roite abrita le premier central téléphonique de Sainte-Anne-des-Monts, Gabriel et autres d'obtenir la com­ installé par Germain Leclerc en 1915 et gardé par madame Olivain Gagnon jusqu'à sa munication téléphonique à toute destruction par un incendie en 1917. heure du jour et de la nuit, exac­ tement comme à Rimouski. La hausse des matériaux, la rareté de main-d'oeuvre et les difficultés de transport imposent de fortes contraintes à la Compagnie, qui réussit quand même à diminuer sa dette en 1917. Elle émettra, dans cette intention, des actions de $50 au lieu de $100. En 1919, un entrepôt sera construit à Montmagny et un immeuble de $5000 à Mont-Joli; la ligne de cuivre sera construite, au coût de $6 275, entre Matane et Mont­ Joli. Pour la première fois en 1919, les revenus des messages interurbains excèdent les revenus provenant des abonnements. Au­ torisation, en 1923, de recons­ truire la ligne de Montmagny au Cap-Saint-Ignace; en 1925, de re­ construire de Sayabec à Cau­ sapscal; en 1926, de poser un câ-

10 ble de 25 paires à Rimouski; en Nouveau départ En 1933, le bureau de direction 1927, d'apporter des amél iora­ LA CORPORATION DE TELEPHO­ de La Corporation est composé tions au central de Rimouski, NE ET DE POUVOIR DE QUEBEC de J.-A. Brillant (Rimouski), pré­ ainsi qu'à Matane, Bic et Mont­ sident, Ernest Beaubien (Québec), magny puis, en 1928, d'acheter Le 12 octobre 1927, La Com pa­ vice-président, P.-E. Gagnon un terrain â. Matane. (6) gnie de Téléphone Nationale si­ (Rimouski), secrétaire, J.M. Ro­ gnait un contrat avec La Corpo­ binson (Saint-Jean, N.B.), J.-A. Desjardins (Matane), Charles Durant ces maigres années, la ration de Téléphone et de Va­ leurs d'Utilités Publiques de Qué­ Couillard (Rimouski) et N.A. Tim­ question technique semble avoir mins (Montréal), directeurs. (7) été reléguée au second plan, les bec qui, sous le nom de La Cor­ préoccupations des directeurs poration de Téléphone et de Pou­ étant plutôt d'ordre monétaire. En voir de Québec, devait englober le 1923, Dupuis avait offert de céder réseau bas-Iaurentien en novem­ Deux compagnies-maîtresses pour $102 575 les $132 500 d'obli­ bre 1927 pour former ultérieure­ Le 29 janvier 1935, réapparaît gations qu'il détenait dans la ment le pl us vaste réseau i ndé­ La Compagnie de Téléphone Na­ Compagnie, obligations finale­ pendant de télécommunications tionale qui, lors de la réorganisa­ ment acquises par Jules-A. Bril­ au Québec. tion des fi 1iales en 1936, absor­ lant. En 1926, des contrats de sa­ Les réseaux téléphoniques bera toutes les compagnies au laire de cinq ans étaient signés de Saint-François-Xavier-des-Hau• sud du Saint-Laurent, alors que avec le gérant général Beaubien teurs , Sainte-Jeanne-d'Arc et les réseaux du nord seront fu­ ($4 OOO/an), le surintendant Le­ Saint-Joseph-de-Beauce, La Cie sionnés en une seule Compagnie mieux ($2 100/an), le comptable de Téléphone de Saint-Ephrem et de Téléphone Portneuf et Cham­ Léandre Ampleman ($1 440/an), La Compagnie de Téléphone Ru­ plain. ce dernier agissant aussi comme ral de Sainte-Marie de Beauce C'est La Corporation de Télé­ secrétaire adjoint depuis le 4 no­ viennent, entre 1927 et 1930, se phone et de Pouvoir de Québec vembre 1924. greffer au noyau de base, ce à qui exploite l'ensemble. D'une quoi s'ajoute le contrôle de La longueur de 2 700 milles, ce ré­ Compagnie de Téléphone Matane seau forme une chaîne de conti­ Le 7 mars 1927, les mêmes d i­ et Gaspé en août '27, de la Com­ nuité qui s'étend de Trois-Rivières recteurs sont réélus à l'assemblée pagnie de Téléphone Beauce en exclusivement à Matane inclusi­ des actionnaires mais, Dupuis et décembre '27, de La Compagnie vement et dessert une population Garant démissionnant le 12 avril, de Téléphone Portneuf enr. en fé­ de 35 000 habitants, comprise ils sont remplacés par Jules­ vrier '28 et de La Compagnie de dans 14 comtés. Par son raccor­ André Brillant et Paul-Emile Ga­ Téléphone Sai nt-Maurice et dement à la Compagnie de Télé­ gnon. Georges Demers et Rhéau­ Champlain en mai '28. phone Bell, "New Brunswick Tele- me démissionnent de suite et MM . Lavoie [Adéodat], Luce [Central Public Service, Presqu'Isle, Maine], Brillant sont remplacés par Robinson et [Jules-A.] et Bernier [Thomas-A.], lors d'une réunion au Rocher-Blanc, en 1933. Morency. Brillant est alors élu président, Gagnon, secrétaire, et Imelda Dubé, assistante-secrétai­ re; Beaubien reste trésorier et gérant général. C'est une autre ère qui commence mais, avant de cl ore le chapitre Demers, il serait bon de redire le nom des cinq di­ re cteurs qu i ont vécu ce premier qu art de siècle du téléphone dans le Bas Saint-Laurent : depuis oc­ tobre 1900, Georges Demers (père de l'autre), Al p~lOnse-Bénoni Du­ puis, Joseph-Honoré Fréchette, Edouard COL1t'lre et, depuis octo­ bre 1901 , JO li; , McWilliams, de la Pointe-au-Pèl'c

11 Jean Lévesque [aujourd'hui caissier général] était respon­ Pose d'un câble sur la rue Saint-Jean-Baptiste à Rimouski, en 1943. sable du matériel en entrepôt, Ludger Labrie était pré­ Sur la terre ferme, les Joseph Deschênes, Henri Dionne et Joseph posé à l'atelier et Cyrice Ouellet était chargé du montage Trudel; sur le "bicycle", Gérard Raymond; en haut du poteau, les Dubé et de la réparation des tableaux de distribution en 1940. de Mont-Joli et Gagné de Montmagny.

phone Co." et les compagnies réseau est séparé en trois divi­ En 1944, Mont-Joli et Saint­ indépendantes, il assure la com­ sions : celle de Rimouski avec Flavie connaissent également le munication de ses abonnés avec bureau à Rimouski, celle de transfert à batteries centrales. le reste du Canada et l'ensemble Portneuf avec bureau à Portneuf Pendant toute la durée de la des Etats-Unis. et celle de Montmagny avec bu­ seconde guerre mondiale, l'effort reau successivement à Lévis et à militaire du pays a entraîné un La même année, est inauguré le Montmagny. Dès lors, le rythme service de radio-téléphone de Ri­ accroissement de l'activité écono­ de croissance va progresser très mique dans l'ensemble du terri­ mouski à Baie-Comeau, Shelter rapidement, grâce à la moderni­ Bay, Clarke City et, conjointe­ toire de la Compagnie. Malgré les sation de l'équipement et à l'amé­ difficultés à obtenir des matériaux ment avec "Canadian Marconi", lioration des méthodes de travail. au navire Jean-Brillant de La téléphoniques, l'installation de Compagnie de Transport du Bas Rimouski, qui comptait 700 té­ nouveaux appareils aux seules Saint-Laurent ; c'est la première léphones en 1938, transforme son entreprises essentielles porte à utilisation au Québec du radio­ réseau local en 1939. L'équipe­ près de 7 000, à la fin de 1945, téléphone comme partie intégrale ment à magnéto y est remplacé le nombre des téléphones en ser­ d'un réseau interurbain. En 1936 par un système à batteries cen­ vice sur le réseau de la Corpora­ traies; il n'y a plus de manivelle tion; on y dénombre 45 centraux, également, le réseau de La Com­ pagnie de Téléphone Matane et sur les appareils téléphoniques et par lesquels passent 60 000 ap­ Gaspé est prolongé par acquisi­ trois positions au central assurent pels interurbains mensuellement. tion de la ligne s'étendant entre le service aux clients. La popula­ Les salaires déboursés se chif­ Sainte-Félicité et Saint-Joachirn­ tion de Rimouski se chiffre alors frent à $178 000, alors que le re­ 7 000 habitants. venu annuel atteint presque le de-Tourelle. à En 1940, La Compagnie de Té­ demi-million avec un actif de léphone Nationale achète le ré­ deux millions. Trois divisions seau de Saint-Vianney et, en En mai 1937, un incendie ayant 1942, le nombre des circuits est détruit le bureau du boulevard porté à cinq entre Rimouski et Charest à Québec, le siège social Québec, de deux qu'il était en est déménagé à Rimouski et le 1932.

12 L'après-guerre Monts et Rivière-au-Renard; six août, le réseau compris entre En mars 1946, un relais par nouveaux centraux sont ouverts, Saint-Joachim-de-Tourelle et radio-téléphone à modulation de soit à Rivière-à-Martre, Mont­ Saint-Majorique. fréquence est installé entre Fo­ Louis, Petite-Madeleine, Grande restville et Rimouski, également Vallée, Cloridorme et Saint-Mauri­ entre Baie-Comeau et Rimouski. ce-de-l'Echourie. A la réunion annuelle des ac­ En août, un circuit interurbain La Corporation de Téléphone de tionnaires cette année-là, appa­ est installé de Mont-Joli à Amqui Québec raissent différents visages qui et un autre, d'Amqui à Causaps­ Le 5 août 1947, par lettres pa­ nous sont aujourd'hui familiers. cal et Matapédia. Le total des cir­ tentes supplémentaires, La Cor­ C'est alors que Norman Gen­ cuits Rimouski-Québec est porté poration de Téléphone et de Pou­ dreau (dont la carrière s'étend de à neuf, plus un circuit pour voir de Québec se transforme 1942 à 1969), directeur de la Cor­ Montréal. L'appel de Rimouski à pour devenir La Corporation de poration depuis 1942, est nommé Québec coûte $1; à Mont-Joli, Téléphone de Québec, propriétai­ trésorier de la "Nationale", tandis $0,20. re à part entière de La Compagnie que F.C. Doak (de 1938 à 1971) En octobre, La Corporation de de Téléphone Nationale qui sera est élu directeur de la Corpora­ Téléphone et de Pouvoir de Qué­ officiellement dissoute en juin tion. L'année suivante, soit en bec achète le réseau de Grande­ 1948. 1947, Jacques Brillant (de 1947 Vallée. En octobre 1947, la Compagnie à 1967) et Julien Thuot (depuis de Téléphone du Golfe Saint-Lau­ 1939) seront élus directeurs et, en Compagnie de Téléphone du Gol­ rent, Limitée, achète du gouver­ 1948, ce sera J.-Réal Bernier (de fe Saint-Laurent, Limitée nement du Canada la ligne télé­ 1945 à 1969) qui deviendra direc­ Février 1947 marque l'incorpo­ graphique longeant la rive nord du teur et comptable en chef. ration de la Compagnie de Télé­ Saint-Laurent, de La Malbaie à Grâce aux travaux exécutés par phone du Golfe Saint-Laurent, Red Bay, sur le détroit de Belle­ l'armée canadienne, le réseau té­ Limitée; cette dernière devient Isle, et met en service un relais léphonique s'étend en 1946 à la officiellement propriétaire des de radio-téléphone à modulation section du comté de Gaspé-Nord centraux de Grande-Vallée et de de fréq uence entre Baie-Tri n ité et comprise entre Sainte-Anne-des- Forestville et elle acquiert, en Matane.

1947 F.C. Doak M. Martin N. Gendreau H. Brochu

Hedwidge Brodrigue Lavoie, téléphoniste en chef au cen­ trai de Rimouski en 1945.

13 L'installation à Bic du premier système automatique, change­ compte 6 386 téléphones et le central automatique de type satel­ ment au central de Saint-Fabien service résidentiel sur ligne indi­ lite, l'ouverture d'un bureau de du service magnéto au système à viduelle y coûte $4,15 par mois. télégraphe à Rimouski et le rem­ batteries centrales et inauguration En 1961, une chaîne de relais placement à Matane du service à Rimouski d'un service des na­ hertziens entre Rimouski et Gros­ magnéto par le système à batte­ vires à la terre, en collaboration ses-Roches établ it le raccorde­ ries centrales, telles sont quel­ avec le ministère des Transports ment avec le câble transatlantique ques-unes des réalisations de du Canada. de la Société Canadienne des l'année 1948. Les activités se En 1952, une ordonnance auto­ Télécommunications Transmari­ multiplient à un tel point durant rise l'augmentation des taux nes, raccordement qui durera jus­ les années suivantes que nous d'abonnement et le service rési­ qu'en 1976. allons devoir limiter notre récit dentiel sur ligne individuelle, à En 1962, les télécommunica­ désormais au seul district de Ri­ Rimouski, coûte $3,65 par mois. mouski, ce district formant, avec tions du réseau radiophonique ceux de Matane et de New Car­ En 1953, La Corporation de Té­ français de la Société Radio­ lisle, la reglon Saint-Laurent. léphone de Québec fait l'acquisi­ Canada sont confiées à Québec­ Pour des raisons d'ordre admi­ tion de la majorité des actions de Téléphone. Cette même année, nistratif, en effet, le territoire est La Compagnie de Téléphone Bo­ Jacques Brillant est porté à la aujourd'hui partagé en trois ré­ naventure et Gaspé, limitée, qui présidence de la compagnie, mais gions désignées d'après leurs li­ devient ainsi une filiale. son père reste toutefois président mites géographiques, les régions En 1954, les appels transmis du conseil d'administration. Saint-Laurent, Québec et Côte• entre les compagnies "Bell" et En 1963, des circuits directs Nord. "Bonaventure et Gaspé" emprun­ sont établis entre Rimouski et tent le réseau de la Corporation Saint-Jean, N.B. En 1949, inauguration du ser­ au lieu de celui du Nouveau­ vice de mandats télégraphiques, Brunswick; il Y a raccordement Du téléphone aux télécommuni­ mise en service d'un autocommu­ interurbain entre Rimouski et La­ cations tateur satellite à Sainte-Blandine brieville. La petite compagnie rurale de et à Saint-Gabriel, d'un système 1896 a pris allure d'entreprise à batteries centrales à Luceville, au ËBEC-TËLËPHON E familiale en 1927, mais elle a tel­ d'un système semblable à Trinité­ lement agrandi ses limites territo­ des-Monts desservant Esprit-Saint En 1955, La Corporation de riales qu'elle doit déborder les et d'un autre au Lac-des-Aigles frontières québécoises pour obte­ avec raccordement interurbain à Téléphone de Québec devient "Québec-Téléphone" et s'installe nir les capitaux indispensables à Biencourt. A Rimouski, le tableau son expansion. Etant donné manuel ayant atteint six positions dans le nouvel édifice Brillant, à Rimouski. l'éparpillement de sa clientèle, les avec également six positions d'in­ distances déjà grandes s'en trou­ terurbain, le service manuel est En 1956, le centre de télécom­ vent démesurées et ce ne sont remplacé par le système automa­ munications de Rimouski et ses pas quelques millions qui suffi­ tique pas-à-pas. 2027 téléphones tributaires automatiques, un en­ ront à les combler. Elle serait à Rimouski desservent alors une semble de 27 centraux desservant vouée à l'extinction si elle se lais­ population de 15 000 habitants et 17 512 téléphones, est raccordé sait absorber par sa gigantesque le service résidentiel sur ligne in­ au réseau national de signalisa­ voisine et, advenant le cas, son dividuelle y coûte $3,25 par mois. tion automatique des appels in­ personnel administratif serait vite Quand Rimouski devient centre terurbains par les téléphonistes. avalé par la dévorante métropole, de télécommunications en 1950, En 1958, le réseau hertzien est comme cela s'est vu après la na­ les téléphonistes de l'interurbain mis en marche entre Rivière-du­ tionalisation de l'électricité .. . desservent 31 centraux, reg rou­ Loup et Sept-Iles et les program­ Jules-A. Brillant lui-même, pant environ 8 000 téléphones; mes de télévision française sont l'homme d'affaires roublard qui 425 téléphones et 3 standards pri­ transmis de Riinouski, par liaison avait une vue superbe de son bu­ vés y seront perdus lors de la hertzienne, à CKBL-TV, Matane. reau sur l'immensité du fleuve, conflagration de mai. En 1959, le réseau hertzien en n'avait pu cacher son émotion en En 1951 , changement au central direction de Québec et de Sept­ apprenant la nouvelle de l'étatisa­ de Luceville du service manuel au Iles entre en service. Rimouski tion de La Compagnie de Pou-

14 voir; contemplant de sa fenêtre toyens du Bas du fleuve et son service à Rimouski de l'interur­ cette immensité symbolique, il empreinte y est gravée à tout bain automatique ; à la date du 5 laissa tomber ces quelques mots: jamais; c'est pourquoi Québec­ mars, ce service couvre les cir­ "C'est le commencement de la Téléphone le reconnaît comme conscriptions de Rimouski, Baie­ f in ... " Les capitaux Brillant ne son véritable fondateur et n'hésite Comeau, Bic, Causapscal, Clarke peuvent plus suffire quand le pro­ pas à célébrer un cinquantenaire City, Hauterive, Les Boules, Lu­ gramme de construction annuel d'existence en 1977, même si ceville, Matane, Mont-Joli, Port doit dépasser les quinze millions, l'origine d'une de ses constituan­ Cartier, Sainte-Blandine, Saint­ ce qui est le cas de Québec-Télé­ tes de la région Québec remonte Moïse, Sayabec et Sept-Iles, soit phone. à 1893 ... 43 464 téléphones. Il y a mainte­ nant un total de 468 circuits in­ Fin des intérêts pnves de la terurbains rayonnant de Rimous­ famille Brillant, mais début d'une ki, dont 50 vers Baie-Comeau, 46 ère nouvelle pour Québec-Télé­ vers Québec, 42 vers Hauterive, phone grâce à l'immense réservoir 36 vers Sept-Iles, 32 vers Matane, de capitaux que représente la 23 vers Montréal et 21 vers Am­ Com pagn ie Ang lo-Canad ienne, qui ; il y a également cinq circuits devenue actionnaire majoritaire. Rimouski-Campbellton et cinq cir­ Durant les derniers mois de cuits Rimouski-St. John. Au 31 1966, cinq réseaux téléphoniques, décembre, la valeur du réseau dé­ dont celui de Saint-Georges, s'ad­ passera les $100 000 000. joignent à la division ouest. La En 1968, la valeur du réseau première convention collective est atteint $114 372 904, ce qui signi­ signée, la même année, avec le fie qu'elle a quadruplé en dix ans, local 2200 de la Fraternité Inter­ et son réseau hertzien, d'une lon­ nationale des Ouvriers en Elec­ gueur de 2 085 milles comparati­ tricité. C'est aussi à cette épo­ vement à 921 milles en 1967, est que que débute l'ère de l'infor­ devenu le plus étendu au Québec, matique, avec l'installation d'un assurant les communications premier ordinateur au service de avec l'ouest du Labrador et l'île la comptabilité. Rimouski comp­ de Terre-Neuve. Québec-Télépho­ tera 11 631 téléphones lors de ne met ses connaissances et ses l'avènement du service régional installations techniques et infor­ avec Bic et Luceville; le service L'honorable matiques à la disposition du pu­ blic; c'est ainsi que le ministère résidentiel sur ligne individuelle y Jules-A. Brillant coûte alors $5,50 par mois. de l'Education et celui des Terres Mais on ne peut ainsi tourner la et Forêts bénéficient de réseaux page sans accorder quelques ins­ pour la transmission des don­ tants de plus à ce "grand" patron La Basse Côte-Nord nées. que fut l'honorable Jules-A. Bril­ Le développement de la Basse Poursu ivant en 1969 ses efforts lant. Administrateur et président Côte-Nord marquera le début de d'amélioration et de modernisa­ d'honneur de Québec-Téléphone, la présidence de Basile-Augustin tion, la Compagnie voit son ré­ titre qui lui fut conféré en 1966 Bénéteau . De nombreux relais seau doubler de valeur en moins lorsque son fils Jacques devint hertziens seront installés, en 1967 de cinq ans. L'automatisation est président du conseil d'administra­ et 1968, entre Havre-Saint-Pierre rendue à 92,7% par suite de l'ins­ tion, Jules-A. Brillant continua de et Lourdes-du-Blanc-Sablon; tous tallation de nombreux autocom­ s'intéresser à la téléphonie jus­ les habitants de la côte seront mutateurs et de l'instauration de qu 'aux derniers mois précédant sa ainsi pourvus du service télépho­ plusieurs services régionaux. Le mort, le 11 mai 1973. L'industrie nique et non plus seulement service d'informatique continue du téléphone bénéficia de sa ceux qui résident dans ces deux de se structurer pour en venir à · clairvoyance et de ses sages con­ centres, ce qui exigera des dé­ élargir l'éventail de ses services; seils durant quarante-six ans. boursés de plus de $5 000 000. c'est ainsi que pourra commen­ Québec-Téléphone, c'est l'hérita­ En 1967 également, le système cer, en 1971, le traitement de la ge qu'il a laissé à ses conci- CAMA accompagne la mise en paye des hôpitaux.

15 Lors de l'installation du l'industrie, les hôpitaux et les phone devient membre de Télésat 150 OOOe téléphone en 1970, les maisons d'éducation s'en révèlent Canada, dont elle détient déjà 50 000 derniers appareils remon­ les principaux bénéficiaires. 50 000 actions ordinaires, d'une tent à moins de cinq ans, le ré­ valeur de $500 000 en 1971. seau est automatisé à 96,7% et Nouveau symbole En 1972, c'est 175 000 apparei Is 80,9% des abonnés sont raccor­ En 1971 , Québec-Téléphone téléphoniques que compte main­ dés à l'interurbain automatique. adopte de nouvelles couleurs et tenant la Compagnie, en ayant Le nombre moyen d'abonnés par se donne un symbole plus repré­ ajouté un nombre record de ligne rurale s'établit à 4,5, leurs sentatif d'une véritable entreprise 13672 durant l'année écoulée. appareils ne représentant plus de télécommunications. 98% des L'identification automatique des dans l'ensemble qu'un très faible appareils sont maintenant auto­ numéros est disponible pour 21 % pourcentage par suite d'un dé­ matiques et l'interurbain automa­ des abonnés et les appareils ru­ groupement systématisé en mi­ tique, non disponible avant 1967, raux cèdent progressivement la lieu rural. Traitement des salaires, a été introduit chez 94% de ses place aux postes privés et semi­ contrôle budgétaire et système clients. 51 % des communications privés. Les parcs provinciaux de d'inventaire, tels sont les services interurbaines sont composées di­ chasse et de pêche disposent dé­ disponibles en téléinformatique. rèctement par l'abonné, compa­ sormais de systèmes de radio Autres services dont bénéficient rativement à 25% deux ans aupa­ mobile privé, ce qui assure une les clients, transmission à dis­ ravant. Faisant partie des services communication constante entre tance des électrocardiogrammes, spéciaux, de nombreux circuits les employés qui y travaillent. télévision en circuit fermé, inter­ sont loués pour télétype, pour C'est également l'année de l'ins­ rogation à distance des ordina­ transmission de la voix, de don­ tauration des frais spéciaux de teurs, système bancaire intégré et nées, d'émissions radiophoniques $0,25 pour trois genres d'appels ainsi de suite; le gouvernement, et télévisées, etc. Québec-Télé- non essentiels, une initiative de

16 Québec-Téléphone qui sera repri­ sont étendues "au 52e degré de représente la mise en service à se ultérieurement par de nom­ latitude, à l'exclusion de la partie Rimouski du premier central élec­ breuses autres compagnies. occupée par la ville de Gagnon et tronique interurbain à quatre fils, de la partie du Labrador qui forme l'ancien central ne transmettant En 1973, ,'interurbain automa­ une enclave à l'intérieur du 52e désormais qu'une infime partie du tique est accessible à 95% des degré de latitude". (8) Malheureu­ trafic interurbain mais absorbant abonnés, la composition interur­ sement, la grève de trois mois la totalité du trafic local. Au-delà baine directe à 70% et l'identifi­ et demi des employés syndiqués de 2 000 employés, qui retirent cation automatique, à 30%. Une devait quelque peu perturber le quelque $27 millions en salaires, partie du réseau téléphonique de programme prévu pour l'année. Si voilà les effectifs dont dispose Québec-Téléphone devient partie des centraux électroniques sont Québec-Téléphone à la fin de intégrante du système de trans­ déjà installés au nord et à l'ouest 1976, alors que ses revenus an­ mission de la chaîne française de avec disponibilité de la composi­ nuels totalisent $64,7 millions. Radio-Canada. Une liaison hert­ tion au clavier, c'est sans contre­ Elle aura dépensé $32 millions zienne relie à ses camps fores­ dit la télédistribution qui fait les pour réaliser son programme de tiers les bureaux administratifs de manchettes dans la région Saint­ construction de l'année, ce qui La Compagnie de Papier Q.N.S. Laurent, en 1975. Avec 217 118 donnera à son réseau une valeur Ltée, ce qui devient une primeur appareils en service en décembre globale de $262 millions. puisque les travailleurs forestiers 1975, les $40 millions déboursés pourront désormais capter les pour le programme de construc­ Combien d'autres aspects de la émissions de télévision en plus tion ont porté la valeur du réseau Compagnie ne faudrait-il pas met­ de profiter des avantages du télé­ à $236 millions. tre de l'avant pour la présenter phone en forêt. L'année 1976 voit le parachève­ dans toute son authenticité! Transition Bénéteau-Sirois ment de l'automatisation du ré­ Comment passer sous silence les En 1974, au moment où Ray­ seau téléphonique de la Compa­ programmes d'achat d'actions par mond Sirois prend la succession gnie et la mise en place de les employés, la régionalisation de B.A. Bénéteau à la présidence nouveaux réseaux de téléd istri­ des annuaires, la mécanisation de la Compagnie, le budget de but ion dans les agglomérations des horaires des téléphonistes, le construction s'élève à $28 mil­ de Rimouski, Mont-Joli, Price et nouveau système de facturation lions et la valeur du réseau atteint Matane. L'investissement le plus des clients, la promotion des ar­ les $202 millions. Les limites ter­ considérable jamais concentré en tistes du milieu par le truchement ritoriales de la région Côte-Nord un même endroit, c'est ce que des couvertures d'annuaire et la reproduction à prix populaire de ces oeuvres qui, d'année en année, viennent enrichir une col­ lection déjà fort intéressante? Encore dernièrement, Québec­ Téléphone n'hésitait pas à effec­ tuer, en première mondiale, la transmission bidirectionnelle si­ multanée de messages téléphoni­ ques et de signaux de télédistri­ bution sur un même câble coaxial entre Rimouski et Saint-Fabien. Si Québec-Téléphone s'enor­ gueillit de toutes ces premières qu'elle se plaît à multiplier depuis aussi loin que 1936, le demi­ million de Québécois qu'elle des­ sert ainsi ne constitue-t-il pas en quelque sorte une classe privilé­ giée, puisque c'est lui qui béné­ ficie, en définitive, de ces servi­ ces offerts en priorité? Un terri-

17 toire des plus diversifiés, une clientèle on ne peut plus sympa­ thique, Québec-Téléphone occupe décidément une place de choix au domaine des télécommunica­ tions. .. champ d'action actuel de celle qui s'appelait La Com­ pagnie du Téléphone de Métis à la fin du siècle dernier.

Monique J. Lebel Québec-Téléphone

Notes et références

(1) Un Siècle de Labeur, de Foi, d'Honneur, histoire de la paroisse Saint-Octave-de­ MÉtis (2) Mi,lutes des délibérations du " Bureau de Dilection" de "La Compagnie du Téléphone de Métis" - De Bellechasse - & Nationa­ le - Du 22 avri 1 1898 - à - 31 décem bre 1908 (par) J .F. Demers M.D. (3) Le Progrès du Golle, 7 décem bre 1905 (4) Minutes des Délibérations - du - Bureau de Direction de La Compagnie de Téléphone Nationale - Du 1er Janvier 1909 - à - (24 septembre 1924) (5) Le Quotidien, 12 août 1909 (6) Livres des procès-verbaux du comité exécu­ tif de la Compagnie de Téléphone Natio­ nale (1911-1928) (7) Livre des procès-verbaux de la Compagnie de Téléphone Nationale (193'l-1948) (8) Ordonnance du 10 mai 1974 de la Régie des services publics du Québec

Autres ouvrages consultés

Québec-Téléphone Nouvelles, de novembre 1966 à février 1972 Rapport annuel de Québec-Téléphone, 1966 et su ivants Echange, de février 1972 à septembre 1977

18 D'une sociologie des mass média a" une histoire des communications

Les relations entre l'histoire et la sociologie peuvent être l'avantage de désigner clairement les média de masse que définies comme des relations d'échanges réciproques. Ainsi, sont la télévision, la radio, les journaux, le cinéma, les le sociologue qui se spécialise sur un dossier à résonnance bandes dessinées, les livres à fort tirage, etc .. . D'un point sociale, découvre généralement que l'historien l'a précédé sur de vue épistémologique, ce concept est beaucoup moins ce terrain. En ce sens, les théories sociologiques les plus limpide. Avant de le critiquer, nous allons le définir en nou~ durables l'ont été parce qu'elles ont réussi à intégrer la di­ inspirant de la sociologie américaine. mension historique. En retour, l'historien moderne peut de Dans une tentative de définition sociologique des mass moins en moins ignorer les efforts de conceptualisation du média, Charles R. Wright écrit que "ce ne sont pas les com­ sociologue sous peine de ne produire qu'une histoire anec­ posantes techniques des mass média qui les définissent mais dotique. bien le fait que la communication de masse soit une espèce Dans cette perspective, nous examinerons brièvement les particulière de communication sociale qui opère selon des relations entre l'histoire et la sociologie des mass média. 1. conditions spécifiques parmi lesquelles on relève la nature de pour nous interroger ensuite sur la signification sociologique l'audience, l'expérience même de la communication et la du terme mass média 2. Nous terminerons en suggérant nature du communicateur" (8). Les conditions spécifiques de quelques orientations de recherche pour une histoire des cette "espèce particulière de communication sociale" que communications. constituent les communications de masse, peuvent être re­ groupées autour de l'un ou de l'autre des trois éléments du 1. Relations entre histoire et sociologie des mass média modèle (9) de toute communication, soit l'émetteur (le com­ S'il y a un domaine où les relations d'échanges entre so~ municateur), le message (la communication) et le récepteur ciologie et histoire sont quasi inexistantes, c'est ble.n celuI (l'audience). des mass média. D'une part, la sociologie des mass media est avant tout une sociologie empirique dont les modèles théori­ - la communication ques, en raison de leur faiblesse (1) , n'ont pu in.spirer les his­ De ce point de vue, la communication de masse est une toriens. D'autre part, si l'on excepte la presse ecnte, les his­ communication publique, rapide et transitoire. Ces trois ca­ toriens ne se sont pas intéressé aux mass média au point d'en ractéristiques qui ne sont pas sans conséquences politiques, faire un objet spécifique d'étude (2). laissent entrevoir la dimension sociale des mass média. Il est possible que l'origine récente de la radio et de la Ainsi , parce que la communication de masse est publique, télévision (la télévision de Radio-Canada fête son 25e anniver­ les mass média sont régis par des lois spécifiques et leur sa ire cette année alors que la Société Radio-Canada n'a pas contenu est soumis à la surveillance publique. Le Conseil de encore cinquante ans) soit responsable du peu d'intérêt que la Radio-Télévision Canadienne (CRTC) avec ses quelques les historiens ont accordé à ces média de masse. En ce sens , centaines d'employés et la Federal communications Commis­ il n'y a pas lieu d'être surpris que les historiens aient accordé sion (aux Etats-Unis) avec ses deux milliers de spécialistes un peu plus d'attention à la radio qu'à la télévision (3). montrent l'ampleur de ce contrôle (10). Chose certaine, aucun De même, l'histoire des mass média n'est pas sans poser pouvoir politique ne néglige cette fonction. Enfin, cette des problèmes particuliers aux chercheurs . A la différence de première caractéristique de la communication de masse la la culture savante, les productions de la culture de masse ne distingue de la communication privée et de la communication so nt généralement pas con servées de sorte que les arch~ves personnelle. des stations de radio et de télévision sont souvent fort dece­ La rapidité de la communication de masse est particuliè­ vantes (4). Enfin , l'a ccès aux archives d'entreprises dites pri­ rement évidente avec les média électroniques mais les jour­ vées (d ans bien des cas) ne va pas de soi surtout pour des nau x à grand tirage r. 'échappent pas à cette particularité. A périodes dont les acteurs principaux sont encore en place. cet ég ard , le journal comme média de masse date de la se­ L'e ntrevue et les méthodes sociologiques offrent plus de conde moitié du siècle dernier (11). Vendu à un cent (" penny chance de succès et paraissent sans doute moins indiscrètes. press"), le journal de masse supposait d'une part une accu­ A ces premières explications, d'autres s'imposent et ris­ mulation technique (v.g. télégraphie, presse à vapeur, etc.) et quent de cerner de plus près l'absence relative de l'histoire d'autre part , un certain stade de développement du capitalis­ dans les recherches sur les mass média. Ainsi , parce que la me (v.g. concentration dans les villes et besoin de publicité). publicité a été dès le départ le support des mass média, la A la différence des productions de la culture savante desti­ rech erche commanditée a été orientée vers l'étude des audien­ nées à une élite (v .g. poésie ClaSSique) , les productions de la ces (dont les cotes d'écoute sont la partie la plus connue) et culture de masse atteindront un vaste public en peu de temps. des effets à court terme de sorte que l'étude des transforma­ Diffusées rapidement , les productions de la culture de ti ons à moyen et long terme furent ainsi négligée (5). La fonc­ masse devront être réalisées rapidement et, par voie de tion politique des mass média et le rôle de l'opinion publique conséquence, standardisées (12). On entrevoit ainsi la force et au x Etats-Unis ont amplifié cette tendance. On comprend la faiblesse de la communication de masse: d'une part, la ainsi pourquoi la sociologie et la psycho-sociologie dans leur rapidité de diffusion lui donne un pouvoir de mobilisation version empirique ont monopolisé l'étude des mass média (6) . sociale jamais atteint, d'autre part, elle est contrainte à la En somme, dans un domaine nouveau comme celui des simplification et parfois à la superficialité pour satisfaire aux mass média, les conditions matérielles de production de la exigences de cette même rapidité. rech erch e dite scientifique expliquent pourquoi l'apport de Le caractère transitoire de la communication de masse I·historien est demeuré jusqu'ici fort modeste et pourquoi est lié étroitement au trait précédent. Les productions de la auss i les études sociologiques réalisées dans ce domaine font culture de masse sont faites pour êt~e consommées. Il en est preuve d'une faiblesse théorique évidente. Cette faible.sse ainsi non seulement de l'information et de l'actualité mais théorique transparaît dans les termes mêmes de mass media aussi des émissions et des pages culturelles. Après avoir été et de ses dérivés: communication de masse, culture de masse lu , le journal est jeté à la poubelle alors qu'il est peu fréquent et société de masse. que le livre, par exemple, subisse un tel sort. En fait, les 2. Définition sociologique des mass média produits de la culture de masse sont des produits industriels Si le terme de mass média s'est imposé, ce n'est pas (13) dont la facture est peu personnalisée. La production de parce qu"il ne fut pas dénoncé pour son ambiguïté (7) mais ces biens résulte d'ailleurs d'une division du travail assez bi en parce qu'il appartient au langage populaire. A ce titre, il a poussée.

19 - le communicateur tenir compte de ce cadre de référence. A une exception, les Les biens symboliques à large diffusion qu'il s'agisse entreprises de communication dans l'Est du Québec sont des d'une émission de télévision, d'un film ou d'un journal ne sont petites et des moyennes entreprises. Leur rôle est essentiel jamais le fait d'un artisan ou d'un artiste isolé. Même lorsqu'il pour la vitalité culturelle et économique de la région mais leur est au centre d'une émission, l'artiste ou l'animateur doit contribution à ces divers niveaux apparait mince au regard de composer avec une équipe de spécialistes. A partir de son la consommation totale des biens symboliques à large diffu­ expérience à l'ORTF, Pierre Schaeffer a bien mis en lumière sion dans notre région. l'envers du décors (14). S'il est visible que l'auteur ou l'artiste n'atteint son public que par la médiation d'un éditeur ou d'un - l'audience réalisateur, il faut ajouter que diverses médiations cachées se Le troisième élément de notre modèle de communication, superposent à cette médiation manifeste. l'audience, permet de poser les conditions qui spécifient la Ainsi, les productions de la culture de masse sont façon• communication de masse comme communication sociale. De nées plus ou moins inconsciemment par une organisation de ce point de vue, ce qui caractérise l'audience des mass média, type bureaucratique. Edward J. Epstein a bien montré com­ c'est qu'elle constitue une masse. Mais, que faut-il entendre ment la cueillette, la sélection et la présentation de l'infor­ précisément par ce terme de masse? mation pouvaient être faites en fonction d'une telle organisa­ Denis Mc Quail, un sociologue anglais, définit la masse tion (15) . Quoiqu'il en soit du déterminisme institutionnel, la comme " un agrégat d'individus unis par un point d'intérêt communication de masse repose actuellement sur une orga­ commun qui les engage dans un type de conduite identique et nisation complexe, sur la participation de nombreux spécia­ qui tend vers un même but; cependant les individus impliqués listes et d'énormes moyens. dans la masse sont inconnus les uns des autres, n'ont qu'une A titre indicatif, disons qu'en 1976 on retrouvait dans l'Est part très limitée d'interaction, n'orientent pas leurs actions les du Québec pas moins de 350 spécialistes en communication uns vers les autres et sont seulement peu ou pas du tout pour une population d'un peu plus de 300,000 personnes, soit socialisés. Les conceptions de ces publics sont instables; un spécialiste par mille personnes. La puissance de ce nou­ puisqu'ils n'ont ni leadership, ni sentiment d'identité." (21) veau "clergé" risque d'être d'autant plus forte qu'il est doué Autrement dit, l'audience des mass média peut être caracté­ d'instruments modernes. Sans vouloir établir de comparaisons risée comme une audience relativement vaste, hétérogène et avec d'autres univers, précisons toutefois que les mass média largement dispersée. de notre région ne produisent qu'une faible proportion de S'il est assez évident que l'audience des mass média est l'information et des biens symboliques à large diffusion que vaste, il faut reconnaltre qu'elle l'est relativement. A la télé­ nous consommons quotidiennement. A toute fin pratique, vision, elle peut atteindre plusieurs millions: dans la période nous sommes alimentés plus ou moins directement par une du 12 janvier au 1 er février 1976, Les Berger ont été vus par bonne partie des 6125 spécialistes québécois en communi­ 1,547,000 téléspectateurs (BBM) et, aux Etats-Unis, on estime cation puisque 75% d'entre eux travaillent dans la région de que l'audience hebdomadaire totale pour la période de l'infor­ Montréal (16) . mation atteint 200 millions de téléspectateurs pour les trois Toujours à titre indicatif, relevons que les crédits alloués chaînes, soit 40 millions par soir. En revanche, un hebdo­ à la Société Rad io-Canada par le Parlement en 1976 s'élevaient madaire régional appartient aux mass média même si le nom­ à $341,877,880. (les versements pour les émissions des jeux bre de ses lecteurs ne dépasse pas deux mille lecteurs. "Nous olympiques d'été 1976 n'étant pas inclus) (17). Les frais glo­ considérons vaste, écrit Charles R. Wright, n'importe quelle baux d'exploitation pour ce même exercice atteignaient 394 audience exposée à une communication pendant une courte millions de dollars. En 1977., ces frais devraient dépasser les période et d'un dimension telle que le communicateur ne peut 400 millions. Autres indications, le coût moyen par heure­ entrer en contact avec les membres de cette audience sur les émission du réseau était de $19,747.00 en 1976 et de bases d'un face à face." (22) Outre l'absence éventuelle de $2,528.00 par heure d'antenne. Il est aussi intéressant de re­ l'anonymat et de l'hétérogénéité, une foule de deux mille per­ lever que le coût moyen par heure-émission au niveau local sonnes écoutant un politicien ou un prédicateur ne présente représentait alors 35% de celui des émissions de réseau alors pas, de ce point de vue, les mêmes caractéristiques que les que le coût moyen par heure d'antenne pour les émissions deux mille lecteurs de l'hebdomadaire régional qui sont distri­ locales était le double de celui des émissions de réseau. Par bués en plusieurs points du territoire et qui ne partagent pas ailleurs, ces chiffres ne se comparent que difficilement avec les mêmes convictions politiques et religieuses. ceux de la télévision américaine. A cet égard, Charles W. L'hétérogénéité est sans doute le trait le plus spécifique Wright relève que le coût d'une émission pour enfants à la de la masse. En effet, la masse est d'abord et avant tout un télévision américaine était estimé, en 1973, à $125,000 pour agrégat d'individus différents par la fortune, l'éducation, l'âge, une heure (18). Il faut toutefois ajouter que les revenus de la le sexe, l'origine sociale, la localisation, etc. En ce sens, la télévision américaine sont proportionnels: une minute de masse est à l'opposé de la communauté et même de toute publicité pendant l'émission Les Berger ("full coverage": 6 sta­ forme de société puisqu'elle n'est pas structurée et qu'elle ne tions) se vendait, l'année dernière, $4,018.00 (19) alors qu'une possède pas de leadership bien identifié. même période de publicité sur le réseau américain pour Les média communautaires se distinguent ainsi nette­ l'émission "Ali in the Family" atteignait $120,000. ment des mass média: Radio JAL s'adresse à une population Ces quelques chiffres montrent comment les mass média somme toute assez homogène et poursuit un objectif spéci­ sont des entreprises de type industriel qui font appel à fique. De même, une opération à coeur ouvert télédiffusée à d'énormes moyens. On comprendra ainsi que ces entreprises une groupe de scientifiques s'adresse à un groupe homogène aient été spontanément poussées vers la concentration (20) et relève plus de la culture savante que de la culture de selon la logique même du capitalisme et ou du contrôle poli­ masse. Pour intéresser un vaste auditoire (et donc un audi­ tique. Aux Etats-Unis, certaines de ces entreprises forment toire hétérogène), une telle émission exigera la présence d'un des conglomérats qui les place à la tête des plus grandes animateur qui vulgarisera en quelque sorte les gestes et les entreprises américaines. Parmi les 500 entreprises américaines termes scientifiques. les plus importantes (Fortune 1976), on retrouve RCA au Le dernier trait distinctif de l'audience des mass média 31 ième rang avec un chiffre d'affaire de 5.32 milliards, est la dispersion de ses membres dans l'espace. Cela impli­ CBS au 102 ième rang avec 2.23 milliards, le Time Inc. au que que ceux-ci ne se connaissent pas et que leurs réactions 217 ième rang avec 1.038 milliards, The Washington Post sont généralement plus amorphes que celles d'une foule dans Company au 452 ième rang avec 375.7 millions (21) . Au Ca­ la mesure où les membres de cette dernière sont en relation nada, Southam Press Ltd avait en 1975 un chiffre d'affaires directe entre eux . Les membres de l'audience des mass média d'environ 260 millions suivi de Thompson Newspaper Ltd avec ne sont toutefois pas socialement isolés comme en témoigne 200 millions et de Maclean-Hunter Ltd avec 155 millions. Au la réception de la TV en famille. Québec, Québecor Inc. avait en 1975 des ventes de l'ordre de Les trois qualificatifs de l'audience des mass-média - 60 millions alors que celles de Télémétropole Inc. étaient de vaste, hétérogène et dispersée - permettent de comprendre l'ordre de 30 millions et celles de Télé-Capitale LIée de 13 que les composantes techniques des communications ne suf­ millions environ . fisent pas à spécifier les mass média. Ainsi, la télégraphie, le En fait, les mass média dans le monde occidental sont téléphone, la télévision en circuit fermé sont autant de tech­ américains comme l'indique le titre d'un livre récent de Jere­ niques modernes qui n'appartiennent pas aux mass média, my Tunstall: The Media are american (22). On ne peut étudier parce qu'elles ne metent en communication que des individus les mass média au Québec et dans ses diverses régions sans ou des groupes restreints et non une masse. En revanche, la

20 "hot line" appartient bel et bien à l'univers des mass média suite logique (pour ne pas dire la conséquence) d'un dévelop­ puisque l'audience est alors vaste, hétérogène et dispersée. pement économique de type industriel (26). Qu'en est-il dans Cette troisième définition des mass média - définition les régions périphériques? Nous avancerions l'hypothèse que, par l'audience -, nous fournit l'occasion d'adopter un point dans les régions sous-développées, le développement des de vue critique. On constatera en premier lieu que si les mass communications procède d'une logique inverse: au lieu d'être média peuvent être définis par l'un ou l'autre des pôles du la conséquence d'un développement économique, le dévelop­ modèle de communication (soit l'émetteur, le message et le pement des communications serait apparu aux entrepreneurs récepteur), la sociologie a eu tendance jusqu'ici à privilégier de nos régions (voir Jules Brillant et Irving au Nouveau­ l'audience (le récepteur, en l'occurence la masse) comme élé­ Brunswick) comme un préalable au développement économi­ ment définisseur. Or ce choix n'est pas sans soulever de que et industriel. Dans ce contexte, l'histoire des communi­ nombreuses questions tant d'un point de vue théorique que cations ne saurait être séparée de l'histoire économique. pratique. Benoit Lévesque, Sociologue D'un point de vue théorique, le terme mass média est lié Université du Québec à Rimouski étroitement aux concepts culture de masse et société de masse. Or, ces concepts laissent supposer d'une part que les différences culturelles se résorberont dans une culture dite de masse et, d'autre part, que les inégalités sociales disparaî• tront au profit d'une société de masse. Il s'agit d'un objectif louable mais, après soixante-et-quinze années de journalisme de masse, cinquante de radio et vingt-cinq de télévision, qui oserait prétendre que ces instruments de communication nivelleront les différences sociales et culturelles? Dans cette perspective, le concept de masse se révèle anti-sociologique parce que, par définition, il fait abstraction des structures sociales. D'un point de vue pratique, l'ère des mass média semble toucher à sa fin . Nous allons vraisemblablement vers un frac­ tionnement de plus en plus poussé des auditoires. Ceux-ci deviendront ainsi de plus en plus homogènes parce que les média de communication tendront à satisfaire des goûts spé­ cifiques (et non généraux). Le terme "self-média", popularisé par Jean Cloutier (23), traduit quelque peu ce changement de perspective. De plus, des changements comme la câblodistri• but ion (24) et, bientôt, la télévision payante nous poussent dans cette direction. Si ces tendances s'avèrent durables, les mass média n'auront été qu'une courte période de l'histoire des communications.

Conclusion A choisir entre une histoire des mass média et une his­ toire des communications, nous opterions pour cette dernière puisqu'elle inclurait la téléphonie, la télégraphie, etc. Quoi­ qu'il en soit, une histoire des communications peut être faite à partir de l'un ou l'autre des trois pôles du modèle de toute communication : l'émetteur, le message et le récepteur. 1- L'étude du récepteur pourrait mettre en lumière à la fois la rétro-action (le feedback) des diverses classes de la population et l'évolution des conditions de réception des divers messages. Ecoutée le soir en groupe, puis en famille, la radio est aujourd'hui un média de plus en plus individua­ lisé. Avec le câble et la multiplication des appareils, les con­ ditions de réception de la télévision évoluent actuellement en ce sens . Il faudrait également étudier la diffusion des appa­ reils récepteurs selon les diverses couches de la population et les divers points du territoire. Dans ce contexte, les effets à moyen et long terme des mass média pourraient être étudiés avec plus de circonspection . 2- L'étude du message ne prend tout son sens que si l'on y joint l'étude des conditions de production de ce mes­ sage. Quoiqu'il en soit, des analyses de contenu des journaux (25) et des émissions régionales peuvent mettre en lumière l'évolution des mentalités et de la conscience régionale avec ses contradictions. Au niveau de la radio, il faudrait rapide­ ment réal iser un inventaire des radio-romans produits dans la région et , au besoin collectionner les vestiges. Cette recher­ che pourrait être menée en collaboration avec les littéraires qui s'intéressent à la para-littérature. 3- L'étude de l'émetteur a toujours été négligée comme nou s l'a vons indiqué précédemment. En premier lieu, des monographies historiques sur chacune des entreprises de communication de la région combleraient un vide évident. Comme les archives sont souvent peu loquaces sur les con­ ditions d'implantation , il faudrait faire appel à l'histoire orale. Cette tâche est d'autant plus urgente que certains pionniers sont déjà disparus. On pourrait escompter une collaboration avec la sociologie. Par ailleurs, ces études de cas devraient dépasser l'his­ toire de famille pour s'inspirer d'une problématique du déve­ loppement des communications dans une région périphérique. On sait Que , dans les grands centres (New York, Londres, etc) , le développement des communications fut en un sens la

21 1. Lyne ROSS. "Mass media: quelques problèmes de recherche" . re des self-média ou l'ère d'Emerec. Montréal, Presse de l'Univer­ Recherches sociographiques, XII, no 1 (1971), pp. 7-15. sité de Montréal, 1973, 253 p. Voir également Benoît LEVESQUE. Les entreprises de mass mé­ 24. Avec Hugues DIONNE et une équipe dont Rita DIONNE est la dia et leur personnel. Rimouski , Cahiers du GRIDEQ, 1977, tome coordonnatrice, nous menons une recherche sur la câblodistribu• 1 (chap. 1) , pp. 10 sq . (à paraître). tion dans l'Est du Québec. Cette recherche est subventionnée par 2. Le nombre d'études historiques est assez réduit. Voir Hélène le Ministère de l'Education dans le cadre de l'action concertée. CANTIN. Bibliographie. Etudes canadiennes sur les mass média. 25. Dans une perspective historique, relevons la thèse de Charles Ottawa, CRTC, 1974, 100 p. TREBAOL. Le Progrès du Golfe et la réalité internationale (1904- 3. Voir entre autres Elzéar LAVOIE. "L'évolution de la radio au Ca­ 1969). Sherbrooke, M.A. Département d'Histoire, 1976, 143 p. nada français avant 1940" Recherches sociographiques. 12 ("1971): (dactylograph iées). 17-49. Voir aussi IECA. La radiodiffusion au Canada, depuis ses 26 . Melvin L. DE FLEUR and Sandra BALL-ROKEACH. Theories of origines jusqu'à nos jours. Montréal, Cahiers de l'ICEA, 1963, Mass Communication. New York, Davik McKay, 1975 (third edi­ cahiers 16-17. tion). pp. 1-105. 4. Ainsi , les difficultés rencontrées par Pierre Pagé à réaliser son répertoire le montrent bien. Pierre PAGE. Répertoire des oeuvres de la littérature radiophonique québécoise, 1930-1940. Montréal, Fides, 1975, 827 p. 5. Paul LAZARSFELD. "Tendances actuelles de la sociologie des communications et comportement du public de Radio-Télévision américaine". Cahiers d'études de Radio-Télévision. No 23 (sept. 1959), pp. 243-256. Pour des indications plus récentes sur la re­ cherche, voir W. Phillips DAVISON and Frederick T.C. YU. Mass Communication Research. Major Issues and Futur Direction. New York, Praeger Publishers, 1974, 247 p. 6. D'autres disciplines comme la géographie ne font que commen­ cer à s'intéresser aux mass média. Gilbert MAISTRE. Géographie des mass média. Montréal, P.U .Q. , 1976. 167 p. Cet ouvrage montre bien comment la géographie pourrait contribuer à une meilleure connaissance des mass média. 7. Pierre BOURDIEU. "Sociologie des mythologies et mythologie des sociologues" dans Les Temps modernes. No 21 (déc. 1963), pp. 998-1021. 8. Charles R. WRIGHT. Mass Communication. A Sociological Pers­ pective. New York, Random House, 1975 (Second Edition), p. 5. 9. Ce modèle présenté par Wilbur Schramm et par C. E. Shannon n'est pas tellement éloigné du schéma classique de Lasswell: Qui (émetteur)? dit quoi (message)? à qui (récepteur)? par quel canal? avec quel effet? Harold D. LASSWELL. " Structure et fonc­ tion de la communication dans la société" dans F. BALLE et J.·G. PADIOLEAU. Sociologie de l'information. Texte fondamen­ taux. Paris. Larousse, 1973, pp. 31-41 (L'article de Lasswell est paru pour la première fois en 1948). Voir aussi W. WEAVER et C.E. SHANNON. Théorie mathématique de la communication. Paris , C.E.P.L. , 1975 (1ère édition américaine en 1949) pp. 35 et sq. Aussi Wilbur SCHRAMM (Ed) The Process and Effects of Mass Communication Urbana, University of Illinois Press (8e éd.), 1970, p. 6. 10. Jean MEYNAUD. La télévision américaine et l'information sur la politique. Montréal. Nouvelle Frontière, 1971. pp . 79 sq. 11. Il se généralise aux Etats-Unis entre 1870 et 1890 et au Canada entre 1890 et 1910. Notons au passage que The Star fut fondé en 1869 et La Presse en 1884. Ces journaux se distinguent rapidement des journaux à opinion (v.g. Le Canadien) non seule­ ment par leur contenu mais aussi par leur prix (journal à un cent rendu possible par l'usage de la publicité) el leur auditoire (la masse). A ce sujet, les indications sur le tirage sont précieuses. Voir André BEAULIEU et Jean HAMELIN. La presse québécoise des origines à nos jours. Québec. P.U.L., 1973, 268 p. 12. Voir à ce sujet Edgar MORIN. L'Esprit du temps. Paris, Grasset, 1962, 283 p. 13. A propos des mass média, Edgar Morin parle d'une seconde in­ dustrialisation ("industrialisation des esprits") et d'une seconde colonisation (colonisation de l'âme). 14. Pierre SCHAEFFER. Machines à communiquer. Paris, Seuil, 1970, tome l, pp. 62 sq. 15. Edward Jay EPSTEIN. News From Nowhere. New York, Vintage Books, 1974, 321 p. A cet égard , le titre de l'article de W. GIEBER est fort significatif: "News is what newsmen make it" in L.A. DEXTER and D. M. WHITE , Eds. People Society and Mass Com­ munication. Free Press of Glencoe, 1964, pp. 173-181. 16. Ces chiffres sont de 1972. SORECOM. Besoins en spécialistes des communications. Montréal, 1974, 3 volumes. Le problème de domination du centre ne s'arrête pas à Montréal, puisque les mass média de la métropole sont eux-mêmes dominés. 17. SOCIETE RADIO-CANADA. Rapport annuel, 1975-1976. Ottawa, 1976, pp. 32 sq. 18 . Charles R. WRIGHT. Op. cit. , p. 7 et note 3. 19. Canadian Advertising Rates & Data. March 1976, p. 365. 20. C'est ce qu'a montré le rapport Davey. Keith DAVEY. Les mass media. Ottawa, Rapport du Comité spécial du Sénat sur les moyens de communications de masse, 1971, volume 1. 21 . Voir à ce sujet l'excellent article de Kevin PHILIPS. "Busting the Media". Harper's. Juillet 1977, pp. 23-35. 22 . Jeremy TUNSTALL. The Media are American. Anglo-American Me­ dia in the World. New York, Columbia University Press, 1977. 21 . Denis McQUAIL. Towards a Sociology of Mass Communications. New York, MacMillan, 1969 cité par Jean CAZANEUVE. La socié­ té de l'ubiquité. Communication et diffusion. Paris, Denoël, 1972. p. 42 22. Charles R. WRAIGHT. Ibidem. 23 . Jean CLOUTIER. La communication audio-scripto-visuelle à l'heu- M. Jean-Paul Légaré alors qu'il animait une émission à la télévision de CJBR Rimouski. Entrevue avec M. Jean-Paul Légaré, ex-rédacteur en chef de l'Echo du Bas St-Laurent

0.- M. Légaré, êtes-vous né à Rimouski et quelles avait fondé notre journal. Alors immédiatement études avez-vous faites pour devenir journaliste? après mes études il y eut à Rimouski le "Progrès" R.- Moi , je suis né à Rimouski. J'ai fait des et "L'Echo". L'Echo appartenait à mon frère Gérard études à l'extérieur comme tout le monde, dans Légaré. A ce moment-là, je suis entré naturelle­ les collèges à Lévis et à St-Hyacinthe en particu­ ment avec lui. Il m'a invité à faire du journalisme lier. Je suis revenu à Rimouski en 1944. En arri­ et j'ai commencé comme cela. vant à ce moment-là, je sentais le besoin de com­ 0.- M. Légaré avait déjà quelques collaborateurs à pléter des études dans un domaine où je n'étais ce moment-là? pas allé. J'avais fait des études en pédagogie et je R.- Il Y avait seulement une femme, excellente désirais faire un cours commercial ce que j'ai fait journaliste d'ailleurs, qui s'appelait Mademoiselle vers les années 42 à 44 ou quelque chose comme Bouillon. Elle ne signait pas mais elle était une cela. C'était au Séminaire qui avait à ce moment-là vraie journaliste d'actualité. Elle était extraordi­ sa section commerciale. Alors j'ai complété mon naire, tu sais ... Comment s'appelait-elle donc? cours et puis, immédiatement après, je suis entré . .. Rosane, je pense ... Bouillon. Rosane Bou­ en journalisme en 1945, je pense. langer! 0.- Le journalisme comme vous dites, c'était du 0.- Vit-elle encore cette Mademoiselle Boulanger? travail à ce moment-là? R.- Ah! oui, elle est à Sainte-Foy. Elle était une R.- Ah! c'était du journalisme, oui. Quoique ce qui excellente journaliste. Si elle entendait dire par était amusant au commercial, on avait fondé un exemple, qu'un train avait déraillé, une demi-heure journal qui s'appelait "L'opinion des jeunes". après la nouvelle était faite par téléphone. C'était C'était amusant parce que le cours classique avait fantastique. Alors on était trois. Mon frère faisait pour sa part un journal étudiant "La vie écolière" le journal. J'ai commencé tranquillement comme et ne voyait pas d'un bon oeil que des gars con­ cela. sidérés "très inférieurs" fasse la même chose 0.- Votre frère était en quelque sorte le directeur qu'eux. Les gars du cours commercial, c'était né­ le rédacteur en chef? ' gligeable. A l'époque ce cours était valable mais R.- Il était le propriétaire. C'était une compagnie l'économie du Québec, tu sais, ce n'était pas ce mais il avait le contrôle, il était propriétaire à ce qui était le plus recherché. De toute façon, on moment-là.

23 0.- Mais il n'y avait pas de personne attitrée à la rédaction? R.- Ah! non, quand je suis arrivé, je pense qu'il était seul avec Mademoiselle Boulanger. Il faut dire à ce moment-là que "L'Echo" publiait si j'ai bonne mémoire huit ou douze pages. Parce que pendant la guerre, il Y eut ration du papier et un journal comme "L'Echo", un hebdo, n'avait pas le droit de faire plus de huit pages. Immédiatement après la guerre, je me souviens lorsque je suis arrivé, on est monté à douze pages, seize pa­ ges ... et un jour, à Noël, on a réussi à faire vingt-quatre pages. C'était un tour de force. On a dit au typographe: "Si tu réussis à faire vingt-qua­ tre pages, on te donne un supplément." ... C'était un tour de force. Aujourd'hui, évidemment, c'est soixante ou quatre-vingt pages. On était restreint à ce moment-là. Mon frère réussissait à faire faci­ lement le journal seul durant la guerre. D'ailleurs c'était un excellent journaliste. Il avait le sens du journalisme. Il a fait la "Presse canadienne" auquelle il a collaboré. Lui pourrait vous racon­ ter des événements typiques. Moi, je n'en ai pas. Tu sais transmettre des photos par téléphone, par exemple, ou prendre une photo qui arrivait par avion. A ce moment-là, la poste canadienne arri­ vait par avion. Elle parvenait par bateau jusqu'à Pointe-au-Père et là un avion amenait le courrier jusqu'à Montréal. Il a fait des choses exception­ nelles à ce moment-là pour l'époque. En tout cas, il réussissait bien sûr à faire un journal de douze pages. Il avait une imprimerie avec cela. Il était propriétaire de l'Imprimerie générale. Alors quand je suis arrivé, la guerre finie, il n'y avait plus de ration de papier. Cela nous permettait de dévelop­ per un peu le journal. 0.- Comment se faisait le journal? Quelles étaient vos tâches à ce moment-là? R.- Ah! on faisait de tout. Comme aujourd'hui je pense bien. Moi, j'ai vendu de la publicité pendant un an tout en faisant de l'information, du jour­ nalisme. On faisait de l'éditorial, on faisait tout. 0.- Que voulait dire suivre un peu toute l'actua­ lité? R.- Ah! bien sûr. Cela voulait dire sept jours et sept soirs par semaine. Les jeunes ne compren­ Jean-Paul Légaré en compagnie du ministre des Riches­ nent pas celà aujourd'hui. Il y a encore des hebdos ses naturelles de l'époque, Daniel Johnson. qui le font. Il faut aimer cela. Par exemple le lundi soir c'était le conseil municipal, il fallait être là. Il je suis arrivé, j'étais avec mon frère. Si je me Y avait beaucoup de congrès régionaux ou provin­ ciaux. Le samedi et le dimanche il fallait y être. souviens bien, c'était vers 1963 qu'il a fait de la Alors même si on allait au conseil de ville le lundi politique. Il a été élu à la Chambre des Communes pour le comté de Rimouski. A ce moment-là, com­ soir on finissait le journal le lendemain ou le mercred i, il fallait fai re vite; fai re nos nouvelles me il était à Ottawa la plupart du temps, moi, j'ai rapidement, faire la mise en page.. . il fallait continué le journal et une partie de l'imprimerie, tout fai re, tout couvri r l'actual ité. Il fallait être un peu comme administrateur, pour faire l'essen­ tiel. Alors je pense qu'il a été député (j'ai pas trop partout. de mémoire là-dessus) peut-être trois ou quatre 0.- Mais vous en quelle année avez-vous com­ ans. Quand il est revenu il a travaillé un peu. Je mencé exactement? pense que c'était. .. en quelle année ... 66 que R.- Ah! Il faudrait que je revoie ... Je pense que l'entreprise a été vendue à M. Bri llant. Le jour­ c'était en 1945 ... A l'été 45, immédiatement après nal. .. à Jacques ou à la famille Brillant. Le père le cours commercial. et Jacques en tout cas. Alors je suis resté, comme 0.- Vous avez connu beaucoup de propriétaires je l'était depuis quelques années, directeur en fait tout au long de votre carrière? et presque seul . Je suis resté directeur du journal R.- Non ... bien ... c'est-à-dire oui et non. Quand jusqu'en 69.

24 0.- Vous dites que vous étiez un peu le directeur document-là, on était heureux. On a sorti notre m~is est-ce qu'il s'est ajouté du personnel, tran­ nouvelle avant le "Progrès". C'était la lutte pour quillement? l'information. Je pense que c'était mieux comme R.- Occasionnellement. Pendant très, très long­ cela. Si les journaux s'étaient servis de la même temps on a fait le journal à deux. Il y avait seu­ information, ils auraient été semblables. lement. .. On a engagé une journaliste qui faisait 0.- On aurait perdu de l'intérêt? ce qui était très à la mode à ce moment-là, les R.- Oui, on luttait à qui sortirait le premier pour courriers de paroisse. Chaque paroisse avait son arriver aux dépôts, chez les camelots. Une lutte courrier. Il y avait des choses légères et des pour les annonces, etc. C'était une concurrence choses intéressantes: des mariages, les baptêmes réelle. Moi, j'aimais mieux cela. de paroisse, les "va et vient" ... C'était amusant dans le temps ... M. Untel est allé à telle place. 0.- Qui était Paul Le Breton? C'était réellement un album de famille à ce mo­ R.- C'était moi, Paul Le Breton. Il y avait des gens ment-là. Je ne me souviens pas vers quelle année qui demandaient pour le voir et il n'était jamais là. on est devenu trois. Alors il est passé plusieurs Non, moi j'avais l'impression à ce moment-là, journalistes. Damien Gagnon, Rivard qui étaient au qu'étant jeune je ne pouvais pas signer. Cela "Soleil", Louis Pineau ... Il en est passé plusieurs n'avait pas de valeur en fait. Parce qu'un jeune comme cela. On avait un jeune homme, un jour­ homme qui exprime des opinions sur n'importe naliste qui faisait des reportages et une journaliste quoi, même l'éditorial par exemple, (ah! on a dit: au bureau. Mais on le faisait en fait. "II n'a pas la compétence."), alors je me disais qu'il valait mieux signer par un pseudonyme. C'est 0.- Ouelles étaient vos relations avec l'autre heb­ ce qui est écrit qui prend de la valeur, le nom a domadaire de la ville? peu d'importance à ce moment-là. J'ai signé enco­ R.- Jusqu'en 69 on était en concurrence directe, re sous un autre pseudonyme qui était Christian c'est bien sûr. C'était deux propriétaires différents. Desroches, pour tout ce qui concerne les arts, la C'était une période intéressante. Je dirais qu'on critique artistique. était en concurrence mais on se complétait aussi. Lisette Morin qui a été au "Progrès" pendant long­ 0.- On parlait tout à l'heure du journalisme que temps était plus littéraire, plus intellectuelle. Elle vous avez pratiqué, pouvez-vous développer votre s'i ntéressait davantage à l'Art de même que mada­ idée, peut-être que cela a orienté votre journal? me Gauthier. Au "Progrès" on donnait une impor­ R.- Moi, je considérais qu'un journal, Lisette tance plus générale et moi, par goût, surtout à Morin, aussi, dans un milieu en particulier, le mi­ pa.rtir de 56, l'année du Conseil économique, j'ai lieu du Bas St-Laurent, surtout à partir de 1956 priS le goût à l'économie avec le Conseil d'orien­ alors. q~'on a décou~ert qu'il était sous-développé, tation. Dans le journal, j'ai mis l'accent sur ce do­ devait etre la conscience d'une région et ne pou­ maine ... Je pense qu'on se complétait. .. On vait être uniquement un centre d'information. On s'engueulait parfois, on avait des polémiques. Moi, devait s'engager dans les problèmes économiques, je trouvais que c'était passionnant à ce moment­ épouser ces problèmes-là et défendre la popula­ là. Je pense que Lisette Morin peut dire la même tion, être son porte-parole. On pouvait avoir des chose. Ce qui est amusant, même à partir de 66, témoignages. J'en ai eu personnellement, de gens quand M. Brillant a acheté, on est resté en con­ de l'extérieur de la région du Bas St-Laurent, de currence et c'était un peu exceptionnel. On avait toutes sortes de milieux. Ils nous disaient: "Vous deux journaux qui avaient le même propriétaire. La êtes la conscience de votre région". Cela me pa­ comptabilité était même faite au bureau. Moi, je raissait important. Je ne porterai pas de jugement voulais qu'on reste en concurrence. Dans mon es­ sur la situation actuelle mais j'ai l'impression que prit, je me disais: "Cela va être plus intéressant cela a diminué. Etant engagé en particulier dans le pour le lecteur." Alors on restait en réelle concur­ domaine des arts et des lettres jusqu'en 56, j'ai rence, une concurrence très dure. C'était le même fondé les Compagnons des Arts et des Lettres en propriétaire, la même imprimerie, "Chez Blais". Je 46. On s'amusait, on était plus jeune. Mais à par­ trouvais cela bien intéressant. Je me rappelle ... tir de 56, l'économie m'a beaucoup préoccupé. on volait des nouvelles. Par exemple, quand ils ont J'avais l'impression de servir la région. Evidem­ sorti un dossier sur l'Université du Québec. On a ment durant toute la période du B.A.E.Q., les gens réussi à l'avoir, nous, en même temps que la radio étaient plus sensibilisés. Il y avait une participa­ et la télévision. Je ne dirai pas comment, parce tion considérable. Peut-être qu'on en donnait trop que je ne veux pas dévoiler des sources, même si même de l'information là-dessus. Il y avait un cela fait longtemps. Lisette Morin, en particulier, danger de lasser les gens à la longue. Cela ne n'y croyait pas à l'Université du Québec. Elle l'a plait pas à tout le monde dans un hebdo d'avoir écrit d'ailleurs vers 67-68. A son avis cela ne de­ trop d'informations économiques parce que les vait pas se produire avant dix ans, ce qui veut dire gens veulent de la variété. Moi, j'avais le sentiment qu'elle n'aurait commencé à fonctionner que cette qu'il fallait s'engager, épouser les problèmes d'une année. Moi j'y croyais. J'étais optimiste. Je faisais région sous-développée. un journalisme, on pourrait en reparler, un jour­ o - Comme journaliste, vous avez peut-être perçu nalisme engagé et tout en étant engagé dans les quel était le sentiment de la population en général choses, je faisais de l'auto-critique. Je me disais face aux journalistes? Comment voyait-on les qu'étant au coeur des problèmes, on pouvait mieux journalistes à cette époque-là? Est-ce que c'étaient les connaître et se réserver de faire de la critique des "fatiguants" ou des gens qui aidaient? dans le journal, s'autocritiquer. .. On avait eu ce R - On n'était pas critiqué. On n'était pas destruc-

25 tif, on était constructif. Alors je pense que les avait beaucoup de liberté. Lisette Morin faisait le gens sentaient qu'on travaillait avec eux, qu'on "Progrès" à son goût. .. Sauf pour une petite voulait bâtir la région ou la ville de Rimouski. De période dans le temps, je ne sais pas vers 58, 60, façon générale, je pense que les gens nous sui­ il n'aimait pas beaucoup le Conseil économique. vaient. On était un leader en tout cas. Evidemment On donnait une information objective mais il y a comme je le disais, tantôt dans le milieu rural, on eu une influence à mon point de vue uniquement voulait une nouvelle plus légère mais c'était diffi­ dans ce cas-là. Pour le reste, on faisait le journal à cile de faire un compromis entre les deux. notre goût. C'était un journal d'information. 0.- Est-ce que vous notez une différence entre ce 0.- Quels sont vos meilleurs souvenirs comme ré­ que souhaitait le milieu rural et ce que souhaitait dacteur? le milieu urbbain? R.- Ah! c'est curieux ça. Cela ne me touche pas, R.- A ce moment-là, je pense que oui. Je pense même les plus mauvais, cela ne me touche pas que le milieu rural était moins éveillé. Il voulait non plus. une information avec plus d'actualités, plus de 0.- En ce qui a trait à la division du travail, il y sensationnel. Cela a évolué rapidement, surtout à avait comme une petite guerre entre le "Progrès" partir de 1956, je pense. et "L'Echo" auprès des abonnés. Est-ce que vous 0.- Quelles étaient vos relations avec les proprié­ pouvez nous en parler. Elle s'est manifestée à taires? Avec votre frère, cela allait, il n'y avait pas plusieurs reprises cette petite guerre-là? de problèmes, mais quand M. Brillant est arrivé? R.- Ah. bien sûr, c'était important d'avoir le plus R.- Cela a bien été. Il n'intervenait pas. Il y a des gros tirage afin d'avoir la publicité et les lecteurs. choses qu'on sentait. Moi j'avais l'impression que Pendant longtemps, le "Progrès" avait un plus fort lui, étant propriétaire d'un réseau d'entreprises (qui tirage. Je m'étais promis de les battre. On y est étaient la télévision, l'électricité, le téléphone en presque parvenu dans les dernières années 67 68 particulier) je pense que cela aurait été malhabile, 69. C'est là que c'était amusant. On avait le rr:êm~ pour nous, de critiquer trop ouvertement celles­ propriétaire et on était en concurrence très forte ci. Mais cela on le sentait. Par exem pie si on avait sur tous les plans: la publicité, le tirage. On se fait une vive critique des conditions de salaire ou disait que si on a le tirage on va avoir les annon­ des conditions de travail à Québec-Téléphone, j'ai ceurs. Par exemple, à un moment donné, on avait l'impression qu'il serait intervenu. Il aurait dit: toute l'épicerie, c'est une information que la "Eille! les petits gars, ménagez-vous là. C'est à ménagère désire. Jusqu'à l'achat du journal par moi ça, le journal et Québec-Téléphone." On avait Brillant, au moment où Brillant a acheté "L'Echo" peut-être peur d'avoir peur, par ailleurs. Tu sais on la lutte était inégale, parce qu'il avait à la fois I~ avait des limites instinctives. On se disait, pour radio et la télévision et il s'en servait pour annon­ moi en tout cas, les entreprises Brillant on n'y cer le "Progrès". Nous, on était très défavorisé par touche pas. On traitait de tout le reste et en par­ rapport à celui-ci. On avait pas les moyens qu'il ticulier du développement économique. M. Brillant avait et qu'il utilisait. Au moment où il a acheté n'a pas été heureux du travail du Conseil écono­ "L'Echo", ce relent-là de concurrence n'est pas mique et du travail du B.A.E.Q. Parce que j'ai disparu. Il se servait encore davantage de ses réalisé moi que M. Brillant était un bâtisseur de outils pour promouvoir le "Progrès". A l'intérieur Rimouski. Tu sais c'était son château fort. Il des entreprises Brillant, je parle des communica­ habitait là et voulait en faire une métropole. Il tions radio, télévision et journal, "L'Echo" est ar­ voulait en faire une ville prospère, sans que ce soit rivé comme un intrus au moment de son achat. On négatif. Ses entreprises régionales l'aidaient dans a été accepté, on a été toléré mais cela a pris du ce sens-là. Elles drainaient des capitaux et l'éco­ temps avant qu'on entre dans la famille des entre­ nomie vers Rimouski et lui permettaient de gros­ prises. On continuait à favoriser le "Progrès" et sir. On peut prendre un fait en particulier. Quand malgré cela on était pas mal au même niveau. Je le Conseil économique, par compromis, par diplo­ ne me souviens pas même, si on n'avait pas matie, favorisait trois ports de mer: Rivière-du­ dépassé le "Progrès" au plan du tirage vers 1968- Loup, Rimouski, Matane, M. Brillant n'a pas aimé 69 . On était à la hausse constamment. C'était pi­ cela. Bien sûr, pour lui cela n'était pas possible quant, c'était intéressant d'essayer de faire un d'avoir un port puis un traversier exploitant ailleurs meilleur journal. Lorsqu'il se vend c'est parce qu'il qu'à Rimouski. Alors il n'aimait pas le Conseil est bon. S'il n'est pas bon, les gens ne l'achètent économique. Il lui a coupé les vivres (parce qu'il pas. lui donnait une subvention). Quand est arrivé le B.A.E.Q., c'était pour une autre raison, il n'a pas été assez consulté. Je ne dis pas qu'il n'a pas été consulté mais à mon point de vue, cela a été une 1) Cette entrevue a été réalisée par M. Antonio Lechasseur le 26 août 1977 à Québec. Pour conserver l'authenticité de erreur de tactique de la part du B.A.E.Q. de ne pas l'entrevue, nous avons jugé bon de transcrire, le plus inté­ tenir compte suffisamment de ceux qui font l'éco­ gralement possible les paroles de M. Légaré. nomie. Parce que ceux qui font l'économie ce sont eux qui investissent ces capitaux. Ce n'est pas le Noëlla Jean-Bouchard gouvernement. A mon avis, on pourrait en reparler, Jacques et Ghislaine Ouellet le plan était trop gouvernemental. Alors M. Brillant comme il n'était pas assez impliqué et était trop ignoré par le plan de développement. Il n'aimait pas beaucoup cela. Mais il n'est pas intervenu. On

26 CKBL: Une station régionale (19,48-1972) "Hommage à George Guy Chrétien qui a su com­ prendre que l'événement de chaque jour constitue la véritable histoire et qui a retenu dans un livre de bord ce que la mémoire des hommes a graduel­ lement oublié." "A toute la population de Matane et des envi­ rons, aussi loin que l'on puisse nous entendre, la direction et le personnel de CKBL souhaitent une journée radieuse en ce jour historique." Ce souhait devait être entendu par des milliers de gens rivés à leur appareil de radio acheté en prévision du grand jour. Nous sommes le premier septembre 1948. La station CKBL de Matane entre en ondes avec une puissance de 1,000 watts, 1250 kilocycles. Le personnel compte 19 employés, ce qui représente une bonne équipe pour l'époque. Le travail acharné de deux pionniers de la ra­ dio à Matane se concrétise. Ces deux hommes Roger Bergeron, président, et René Lapointe, vice~ président, conjuguent leurs efforts depuis 1946 pour doter la région de Matane de sa station radio­ phonique. Le 5 octobre 1946 la Compagnie de Ra­ diodiffusion de Matane Limitée est incorporée. Dé­ butent alors un nombre incalculable de démarches pour aboutir à la réalité du premier septembre 1948. Le 15 janvier de cette année, le ministère des Transports émet un permis d'exploitation de sta­ tion privée de radio à la Compagnie. La station s'appellera CKBL, les deux premières lettres d'ap­ pel étant déterminées par le ministère, les deux Le regretté Marcel Houle, annonceur et auteur des romans­ autres identifiant les propriétaires Bergeron-La­ fleuves "L'EPAVE" et "LA MARJOLAINE". pointe. En mai 1948 s'amorce la construction de l'é­ metteur, une bâtisse de 24 par 30 pieds à Ponche­ ville, en banlieue de Matane, maintenant connue sous le nom de Matane-Est. Vient ensuite l'amé­ ~éjà plusie~rs ont saisi le rôle social que pourra nagement des studios au 144 Avenue St-Jérôme à jouer la radio dans le milieu. Les dirigeants de la Matane. L'organisation technique de la nouvelle station ont d'ailleurs déjà reconnu ce rôle et se station est confiée à l'ingénieur Paul DuBerger. l'ont donné comme vocation. Le chanoine Victor Côté, un grand ami de la station commence la Marcel Houle détermine la programmation journée par une messe qui est diff~sée sur les on­ CKBL diffuse depuis le premier septembre des de CKBL. Durant la messe, un violoniste de 1948 et compte déjà dans ses rangs un annonceur grand talent, mO'lsieur Gilles Lefèbre, alors prési­ qui jouera un rôle de premier plan dans le contenu dent des Jeunesses musicales du Canada inter- et l'orientation de la programmation de la jeune prète quelques pièces religieuses. ' station. Il s'agit de Marcel Houle. Ce dernier devait Dans l'après-midi, le chanoine procède à la quitter la station dans les années '50. Il aura été bénédiction des studios de CKBL qui sont ouverts l'auteur de trois romans-fleuves qui ont remporté au grand public curieux de voir comment on par­ un très fort succès. Qui ne se rappelle pas, gens vient, par la magie des ondes, à pénétrer dans les de l'époque, de "L'Epave" et de "La Marjolaine" foyers. Plus tard, c'est le traditionnel cocktail suivi qui ont retenu l'attention d'un auditoire attentif. d'un banquet qui regroupe plusieurs dignitaires. Marcel Houle devait quitter Matane et devenir du­ On entend alors les allocutions de Roger Berge­ rant plusieurs années directeur-gérant de la station ron, président, René Lapointe, vice-président, Phi­ CJMT à Chicoutimi . Par la suite, il poursuit sa lias .Côté, député de Matapédia-Matane, Adrien carrière à CKVL, Verdun, où il écrit un troisième PouliOt, gouverneur de Radio-Canada, le maire roman-fleuve, "Margot" qui connaît un excellent Jean-Charles Gagnon, les curés Victor Côté de la départ. C'est avec beaucoup de peine que l'on ap­ paroisse St-Jérôme et Zénon Soucy de la paroisse prend son décès en avri 1 1961. St-Rédempteur et finalement l'abbé Antoine Ga­ Ouverture officielle de CKBL gnon, bien connu à Matane. Le 11 novembre 1948, on procède à l'ou­ La journée se termine par la diffusion en soi­ verture officielle de la station. Après deux mois et rée du Drame de Mayerling, une mise en ondes de demi on peut se permettre de fêter l'événement car René Verne avec une pléiade d'artistes locaux. 27 La barque connait des moments d'angoisse qui rencontre les grands personnages de l'histoire. Nous sommes en mai 1950. Après un an et Il retiendra autour de l'appareil les enfants tous les demi d'exploitation, le déficit est de $18,000. On samedis après-midi. craint pour la survie de l'entreprise. Le président Les besoins grandissants d'espace et de lo­ Roger Bergeron, intéressé par une autre entreprise, caux plus adéquats incitent la direction à démé­ décide de s'y consacrer entièrement et cède une nager dans un édifice plus fonctionnel. Le 17 mai partie de ses parts à son associé René Lapointe, 1957, les employés quittent le 144 St-Jérôme et qui s'empare ainsi de la présidence de la Compa­ se transportent dans l'édifice de la rue St-Sacre­ gnie. Roger Bergeron vend le reste de ses parts au ment. Déjà, on songe à l'arrivée éventuelle de la frère de René Lapointe, Octave, qui devient vice­ télévision. président. Commence alors ce que les employés appellent la dynastie des Lapointe. On doit procéder à des restrictions budgétai­ res importantes pour sauver de la faillite la jeune entreprise. Malgré les coupures apportées aux coûts de production, la direction ne parvient pas à rétablir la situation. Elle se voit alors contrainte de réduire ses effectifs. Il faut comprendre ici que les revenus de la compagnie sont assurés par la vente de publicité. Même si l'entreprise a dix-huit mois d'existence, les marchands locaux n'ont pas encore pris conscience de la force de ce nouveau moyen de publicité. Il faut aussi comprendre que nous sommes encore dans l'après-guerre et que nous visons une série de changements sociaux qui ne seront rentables pour CKBL que quelques années plus tard. Malgré tcut, la nouvelle admi­ nistration parvient à rétablir un équilibre précaire entre les revenus et les dépenses. Cette situation aura eu comme effet secondaire de créer une forme de gestion qui demeurera en place durant toute l'histoire de CKBL, une forme de gestion que l'on peut qualifier de restrictive. Les années '50, des années riches en production 1954, la puissance de CKBL passe de 1,000 à 5,000 watts. Les frères Lapointe avaient en 1952 ajouté à leur éguipe un jeune ingénieur, Yvan For­ tier, qui saura dans le futur permettre une évolu­ tion technique importante à la station. On peut même le citer comme étant celui qui a permis à CKBL de connaître une adaptation technique com­ Armande Desrosiers, animatrice et interprète de plusieurs. rôles des romans-fleuves. patible aux développements techniques des com­ munications. Il demeure que les années '50 sont à juste ti­ tre considérées comme l'âge d'or des productions de CKBL. Durant cette période se sont associés des annonceurs de talent, des auteurs et des équi­ pes techniques pour produire une série d'oeuvres qui ont marqué l'histoire de la programmation de la station . En 1954, l'orchestre de CKBL est formé. En 1956, les auditeurs assistent le 20 janvier à la première d'un nouveau radio-roman, "Le Mauvais Part.qge" C'est un texte du scripteur François Côté. Les vedettes en sont Oliva Poitras, Armande Desrosiers, Laurent Jourdain, Guy Langelier, Luigi, Claude Guénette. Le 23 janvier 1956, la station CKBL se voit dé­ cerner un Beaver Award pour une production loca­ le, "La Marjolaine", entendue sur les ondes de 26 stations de langue française. C'était la première fois qu'une station radiophonique de langue fran­ çaise méritait un tel honneur. Le 15 janvier 1957, CKBL met en ondes un radio-roman hebdomadaire dédié aux enfants "Les aventures de Georgius" Ce texte de Huguette Bu­ "AU PETIT BONHEUR·' une émission d'intérêt féminin avec i -,Ia raconte les aventures que connaît Georgius les anim'ltwrs Louise Lebel et Jean-Marie Provost [1959-1960)

28 L'ère de la télévision Le 31 décembre, Lauren Jourdain, speakerine Depuis 1952, la radio connaît un assaut sans à CKBL, est vedette de l'opérette de Roland précédent de la part de l'évolution. Ce médium qui D'Amour. Lors des auditions pour le rôle-titre, elle a contribué au développement social des Québé­ l'avait emporté sur plusieurs concurrents de grande cois d'une manière fantastique voit son auréole valeur dont Colette Boky. Elle fait une remarquable flétrie par l'arrivée de la télévision. Radio-Canada création du rôle de Céline. Peu de temps après, diffuse ses premières émissions dans les foyers de elle en interprète un extrait à Music Hall. Montréal. La contagion se répand rapidement dans De 1960 à 1972, l'âge de la maturité les grands centres. Les régions périphériques ne Après 12 ans d'activité, la radio de CKBL a peuvent résister à l'assaut. Les Lapointe se met­ atteint sa maturité. Le travail est aussi devenu plus tent à la tâche. Le 19 août 1958, les téléspecta­ routinier. Et surtout, on subit le contre-coup de teurs assistent à l'ouverture de CKBL-TV. Le 24 l'implantation de la télévision. Tout le monde se août, les portes sont ouvertes au public qui répond tourne vers le téléviseur qui a usurpé à la radio avec enthousiasme. Les visiteurs qui peuvent une foule de ses activités traditionnelles. On as­ trouver une place dans le grand studio assistent à siste à la fin des romans-fleuves qui cèdent devant une émission en circuit fermé. le poids des téléromans. La compagnie de radio­ Le 7 novembre de la même année, c'est la diffusion de Matane inscrit aussi de lourdes pertes première d'une émission de variétés dont la diseu­ au niveau de ses annonceurs-vedettes. Jean Berger se matanaise Lauren Jourdain est la vedette. Plus quitte la station une première fois en 1960. Il re­ tôt dans la semaine, les émissions "Au vieux fe­ vient en 1961 mais repart en 1963 pour se porter nil" et "Bal dans ma rue" ont reçu leur baptême candidat libéral dans Montmagny-L'isiet aux élec­ des ondes à CKBL-TV. L'année se termine avec la tions fédérales. Armande Desrosiers avait quitté en grève des réalisateurs de Radio-Canada. mars 1959 ainsi que Aline Gagné (le 26 novembre Même si la télévision s'est emparée des éner­ 1959). Marcel Houle ne fait plus partie de l'équipe gies de l'équipe de CKBL, cette année-là aura per­ depuis quelque temps. Luigi, un accordéoniste mis la création d'un autre roman-fleuve à la radio. très apprécié du public part en 1962. On ne par­ Il s'agit "Des grands espaces", un texte de Harvey vient plus à reconstruire une équipe dynamique Paradis, annonceur à Roberval. Les principaux comme celle des premiers temps. rôles sont tenus par Armande Desrosiers, André Les structures financières de la Compagnie Watters, Lauren Jourdain, Marcelle Carrier, Jean sont plus fortes. La direction peut se permettre Berger, Luigi et Jean-Marie Provost. des améliorations importantes. Yvan Fortier, in­ 1958 sera aussi rannée du président de la génieur entré à CKBL en 1952, devient en 1961 di­ Compagnie, René Lapointe. Le 3 mai il est le réci­ recteur et secrétaire de la compagnie. Il assume de piendaire du trophée Frigon pour avoir contribué plus la direction technique. au développement des talents locaux. Dans le La télévision est maintenant la principale même mois, il est élu président de l'Association préoccupation de radministration. Elle n'a que canadienne de la radio et de la télévision de lan­ deux ans mais déjà elle exige beaucoup. En 1961 gue française. Il voit ainsi souligné d'une façon l'antenne de CKBL-TV, jusque-là située à Petite­ particulière dix années de travail consacrées au Matane, est transférée sur le mont Logan. Le 24 développement de la radio et de la télévision dans août, la route conduisant au sommet du mont est la région de Matane et sur la jeune Côte-Nord. complétée. Le 12 octobre, CKBL-TV quitte les on­ Nous somm8S en 1959. La grève des réalisa­ des. Presque sans arrêt, jusqu'au 5 novembre, les teurs à la télévision de Radio-Canada prive CKBL­ travaux du Mont Logan se poursuivent. La diffu­ TV de revenus indispensables et provoque une sion est plus puissante et porte les images à brèche rouge importante dans le budget d'exploi­ Sept-Iles, Port-Cartier, Baie-Comeau et Hauterive. tation. Financièrement, la Compagnie n'a pas En juin, on procède à l'érection d'un ré-émetteur encore commencé à retirer des llividendes de j'ar­ au Mont Climont dans la Matapédia améliorant rivée de la télévision. On avait investi beaucoup. ainsi la diffusion dans cette région qui avait été la La direction doit remercier de leurs services une grande perdante du transfert de l'antenne maîtres• dizaine d'employés. La grève terminée, la vie re­ se au mont Logan . Le 9 août, un autre ré-émet­ prend de plus belle. Du 3 au 9 mai 1959, la semai­ teu r est installé à Man icouagan. Le 10 octobre ne de la radio pour tous les postes de langue fran­ 1963, la télévison entre dans les foyers de Mur­ çaise est organisée par CKBL. Les textes de Geor­ dochville grâce à la mise en place d'un ré-émet­ ges Guy sont lus par Jean Berger, Armande Des­ teur. En mars 1964, la puissance de la radio est rosiers et Lauren Jourdain. Le 19 juin, la station portée de 5,000 à 10,000 watts. présente une revue musicale de l'année. Les meil­ Le 8 septembre 1965 le président de la com­ leurs talents locaux qui sont apparus devant la pagnie, René Lapointe, se rend à Ottawa afin de caméra du canal 9 depuis l'ouverture participent plaider sa cause devant le Bureau des Gouverneurs au gala d'une heure. de la Radiodiffusion. Depuis quelques mois des Le 12 octobre, la sixième et dernière saison démarches sérieuses se poursuivent dans le but du roman-fleuve "L'Epave" débute à la radio. Les d'acheter les installations de CHAU-TV de Carle­ mêmes personnages sont toujours attendus des ton. Il revient optimiste d'Ottawa. Finalement, le auditeurs. Pit L'Heureux garde son franc-parler. En président de la compagnie décide d'abandonner ce bon Samaritain, il défend les habitants de Pointe­ projet qui aurait fait de la compagnie l'unique aux-biches contre les machinations de Monsieur télédiffuseur de la péninsule et de la Côte-Nord. Duval. Ce geste est motivé par le risque financier que

29 représente la transaction. Entre-temps, le 27 sep­ tembre, un ré-émetteur à Grande-Vallée ouvre l'ac­ cès à la télévision à la population de cette zone isolée par la topographie. Avec l'implantation d'un satelli~e à Causapscal et un autre dans le Grand­ Détour, l'infrastructure technique de CKBL est quasi complétée. Le tournant s'opère L'année 1971 sera marquée par deux événe­ ments déterminants. Le premier est l'accréditation d'un syndicat des employés représentés par NABET. Le 5 juillet, le projet de convention col­ lective est présenté à la direction par le syndicat. Il va sans dire que les relations ouvrières sont ten­ dues. Habitués qu'ils sont à des relations de tra­ vail particulières, les frères Lapointe acceptent mal l'arrivée du syndicat. le président René Lapointe pour sa part est agressif. " ne parvient pas à re­ connaître le fait qu'après 23 ans d'administration, il doive définir un nouveau procédé de relations de travai 1. La tension est forte et un climat d'agressivité s'installe. Le 25 novembre 1971, les parties s'entendent sur un projet de convention collective digne d'être cité comme modèle à éviter pour des syndiqués désireux d'améliorer leur sort. Autre fait déterminant pour CKBL: la Société Radio-Canada entreprend des démarches en vue de l'acquisition des installations de la compagnie. Une histoire qui aura duré 24 ans va s'éteindre. 31 août 1972, la fin d'une époque. Radio-Canada prend possession des installations de CKBL-Radio et CKBL-Télévision. Nous sommes le premier sep­ tembre 1972. Une autre page importante de l'his­ toire des communications en Gaspésie s'ouvre. CKBL cède sa place à CBGA/CBGAT. De l'an­ cienne station il n'existe plus que ce que la mé­ moire des hommes et des femmes de l'époque a su conserver: d'heureux souvenirs.

Bertrand Emond

Gilles Lapointe, premier caméraman et réalisateur à CKBL-TV.

De 1948 à 1972, CKBL aura été au centre des communications dans la région de Matane et sur la Côte-Nord. 30 UN JOURNAL PAR LUI-MEME , "Le Progrès du Golfe" de 1904 a 1954 (1)

Etudier l'histoire des communica­ tions dans le Bas St-Laurent, cela veut dire s'intéresser à tous les aspects de la presse régionale. Mais nous som­ mes encore loin d'une recherche glo­ bale sur l'histoire des mass-media. Pourtant, si tel n'est pas notre but , il faut cependant reconnaître que l'étude de certains journaux s'impose d'elle­ même, dès qu'on regarde l'allure que prend le monde des communications F.X. Létourneau au début du XXe siècle au Québec: M. M. L.N. Asselin les grandes villes , Montréal et Qué­ hebdomadaire, Rimouski voit naître le Mais qui sont les fondateurs du bec, possèdent déjà leurs grands quo­ Nouvelliste de Rimouski (ayant un Progrès du Golfe? Là aussi le journal tidiens alors que le monde rural tente complement anglais : The Rimouski fournit une réponse. Il semble que de créer ou de maintenir en vie, selon Star] en 1876, lequel allait mourir en l'initiative revienne à l'avocat Louis­ le cas , quelques hebdomadaires ré­ 1881, quelques années plus tard. En­ Napoléon Asselin qui, dit-on, déplo­ gionaux. C'est dire que l'histoire des fin , l'Echo du Golfe parut à peine un rait avec ses concitoyens l'absence communications, à cette époque, cor­ an de 1885 à 1886. d 'un tel hebdomadaire à Rimouski. respond d'abord à une analyse de la De 1886 à 1904, soit pendant dix­ Dès l'annonce du projet, des voix pes­ presse diffusée à très grande échelle huit ans, la région n'eut aucun jour­ simistes s'élevèrent: "l'enfant était et de la presse rurale. nal. Il faut attendre l'initiative de encore à naître que déjà on prédisait Une histoire du Progrès du Golfe, Louis-Napoléon Asselin et de Fran­ qu'il ne naîtrait pas viable! C'est qu'il notre plus grand et plus vieil hebdo­ çois-Xavier Létourneau pour que pren­ y avait alors comme il y aura toujours madaire régional, revêt une importan­ ne naissance le Progrès du Golfe au partout des prophètes de malheur! " (4) ce capitale pour la compréhension du printemps de 1904. Le journal lui-mê­ Malgré ces critiques, le journal parut phénomène des communications de me nous renseigne assez bien sur les sans trop de difficultés. Asselin masse dans un territoire rural éloigné circonstances entourant cette fonda­ s'associa à François-Xavier Létourneau des grands centres urbains. Dans la tion. Sans posséder une masse d'in­ qui possédait alors une imprimerie à région du Bas St-Laurent et, jusqu'à formations, on en a suffisamment Rimouski. un certain moment, dans la Gaspésie, pour comprendre et analyser tant soit le Progrès du Golfe, cet hebdomadaire peu l'initiative rimouskoise. La préparation du premier numéro rimouskois qui vécut de 1904 à 1970, Paraît donc, le 15 avril 1904, le pre­ ne se fit pas sans heurts. Séraphin représente le type (quasi idéal) du mier numéro de ce que sera le Progrès Vachon, en assuma la préparation journal de province. Chercher à en du Golfe. En page deux de ce numéro, typographique. Il nous dit lui-même faire l'histoire nécessiterait plusieurs les éditeurs définissent leurs objectifs comment le travail se faisait: années de labeur. Mais une opération dans la publication d'un journal heb­ Nous ne possédions pas, à cette semble intéressante à tenter : dégager domadaire. Ils expliquent tout d'abord époque reculée, un matériel d'impri­ certains traits de la vie du Progrès du le choix du nom: le Progrès du Golfe. merie compliqué; tout se faisait Golfe en utilisant comme source prin­ Par "Golfe", ils veulent dire "cet im­ alors à la main, lettre à lettre. Je cipale le journal lui-même. Cette mé­ mense territoire, formant l'extrémité voudrais bien voir les jeunes d'au­ thode mérite qu'on s'y arrête puisqu'il sud-est de la province de Québec, jourd'hui essayant de faire le même ressort de la lecture de ces articles renfermant les comtés de Rimouski , travail; ils n'y comprendraient à peu deux types d'approches: d'abord les Bonaventure et Gaspé, et connu sous près rien. Le compositeur, le correc­ articles consacrés à la vie quotidienne le nom de 'Division du Golfe'." (2) Ce teur des épreuves, le metteur en pa­ du Progrès, c'est-à-dire sa propre ac­ territoire regroupait à l'époque plus de ges, le pressier, etc., était la même tualité, et les textes qu'il consacre à cent mille personnes. Après avoir fait personne, c'est-à-dire qu'il fallait sa­ sa propre histoire. De 1904 à 1954, la description physique de la région, voir et être partout à la fois. [5] nous avons recensé une cinquantaine en nommant les nombreuses institu­ A l'époque, pas de moteur, ni d'é­ d'articles qu'on peut diviser selon ces tions civiles et religieuses, on cons­ clairage électrique. La presse devait deux tendances. Ainsi , nous privilé­ tate que c'est là un pays de coloni­ être actionnée à bout de bras par deux gions ici une approche interne, au dé­ sation où l'agriculture domine nette­ hommes. Cette presse (modèle de triment d'une recherche plus globale ment la scène économique. En pu­ 1850) qui servit à imprimer les pre­ sur ce journal, permettant de voir bliant le Progrès du Golfe, ses édi­ miers numéros du Progrès du Golfe comment, au fil des ans, le Progrès teurs veulent "travailler au dévelop­ avait été achetée par F .-X. Létourneau du Golfe a pris naissance, quelle fut pement de ce coin de pays, faire con­ et son associé, laquelle servit aupa­ son idéologie, ses polém iques, son naître ses richesses aux autres parties ravant à imprimer le Journal de Qué­ fonctionnement. Enfin, la diffusion et du Canada et à l'étranger," en plus bec. "Pour la circonstance, M. le l'évolution du journal de 1904 à 1954 d'''encourager sa population dans les shérif Asselin nous fournissait quatre seront des thèmes rapidement abor­ nobles travaux qu'elle s'impose, être gros prisonniers, de la ge61e de Ri­ dés. 'l'organe fidèle de ses besoins, l'avo­ mouski, qui ne se faisaient pas prier • UNE FONDATION cat sincère de ses intérêts religieux, pour tourner, mais qu'il fallait bien De 1867 à 1904, plusieurs tentatives politiques et sociaux, et même aussi traiter et surtout surveiller." (6) Ces de fondation d'hebdomadaires dans la le vèhicule de ses réclamations et de anecdotes autour de la parution du région du Golfe voient le jour. A Ri­ ses justes demandes'. " (3) Le journal premier numéro montrent dans quelles mouski seulement, cinq journaux sont se donnait comme devise : " Aime Dieu conditions artisanales et quelles diffi­ successivement créés. Chacun d'eux et va ton chemin". cultés on devait surmonter pour arriver ne réussit à vivre que quelques années Retenons ici l'insistance que met­ à présenter une simple feuille sur tout au plus. La Voix du Golfe, le tent les fondateurs sur "le progrès" et quatre pages. Séraphin Vachon nous premier journal à être diffusé et impri­ le "développement" de cette région du apprend de plus que ce numéro fut mé à Rimouski, parut de 1867 à 1871; Golfe. Valeurs libérales caractéristi­ édité à quatre mille exemplaires et le Courrier de Rimouski lui succéda ques sur lesquelles nous reviendrons diffusé à partir d'une liste électorale. de 1871 à 1873 ; après trois ans sans un peu plus loin. Tout nous porte à croire que le Pro-

31 grès du Golfe connut des dèbuts très primé sur la question nationale et presse rurale "a une portée générale lents ; bien que l'abonnement n'excé­ constitutionnelle. Le notaire Couture en ce qu'elle affirme la permanence dait pas le dollar. Bien peu lui firent crut aussi à l'émancipation sociale et d'une force de décentralisation qui n'a confiance au point de payer cette économique des Canadiens français . pas été entamée par la puissance de somme avant les premières parutions. Le journal est , avec bien d 'autres, la grande presse. Le quotidien a son Le journal n'eut à son origine que cinq l'une des voix principales par lequel rôle à jouer ; l'hebdomadaire exerce cent cinquante abonnés alors que " les se sont exprimés les idées nationalis­ aussi le sien. La presse rurale ne peut livres, à la date du 15 mai 1905, accu­ tes des élites petites bourgeoises ca­ se remplacer ; c 'est la voix du peuple sent un montant payé de $65.41 et nadiennes-françaises. Il ne faudrait même". (15) Les élites locales se re­ une balance à recevoir de $611 .35". (7) pas croire que ce sont uniquement les connaissaient donc les seuls aptes à Le Progrès du Golfe naît donc avec revues et les journaux de Montréal et exprimer les voeux et les désirs de la cet espoir de servir le "progrès" de la de Québec qui ont animé le mouve­ population de leur région, en se dif­ région du Golfe et d'être la voix de sa ment national dont le chanoine Lionel férenciant bien entendu de la "grande population face aux divers pouvoirs. Groulx est devenu la personnification, presse", éditée dans les centres im­ Mais quel type de progrès? Beau mais aussi certains hebdomadaires de portants. Le Progrès du Golfe est l'un souhait certes, mais cet hebdomadaire la presse rurale. des plus parfaits exemples de ce régional est la voix de l'élite (petite­ mouvement. D'ai lieurs, n'exprimait-i 1 bourgeoise); non pas celle de la po­ • UN TYPE DE JOURNALISME: pas clairement lui-même quel rôle pulation du territoire, à preuve, les LA PRESSE HEBDOMADAIRE social il entendait jouer: difficultés que le journal éprouve au RURALE plan du recrutement de ses abonnés Le Progrès du Golfe se veut un Le journal est sans conteste, à aux premières heures de sa fondation. journal indépendant de tout parti poli­ l'heure présente, l'instrument pré­ tique mais aussi un journal local et pondérant de formation des masses. • INDEPENDANCE ET TENDANCES rural , différent des grands journaux Selon les principes qui l'inspirent, POLITIQUES DU urbains. Omer Héroux disait en 1904 à il est tantôt un agent civilisateur, "PROGRES DU GOLFE" cet effet : " en dépit de l'énorme déve­ tantôt une source de dépravation Expression d'un " progrès", le jour­ loppement des grands journaux, de inte"ectuelle et morale, car c'est lui nal rimouskois fondé en 1904, se veut leurs vingt pages et de l'information surtout qui crée l'opinion, cette "rei­ un organe indépendant des partis po­ intensive, je crois au succès du jour­ ne du monde" dont parlait Pascal. litiques de l'époque. D'après divers nal local - à la condition qu'il soit Dans son rayon d'action, il crée une témoignages, il semble que le journal essentiellement local." (11) Les quo­ atmosphère intellectuelle et morale ait conservé tout au long de son exis­ tidiens à large diffusion ne peuvent où se réflète sa propre physiono­ tence cette relative indépendance face concurrencer le journal local puisque mie. Ses lecteurs lui doivent en par­ au politique, même si une grande ce dernier se spécialise dans l'infor­ tie, leur façon de voir, de sentir, de partie de son information porte sur mation qui relève de la région. A l'in­ penser, touchant les problèmes des sujets de politiques provinciale, verse, les journaux régionaux ne d'ordre économique et social qui in­ nationale et internationale. Le Progrès peuvent concurrencer les quotidiens téressent la communauté dont ils du Golfe se défend d'être un journal au plan des informations générales, font partie. Mieux encore. Même de parti, lequel il condamne sans am­ nationales ou internationales. Pour quand il publie les faits les plus bages " Nos journaux font de la poli­ une région comme celle du Bas menus de la vie locale quotidien­ tique. Or la politique est ce qu'il y a St-Laurent, un hebdomadaire local ne - rubrique commerciale, indus­ de plus sec et de plus coriace. Es­ jouit d'un très grand avantage car " s'il trielle, religieuse, toute une popula­ sayer de les décider à changer de veut y mettre de la bonne volonté, de tion prend instantanément conscien­ cuisine, c'est chose vaine. Rebelles à l'esprit d 'organisation , de la méthode, ce des mouvements d'une vie col­ toutes remontrances, ils s'acharnent à jamais le grand journal en dépit de lective dont fait partie la sienne. hypnotiser leurs lecteurs et à leur ses efforts, ne réussira à l'égaler en Et, grâce à cela, chaque citoyen, suggérer l'amour de parti." (8) Ces m atières locales." (12) Le journal local chaque membre de la communauté journaux ne regardent les choses que et régional a aussi l'avantage d'être communie en quelque sorte à la vie d'un côté; il s'ensuit une déformation également l'écho des besoins locaux : de son groupe, de sa paroisse, ou plus ou moins grande de l'informa­ " il n'est pas une région qui n'ait des de son canton. L'âme individuelle tion. Il faut lire le journal de parti intérêts particuliers à défendre, des s'enrichit ainsi des apports de l'âme mais avec " l'esprit éveillé (et) l'intel­ ressources spéciales à développer, collective. ligence en garde" . (9) Quant à lui, le des problèmes à résoudre. Où toutes Disons plus, Même quand la pro­ Progrès du Golfe se déclare indépen­ ces choses seront-elles débattues, se qu'elle publie suscite la naissan­ dant des partis politiques et c'est en sinon dans le journal local?" (13) ce d'opinions opposées à la sienne, quelque sorte sur ce choix qu'on base Ce souci régionaliste est à même là encore et surtout, le journal con­ la publicité du journal à ses premières d 'expliquer un aspect de l'origine du tribue et de façon efficace à l'épu­ heures. On veut aussi éviter que les Progrès du Golfe. Une région veut se ration d'idées et de sentiments, par­ lecteurs du journal se mettent à y donner un moyen pour exprimer, par fois trop chargés de préjugés et croire plus qu'à une parole d'Evangile. le biais de ses élites , ses pensées, trop pauvre de contenu inte"igi­ N'allons pas croire que les fonda­ ses souhaits, ses doléances, etc . Le ble. Dans un autre ordre d'idées teurs du Progrès du Golfe n'expri­ journal , au cours de ses années d'en­ et sur le plan de la vie économique, maient pas de temps à autre certaines fance et même une fois devenu adulte que le journal nous révèle l'existen­ de leurs options politiques. Séraphin a toujours tenté de répondre adéqua­ ce de nos ressources naturelles ou Vachon rappelait dans ses souvenirs tement à cet objectif. Mais il faut tout qu'il porte à notre connaissance les que " M. Asselin, le fondateur, pen­ de même constater l'importance qu'oc­ projets de réforme des élites, dans chait pas mal du côté conservateur, et cupent les articles d'information d'in­ toutes les zones de l'activité humai­ (son) oncle Létourneau du côté libéral, térêt national et international. Il y a ne, que d'espoirs il suscite, il en­ celui-ci voulant surtout soigner la certaines périodes où les nouvelles de tretient, il nourrit. clientèle de l'imprimerie, ce qui don­ type régional ne tiennent qu'une petite [ ... ] nait souvent lieu à des scènes fort place dans le journal. (14) amusantes". (10) On réussit tout de même à imposer Te"e est l'histoire du Progrès du De 1910 à 1950, le Progrès du Golfe ce nouveau type de journalisme qu'on Golfe durant le dernier quart de siè­ prend une allure nettement nationalis­ appellera dans les années trente " la cle dans la région rimouskoise. [16] te. Cette périOde est marquée par le presse rurale", même si l'actualité ré­ règne de J .-Eudore Couture, rédactp,ur gionale était souvent reléguée au se­ qui sera vraiment l'âme du journal cond plan. Il est important de retenir pendant presqu'un demi siècle. ici cette adéquation que faisaient les Le Progrès du Golfe ASt peut-être directeurs des hebdomadaires en as­ demeuré indépendant de" partis poli­ sociant journalisme et voix du peuple tiques, mais il s'est cl"iremeni ex- tout entier: ne disait-on pas que la

32 • UN JOURNAL LIBERAL: mieux èqulpes du Canada, un ré­ tres journaux de la province. L'IDEE DE PROGRES ET DE seau téléphonique qui, par le secret Dès 1915, une querelle éclate entre DEVELOPPEMENT REGIONAL du sans-fil, nous tient en commu­ l'Action Catholique de Québec et le Dès le dèbut de sa publication, le nications directes avec les centres Progrès de Rimouski sur un sujet Progrès du Golfe fonde son action isolés de la Côte Nord, une Ecole constitutionnel entourant l'a ide que le selon une problèmatique de progrès. d'Arts et Métiers régionale et tant Canada octroyait à la Grande-Bretagne Ce progrès se définit comme un mou­ d'autres réalisations vivantes et pro­ comme allié au début de la Première vement vers l'avant, vers ce qui est metteuses de développement éco­ Guerre mondiale. La discussion s'en­ meilleur et plus parfait. La routine de nomique, c'est à ce magicien [nous gage entre deux ecclésiastiques, cha­ la vie quotidienne est exactement le reconnaissons ici Jules A. Bri"ant], cun collaborateur de ces deux jour­ contraire du progrès puisqu'elle en­ à son audace, à sa sûreté de vision naux. Il semble que le fond de la po­ gendre l'uniformité, l'inattention et et d'exécution, à son influence pro­ lémique soit le suivant: suite à la l'ignorance. Les fondateurs du journal fonde et multiforme, que nous le contribution du Canada à la Grande­ ont ce souci du progrès matériel bien devons. [21] Bretagne, l'Action Catholique prend orienté et souhaitent ainsi que la ville Ces paroles prononcées par Eudore une position au nom du clergé et des de Rimouski et ses environs en con­ Couture lors d'un congrès de l'Asso­ évêques. Le Progrès du Golfe lui re­ naissen t les fruits: ciation des Journaux Hebdomadaires proche de parler pour un si grand Située sur les bords de notre Canadiens-Français sont tout de mê­ nombre d'individus et il tient à expri­ "majestueux St-Laurent", arrosée me différentes de cell es qu'il pronon­ mer sa propre opinion. Le débat prend par la rivière dont les eaux donnent çait en 1925. Est-ce que la multiplica­ l'a llure d'une querelle entre nationa­ le mouvement à nos industries, en­ tion des services à Rimouski suffisait listes et impérialistes: les nationalis­ tourée de côteaux qui dominent une à satisfaire la petite-bourgeoisie de tes étant représentés par le Progrès du plaine que des soins intelligents l'époque? A lire ces textes, tout nous Golfe, les impérialistes par les tenants peuvent rendre fertile, notre ville se porte à le croire et d'autant plus que de l'Action Catholique. Le journal trouve dans les conditions exigées la vi ll e de Rimouski n'a jamais conn u québécois voit mal comment un jour­ par les lois du progrès. [17] un développement important de son nal de province peut traiter sérieuse­ Pour arriver à cet objectif, les gens secteur secondaire, c'est-à-dire des ment des questions publiques; un intéressés ne peuvent travai 11er seu 1s. activités de transformation. Le com­ ecclésiastiques écrivant à l'Action Ca­ Le progrès social et économique est le merce semble être le secteur qui con­ tholique disait ceci: "Vous avez sou­ ré su ltat des efforts de la communauté, nut le plus de croissance et de succès lagé l a conscience publique par "du concours de toutes les intelligen­ et ce la dès ce moment! Cette tendan­ l'é reintement (sic) donné au 'Probrès ces". Ainsi , les intérêts privés de­ ce du développement des services sur­ du Golfe'. Ils sont là un groupe de vraient se taire devant les intérêts de tout au plan commercial est exprimé jeunes gens qui se grisent de la pipe­ la majorité qui oeuvre, bien entendu par le Progrès du Golfe en 1941 alors rie des mots et d'un certain esprit pour le bien commun. Le Progrès du qu'on ten te de la rendre bihebdoma­ frondeur qui n'est plus à sa place Golfe semble souhaiter, dès son ori­ daire. L'un des principaux points sur dans les grandes questions publiques, gine, un progrès de type essentielle­ lequel on se base pour opérer cette quelques dégourdissant qu'il soit dans ment urbain , puisqu'on ne fait allusion transformation c'est l'importance gran­ les banalités ordinaires de la vie" . (23) que très rarement aux régions de l'ar­ dissante de la publicité dont les mar­ Le Progrés du Golfe lui répond de ma­ rière-pays , éloignées de Rimouski. La chands peuvent se prévaloir pour la nière aussi vive par la voix d'un ecclé­ conclusion d'un article de P. de Néri bonne marche de leurs affaires: siast iq ue : l'Action Catholique "déna­ est éclairant à ce sujet: "Que le bien Et Rimouski sera, croyons-nous, ture et prostitue la doctrine catholique de la ville (. de Rimouski ... ), que la seule ville du Canada français à pour la faire servir à des fins mesquI­ l'honneur de la ville soient le bien et posséder un organe bihebdomadai­ nes , qu'elle bafoue les préceptes évan­ l'honneur de tous, c'est là un des re, ce qui ne sera pas pour elle un géliques, que cela constitue un vérita­ meilleurs éléments de progrès" . (18) instrument de publicité et un élé­ ble scandale, que si cela ne change, Un e autre preuve que le Progrès du ment de progrès négligeable. Nos le tollé général qui gronde, sourde­ Golfe s'inscrit bien dans la pensée li­ concitoyens, notamment les mar­ m ent éclatera au grand jour dans tous bérale c'est de voir Eudore Couture chands et les hommes d'affaires qui les diocèses". (24) Le Progrès s'offus­ se plaindre en 1924 de l'évolution très ont foi dans l'efficacité de l'annon­ que de voir que 1',Action Catholique n'a lente de Rimouski. Croyant toujours ce publiée à temps, pourront nous pas le courage de "soutenir et de dé­ au progrès comme à une chose possi­ aider de ce côté. Pour que les af­ fendre la franche et loyale doctrine ble et nécessaire, il ne peut que cons­ faires marchent et prospèrent, il politique du nationalisme canadien, tater une certaine stagnation: "Nous faut les administrer avec prudence, (ce qui) provoq ue parto ut le dégoût et sommes visiblement affectés par son soit; mais en ne dédaignant pas les les protestations des hommes les plus dèpart de notre vieille petite ville initiatives qui accentuent d'une fa­ intelligents, les plus clairvoyants et [parlant du départ d'un des co"abora­ çon certaine, éprouvée, cette mar­ les plus indépendants des partis poli­ teurs du journal] si lente, elle, à se che avant et cette prospérité. La pu­ tiques , plus particulièrement des développer même normalement, et blicité est de ce"e-Ià . [22] membres de notre c lergé". (25) Il fal­ comme affligée d'un sommeil mor­ Le Progrés du Golfe défendait le pro­ lait savoir en quelque sorte de qui du bide . . . " [19] grès e t le développement matériel Progrés du Golfe ou de l'Action Ca­ A l'opposé, il semble qu'en 1935 le mais il espérait aussi pouvoir en vivre. tholique serait le représentant de l'opi­ bilan du développement de la ville de nion cléricale en cette occasion. Rimouski soit plus positif. La popu­ • POLEMIQUES ET RELATIONS En somme, le Progrès du Golfe voit lation a doublé et on a assisté à la AVEC LES AUTRES JOURNAUX dans les déclarations du lieutenant­ multiplication des édifices publics Il fut une époque où le Progrés du gouverneur de l'époq ue des senti­ dans les limites de la municipali­ Golfe figurait parmi les grands de la ments impérialistes alors que celu i-ci té. (20) En 1938, la situation semble presse québécoise. Ce journal était cherche à interpréter la constitution. encore mei lIeure: attendu impatiemment par les intel­ Pour l'ecclésiastique de Rimouski , Même si nous admettons sans lectuels du Devoir ou de la Presse. ri en dans la constitution ne justifie le discussion et d'emblée toutes les Cela tien t en grande partie au fait que type de contribution avancée à l'An­ critiques dont il est la cible, il n'en le journai bas-Iaurentien était bien gleterre, mais le Progrès se prononce reste pas moins que si, dans notre plus une feuille remplie d'idées qu'un pour le principe suivant: "pas de con­ région du Bas du Fleuve, nous or('élne d information retenant l'événe­ tribution sans représentation". Prê­ avons aujourd'hui d'excellents servi­ rnEint local ou régional , ce qu 'il ad­ chant l'autonomie canadienne, on ces publics à structure et physiono­ viendra VPrs 1940. croit toujours à la nécessité de colla­ mie canadienne-française, par exem­ Les réoacteurs et les collaborateurs borer avec l'Empire mais dans un ca­ pie: de l'électricité qui nous éclaire, GU Proorès du Golfe traitaient des dre de discussion tout à fait renou­ de rapides et confortables bateaux grands !',roblèmes de l'heure et il leur velé. N'est-ce pas la doctrine prônée qui nous relient à l'autre rive du e 3t souvent arrivé d'engager des polé­ par les nationalistes "canadiens" grou­ grand fleuve, un poste de radio des n, !q LJ8S avec leurs confrères de d'au- pés , pour la plupart , autour d'Henri

33 Bourassa, le fondateur du Devoir. avoir montré que le Saint-Laurent contre cet intrus en s'attaquant d'a­ La polémique prit fin un peu comme s'apprêtait à collaborer avec des jour­ bord à son programme. toutes les autres, alors que l'un des nalistes français, lui repose la même Le Progrès du Golfe, citant les té­ deux opposants se tait et laisse à question, à savoir si ces derniers moignages de fidèles abonnés, ne voit l'autre le soin d'interpréter en sa fa­ étaient des émissaires gouvernemen­ aucune nécessité dans la parution de veur toute la discussion . En l'occu­ taux travaillant à l'élévation du niveau ce nouvel organe régional , compte rence, il semble bien que ce fut le culturel des masses. On ne sait pas si tenu des " difficultés de toutes sortes Progrès du Golfe qui eut le plaisir du des excuses lui furent adressées. que traversent actuellement plusieurs dernier mot. Outre ces polémiques et discus­ journaux, tant quotidiens qu'hebdoma­ En 1936, vingt ans plus tard, "Ama­ sions, le Progrès du Golfe eut l'occa­ daires. Pourquoi alors être deux quand dor", nouveau pseudonyme de notre sion de se prononcer sur plusieurs il y a place que pour un" . (32) On lui "ecclésiastique" de 1915, explique, en questions d'importance, au gré de pose d'autres questions tout aussi relatant ses souvenirs, comment, vue l'actualité politique et économique. Le fondamentales: " de qui ou de quoi de l'intérieur, cette polémique se dé­ journal nous en fournit lui-même une est-i 1 l'écho?" Selon le Progrès, " sau­ roula: liste assez détaillée: rait-on exiger moins, d'hommes qui se Quand j'entrai dans le débat, il [le - pour la tempérence (1904-1913) mettent en frais de renseigner, d'éclai­ notaire Couture] me fit reprendre - contre la loi Brodeur (marine de rer, de conseiller et diriger la masse deux articles, précisement parce guerre) (1910-1911) de leurs compatriotes par l'organe de que je ne donnais pas le texte et - pour les écoles de Keewatin (1912) la presse? Sûrement, non". (33) La que j'avais faussé l'idée; et un troi­ - pour le Sou de la Pensée française fondation de l'Echo du Bas St-Laurent sième dut être refait parce que, néo­ - pour les Canadiens français d'On- semble bien une entreprise fort "irra­ phyte de la plume, à l'épiderme trop tario tionnelle", "paradoxale" et "anorma­ sensible, j'avais trempé cette plume - pour l'agriculture et la colonisation le". Passant en revue les éléments de dans le vitriol et mis là-dedans trop - contre la participation du Canada son programme, le Progrès table sur de mots violents. Comme j'étais à la guerre et la conscription le fait que IEcho n'est ni indépendant, surpris de cette censure, Couture (1914-1917) ni l'organe d'un quelconque parti po­ me dit: "Notre adversaire prétend - pour le français dans les services litique, d'aucun groupement "social, que son opinion est l'expression du publics patriotique et religieux" et qu'il a été mandement de Nos 55. les Evê­ - contre la Cie Electrique (Crédit fondé sans l'appui de l'autorité ecclé­ ques; à son point de vue, elle peut Municipal) siastique ou autre; rien ne justifie "sa se soutenir, mais elle est discuta­ - pour l'indépendance d'opinion en mission d'apôtre agricole, colonisa­ ble. Il faut rester digne et respecter politique teur, social, pontifical et. .. régional". le seul prêtre journaliste qui a tant - contre la loi Roberts (33) de courage, et si méritant par ail­ - pour la création de l'Union profes- L'Echo du Bas St-Laurent a été mis leurs, même si des opinions politi­ sionnelle des cultivateurs (1924) au monde par une corporation com­ ques sont contraires aux nôtres". - contre la fusion de la Banque Na- merciale; pour le Progrès, les fonda­ Remarque qui nous fit estimer da­ tionale avec la Banque Hochelaga teurs de ce nouveau journal n'ont, en vantage cet homme, fin, mais chré­ - pour la décentralisation se lançant dans une telle entreprise tien avant tout. [26] - la question de l'heure que des intérêts mercantiles, en ten­ Que dire de l'éthique professionnelle - etc. (31) tant de rentabiliser l'Imprimerie Gé­ d'Eudore Couture et de son équipe? Comme on le soulignait plus haut, nérale: Le Progrès du Golfe eut, à d'autres le Progrès du Golfe se présente com­ Et c'est donc bien vrai alors qu'il occasions, la chance de se prêter à la me un journal exprimant des idées n'est rien de plus que l'Echo ou l'or­ polémique. Ainsi, en 1920, on discute générales sur l'actualité politique sur­ gane de simples marchands-impri­ vivement de l'érection du Monument tout sur les grands courants de pen­ meurs faisant affaires sous le nom aux braves de Rimouski, qui mit en sée de l'époque. Mais, avec le temps, de l'Imprimerie Sociale Catholique, vedette Jules A. Brillant, en sa faveur, le journal est redevenu plus conforme non, non, pardon, de l'Imprimerie et l'abbé Joseph-Désirée Michaud, à son objectif de départ soit d'être Générale de Rimouski, LIMITEE? curé de Val-Brillant, en désaccord d'abord un organe d'information de Voilà, ce sont ces bons bour­ avec l'idée même de cette initiati­ type régional et rural . Ainsi on remar­ geois, commerçants de circulaires ve. (27) En 1925, le Progrès se frotte que une diminution progressive des et de cartes de visites, qui lui ont au Soleil de Québec au sujet d'une grandes campagnes et discussions conféré sa mission [?] de prêcher élection fédérale. Là encore, le Pro­ polémiques. Mais, à l'inverse, le Pro­ l'action catholique, la morale, le re­ grès sous la plume de Jean Berthier, grès du Golfe tolère très peu la con­ lèvement agricole, la colonisation et se montre catégorique; en critiquant currence dans le domaine qu'il s'est la petite industrie à NOS POPULA­ les grands journaux qui s'engagent réservé. Quelle n'est pas sa réaction et TIONS [sic, re-sic] de la région du dans la campagne électorale dans le sa surprise lors de la fondation d'un Bas de l'Imprimerie, pardon, du Bas but de détruire l'ancienne administra­ autre hebdomadaire, l'Echo du Bas St-Laurent. tion, en l'occurence celle du premier St-Laurent, à Rimouski en 1933. Ce Eh oui! ce sont eux. ministre Meighen, "au lieu de rensei­ nouveau venu avait de quoi inquiéter, EUX SEULS! [34] gner les électeurs sur les programmes puisqu'il se donnait à peu près la Ces paroles vives du Progrès lais­ des partis et sur les questions impor­ même mission que le Progrès du sent nettement entrevoir une peur lé­ tantes auxquelles ils devraient accor­ Golfe. Il faut dire de plus que l'Echo gitime de la concurrence, une peur de der leur sérieuse attention." (28) La du Bas St-Laurent est né dans des disparaître, alors que lui-même a eu Presse, quotidien de Montréal, n'est conditions qui sortent un peu de l'or­ toutes les difficultés pour réussir à pas mieux considérée puisque Couture dinaire, conditions et circonstances survivre. Le Progrès du Golfe était en la qualifiait en 1926, de "boutique de touchant près à la vie du Progrès réalité le seul hebdomadaire à ne pas dem i-monde journalistique". (29) du Golfe. L'affaire trouve son origine mourir à Rimouski. Bien que les con­ Le Progrès du Golfe eut des problè­ dans le fait que le Progrès décide, ditions économiques n'étaient pas des mes non seulement avec les grands après plusieurs années de bons servi­ plus favorables, il aurait été difficile journaux de la province, mais aussi ces d'impression auprès de l'Imprime­ pour le Progrès du Golfe de ne pas avec quelques confrères de la presse rie Générale, d'accepter un contrat répondre de cette façon alors qu'il hebdomadaire, notamment avec le avantageux avec l'Imprimerie Gilbert, possédait le quasi monopole de l'in­ Saint-Laurent de Rivière-du-Loup. A ce entente lui permettant de réduire sen­ formation régionale, en l'absence de la sujet on relève une attaque du Saint­ siblement le coût de son abonnement. radio et de la télévision ou d'un con­ Laurent à l'endroit d'un collaborateur Immédiatement l'Imprimerie Générale current valable. français (qui signait alors C.-A. B.) réagit et fonde l'Echo du Bas St-Lau­ L'histoire du Progrès du Golfe se qu'on accusait d'être "un des nom­ rent, qui fait sa première expédition à caractérise donc par plusieurs polé­ breux Français chargés par le Gou­ l'aide des listes d'abonnés laissées miques avec ses confrères. Mais ce vernement de ~a province de déniaiser par l'administration du Progrès. Dès n'est là qu'une partie du visage de cet les Canadiens". (30) Le Progrès, après lors, le Progrès du Golfe s'acharne hebdomadaire, puisqu'il s'est toujours

34 efforcé, semble-t-il, de cultiver de ce rt ain s aspects particuliers de sa vie , Loin de faire tort à leur entreprise, bonn es relations avec eux. Nous en tel son administration , pose certains cette manière d'agir n'a fait que avon s la preuve par quelques témoi­ problèmes . Toutefois, le Progrès du contribuer davantage à sa réussi­ gnages et par les nombreux messages Golfe fournit quelques données à ce te. [36] d'a dmiration adressés périodiquement sujet , à l'intérieur même de ses pages. Voilà de quelle manière se tissent à son rédacteur, Eudore Couture. La Il nou s a été impossible de dresser les relations entre propriétaires, direc­ cordialité du Progrès du Golfe nous la li ste de tous les actionnaires, admi­ teurs et actionnaires. Mais faire vivre est rapporté par un des rédacteurs du ni strateurs et collaborateurs , mais en un hebdomadaire dans une région journal montréalais, le Matin: 1933, le Progrès fait un retour sur son comme celle de Rimouski a toujours Alors que, suivant une sordide hi stoire ce qui permet de situer cer­ signifié sa crifices et privations pour coutume journalistique, la majorité taines personnalités. Le tableau qui les "ouvriers" du Progrès du Golfe: de nos confrères élevaient contre suit montre comment et par qui fut "sait-on que son rédacteur et son ad­ nous le traditionnel barrage du si­ pu b lié le Progrès du Golfe de 1904 ministrateur devaient se satisfaire du­ lence, le Progrès du Golfe, dont à 1933. rant la décade de 1909-1919 d'un sa­ nous sommes le rival immédiat, Les noms qu'on retrouve sur cette laire de $4.00 par semaine et que, pour le premier rang qu'il occupe li ste (n o n exhaustive) tiennent tous de quoiqu'actionnaire de la Cie du Pro­ dans la presse hebdomadaire indé­ la petite-bourgeoisie rimouskoise, gra­ grès du Golfe, son directeur-rédacteur pendante de la province, nous ac­ vitant principalement autour des fa­ actuel (Couture) ne reçut pas un sou cueillait spontanément avec une milles Asse lin , Couture et Brillant. de dividend e comme ses co-associés cordialité à laquelle ces temps de Voici comment les actionnaires-pro­ durant un e douzaine d'années , se con­ muflerie ne nous avaient guère ha­ pri étaires voyaient leur rôle dans la tentant toujours , durant ce laps de bitués. publication d'un tel périodique: temps, de sa pitance hebdomadaire [ . . .] Les actionnaires de la Cie du Pro­ de $4 en tout et pour tout." (37) Pour être directeur d'un journal grès du Golfe, détenus en quelques Sacri fices , labeur et courage, tels qui existe depuis plus de vingt ans, mains rimouskoise, comptent parmi so nt les attributs qu'il faut faire porter M. Eudore Couture a la savoureuse les meilleures valeurs et valent deux sur celui qui fut l'âme dirigeante du originalité de n'être pas un cochon. fois leur pair. Ajoutons à ceci que Progrès du Golfe pendant près de [35] les actionnaires de la compagnie se quarante ans: Eudore Couture. Si le Voilà donc un aspect de la vie du sont toujours fait un devoir et une journal réu ssit à surmonter les pires Progrès du Golfe : à la fois palabreur, ligne de conduite de laisser au di­ di fficultés, c'est bien à lui que le bagarreur, politicailleur, courtois, cor­ recteur-rédacteur de leur organe la crédit revient. Quelques traits de sa dial, etc. dans ses relations avec plus grande lattitude, la plus grande personnalité suffiront-ils à expliquer d'a utres journaux de la province. liberté d'opinion. Le journaliste à l'ac tion de ce " maître" du journalis­ leurs yeux n'est pas un mercenaire, me? Alphonse Caron , avocat rimous­ "LE PROGRES DU GOLFE" tenu d'obéir à leurs dictées mais un kois et grand am i d'Eudore Couture, VU DE L'INTERIEUR homme dans toute l'acceptation du vo it ses principaux caractères distinc­ Lorsqu 'on veut étudier la vie d'un terme, un homme libre, responsa­ tifs dans : périodique et que notre source prin­ ble de ses écrits et en qui ils repo­ cipale de rense ignement se trouve à sent toute leur confiance, après son énergie, son indépendance, être le journal lui-même, connaître l'avoir choisi avec discernement. l'originalité de sa pensée, sa maÎ-

L'ADMINISTRATION DU "PROGRES DU GOLFE" DE 1904 A 1933

COMPAGNIES ACTIONNAIRES ADM.-GERANTS DIRECTEURS REDACTEURS

1904 Cie de publication L.-N. Asselin L.-N . Asselin L.-N. Asselin L.-N . Asselin de Rimouski F.-X . Létourneau

1908 Cie de publication L.-N. Asselin L.-N. Asselin L.-N . Asselin L.-N . Asselin de Rimouski

1909 Cie de publication L.-N. Asselin 1. Asselin L.-N. Asselin L.-N . Asselin de Rimouski 1. Asselin S. Vachon R. Asselin S. Vachon

1910 Cie de publication E. Couture S. Vachon Eudore Couture Eudore Couture du Progrès du L.-J. Moreault Golfe 1. Gagnon 1. Asselin R. Asselin A.-M. Tessier (1913, 1917) J .-A . Brillant

1923 Cie du Progrès ( .. . ) Eudore Couture Eudore Couture du Golfe J .-A. Brillant G. Masson prés. du C.A . (1929-1934) ( . . . )

1933 ? ? G. Légaré Eudore Couture Eudore Couture (1934, +)

Source : (Anonyme), " Le Progrès du Golfe", dans Le Progrès du Golfe, 4 août 1933, p. 8.

35 trise de la langue française remar­ riln tes qui freinaient, dans la région Jessop, Damase Potvin (46), etc. etc. quée des maîtres du notariat fran­ et ailleurs dans la province, l'admi­ Tou t nous lai sse supposer que l'éven­ çais eux-mêmes, son esprit entre­ nistriltion du Prêt agricole. Le Soleil tail des collaborateurs était assez prenant, son caractére jovial et em­ est allé jusqu'à lui donner le crédit larg e puisque le Progrès du Golfe a preint de bonté malgré la brusque­ d'une campagne entreprise dans le but traité à l'intérieur de ses pages de rie apparente dont elle s'enveloppait d'aider les agriculteurs touchés par tous les sujets possibles; un index parfois, sa loyauté à toute épreuve ces mesures: thématique réalisé récemment en est à l'égard des amis et. .. des adver­ Le gouvernement a·t-il jamais été la preuve. saires, ce qui est beaucoup plus fermé à la critique constructive? Le Progrès du Golfe eut donc des méritoire, sa franchise qui ne con­ C'est en grande partie son insistan­ réd acteurs et des collaborateurs régu­ naît pas de favoris, sa générosité ce, la clarté de ses exposés, le bon li ers et dynamiques. Qu 'en est-il de la à tous les mouvements sociaux de sens de ses remarques qui ont in­ réponse des gens du milieu et de toujours trouver son coeur et sa cité M. Taschereau [Alexandre, alors l'impact général de l'hebdomadaire? bourse largement ouverts, en qui premier ministre du Québec] à faire En 1904, la parution du premier nu­ et surtout un respect à la parole rechercher et démêler par des offi­ méro du Progrès du Golfe causa un donnée faisant que la Parole de ciers ministériels et aux frais de certain remous dans la population; Couture, et la chose est loin d'être l'Etat les titres souvent embrouillés "On se passait le journal de main en coutume de nos jours, vaut un con­ des aspirants au prêt agricole. [43] main", (47) dit-on. Ce fut un véritable trat. [38] Albert Rioux , président régional de événement si bien que le nombre des Un autre témoignage, traduit en l'Union Catholique des Cultivateurs abonnés crût de manière relativement boutade, montre cette fois toute l'ar­ (U.C.C.) lui rend un ho ..nmage simi­ rapide. Pour Eudore Couture, les deur donnée par Couture à son travail laire en rappelant le rÔ le précurseur abonnés se recrutaient "dans les meil­ de rédacteur du Progrés du Golfe: " le d'Eudore Couture lorsqu'il souhaitait leu res classes religieuses (sic), socia­ notaire Couture avait fait du PRO­ le regroupement des cult 'vateurs dans les et professionnelles". (48) Mais de GRES DU GOLFE l'oeuvre de sa vie. le but de défendre leurs intérêts. (44) 1904 à 1941 , le bilan de la croissance C'était comme le complément de sa L'ilct ion du réd acteur d 'J Progrès du des abonnements semble bien mince. carrière. Quelques-uns, comme à-côté, Golfe es t nettement teintée de natio­ Cette faible augmentation, ou stagna­ font de la politique; d'autres vont à la nillisme comme le montle ce témoi­ tion, pour dire juste, semble être le pêc he ou à la chasse; d'autres s'i nté­ gnage de J .-Ernest Laforee, président fait de la plupart des journaux heb­ ressent à la terre; d'autres jouent au de la Société St-Jean-Baptiste de domadaires de ce type: "ces périodi­ golf. Le notaire Couture jouait au Pro­ Montréill, dans les années trente: ques en reviennent toujours à un grès du Golfe." (39) Il consacrait ses Toute son oeuvre des 25 derniè­ chiffre de circulation qui ne varie, en journêes à son travail de notaire, ses res années tend à pousser ses com­ dépit de l'â ge avancé et des progrès soirs et ses nuits à la rédaction du patriotes à prendre conscience du journal ainsi que du développement journal. (40) d'eux-mêmes, à se refaire en cer­ matériel et intellectuel de la région où Il faudrait citer ici des pages de tains cas une âme nationale, à en­ il est publié." (49) Et la direction du texte pour illustrer les nombreuses tâ• trainer leurs compatriotes, à s'im­ Progrès du Golfe de poursuivre sur le ches que devait accomplir le notaire poser les sacrifices nécessaires peu d'abonnés: Couture à titre de rédacteur du Pro­ pour se faire une âme collective qui Ainsi, il est invraisemblable et in­ grès du Golfe. Bien qu'employé à a ses qualités de Maître de la croyable que, dans un territoire aussi "temps partiel" à cause du caractère maison commune. vaste et aussi ouvert à tous les déve­ spécifique de l'hebdomadaire de pro­ Notre ami Couture a montré loppements que la contrée du bas vince, Eudore Couture était, à une l'exemple aux jeunes. Si son exem­ St-Laurent et du Golfe, un journal certaine époque, l'unique " pourvoyeur" ple et ses conseils sont suivis, comme le nôtre, qui en est rendu à du journal qu'il dirigeait. Rédaction avant bien des décades, nous se­ paraître à 12 pages à cause de son des éditoriaux, nécessitant plusieurs rons redevenus les maîtres chez volume d'annonces et qui dès l'an heu res de lecture, longues corrections nous. [45] des textes des collaborateurs, tenir à dernier a dû paraître chaque semai­ A en juger par les nombreuses pu­ jour la correspondance, se tenir tou­ ne avec un minimum régulier de 8 jours suffisamment informé de l'ac­ blications de voeux et d'hommages de pages, n'a pas encore réussi à dou­ la plupart des grandes personnalités tualité dans plusieurs domaines, con­ bler le nombre d'abonnés qu'il avait québécoises, Eudore Couture semble sidérer les demandes du public, as­ à ses débuts, en 1904, il Y a donc s'être taillé une solide réputation, non sister à un nombre élevé de réunions 37 ans, alors qu'il devrait, par le hétéroclites et en faire le compte seulement à titre de rédacteur, mais seul fait de son accroissement na­ aussi comme notaire, comme anima­ rendu, ponctualité dans la remise des turel et normal, avoir sextuplé ce . tex tes au prote, voir aux annonces , à teur nationaliste, etc. Les honneurs ne nombre, compte tenu des pertes la mise en page, aux corrections lui manquèrent pas non plus, puisqu'il moyennes par décès et autres diver­ d'épreuves, etc. etc. C'est là en résu­ fut à un moment au cours de sa vie ses causes de désabonnement. Le mé l'essentiel de la tâche de tout Directeur de l'Association Canadienne­ cas n'est pas particulier à notre ré­ journaliste qu'Eudore Couture a su française des Journaux Hebdomadai­ gion. [50] réaliser avec professionnalisme, d'a u­ res et Président de l'Association des Comment expliquer cet état de fait? tant que ces étapes sont en quel­ Notaires du District de Rimouski. Plusieurs facteurs entrent ici en ligne que sorte un perpétuel recommence­ Si, le Progrès du Golfe fut de 1910 de compte. Il faudrait faire une étude ment hebdomadaire, répétées à lon­ à 1951 la personnification même d'Eu­ pour approfondir cet aspect. gueur d'année, (41) ce qui implique de dore Couture, il faut tout de même Un autre problème semble causer "sérieux et pénibles sacrifices pour rappeler la collaboration de maintes et du tort au Progrès du Golfe: l'expé­ accomplir tout notre devoir, sans hé­ maintes personnes à la rédaction du dition. En effet, la livraison par voie sitation, fermement, jusqu'au bout". journal. Ces collaborateurs sont au­ postale se fait très lentement, ce qui (42) jourd'hui difficiles à identifier, tout agace tout autant les directeurs du autant que les écrits du rédacteur à journal que les lecteurs. En 1923, le Eudore Couture, comme rédacteur cause de l'habitude généralisée de problème semble sérieux: du Progrès du Golfe, hebdomadaire de rendre les textes presqu'anonymes par Les saboteurs de la Poste, sont province, s'est impliqué et a prêté sa l'usage d'une grande variété de pseu­ priés de noter que leurs brimades plume pour la défense de plusieurs donymes. Quelques entrevues pour­ atteignent surtout nos abonnés, et causes d'importance; d'ailleurs ses raient nous révéler l'identité de ces que nous avons pris les moyens nè­ préoccupations transparaissent dans nombreuses personnes. Une liste éta­ cessaires pour faire connaître à ces la liste établie plus haut sur les polé­ bl ie en 1933 donne les noms de quel­ derniers la cause de ces irrégulari­ miques entretenues par le journal. ques fidèles collaborateurs du temps: tés, interruptions ou retards. Quand Mais, une autre question a retenu R.-P. Sylvain, Joseph Gauvreau, N.-J. la bataille de la liberté de la presse l'attention du notaire couture: l'agri­ Pouliot, Fortunat Charron , Victor Cô• sera gagnèe dans cette province, il cl/ lture notamment sur la question de té , Lé de G. Belzile, Ernest Laforce, y aura celle de l'égalité à livrer. Et lil radiation des hypothèques inopé- Alphonse Fortin, F.-X.Ross, James nous gagnerons celle-ci comme

36 nous gagnerons l'autre. [51] Saint-Laurent, Vol. III , no 2, novembre Une vingtaine d'années plus tard 1976, p. 24 . la livraison par la poste ne s'est pas 15 Baptiste (pseudonyme), " Commentaires sensiblement améliorée alors qu'une de confrères à l'occasion du 40è anni­ publication de fin de semaine, comme versaire du Progrès du Golfe. En marge celle du Progrès, était nettement dé­ des 'souvenirs' racontés par M. Séra­ favorisée à cause du manque de phin Vachon," 28 avril 1944, p. 3. 16 Témoin (pseudonyme), "Commentaires moyens de communication et de de confrères à l'occasion du 40e anni­ transport. Les ruraux reçoivent si tar­ versaire du Progrès du Golfe. En marge divement le journal "qu'il ne leur offre, des 'souven irs' racontés par M. Séra­ cela se conçoit, que fort peu d'intérêt phin Vachon" , dans Ibid. comme un organe d'information". (52) 17 P. de Néri, " le progrès", 27 mai 1904, Pour obvier à cet obstacle, la direction p. 1. décide de rendre le Progrès du Golfe 18 Ibid. bihebdomadaire, permettant ainsi à 19 E. C. (Eudore Couture), "Départ de no­ tous les abonnés de recevoir au moins tre collaborateur", 24 juillet 1925, p. 1. 20 (Anonyme), " Anniversaire: directeur de­ un numéro publié la même semaine. puis 25 ans au 'Progrès du Golfe", 13 Cette initiative ne semble pas avoir décembre 1935, p. 1. bien du succès puisque le Progrès est 21 (E. Couture), "Discours 'Editorial' du di­ vite redevenu hebdomadaire. recteur du 'Progrès du Golfe', M. Eudo­ C'est là donc un bref coup d'oeil re Couture aux congressistes de la jeté sur la vie interne du Progrès du Presse Hebdomadaire C. F.", lors de Golfe. Nous avons vu qui dirigeait le leur visite à Rimouski , le 7 août", 12 août 1938, p. 1. journal, qui le rédigeait, comment on 22 (la direction du Progrès du Golfe), " No­ y collaborait , etc. Ce n'est pourtant là tre journal devient bihebdomadaire", 23 qu'un aperçu d'un aspect qui reste avril 1941 , p. 1. fondamental dans l'étude et la con­ 23 Cité dans " Une autre voix", 29 septem- naissance de l'un de nos journaux ré­ bre 1915, p. 1. gionaux. 24 Ibid. 25 Ibid. Le Progrès du Golfe représente 26 Amador (pseudonyme), " Amador évoque donc un outil essentiel dans l'effort de ses souvenirs d'ancien collaborateur. compréhension et d'explication de Au 'Progrès du Golfe''', 28 février 1936, notre réalité historique régionale. Dé­ p. 2. finir en quelques paragraphes son 27 Cet événement nous est rappelé par un orientation première, ses tendances intéressant article publié par Nive Voi­ politiques, les polémiques entretenues sine dans La Revue d'Histoire du Bas St-Laurent, vol . l , no 2. avec les autres journaux, sa vie inter­ 28 Fernand (pseudonyme), " Comment le ne , n'avait d'autre but que de lever 'Soleil' nous lit", 7 août 1925, p. 1. tant soit peu le voile sur la petite­ 29 Eudore Couture, " En prenant congé", bourgeoisie rimouskoise dans la pre­ 3 avril 1926, p. 1. mière moitié du XXè siècle et les 30 (Anonyme), " l'Espagne et le 'Saint-lau­ idéologies qu'elle véhiculait, notam­ rent"', 1 mai 1931, p. 1. ment celle du progrès social et éco­ 31 (Anonyme), " le 'Progrès du Golfe''', nomique (le libéralisme) et du natio­ 4 août 1933, p. 8. 32 (Anonyme), " lettre d'un curé gaspésien , na1i sme. d'un échevin de Rimouski et d'un lec­ Pour se faire, nous avons choisi teur de Montréal , qui ont reçu contre d'utiliser une source bien particulière, NOTES ET REFERENCES leur gré le premier numéro de l'Echo du c'est-à-dire les articles du Progrès du Bas St-laurent, 10 mars 1933", p. 1. Golfe lui-même en sélectionnant une Je tiens à remercier mon frère, Jean­ 33 Ibid. catégorie bien spéciale d'articles, ceux Charles lechasseur, pour sa précieuse 34 Ibid. portant sur la vie du journal. Cela collaboration, puisqu'il s'est chargé de 35 Roger Maillet, " Phénomène d'une sa­ explique, en partie, l'orientation don­ la cueillette des articles, sans quoi il voureuse originalité" , 23 novembre née à cette recherche. m 'eut été impossible d'écrire ce texte. 1923, p . 1. 2 (Anonyme), " Au lecteur", dans Le Pro­ 36 (Anonyme) , " Vingt-quatre ans révo­ D'autres analyses, de contenu, sur grès du Golfe, 15 avril 1904, p. 2. Par lus. .", 20 avril 1928, p. 1. l'administration et l'orientation du la suite nous ne mentionnerons pas le 37 (Anonyme), " Sus à l'imposture et aux journal, ses collaborateurs, se heur­ nom du journal sauf s'il faut puiser ail­ imposteurs" , 31 mars 1933, p. 1. tent à un obstacle de taille : les des­ leurs nos renseignements. 38 Alphonse Caron , " En marge d'un anni­ tructions successives, par le feu, des 3 Ibid. versaire", 3 janvier 1936, p. 1. archives des diverses corporations qui 4 H.-E. Noël , " 'Pour prendre contact. In­ 39 (Anonyme), " Noces d'or", 16 avril 1954, ont publié le Progrès du Golfe. L'his­ quiétudes et espérances. Un regard vers p. 3. toire du journal en est donc affectée le passé. Projets d'avenir" , 9 avril 1926, 40 Aux dires de M. Jean-Paul légaré. (Cf p. 1. l'entrevue que j'ai réalisée le 26-8-77 à et les sources immédiatement dispo­ 5 S. Vachon, " Anniversaire d'avril", 14 Québec et dont une partie apparaît dans nibles demeurent encore le journal avril 1944, p. 1. le présent numéro). lui-même et quelques témoins tou­ ~ Ibid. 41 Eudore Couture, Op. Cit., 3 avril 1926, jours vivants, chaque jour moins 7 (Anonyme), " Un quart d'heure avec. p . 1. nombreux. le fils et le petit-fils du fondateur", 16 42 J. E. C. (Eudore Couture)? "Neuvième Si l'histoire du Bas St-Laurent passe avril 1954, p. 24. année", 19 avril 1912, p. 1. par tous les journaux qui y ont été 8 P. de Neri, " le journal de parti", 10 43 (Anonyme), " Des comités de la presse publiés, l'histoire de Rimouski dans le juin 1904, p. 1. quotidienne et hebdort,adaire honorent 9 Ibid. le directeur du 'Progrès du Golfe' des Progrès du Golfe trouve une bonne 10 S. Vachon , Op. Cit. m arques les plus généreuses de leur partie de sa substance. 11 Omer Héroux, " le journal local. Sa rai- estime et de leur amitié, 27 décembre son d'être", 29 avril 1904, p. 2. 1935", p. 2. Antonio Lechasseur, étudiant 12 Ibid. 44 Albert Rioux , " l 'U.C.C. et le 'Progrès Université du Québec à Montréal. 13 Ibid. du Golfe"', 17 novembre 1936, p. 1. 14 Un aspect de cette question a déjà fait 45 J .-Ernest laforce, dans Ibid. l'objet d'une recherche de M. Charles 46 Op. Cit., 7 août 1933, p. 8. Trébaol , Le Progrès du Golfe et la réa­ 47 Baptiste, Op. Cit., 28 avril 1944, p. 3. lité internationale, 1904-1969, (Sher­ 48 J. E. C. , Op. Cit. , 19 avril 1912. brooke, Thèse de maîtrise - Histoire, 49 (Anonyme), Op. Cil., 23 avril 1941, p. 1. 1976, - VI - 143. Nous avons d'ail­ 50 Roger Maillet, Op. Cil., 23 novembre leurs recensé ce travail dans un numéro 1923, p. 1. précédent de la Revue d'Histoire du Bas 51 Op. Cit., 23 avril 1941 , p. 1.