Photographie de couverture : Fond constitué des restes des microfaunes de rongeurs tels qu'ils apparaissent dans certaines couches très riches du gisement (cliché A. GODON, Centre des Sciences de la Terre, Dijon). LA BAUME DE GIGNY ()

LA BAUME DE GIGNY (JURA) sous la direction de Michel CAMPY, Jean CHALINE et Marcel VUILLEMEY

Germain BROCHET, Michel CAMPY, Jean CHAGNEAU, Jean CHALINE, Françoise DELPECH, Jean DESSE, Georges DESSE (†), Jacques EVIN, Jean-Luc GUADELLI, Jean HEIM, Gerd HENNIG, Dominique JAMMOT, Angelina MARTINI-JACQUIN, Cécile MOURER-CHAUVIRÉ, François PRAT, Marcel VUILLEMEY

XXVII supplément à Gallia Préhistoire

Ouvrage publié avec le concours du Ministère de la Culture Direction du Patrimoine (Sous-direction de l'Archéologie)

ÉDITIONS DU CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE 15, quai Anatole - 75700 Paris 1989 Directeur : Jean GUILAINE Comité de rédaction : Françoise AUDOUZE, Jean CLOTTES, Yves COPPENS, Henri DUDAY, Catherine FARIZY, Alain GALLAY, Roger JOUSSAUME, Henri LA VILLE, Jean-Pierre MOHEN, Pierre PÉTREQUIN, Jacques TARRÊTE, Denis VIALOU (président), Annick COUDART (déléguée de la section 33).

© Centre National de la Recherche Scientifique, Paris 1989 ISBN 2-222-04345-X ISSN 0072-0100 INTRODUCTION *

par Jean CHALINE 1

Les fouilles menées dans les gisements préhistoriques sont légion. Réalisées avec plus ou moins de précision, dans une approche qui va de la simple récolte d'industries et de grande faune à l'étude pluridisciplinaire, on est en mesure de se demander quel en est l'aboutissement ? Trop souvent un rapport de fouilles qui ne sera pas publié, une citation sommaire dans un compte rendu régional de Gallia Préhistoire ou plusieurs notes courtes dans une revue locale, parfois nationale, rarement internationale. Dans quelques cas exceptionnels, les responsables des chantiers de fouilles ont sollicité le concours des spécialistes de toutes les disciplines s'appliquant au Quaternaire et à la Préhistoire. De telles études publiées en monographies font réellement progresser la recherche par leur double aspect analytique et synthétique. Car si une seule discipline en elle-même est incapable de tout expliquer, l'apport coordonné de tous les domaines de recherche est indispensable pour comprendre les significations multiples d'un gisement préhistorique et aboutir à une vue synthétique du site replacé dans le cadre plus large de son continent. Gigny fait partie de ces monographies très complètes, ce qui la place d'emblée au niveau des grandes synthèses publiées, aussi bien en France qu'en Europe.

GIGNY, UN SITE EXCEPTIONNEL DANS LE JURA FRANÇAIS Le karst est très développé dans la chaîne du Jura et les remplissages de grotte y sont assez nombreux, mais la plupart ont été plus ou moins détruits par l'érosion au cours des phases glaciaires et interglaciaires successives qui en ont modelé la morphologie. La Baume de Gigny renferme, avec le site de Vergranne publié par M. Campy en 1986, la plus belle séquence stratigraphique connue de la région qui couvre une grande partie du Pléistocène moyen et supérieur. Il faut tout d'abord rendre hommage à M. Vuillemey qui a mené les fouilles à La Baume de Gigny avec rigueur, efficacité et ténacité. Il a réalisé la fouille d'un site dont la stratigraphie était complexe et a su obtenir la collaboration des spécialistes; cette monographie en est l'aboutissement. La Sous-Direction à l'Archéologie, par l'intermédiaire de la Direction des Antiquités Préhistoriques de Franche-Comté dirigée à l'époque par le professeur J.-P. Millotte, a permis la réalisation de ces fouilles dans les meilleures conditions grâce à un soutien financier et moral. Située sur le bord ouest du Jura, au-delà des moraines externes reflétant l'extension des glaciations du Pléistocène moyen, La Baume de Gigny a enregistré dans son remplissage les éléments d'une histoire qui commence dans le Pléistocène moyen pour s'achever à l'Holocène. La stratigraphie des dépôts a été élaborée progressivement au cours des fouilles par M. Vuillemey et M. Campy. Les analyses sédimentologiques réalisées par M. Campy et les abondantes microfaunes ont souligné l'importance d'une modalité des remplissages trop souvent sous-estimée ou ignorée dans l'étude des grottes, celle des lacunes chronologiques dues, soit à une absence de dépôt ou correspondant à des phases d'altérations, soit à des érosions à l'intérieur du remplissage très difficiles à mettre en évidence en l'absence de marqueurs chronologiques. A Gigny, les éléments chronologiques sont abondants : datations relatives par la grande faune et les très riches microfaunes de rongeurs et d'insectivores; datations physiques à partir des os par le C14 par J. Evin et des spéléothèmes par les méthodes uranium-thorium et résonance paramagnétique de spin par G.J. Hennig. La séquence de Gigny est donc bien calée chronologiquement. * Sauf indication contraire, les illustrations sont des auteurs. 1. Directeur de Recherche au CNRS, directeur d'Études à l'EPHE, directeur de l'URA 157 du CNRS, Centre des Sciences de la Terre, 6, boulevard Gabriel, 21000 Dijon. Les faunes très abondantes renferment des grands mammifères étudiés par les chercheurs de l'Institut du Quaternaire de Bordeaux : J. Chagneau (Ursidés), F. Delpech (Cervidés, Mustélidés et autres carnivores), J.-L. Guadelli (Équidés), A. Martini-Jacquin (Bovidés) et F. Prat (Ongulés et Cervidés). Les 44 associations de rongeurs ont été tout d'abord déterminées par J. Chaline et récemment, G. Brochet a tenté de les utiliser pour établir une méthode de paléoclimatologie quantitative correspondant à la pondération de la méthode de Z. Hockr. Les insectivores ont fait l'objet des recherches de D. Jammot à l'occasion de sa thèse d'État. Parallèlement aux mammifères, les 69 espèces d'oiseaux s'avèrent de remarquables indicateurs de paléoen- vironnements comme le montre l'analyse de C. Mourer-Chauviré. Le site, enfin, renfermait des restes de poissons déterminés par J. et G. Desse. L'étude d'une séquence aussi importante n'aurait pas été complète sans une analyse palynologique détaillée. Une première analyse ponctuelle qui s'est révélée positive a été réalisée par M. Girard. Mais ensuite, malgré l'existence en France de 71 palynologues, nous avons été heureux d'obtenir la collaboration de J. Heim de l'Université Libre de Louvain qui a bien voulu prendre en charge cette longue séquence de 40 échantillons. La confrontation des résultats de l'analyse palynologique avec ceux des autres disciplines a été extrêmement fructueuse d'un point de vue méthodologique montrant des décalages et des oppositions apparentes. Enfin, l'un des grands intérêts du remplissage réside dans le fait qu'il renferme sur toute sa hauteur des industries préhistoriques, en particulier des industries moustériennes étudiées par M. Vuillemey, qui démon- trent la persistance tardive de cette culture dans le Jura. L'ensemble des données permet de tenter une synthèse sur l'histoire de La Baume de Gigny, sur les événements qui l'ont marquée, notamment sur les vicissitudes du climat qui ont déterminé la nature et les modalités de son remplissage. La chronologie climatique proposée par M. Campy et tous les participants à la synthèse a largement profité des recherches effectuées par ce dernier en Franche-Comté. Elles permettent d'intégrer notamment le remplissage de La Baume de Gigny dans la dynamique climatique du développement de la dernière glaciation et de montrer les rapports entre l'évolution des zones glaciaires et périglaciaires. Le remplissage de Gigny peut maintenant être corrélé avec le magnifique diagramme pollinique de La Grande Pile (Haute-Saône). Dans ce cadre chronoclimatique, la culture préhistorique des hommes de Gigny peut désormais être replacée dans le cadre plus vaste de cette culture en France. Les chercheurs qui ont participé à cette monographie appartiennent pour beaucoup à des laboratoires associés au CNRS : — au Centre de Géodynamique sédimentaire et Évolution géobiologique (URA 157 de Dijon) : M. Campy, J. Chaline et G. Brochet; — au Centre de Stratigraphie paléontologique et Paléoécologie (URA 11 de Lyon) : J. Evin et C. Mourer-Chauviré; — à l'Institut du Quaternaire (URA 133 de Bordeaux) : F. Prat, F. Delpech, J. Chagneau, A. Martini-Jacquin et J.-L. Guadelli; — au Centre de Recherches Archéologiques de Valbonne : J. et G. Desse. La Baume de Gigny, longue séquence lithostratigraphique renfermant de très nombreux éléments biostratigraphiques, paléoécologiques et paléoclimatiques, bien calée dans les cadres géochronologique et paléoclimatique du Pléistocène européen, constitue une séquence préhistorique unique dans l'Est de la France. Gigny peut être considéré comme un site de référence pour l'Europe en domaine périglaciaire à proximité du glacier jurassien. La Baume de Gigny (Jura) sous la direction de M. Campy, J. Chaline, M. Vuillemey XXVII supplément à Gallia Préhistoire, 265 p. Éditions du CNRS, Paris, 1989.

CHAPITRE I SITUATION, CADRE GÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE DES FOUILLES

par Michel CAMPY 2 et Marcel VUILLEMEY 3

RÉSUMÉ La grotte de La Baume à Gigny est située dans son contexte géographique et géologique. Site préhistorique reconnu dès la fin du XVIII siècle, les diverses recherches dont elle a été l'objet sont évoquées dans ce chapitre. ABSTRACT The cave of the Baume in Gigny is situated on the western side of the Jura range. The karstic network develops on the western limb of the high valley of river Suran in the bioclastic limestones of the Upper Jurassic. Its large fossiliferous filling has been dug at several times from the end of the XVII century, but it is only for the last fifteen years that this cave has been recognized as a very important mousterian site.

SITUATION, CADRE GÉOLOGIQUE Le site de Gigny se trouve entre les limites occidentales de l'extension des deux glaciations. La grotte de La Baume est située sur la commune La glaciation rissienne a recouvert la vallée du de Gigny, au lieu-dit « Sous la Roche » à 1 km à l'est Suran qui constituait probablement un chenal d'éva- de la route reliant Lons-le-Saunier à Saint-Julien, cuation des eaux de fonte vers le sud. Dans cette entre les villages de Loisia et Gigny (coordonnées zone en effet, l'extension maximale n'a pas atteint Lambert : x 841,15; y 168,90; altitude 485 m). Appe- le rebord du Revermont au contact de la Bresse. Par lée à tort Baume de Loisia ou Baume de Graye et contre plus au nord, l'abondance des dépôts mo- Charnay, son emplacement sur le territoire de la rainiques au débouché des reculées occidentales commune de Gigny doit faire écarter ces appella- (Lons-le-Saunier, , Poligny, , Salins- tions. les-Bains) montre que le glacier rissien les a large- Géographiquement, La Baume de Gigny s'ouvre ment empruntées (Campy, 1982). Plus au sud, le sur le flanc est de la vallée du Suran à 2 km de sa vecteur glaciaire issu des Alpes par la vallée du source. La vallée du Suran est une dépression Rhône a également largement débordé sur la Bresse d'orientation générale nord-sud, entourée de crêtes en direction de Bourg (moraine des Dombes). de même orientation culminant aux environs de La glaciation würmienne s'est arrêtée à une dizaine 550-600 m. C'est l'une des dépressions de la « petite de kilomètres à l'est de Gigny aux environs d'Or- montagne » jurassienne caractérisée par une topo- gelet. Pendant tout le cycle würmien, le proche graphie relativement accidentée qui se poursuit vers environnement de Gigny a essentiellement subi les le nord par les plateaux jurassiens (fig. 1 et pl. I, effets d'un environnement périglaciaire. Cependant, n° 1). A une dizaine de kilomètres vers l'ouest, la la proximité du glacier lors du stade maximum a petite montagne plonge vers la Bresse par l'intermé- provoqué un certain nombre de perturbations dans diaire du Revermont. les remplissages karstiques, et celles-ci sont particu- lièrement visibles dans le site de Gigny. 2. Centre de Géodynamique sédimentaire et Évolution géo- biologique, URA 157 du CNRS et Centre des Sciences de la Terre, Du point de vue topographique et géomorpholo- 6, boulevard Gabriel, 21000 Dijon. gique, la grotte s'ouvre au pied d'une ligne de 3. Le Sauget, 39210 Voiteur. falaises discontinues ceinturant le fond et le flanc FIG. 1. — Situation générale de La Baume de Gigny. Avancées glaciaires maximum : a, du Würm, b, du Riss.

nord d'une petite reculée dont la base donne nais- sance à un petit affluent du Suran. Elle domine le fond plat de la vallée d'une centaine de mètres (pl. I, n° 1). Les dimensions de cette vallée n'ont aucun rapport avec l'importance du Suran actuel et sont dues à l'action des eaux de fonte des glaciers rissiens au moment du maximum. Le porche a une forme FIG. 2. — Topographie du réseau karstique de La Baume de régulière. Avant les travaux de fouilles il mesurait Gigny. 5 m de haut et 3,50 m de large (pl. I, n 2 et 3). Un pilier le sépare d'une petite ouverture étroite débou- humains à fractures parfois très récentes confirme chant dans la grotte. Celle-ci se compose (fig. 2) : l'hypothèse de structures remaniées. • d'une galerie rectiligne de 100 m de long (A), La grotte présente tous les signes d'un très vieux orientée nord-ouest/sud-est, cheminant dans les réseau karstique : fossilisation complète et colma- calcaires organo-détritiques graveleux de l'Oxfor- tage par argile et calcite, absence totale de circula- dien supérieur (faciès rauracien); cette galerie dé- tion d'eau, importance des remplissages obstruant le bute par un tronçon bien calibré, légèrement sinueux réseau profond. Il semble qu'on puisse rattacher la de 4 à 5 m de large, de 40 m de long, suivi d'une partie visible de ce vieux réseau fossile, très à fleur deuxième galerie plus spacieuse, de largeur variant du plateau, à toute une série de dolines plus ou entre 7 et 10 m, d'une soixantaine de mètres de moins absordantes situées à l'est et sur un secteur longueur; bien plus vaste que son tracé visible actuellement. Comme dans de nombreux secteurs du plateau • d'une galerie de 10 à 12 m de largeur et 25 m jurassien, Le Bois des Fays présente un développe- de longueur (B) dont l'axe fait, avec celui de la ment important des phénomènes karstiques liés à galerie principale, un angle d'environ 30°; l'absence d'écoulements de surface. La cavité sèche • d'une salle ovale d'une trentaine de mètres de qu'est La Baume de Gigny pourrait être en liaison long et de 17 m de large (C); elle est située au avec le réseau actif débouchant au niveau de la « confluent » des galeries (A) et (B) et appelée salle plaine, bien qu'elle présente de nombreux caractères du Dôme; elle doit vraisemblablement son nom à propres aux cavités cutanées (Ciry, 1959). une masse stalagmitique localisée le long de la paroi Du point de vue géologique, ce gisement se situe sud; dans une région structurale complexe du Jura. Le • d'une petite salle basse (D) débouchant dans la substrat est composé de nombreux panneaux galerie (B) d'où proviendrait la plupart des objets en d'orientation méridienne, séparés par des failles plus bronze ou en os et les sépultures maintes fois citées ou moins chevauchantes. C'est la « zone des laniè- par les auteurs anciens. res » typique du flanc occidental de la chaîne Dans l' Annuaire du Jura de 1840, D. Monnier jurassienne. Chaque lanière a une structure anti- (p. 326) en donne la description suivante : « ... d'où clinale ou synclinale plus ou moins accusée, souvent vous passez en vous courbant jusqu'à terre dans une dissymétrique. Les reliefs accusent les affleurements espèce de caveau où vous ne pouvez vous tenir de calcaire du Jurassique moyen et supérieur, tandis debout. Cette dernière pièce est nommée la chambre que les dépressions sont souvent creusées dans les des sabots à cause de la forme qu'y affectent les marnes oxfordiennes et argoviennes. stalagmites glissantes qui la remplissent. On devrait Le flanc est de la vallée du Suran est formé par l'appeler le 'charnier' à cause des têtes de morts et la série calcaire et calcaréo-marneuse du Jurassique des squelettes humains que l'on y trouve ». supérieur, de l'Oxfordien à l'Argovien, qui forme Le sol de la grotte accuse un léger pendage falaise à la partie supérieure (fig. 3). C'est dans ce « montant » assez régulier, se traduisant par une faciès qu'est creusé le système karstique de La dénivellation de 2,50 m entre l'avant et le fond. Baume de Gigny. A l'ouest, le flanc opposé voit Toutefois, un ados de calcite encombre la partie affleurer les calcaires du Jurassique moyen en terminale de la galerie d'accès à la salle du Dôme : position inclinée et recouverts largement par des cet ados, bien que de relief adouci, a été raboté sur argiles résiduelles à chailles, témoins de la dissolu- 1 m de large et 50 cm de profondeur pour faciliter tion des calcaires sous-jacents (fig. 4). De vastes la circulation et l'accès aux salles du fond d'où, au placages d'éboulis ceinturent le plus souvent la base siècle dernier, on extrayait le guano de chauves- des falaises nues. souris (Bertherand, 1875). Le sol de terre de la première partie de la galerie A est assez régulier, alors que dans le deuxième tronçon, le sol est hérissé de petits « gours » et de courtes stalagmites (Le- HISTORIQUE DES FOUILLES quinio, 1801, p. 238). Dans la salle du Dôme et la galerie B, le sol est jonché de grosses pierres RECHERCHES ANCIENNES anguleuses plus ou moins recouvertes de guano. Leur accumulation le long de la paroi et la présence Dès la fin du XVIII siècle, les richesses archéo- de nombreux restes humains sont à l'origine de la logiques de La Baume de Gigny ont été révélées à légende des tumulus souvent évoquée dans les la faveur de travaux effectués dans les salles du publications anciennes. Ces amoncellements sont fond : extraction de guano de chauves-souris. Les relativement récents. Ils ont été érigés lors de l'ex- premiers vestiges humains scellés dans la calcite ont ploitation du guano. La présence anarchique d'os été exhumés en 1797. Cette année-la, Bénier a FIG. 3. — Contextes topographique et géologique de La Baume de Gigny.

FIG. 4. — Coupe transversale passant par le porche de La Baume de Gigny. découvert un crâne humain « recouvert d'une cou- Toutes les recherches anciennes faites à La che de calcite qui en laissait apercevoir la forme ». Baume de Gigny ont porté uniquement sur les Une partie de ces vestiges est déposée au musée de niveaux néolithiques et protohistoriques. Les nom- Lons-le-Saunier et, entre autres, le crâne noyé dans breux habitats du Paléolithique supérieur, moyen et la calcite qui fut présenté à l'époque à l'Académie inférieur révélés par nos fouilles mettent en évidence des Sciences à Paris (Bernard, 1835). Dès 1835, le sens intuitif profond de E. Chantre qui écrivait en d'autres ossements ont été trouvés par Cotheret, puis 1885 : « Les recherches que l'on y poursuit montre- par Puvis (Houry, 1835). ront sans doute que les populations paléolithiques En 1838, deux squelettes furent également mis au en avaient fait antérieurement leur demeure ». jour, mais aucun des auteurs anciens n'a donné de précisions sur la localisation de ces vestiges. Ces FOUILLES RÉCENTES découvertes furent par la suite maintes fois relatées, soit dans la presse (La Sentinelle du Jura, 1835, n° 69, De 1966 à 1977, M. Vuillemey procède à un vaste p. 3), soit dans les Mémoires de la Société d'Émula- sondage entre les parois de la grotte, légèrement en tion du Jura (M.S.E.J., 1836, p. 84-92 et 1838, p. 112). retrait par rapport à l'aplomb du porche. Sur plus Leur position stratigraphique et leurs conditions de de 12 m d'épaisseur, de nombreux niveaux archéolo- dépôt n'ont jamais été évoquées. Toutefois, selon giques, de l'Acheuléen aux époques protohistori- Gaspard (1843, p. 226), un grand nombre de ces ques, ont été reconnus. Ce qui fait la qualité et ossements sont mélangés pêle-mêle parmi les pierres. l'originalité de ce gisement demeure l'importante Rousset, dans son Dictionnaire des Communes (1850) séquence du Würm moyen qui a fourni des indus- relate aussi des découvertes et se risque à les tries moustériennes exceptionnelles pour la région. attribuer au XVII siècle, établissant par là une corrélation entre ces vestiges et l'occupation des La Baume de Gigny, malgré son orientation grottes pendant la guerre de Comté (début du nord-ouest offre a priori tous les caractères favora- XVII siècle). Vers la fin du siècle dernier, l'attrait de bles d'un site habitable. Les parois, depuis long- l'archéologie grandissant, des recherches anarchi- temps stabilisées, sont très homogènes, bien que le ques s'y multiplient (Junca, 1863). En 1876, sous plafond soit fortement délité en gros blocs actuelle- l'impulsion de Z. Robert favorable à de nouvelles ment cimentés par de la calcite à quelques mètres recherches, des fouilles ont eu lieu dans la galerie seulement de l'entrée. La fragilité du pilier nord, profonde qui a servi, à ses yeux, de « cimetière ». reposant sur un socle très gélivé, contraste avec la L. Cloz reçoit à cet effet des dons de la Société régularité des parois, vierges de toute trace d'action d'Émulation du Jura. Malheureusement le rapport thermoclastique dans la zone située au-dessus du de ces fouilles n'a jamais été remis au comité de remplissage. lecture de la Société (compte rendu de la séance du Le gisement archéologique occupe toute la lar- 17.4.1888 cf. M.S.E.J., 1889). geur de la galerie sur une longueur qui n'a pas été vérifiée. Toutefois, un sondage peu profond localisé Néanmoins, ces recherches allaient en susciter à 30 m du porche a mis en évidence l'absence de d'autres, dont celles de l'archéologue lyonnais couches protohistoriques et l'existence d'un niveau E. Chantre. La stratigraphie sommaire qu'il décrit à ours assez comparable au niveau VI dont il (Chantre, 1885) permet de penser que la grande pourrait être le prolongement. A l'exception du fosse remaniée qui occupait la majeure partie de la niveau VIII qui s'appauvrit vers l'avant, les dia- zone décapée par nous, correspond aux fouilles grammes longitudinaux de dispersion des vestiges Chantre. Le mobilier recueilli lui permit enfin de mettent en évidence leur répartition homogène. Il est préciser l'âge des sépultures qui, dans les limites de permis de penser que le gisement occupe à coup sûr la chronologie admise, sont attribuées au Néolithi- la totalité de la terrasse et se prolonge assez loin vers que. Ce mobilier, en grande partie déposé au musée l'intérieur. d'Histoire Naturelle de Lyon, a fait l'objet de plusieurs études (Chantre et Savoye, 1904; Piroutet, Un sondage pratiqué en 1967, le long de la paroi 1903 et 1937). Une mise au point chronologique en sud (carrés G1, G2, H1, H2) nous a apporté la a été faite par J.-P. Millotte (Millotte, 1963) qui fait certitude que seuls les niveaux post-würmiens état du peu de précision existant sur ce site si étaient en partie remaniés : les niveaux les plus souvent et si anciennement décrit. anciens n'ayant pas attiré les archéologues du siècle dernier. Un carroyage métrique a été mis en place Depuis le siècle dernier, aucune fouille n'y avait sur la surface à fouiller (fig. 5). Ce carroyage a été officiellement été pratiquée. On doit à un habitant numéroté de 1 à 6 dans le sens transversal et de E de la région la destruction, vers 1955, d'une grande à K dans le sens longitudinal. Le nivellement a été partie des niveaux protohistoriques subsistants. Il est effectué à partir d'un point de référence « zéro » bien regrettable que le mobilier recueilli n'ait pu matérialisé sur la paroi nord par un piton fiché au faire jusque-là l'objet d'une étude. centre d'une croix gravée. par projection sur un plan vertical de la totalité des artefacts repérés selon le procédé des coordonnées tridimensionnelles. Pour rendre plus clair le profil longitudinal des divers niveaux, nous avons établi des diagrammes en utilisant seulement les vestiges provenant d'un seul carré. Le profil transversal des couches « en berceau » a tendance, ici, à brouiller les diagrammes en estompant artificiellement les limites des différents niveaux d'occupation. Ces diagrammes permettent une représentation globale de la succession archéologique dans un remplissage et d'apprécier le pendage, les interruptions, les concentrations. En les superposant aux coupes géologiques, ils permettent d'apprécier la corres- pondance entre « géologique » et « archéologique » qui apparaît d'autant plus étroite que les change- ments sédimentologiques sont concomitants aux variations de faciès des industries (Binford, 1969). Ce synchronisme a largement facilité la bipartition des niveaux XX et XIX d'une part, et XVI d'autre part, qui ont pu être séparés de façon assez sûre grâce à la différence de couleurs des matrices argileuses, surtout le long des parois où l'abondance des plaquettes de gélifraction brouille la stratigra- phie. FIG. 5. — Plan du porche; implantation du chantier et profon- Les recherches ont toujours été menées dans des deurs atteintes. La bande blanche correspond à une zone talutée. conditions difficiles et dangereuses par une équipe impérativement très réduite 4 Malgré la solidité des remplissages déposés en Bien que les niveaux post-würmiens aient été couches subhorizontales et la présence d'horizons profondément remaniés, nous avons pu dresser une pris en brèche, un énorme travail d'étayage s'impo- stratigraphie complète des dépôts. sait pour mener à bien la fouille des niveaux Au XVII siècle, durant la guerre de Trente ans et profonds. Au terme d'une quinzaine d'années de celle de Dix ans qui devaient amener l'annexion de travail, le chantier de Gigny se présente comme un la Franche-Comté par la France, les habitants fuyant important sondage dans lequel les deux coupes les exactions des troupes françaises se réfugièrent stratigraphiques transversales protégées resteront dans les grottes. Ils les fortifièrent et les aménagèrent visibles et fourniront une base de départ précieuse en vidant plus ou moins les remplissages (grottes de pour des recherches futures. L'exiguïté de la surface , de Baume-les-Messieurs). A Gigny, le fouillée dans les niveaux du Würm moyen, la forte système défensif se composait d'un épais mur de proportion d'éléments calcaires de tout calibre et moellons assemblés à la chaux, barrant obliquement l'absence de matériaux importés par l'homme (galets la galerie et dont ne subsisteraient que les fonda- fluviatiles) rendent bien hasardeuse la mise en tions. évidence de structures bâties, s'il en existe. Les seules coupures stratigraphiques ont été faites L'exploitation par les divers spécialistes des sur des critères de morphologie et d'aspect du nombreux prélèvements effectués en cours de fouille remplissage, sans toutefois perdre de vue le principe met en lumière l'importance capitale de ce gisement. fondamental qu'une couche géologique apparem- 4. Nous remercions tous ceux qui à des titres divers nous ont ment homogène peut contenir plusieurs sols d'occu- permis de mener à bien les fouilles de La Baume de Gigny. Que pation humaine. La fouille en décapage ne nous a les nombreux scientifiques veuillent bien accepter l'expression de pas permis de les individualiser, donc, de subdiviser notre profonde gratitude pour les conseils qu'ils nous ont prodi- notre stratigraphie purement géologique. Les analy- gués. Grâce à leur encouragement, ils nous ont permis de surmonter les périodes de doute et les énormes difficultés qui ont ses sédimentologiques faites sur une série d'échantil- surgi tout au long de nos recherches. Nous remercions ceux qui, lons prélevés en général de 10 en 10 cm le confir- sur le terrain, ont consacré avec enthousiasme une grande partie ment et mettent en évidence la concordance étroite de leur temps libre et ont accepté de travailler dans des conditions entre les niveaux géologique et archéologique. dures et périlleuses. Nos remerciements les plus émus seront pour un ami dont la fidélité n'a eu d'égal que la gentillesse et le La succession des divers habitats moustériens dévouement. Au nom de l'amitié qui nous liait nous tenons à établie à la fouille a été strictement confirmée par honorer ici la mémoire de Paul Mathieu et nous l'associons les diagrammes de position. Ceux-ci ont été obtenus moralement à cet ouvrage auquel il aurait tant aimé collaborer. BIBLIOGRAPHIE

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La Baume de Gigny (Jura) sous la direction de M. Campy, J. Chaline, M. Vuillemey XXVII supplément à Gallia Préhistoire, 265 p. Éditions du CNRS, Paris, 1989.

CHAPITRE II LE CONTEXTE LITHOSTRATIGRAPHIQUE

LA STRATIGRAPHIE DES DÉPÔTS

par Michel CAMPY et Marcel VUILLEMEY

RÉSUMÉ Le remplissage du porche de La Baume de Gigny est décrit couche par couche du haut en bas de la série stratigraphique. Chaque niveau individualisé est présenté par ses différentes caractéristiques lithologiques, sa puissance, son pendage, ses rapports avec les niveaux voisins et ses variations latérales de faciès. ABSTRACT The filling of the porch of the Baume of Gigny is described level after level, from the top to the bottom of the stratigraphic series. Each individualized level is shown with its different lithologic characteristics, its thickness, its dip, its relationship with levels nearby, its lateral variations in facies.

Au cours des dix années qu'a duré la fouille du 12 m, si bien qu'une fois celui-ci évacué, la grotte gisement, les caractéristiques lithologiques des dé- apparaît comme une vaste fissure verticale de 16 m pôts ont été observées et décrites avec le maximum de haut sur 2 à 4 m de large, s'évasant légèrement d'objectivité possible. Les différents niveaux strati- vers le haut (pl. II). graphiques ont été individualisés et distingués les Pour systématiser ce remplissage puissant et uns des autres à partir de leurs différences lithologi- complexe, nous l'avons divisé en quatre ensembles ques. bien distincts géologiquement (fig. 6 et 7) : En cours de fouilles, de nombreuses coupes — les niveaux historiques et protohistoriques (cou- partielles et localisées, mais détruites par la pour- ches I à III); suite des travaux, ont été relevées : elles nous ont — l'ensemble supérieur (couches IV à VI); permis d'établir une coupe générale synthétique qui — l'ensemble moyen à industries moustériennes donne une idée globale satisfaisante de l'organisa- (couches VII à XX); tion des principaux ensembles stratigraphiques. — l'ensemble inférieur débutant par un niveau Diverses coupes partielles permettront de mieux calcitique (couche XXI) et se terminant au niveau comprendre les rapports lithologiques entre certains du plancher rocheux. niveaux ou les variations latérales de faciès, nom- breuses à Gigny. La fouille de La Baume de Gigny se présente LES NIVEAUX HISTORIQUES comme un vaste sondage entre les deux parois de la ET PROTOHISTORIQUES grotte, légèrement en retrait par rapport au porche. Couche I : 10 cm. Niveau superficiel de terre Au niveau de celui-ci, les parois ne sont distantes humique et de déblais. que de 3,5 m, tandis qu'à la limite supérieure du sondage, la grotte s'élargit pour atteindre plus de Couche II : 50 cm. Couche du Moyen Age avec 6 m. La puissance du remplissage est de l'ordre de alternance de petits foyers et lits de chaux. Présence FIG. 6. — Coupe stratigraphique transversale de l'ensemble du remplissage, vue de l'extérieur. FIG. 7. — Coupe stratigraphique longitudinale de l'ensemble du remplissage, vue vers le nord. d'un mur cimenté orienté nord-sud servant à dé- argileuse brun-rouge, aérée et granuleuse. Aucune fendre l'entrée (des mortaises très visibles de chaque différence constitutive n'est visible ni en coupe côté du porche devaient recevoir les éléments d'une longitudinale, ni en coupe transversale dans tout le palissade en bois). Lors de la construction de ce mur, volume fouillé. Et le remplissage ne semble pas la partie supérieure des niveaux protohistoriques particulièrement plus grossier au niveau des parois sous-jacents a été détruite. (fig. 6). Couche III : 50 à 80 cm. Ce niveau est constitué d'une succession de strates noirâtres très chargées en L'ENSEMBLE MOYEN À INDUSTRIES débris végétaux carbonisés. Ce niveau a été forte- MOUSTÉRIENNES (fig. 8 et 9; pl. III, n 2 et 3) ment perturbé par les tranchées de fouilles anciennes Couche VII : 40 cm de puissance au flanc de la et les fouilleurs clandestins. Au XVII siècle, il a été coupe profonde, se réduisant progressivement au profondément remanié par l'implantation d'un mur niveau des carrés F pour disparaître et se diluer vers de défense. Il en a été de même à l'Age du Bronze l'avant (fig. 8 et pl. III, n° 1). Structure grumeleuse avec une tranchée de palissade et des structures grossière, discontinue : l'essentiel des éléments fins d'habitat excavées. Certains de ces aménagements de cette couche est induré en blocs de forme protohistoriques oblitèrent largement le sommet du arrondie pouvant parfois dépasser 5 cm de diamètre. remplissage würmien (niveau IV). Le niveau III a Couleur brune. De rares fragments calcaires très livré des vestiges d'occupation datés du Néolithique altérés sont inclus dans les indurations argileuses ou moyen, de la civilisation campaniforme, de l'Age du libres, surtout à la partie supérieure de la couche. Bronze moyen et final, et du Hallstatt. Localement, et en particulier au niveau des carrés H5, H4 et G5, un plancher stalagmitique discontinu L'ENSEMBLE SUPÉRIEUR (fig. 7 et pl. III, n° 1) scelle la partie supérieure de cette couche. Couche IV : 40 cm à l'avant du porche, se ré- Couche VIII : 10 à 20 cm de puissance, elle est duisant progressivement vers l'intérieur. Sa partie absente contre la paroi nord. Léger pendage vers supérieure est remaniée par des aménagements l'extérieur, comme d'ailleurs toutes les couches artificiels des époques protohistoriques. Sa partie sus-jacentes. Couleur foncée brun-rouge (E72). inférieure a un léger pendage (15°) allant en s'accen- Nature essentiellement argileuse, structure compacte tuant vers l'extérieur. Une matrice pulvérulente, non aérée, très « tassée ». Quelques éléments calcai- tufacée, calcaréo-argileuse, de couleur claire (B61), res et calcitiques très altérés sont présents. finement litée localement, englobe des éléments grossiers, blanchâtres constitués de calcaires et de Couche IX : puissance très variable de 10 cm à fragments concrétionnés, disposés en lits parallèles 70 cm. Elle est constituée par une épaisse zone et se raréfiant vers l'avant où ce niveau devient calcifiée extrêmement dure, scellant de très gros moins grossier. Il repose directement sur le niveau blocs et un cailloutis anguleux. Quelques zones plus sous-jacent par une zone de transition peu nette, meubles sont riches en ossements de microfaune et sauf vers l'intérieur de la grotte où existe entre les en esquilles osseuses. deux un mince plancher stalagmitique feuilleté, peu cohérent. Couche X : 10 cm. C'est une mince lentille argileuse présente seulement vers l'intérieur de la Couche V : 20 cm se réduisant très légèrement vers grotte (carrés H) et dans la zone centrale (carrés 2, l'extérieur où elle se dilue progressivement comme 3 et 4). De couleur brun foncé, elle est essentielle- les niveaux sus et sous-jacents. Léger pendage (15 ment argileuse, mais englobe cependant quelques vers l'extérieur. Cailloutis abondants, quelques blocs rares fragments calcaires altérés. disséminés (blocaille), assez émoussés, englobés dans une matrice argileuse de couleur gris brunâtre Couche XI : 30 cm de puissance vers l'intérieur de (C81). la grotte, se réduisant progressivement jusqu'à dis- paraître vers l'extérieur, où elle se mêle à la cou- Couche VI : 1,20 m. Léger pendage vers l'extérieur che IX qui vient s'appuyer sur elle. Les couches IX, (fig. 7 et pl. III, n° 1). La structure de cet épais XI, XII et XIII se diluent vers l'avant en s'amin- niveau est très homogène de haut en bas. C'est une cissant en un niveau confus où il est difficile de blocaille calcaire formée de cailloux aux angles distinguer chacune d'elles, cette homogénéisation de nettement émoussés, de dimensions rarement supé- structure étant renforcée par la bréchification de la rieures à 7 ou 8 cm, disposés sans orientation couche IX. Elle est composée d'un cailloutis cryo- particulière (ceci est spécialement visible pour les clastique assez abondant englobé dans une matrice cailloux allongés) et englobés par une matrice argileuse de couleur relativement claire. FIG. 8. — Coupe stratigraphique longitudinale de l'ensemble moyen, vue vers le nord entre les zones 3 et 4.

FIG. 9. — Coupe stratigraphique transversale de l'ensemble moyen, vue vers l'est entre les zones H et I. Couche XII : 15 cm de puissance. Elle apparaît Couche XVI : couche de puissance transversale comme un reliquat de couche initialement mieux très irrégulière, allant de 30 à 50 cm. Sa base et le représentée. Elle occupe une zone longitudinale sommet de l'horizon supérieur (XVIa) présentent des centrale (carrés F3, G3, H3) de 50 cm de large sur figures de festons rappelant des phénomènes d'injec- 2 à 3 cm de long. Elle se dilue progressivement vers tion de sol mou dans un contexte périglaciaire l'avant du porche avec les couches XI et XIII qui (mollisol) ou de ravinement profond entaillant ce l'encadrent. De nature essentiellement argileuse, de niveau dans le sens de l'axe de la grotte. La fouille couleur brun-rouge, elle contient cependant quel- a reconnu deux horizons différents. L'un supérieur ques fragments calcaires altérés. (XVIa) composé de lentilles d'argile grasse, cohé- rente, allongées dans le sens extérieur-intérieur, Couche XIII : 20 cm de puissance maximum, elle intercalées dans des niveaux plus clairs, plus riches semble occuper, comme la couche précédente, un en éléments calcaires. Le niveau inférieur est plus fond de ravinement longitudinal. Elle est mieux homogène (XVIb), plus riche et plus constant en représentée vers l'intérieur que vers l'extérieur et son éléments calcaires de faible taille (aspect de groize pendage faible, incliné vers l'intérieur, semble lui périglaciaire). être imposé par la couche sous-jacente XIV. De Couche XVII : d'une puissance moyenne de couleur plus claire (D64) elle contient une propor- 60 cm, cette couche présente un léger pendage vers tion notoire d'éléments calcaires anguleux dans une l'intérieur de la grotte (5°). Sa forme typique « en matrice argileuse meuble. berceau », visible en coupe transversale, traduit l'alimentation dominante à partir des parois. Cette Couche XIV : puissante de 1 m contre les parois hypothèse est confirmée par la prédominance des et vers l'extérieur, elle a tendance à s'amincir dans blocs au contact des parois et l'orientation générale la partie centrale et vers l'intérieur, formant un talus des plaquettes de gel depuis le bord du remplissage important au niveau des carrés externes (E1 à E5). jusqu'à son centre. Du point de vue textural, cette Un mince niveau graveleux de 15° de pendage couche apparaît comme une blocaille à gros élé- intérieur et pouvant constituer un reliquat la délimite ments calcaires englobée dans une argile de couleur nettement de la couche supérieure. Il peut sensible- brune (E62). Des éléments de calcaires oolithiques ment se diviser en deux horizons : l'un supérieur très altérés, friables, sont caractéristiques de cette (XIVa) à éléments calcaires cryoclastiques abon- coupe. dants surtout contre les parois où la limite entre Couche XVIII : c' est un reliquat de plancher remplissage et roche encaissante est progressive sur stalagmitique ou une induration locale, contre la 30 à 40 cm et matrice argileuse réduite, de couleur paroi sud englobant plusieurs niveaux appartenant claire, et un horizon inférieur plus riche en matrice probablement aux couches XVII et XIX. Dans la argileuse et de teinte plus foncée. La forme déprimée première hypothèse, il s'intercalerait chronologi- du toit de cette couche peut être la résultante d'une quement entre les horizons b et c de la couche XIX. alimentation en éléments gélifs plus abondante des Dans la seconde hypothèse, l'induration calcitique parois qu'au centre, mais aussi d'un ravinement localisée intéresserait les horizons a, b et c de la central et vers l'intérieur, postérieurement à son couche XIX et la base de la couche XVII. dépôt. La plus grande abondance des particules fines vers la profondeur peut provenir d'une mi- Couche XIX : c'est une couche puissante (1,20 m) gration de celles-ci vers le bas au travers du remplis- présentant un léger pendage longitudinal vers l'in- sage grossier et lacuneux qui caractérise cette cou- térieur de la grotte et une disposition transversale che. « en berceau » peu accentuée. Il est assez remarqua- ble de constater que son dépôt s'est effectué alors Couche XV : puissance avoisinant 1 m vers le que le porche de la grotte était passablement rétréci centre de la cavité et vers le fond et se réduisant comparativement aux zones inférieures et supérieu- progressivement vers l'extérieur et contre les parois. res. C'est en effet à partir des niveaux supérieurs à La base de cette couche est constituée par de très cette couche que les parois du porche s'écartent gros blocs d'effondrement situés verticalement dans sensiblement, surtout au niveau de la paroi sud. la partie centrale de la grotte, plus près de la paroi Trois niveaux de couleur différente ont été recon- nord que de la paroi sud. Excepté ces blocs, la nus : le niveau supérieur (XIXa - 25 cm) apparaît texture d'ensemble de cette couche est assez homo- comme une blocaille calcaire aux éléments émoussés gène, formée d'un cailloutis anguleux enrobé dans enrobés dans une matrice argileuse brun-rouge (F46) une matrice argileuse claire (C63). Son aspect global dont la surface supérieure est légèrement ondulée rappelle les groizes périglaciaires des bases de transversalement (visible en coupe longitudinale); le corniches franc-comtoises. niveau moyen (XIXb - 20 cm) de couleur légèrement plus claire que le précédent, à éléments calcaires tion calcitique directement sur le cailloutis. A l'ap- plus grossiers; le niveau inférieur (XIXc), le plus pui de cette thèse, il faut remarquer que la masse puissant (80 cm) ressemble au niveau supérieur : cristallisée adhère fortement aux parois calcaires et blocaille calcaire à matrice argileuse de couleur ne s'en est pas détachée après sa formation. La brune (H62). D'une manière générale, la couleur discontinuité brusque entre ces deux niveaux peut, globale de cette couche XIX est plus foncée que à notre avis, mieux s'expliquer par une modification celle de tous les niveaux sus-jacents. Elle est d'autre structurale du niveau inférieur : originellement plus part riche en éléments allochtones (galets de quartz, cohérent et moins lacuneux, c'est-à-dire se prêtant billes de limonite) ainsi qu'en fragments de calcite. bien à supporter la formation d'un plancher, il a été postérieurement lessivé et dépossédé de ses éléments Couche XX : puissance 25 cm. C'est une couche plus fins que l'on retrouve vers le bas de la couche. bien individualisée par son aspect général et par ses limites nettes avec les niveaux sus et sous-jacents. Sa Couche XXII : de puissance irrégulière (10 cm base repose en effet sur un plancher stalagmitique contre les parois, 30 cm au centre) la couche XXII cohérent et discontinu, légèrement incliné vers l'inté- pourrait être une variante de la la couche XXIb. rieur et la paroi nord de la grotte. Sa partie supé- Cependant, les blocs y sont présents malgré une rieure est soulignée par une pellicule d'argile brun absence de fractions grossières comprises entre 6 et foncé d'un demi-centimètre d'épaisseur. Un litage 10 cm, donnant une allure mieux classée à l'en- pseudo-varvé affecte localement sa structure, paral- semble. Ainsi, cette couche apparaît comme une lèlement à ses limites inférieure et supérieure. Cette blocaille calcaire cryoclastique, mais fortement cor- couche est indurée localement et son débit se fait par rodée, cupulée, localement bréchifiée, englobée dans plaques cohérentes, mais friables parallèlement à la une matrice sablo-argileuse de couleur sombre. Il est structure visible. Malgré quelques gros blocs épars peu probable que les processus diagénisants (essen- très altérés, cette couche est essentiellement repré- tiellement par cristallisation calcitique) soient les sentée par une fraction fine (argilo-limoneuse). La mêmes que ceux ayant affecté la couche XXI. En partie supérieure de la couche est plus claire, ocre effet, il y a lacune de cristallisation calcitique entre jaune (C63), que la partie inférieure plus brune ces deux couches d'une part, et d'autre part les (D63). éléments calcaires de la couche XXII sont recou- verts d'un encroûtement ferromanganifère impor- tant. Ils représentent donc, à notre avis, deux L'ENSEMBLE INFÉRIEUR (fig. 10 à 13 et pl. IV) périodes bien distinctes chronologiquement compor- Couche XXI : elle englobe deux niveaux très tant chacune le couple (dépôt-diagenèse) individua- différents : lisé. Niveau XXIa : plancher stalagmitique très dur, Couche XXIII : d'une puissance variant entre 15 formé de calcite cristalline très cohérente, disposé en et 30 cm, cette couche est très particulière. Sa strates massives séparées par des discontinuités couleur est nettement plus foncée que celle des visibles où se glissent des lentilles de cailloutis autres couches (F23). Quelques rares blocs sont cryoclastiques plus ou moins soudés (niveau XXIa') accompagnés de fragments calcaires et calcitiques (pl. IV, n 1 et 2). Très épais vers l'avant du sondage très colorés superficiellement par la matrice fine qui (80 cm), il se réduit vers l'arrière et n'existe pas au les englobe. Celle-ci est argileuse, mais contient niveau des carrés H. également un fort pourcentage de fragments colorés Niveau XXIb : c'est un cailloutis cryoclastique de calcite disloqués. L'ensemble est meuble, plus libre, sans matrice argileuse interstitielle (open-work), teinté vers le haut que vers le bas (pl. IV, n° 3). légèrement bréchifié au contact du plancher sus- jacent et s'enrichissant progressivement en éléments Couche XXIV : puissance 15 cm. Elle est très fins vers le bas (pl. IV, n 1 et 2). De 80 cm de comparable à la couche sus-jacente, mais de teinte puissance au niveau des carrés H, il diminue vers générale plus claire. Les éléments calcaires qu'elle l'avant, c'est-à-dire à l'inverse de la calcite sus- contient sont d'autre part plus nombreux, plus jacente. anguleux et les fragments de calcite plus abondants. Les rapports entre ces deux niveaux sont singu- Couche XXV : puissance de 10 à 15 cm. Elle est liers : localement, le plancher calcitique semble également comparable aux deux couches sus-jacen- reposer de manière discontinue sur le cailloutis tes, surtout à la couche XXIII par sa couleur et sa inférieur, faisant penser à un affaissement postérieur texture, bien qu'elle soit plus homogène. à la cristallisation de cette masse calcitique. Ailleurs, il y a passage progressif entre calcite pure, cailloutis Couche XXVI : d'une puissance importante et bréchifié et cailloutis libre, évoquant une cristallisa- régulière (60 cm) cette couche est remarquable par FIG. 10. — Coupe stratigraphique transversale de l'ensemble FIG. 12. — Coupe stratigraphique transversale de l' ensemble inférieur, vue vers l'ouest entre les zones E et F. inférieur, vue vers l'ouest entre les zones F et G.

FIG. 11. — Coupe stratigraphique longitudinale de l'ensemble FIG. 13. — Coupe stratigraphique transversale de l' ensemble inférieur, vue vers le nord entre les zones 3 et 4. inférieur, vue vers l'est entre les zones G et H. bien des aspects. Elle est riche en blocs très niveaux individualisés montrent que la sédimenta- émoussés (« pseudo-galets ») de calcaire et de calcite tion n'a pas été continue. De nombreuses limites de cristalline non lités, recouverts le plus souvent d'une couches témoignent de phénomènes d'érosion im- épaisse croûte noirâtre ayant parfois (surtout en ce portante ayant provoqué des destructions périodi- qui concerne les petits éléments) mieux résisté à une ques au cours de la sédimentation. Tel qu'il nous dissolution postérieure. Seule l'enveloppe demeure apparaît actuellement, ce remplissage ne constitue chez certains. La matrice argileuse, de couleur que le reliquat d'une sédimentation beaucoup plus foncée, moins bien représentée que dans les trois importante, périodiquement détruite avant une nou- couches supérieures, est indurée localement, soudant velle phase sédimentaire. Les phases de ravinement les éléments calcaires et calcitiques en un poudingue destructeur les plus évidentes, au simple examen des hétérométrique. Cette matrice contient de nombreux coupes stratigraphiques transversales et longitudina- fragments de croûtes noirâtres, disloqués. les, semblent être les limites de couches : XXI-XX, XIXb-XIXa, XVIa-XV, XIV-XIII, XII-XI, X-IX, Couche XXVII : puissance de 20 à 30 cm. Elle est IX-VIII, VII-VI, V-IV. comparable à la couche XXV et diffère de la couche Comme tous les remplissages de porche étudiés XXVI intercalée par la nature moins grossière des en Franche-Comté, le gisement de Gigny montre un éléments calcaires et leur forme générale moins recul sensible de la falaise encaissante au cours du arrondie, d'autre part leurs arêtes plus émoussées les temps. Ce recul provoque la migration vers l'amont rapprochent d'éléments cryoclastiques classiques. du réseau de la zone d'approvisionnement en élé- Cette couche est par contre, comme la précédente, ments cryoclastiques issus des parois soumises à consolidée en brèche. l'action du gel. Cependant à Gigny, ce recul semble Couche XXVIII : reconnue tout au fond du son- être moindre que dans les autres remplissages étu- diés actuellement (Échenoz, Rurey, Casamène in : dage dans un secteur très limité, sa puissance et sa Campy, 1982) Cela tient au fait qu'un brusque disposition n'ont pu être estimées avec précision. rebroussement des couches calcaires au niveau du Texturalement, elle apparaît composée d'éléments fins d'allure sableuse, englobés dans une matrice porche a limité l'érosion régressive et provoqué le argileuse de couleur claire (C63). Elle repose sur le maintien d'un seuil rocheux qui a préservé le rem- socle rocheux très nettement incliné vers l'intérieur plissage. de la grotte.

CONCLUSIONS 5. Le Quaternaire franc-comtois : essai chronologique et pa- léoclimatique, Thèse de Doctorat ès Sciences naturelles, n° 159, Les caractéristiques lithologiques du remplissage Faculté des Sciences et Techniques de l'Université de Franche- de Gigny et surtout les rapports entre les différents Comté, Besançon, 575 p., 222 fig., 8 pl.

La Baume de Gigny (Jura) sous la direction de M. Campy, J. Chaline, M. Vuillemey XXVII supplément à Gallia Préhistoire, 265 p. Éditions du CNRS, Paris, 1989.

ÉTUDE SÉDIMENTOLOGIQUE DU REMPLISSAGE

par Michel CAMPY

RÉSUMÉ L'étude sédimentologique du remplissage de La Baume de Gigny a été effectuée niveau par niveau. Les différents paramètres sédimentologiques sont définis et leur évolution étudiée de bas en haut de la séquence sédimentaire. L'évolution des différentes fractions granulométriques, la répartition des concrétions calcitiques et des galets allochtones, l'étude minéralogique et calcimétrique des fractions fines permettent d'interpréter les conditions de mise en place du remplissage dans le contexte paléoclimatique. ABSTRACT The sedimentological study of the filling of the Baume of Gigny has been made level after level. The different sedimentological parameters are defined and their evolution is studied from the bottom to the top of the sedimentary sequence. The evolution of the various granulometric fractions, the distribution of calcitic concretions and allochton pebbles, the mineralogic and calcimetric study of fine fractions enable the author, to explain the setting of the filling in the paleoclimatic context.

Les études sédimentologiques ont été réalisées en LA FRACTION GROSSIÈRE laboratoire à partir d'échantillons prélevés en cours de fouille ou sur les coupes stratigraphiques. Nous L'ENSEMBLE SUPÉRIEUR : COUCHES IV À VI avons utilisé les méthodes sédimentologiques classi- ques propres à ce genre de dépôt. Le choix méthodo- L'ensemble supérieur, d'une puissance de 1,5 m logique et l'examen critique de ces différentes environ, présente des caractéristiques générales méthodes ont été largement développés par ailleurs propres : (Campy, 1982). La démarche essentielle fut de suivre • un pendage général de 12 à 15 degrés vers l'ex- l'évolution des différents paramètres sédimentologi- térieur; ques du remplissage et de tenter d'interpréter cette • une disposition transversale horizontale ne mani- évolution dans un sens paléoclimatique en liaison festant aucun apport prédominant des parois en avec la dynamique sédimentaire. particulier; Les niveaux historiques et protohistoriques, trop • une prédominance nette du pourcentage de la perturbés artificiellement, n'ont pas fait l'objet fraction grossière sur la fraction fine (sauf pour la d'étude sédimentologique particulière. Leur nature couche IV); essentiellement cendreuse traduit un apport impor- • parmi cette fraction grossière, les pourcentages tant par l'homme et, de ce fait, il est impossible de des cailloux de diamètre inférieur à 6 cm sont tirer de leur étude les renseignements paléoclimati- largement dominants, voire exclusifs. ques et chronologiques, but premier des études • à vrai dire, les deux couches V et VI sont très sédimentologiques des remplissages karstiques. Cel- comparables à quelques nuances près, et très les-ci concerneront donc les trois ensembles définis différentes par contre de la couche IV. précédemment, tous constitués de blocs calcaires et Examinons en détail chaque couche de ce calcitiques entourés d'une matrice argileuse. sous-ensemble (fig. 14 et 15). FIG. 14. — Évolution de la granulomé- trie et des éléments cryoclastiques dans la fraction grossière : 1, granulométrie glo- bale (blocs non compris); 2, granulomé- trie des cailloux (blocs compris); 3, frag- ments cryoclastiques. FIG. 15. — Évolution dans la fraction grossière : 1, de l'indice d'émoussé; 2, de la porosité; 3, du pourcentage de concré- tions P (calcite). Gisement archéologique d'exception, La Baume de Gigny permet de remonter au fil du temps jusqu'à l'avant-dernière période glaciaire et nous conduit aux portes de l'Histoire. Mais, malgré quelques indices de Paléolithique ancien et récent, Gigny est avant tout un site moustérien d'une incomparable richesse, tant par la qualité technique de l'industrie lithique que par l'importance des données paléoclimatiques fournies par les sédiments et leur contenu paléontologique. Trait d'union entre la façade atlantique et l'Europe centrale, le remplissage de Gigny a permis la préservation d'un espace temporel important, dans un environnement clima- tique de type périglaciaire, entre les deux aires glaciaires nordique et alpine en extension. Il constitue un jalon précieux entre les civilisations du Paléolithique de l'Europe de l'ouest et celles des grandes plaines de l'Europe centrale.

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