<<

Introduction

Cela est si bon de pouvoir ne point mépriser ce que la foule admire.

André Gide, Journal (1927)

Le 5 décembre 1954 avait lieu à Hollywood, dans le parc des Studios , une des plus étranges cérémonies que la capitale du cinéma ait jamais connues. Un groupe de personnalités notoires se trouvait rassemblé là pour l’inau- guration d’une plaque de marbre qui émergeait d’une mare d’eau boueuse… Cette plaque insolite avait pour objet de fixer pour la postérité le souvenir de deux illustres comédiens que les hasards de leur métier avaient précipités un nombre incalculable de fois dans un même bourbier, pour le plaisir et la joie de millions de spectateurs. Ainsi et entraient-ils, vivants, dans la légende du 7e Art. Le culte que l’on voue aujourd’hui à Laurel et Hardy (plus de soixante ans après la mort du premier et plus de cinquante ans après celle de son partenaire) demeure extraordinairement vivace dans le monde anglo-saxon, et continue de se développer à un rythme surprenant. Un nombre ahurissant de livres – plus de cinquante ! – ont été publiés sur leur vie, leur carrière et les secrets de leur art. Hormis Chaplin, aucune star de l’écran n’a jamais suscité pareil engouement.­ C’est dès 1964, du vivant même de Laurel, que les mani- festations les plus éclatantes de ce culte se concrétisèrent, par la fondation en Amérique d’un club qui – se donnant

11

LAUREL_cs6_pc.indd 11 01/02/2019 11:24:02 laurel et hardy

les structures de l’Ordre maçonnique – prenait le titre de The , emprunté à l’un des films les plus célèbres des deux grands comiques, qui y tenaient préci- sément des rôles de francs-maçons. Créé par le professeur John McCabe (qui fut leur premier biographe), et placé à l’origine sous le patronage personnel de Stan Laurel, ce club compte, aujourd’hui encore, aux États-Unis comme en Grande-Bretagne, un grand nombre de « loges » qui ont leur siège dans les principaux États des premiers et les villes de la seconde. Chacune de ces loges empruntant sa raison sociale à un titre de film du glorieux tandem. Parmi celles-ci, figurent par exemple la Tent de , la Blockheads Tent de Minneapolis, la Tent qui, pour sa part, a élu domicile dans une prison de Massachusetts1 ; la Way Out West Tent, la plus active, a longtemps édité en Californie une luxueuse revue périodique, Pratfall 2, entiè- rement consacrée à « Lorèléardi », cet être bicéphale dont le nom fut jadis si judicieusement orthographié par François Mars3. Pratfall fut longtemps un organe de liaison qui ren- dait compte à ses abonnés (établis bien souvent au-delà des frontières des États-Unis) des nombreuses activités du club. Celui-ci, qui voulait n’avoir « ni l’allure d’une académie ni celle d’un groupe de fans adulateurs », s’employait active- ment à faire reconnaître le grand talent des deux comédiens, et s’efforçait, tout à la fois, de retrouver la trace des films considérés à l’époque comme perdus, de compléter la liste des participations à mettre au crédit de leur filmographie,

1. Pardon Us fut le premier long métrage de Laurel et Hardy qui, en l’occurrence, y étaient pensionnaires d’un bagne. 2. Pratfall est un vieux terme de vaudeville, sans équivalent français, désignant une chute comique. 3. Dans un article célèbre de la glorieuse époque des Cahiers du cinéma, n° 75 (octobre 1957), intitulé « Lorèléardi est mort ».

12

LAUREL_cs6_pc.indd 12 01/02/2019 11:24:02 introduction

de recueillir les documents d’actualités cinématographiques de toutes origines les concernant de près ou de loin, d’or- ganiser des « pèlerinages » sur les lieux de tournage où ils s’illustrèrent, etc. Mais aussi de tenir meetings, conférences, réunions ou banquets – toutes manifestations typiquement américaines et que l’esprit français estime généralement empreintes d’un infantilisme suspect. Il n’en reste pas moins – et ce n’est pas le moins surprenant – que la vieille Europe fut à son tour atteinte par cette vague de passion nostalgique, et que des filiales du club sont nées, dans la seconde moitié du xxe siècle, à Londres, en Allemagne, en Hollande, et en France…

*

C’est au début des années 1930, avec le parlant, que la popularité de Laurel et Hardy s’imposa, et très vite au niveau mondial. Dès 1932, ils purent constater eux-mêmes, avec surprise et incrédulité, au cours d’un périple européen qu’ils avaient d’abord entrepris comme un simple voyage d’agrément, l’étendue de l’enthousiasme populaire qu’ils suscitaient. Du coup, ces vacances allaient se transformer presque malgré eux en une véritable tournée publicitaire : on organisait, à leur passage, des concours d’imitation ; des clubs, déjà, naissaient un peu partout en leur honneur1 ; des publications, tout entières consacrées à leur culte, sous forme de bandes dessinées notamment, commençaient

1. À notre connaissance, le premier en date de ces clubs était français : créé en 1935 et patronné par la filiale française de la MGM, ainsi que par l’hebdomadaire Le Journal, il avait son siège rue Condorcet à Paris IXe. Il publiait, pour ses membres, le bulletin Cri Cri et organisait concours, tombolas, projections, etc. Au début de 1939, il rayonnait sur l’Europe entière, et ses membres étaient évalués à deux millions…

13

LAUREL_cs6_pc.indd 13 01/02/2019 11:24:02 laurel et hardy

à être publiées dans divers pays. Un tel élan conduisait loin, parfois : au dire de Hardy, on aurait, vers 1935, en Tchécoslovaquie, frappé des médailles à leur effigie (côté face pour l’un, côté pile pour l’autre)… Significativement, on ne les connut bientôt plus que sous les sobriquets dont on se plut, ici et là, à les affubler : ainsi étaient-ils tout à la fois, suivant le cas et le lieu, Stan et Ollie dans les pays anglo-saxons, Dick et Doof (« Gros » et « Bêta ») en Allemagne, Gordo et Flaco en Espagne, Bucho et Estica au Portugal, Goyo et Guten en Suisse, Min et Fin en Finlande, Fu-Tu et Tu-Tu en Chine… En Chine où l’on tourna, peu avant la Seconde Guerre mondiale, des Laurel et Hardy de seconde main, avec des imitateurs autochtones dont il est facile d’imaginer à quel degré ils devaient être conformes aux modèles ! Ainsi chaque peuple les annexait, faisait d’eux sa chose, tentait de les identifier à son propre folklore : y a-t‑il popularité plus totale, plus évidente ? À un niveau moins élémentaire, il arriva que leur célébrité prît une forme surprenante. Si l’on sait déjà que le maréchal Tito fut un de leurs admirateurs passionnés et s’est souvent fait projeter leurs films pour son plaisir personnel, on ignore généralement que les hommes d’État réunis aux grandes conférences au sommet de Yalta et de Postdam, dans les derniers mois de la guerre, bénéficiaient à l’issue des séances de travail d’une projection de quelques Laurel et Hardy des meilleures années, qui les aidaient à se relaxer. Les deux compères de Fra Diavolo n’avaient, à coup sûr, pas prévu cette fonction politique et diplomatique, mais elle n’en dore que mieux leur blason… En fin de compte, tout le confirme : pour Laurel et Hardy, aucune barrière n’existe. Ils demeurent sans doute les seuls – avec Chaplin – dont l’audience ait franchi les frontières géographiques et poli- tiques aussi bien que les limites des préjugés de race ou d’idéologie. Aussi célèbres en Europe qu’en Chine, en Inde

14

LAUREL_cs6_pc.indd 14 01/02/2019 11:24:02 introduction

qu’en Afghanistan, à Bangkok qu’à Honolulu, aussi joyeu- sement populaires aujourd’hui qu’il y a soixante-dix ans, Stan et Ollie sont toujours nos contemporains. À l’heure où ces lignes sont écrites, à chacune des heures où elles seront lues, quelqu’un, quelque part dans le monde, visionne sur son écran un de leurs vieux films. Plus solides que , et Harold Lloyd ou que tous leurs pairs de l’époque héroïque – peut-on même dire Chaplin excepté ? –, ils sont les seuls comédiens burlesques à béné- ficier, dans la vie imaginaire et mythique de l’écran, d’une si éclatante immortalité.

*

Un peu ébranlée, consciemment ou non, par cette gloire hors du commun, la critique cinématographique, enfin atten- tive, a tenté, avec une fébrilité parfois ingénue, d’effacer des décennies d’un mépris aussi injustifié qu’ostentatoire. Depuis un demi-siècle maintenant, la très discutable hiérarchie des valeurs transmise par les historiens consacrés du 7e Art se trouve profondément remise en cause. Entre autres néces- saires réévaluations, on s’attarde désormais, à juste titre, sur l’œuvre de ceux qui furent jusqu’ici inconsidérément rejetés dans le gros du peloton des comiques populaires, et dont on se plaisait par conséquent à ignorer la capacité artistique. On constate vite que Laurel et Hardy, au tout premier rang, se tirent à leur avantage de ce procès en appel et prennent place, du même coup, sans tapage intempestif, dans la plus prestigieuse lignée des grands amuseurs publics. Spécialiste réputé du cinéma burlesque américain, Jean- Pierre Coursodon a, le premier en France, dénoncé à pro- pos de Laurel et Hardy « le contraste entre leur popularité immense et ininterrompue et le dédain presque universel

15

LAUREL_cs6_pc.indd 15 01/02/2019 11:24:02 laurel et hardy

des critiques et des “gens de goût” à leur égard1 ». Le phé- nomène n’a certes rien d’unique, et on ne compte plus, dans les annales du cinéma, les divergences d’opinions entre le grand public et la critique. Le fossé qui les a sépa- rés semblait pourtant, en l’occurrence, d’une profondeur inhabituelle. Peut-être faut-il en voir la raison dans le fait que l’apparence quelque peu rudimentaire de leur style comique est de nature à dérouter particulièrement l’exégète qui chercherait à y discerner les marques d’une esthétique rigoureuse. De fait, leurs personnages paraissent empreints d’une si inaltérable naïveté, d’une sottise si monumentale, qu’ils peuvent passer pour indignes d’une admiration véri- table : il n’est pas forcément donné à tout le monde de reconnaître, au sein de la « cathédrale burlesque » sans précédent qu’ils ont édifiée, à travers cette sorte de saga du cafouillage systématique et de la catastrophe organisée que compose l’ensemble de leurs films, les preuves irré- futables d’une connaissance singulière de l’art du mime, d’une science surprenante du gag, d’une maîtrise accomplie de l’écriture cinématographique. Qu’on ne s’y trompe pas, toutefois : monument comique trop longtemps méconnu parce que fondé sur l’évidence, la simplicité et la logique, l’œuvre de Laurel et Hardy témoigne d’une pureté de style et d’une rigueur d’élaboration qui auraient dû sauter aux yeux de la pléiade d’historiens du cinéma qui, pourtant, avec une belle unanimité, se sont lourdement trompés. Les erreurs critiques, heureusement – comme les modes – n’ont souvent qu’un temps, et il est devenu aujourd’hui assez bien porté d’afficher pour les deux compères une admiration dithyrambique qui conduit à « analyser grave- ment un style burlesque qui n’avait pas eu les honneurs

1. Jean-Pierre Coursodon, Laurel et Hardy, « Anthologie du Cinéma » n° 8, L’Avant-Scène, octobre 1965.

16

LAUREL_cs6_pc.indd 16 01/02/2019 11:24:02 introduction

de la consécration­ historique1 ». Leurs personnalités, leurs personnages, leurs talents suscitent désormais les commen- taires les plus flatteurs. On leur découvre les plus glorieuses ascendances, les plus remarquables cousinages : on évoque fréquemment Lewis Carroll et son œuvre à propos des fréquentes confusions de sens de Laurel ; et Falstaff ou le Bourgeois gentilhomme pour commenter l’allure et le comportement de Hardy ; on leur trouve des ressemblances avec Don Quichotte et Sancho Pança ; quand on n’aperçoit pas, en Laurel, un avatar de Sganarelle, et chez Hardy un Monsieur Loyal vieillissant2… À l’inverse, et comme par un juste retour des choses, le critique américain Jordan Young verra dans le En attendant Godot (1953) du prix Nobel de littérature Samuel Beckett une recréation magistrale des personnages de Laurel et Hardy, symboliquement réincarnés dans les deux vagabonds de la pièce, Estragon et Vladimir, sans cesse en équilibre instable entre la réalité et le cauchemar, l’évidence et l’absurde, le grotesque et la tragédie. En conclusion à l’étude copieuse et documentée qu’il consacra au sujet3, Jordan Young deman- dera, sérieusement, que l’on veuille bien « porter au crédit de messieurs Laurel, Hardy et Beckett réunis, d’avoir été capables de dire tant de choses en si peu de mots » ! Ce qui est sûr, quoi qu’en dise Beckett lui-même, c’est que, sans l’existence de Laurel et Hardy, En attendant Godot n’aurait jamais vu le jour ! En tout état de cause, « c’en est bien fini, comme l’écrivait Jean Thévenot en 1950, de la “honte du rire” qui caractérisa le cinéma à partir du moment où il se

1. Jacques Siclier, in Télérama (février 1968). 2. Dans les années 1930, un critique comparait déjà Laurel à Pinocchio et Hardy au commis voyageur de Babbitt (1922), de Sinclair Lewis, dans le magazine Pour vous (octobre 1934). 3. Pratfall, n° 5, 1er semestre 1971.

17

LAUREL_cs6_pc.indd 17 01/02/2019 11:24:02 laurel et hardy

prit au sérieux, et qui engendra l’idée qu’un film comique était forcément mineur1 ». Si les critiques n’y suffisaient pas, l’histoire du cinéma et les cinéastes eux-mêmes seraient là pour nous dire ce qu’il convient réellement de penser de Laurel et Hardy et de leur apport au 7e Art. Pour ne citer que leurs pairs au royaume du cinéma comique, les témoignages abondent : parmi leurs contemporains, ils vont de aux frères Marx, en passant par Harold Lloyd ; plus près de nous, Jacques Tati (« Aujourd’hui, loin de vieillir, les films de Laurel et Hardy sont plus modernes qu’autrefois2 »), Bourvil (« Laurel et Hardy ne seront jamais démodés3 »), Raymond Devos (« Tous les acteurs et les cinéastes comiques ont subi à un degré plus ou moins important l’ascendant de leur person- nage »), Roger Pierre et Jean-Marc Thibault ont reconnu leur dette à leur égard. Le comédien Peter Sellers ne se déplaçait jamais sans une grande photo de Laurel et Hardy qu’il affichait en bonne place dans les loges qu’il occupait ; et Alex Guinness entretint une correspondance suivie avec Stan Laurel les dernières années de sa vie. Quant à Pierre Étaix qui, à l’égal de son ami Jerry Lewis, vouait une admi- ration sans borne au génie de Stan Laurel, il constatait : « Les voir suffit, même s’ils ne font rien4. » Soulignant en cela le potentiel comique contenu dans leur seule présence : « On a l’impression qu’ils pourraient, à la limite, tenir vingt minutes en plan fixe devant un rideau noir. » Pour ce qui est de la place qu’ils occupent désormais dans l’évolution du cinéma mondial, et de l’influence qu’ils ont pu exercer, quelques exemples suffiront ici à en donner une idée.

1. Ciné-Club (1950). 2. Paris-Jour, 25 février 1965. 3. Ibid. 4. Positif, n° 77‑78, juillet 1966.

18

LAUREL_cs6_pc.indd 18 01/02/2019 11:24:02 introduction

• Influence directe et immédiate au niveau des imita- tions et des succédanés : la prolifération invraisemblable de tandems comiques en tous genres est à coup sûr en grande partie imputable à leur succès, sans qu’aucun d’eux n’ait jamais pu les égaler. Ce furent successivement : aux États-Unis, Wheeler et Woolsey (de 1929 à 1937), Olsen et Johnson (1930‑1945)1, Abbott et Costello (1940‑1956), Dean Martin et Jerry Lewis (1949‑1956), pour ne rien dire de ceux qui, sans doute à juste titre, sont demeurés inconnus du public français2 ; au Danemark, le duo Doublepatte et Patachon, créé au temps du muet, qui influencèrent peut- être Laurel et Hardy, et dont l’heure de gloire se prolongea dans les années 1930 ; en France, Tichadel et Rousseau qui, en 1938, tournèrent deux longs métrages à la limite du plagiat – Deux de la réserve et Les Rois de la flotte de René Pujol –, leur ritournelle d’accompagnement rappelant à s’y méprendre le fameux Cuckoo Song des génériques des Laurel et Hardy : « Moi et lui, lui et moi, nous sommes comme deux frères siamois. » • Création, dans les années 1966‑1967, de plus de cent cinquante dessins animés de cinq à six minutes racontant de nouvelles aventures de Laurel et Hardy, produits par Hanna- Barbera et signés par Larry Harmon, acteur, producteur, scénariste et réalisateur. • Influence directe ou indirecte sur la conception de cer- tains personnages ou de certaines scènes dans des films qui relèvent de genres cinématographiques très divers et parfois

1. Leur plus grand titre de gloire est sans doute d’avoir participé à Hellzapoppin (1942), de H. C. Potter. 2. Qui a jamais entendu parler de Clark et McCullough (1928‑1935), Burns et Allen (1929‑1944), Mitchell et Durant (1934‑1938), Brown et Carney (1944‑1946), Nonan et Marshall (1950‑1952), Rowan et Martin (1957‑1969) ?

19

LAUREL_cs6_pc.indd 19 01/02/2019 11:24:02 laurel et hardy

fort éloignés de leur style. On a pu remarquer, par exemple, que la scène de (1927) dans laquelle Laurel, vêtu d’un kilt, s’attarde au-dessus d’une bouche d’aération, se retrouve avec une exactitude telle qu’elle ne saurait être fortuite dans Sept ans de réflexion (Seven Years Itch, 1955), de Billy Wilder – à ceci près toutefois que c’est Marilyn Monroe qui la joue. On retrouvera par ailleurs le fau- teuil à bascule de The Murder Case (1930), utilisé dans des circonstances semblables, dans Le Retour de M. Topper (Topper Returns, 1939), de Roy Del Ruth, produit, il est vrai, par le même Hal Roach. Pour sa part, François Mars soulignait que, dans le chef-d’œuvre d’Orson Welles, « le citoyen Kane remue ses oreilles comme Stan Laurel dans Les As d’Oxford 1 ». Le critique anglais Charles Barr ira jusqu’à avancer que le comportement des deux compères dans Early to Bed (1928) annonce les rapports maître-domestique (James Fox-Dirk Bogarde) de The Servant (1963), de Joseph Losey, ou que le couple de touristes de (1934) pré- figure celui des Fraises sauvages (1957), d’Ingmar Bergman : hypothèses séduisantes, mais dont nous laisserons prudem- ment à Charles Barr la responsabilité… • Citations et coups de chapeau délibérés dans quelques autres œuvres marquantes du cinéma. Ainsi François Truffaut dans Baisers volés, comme Jean-Luc Godard dans Pierrot le Fou, avouaient-ils sans complexe la fascination qu’exerçaient encore sur eux Laurel et Hardy. Jerry Lewis rendit hommage à son maître Stan Laurel dans Jerry chez les cinoques, de Frank Tashlin (The Disorderly Orderly, 1964), en lui empruntant son fameux doigt-briquet ; et dans sa première réalisation personnelle, Le Dingue du Palace (The Bellboy, 1960), il s’est donné le rôle d’un groom nommé Stan, qui officie dans un hôtel dont l’un des clients est le sosie de Laurel… Le couple

1. Le Gag, coll. « 7e Art », Cerf (Paris, 1964).

20

LAUREL_cs6_pc.indd 20 01/02/2019 11:24:02 introduction

formé par Rita Tushingham et Lynn Redgrave dans Deux Anglaises en délire, de Desmond Davis (Smashing Time, 1967) est une tentative malhabile mais évidente de transposition féminine des personnages de Laurel et Hardy, à qui, pour sa part, Blake Edwards dédiait ouvertement en 1965 La Grande Course autour du monde (The Great Race1) ; le même Blake Edwards récidivera vingt ans plus tard avec Un sacré bordel ! (A Fine Mess, 1986) dont le titre original est emprunté à une de leurs répliques fétiches. On peut encore reconnaître dans le très controversé mais honorable Myra Breckinridge (1970), de Michael Sarne un hommage chaleureux aux chers vieux Stan et Ollie dont ce film nous restituait deux excellentes trouvailles comiques de (1941), la meilleure étant le gag fameux de la planche interminable tenue à ses deux extrémités, inauguré par Laurel dans (1928), auquel une allusion avait déjà été faite (par Fred Astaire et Jack Buchanan, devant Oscar Levant) dans le Tous en scène (The Bandwagon, 1952), de Vincente Minnelli. • Participation fréquente aux films de Laurel et Hardy de collaborateurs dont les noms deviendront parfois prestigieux. On découvre ainsi dans les génériques ceux de Leo McCarey, qui supervisa un grand nombre de leurs courts métrages muets ; de George Marshall, qui réalisa quelques-unes de leurs bandes, et y tint même parfois un petit rôle ; de Harry Langdon lui-même, grande figure à tout jamais méconnue de l’art burlesque, et qui contribua aux scénarios et aux gags de certains de leurs longs métrages ; Clyde Bruckman, qui

1. Cette superproduction burlesque est d’ailleurs – après l’échec à peu près total du surestimé Un monde fou, fou, fou, fou, de Stanley Kramer (It’s a Mad, Mad, Mad, Mad, World, 1963) – l’une des dernières en date qui se soit efforcée de retrouver les formes originelles du burlesque cinématographique américain, et notamment la vieille recette de la bagarre de tartes à la crème…

21

LAUREL_cs6_pc.indd 21 01/02/2019 11:24:02 laurel et hardy

signa plusieurs de leurs réussites du muet, avant de réaliser par la suite trois des meilleurs longs métrages de Harold Lloyd. Au niveau des interprètes, on trouve encore dans leur filmographie les noms de Paulette Goddard, qui composa quelques silhouettes dans leurs premières bandes ; de Lupe Velez, qui apparaît dans Sailors, Beware ! (1927) ; de la belle , qui fut leur victime dans et Bacon Grabbers (tous deux de 1929) ; de Thelma Todd qu’ils croisèrent quatre fois et de , dite « la Séduisante », qui, après avoir fait ses débuts, dans les années 1920, sous la férule de Stroheim, devint l’une de leurs partenaires atti- trées. Oliver Hardy se rappelait même1 que avait fait de la figuration dans un de leurs premiers films2. Cela dit, et pour nous en tenir aux citations et aux emprunts, il convient de se souvenir également que les deux compères ont eux-mêmes parsemé leurs films de fréquentes allusions plus ou moins évidentes aux œuvres cinématographiques de leur époque ; clins d’œil qui ont parfois le caractère de private jokes dont seuls le recul du temps, la confusion et l’oubli nous empêchent d’apprécier pleinement la saveur. Ainsi a-t‑on pu remarquer que (1929), où Laurel et Hardy entreprennent de hisser un cheval sur un piano à queue, fut tourné quelques mois après Un chien andalou de Luis Buñuel et Salvador Dalí ; que Les Deux Légionnaires (, 1931) et son remake Les Conscrits (, 1939) sont des parodies à peine voilées de Cœurs brûlés (Morocco, 1930), de Sternberg

1. Interview donnée à Jean-Charles TacchelIa, in L’Écran français, novembre 1947. 2. Il s’agit en fait de The Stolen Jools (1932), un court métrage de pres- tige auquel participèrent un nombre impressionnant de comédiennes et de comédiens venus de toutes les grandes firmes hollywoodiennes et dont les cachets furent intégralement reversés à des organismes humanitaires.

22

LAUREL_cs6_pc.indd 22 01/02/2019 11:24:02 introduction

et, d’une manière générale, de tous les « films de légion- naires » (impossible de voir aujourd’hui La Bandera ou Un de la légion sans préférer à leur nationalisme désuet et à leur héroïsme primaire la puissance démystificatrice demeurée intacte du film de Laurel et Hardy) ; que Any Old Port (1932) marque l’intrusion du burlesque dans le mélodrame « à la Griffith » en général – et dans Le Lys brisé (Broken Blossoms, 1919) en particulier ; que Les Sans-Soucis (Pack up Your Troubles, 1932) évoque immanquablement Le Kid (1921) de Chaplin ; que les scènes du milliardaire ivrogne des Lumières de la ville (City Lights, 1932) du même Chaplin ont leur répondant exact dans Scram ! (1932) ; qu’il y a dans Liberty (1929) et dans County Hospital (1932), avec leurs confrontations des hommes et des gratte-ciel, un hommage direct au petit monde de Harold Lloyd – et notamment à Voyage au paradis (Never Weaken, 1921), Monte là-dessus (Safety Last, 1923) et À la hauteur (Feet First, 1930). Il faut avoir vu, par ailleurs, l’inénarrable parodie de Stroheim composée, dans Double Whoopee (1929), par un interprète complètement inconnu du grand public1. Laurel, pour sa part, dans Laurel et Hardy au Far-West (Way Out West, 1937), fait de la diligence-stop en parodiant une séquence célèbre de New York-Miami (It Happened One Night, 1934), de ; de la même manière, le repas de cordes et d’éponges servi dans Laurel et Hardy en croisière (Saps at Sea, 1940) sera la réplique directe du festin de La Ruée Vers l’Or (The Gold Rush, 1925). Sur ce même chapitre, Charles Barr a rapproché le comportement de Laurel en lord Paddington dans Les As d’Oxford (,

1. Laurel se rappelait qu’il s’agissait de la véritable doublure d’Erich von Stroheim. Dans son livre Laurel and Hardy, the Magic Behind the Movies (1982), Randy Skretvedt a été le premier à donner son nom : le capitaine John Peters.

23

LAUREL_cs6_pc.indd 23 01/02/2019 11:24:02 laurel et hardy

1940), au rôle tenu par Emil Jannings dans L’Ange bleu (Der Blaue Engel, 1930), de Sternberg1. Et François Mars, évo- quant le mémorable (1932), note : « Les pia- nos dévalent les escaliers dans le même mouvement lyrique que les voitures d’enfant sur les fameuses marches du port d’Odessa2. » Ajoutons que dans Sailor Beware! (1927), Stan Laurel, steward improvisé sur un paquebot, précipite dans un escalier un landau où se trouve un nain escroc déguisé en marmot ! La situation et le parti qui en est tiré n’ont cette fois rien d’accidentel et offrent au cinéphile averti une intention parodique encore plus évidente.

*

Sans doute, de leur carrière relativement courte (et dont la période de pleine maîtrise se limite aux douze années 1927‑1939), subsisteront essentiellement les personnages qu’ils ont créés, dont Jean-Pierre Coursodon affirme qu’ils « ont plus de réalité, plus de permanence d’un film à l’autre que n’importe quel personnage comique de l’écran, Charlot inclus3 ». En fait, le rire qu’ils inspirent naît d’abord de la connaissance approfondie de leur rituel. Peut-être est-ce par ce seul artifice qu’ils nous semblent toujours si proches, et leur constante fidélité à eux-mêmes nous confirme dans le sentiment que nous avons, à chaque rencontre, de retrouver très simplement deux bons vieux copains avec lesquels nous sommes sûrs de toujours nous amuser de bon cœur. La fas- cination sentimentale qu’ils exercent, l’affection instinctive

1. A Chump at Oxford a d’ailleurs été réalisé peu après la sortie de Vivent les étudiants (A Yank at Oxford, 1938), de Jack Conway, une des trois coproductions anglo-américaines de l’avant-guerre. 2. Le Gag (op. cit.). 3. Jean-Pierre Coursodon, Laurel et Hardy, op. cit.

24

LAUREL_cs6_pc.indd 24 01/02/2019 11:24:02 introduction

qu’ils font naître, l’intérêt bienveillant que nous arrache le spectacle de leurs aventures proviennent d’une sympathie fondée avant tout sur « l’attente satisfaite » dont le principe est à la source même de leur comique. En ce sens, leur suprême habileté est probablement d’avoir toujours su uti- liser à bon escient toutes les ressources de leur art, de leurs personnages et du mythe qu’ils ont engendré, sans s’écarter jamais si peu que ce soit (du moins dans les années de leur production la plus personnelle) de la trajectoire adoptée. En contrepartie, seule une fidélité égale du spectateur permet de bien les connaître, et nous avons personnellement expé- rimenté qu’une longue fréquentation de leur œuvre est le plus sûr moyen de découvrir et d’apprécier, dans sa vraie mesure, leur génie particulier et exemplaire. « Comme cer- tains corps de légendes traditionnelles, leur œuvre est une somme dont les parties, pourtant autonomes, ne prennent vraiment leur sens que par rapport au tout1. » Par cette per- manence, leurs personnages acquièrent une nouvelle dimen- sion : de fantoches bouffons, ils deviennent les héros d’un univers que les sortilèges du cinéma et la force de leur génie créateur transforment soudain, aux détours des images, entre deux éclats de rire, en rival vraisemblable et victorieux du nôtre. Avec la fidélité, une constante simplicité est aussi à mettre à leur crédit, et contribue à coup sûr à assurer leur durée. C’est cette simplicité, sans nul doute, qui leur fait traverser victorieusement les années et les modes, et séduire indifféremment les générations ; grâce à elle, nul autre per- sonnage du cinéma burlesque ne peut bénéficier au même degré de notre sympathie et de notre indulgence (y compris pour les faiblesses inévitables et nombreuses de leurs films). « Le public les aimait comme on aime des personnes réelles. C’est un phénomène unique dans les annales du comique.

1. Ibid.

25

LAUREL_cs6_pc.indd 25 01/02/2019 11:24:02 laurel et hardy

Chaplin émouvait, attendrissait, mais n’inspirait pas la même affection instinctive, le même sentiment de familiarité. On peut attribuer cet amour à leur simplicité, à leur gentillesse, à leur totale innocence1. » Oliver Hardy, avec cette confondante absence de pré- tention qui fut son trait de caractère essentiel, expliquait lui-même, et non sans lucidité, l’attachement du public : « L’une des raisons, c’est qu’il se sentait tellement supérieur à nous… Même un gosse de huit ans se sentait supérieur à nous, et ça le faisait rire de bon cœur2 ! » À cette simplicité, notre simplicité de spectateur, là encore, doit répondre. Sans ingénuité d’âme, impossible de goûter quoi que ce soit au spectacle de ces péripéties si éloignées des platitudes du sens commun. Corollairement, tout individu allergique à Laurel et Hardy administre la preuve que plus aucune espèce de lien ne le rattache au monde enchanté de ­l’enfance. À lui, dès lors, l’amertume des esprits forts ; à nous, la bienheu- reuse béatitude que sauront toujours nous inspirer les éter- nelles gaffes de Stan, les emportements orageux et balourds d’Ollie ! À nous, cette délicieuse échappée vers une repo- sante ignorance des problèmes du monde dit « réel » ; à nous l’explosion naïve et primitive – enfantine – du rire, à la vaine recherche de laquelle tant d’adultes consument, trop tard, ce qu’il leur reste de vie… Il suffisait naguère que retentissent dans les salles en train de s’obscurcir les premières mesures de la célèbre ritournelle au timbre guil- leret pour qu’aussitôt le public de tout âge se sente envahi à l’avance par la joie qu’elle annonçait. Même les jeunes enfants encore incapables de lire les génériques s’associaient

1. Ibid. 2. Rapporté par John McCabe, Mr Laurel and Mr Hardy, Museum Press Limited (Londres, 1961) ; Signet Book, New American Library (New Jersey, 1968).

26

LAUREL_cs6_pc.indd 26 01/02/2019 11:24:02 introduction

sans effort à la satisfaction générale. « Réflexe conditionné », comme l’a dit judicieusement Jacques Siclier1. Certes, mais cela n’explique que biologiquement un phénomène qui se situe en fait au niveau du sentiment en même temps que de l’émotion esthétique.

*

« Ils sont entrés vivants dans la mythologie moderne, et tout ce qui est mythologique échappe à la critique », dit encore Jean-Pierre Coursodon2, qui précise ailleurs : « La popularité et l’universalité de Laurel et Hardy constituent un phénomène qui relève moins de la critique que de la psychosociologie. Comme Chaplin, et seuls avec lui, ils sont passés du statut de vedettes à celui de mythe permanent, et le talent, même atteignant au génie, n’explique pas la forma- tion des mythes3. » En fait, tout comme le personnage dou- loureusement drôle de Charlot, Laurel et Hardy ont répondu à un puissant besoin des foules, et de la survivance de ce besoin vient sans doute la pérennité de leur renommée. Pour les enfants, l’univers des deux compères est attirant parce que ceux-ci y accomplissent avec le plus grand naturel du monde tous les ravages auxquels ils aimeraient eux-mêmes se livrer ; et qu’ils contribuent à faire basculer le monde trop équilibré des adultes dans un monde merveilleusement chaotique où tout est permis. Les adultes, pour leur part, sont sensibles au potentiel subversif qu’impliquent la seule présence des deux héros et leur comportement si véritablement hors des règles. Ainsi Laurel et Hardy ont-ils eu et ont-ils encore du succès non seulement parce qu’ils ont fait et font rire, mais

1. Télérama (septembre 1961). 2. Jean-Pierre Coursodon, op. cit. 3. Keaton et Cie, coll. « Cinéma d’Aujourd’hui », Seghers, 1964.

27

LAUREL_cs6_pc.indd 27 01/02/2019 11:24:02 laurel et hardy

aussi parce que, selon l’heureuse formule de Raymond Borde et Charles Perrin, « ils profanaient le décor ennuyeux de la vie quotidienne1 ». On songe ici, tout naturellement, à la maxime énoncée par Charlie Chaplin à Walt Disney : « Tu dois considérer les enfants comme des adultes en puissance et les adultes comme des enfants en puissance, et parler de telle sorte que les uns et les autres te comprennent2. » Laurel et Hardy semblent bien, eux aussi, en avoir fait leur règle d’or.

*

Ils sont toujours nos contemporains. Dans un premier temps, ils ont d’abord été les rois de l’âge d’or du cinéma- tographe (globalement de 1930 à 1960) : l’époque bénie où leurs films étaient projetés en salle et provoquaient l’hilarité collective du public. S’il n’est que rarement possible désor- mais de goûter ainsi leur humour, l’ère triomphante de la vidéo et du DVD leur a donné un second souffle et nous permet aujourd’hui de revoir ou découvrir l’intégralité de leur œuvre3 dans la chaleur du foyer. Mais si les conditions de visionnage ont radicalement changé, leur impact demeure le même. Ce livre consacré à Laurel et Hardy n’a pas la prétention d’affirmer péremptoirement qu’ils avaient du génie comme Chaplin et Keaton réunis, et que leur œuvre est grosse de toute une philosophie à déchiffrer… Il aimerait simplement

1. Raymond Borde, Charles Perrin, Laurel et Hardy, coll. « Premier Plan » n° 38, Éditions Serdoc, Lyon, septembre 1965. 2. Cité dans Cinémathèque pour vous, n° 6‑7, janvier-mars 1973. 3. On ne connaît, pour l’instant, qu’un seul film perdu de Laurel et Hardy, le mythique Hats Off (novembre 1927). Jusqu’au moment où un heureux chercheur en découvrira une copie dans les rayons d’une cinémathèque ou la cave d’un collectionneur ?

28

LAUREL_cs6_pc.indd 28 01/02/2019 11:24:02 introduction

redonner à ces chers vieux amis de notre enfance à tous, la place qui leur revient au panthéon des vrais amuseurs. À ces « Dr Jekyll et Mr Hyde » du burlesque, il veut rendre leur visage authentique : celui qui, derrière la balourdise d’emprunt qu’imposaient leurs personnages, révèle à qui sait regarder l’intelligence profonde, pétrie de sensibilité, de deux grands artistes de l’écran qui se nommaient Stan Laurel et Oliver Hardy. Certains estimeront peut-être que c’est leur faire trop d’honneur. Mais nous aimerions être compris de ceux qui savent encore ce qu’est la contagion de la joie, qui se souviennent d’avoir un jour été emportés par les rires de toute une salle, au spectacle d’une de ces vieilles bandes où les deux compères s’évertuaient à sor- tir d’impossibles aventures. De ceux qui, au temps où les cinémathèques négligeaient encore nos héros, fréquentaient les premiers et véritables temples du 7e Art, les cinémas de quartier… En nous défiant autant qu’il sera possible du pédantisme – « Au diable les études sérieuses ! », dirions-nous avec Jacques Siclier1 –, du dithyrambe incontrôlé, du délire d’interprétation, nous voulons simplement lancer au lecteur une invitation au voyage à travers un univers burlesque dont les ressources sont inépuisables, et où il ne perdra pas son temps. Si du moins, comme nous le lui souhaitons, il prend le comique au sérieux.

1. « Des barbus, qui sont professeurs dans le civil, démonteront pour nous la folle mécanique, et ce sera beaucoup moins drôle », s’inquiétait Michel Aubriant (Paris-Presse, janvier 1966). Précisons, à l’intention du lecteur qui partagerait cette inquiétude, que l’auteur de ce livre n’est ni professeur ni barbu.

LAUREL_cs6_pc.indd 29 01/02/2019 11:24:02 LAUREL_cs6_pc.indd 30 01/02/2019 11:24:02