Cercle Généalogique de Meurthe-et-Moselle

Une commune de Meurthe -et -Moselle et une date

Autrepierre 1/2

Condamné aux travaux forcés à perpétuité, sans pourvoi, Prosper Louis était-il (vraiment) l'assassin de Jeanjean son beau-père ?

Un peu moins d'un an plus tard, bagnard, Prosper décédera le 29 avril 1877, d’anémie profonde, sur l’île de Nou en Nouvelle-Calédonie où, de bonne conduite, il y apprit le métier d’effilocheur.

Les écus noirs :

Cour Assises de Meurthe-et-Moselle Présidence de M. le conseiller Benoît. Audience du 8 mai 1876

C’est pour avoir l’argent et les biens de son vieux beau-père que Prosper Louis* a tenté d’incendier sa maison.

Singulier d’hériter, que de brûler l’héritage !

Sans l’intervention des voisins, accourus à temps pour éteindre les flammes, l’immeuble du pauvre (Joseph)** Jeanjean était consumé tout entier. Cela se passait le 10 novembre dernier.

Cinq semaines plus tard, le 17 décembre, Jeanjean était trouvé sans vie dans une chambre du rez-de-chaussée de sa demeure. Les médecins constatèrent que la mort était due à une congestion cérébrale déterminée par des coups violemment assénés sur le crâne. Dès le premier instant, l’opinion accusa Prosper Louis. Mais, dès le premier instant aussi, Prosper Louis trouva un chaleureux défenseur. Ce défenseur, c’était sa femme, la propre fille du vieux Jeanjean.

Témoignage de Marie Louis née Jeanjean :

Elle avait avant tout le monde, vu son père à l’état de cadavre ; mieux que tout le monde, par conséquent, elle était en mesure d’éclairer la justice. Ce jour-là, vers midi, un négociant M. Lhuillier, pour le compte duquel travaille une personne de ma famille, se présentait chez moi, n’ayant pu rencontrer ma parente, et me pria de lui dire si je savais où était déposé l’ouvrage qu’elle devait lui rendre et dont il avait un besoin immédiat. Cet ouvrage était pris et déposé dans la maison de mon père. J’en informai M. Lhuillier, et nous sortîmes ensemble pour l’aller prendre. En arrivant, je passe la première pour entrer, naturellement. Mais, à peine ai-je ouvert la porte de la chambre dans laquelle mon père avait l’habitude de se tenir que je reste pétrifiée en face d’un épouvantable spectacle. Mon pauvre père s’était pendu !

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Autrepierre 2/2

Témoignage de Marie Louis née Jeanjean (suite) :

Accroché à une haute armoire, son corps se balançait lugubrement. J’éprouvai un saisissement si intense, que je restai sans voix ; mais je conservai assez de présence d’esprit pour intercepter le passage et empêcher M. Lhuillier d’avancer. Je ne voulais pas qu’il vît cela ; un suicide : ça aurait déshonoré ma famille ! Vivement, donc, je refermai la porte, prétextant que je m’étais trompée , que ce que nous cherchions ne se trouvait pas là …Une demi-heure après, je revins seule. J’étais très bouleversée, mais pas tellement que je n’eusse encore assez de force pour accomplir le dessein que j’avais médité. Je montai sur une chaise, et coupai la corde qui retenait mon malheureux père. Dans mon trouble, je n’avais pas réfléchi que la vigueur me manquait pour soutenir le poids du corps…Le corps se détacha et tomba lourdement.

Si, dans cette chute, la tête toucha terre, cette circonstance justifierait les contusions violentes auxquelles les hommes de l’art ont attribué la mort. Il y avait quelque apparence de vraisemblance dans ces déclarations de la femme Louis. Ces circonstances se fortifièrent même d’une circonstance qui ajoutait à leur poids : Jeanjean habitait Autrepierre, et Prosper, le matin du 17 décembre, avait été vu à Blamont entre dix et onze heures. Il est vrai que l’autopsie fixait à huit heures ou huit heures et demie le décès du vieillard ; il est vrai, d’autre part, qu’un cultivateur d’Autrepierre avait, vers ce même moment, entendu, un cri de détresse partir de la demeure de Jeanjean. Mais aucune preuve absolue, en somme ne s’élevait contre Prosper Louis, et le misérable était en droit d’attendre l’impunité. Il l’espérait sans doute, lorsqu’un hasard providentiel vint, tout d’un coup, dévoiler à la fois et la certitude du crime et la personnalité du criminel. ! ? Dans une cachette pratiquée par le gendre, dans son jardin, un chercheur intelligent découvrit sept pièces d’argent, sept écus de cinq francs, salis, ternis, noircis par le feu, sept écus qu’un témoin avait, la veille du meurtre, positivement vus entre les mains du beau-père. Elles étaient bien reconnaissables, ces pièces, puisque la fumée qui les noircissait était une trace du désastre du 10 novembre, c’est-à-dire du commencement d’incendie allumé par Louis lui-même ! La preuve était écrasante ; bien que jusqu’à la fin des débats, il ait persisté dans ses dénégations.

Prosper Louis est condamné aux travaux forcés à perpétuité.

* Prosper Rémy Louis ° 24 juin 1824 † 29 avril 1877 île de Nou - X Marie Jeanjean (de Marie Moitrier) ** Joseph Jeanjean ° 20 octobre 1803 † 17 décembre 1875 Autrepierre - X Marie Moitrie(r), XX Marie Reine Vouriot

Source texte BnF Gallica Le Petit journal 1876-05-12 page 3 - Registre matricule de Prosper Rémy Louis sur le site de l’Anom http://anom.archivesnationales.culture.gouv.fr/osd/… Pour découvrir le bagne de Nouvelle-Calédonie : https://fr.wikipedia.org/w…/Bagne_de_Nouvelle-Cal%C3%

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